Abrogation du conseiller territorial (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen de la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial.

Discussion générale (Suite)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - (Applaudissements à droite) Les semaines se suivent et se ressemblent. Je suis toujours à la disposition du Parlement, toujours heureux de m'exprimer à cette tribune, mais je m'interroge sur l'utilité de ce texte. Une nouvelle fois, la majorité territoriale a voulu revenir sur la réforme territoriale.

Je viens toujours ici avec bonheur...

M. Michel Delebarre.  - Merci !

M. Philippe Richert, ministre.  - Enseignant de formation, j'ai le goût de la pédagogie, de l'effort, de la répétition. Mais tout de même... Après l'intercommunalité, la majorité réitère avec le conseiller territorial. J'aimerais vous convaincre une ultime fois qu'il est une réponse adaptée aux défis que doivent relever nos territoires.

Une remarque tout d'abord. Le rapporteur supprime des dispositions importantes du code électoral, dont les effets secondaires sont indésirables : il abroge les sanctions pour non-respect de la parité lors des élections territoriales. Il abroge aussi la disposition d'avril 2011, par laquelle une candidature n'est recevable qu'à condition qu'un mandataire ait été préalablement désigné : c'est pourtant le bon sens ! Il sera aussi moins facile au suppléant d'accéder au mandat, ce qui nuit à la parité. (Mme Bernadette Bourzai et M. Jean-Jacques Mirassou s'esclaffent)

L'amendement abroge enfin la disposition qui permettait à un conseiller général nommé défenseur des droits de se faire remplacer par son suppléant. Tout cela montre pour le moins de la précipitation...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Que n'avez-vous amendé le texte !

M. Philippe Richert, ministre.  - Sur l'intercommunalité, nous avons siégé douze heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'était passionnant !

M. Philippe Richert, ministre.  - Je suis naturellement totalement disponible, mais j'aimerais que l'ordre du jour fût plus lisible. Je vois dans tout cela la volonté de revenir sur des débats clos il y a moins d'un an : est-ce opportun ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Non, surtout à l'heure actuelle !

M. Philippe Richert, ministre.  - Le calendrier interdit toute solution simple. Nous aurions pu, nous aurions dû nous entendre sur la proposition de loi Sueur, d'autant qu'elle faisait écho au texte proposé par M. Pélissard ; mais elle a été dénaturée.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - M. Pélissard a dit que nos textes étaient convergents !

M. Philippe Richert, ministre.  - La marque de fabrique de la Haute assemblée a toujours été d'aborder les sujets importants dans un esprit de responsabilité. Certes, la majorité sénatoriale a le droit de s'opposer au Gouvernement...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le devoir !

M. Philippe Richert, ministre.  - Sa légitimité n'est pas contestable.

M. Ronan Kerdraon.  - Cela va mieux en le disant !

M. Philippe Richert, ministre.  - Mais elle préfère les positions de principe et refuse le débat. Plus les semaines passent et plus les hommes de bonne volonté ont du mal à se rejoindre pour faire avancer la décentralisation, qui est devenue un bien commun, qui n'est plus ni de droite, ni de gauche (on en doute sur les bancs socialistes) et qui mérite mieux que ces postures.

Le Gouvernement reste malgré tout dans une attitude constructive. Il est prêt à discuter de la mise en oeuvre de la réforme, mais l'ouverture n'est pas le renoncement. Devant les maires de Haute-Savoie, le président de la République a dit sa ferme volonté d'appliquer la réforme territoriale, tout en étant ouvert au dialogue sur ses modalités.

L'instauration du conseiller territorial apportera plus de lisibilité démocratique et rapprochera les élus des électeurs, dans des cantons rééquilibrés. La représentation des territoires qui composent chaque département et chaque région est préservée.

On dit qu'un élu à la fois départemental et régional serait hybride. J'ai donc été un être hybride (« Oui ! » à gauche) et il y en a encore à gauche ! (« Oui ! » à droite) Je les salue !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous avons des noms !

M. Philippe Richert, ministre.  - Le conseiller territorial pourra sans difficulté travailler à la fois pour la région et le département. Les responsables d'associations, maires, chefs d'entreprise, particuliers auront un interlocuteur unique.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Et le cumul des mandats ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Que de temps gagné ! Que de simplifications !

M. Jean-Luc Fichet.  - Mais non !

M. Philippe Richert, ministre. - Même les maires ont parfois du mal à savoir qui fait quoi, du département ou de la région. Rationaliser le millefeuille, telle est l'utilité de cette réforme soutenue par les Français. (On le conteste vivement à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est beau comme du Sully Prudhomme !

M. Philippe Richert, ministre.  - Les interventions des départements et régions deviendront plus complémentaires et non concurrentes. Le conseiller territorial ne pourra se contredire d'une enceinte à l'autre. (Mouvements divers à gauche) Le contestez-vous ? Je n'imagine pas que cela ait pu arriver...

Les compétences des niveaux de collectivités seront clarifiées tandis que les capacités d'initiative locale sont préservées. Le rapport Peretti va dans ce sens envisageant de nouveaux schémas d'organisation entre collectivités, laissant place aux spécificités locales et l'expérimentation. Je suis prêt à y travailler. Une remise à plat sera sans doute nécessaire pour parachever notre architecture territoriale.

Le conseiller territorial est à cet égard indispensable, moteur de la dynamique de convergence et de cohérence ; le supprimer serait revenir en arrière alors que nous avons plus que jamais besoin d'innover pour optimiser la dépense publique.

En ces temps de crise, qui exigent des efforts de la part de tous, nous ne pouvons fléchir dans notre volonté de réforme. Président de la République et Gouvernement se battent pour sauver notre modèle social. Les collectivités ne peuvent s'exempter de l'effort de rationalisation des dépenses publiques. La création du conseiller territorial permettra des gains de productivité : je pense à l'entretien des collèges et lycées, de la restauration scolaire. (M. Yves Daudigny le conteste)

J'ajoute que des élections territoriales regroupées feront économiser 111 millions d'euros à chaque scrutin. (On s'indigne de l'argument à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Le plus simple serait de supprimer les élections ! 

M. Philippe Richert, ministre.  - J'aurais d'ailleurs pu invoquer l'article 40. (Marques d'amusement sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Supprimez le droit de vote !

M. Philippe Richert, ministre.  - Les élections ont un coût.

On parle ici et là du coût de construction de nouveaux hémicycles des régions, mais les estimations sont infondées. Pour preuve les exemples de l'Alsace ou du Limousin. En Alsace, notre démarche est spécifique : les conseils généraux et régional seront réunis en une collectivité unique. Cette réforme a été votée par le conseil régional à l'unanimité.

Voix à droite.  - Les socialistes sont mieux, là-bas !

M. Philippe Richert, ministre.  - Au conseil général à Colmar ou au conseil régional à Strasbourg, nos hémicycles offrent suffisamment d'espace pour réunir la nouvelle assemblée, sans dépenses supplémentaires. Et l'on parle d'1 milliard !

Vous ai-je convaincu de la légitimité du conseiller territorial ? (Marques répétées de dénégation à gauche) Je vais m'y efforcer.

Le Parlement s'est souverainement prononcé à deux reprises, en 2010 et 2011. Le Conseil constitutionnel a clairement validé la création du conseiller territorial et le tableau de répartition par département et par région. Pour ma part, j'ai le plus grand respect pour ses décisions. Le Conseil a écarté tous les arguments des opposants au conseiller territorial dans sa décision du 9 novembre 2010. La création de ce dernier n'entraîne pas la tutelle d'une collectivité sur une autre ; le seuil de quinze conseillers territoriaux a été validé, qui sauvegarde la représentation des territoires ruraux, et le Conseil n'a rectifié le tableau qu'à la marge ; le conseiller territorial ne porte pas atteinte à la parité. (Exclamations à gauche) Les conseillers territoriaux pourront être remplacés par leur suppléant pour quelque cause que ce soit, contrairement aux conseillers généraux. Combinée à l'article L. 210-1 du code électoral, cette dernière disposition permet à davantage de femmes d'accéder à un mandat.

Mme Natacha Bouchart.  - Quel progrès !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les femmes : des suppléantes !

M. Philippe Richert, ministre.  - Mais le rapporteur a supprimé une disposition importante qui favorisait la parité, fondement d'une démocratie locale modernisée.

Le Conseil constitutionnel a jugé en outre, dans sa décision du 21 juillet 2011, que l'égalité devant le suffrage devait s'apprécier au sein de la région et non au plan national, et que le conseiller territorial ne portait pas atteinte au corps électoral des sénateurs.

Restent les points qui font l'objet du projet de loi 61. Le Gouvernement est ouvert à la discussion. Nous avons jusqu'à mars 2013 pour parachever cette réforme.

Le Gouvernement ne peut être favorable à un texte qui met à mal la modernisation des collectivités territoriales ; il entend tenir le cap. La majorité est dans le symbole plus que dans l'action. C'est une occasion ratée de faire vivre une oeuvre commune, celle de la République décentralisée. (Vifs applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous en avez raté tant !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Votre enthousiasme et votre fougue, monsieur le ministre, étaient-ils à ce point nécessaire si le conseiller territorial a les vertus que vous dites ? Ce n'est pas par négligence que nous avons voulu abroger les dispositions que vous avez citées, mais par choix : le relèvement du seuil des inscrits pour se maintenir au second tour ne faisait pas l'unanimité et ne garantissait pas le pluralisme ; les sanctions pour non-respect de la parité ne s'appliqueront qu'aux conseillers territoriaux, il fallait les supprimer. Quant à la parité... Tout votre raisonnement repose sur l'hypothèse que les suppléants ne sauraient être que des femmes ! (Applaudissements à gauche) Le rapport de Mme André au nom de la commission des finances relève que l'UMP, formation qui ne vous est pas totalement étrangère, devra reverser à l'État, pour non-respect de la parité, 4 millions d'euros -500 000 euros pour le parti socialiste, 67 000 euros pour le parti communiste ; les chiffres parlent d'eux-mêmes ! (Vifs applaudissements à gauche).

M. Philippe Richert, ministre.  - Il me faudra reprendre la parole tout à l'heure pour répondre.

M. Jacques Mézard.  - Si le rendez-vous fut manqué, c'est que vous posâtes un lapin aux collectivités locales... Il est logique que le message des grands électeurs ait une traduction législative au Sénat, maison des collectivités. Il est logique que notre Haute assemblée débatte, en priorité, de la manière de ramener la sérénité dans nos territoires, en supprimant cette créature hybride qu'est le conseiller territorial. Il est logique que le Sénat proteste des mauvaises manières qui lui ont été faites, pour parvenir à arracher un vote dans des conditions qui ne méritent pas de rester dans les annales parlementaires. Vous avez provoqué l'opposition sénatoriale et l'avez rendue majoritaire...

Le travail de la mission Belot-Gourault-Krattinger a été déconsidéré. Sur le mode de scrutin et l'amendement About, sirop indispensable pour amadouer les Centristes et faire avaler la pilule qui a suivi du scrutin uninominal à deux tours, vous vous êtes dédits... On attend toujours le débat public sur le projet de loi n°61... Et j'en passe ; tout cela mérite de trépasser.

Simplifier l'architecture et le fonctionnement des collectivités locales, voilà qui devrait nous rassembler. Mais le conseiller territorial n'est qu'un instrument électoral, de nature à modifier l'équilibre politique actuel, en particulier dans les régions. (Exclamations sur les bancs UMP) Du rapport Balladur à la loi de 2010, il y a un abîme ! Là-dessus se greffent la suppression de la taxe professionnelle et la perte d'autonomie fiscale des régions : la cible était bien identifiée...

Le 20 octobre 2009 à Saint-Dizier, le président de la République disait qu'il n'était pas l'homme des rapports enterrés, qu'une place devait être réservée aux petits partis dans les conseils généraux et régionaux en attribuant une partie des sièges à la proportionnelle, que la parité serait respectée... Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ! Résultat ? Des assemblées régionales pléthoriques et ingérables -au moment où vous réduisez le nombre de conseillers communautaires ! Vous institutionnalisez le cumul des mandats ! Avec des contraintes de déplacement considérables -entre le nord de l'Allier et le sud de la Haute-Loire par exemple. (Exclamations, sur les bancs UMP, couvrant un instant la voix de l'orateur)

Puis-je continuer ? Je n'oublie pas la parité foulée aux pieds.

Votre prédécesseur, monsieur le ministre, a dit que le chevauchement des compétences coûte 20 milliards d'euros.

M. Philippe Richert, ministre.  - Non ! C'est René Dosière qui le dit !

M. Jacques Mézard.  - J'ai ici le compte rendu des débats. Le Gouvernement ne simplifiera rien. Le conseiller territorial sera partout et nulle part.

Voix à droite.  - Est-ce votre proposition de loi ?

M. Jacques Mézard.  - Je l'ai cosignée et nous la voterons, car nos collectivités méritent mieux : elles le savent et elles l'ont dit ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Patrick Courtois.  - (Applaudissements à droite) La réforme territoriale était indispensable. C'est la première étape d'une nouvelle organisation institutionnelle. Le président de la République l'a voulue, le Parlement en a longuement débattu, et nous-mêmes pendant plus de 120 heures.

Outre le rapport Balladur, il y eut les rapports Mauroy, Pébereau, Lambert, Attali, Belot...Tous ont souligné la fragmentation de notre paysage institutionnel et l'enchevêtrement des compétences. Voilà le fondement de notre réforme courageuse, que vous voulez détricoter. Je m'étonne d'ailleurs de ce saucissonnage : vous rejetez le texte en bloc, mais proposez la suppression du conseiller territorial après avoir refondu l'intercommunalité. Avez-vous compris la cohérence de la réforme ?

Près de trente ans après les premières lois de décentralisation, nous avons voulu ouvrir une nouvelle ère. Le temps de la centralisation et de l'uniformité est révolu. En 1946, les collectivités territoriales furent reconnues dans la Constitution. L'Histoire retiendra que c'est le président Mitterrand, en 1982, qui a engagé la décentralisation, mais c'est la droite et le centre qui, en 1995, en ont tiré les conséquences pour l'aménagement du territoire, qui en 2003 ont inscrit dans la Constitution le principe de la République décentralisée, puis ceux de subsidiarité et d'autonomie financière (Applaudissements à droite)

M. Alain Bertrand.  - C'est la faillite de l'autonomie !

M. Jean-Patrick Courtois.  - La décentralisation a libéré les énergies, créé une démocratie de proximité. C'est en réformant nos structures territoriales que nous renforcerons la démocratie locale. On a entendu des idées fantaisistes : supprimer les départements, regrouper les régions, fusionner les communes... Il n'en a jamais été question !

Notre réforme refonde la démocratie locale autour de deux pôles : les régions et départements d'un côté, les communes et intercommunalités de l'autre. Le département, biséculaire, a vu ses compétences s'accroître et reste un soutien indispensable aux communes rurales ; quant à la région, c'est la plus jeune des collectivités : elle a vocation à conduire des politiques structurantes.

Fallait-il choisir entre les deux niveaux de collectivités ?

M. Bruno Sido.  - Non !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Le Parlement a fait un choix simple et ambitieux : le conseiller territorial siégera à la fois dans les assemblées régionales et départementales. Souvenons-nous de la Grèce, où les mêmes personnes traitaient de toutes les questions locales sur l'agora !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est beau comme l'antique !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Le conseiller territorial engage le chantier de la simplification. Il est porteur d'une double mission, régionale et départementale. Il favorisera la complémentarité au lieu de la redondance. Il sera l'interlocuteur unique !

Créer le conseiller territorial, c'était faire le pari de l'intelligence des territoires. La région y trouvera un surcroît de légitimité, alors qu'elle souffre aujourd'hui d'un manque de lisibilité, donc de légitimité. Qui connaît son conseiller régional aujourd'hui ?

M. Bruno Sido.  - C'est bien vrai ! (On renchérit sur les bancs UMP)

M. Jean-Patrick Courtois.  - Que propose Terra Nova ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce club de réflexion n'engage pas le Parti socialiste !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Votre seul credo, c'est de ne rien changer et Terra Nova propose de revenir au scrutin de liste, avec conseillers régionaux et généraux, bref de ne rien changer.

Sous prétexte de parité, le Parti socialiste veut maintenir ses apparatchiks. (On le confirme et applaudit sur les bancs UMP) quand nous voulons rendre les conseillers territoriaux audibles, visibles et en prise avec les problèmes des Français.

Pour le scrutin départemental, Terra Nova propose des solutions irréalistes ou qui favorisent outrageusement le Parti socialiste. Elles privilégieraient aussi les intercommunalités au détriment des communes. Mais si l'intercommunalité doit apporter de meilleurs services publics, la commune demeure au centre de notre organisation. Terra Nova, ou plutôt le Parti socialiste...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela n'a rien à voir !

M. Alain Bertrand.  - Qu'est-ce que Terra Nova ?

M. Jean-Patrick Courtois.  - ...prône un système qui permet toutes sortes de combinazione sur le dos des électeurs.

Le pire service que nous pourrions rendre à la décentralisation serait de revenir en arrière, car des institutions trop complexes découragent les bonnes volontés.

Revenir sur cette réforme au nom d'intérêts particuliers serait regrettable. La création du conseiller territorial doit être maintenue, sa suppression serait une farce digne d'un grand prestidigitateur ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP se lèvent et applaudissent)

M. Philippe Adnot.  - Je vais voter ce texte parce que l'honneur d'un parlementaire est de voter en son âme et conscience. (On s'étonne à droite ; on applaudit à gauche) Mes amendements ont parfois été soutenus à gauche !

Les élus locaux ont changé la majorité au Sénat - mais c'est déjà oublié, dirait-on ! N'y a-t-il aucun rapport avec l'adoption de la réforme de 2010 à trois voix près ? Réforme douteuse, inutile, cause de divisions. (Applaudissements à gauche)

Les forces du mal sont toujours à l'heure, car on ne nous a pas dit la vérité. M. Gilles Carrez, la semaine dernière, a dit qu'en fusionnant département et région on économiserait 2,5 milliards. Y aura-t-il demain moins de routes à entretenir, d'équipements à construire ? Il y aura des états-majors, des frais de fonctionnement : vous verrez les dépenses induites ! Le Gouvernement doit remettre en cause une politique dont le bilan est dramatique : 500 milliards de plus d'endettement en quatre ans. Il n'y a rien de pire que de persévérer dans l'erreur par pur entêtement.

(Applaudissements à gauche)

M. Christian Favier.  - La création du conseiller territorial a été obtenue en 2010 au moyen d'un amendement de dernière minute, quasiment en catimini. Chacun de nous a perçu la contestation sur le terrain. Ce conseiller territorial cumulard, comment l'accepteraient-ils ?

C'est un recul démocratique et une remise en cause de la décentralisation. Les collectivités seront gérées par un nombre insuffisant d'élus.

M. Bruno Sido.  - Dans le Val-de-Marne ?

M. Christian Favier.  - Oui, 14 conseillers généraux disparaissent... Avant la disparition des départements, qui se seront mués en guichets administratifs de l'action sociale.

On sait le rôle des conseillers généraux sur le terrain. C'est une réalité et une richesse démocratique. Président d'un conseil général de département très urbanisé, je connais leur action, dans leurs permanences et les institutions, les conseils d'administration où ils siègent. La réduction de 50 % de leur nombre les transforme. Ils seront en permanence en session ! Ils représenteront à la région leur département, l'article 5 de la loi 2010 le dit bien. Ils ne pourront plus animer la démocratie locale et perdront le contact avec la vie territoriale, deviendront des gestionnaires. La proximité coûte cher disait Philippe Séguin : le Gouvernement s'en prend donc à elle... Le rôle des conseillers généraux est multiforme.

M. Jean Bizet.  - Terminez !

M. Christian Favier.  - Nous nous félicitons qu'une majorité de sénateurs se retrouvent dans notre proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Delebarre.  - Je ne reviendrai pas sur la gestation de la loi de 2010 et l'intervention du Conseil constitutionnel, qui n'a pas contribué à faciliter l'arrivée de cet élu mort-né. (On s'impatiente, à droite) J'essaierai de tenir dans mes huit minutes ; c'est vous qui allez me supplier de continuer ! (Rires)

La loi de 2010 maltraite les collectivités territoriales et marque un recul de la décentralisation. Le conseiller territorial ne respecte pas l'égalité devant le suffrage : un conseiller territorial représentera 8 000 électeurs en Limousin ou Lorraine, 29 000 dans le Nord-Pas-de-Calais, 37 800 en Île-de-France. Pourquoi faudrait-il apprécier la représentation au niveau régional ? Des considérations électoralistes ont présidé au découpage...

Cet être hybride ne manquera pas de souffrir de schizophrénie, lui qui devra passer en un seul jour du conseil régional au conseil général et réciproquement. (Exclamations à droite)

M. Michel Delebarre.  - Tempérez votre enthousiasme, je n'ai pas encore fini ! (Sourires)

Un seul élu pour divers niveaux de collectivités, c'est un recul démocratique.

Nous aurions pourtant besoin de nous rapprocher de la population pour mieux comprendre ses attentes !

Le conseiller territorial ne clarifie rien quant aux compétences respectives : il exprimerait une sorte de solidarité fonctionnelle entre région et département ? Les deux ont des vocations différentes, comme le soulignait le rapport de Mme Gourault et M. Krattinger !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est pourquoi on les garde.

M. Michel Delebarre.  - Le département est voué à la solidarité sociale et territoriale, la région à la stratégie. Si un couple existe, c'est plutôt entre le département et le bloc communal.

Proximité, prise en compte des besoins locaux valent mieux que démagogie. Le recul de la parité, l'affaiblissement de l'un des niveaux de collectivité -variable selon les territoires- nous ont également incités à soutenir cette proposition de loi, avant les états généraux annoncés par le président Bel.

C'est, mes chers collègues de droite, votre dernière chance de prendre en marche le train de la nouvelle décentralisation ! (Sourires et applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le conseiller territorial est devenu tristement célèbre. Sur ce sujet, il y a un avant et un après 25 septembre, date de basculement à gauche du Sénat, lié au rejet de la politique menée par le Gouvernement à l'égard des collectivités locales. Et ce n'est pas faute, pour vous, d'avoir été alertés par les élus locaux qui sont aussi les grands électeurs. Ce conseiller territorial est une atteinte à la libre administration des collectivités ; le mode de scrutin retenu ne peut qu'affaiblir la représentation féminine. Étant partout, cet élu ne serait nulle part. C'en serait fini de la proximité.

Le vote du 25 septembre fut une sanction à l'égard du Gouvernement. La nouvelle majorité considère aussi qu'elle a reçu un mandat pour rétablir un lien de confiance entre Parlement et collectivités territoriales. Cette détermination nous anime alors que nous entendons jeter les bases d'une nouvelle décentralisation. Les états généraux voulus par le président Bel en marqueront le début.

Pour l'heure, l'objectif est simple : mettre un frein au formidable recul démocratique de la loi de 2010. Faisons disparaître du paysage politique un élu qui n'aurait jamais dû y apparaître. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Bernadette Bourzai.  - Ce que le ministre a dit de la parité est consternant et je remercie le rapporteur de sa réponse.

Les réticences ont été nombreuses lors de la création de cet élu hors sol, personnage à deux têtes, qui marque une mise sous tutelle d'une collectivité par une autre. Mme Michèle André, pour la mission des droits des femmes et l'Observatoire de la parité, a souligné le danger d'un recul de la représentation des femmes. Avec le scrutin uninominal majoritaire, les femmes sont pénalisées. Voyez les conseils généraux : 12,3 % de femmes parmi les élus. Dans les conseils régionaux, le taux est de 48 % !

Où est l'égal accès aux fonctions électives inscrit à l'article premier de la Constitution ? La parité progressait dans la vie publique locale, comment accepter de revenir en arrière ?

« Ne vous inquiétez pas », disait votre prédécesseur, monsieur le ministre, « avec le scrutin communautaire, vous aurez les moyens de vous faire une place ». Nous devrons donc refaire nos classes ! En 1978, quand j'ai commencé en politique, en Corrèze, M. Jacques Chirac disait : « la femme corrézienne est dure à la tâche. Elle se tient debout derrière les hommes, elle les sert et elle se tait. » (M. Philippe Bas applaudit) Eh bien, nous ne nous tairons plus ! (Vifs applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial (n°88, 2011-2012).

La parole est à M. Hyest. (Encouragements sur les bancs UMP)

M. Michel Delebarre  - Courage ! (Sourires à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - L'entreprise de démolition se poursuit, après une proposition de loi Sueur qui proposait initialement une modification mineure, sur laquelle un consensus aurait été possible, sur la base de la proposition de loi Pélissard. Vous avez préféré porter atteinte à la carte des EPCI et à l'intercommunalité. Heureusement, la loi continue de s'appliquer...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Les élus locaux sont heureux !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est la béatitude !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Il y a certes eu des craintes des élus locaux mais ça a été instrumentalisé. La désinformation a eu son effet.

M. Michel Delebarre.  - Quelle perversité !

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est aujourd'hui le tour du conseiller territorial. Dans mon conseil général, nombre de mes collègues de gauche siègent aussi à la région et fustigent le cumul des mandats... (Exclamations approbatrices à droite)

Mais ce qui m'amuse le plus, c'est l'argument sur les hémicycles.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Quel rapport avec l'inconstitutionnalité ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous avez construit des palais des collectivités locales. (On renchérit à droite)

MM. Bruno Sido et Rémy Pointereau.  - Guérini !

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'étais favorable à une structure composée des couples communes-intercommunalité et départements-interdépartementalité.

M. Gérard Larcher.  - On s'en souvient.

M. Pierre Hérisson.  - À l'Assemblée nationale, déjà !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Les régions n'ont pas trouvé leur place. Elles n'ont pas de travail.

M. Michel Delebarre.  - Allons !

M. Raymond Vall.  - Vous les avez tuées !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Certains défendent la région parce qu'ils en président une. Le département est conforme à la tradition française -souvenez-vous de ce que disait là-dessus un ancien président de la République !

Vous connaissez le sort qu'a fait le Conseil constitutionnel à votre saisine sur la loi du 16 décembre. Il n'estime pas la réforme contraire à l'article 72 de la Constitution. Certains n'ont peut-être encore pas eu la décision ? (Il faut la lire ! à droite) Il a clairement dit que le conseiller territorial ne constitue pas de tutelle de la région sur les départements. Ce grief doit donc être écarté.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - En quoi la présente proposition de loi est-elle contraire à la Constitution ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je n'insisterai pas pour ne pas lasser... (Rires à droite, où l'on encourage l'orateur) Au risque de passer pour légaliste, j'avoue que j'ai toujours été choqué que certains contestent des décisions du Conseil constitutionnel. Je respecte toutes les décisions du Conseil, même lorsqu'elles ne nous conviennent pas... La question prioritaire de constitutionnalité que nous avons créée donne un pouvoir accru aux électeurs, comme la saisine par les parlementaires instaurée sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing.

M. Michel Delebarre.  - Et si l'on en venait au sujet ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Certains ont affirmé que la réforme territoriale avait décidé du résultat des élections sénatoriales. Ce n'est pas le seul facteur.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - En quoi la présente proposition de loi est-elle contraire à la Constitution ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Cessez de faire le perroquet ! (Rires)

Les élus régionaux, on ne les connaît pas. Je veux répondre à M. Delebarre, qui juge scandaleuse...

M. Michel Delebarre.  - Ce n'est pas dans mon vocabulaire.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est l'idée.

M. Delebarre, donc, dénonce la diminution du nombre d'élus. Savez-vous que l'écart de représentation des conseillers généraux va, d'un département à l'autre, de 1 à 63 ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Plus d'un an et demi pour savoir pourquoi le texte est inconstitutionnel...

M. Jean-Jacques Hyest.  - La clause de compétence générale, comme tous les étudiants en droit le savent, n'existe pas. Certains roitelets feraient bien de le méditer.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Plus que 40 secondes pour savoir en quoi la présente proposition de loi serait contraire à la Constitution...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Dans le texte initial de Mme Borvo, les départements se retrouvaient sans élus. J'ai bien envie de demander à la commission des finances si l'article 40 ne s'applique pas... (Brouhaha à gauche ; vifs applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume.  - Je félicite les auteurs de cette proposition de loi, qui nous réunit si nombreux à cette heure tardive, dans une atmosphère si chaleureuse !

Oui, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous. Mais l'interprétation des auteurs de la motion est inadéquate : rien n'empêche de revenir sur une réforme validée par le Conseil constitutionnel ! Il n'appartient pas à celui-ci d'apprécier l'opportunité d'une telle décision, politique.

En outre, l'article 39 de la Constitution défend l'initiative parlementaire. La révision de 2008 devait revaloriser le rôle du Parlement : qu'il en soit ainsi !

Nous nous accordons tous sur l'intérêt que présentent les collectivités. Mais nos visions sont diamétralement opposées. La majorité sénatoriale a adopté la proposition de loi de M. Sueur, que je félicite, sur l'intercommunalité. Le présent texte est soutenu par l'ensemble des forces progressistes du Sénat. (Rires moqueurs à droite)

La création du conseiller territorial s'appuie sur un argument fallacieux : les économies qui seront réalisées, parce que les indemnités des élus représentent seulement 0,4 % du budget des collectivités ! Et le Premier ministre mentionne les « dépenses exorbitantes » des collectivités...

Le ministre nous a expliqué que la crise nous oblige, et a évoqué le coût des élections. Faible argument, vraiment, en faveur de ce conseiller territorial, qui amènera de la confusion.

Il faut clarifier les compétences, non fusionner les mandats. Millefeuille, dit M. le ministre ? Mais s'il est possible de fusionner les collectivités alsaciennes, il n'en va pas de même ailleurs.

Le conseiller territorial n'est pas adapté aux zones rurales.

Oui, il sera nécessaire de redécouper les cantons pour restaurer un équilibre démographique. Mais le conseiller général est l'élu auquel s'adressent maires, associations, acteurs économiques. Éloigner les élus des citoyens, c'est porter un coup à la démocratie locale. S'il y a bien un rendez-vous manqué, c'est celui du Gouvernement avec les élus du peuple.

Il est peu probable que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Mais ce texte sera un engagement pour l'avenir : la gauche prépare l'acte III de la décentralisation.

Notre argumentation se fonde sur la Constitution, qui s'impose à tous les républicains.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - La commission est naturellement défavorable à la motion.

M. Philippe Richert, ministre.  - J'ai dit quelles conclusions il fallait tirer des décisions du Conseil constitutionnel. L'exposé de M. Hyest était brillant. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Aucun argument !

M. Philippe Richert, ministre.  - On reproche au conseiller territorial d'avoir à exercer des responsabilités régionales et départementales.

Regardons chez nos voisins. Le budget de l'ensemble des régions de France, c'est 28 milliards d'euros ; le budget d'un seul land, celui de Bade-Wurtemberg, est de 35 milliards.

Pourquoi refuser de confier des responsabilités aux collectivités, et de les réorganiser ? S'occuper à la fois du social, des collèges et des routes, des lycées et des réseaux ferroviaires de l'autre, est-ce aberrant ?

M.Michel Delbarre.  - La Bavière ne s'occupe pas à la fois de ce qui est départemental et régional !

M. Philippe Richert, ministre.  - La Bavière, c'est aussi 35 milliards de budget. Notre déficit est de 70 milliards, l'excédent de l'Allemagne de 150 milliards : regardons comment on fait ailleurs, apprenons de nos voisins ! (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet.  - Le groupe UMP fait siennes les observations de M. Hyest. Cette proposition de loi est contraire aux principes constitutionnels.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absurde ! Vous n'avez pas un seul argument !

M. François-Noël Buffet.  - Le Conseil constitutionnel a rejeté la saisine des parlementaires de gauche sur la réforme territoriale.

De quel conservatisme fait preuve la majorité ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'indigne) On veut préserver ses acquis. Défendre les élus, c'est très bien, mais les citoyens ? Vouloir des collectivités plus efficaces est légitime. Nos concitoyens nous disent qu'ils en ont assez de l'inefficacité, du gaspillage.

M. Yves Rome.  - Scandaleux !

M. François-Noël Buffet.  - M. Rebsamen avoue lui-même qu'il s'agit surtout de roder des arguments pour M. Hollande...

Enfin, je n'ai pas entendu parler d'économies, de rationalisation. À l'occasion du PLFSS, vous avez créé dix-sept taxes ! (On le conteste à gauche)

Nous sommes nombreux ce soir, mais peut-être pas assez. C'est pourquoi, en vertu de l'article 55 du Règlement, nous demandons la vérification du quorum.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Certains arguments ont un lointain rapport avec le sujet... Faire vérifier le quorum, c'est faire perdre une heure !

Quant à l'irrecevabilité, je n'ai pas entendu un seul argument montrant l'inconstitutionnalité du texte. Je m'étonne du soutien du Gouvernement aux auteurs d'une motion qui avancent un seul argument : le Conseil constitutionnel a jugé que la création du conseiller territorial n'était pas contraire à la Constitution.

Ils en déduisent, par un vrai paralogisme, que la suppression du conseiller territorial est anticonstitutionnelle. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - En application de l'article 51, alinéa 2 bis, du Règlement, pour vérifier que la demande de quorum satisfait les conditions requises, il va être procédé à un appel nominal.

Il est procédé à l'appel nominal.

M. le président.  - Les conditions sont réunies. L'instruction générale du Bureau du 7 octobre 2009 me donne la possibilité de vérifier moi-même que le quorum est atteint, avec l'assistance de deux secrétaires du Sénat.

Il est procédé à la vérification.

M. le président.  - Le quorum n'est pas réuni.

En conséquence, je suspends la séance pour une heure.

La séance est suspendue à 23 h 55.

*

*          *

La séance reprend à minuit cinquante-cinq.

M. Didier Guillaume.  - Au nom de la majorité sénatoriale, je vous demande, monsieur le président, de consulter le Sénat pour changer notre ordre du jour de demain, afin d'avoir un peu plus de temps pour débattre cette nuit, pour ne reprendre demain qu'en début d'après-midi.

M. Bruno Sido.  - Suspension de séance, il faut en parler !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Favorable à la demande de M. Guillaume, car la discussion de ce soir est passionnante.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Sagesse.

M. François-Noël Buffet.  - Une fois de plus, nous constatons la difficulté actuelle à organiser les débats.

M. Éric Doligé.  - Ça change tout le temps.

M. François-Noël Buffet.  - Les durées des débats sont mal appréciées. On oublie les engagements pris en Conférence des présidents, on en vient à reporter le début du débat budgétaire ! Je demande une suspension de séance pour que notre groupe arrête sa position.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ce n'est pas de droit !

M. le président.  - Je suspends la séance pour quelques minutes.

La séance, suspendue à 1 heure, reprend à 1 h 10.

M. le président.  - J'ai été saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur la poursuite de nos travaux jusqu'à leur terme.

M. François-Noël Buffet.  - Je demande la parole !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le scrutin est ouvert.

M. le président.  - Pas encore.

M. François-Noël Buffet.  - Selon la Constitution, l'examen du projet de loi de finances et celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont prioritaires. Le report du début du débat budgétaire est-il possible ? En tout cas, la demande formulée devrait être votée à main levée.

M. le président.  - Le Sénat est maître de ses horaires et il n'y a pas modification à l'ordre du jour.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Seul le Bureau pourrait se prononcer !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'assemblée est souveraine.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On affiche la volonté de décider collégialement au sein du Bureau et au premier problème, on tranche autrement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Bureau se réunit en dehors de séances, mais quand elle est en séance l'assemblée est souveraine.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pas en scrutin public, au moins.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il est de droit.

M. le président.  - Le Sénat a toute légitimité pour se prononcer.

M. François Zocchetto.  - La confusion s'installe dans l'organisation de nos travaux. (Protestations sur les bancs CRC)

Elle est liée à notre incapacité à prévoir la durée d'examen des propositions de loi socialistes. Cela nous donne l'impression de ne plus maîtriser les horaires ni, en conséquence, l'ordre du jour.

Un certain nombre d'entre nous sortons de la plus laborieuse Conférence des présidents... Nous avons prévu d'allonger les temps d'examen des propositions de loi -il y a un précédent, la proposition de loi Sueur nous a occupés trois fois plus longtemps que prévu. On voit bien dans quelle situation nous sommes engagés, avec des effets d'annonces électoraux plus que des discussions sur le fond.

Si toutes les propositions de loi de gauche donnent lieu à de telles dérives, nous ne pourrons plus travailler ! (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Troendle.  - Nous avons, dans le passé, lorsque l'examen durait trop, renvoyé des textes à plus tard ; nous les reprenions sereinement, à un autre moment, qui pouvait être plusieurs semaines ou plusieurs mois après.

M. Gérard Miquel.  - Nous pouvons sans conséquence démarrer un peu plus tard l'examen de la première partie du projet de loi de finances, car nous avons à étudier beaucoup moins d'amendements sur la première partie que les années passées.

M. Hugues Portelli.  - Selon l'article 47, le Sénat doit statuer sur la loi de finances dans les quinze jours. Faute de quoi le Gouvernement peut nous en dessaisir.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pourquoi un scrutin public ? Il faut que ce soit à main levée.

M. le président.  - Le scrutin public demandé par le groupe socialiste est de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 347
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 175
Contre 172

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Troendle.  - Vous êtes minoritaires ! J'espère que vous l'avez compris.

M. le président.  - Nous votons sur la motion n°1.

À la demande du groupe socialiste, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 167
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Francis Delattre.  - Le vote est personnel. Je pense que ces scrutins auxquels participent les absents sont anticonstitutionnels.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La majorité n'a jamais voulu changer le système.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Rien dans le Règlement n'autorise un scrutin public. Nous ne sommes pas en matière législative. Nous aurions dû voter à main levée. Ce vote est entaché d'illégalité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Notre système de vote a été deux fois validé par le Conseil constitutionnel.

Le Règlement mentionne un scrutin public de droit sans préciser la matière couverte.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. Gélard et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial (n°88, 2011-2012).

M. Patrice Gélard.  - Nous voilà dans le fond même de la démocratie parlementaire : après l'irrecevabilité, la question préalable, ensuite viendra le renvoi en commission. La première se conçoit plutôt dans le domaine constitutionnel mais la commission et notre Règlement prévoient qu'elle peut s'étendre à d'autres domaines. Certains États ont mis en place des commissions visant à étudier la conventionalité, la constitutionnalité, la compatibilité avec les autres lois et règlements.

Le renvoi en commission est en quelque sorte un droit à une seconde lecture, utilisé face à un texte incomplet. Le renvoi en commission permet d'améliorer la rédaction.

Quant à la question préalable, il en existe deux sortes, l'une positive et l'autre négative. La question préalable négative consiste à refuser un texte -à l'enterrer, puisque le vote conduit à l'abandon du texte. Mais il y a aussi la question préalable positive, quand on ne veut pas voter conforme, mais qu'on souhaite simplifier le débat.

Nous employons les moyens dont nos collègues de gauche nous ont appris le maniement.

Je me demande si la majorité sénatoriale ne réalise pas un rêve qui passerait, pour faire écho à la célèbre chanson, qui cache quelque chose d'autre. Pourquoi avons-nous déposé une question préalable négative ? Parce que nous sommes l'opposition et tenons à en tenir le rôle, totalement. C'est votre jurisprudence. Mais la majorité sénatoriale ne s'est-elle pas trompée de logistique et de stratégie ? Car le Sénat ne décide pas seul et c'est le Gouvernement, ou la majorité de l'Assemblée nationale, qui décidera l'inscription à l'ordre du jour des travaux des députés. Vous faites un coup. Mais c'est le conseiller territorial qui demeurera juridiquement valable. Ne vous êtes-vous pas lancés dans une expédition dans un marécage ?

Je voterai la question préalable parce qu'elle est un de nos droits d'opposants. Et parce que le texte d'aujourd'hui ne règle pas grand-chose et n'est sans doute pas constitutionnel. Comment s'engager dans ce vide juridique ? Vous n'avez rien à nous proposer !

M. Edmond Hervé.  - Zéro, monsieur le doyen !

M. Patrice Gélard.  - Et la proposition de loi est-elle conforme à l'article 40 de la Constitution ? J'en doute. (Applaudissements à droite)

M. Yves Rome.  - Aux doutes existentiels de M. Gélard, je répondrai qu'il est urgent de supprimer cet élu hybride, hors sol, dont le vote était bien douloureux dans vos rangs. Certains d'entre vous, ici présents, pensent comme nous !

Les Français ne s'y sont pas trompés et par leurs grands électeurs, vous ont infligé un camouflet électoral, dont vous ne parvenez à vous remettre. Vos raisons de voter la question préalable n'en sont pas. Il faut voter contre. (Applaudissements à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement pense que la loi de 2010 mérite d'être appliquée. Avis favorable.

L'article 48 de la Constitution fixe une priorité à la discussion budgétaire. Je comprends que vous jugiez vos propositions de loi importantes, mais l'examen du projet de loi de finances (PLF) est indispensable.

Je suis à disposition du Sénat, ai-je dit, mais d'heure en heure, le retard s'accumule. Comme sur la proposition de loi Sueur.

Je ne pourrai ouvrir tout à l'heure le congrès de l'AMF. Le Sénat et le Parlement sont prioritaires, mais je voulais vous indiquer à quel engagement je devais renoncer...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Votre discours s'adresse à votre majorité, responsable de ce retard.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le débat devait durer quatre heures !

M. Éric Doligé.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 40. Depuis dix ans, j'ai appris les règles établies au Sénat, que les présidents Poncelet puis Larcher appliquaient. (On s'indigne sur les bancs CRC) On respectait les temps prévus pour le débat des propositions de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il n'y avait pas de proposition de loi.

M. Éric Doligé.  - Je ne sais ce qui s'est passé en octobre ni pourquoi on ne peut plus travailler correctement. Le Bureau a annoncé que l'opposition disposerait d'un temps équivalent pour l'examen de ses propositions de loi. Mais quand parviendrez-vous à nous restituer une telle durée ? En juin prochain, sans doute ? Cela n'est pas acceptable. Nous travaillions dans le passé dans une plus grande sérénité.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Vous avez la mémoire courte.

M. Éric Doligé.  - Quels engagements ont été pris au Bureau ? Nos propositions de loi ont-elles une chance d'être traitées équitablement ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si nous avions un accord sur les temps d'examen, dans le passé, c'est que chacun respectait le débat et acceptait de discuter sérieusement, jusqu'au vote. La Conférence des présidents a prévu un temps d'examen des propositions de loi de l'opposition.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Rappel au Règlement. L'improvisation de notre travail me surprend et me navre.

Avec quelle légèreté balayez-vous le débat budgétaire, enserré dans un cadre constitutionnel strict !

Certains appellent la VIe République de leurs voeux : mais c'est plutôt, ce soir, le retour à la IVe !

Nous nous concentrons en outre sur un texte qui n'a aucun avenir.

Le temps de l'initiative parlementaire mange et grignote les textes d'origine gouvernementale.

J'en appelle aux Centristes et à mes collègues de l'UMP : dressons-nous !, pour qu'ensemble nous protégions la Ve République et la primauté de l'action gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Catherine Troendle.  - Le doyen Gélard a été clair. Comme le ministre, nous nous interrogeons sur l'utilité de ce texte. Vous recherchez surtout une tribune politicienne à l'approche du congrès des maires. Il y a peu, l'intercommunalité, aujourd'hui, le conseiller territorial. Votre méthode ne correspond pas à ce qu'attendent les Français des responsables politiques. Il faut attendre que la réforme entre en application pour y revenir si nécessaire.

La marque de fabrique du Sénat, c'était le débat équilibré et respectueux, le sérieux, sans confusion des rôles. Je commence à douter des intentions de la nouvelle majorité.

Le conseiller territorial, réponse adaptée aux difficultés des territoires, est un élu légitime de notre République et nous ne pouvons accepter une proposition de loi qui vise essentiellement à mettre à mal la loi de 2010.

Je comprends et partage vos préoccupations sur les compétences. Mais que proposez-vous ? Vos idées sont peut-être inavouables au grand public ?

Nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Alain Bertrand.  - Si les citoyens nous voyaient... Ils préféreraient qu'on leur dise comment vous avez augmenté si fortement le chômage, les déficits.

À vous entendre, vous avez une vision, vous vous préoccupez de l'avenir du pays ; et nous, nullement ! Vous avez fait passer les déficits à 150 milliards d'euros, le chômage à 1,2 million de personnes, vous avez fait une réforme territoriale pour priver les électeurs du droit de choisir que des départements et des régions ne soient pas dirigés par l'UMP mais vous vous présentez comme des parangons de vertu. Tellement vertueux que vous n'osez le dire, la loi de 2010 était démagogique, prise au prétexte d'économies.

Aucune réforme ambitieuse, aucune clarification des compétences, l'assèchement des ressources des départements et régions, rien sur la fiscalité locale. En Lozère, à ma grande satisfaction, j'ai vu défiler des sommités de la politique française, notamment le président de la République ! Il y eut aussi l'ancien président du Sénat, le sénateur-maire de Marseille et beaucoup d'autres personnalités politiques. Et tous ont expliqué aux grands électeurs qu'ils avaient voté cette réforme, mais un peu forcés par le président de la République ! (Applaudissements à gauche)

Si nous votions en conscience, votre réforme territoriale et le conseiller territorial ne récolteraient pas la majorité...

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 347
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 169
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - M. Bertrand parle d'éthique, nous accuse de dissimuler nos convictions, c'est indigne !

Nous avons inscrit dans la Constitution le partage du temps d'initiative. Or jamais sous l'ancienne majorité du Sénat il n'y a eu de tels coups de force. J'ai beaucoup travaillé avec M. Frimat pour trouver des solutions consensuelles. Tout cela est bien fini. Que devient la priorité des lois de finances ? Où va-t-on ? Il faudra que le bureau et la conférence des présidents se prononcent. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP).

Renvoi en commission

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Savary et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Hervé Maurey.  - Le 9 novembre 2010, le Sénat adoptait la réforme territoriale après 200 heures de séance publique. Le conseiller territorial en est le pivot, il simplifiera les compétences. J'avais voté pour, car il rapproche les territoires et assure la cohérence des politiques publiques menées aux deux niveaux. Un conseiller général ignore ce que font les régions, un conseiller régional, l'action du département, d'où contradictions et redondances.

Pourquoi vouloir supprimer si vite le conseiller territorial, alors qu'il entrera en fonction en 2014 ?

M. Jean-Luc Fichet.  - Pourquoi l'avoir créé si vite ?

M. Hervé Maurey.  - Attendez les états généraux ! Pourquoi cette impatience à supprimer ? Le président du Sénat prétend, avec les états généraux, constituer le creuset d'une réflexion sur les territoires, dans un dialogue serein et respectueux de chacun !

Comment prétendre au dialogue quand on décide avant, dans la précipitation ?

La question du conseiller territorial, celle des compétences, le cumul des mandats, le statut de l'élu, la parité sont liés. Je considère que la suppression du conseiller territorial ne saurait être opérée isolément. Il faut renvoyer le texte en commission pour un examen de toutes les questions liées.

J'ai approuvé le président de la République quand, lors des voeux aux parlementaires en 2009, il a dit qu'à s'occuper de tout, l'élu local risquait de ne s'occuper de rien.

Le conseiller territorial siégera dans plusieurs instances, et j'ai demandé au ministre M. Mercier de préciser son statut car ce sera un élu à plein temps, qui ne pourra avoir d'autre activité professionnelle. Le cumul des mandats doit faire l'objet d'une réflexion : comment la présidence d'un EPCI peut échapper à la règle ? Une disposition votée au Sénat, avait été supprimée à l'Assemblée nationale.

Il y a aussi le problème du mode de scrutin. Après censure du Conseil constitutionnel, je déplore que dans certaines régions, les assemblées soient demain pléthoriques. Comment améliorer la représentation ? Comment soutenir la parité, en évitant un recul ?

La suppression du conseiller territorial ne saurait être déconnectée de ces questions complexes. Hélas, ce que souhaite la majorité sénatoriale n'est pas de légiférer mais de faire des coups politiques, dans la campagne électorale où vous êtes déjà engagés.

Notre Haute assemblée a toujours privilégié le travail de fond et vous ternissez son image. Le groupe de l'UCR ne se reconnaît pas dans votre démarche.

Il n'y a pas d'urgence, prenons plus de temps et renvoyons la proposition de loi en commission au lieu de chercher à faire un coup politique. (Applaudissements sur les bancs de l'UCR et de l'UMP)

M. Michel Berson.  - En dépit des interventions convaincantes de la majorité sénatoriale, vous voulez renvoyer le texte en commission. L'abrogation du conseiller territorial ouvrira pourtant de nouvelles opportunités de réflexion sur le nécessaire acte III de la décentralisation, après l'acte I de la recentralisation imposé par le Gouvernement.

L'initiative lancée par le président Bel gêne beaucoup l'opposition sénatoriale, nous le constatons et rejetons sans hésiter sa motion ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je rejoins M. Maurey, notamment sur le statut du conseiller territorial, le contentieux, etc. Le projet de loi n°61 reviendra... J'ai été favorable à la question préalable, il n'y a donc plus rien à débattre selon le Gouvernement. Par conséquent, sagesse.

À la demande de la commission, la motion n°4 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 170
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Rappel au Règlement : je suis inquiète, l'affaiblissement de notre Haute assemblée me préoccupe. J'ai été députée et suis venue au Sénat en estimant qu'il était meilleur législateur. Par exemple sur la taxe professionnelle, le texte du Gouvernement était inacceptable, et c'est nous qui l'avons remis d'aplomb.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Rien à voir avec un rappel au Règlement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le Sénat a marqué des points, en améliorant tous les projets de loi du Gouvernement. Nous devons tenir cette ligne, cette qualité de législation. Les lobbies le savent, qui viennent ici d'abord pour défendre leur secteur. Et vous allez nous abaisser au rang d'une chambre secondaire ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Hugues Portelli.  - Rappel au Règlement ! On a évoqué la compatibilité du texte avec l'article 40 de la Constitution. Restaurer le système antérieur augmentera de 145 millions d'euros la charge publique, puisqu'elle a été diminuée d'autant en 2010. L'article 40 n'est-il pas applicable ?

M. Gérard Miquel, au nom de la commission des finances.  - Après vérification, l'article 40 ne s'applique pas.

M. Charles Guené.  - En vous prononçant au nom de la commission, vous faites usage de l'article 45, mais je crains que le texte, s'il est adopté, ne soit entaché d'illégalité. S'agissant d'une proposition de loi, c'est le bureau qui est compétent pour apprécier la situation.

M. le président.  - La proposition de loi a été déposée devant le Bureau, qui l'a jugée recevable. C'est donc la commission des finances qui est compétente.

M. Éric Doligé.  - Qui représente la commission des finances ce soir ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Un de ses vice-présidents !

M. Éric Doligé.  - Depuis quelques jours, on s'organise de curieuse façon. Les membres de la commission des finances devraient se réunir pour en débattre. Qu'en pense le président de la commission des lois ?

M. Charles Guené.  - Monsieur le président, si vous maintenez votre position, vous appliquez l'article 45, qui concerne la recevabilité des amendements, non celle des propositions de loi.

M. le président.  - Depuis 1958, cette tradition s'applique !

M. Jean-Marc Todeschini.  - La Conférence des présidents de tout à l'heure ne s'est pas mal passée ; le président Bel écoute tout le monde. Le ministre des relations avec le Parlement a dressé la liste des propositions de loi qui se heurteraient à l'article 40. Il n'a pas mentionné cette proposition de loi.

M. François-Noël Buffet.  - Le problème de fonctionnement dure depuis des semaines. Vous respectez le Règlement uniquement quand cela vous arrange... Plus personne ne s'y retrouve. (Approbation à droite)

Évitons les interprétations de circonstance.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela fait vingt ans que j'ai l'honneur de siéger à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Ce qui se passe ce soir est banal. J'ai vécu bien des nuits de ce genre, marquées par des stratégies plus ou moins heureuses. Dès lors qu'il y a des niches, il est facile, nous ne l'avons pas fait, de retarder le débat jusqu'à la limite du temps imparti. Tout en criant au manque d'organisation !

Sur l'article 40, c'est un vice-président de la commission des finances qui énonce, depuis cinquante-trois ans, le verdict.

La Haute assemblée est maîtresse de son temps. Nous parlerons de la loi de finances aujourd'hui ; il n'y a rien de dramatique dans le déroulement de la présente séance et si vous voulez que cela dure encore...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - ...nous sommes à votre disposition et apprécierons la qualité esthétique de la dramaturgie. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Quand le ministre a invoqué l'article 40 sur une proposition de loi il y a quelques jours, la commission des finances s'est réunie immédiatement.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ce n'est pas la même chose !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Et depuis cinquante-trois ans, un vice-président de la commission des finances est présent.

M. le président.  - La commission s'est réunie après réception d'un courrier du ministre.

Article unique

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le conseiller territorial est la pierre angulaire de la réforme de 2010, critiqué sur tous les bancs. Il n'y a pas d'autre solution que d'abroger les dispositions de 2010, avant un nouvel élan de la décentralisation.

Mme Catherine Troendle.  - Le conseiller territorial bouleverse la physionomie du monde territorial. Je remercie le Gouvernement et M. Courtois, rapporteur à l'époque, car nous avons pu, en 2010, débattre et nous forger une opinion personnelle. Notre architecture territoriale n'était plus lisible, le niveau régional souffrait d'un manque de légitimité. La réforme était nécessaire car région et départements se marchaient sur les pieds, se faisaient concurrence dans les financements.

Nous avons fait le pari de l'intelligence territoriale, de la simplification de la gouvernance, de la modernisation des collectivités. Les conseillers territoriaux auront des responsabilités plus larges que les anciens conseillers généraux et régionaux.

Nous ne pouvons laisser dire que notre but était de réduire le nombre des élus locaux. Non, ceci est seulement une conséquence de la réforme et d'une meilleure organisation territoriale.

M. Dominique de Legge.  - Je déplore les caricatures auxquelles vous vous êtes livrés -elles cachent toujours de mauvaises intentions. Terra Nova explique que le problème en France, c'est le nombre de communes -et qu'il faut confier les compétences aux EPCI. Il est dit aussi que le conseiller territorial est cantonnalisé, ce qui est dangereux parce qu'il s'occupera d'intérêts locaux, comme les conseillers généraux. Quelle injure !

Dans le Finistère, le conseil général réalise la liaison routière Quimper-Brest tandis que le conseil régional, au titre de sa compétence ferroviaire, réhabilite la ligne Brest-Quimper.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ils gagneraient à se parler !

M. Dominique de Legge.  - Le problème ne se poserait pas si c'était la même personne.

Le département d'Ille-et-Vilaine ne souhaite pas s'associer à la campagne de publicité touristique menée par les trois autres départements bretons. Où est la cohérence de tout cela ?

Le Sénat ne sortira pas grandi de ce débat. Attaquons le débat budgétaire au lieu de perdre du temps sur un texte sans avenir.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Comment ne pas s'inscrire en faux contre l'exposé des motifs de la proposition de loi ? Non, le conseiller territorial n'est pas une régression, mais une innovation majeure.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Tous les grands électeurs le disent !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous maintenons les communes comme cellules de base de la démocratie locale. Notre réforme est pragmatique, elle renoue avec l'ambition des lois Defferre. La décentralisation est devenue patrimoine commun et personne n'envisage de revenir en arrière ; mais il faut réformer pour renforcer encore les libertés locales.

Arrêtons d'opposer l'État et les collectivités.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cette opposition est dépassée...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ah oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ces futurs super conseillers auront plus de pouvoirs, ils seront plus actifs. Les maires connaissent leurs conseillers généraux, pas leurs conseillers régionaux.

Le Conseil constitutionnel a validé le conseiller territorial !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Mais oui ! D'accord ! Ne vous énervez pas !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le conseiller territorial interviendra dans un territoire homogénéisé. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Bas.  - Sur les articles 45 et 24 de notre Règlement, je voudrais alerter notre Haute assemblée, quant aux risques constitutionnels encourus du fait de la procédure suivie pour apprécier l'irrecevabilité financière.

Les principes d'interprétation des textes clairs sont clairs : l'article 45 traite de la recevabilité des amendements ; et la tradition ne saurait s'imposer ! On ne peut modifier le Règlement que par un vote. En l'affaire, la seule procédure applicable pour la recevabilité est celle de l'article 24.

Le risque d'inconstitutionnalité est grave. Il serait prudent de ne pas le courir...

M. Philippe Dominati.  - Pour compléter le propos de ma collègue, je voudrais savoir de quelle délégation dispose M. Miquel, certes vice-président, mais d'autres sont présents. Le premier qui parle l'emporte-t-il ? Il y a un problème de procédure.

Mme Catherine Deroche.  - Je ne voterai pas la proposition de loi. Il n'est guère respectueux des uns et des autres de présenter un conseiller général qui aurait les pieds dans la glaise tandis que le conseiller régional aurait la tête dans les étoiles.

On nous fait de faux procès ! Il n'a jamais été question de supprimer les départements. Le fait de siéger à Paris empêche-t-il les parlementaires de travailler sur le terrain ? Non, bien sûr ! On peut avoir le souci de la proximité et de la prospective !

Le Parlement a fait un choix clair, il veut éviter les redondances, il crée un interlocuteur unique. Régions et départements ont tout à y gagner.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - La loi de 2010 a su adapter notre organisation territoriale en respectant son originalité. L'enjeu était de faire fonctionner région et départements sur le mode de la complémentarité, nous n'avons jamais souhaité la mort des régions ou des départements.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Prétendre que cette grande réforme est celle des ronds-points et des salles des fêtes, c'est mépriser le travail réalisé au plan local.

Il est vrai que le mode d'élection du conseiller territorial pose un problème pour la parité mais regardez ce qui se passe dans les départements : dans l'Hérault, nous avons 49 conseillers généraux... dont deux femmes. Après le dernier renouvellement, rien n'a changé ! Commençons donc par regarder chacun chez nous...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Et, dans les régions, vous voulez renoncer à la parité ?

M. Antoine Lefèvre.  - Le futur collège unique d'élus donnera plus de cohérence aux politiques locales. Les élus régionaux semblent éloignés de la population et la participation aux élections s'en ressent. Le conseiller territorial sera un lien privilégié entre les deux assemblées et il aura plus de poids sur son territoire cantonal. Penser qu'il n'aura pas de vision au-delà de sa circonscription est injurieuse. Dans l'Aisne, les conseillers généraux sont unanimes à soutenir la mise à deux fois deux voies de la N2, pas les conseillers régionaux de Picardie, parce qu?ils ne sont pas territorialisés

Un élu génétiquement modifié, un ovni ? M. Charles Watelle, socialiste, était à la fois conseiller général et conseiller régional. Personne ne songeait à le traiter d'ovni. En conscience, je suis contre la proposition de loi.

M. René Beaumont.  - Le conseiller territorial est une réponse aux défis territoriaux. Les rapports entre collectivités s'exercent dans le respect de l'autonomie de chaque niveau, ce dont tous les pays voisins ne peuvent se targuer. La loi de 2010 a constitué une étape importante, avec l'achèvement de la carte de l'intercommunalité, avec le renouvellement des relations entre les régions et les départements.

Vous nous avez rarement habitués, à gauche, à un tel conservatisme. Vous vous accrochez à un statu quo inefficace et coûteux. Pourtant, vous avez milité pour la décentralisation -et vous vous méfiez aujourd'hui des collectivités. Celles-ci méritent mieux, pourtant, que ces postures politiciennes. Que de temps perdu pour la démocratie locale.

M. Philippe Dallier.  - Si certains doutaient encore, ils savent aujourd'hui où siègent les réformateurs et où les conservateurs.

Ce Gouvernement a eu le courage de présenter une réforme, elle ne vous convient pas, mais tout ce que vous proposez, c'est un retour en arrière.

Nos concitoyens ne comprennent rien à notre organisation territoriale. Ils ne savent pas qui sont les conseillers régionaux, ni les délégués communautaires ; la seule chose certaine pour eux, c'est l'augmentation des impôts.

Il est impératif de rationaliser. Mais vous ne voulez pas bouger. En 1971, avec la loi Marcellin, la fusion des communes était optionnelle : rien ne s'est passé. Dans les grandes lois de décentralisation, on a créé des collectivités. La loi Chevènement sur l'intercommunalité a fonctionné parce qu'on a donné des incitations financières.

En 2010, j'ai voté pour le conseiller territorial, et de bon coeur !

Je suis admiratif de ce qui se passe en Alsace, où droite et gauche recherchent ensemble une gouvernance d'avenir. En Île-de-France, avec le Grand Paris, nous avons été incapables de le faire ; tous nos problèmes viennent de ce que l'on ne veut pas partager ce que l'on a. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Pour répondre aux arguments de M. Gorce, je précise que le Gouvernement n'avait pas en 2010 pour principal but de faire des économies. Quant à l'argument relatif aux exécutifs, ceux-ci sont constitués par les élus !

La proximité n'est pas remise en cause ; la légitimité des élus leur vient de leur lien avec leur territoire. Les conseillers régionaux ne sont connus ni des maires, ni de la population. Une meilleure cohérence s'impose entre les deux niveaux de collectivité.

Dans l'accord conclu entre les Verts et les socialistes, on parle à nouveau, après 2002, de la proportionnelle comme mode de scrutin.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La moitié des sénateurs est élue à la proportionnelle.

M. Jean-Claude Lenoir.  - « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » écrivait La Fontaine dans Le lion et le rat, une autre fable que celle que le rapporteur cite souvent...

M. André Reichardt.  - L'abrogation du conseiller territorial serait une erreur gravissime. Le nouvel élu développera une mission globale, dans la proximité. Copiez donc ma région, l'Alsace est engagée dans une démarche novatrice ! N'ayez pas peur du conseiller territorial !

Que serait le Bas-Rhin ou le Haut-Rhin face à la Haute-Bavière, le Bade-Wurtemberg ou le Piémont ? Je soutiendrai l'amendement de suppression de l'article unique scélérat.

M. Christophe-André Frassa.  - Cette réforme valorise le rôle de proximité des élus locaux. Nous demandons depuis longtemps une complémentarité entre région et départements. Nous avons dû attendre, mais nous y sommes !

La réforme ne porte atteinte ni à la région, ni aux départements, ni, par conséquent, à la libre administration des collectivités.

Le conseiller territorial sera l'interlocuteur unique et puissant des pouvoirs publics, il connaîtra toutes les compétences régionales et départementales et évitera les redondances. Faisons le pari de l'intelligence.

Rassemblons-nous contre cette proposition de loi. Je voterai l'amendement de suppression de l'article unique.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je comprends les doutes qui s'étaient exprimés de bonne foi. Dans certains départements, il y a un conseiller général pour 1 000 habitants...

Les premières lois de décentralisation ont bien distingué les compétences de chaque niveau de collectivité puis celles des départements ont été accrues.

Quelques penseurs parisiens, qui n'ont jamais franchi le périphérique, ont trouvé qu'il y avait trop de collectivités. Certains veulent supprimer les petites communes, à droite ou à gauche ; nous avons donc proposé l'intercommunalité.

Certains veulent supprimer les départements, mais on ne connaît pas les conseillers régionaux et le conseil général demeure, depuis la Révolution française, une institution de référence. Quand la région était encore un établissement public...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le préfet faisait le budget !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Non ! Plus à partir de 1982 ! Et c'est à cette époque qu'on a mis en place, sur le terrain, les grandes coopérations. Et depuis, plus rien !

Le conseiller territorial est avant tout un conseiller général : il permettra de réaliser des économies, au service des citoyens. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Mme Colette Giudicelli.  - À cette heure je me contenterai de citer d'autres vers de La Fontaine, tirés du Conseil tenu par les rats : « Ne faut-il que délibérer, La Cour en conseillers foisonne, Est-il besoin d'exécuter, L'on ne retrouve plus personne ». Nous préférons la réforme à la démagogie. Je voterai donc contre la proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. François Grosdidier.  - La RGPP n'est pas une partie de plaisir, mais sans elle nous ressemblerions aujourd'hui à la Grèce. Or, pendant que l'État réalisait douloureusement des économies, les régions ont augmenté considérablement les impôts, les collectivités ont dépensé, dépensé. Dans le couple intercommunalité-communes les mêmes élus agissent sur des terrains différents. Dans le couple région-départements, les élus se font concurrence. Le conseiller territorial n'aura plus ce problème.

Je me réjouissais de rejoindre une Haute assemblée où le pragmatisme l'emportait, croyais-je, sur l'idéologie. Hélas ! Quelle déception !

Quant à la parité, elle n'est pas remise en cause, grâce au suppléant. Dès 2014, des milliers de femmes seront élues.

À l'heure de la tempête économique mondiale, cette proposition dictée par votre sectarisme est décalée !

M. Philippe Bas.  - Je suis déconcerté : jusqu'à ces dernières semaines, le Sénat légiférait. Il délégifère. Une nouvelle approche...

Nous voyons, nous, qu'il s'agit d'un texte d'attente. De quoi ? Des états généraux de la démocratie locale. Ils n'existent pas. Ce n'est qu'une initiative personnelle du président Bel. Financée sur quel budget ?

Donc nous avons un texte d'attente -de rien du tout. Curieuse catégorie de lois que des lois d'attente ! Il n'y a aucune urgence : l'élection des conseillers territoriaux n'est prévue qu'en 2014. On n'a donc pas besoin d'un tel texte singulier et improvisé.

L'idée qu'il pourrait y avoir retour au régime antérieur m'inquiète. Dans la Manche, un conseiller général représente 2 900 habitants, un autre 23 000. Cela vous convient ? Quant aux conseillers régionaux, ils sont en apesanteur. Ils n'ont bien souvent d'autres compétences que militantes, pas suffisantes pour bien gérer.

Si l'on va vers autre chose que le conseiller territorial, vers quoi ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Bertrand.  - À vous entendre, il n'y aurait dans nos régions que des analphabètes acharnés à faire le malheur des citoyens ? Nous faire passer pour des cancres, c'est le petit bout de la lorgnette !

Dans mon département il n'y a pas beaucoup de manifestations culturelles, sportives, sociales, sans qu'on aille voir le conseiller régional.

Sans doute estimez-vous que les régions tenues par la gauche seraient trop éloignées de la population...

L'un des intervenants a dénoncé la hausse des impôts locaux. Mais l'État transfère massivement des charges aux régions, qui n'en peuvent plus. Il sera aisé d'aller siéger à la région ? Pour moi, c'est huit heures aller-retour ! Le vrai élu de proximité, c'est vrai, c'est le conseiller général, il est le capitaine de l'équipe des maires ruraux. Je souhaite une réforme constitutionnelle pour qu'on tienne compte du nombre d'habitants mais aussi du territoire -et je me fais beaucoup de souci pour l'hyper ruralité.

Vous n'avez rien à proposer, nous disent nos collègues de droite. Mais eux ne savent pas vraiment ce que recouvre leur réforme, qui n'est pas achevée !

Ma communauté de communes a beaucoup perdu avec la suppression de la taxe professionnelle.

Vous prenez beaucoup de liberté avec la vérité : consultez donc tous les élus pour engager une véritable réforme. (Applaudissements à gauche)

M. Francis Delattre.  - Je suis en quelque sorte déjà un conseiller territorial pour avoir été conseiller général et conseiller régional en Île-de-France. À l'époque nous avons fait beaucoup progresser la coordination entre collectivités. Il faut savoir travailler avec la technostructure sur les grands projets et ce n'est pas toujours simple.

Cessez de mener un combat d'arrière-garde. Sur bien des sujets nous pourrions tomber d'accord. Il y a un vrai problème de financement durable pour les régions ; des ressources pérennes permettent d'emprunter et d'investir. Nous avions souhaité les doter d'une part de la TIPP.

Le conseiller territorial apportera de la légitimité et de la représentativité. Ne discutons pas de détails ; abordons les vrais sujets.

M. Pierre Bordier.  - Nous avions laissé les élus locaux dessiner la carte intercommunale depuis l'origine : certains périmètres sont fantaisistes, les critères de rapprochement n'ont pas toujours été pertinents.

Le Gouvernement n'entend pas faiblir dans sa volonté de réforme. Je fais ce soir le constat d'une gauche dogmatique. Il y a peu, j'étais en Hongrie avec des élus locaux hongrois.

On impose les suppressions d'écoles, les regroupements de communes. La médecine appliquée chez nous est extrêmement douce à côté.

M. Philippe Dominati.  - Une proposition de loi à article unique, la méthode est simple pour détruire, la reconstruction viendra après. Brutalité nette, simple, absence de concertation : il en va de même pour tous les textes présentés à fins politiciennes.

Le conseiller territorial serait un élu hybride ? L'élu hybride a été créé par Gaston Defferre et il existe aussi à Paris, où les élus siègent dans deux assemblées superposées. Ce n'est pas une nouveauté !

Le président de la République a eu le mérite de s'atteler à une réforme que personne n'avait eu le courage d'engager. Vous nous annoncez l'acte III de la décentralisation, mais au-delà du titre, il n'y a rien !

À trois reprises, les plus conservateurs ont réussi à bloquer toute réforme des collectivités territoriales. J'espère que le conseiller territorial verra le jour, comme le Grand Paris, pour faire renaître la perspective et l'ambition.

M. Jacques Gautier.  - La réforme de 2010 était indispensable, première étape avant l'échéance de 2014. À cette réforme, engagée en 2009, chacun a pu apporter sa contribution. Aujourd'hui, vous ne voulez que supprimer. Tout en adaptant notre système aux réalités actuelles, nous préservons le modèle original français. C'est en ne faisant rien qu'on l'affaiblit. Un peu de raison, un peu de civisme ! Je soutiendrai l'amendement de suppression.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Buffet et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet.  - La réforme de 2010 s'applique et simplifie le millefeuille administratif. Elle donne une légitimité renforcée à un élu qui représente un territoire et une population. Je salue l'initiative de la région Alsace et des départements, qui exploitent ce texte pour faire progresser la décentralisation.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nos collègues de la majorité de gauche ont pris le Sénat en otage : vous avez doublé le temps d'examen du texte. Je conteste les conditions de vote sur la prolongation de la séance, d'appréciation sur l'application de l'article 40, -car M. Guené avait été désigné comme le vice-président en charge de représenter la commission des finances.

Nous avons assisté à une déplorable novation aujourd'hui.

Quant au fond, la gauche ne veut qu'une chose : conserver le conservatisme.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quelle belle formule.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Selon l'exposé des motifs de Mme Borvo Cohen-Seat, il faudrait craindre une reprise en mains centralisatrice. La décentralisation a toujours été l'alibi de la gauche pour augmenter les impôts locaux. Vous refusez la réforme qui permet de réaliser de vraies économies. Vous n'avez pas à être fiers de ce que vous avez fait ce soir.

M. Philippe Dallier.  - Il est bientôt 5 heures et les membres de la commission des finances se réunissent à 9 heures. Est-il envisageable de décaler l'heure de cette réunion ?

L'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 137
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Philippe Dominati.  - Rappel au Règlement.

M. Philippe Dominati.  - Je propose aux membres de la commission des finances de venir à 11 heures, je réponds à M. Dallier le premier, donc je décide, c'est bien le sens de l'innovation de cette nuit, n'est-ce pas ?

M. le président.  - Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ce débat fut riche.

M. Philippe Dallier.  - Nous avons beaucoup appris.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous aussi.

On nous a dit que le scrutin uninominal était la proximité, le scrutin proportionnel l'éloignement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le chrono ne fonctionne pas ! M. le président de la commission parle aussi longtemps qu'il veut. Ce sont encore vos arrangements entre petits copains ?

M. le président.  - Je vous en prie ! Un peu d'objectivité ! La règle est depuis toujours que le président de la commission a la parole quand il veut pour le temps qu'il veut.

Mme Virginie Klès.  - Ce qui ne déplaisait pas à la droite quand elle avait la majorité !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - L'opposition entre les deux modes de scrutin n'a rien à voir avec le sujet, voyez nos modes d'élection au Sénat : nous sommes égaux en légitimité.

Représentativité et population dans les cantons : on peut réviser les périmètres des cantons sans créer le conseiller territorial !

Les pieds dans la glaise, la tête dans les étoiles : belle formule ! Nous avons besoin de régions fortes, dotées de moyens, à l'heure européenne, capables d'investir dans l'université, la recherche... Que l'élu régional soit l'élu d'un canton : c'est ringard ! Ce qui est progressiste, c'est d'avoir une vision progressiste de la région, non d'avoir une base cantonale !

J'appelle de mes voeux le souffle de régions nouvelles !

M. Philippe Richert, ministre.  - Il est dommage de désorganiser le travail de tout le monde et je suis désolé de ne pas pouvoir honorer mon emploi du temps et me rendre à la réunion de l'ARF. Je pense comme vous que les régions ont un rôle important à jouer -mais variable, selon les régions, plus ou moins identifiées, plus ou moins peuplées.

L'élaboration des schémas en application de la loi de 2010 se passe bien. Pourquoi ce réflexe, pourquoi démolir ce qui a été fait ? Ne peut-on imaginer de travailler ensemble ? Le maire de Fribourg est écologiste, son conseil municipal est de droite : de tels exemples sont nombreux en Allemagne. Dans une assemblée, la minorité a toute sa place, nous tendons à l'oublier.

Il sera compliqué, je le crains, d'adopter la proposition de loi à l'Assemblée nationale. Autant dire que votre proposition de loi n'est que d'affichage politicien, une posture. (Applaudissements sur les bancs UMP)

À la demande du groupe socialiste, l'article unique de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 180
Contre 137

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 17 novembre 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 5 h 15.

Jean-Luc Dealberto,

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 17 novembre 2011

Séance publique

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir

Sous réserve de sa transmission, projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2012, (n° 106, 2011-2012).

Rapport (n° 107, 2011-2012) de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.

Discussion générale.