Financement de la sécurité sociale pour 2012 (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Discussion générale

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Cette deuxième lecture intervient après l'échec de la CMP. Nous devons, dans le débat démocratique, être capables d'assumer nos choix et nos différences. Avec la crise des dettes souveraines, on ne peut plus bercer nos compatriotes d'illusions. Le Gouvernement poursuit son effort de maîtrise des finances publiques, pour préserver les marges de manoeuvre nécessaires au financement de notre protection sociale. Le projet de loi de financement continue de protéger les plus fragiles, malgré le contexte économique. La politique familiale, celle envers les handicapés et les personnes dépendantes en témoignent. Nous mettons un accent particulier sur l'aide aux familles monoparentales et oeuvrons pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, afin de mobiliser tous les talents.

Depuis 2007, la politique d'aide à l'autonomie aura connu une augmentation de 40 % des moyens affectés en base au secteur médico-social. Cette augmentation atteint 70 % pour les personnes âgées dépendantes, sans compter les efforts importants apportés par l'État et les collectivités territoriales. Autant dire que ce quinquennat marquera le début d'une véritable prise de conscience sur ce sujet, voulue et portée par le président de la République.

Avec cette deuxième lecture, nous proposons des ajustements afin de garantir la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques, en prenant en compte les nouvelles hypothèses de croissance, avec le souci constant de poursuivre nos objectifs prioritaires.

En ramenant à 2,5 % la progression de l'Ondam, nous faisons une économie de 500 millions. Nous avions prévu 160 millions de crédit pour la mutualisation des Ehpad. Le Gouvernement a annulé 20 millions mais nous maintenons le plan d'aide à l'investissement et permettons le financement de mesures nouvelles, pour remplir notre engagement.

La revalorisation de l'AAH de 25 % entre 2008 et 2012 représente un effort considérable. Le Gouvernement reconnaît la situation de ceux qui souffrent d'un handicap en leur donnant les moyens de mener une vie digne.

La famille est également préservée. Nous revalorisons les prestations de 1 %, y compris l'aide au logement, au 1er avril -on sait ce que cela gage. Le Gouvernement n'a pas voulu revoir les conditions d'attribution des prestations. Ce dispositif est limité à 2012. Il se donne les moyens de parachever ses efforts en faveur des plus fragiles, conformément aux engagements du président de la République et malgré la crise qui nous contraint à un effort d'assainissement sans précédent. Notre politique sociale n'est pas une variable d'ajustement : ce projet de loi de financement de la sécurité sociale le démontre.

M. Alain Milon.  - Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.  - La crise que nous traversons est de confiance. Il n'est qu'un seul choix responsable : tenir nos engagements de réduction de déficit. Un effort de 7 milliards supplémentaires en 2012 nous fera franchir une nouvelle étape sur le chemin du désendettement. Au-delà, le chemin passe par la maîtrise des dépenses sociales dans la durée. Le désaccord qui sépare l'Assemblée nationale et le Sénat mérite donc d'être pris au sérieux. Il est profond, radical. Les choix de la gauche sénatoriale sont ceux qui pourraient être ceux de 2012, après les élections : vous avez créé dix-sept nouvelles taxes, relevé les dépenses d'assurance maladie de 1,5 milliard. (Exclamation à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Laissez ce bobard !

Mme Christiane Demontès.  - Personne ne vous croit.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.  - Vous voulez un Ondam à 3,8 % et 1,5 milliard de plus ? Vous vous attaquez à l' « unique objet de votre ressentiment » (sourires entendus) que sont les exonérations Tepa sur les heures supplémentaires. Alors que la croissance est fragile, vous voulez retirer 450 euros par mois à ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus. Amputer le pouvoir d'achat des ouvriers et des enseignants n'a jamais été notre politique ! (Rires à gauche) Le travail et l'effort, en temps de crise comme en d'autres, méritent d'être reconnus. Dans chaque projet de loi, vous ajoutez des dépenses, toujours gagées sur les mêmes heures supplémentaires, preuve que vous n'avez ni stratégie de désendettement, ni vision d'avenir pour notre modèle social, j'entends un modèle garanti par sa soutenabilité économique. Une addition de dépenses ne fait pas une politique

M. Ronan Kerdraon.  - Une addition de contre-vérités n'a jamais fait une vérité.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le temps de la dépense facile est terminé, il faut en prendre acte. (Exclamations moqueuses à gauche) L'heure devrait nous engager à nous réunir autour de l'intérêt supérieur du pays. En vous présentant ce budget, je vous avais annoncé que nous parviendrions à diviser par deux le déficit de la sécurité sociale. Je salue la responsabilité de la majorité à l'Assemblée nationale qui a fait preuve d'un courage exceptionnel (mêmes mouvements) en adoptant trois mesures qui représentent 1,2 milliard d'économies supplémentaires en 2012 et 15,4 milliards d'euros de dette évitée d'ici 2016.

Nos priorités ne changeront pas. La maîtrise des dépenses se construit de persévérance et de courage, par des réformes qui contiennent la hausse des dépenses sociales. Il est vrai que « courage » est un mot que vous n'aimez guère. (Nouvelles exclamations moqueuses à gauche) Accélérer d'un an la réforme des retraites fut un acte de courage. Faute de cela, il aurait fallu baisser le niveau des pensions, comme on l'a vu dans l'Espagne du socialiste Zapatero. Voilà où nous en serions si nous écoutions ceux qui défendent encore la retraite à 60 ans !

M. Jacky Le Menn.  - On mourra guéri.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le Gouvernement vous propose, au contraire, d'accélérer encore la montée en charge de la réforme pour l'achever en 2017, pour 100 millions d'économies supplémentaires dès 2012. Nous éviterons ainsi 4,4 milliards de dette d'ici 2016.

Nous accentuons la maîtrise des dépenses, en ramenant la progression de l'Ondam à 2,5 %. Nous tiendrons ce rythme de progression modéré jusqu'en 2016.

M. Ronan Kerdraon.  - Vous ne serez plus là !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - L'allongement de la durée de la vie donne plus de raisons encore d'éviter les gaspillages, pour mieux soigner les Français. En agissant sur les marges de productivité partout où elles existent.

M. Jacky Le Menn.  - Faites !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Nous le faisons. Voyez le prix du médicament. Nous agissons ainsi sur les comportements. Nous avons créé les contrats de performance, travaillons à un meilleur suivi des patients atteints d'affections de longue durée. S'organiser pour soigner plus tôt et mieux : cela vaut aussi pour la dépendance. L'Ondam médico-social est totalement préservé.

Il n'y a pas de fatalité. Chaque combat tenu rend plus facile le respect de l'Ondam. L'effort que vous n'avez pas fait hier, nous le faisons aujourd'hui : un Ondam à 2,5 %, ce sont 7,5 milliards d'euros en moins pour les générations futures. Nous avons cependant refusé, une fois encore, que ce soit les patients qui paient. (Exclamations à gauche)

M. Jacky Le Menn.  - Et les mutuelles ?

M. Ronan Kerdraon.  - On les rackette.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Elles ont les moyens de consentir l'effort que nous leur demandons sans augmenter les tarifs, et vous le savez ! Comme nous le demandons aux médecins et aux soignants. La sécurité sociale est notre bien commun. Xavier Bertrand a chargé l'IGF et l'Igas de faire le bilan de notre action et de tracer des pistes. C'est ainsi que nous garantirons l'avenir, non en additionnant les dépenses supplémentaires.

Troisième mesure d'importance : l'indexation des prestations familiales sur la croissance, à 1 %. Depuis le premier jour de cette crise, nous avons refusé toute baisse des prestations sociales. Nous avons même renforcé nos filets de protection avec la création du RSA.

Mme Maryvonne Blondin.  - Pas possible !

Mme Christiane Demontès.  - Ce n'est pas vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Un pays ne peut dépenser plus de richesses qu'il n'en crée. La démagogie n'est plus de mise.

M. Jean-Pierre Caffet.  - « Plus » ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Nous l'avons tous pratiquée, vous surtout.

Il nous aurait été facile d'ouvrir les vannes de la dépense publique par calcul électoraliste, quitte à vider les caisses de l'Etat. C'aurait été irresponsable. La France mène une bataille cruciale, celle de la crédibilité. A la différence de ceux qui gardent les yeux rivés sur 2012, ce gouvernement construit l'avenir du pays en traçant le chemin qui nous ramènera à zéro déficit. C'est pourquoi, une fois encore, nous disons la vérité aux Français : le redressement de nos finances publiques est un effort auquel chacun doit prendre sa juste part. C'est pourquoi nous augmentons la taxation du patrimoine, tout en protégeant les plus fragiles. (On s'amuse et ironise à gauche) L'accélération de la réforme des retraites permet une revalorisation forfaitaire qui se poursuivra sur cinq ans.

Le Gouvernement a fait le choix de la réactivité et de la sincérité, en intégrant, par voie d'amendements, les objectifs nouveaux du plan de redressement des finances publiques, comme nous y autorise la jurisprudence constitutionnelle puisque la sincérité est ainsi améliorée. La réactivité est la clef de la crédibilité financière.

Vous avez relevé les tableaux d'équilibre. Le Gouvernement, par souci de sincérité, est tenu d'en traduire les conséquences, eu égard à la révision de l'hypothèse de croissance. Grâce aux mesures adoptées par l'Assemblée nationale, nous ferons mieux encore que tenir l'objectif de réduction. (Nouvelles moqueries à gauche) Le déficit du régime général ne sera plus que de 6,5 milliards en 2015, au lieu des 8,5 initialement prévus.

Face aux turbulences économiques qui agitent l'Europe, nous devons nous réunir. Il n'est pas trop tard : la France n'en serait que plus forte.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Applaudissez, chers collègues, applaudissez !

M. Ronan Kerdraon.  - Mère Courage ! (Sourires)

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Comme l'a annoncé le Premier ministre le 7 novembre, compte tenu de la révision de l'hypothèse de croissance, le Gouvernement prend des mesures supplémentaires. Son plan représente 17,4 milliards d'euros de moindres dépenses et de recettes supplémentaires à l'horizon 2016, dont 7 dès 2012. Nous éviterons ainsi 65 milliards d'euros de dette d'ici 2016.

Le texte discuté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale...

M. Ronan Kerdraon.  - Pas discuté, imposé !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - ... intègre ces nouveaux paramètres. Un Ondam à 2,5 %, ce sont 500 millions d'économie.

S'y ajoute une maîtrise des dépenses de gestion. Un effort de 190 millions sera accompli sur le médicament, les tarifs des spécialités médicales seront mis à contribution pour 90 millions. Une marge de 100 millions sera dégagée sur le Fonds de modernisation des établissements. Le contexte nous oblige à recentrer nos priorités, en concentrant les crédits sur les opérations engagées.

Nous privilégions, dans le même temps, les assurés et l'accès aux soins. Nous anticipons sur la réforme des retraites en raccourcissant la phase transitoire de montée en charge, le dispositif « Carrières longues » demeurant inchangé. La réforme commence à porter ses fruits, avec 100 000 départs en retraite en moins en 2011 et 200 000 en 2012.

M. Ronan Kerdraon.  - Et combien de chômeurs de plus ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - En 2012, ce seront 5,4 milliards d'économies pour la branche vieillesse. Le retour à l'équilibre est assuré. (Nouvelles moqueries à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous n'y croyez pas vous-même !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - C'est un fait, du concret !

Seules quatre générations, de 1952 à 1955, seront concernées, pour un recul de un à quatre mois.

M. Ronan Kerdraon.  - Ils vous remercient !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le texte issu de vos travaux était fondé sur un relâchement inquiétant des dépenses : 1,3 milliard de plus que ce que proposait le Gouvernement. Entendez-vous faire peser tout le poids de l'effort sur les générations à venir ? Les établissements de santé ont besoin d'un pilotage clair des dépenses or vous avez brouillé tous les signaux.

L'accès aux soins ? Si rien n'est fait sur les dépassements d'honoraires, il pourrait être menacé en chirurgie, en gynécologie obstétrique et en anesthésie réanimation. J'ai donc proposé d'instaurer le secteur optionnel, en ne l'ouvrant qu'au secteur II. Vous l'avez supprimé, sans faire aucune autre proposition constructive. (Exclamations à gauche) L'Assemblée nationale a heureusement rétabli cet article.

Nos concitoyens savent que les déficits...

M. Jacky Le Menn.  - Dont vous êtes responsables.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - ...exigent un effort sans précédent pour protéger notre système de protection solidaire. Je vous appelle à la responsabilité.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ils n'applaudissent toujours pas...

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Le texte soumis à notre examen ne ressemble en rien à celui que nous avons examiné en première lecture. Le Gouvernement s'est appliqué à détricoter tout notre travail. Pourquoi cette fin de non-recevoir à tous nos ajouts, qui apportaient une vraie solution ?

Responsables, dites-vous ? Nous le sommes infiniment plus que vous : nous avons réduit le déficit de la sécurité sociale de 4 milliards d'euros. Nous vous disons : faites donc de même ! (Applaudissements à gauche)

Il est trop facile de caricaturer et de brandir de faux arguments. Grâce à nos rapporteurs qui, tous ensemble, ont su présenter au Sénat ce que pourrait être un autre budget de la sécurité sociale. Qu'avons-nous tenté d'accomplir ? Montrer qu'une alternative existe. En nous opposant à la première partie, nous dénoncions le déficit de 2010, dont la Cour des comptes relève qu'il est, pour une bonne part, lié à des causes structurelles et dont le Gouvernement porte la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Nous nous sommes opposés à la deuxième partie, sur l'exercice 2011. Plus de 20 milliards de déficit, transfert de 133 millions à la Cades : nous ne pouvions y souscrire. Pas plus qu'au cadrage retenu pour 2012, qui, excessivement optimiste, maintient un niveau de déficit bien trop élevé. Près de 18 milliards pour le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse ! Cela ne règle ni la question du déficit, ni celle de l'accès aux soins, ni les difficultés de l'hôpital. La dette sociale a doublé et vous la transmettez aux générations futures en continuant de laisser filer les déficits. (On le confirme à gauche) D'où notre rejet du projet.

Nous avons voulu imposer une gestion plus responsable, en réduisant le déficit de 4 milliards, en proposant des mesures à caractère pérenne. L'abrogation des exonérations Tepa, qui apporte 3 milliards à la sécurité sociale, est notre mesure phare. Tous les experts s'accordent : ce dispositif est coûteux, inefficace.

Pour combler le manque de recettes, nous proposons des mesures responsables, en réduisant les niches sociales -sur les stock-options, les retraites chapeau, les parachutes dorés. Nous avons commencé à mieux cibler les allégements généraux.

Contrairement à vos invraisemblables accusations, nous n'avons pas créé dix-sept nouvelles taxes : nous avons réduit des niches et créé quatre mesures nouvelles dont la contribution patronale additionnelle sur les bonus des traders ou la taxe sur l'industrie cosmétique, qui ont été votées par tout le Sénat. Est-ce irresponsable ? (« Non ! » à gauche) Nous avons abrogé l'augmentation de la taxe sur les assurances complémentaires, largement gagée, et exonéré les contrats responsables pour les étudiants. Nous avons supprimé les nouveaux dépassements d'honoraires que vous vouliez légitimer.

Nous nous élevons contre vos affirmations : non, nous n'avons pas voulu laisser filer l'Ondam ! En supprimant deux mesures injustes et inefficaces, notre majorité n'a relevé l'Ondam qu'à 3 %. On est loin des 3,6 % que vous avancez.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Encore un mensonge !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Nous avions aussi souhaité supprimer les franchises sur les médicaments et gager cette disposition par un relèvement du forfait social ; l'article 40 nous a été opposé. Il est singulier de nous reprocher une mesure que nous n'avons même pas débattue...

Le Sénat a voulu placer l'humain au coeur de ce projet de loi de financement : nous avons refusé de retarder la revalorisation des prestations familiales ; nous avons demandé une amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles ; nous avons ouvert des chantiers tels que le versement de la pension de réversion aux partenaires d'un pacs.

En revenant sur toutes les mesures que nous avions proposées, le Gouvernement nous entraîne dans une direction que nous refusons fermement. Nous voulons mettre un terme à l'accumulation des déficits et à des mesures mal ciblées. Les mesures présentées à l'Assemblée nationale du nouveau plan de rigueur sont emblématiques d'une politique à laquelle nous sommes profondément opposés.

Et puis, si la croissance n'atteint pas 1 %, que se passera-t-il ? Comment financera-t-on le surplus de déficit ? La revalorisation des prestations familiales de 1 % est-elle adaptée au contexte de hausse continue du chômage ? Pourquoi avoir ciblé ces populations ? D'autres solutions étaient possibles.

Pour ramener l'Ondam à 2,5 %, vous grappillez de-ci de-là. Sur les médicaments, nous sommes d'accord, à ceci près que nous proposons, nous, une réforme de fond...

Avez-vous entendu une seule mesure pour augmenter les dépenses ? (Marques de dénégation sur les bancs socialistes)

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Oui !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Nous voulons, nous aussi, maîtriser les dépenses, mais nous ne sommes pas d'accord sur la méthode. Depuis des années, vous laissez filer le déficit de la sécurité sociale, les chiffres sont là. La commission a déposé une motion tendant à opposer la question préalable pour manifester son désaccord complet avec ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini.  - En première lecture, le Sénat a adopté un autre projet de loi de financement de la sécurité sociale qui augmentait les prélèvements de 5 milliards d'euros, sans proposer d'effort sur les dépenses. (Exclamations à gauche) C'est pourquoi l'UCR l'a rejeté. Nous avons refusé le retour de la TSCA à 3,5 %, la hausse du forfait social, la surtaxation des stock-options et des retraites chapeau, la suppression des allégements de charges Fillon. Il faut peut-être réévaluer ces derniers, mais les entreprises nous demandent de ne pas y renoncer. L'UPA en particulier, si elle soutient l'équilibre des finances publiques, ne peut accepter la hausse du coût du travail, ce qui aurait des répercussions sur l'emploi. Le secteur de l'artisanat, c'est 1,2 million d'entreprises, 2 millions de salariés et des emplois non délocalisables.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit votre programme électoral. L'Assemblée nationale a rétabli le texte original et a intégré le plan de rigueur afin de générer 1,2 milliard d'économies supplémentaires. Le retour à l'équilibre devrait se faire en 2015. Nous soutenons l'abaissement de l'Ondam à 2,5 %, comme l'accélération de la réforme des retraites -l'impact financier sera minime en 2012 mais il se fera sentir plus fortement dès 2014. La situation de la branche famille reste préoccupante, tandis que la branche ATMP revient à l'équilibre.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale porte des avancées importantes, ainsi en est-il de l'article 34 qui permettra de lutter contre la désertification médicale. Nous nous réjouissons du maintien des articles 34 septies et 34 octies. Nous avons déploré qu'en première lecture le Sénat ait voté la suppression du dépistage précoce de la surdité comme celle du secteur optionnel ; heureusement, l'Assemblée nationale a rétabli ces dispositions.

Le Sénat avait détricoté le texte du Gouvernement, mais l'avait aussi amélioré sur quelques points ; l'Assemblée nationale a conservé les apports dus à Mme Morin-Desailly sur le recouvrement des contributions sur les royalties ; à Mme Létard sur l'exonération des véhicules hybrides de la taxe sur les véhicules de société ; ou à M. Milon sur l'assouplissement des reprises de travail à temps partiel après une reprise à temps plein suite à une ALD. Nous regrettons cependant que l'autre chambre n'ait pas retenu l'amendement de M. Détraigne sur les véhicules fonctionnant au flexfuel ni celui de M. Maurey relatif à l'amélioration des relations entre les Urssaf et les CCAS.

Nous aurions pu aller plus loin car l'avenir de la sécurité sociale demeure inquiétant. Nous devrons avoir le courage de revoir le financement de la sécurité sociale ; son mode de financement actuel, assurantiel tandis que les prestations sont universelles, pèse sur l'emploi et la compétitivité de notre pays. On ne peut plus financer la sécurité sociale par des ressources assises sur le travail. Il faudra fiscaliser son financement, au moins pour la maladie et la branche famille. La CSG et la CRDS devront augmenter. Hélas, nos amendements n'ont pas été retenus. Quant à la TVA sociale, c'est évidemment une piste à explorer.

Nous soutiendrons le texte de l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Dominique Watrin.  - Depuis des semaines, vous répétez la même antienne : le Gouvernement combat les déficits. Mais depuis 2007, la dette sociale a doublé et il n'a pas pu ni voulu mettre un terme à cette situation scandaleuse. Le déficit pour 2012 sera toujours de 15 milliards et le retour à l'équilibre est très improbable. Cette gestion coupable, pour ne pas dire revancharde, remet en cause le programme du CNR et affaiblit la sécurité sociale. Cette instabilité inquiète nos concitoyens ; elle est par nature en contradiction avec l'idée même de sécurité sociale : la protection sociale doit être au service des travailleurs, des retraités et des privés d'emploi. L'exposé des motifs de l'ordonnance de 1946, qui a créé la sécurité sociale, rappelait qu'il s'agissait de débarrasser le travailleur de l'incertitude du lendemain, une incertitude qui crée un sentiment d'infériorité et constitue la base réelle de la distinction de classe entre possédants et travailleurs.

Les récentes annonces de M. Fillon ont pour seul but de rassurer les marchés financiers. Si l'Acoss est obligée d'emprunter, c'est que vos politiques l'y ont contrainte ; cet affaiblissement méthodique la rend dépendante des marchés. Vous persistez à courir derrière la crise en prenant des mesures dans l'urgence, non pérennes, insuffisantes et injustes. Le plan de rigueur sociale est un colosse au pied d'argile.

M. Roland Courteau.  - Bien vu !

M. Dominique Watrin.  - Nous avons déjà perdu de fait le AAA ; sur les marchés financiers, la France est déjà dégradée. Les taux d'intérêts auxquels nous empruntons augmentent et le spread avec l'Allemagne n'a jamais été aussi élevé.

Selon la Cour des comptes, des mesures structurelles s'imposent. Elle a précisé que les facteurs structurels expliquaient 0,7 % du déficit de la sécurité sociale en 2010. Cette anomalie doit cesser.

La solution d'un financement pérenne, c'est la suppression des niches inefficaces et l'augmentation des ressources de la sécurité sociale ; ce que vous proposez en termes de dépenses, ce sont des rustines... Par dogmatisme ou alignement sur les puissants, vous avez détricoté le texte du Sénat, comme si les 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires n'étaient rien, comme si la baisse de 30 % du déficit des comptes sociaux ne comptait pas ! Nos projets sont différents par nature. Vous imposez la rigueur, taxez les plus faibles alors que nous proposons plus de justice. Les exonérations de cotisations sociales sont des trappes à bas salaires et des subventions à l'emploi précaire. Elles approchent 30 milliards. Et si l'État remboursait à la sécurité sociale les dettes qu'il a accumulées envers elle, le déficit serait réduit de moitié. Les exonérations ne permettent pas de lutter contre les délocalisations. La Cour des comptes a démontré que le secteur de la grande distribution en profitait pleinement, alors qu'il n'est pas exposé aux délocalisations...

Nous avons proposé de taxer les bonus exorbitants et scandaleux des traders. Les bonus n'ont pas diminué, loin s'en faut ! Tout continue comme avant ! Au Crédit agricole, le bonus moyen sera de 150 000 euros en moyenne...

M. Roland Courteau.  - Et voilà !

M. Dominique Watrin.  - Nous avons également proposé une contribution sociale sur les retraites chapeau. Mais vous n'en voulez pas. Vous préférez poursuivre une politique qui s'apparente à une politique de classe.

Vous ne trouverez personne pour défendre la fraude sociale, mais elle est très minoritaire, aux dires mêmes du directeur de la Cnaf ; la Cour des comptes évalue à 3 milliards d'euros la fraude, scandaleuse, aux prestations -qu'il faut cependant relativiser. Bien plus importante est la fraude aux prélèvements, celle commise par les employeurs -de 8 à 14 milliards- dont 80 % au titre du travail dissimulé. Mais de cette fraude, vous ne dites mot. Il est vrai que la chasse aux pauvres est plus facile.

Ce sont toujours les mêmes qui sont victimes de votre plan d'austérité. La réforme des retraites va s'accélérer et toucher, une fois de plus, les plus fragiles et les séniors. Seuls 38 % des 55-65 ans sont actifs. Vous allez accélérer la paupérisation des séniors. Après le chômage, viendra pour eux le temps des minima sociaux.

Les économies attendues sont modestes, mais pénalisent les salariés. Peu vous importe, vous voulez rassurer les marchés financiers. Vous avez ainsi accru la taxation sur les mutuelles : c'est une nouvelle taxe sur la santé. Deux poids, deux mesures, selon que l'on est riche et puissant ou pauvre et faible.

L'Ondam à 2,5 % pénalisera les établissements de santé publics ; les deux tiers des CHU sont en déficit, conséquence logique de la T2A et de la convergence tarifaire. La privatisation du service public est en marche.

Ce sont donc bien deux conceptions du financement de la sécurité sociale qui s'opposent : la vôtre, qui laisse filer les déficits tout en faisant peser le poids de la rigueur sur les salariés, et la nôtre qui prône la justice sociale et la préservation de notre système de protection sociale. Une autre politique est possible. C'est pourquoi nous ne pouvons voter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Heureux les citoyens qui ignorent tout du travail parlementaire ! Heureux sont ceux qui croient que de la saine confrontation des idées sortent de justes équilibres, fondés sur des vertus républicaines que je veux croire encore partagées... (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ils seraient déçus s'ils voyaient les conditions dans lesquelles nous avons examiné ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils ne comprendraient pas qu'après nous avoir annoncé un projet de loi de rectificatif, le Gouvernement fasse aussitôt volte-face. A-t-il voulu jouer un faux apaisement ? Je ne critique pas seulement la forme. Je comprends que le calendrier parlementaire l'ait contraint à agir par amendements. Mais pourquoi ne pas l'avoir admis dès le début ? Cette façon de faire déshonore notre travail. (Applaudissements sur les bancs socialistes) La vérité n'est ni de gauche ni de droite ; j'ai toujours pensé que si elle existait, elle était une alchimie entre les deux. Quelle erreur ! Que d'illusions perdues...

Nous savons tous qu'il faut réduire nos dépenses et revenir à l'équilibre, sous réserve que l'effort soit également partagé. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ignore cette exigence et met à mal la volonté du Gouvernement de présenter un texte sincère. Vous allez d'atermoiement en atermoiement, pour preuve le quatrième jour de carence, aussitôt annoncé que retiré sur la pointe des pieds. Ou encore l'accélération du calendrier des retraites qui démontre que cette réforme était mal conçue et manquait de vision stratégique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

J'ai du mal à comprendre que vous rejetiez nos propositions de réduire le déficit. De contradictions en approximations, je crains que vous n'ayez pas atteint votre objectif d'un texte responsable et crédible. C'est pourquoi, dans sa grande majorité, le groupe RDSE ne pourra pas vous suivre. (Vifs applaudissements à gauche)

M. Alain Milon.  - Nous sommes cette année dans une situation inédite. L'Assemblée nationale a voté un projet de loi de financement de la sécurité sociale équilibré et responsable ; la nouvelle majorité du Sénat en a décidé autrement. Logiquement, la CMP a échoué. Le groupe UMP soutient le texte de l'Assemblée nationale qui prend en compte le plan annoncé le 7 novembre et apporte des réponses justes et efficaces.

Le choix de déposer des amendements plutôt qu'un collectif se justifie par la lourdeur du calendrier parlementaire, d'autant qu'ils sont en relation directe avec le texte que nous examinons. Sur le fond, nous approuvons ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. La majorité du Sénat a créé des taxes innombrables, sans se préoccuper de leurs conséquences : 5,2 milliards d'euros supplémentaires ! Ces taxes touchent les entreprises et les revenus du travail. La majorité sénatoriale a remis en cause les exonérations de cotisations des heures supplémentaires.

M. Roland Courteau.  - Combien d'emplois ont-elles créés ?

M. Alain Milon.  - Vous voulez taxer le travail et le pouvoir d'achat, les entreprises qui emploient des salariés à temps partiel ; 800 000 emplois sont en cause ! Nous, nous soutenions l'emploi.

Vous voulez taxer les rémunérations accessoires comme l'intéressement ou la participation. C'est le pouvoir d'achat qui est touché.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ce sont les employeurs qui paieront !

M. Alain Milon.  - Nous voulons, nous, le protéger. Taxer les stock-options, les parachutes dorés ? Mais nous nous sommes déjà rapprochés du niveau d'imposition moyen. (Exclamations à gauche)

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait supprimé toutes ces mesures. Je me félicite qu'elle ait préservé la taxation des produits cosmétiques et rétabli le dépistage de la surdité.

En revanche, je regrette que l'Assemblée nationale soit revenue à son texte sur l'article 35 bis : la biologie médicale n'est pas une prestation de service. La liberté des prix en ce domaine doit être prohibée, sinon les gros laboratoires vont s'imposer aux dépens des petits. Je déposerai prochainement une proposition de loi sur ce point.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale permet de concilier justice sociale et rétablissement des comptes publics. Nous saluons la réactivité du Gouvernement ; les dépenses seront maîtrisées, grâce à un Ondam ramené à 2,5 % -mais 4,3 milliards d'euros supplémentaires iront tout de même à la protection sociale. Toutes les catégories sociales seront soumises à contribution.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale tient compte des conséquences de la crise. Le plan du Gouvernement permettra d'éviter 65 milliards de dette d'ici 2016. Nous ne pouvons qu'adhérer à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Génisson.  - Après l'échec de la CMP et la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, je veux exprimer la colère de mon groupe. Nous avons présenté un texte de justice sociale qui réduisait le déficit de 3,5 milliards d'euros. Le premier jour de son examen, M. Fillon a annoncé un nouveau plan d'austérité. Si nous avons débattu en toute responsabilité, nous désapprouvons ces méthodes de travail. Quelle fébrilité et quel manque de lucidité ! (Applaudissements à gauche)

L'heure est venue du bilan de votre politique. Depuis 2007, les comptes sociaux dérivent. En 2010, le régime général a été déficitaire de 23,9 milliards, deux fois le solde de 2008. L'impact de la crise économique, dit le Gouvernement... Mais les comptes sociaux étaient déjà dans le rouge en 2008 ! Nous payons les conséquences de vos choix. Depuis 2002, et surtout 2007, les inégalités se creusent ; 19 % des Français craignent de ne pouvoir se soigner et 32 % sont susceptibles de renoncer à une complémentaire. Notre majorité a fait un travail sérieux, responsable et juste sous l'impulsion de la présidente et du rapporteur général de la commission des affaires sociales. En première lecture, nous avons dénoncé les prévisions exagérément optimistes du Gouvernement et nous avons rejeté les comptes de la sécurité sociale pour 2010 et 2011 ; nous avons rejeté les tableaux d'équilibre pour 2012. Et nous avons proposé un projet alternatif en proposant de nouvelles ressources et de nouvelles protections pour nos concitoyens.

Nous avons abrogé l'article premier de la loi Tepa sur les heures supplémentaires...

Mme Chantal Jouanno.  - Merci pour les travailleurs !

Mme Catherine Génisson.  - ... dispositif destructeur d'emplois. Nous avons porté le forfait social à 11 %, taxé le capital et les retraites chapeau. Sur la modulation des exonérations sociales, le Gouvernement a refusé de s'engager. Au total, nous avons amélioré les comptes de la sécurité sociale de 3,5 milliards.

Heureusement, le Premier ministre est revenu sur le quatrième jour de carence.

M. Ronan Kerdraon.  - Avec du mal !

Mme Catherine Génisson.  - Mais quelle sera la compensation ?

Le débat sur la création de taxes est délétère. La majorité n'est pas en reste sur le sujet. Nous revendiquons les prélèvements nouveaux que nous instituons, en défense du principe de solidarité. L'article 40 a été opposé à notre amendement visant à revenir sur la convergence. Je remercie M. Milon d'avoir convenu que cette mesure n'est pas pertinente. Au-delà, il faut pointer le déséquilibre dans l'offre de soins entre public et privé, lequel offre 80 % des soins de chirurgie, avec le corollaire financier que cela comporte, et la perte d'attractivité de l'hôpital public : songeons que 43 % des anesthésistes déclarent regretter leur choix, pour des questions de rémunération mais surtout parce qu'on leur impose des conditions de travail qui les empêchent d'exercer le plénitude de leur métier. Cela vaut pour tous les personnels soignants parce que la logique de rentabilité l'emporte sur les relations avec les malades. Et le gel des dotations sur les missions d'intérêt général menace toujours.

Je vous alerte, madame la ministre, sur le malaise de l'hôpital public. D'autant que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne règle ni la question de la démographie médicale, ni celle des dépassements d'honoraires. Le secteur optionnel n'est pas la solution. Il faut mieux reconnaître le secteur I, et encadrer plus sévèrement des pratiques qui dénaturent la pratique médicale.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

Mme Catherine Génisson.  - Le volet social ? Comment ne pas craindre, avec un Ondam à 2,5 %, des désordres majeurs, en particulier à l'hôpital, qui est à bout de souffle. L'avancement du calendrier des retraites, alors que le nombre de séniors au chômage ne cesse d'augmenter, est malvenu. Comme l'indexation sur la seule croissance des allocations familiales. Vos propositions touchent toujours les mêmes : les plus précaires. Votre credo : taxer les classes moyennes et populaires, diminuer leurs prestations.

Mme Chantal Jouanno.  - Les exonérations des heures supplémentaires bénéficient aux classes moyennes !

Mme Catherine Génisson.  - Reconnaissez autrement la valeur du travail  en encourageant les négociations salariales au lieu de vous reposer sur des expédients comme la majoration des heures supplémentaires! (Applaudissements à gauche) D'autres solutions sont possibles et nous avons proposé de nombreuses pistes.

Nous refusons de souscrire à ce texte, et voterons la question préalable. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Ce texte nous attriste, nous qui avons vaillamment, en première lecture, tenté de le rendre mieux à même de faire face à la crise économique, sanitaire et sociale. Nous prenions nos responsabilités en créant de nouvelles recettes, y compris en supprimant des taxes frappant les plus pauvres comme celle sur les mutuelles.

A l'Assemblée nationale, notre travail a été rayé d'un trait de plume et le texte qui nous revient aggrave l'iniquité : rétablissement de la taxation des complémentaires, suppression de nos annulations d'allégements. Et coup de grâce, il diminue le taux des prestations sociales, touchant les familles les plus fragiles. (Applaudissements à gauche) Quelle régression au regard de la société d'avenir que nous devons préparer pour nos enfants, alors qu'il nous faut apprendre à partager le travail sur une planète épuisée par le productivisme. Le travail, il faut en effet le partager ....

Mme Chantal Jouanno  - On a vu les résultats !

M. Jean Desessard.  - ... et vous ne savez que répéter votre credo absurde : « Travailler plus pour gagner plus ».

Mme Chantal Jouanno.  - Absurde, vraiment ?

M. Jean Desessard.  - Quand donc comprendrez-vous que le partage du travail est essentiel à une société du vivre-mieux, quand la société se divise entre ceux qui sont soumis à des rythmes infernaux et les chômeurs. Reporter l'âge de la retraite, c'est encore faire travailler plus certains, quand d'autres sont laissés pour compte.

La responsabilité, ce serait se tourner vers une société solidaire, écologique, qui remet l'emploi au centre parce qu'il est aussi la clé de voûte de la retraite par répartition. Le capitalisme épuise les ressources et la productivité les forces. Une conversion écologique s'impose : les activités vertes, non délocalisables et non mécanisables doivent être favorisées, les gains de productivité partagés. Voulons-nous voir une partie de la population mise durablement, avec le chômage, au ban de la société ?

Nous voulons, avec André Gorz, un travail qui préserve la solidarité, qui renforce les liens, les richesses humaines et naturelles : nous voulons un système de retraite égalitaire. Nous ne voulons pas de la réforme que nous vous imposez. Le projet de loi de finances était l'occasion de virer de bord, pour une santé différente, qui n'est pas un coût mais une richesse inestimable. Au lieu de chercher à baisser le coût des prestations par des mesures inégalitaires, favorisons une santé d'avenir, en prohibant les produits toxiques, en écoutant les lanceurs d'alerte, en mettant en place un organisme indépendant d'expertise sur la santé environnementale, en promouvant une économie sociale et solidaire qui prenne en charge la lutte contre la dépendance.

Nous proposons une CSG progressive en liaison avec l'impôt, et la mise sous conditions des exonérations de cotisations sociales, en particulier les exonérations Fillon, particulièrement inefficaces.

Votre texte est loin, hélas !, de la politique responsable que nous appelons de nos voeux : nous voterons résolument contre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Le matin même de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons appris le contenu du plan de redressement du Gouvernement, qui ne devait se traduire que par la révision des hypothèses de croissance, le reste étant renvoyé à un collectif. Le Gouvernement a préféré la voie des amendements à l'Assemblée nationale, dont le texte ne nous est parvenu que ce matin. S'agissait-il d'attendre le dernier moment, en espérant un improbable retournement de conjoncture ? Car la situation était connue, et pouvait être d'emblée prise en compte.

Les mesures proposées par le Gouvernement, au premier rang desquelles un Ondam à 2,5 %, ne sont nullement documentées. Ainsi du médicament : sur quoi reposeront les économies ? Au vague des annonces s'ajoute l'absence de données chiffrées.

Et le plus important n'est pas tant de fixer un objectif de dépense que de le respecter. A moyen terme, les paramètres échappent pour partie aux pouvoirs publics, comme ce qui concerne la convergence tarifaire.

L'accélération de la réforme des retraites ? « Le temps des rapports », disiez-vous, « est dépassé ». Mais la question de la soutenabilité de la réforme de 2010 est depuis longtemps posée. La commission des finances l'avait dès longtemps pointée. A preuve, le transfert à la Cades des déficits du FSV et de la Cnav. Sans les mesures supplémentaires, le déficit aurait dépassé 10 milliards. L'objectif sera, ici, difficilement atteint. Preuve de la grande fragilité du dispositif.

Troisième mesure : l'indexation des prestations sur le seul 1 % de croissance, limitée, nous dit-on, à 2012. Au vu des incertitudes qui pèsent sur notre taux de croissance, on peut être, pour les années à venir, inquiet.

Au total, toutes ces mesures pèseront sur le pouvoir d'achat, dont M. Sarkozy se voulait le champion.

Les déficits ? Il est vrai que la situation des régimes de base s'améliore, mais le déficit du FSV s'aggravera. Au total, le déficit s'aggrave de 300 milliards, plus du double de celui de 2007. Vous restez dans le flou le plus total sur vos intentions au-delà de 2012. C'est du pilotage à courte vue. Votre politique apparaît pour ce qu'elle est : un tissu de propos vagues, sans vision d'avenir. Nous ne pourrons voter un texte que vous nous présentez, de surcroît, dans des conditions indignes du travail parlementaire. (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Demontès.  - L'échec de la CMP a mis en évidence nos désaccords de fond. Le Gouvernement vient de détricoter le projet de loi que 175 sénateurs avaient adopté, démontrant qu'une alternative au toujours plus de déficit et toujours moins d'équité existait.

Nous avions radicalement transformé le texte. Si nous consentons que la réduction des déficits s'impose, encore faut-il que l'effort ne pèse pas sur les seuls assurés et garantisse la santé et la protection sociale de nos concitoyens. Mais pour vous, une dépense n'est concevable qu'en faveur des plus aisés.

Les exonérations de la loi Tepa s'avèrent, en tout point, une catastrophe. Elles coûtent 3,4 milliards aux organismes de sécurité sociale, sans bénéfice pour la croissance. Alors que la Cour des comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires, le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale ont dénoncé l'inefficacité du dispositif, vous persistez. Le travail, dites-vous, ne se partage pas. Mais vous allez plus loin, vous en supprimez : le chômage a explosé. Nous sommes loin des promesses du candidat Sarkozy, qui promettait en 2007 de conduire la France au plein emploi en cinq ans. En 2008, l'Acoss enregistrait 727 millions d'heures supplémentaires, soit l'équivalent de 466 000 équivalents temps plein : le dispositif a coûté près de 100 000 nouveaux emplois. A coût égal, l'État aurait pu financer 120 000 emplois et générer des recettes pour la sécurité sociale. Le bénéfice ? Il profite essentiellement aux ménages les plus aisés. Face à cela, les plans sociaux. Effet d'aubaine pour les entreprises, donc financé par la dette, nous avions supprimé à juste titre ce dispositif. Vous avez choisi l'aveuglement idéologique et les générations futures en seront, malgré elles, comptables.

Mme Aline Archimbaud.  - Mon inquiétude, ma colère, je les concentrerai sur quelques points. Malgré des délais intenables, nous avions fourni un travail de qualité. Grâce à la suppression de l'exonération Tepa, la taxation des stock-options, nous étions parvenus à réduire le déficit de 30 % de plus. Et vous avez balayé nos solutions d'un revers de main, sans nuance. Quant à la série de mesures de justice que nous avions prises en faveur des assurés, vous les avez fait passer par pertes et profits.

L'UMP a dévoilé hier son programme « de courage ». Où est le courage dans la méthode que vous avez employée pour l'examen de ce texte ? Où est le courage à indexer les prestations sociales et les allocations logement sur une croissance en berne ? Où est le courage à stigmatiser les bénéficiaires de prestations sociales, avec votre campagne indigne contre les soi-disant fraudeurs ?

Mme Chantal Jouanno.  - En quoi est-elle indigne ?

Mme Aline Archimbaud.  - Vous savez bien que cette fraude, estimée à 3 milliards, est sans commune mesure avec celle des employeurs, avec le travail au noir, avec la fraude fiscale. J'ai entendu parler de la création d'un FBI chargé de traquer la fraude : une blague ? Non c'est sérieux. Populisme et démagogie, voilà votre méthode. J'ai interpellé M. Xavier Bertrand à ce sujet. Ma lettre est restée sans réponse.

Si vous parlez de courage, vous feriez mieux de dérembourser les dizaines de médicaments dont le service médical rendu n'est pas prouvé et dont le produit va dans les poches des laboratoires.

On ne résoudra la crise du système que si l'on agit sur les causes : pollution, conditions de travail et, plus largement, un modèle de production arrivé en bout de course. Il faut passer d'un système curatif à un système préventif, mettant un coup d'arrêt à une simple logique de court terme.

Réorienter les crédits vers la prévention, c'est préparer les économies de l'avenir.

La situation est difficile, nous en sommes conscients, mais cela ne nous empêche pas d'exprimer notre désaccord stratégique, profond. Nous voterons donc la question préalable. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°7, présentée par M. Daudigny, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat,

Considérant que la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, relative aux comptes de 2010, demande l'approbation d'un montant de déficits sans précédent, soit 28 milliards d'euros au titre du régime général et du fonds de solidarité vieillesse ;

Considérant que, nonobstant la certification des comptes de 2010 par la Cour des comptes, ce montant traduit une politique de fuite en avant dans l'accumulation des déficits portant gravement atteinte à la pérennité du système de protection sociale ;

Considérant que l'absence de mesures de redressement a entraîné à nouveau un montant de déficit excessivement élevé en 2011 : 22 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse ;

Considérant que la loi de financement pour 2011 avait prévu le transfert de 130 milliards de dettes à la Cades, dont 65 milliards en 2011, soit un doublement de la dette sociale jusque là portée par cette caisse ;

Considérant que les mesures de gestion de la dette adoptées parallèlement à ce transfert ont conduit à un allongement de quatre ans de la durée de vie de la Cades et au choix clairement affirmé du report des déficits actuels sur les générations futures ;

Considérant que cette politique se poursuit en 2012 avec le maintien d'un déficit encore largement supérieur à ce qu'il était avant la crise, soit 14,6 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse ;

Considérant que, pour la couverture de ces déficits, aucune mesure n'est prévue en ce qui concerne les branches maladie et famille, soit 8,2 milliards d'euros qu'il conviendra pourtant de financer avant la fin 2012 ;

Considérant également que, pour la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, seule une partie de la dette accumulée est transférée à la Cades tandis que, par le biais d'un prélèvement sur les recettes de la Cnam, le nouveau financement qu'elle se voit attribuer ne lui permettra de couvrir qu'un tiers de son déficit en 2012 ;

Considérant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a été élaboré sur la base d'un cadrage macroéconomique irréaliste, avec une prévision de croissance du Pib de 1,75 % et une progression de la masse salariale de 3,7 % ;

Considérant que malgré la rectification de cette prévision en cours d'examen du projet de loi, le Gouvernement retient des hypothèses encore très élevées, soit un taux de croissance du Pib de 1 % et un taux d'augmentation de la masse salariale de 3 %, en contradiction avec les dernières prévisions économiques indépendantes, provoquant ainsi les remarques de nos principaux partenaires européens sur le caractère systématiquement trop optimiste des prévisions gouvernementales françaises ;

Considérant en outre que le Gouvernement ne modifie pas les hypothèses de croissance du Pib et de la masse salariale pour 2013, 2014 et 2015, ce qui rend d'ores et déjà irréaliste la trajectoire envisagée pour la réduction des déficits au cours de ces trois années ;

Considérant qu'en dépit de ce cadrage caduc, au terme de la période, comme le montre l'annexe B, le régime général et le fonds de solidarité vieillesse afficheront encore un déficit global supérieur à 10 milliards d'euros ; qu'il en résulte un véritable abandon de l'objectif d'équilibre des comptes sociaux ;

Considérant que, dans ce contexte, le Gouvernement s'est de façon systématique opposé à l'attitude responsable du Sénat qui a voté une réduction du déficit proche de 4 milliards d'euros pour 2012 ;

Considérant que, pour parvenir à cet objectif, le Sénat a essentiellement cherché à réduire les niches sociales existantes, contrairement au Gouvernement qui a créé vingt-trois nouvelles taxes au cours des derniers exercices ;

Considérant que le Sénat a choisi de répartir plus équitablement les prélèvements qu'il a mobilisés ;

Considérant que malgré plusieurs évaluations convergentes récemment effectuées sur le dispositif d'exonérations fiscales et sociales applicable aux heures supplémentaires, le Gouvernement persiste à ne pas reconnaître le caractère excessivement coûteux de cette mesure (4,9 milliards d'euros) au regard de son efficacité ;

Considérant que l'Assemblée nationale est revenue sur la totalité des mesures proposées par le Sénat en termes de recettes, à la fois celles qui visent à un meilleur ciblage des allégements généraux de cotisations sociales, et celles qui tendent à renforcer la taxation de catégories de revenus très spécifiques et dérogatoires au droit commun des rémunérations : stock options, attributions gratuites d'actions, retraites chapeau, bonus des traders ;

Considérant qu'au mépris de l'objectif consistant à favoriser un meilleur accès aux soins, l'Assemblée nationale a rétabli le doublement de la taxe sur les contrats responsables et solidaires des assurances complémentaire santé, ce qui aura pour effet certain de renchérir le coût de la protection complémentaire pour un très grand nombre d'assurés ; qu'elle a également supprimé l'exonération de taxe votée par le Sénat au profit des contrats destinés aux étudiants ;

Considérant que l'Assemblée nationale a rétabli la création d'une ébauche de secteur optionnel, mesure à laquelle la majorité du Sénat a clairement manifesté son opposition car un tel dispositif ne réglera en rien la question, plus aigüe que jamais, des dépassements d'honoraires mais risque, à l'inverse, de les légitimer ;

Considérant qu'aucune disposition ne vise à remédier à l'inégale répartition des praticiens sur le territoire, alors que la récente convention médicale, signée le 26 juillet, reste elle-même en retrait sur cette question ;

Considérant que rien n'est prévu pour favoriser le renforcement du secteur hospitalier, qui sera même pénalisé par l'arrêt brutal du plan Hôpital 2012 décidé unilatéralement dans le cadre des mesures de rigueur annoncées le 7 novembre, et que le processus de convergence tarifaire entre les secteurs public et privé est poursuivi sans prise en compte suffisante des spécificités du secteur public ;

Considérant que l'Assemblée nationale est revenue sur l'inscription dans la loi des règles aujourd'hui applicables pour le calcul des indemnités journalières maladie ;

Considérant que l'Assemblée nationale a refusé, au mépris des droits du Parlement, d'appliquer les règles habituelles de transparence pour le nouveau fonds d'intervention régional (FIR), en n'inscrivant pas que ses crédits seront votés en loi de financement ;

Considérant que, dans le prolongement des précédents, ce projet de loi de financement n'engage pas de modifications profondes du système de santé : il fixe l'Ondam soins de ville et hospitalier à 2,7 %, taux revu à la baisse par le Gouvernement à 2,5 %, mais la sincérité de cet objectif est pour le moins incertaine ; le respect de ce plafond est en effet conditionné à la politique de baisse de prix de produits de santé, à la maîtrise médicalisée des dépenses et au désengagement des investissements hospitaliers ;

Considérant que le Gouvernement a renoncé à une réforme de la dépendance, pourtant jugée prioritaire et annoncée comme telle par le Président de la République, et laisse ainsi s'alourdir les charges pesant sur les personnes âgées en perte d'autonomie, sur leurs familles et sur l'aide sociale départementale ; que les enveloppes prévues pour assurer le financement des établissements qui accueillent des personnes âgées et des personnes handicapées ne permettront pas de rattraper le retard pris par rapport aux objectifs de création de places et de médicalisation des établissements ;

Considérant que l'Assemblée nationale n'a pas jugé utile d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles ;

Considérant qu'en matière d'assurance vieillesse, le Sénat est mis devant le fait accompli des mesures nouvelles du Gouvernement, que l'anticipation d'un an du terme de la réforme n'est pas justifiée et qu'elle ne permet, pas davantage que la réforme votée voici un an, de parvenir à un équilibre des comptes de la branche en 2018 ; que l'hypothèse d'un rétablissement financier reposant sur la réduction du taux de chômage est parfaitement irréaliste ;

Considérant que la réflexion demandée par le Sénat sur le versement de la pension de réversion au partenaire d'un Pacs et sur l'amélioration des droits à la retraite des apprentis a reçu une fin de non recevoir de l'Assemblée nationale ;

Considérant que le Sénat s'est opposé à la mesure votée à l'Assemblée nationale en première lecture du report de trois mois de la revalorisation des prestations familiales, en raison du caractère vital de celles-ci pour de nombreux ménages aux ressources faibles ainsi que pour certains de nos concitoyens les plus fragiles et qu'il rejetterait de la même manière la mesure consistant à ne revaloriser ces prestations que de 1 % au lieu de 2,3 % en 2012 ;

Considérant qu'au total, le projet de loi n'apporte pas les solutions nécessaires à la sauvegarde du système de sécurité sociale ;

Considérant que le Gouvernement comme l'Assemblée nationale ont clairement signifié au Sénat qu'ils entendaient ignorer, par principe, sa contribution  sur ce projet de loi ;

Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ce texte ne règle aucun des problèmes de nos concitoyens, notamment pour l'accès aux soins, n'engage aucune réforme structurelle, ne comporte aucune mesure de justice, laisser filer les déficits. Nous pensons qu'une alternative existe, c'est affaire de volonté politique.

Vous nous dites que la loi sur les retraites est une réforme de structure. Mais elle ne fait que renforcer les inégalités. Les femmes, les séniors en sont les victimes. Et vous ne prenez guère en compte la pénibilité si elle n'équivaut pas à l'invalidité.

Aux propositions alternatives que nous présentons, vous opposez une fin de non-recevoir. N'avons-nous pas, pourtant, le devoir de tout faire pour préserver notre système de protection ? C'est pourquoi nous avons proposé un autre budget, dans le cadre contraint que nous imposent la Constitution et la Lolf. L'Assemblée nationale a tout rejeté en bloc. Cette attitude de principe est indigne. L'Assemblée nationale a accepté sans ciller sur les mesures nouvelles, ne retenant même pas les amendements de M. Milon.

Nous vous avions pourtant avertis, dès avant l'examen du texte initial, que vos prévisions de croissance étaient irréalistes. Vous n'en avez eu cure et nous avez présenté un projet qu'il a fallu aussitôt revoir, puis revoir encore, en nous assurant que la procédure retenue -des amendements déposés à l'Assemblée nationale- était constitutionnelle, après nous avoir expliqué que seul un projet de loi rectifcative le serait. Pourquoi ne pas nous avoir écoutés le 7 novembre ? Est-ce délibéré ? Je ne veux croire à un tel mépris du Parlement. Est-ce alors amateurisme ?

M. Ronan Kerdraon.  - Les deux !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - C'est pour quoi nous avons déposé une question préalable, mais aussi pour des raisons de fond.

Le niveau des déficits porte atteinte à la pérennité de notre système de protection. Et si vos discours sont volontaristes, vos résultats sont médiocres. Comment expliquer que vous ne sachiez vous appliquez à vous-mêmes la règle d'or que vous voulez inscrire dans la Constitution ?

Contrairement à vous, nous avons réduit les niches, alors qu'au cours des trois exercices, vous avez créé 21 nouvelles taxes.

Mme Chantal Jouanno.  - N'inversez pas les rôles !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Nous supprimons les exonérations Tepa ? Vous les rétablissez, au mépris de l'analyse de la Cour des comptes. N'était-il pas, non plus, légitime de renforcer la taxation des bonus et retraites chapeau ?

J'en viens à l'accès aux soins. Les députés portent la lourde responsabilité d'avoir augmenté le coût de la protection complémentaire, en rétablissant la taxe.

Avec le secteur optionnel, ils ont légitimé les dépassements d'honoraires. Rien n'est fait sur la démographie médicale. Rien non plus pour l'hôpital public, premier et dernier recours pour beaucoup : nous ne pouvons souscrire au principe de convergence tarifaire.

La réforme de la dépendance ? Vous y avez renoncé ! Les charges pesant sur les familles et les départements s'aggravent.

Quant à la moindre revalorisation des prestations, c'est une injustice flagrante à l'encontre des plus modestes. Votre maître-mot serait le désendettement ? Votre projet de loi n'apporte aucune réponse et ne sauvegardera pas le système. J'invite donc mes collègues à adopter cette question préalable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cette question préalable. Je regrette les changements qui vous ont été imposés : nous avons été tenus par des exigences constitutionnelles. Il nous a fallu être réactifs et nous livrer à un exercice de sincérité.

Sur le fond, je constate l'ampleur de votre désaccord et le regrette. Face à la crise, nous aurions dû nous retrouver. Trop longtemps, nous avons accumulé les dettes, nous avons vécu à crédit, nous avons remis à demain les réformes indispensables. La réforme des retraites a permis de sauver le système.

Nous sommes tous attachés à la sécurité sociale. Nous avons adopté certaines dispositions, notamment celle de M. Godefroy sur les médecins du travail. En revanche, je n'ai rien vu venir du Sénat pour améliorer les comptes sociaux. Il aura fallu attendre quinze ans pour que l'Ondam soit respecté : quinze ans ! C'est un manque de respect pour le Parlement. Les dépenses sont enfin sous contrôle. Avec un Ondam à 2,5 %, les dépenses sociales continuent à augmenter, nous investissons encore dans notre modèle de protection sociale. Mais, pour préserver cette capacité d'investissement, nous devons maîtriser les dépenses.

Le Sénat n'a pas pris cette direction. Ses votes auraient entraîné 1,5 milliard de dépenses supplémentaires. Vous supprimez l'exonération des cotisations sur les heures supplémentaires à la fois en loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale ; il faudra choisir une bonne fois l'emploi que vous voulez faire de ces sommes ! Vous avez créé dix-sept nouvelles taxes (marques d'impatience à gauche) mais elles ne combleront jamais les déficits.

Avec plus de dépenses et des financements dénués de solidité, comment les déficits se réduiraient-ils ? Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ne pouvaient vous suivre.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est à la hauteur des enjeux et il protège notre modèle social. Le Gouvernement s'oppose donc à son rejet. (Applaudissements à droite)

M. Ronan Kerdraon.  - Le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'ayant pas eu le courage de mener une réflexion approfondie sur notre travail, nous sommes fondés à repousser ce texte.

La majorité actuelle est au pouvoir depuis une décennie. Année après année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale jongle avec les déficits. Aucun Gouvernement, dites-vous, n'a échappé à un déficit. Aucun sauf celui de Lionel Jospin !

Votre gouvernement ne fait que creuser les déficits, tout en montrant son mépris pour le Parlement : il fait passer ses mesures d'économie par voie d'amendements déposés en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, quelques heures après l'échec programmé de la CMP. Nous vous avions alertés sur les chiffres optimistes de croissance initialement présentés. Tous les économistes, à commencer par ceux de Bruxelles, estiment que nous serons à 0,6 % et non à 1 % de croissance. Aurons-nous dans trois semaines un collectif ? Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sera-t-il déclaré inconstitutionnel pour insincérité ?

Il traduit en actes les paroles blessantes du président de la République à l'endroit de nombreux Français, traités en fraudeurs potentiels. Les chiffres dévoilent l'ampleur de l'injustice : la fraude aux prestations sociales représente environ 2 milliards d'euros...

Mme Chantal Jouanno,  - Vous le reconnaissez !

M. Ronan Kerdraon.  - Cela représente 1 % du total des prestations versées, à comparer au montant de la fraude fiscale : entre 20 et 25 milliards d'euros, soit 10 % des recettes fiscales !

L'abandon de la réforme de la dépendance serait une raison suffisante pour motiver notre rejet. Il y en a d'autres. Les économies de circonstances pénalisent les Français. Où est la justice sociale dans un texte censé la pérenniser ? Une voie plus équitable était possible. Nous l'avons prouvé, avec les mesures que nous avons proposées. Vous n'avez pas eu le courage de les prendre en compte. Nous voterons cette question préalable. (Applaudissements à gauche)

Mme Laurence Cohen.  - Lorsqu'il a créé le formidable outil des travailleurs qu'est la sécurité sociale, le CNR pensait rappeler la volonté ardente de refuser la défaite. C'est à une autre forme de résistance que nous pensons : contre la volonté des financiers, des assureurs, des grands patrons, de mettre à bas le programme du CNR. Jean-Louis Porquet, journaliste au Canard enchaîné, a écrit là-dessus un livre édifiant. Vous, c'est avec ce texte que vous travaillez à défaire l'oeuvre du CNR.

Avec les franchises médicales, pour ne prendre qu'un exemple, vous remettez en cause le fondement solidaire de la protection sociale. Qu'importe que les citoyens ne soient plus couverts par les mutuelles ? Parfois, la méthode est plus insidieuse : vous doublez la taxe pesant sur les mutuelles. Avec le secteur optionnel, vous voulez légaliser les dépassements.

Vous vous attaquez à notre modèle social de façon frontale, en laissant filer les déficits. Pourtant, d'autres choix sont possibles. La crise ? Vous refusez d'agir en faveur de l'emploi, de la formation professionnelle, contre les licenciements, vous fragilisez notre modèle social. (Applaudissements à gauche)

Mme Chantal Jouanno.  - Nous ne voterons pas cette question préalable. Il faut avoir le courage de maîtriser les dépenses et la gauche dit que c'est impossible. Nous ne vous suivrons pas dans cette voie de renoncement.

Vous proposez de créer dix-sept taxes supplémentaires...

Mme Christiane Demontès.  - Et vous, 31 !

Mme Chantal Jouanno.  - On peut se retrouver sur certaines choses, comme l'amendement Milon, que l'Assemblée nationale a conservé, mais jamais sur la taxation sur les heures supplémentaires.

Je regrette que les médias s'intéressent si peu à notre travail ; il serait bon que les Français voient ce que valent vos propositions ! Nous proposons une politique de l'offre et vous, de la demande. (Exclamations à gauche)

Mme Christiane Demontès.  - Qu'est-ce que cela signifie ? La protection sociale n'est pas un marché !

Mme Chantal Jouanno.  - Vous considérez le travail comme un fardeau, les employeurs comme des fraudeurs. (Nouvelles exclamations à gauche) Nous aurions pu avoir un vrai débat économique ; vous avez préféré des discours électoraux. Nous dénonçons cette question préalable. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Roche.  - Notre groupe ne votera pas cette question préalable pour des raisons de bon sens. Un Ondam à 2,5 %, c'est crédible. Nous ne voulons pas mettre le système en danger.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - De contradiction en contradiction, d'approximation en approximation, l'attitude du Gouvernement nous conduit à voter cette question préalable. Tous nos amendements ne manquaient pas de pertinence ; aucun n'a été retenu. Tout n'est pas noir ou blanc ! (Applaudissements à gauche)

Le scrutin public est de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l'adoption 175
Contre 168

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 24 novembre 2011, à 9 h 35.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Dealberto,

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 24 novembre 2011

Séance publique

À 9 HEURES 35

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).

Examen des missions :

Justice (+ articles 52 et 52 bis)

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 16)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois (Administration pénitentiaire - avis n° 112, tome XII)

Mme Catherine Tasca, rapporteure pour avis de la commission des lois (Justice judiciaire et accès au droit - avis n° 112, tome XIII)

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois (Protection judiciaire de la jeunesse - avis n° 112, tome XIV)

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ articles 49, 49 bis et 49 ter)

M. Philippe Marini, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 5)

Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome I)

À 15 HEURES ET LE SOIR

Questions d'actualité au Gouvernement.

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).

Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.

Examen des missions :

Outre-mer

MM. Georges Patient et Éric Doligé, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 18)

M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome III)

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (avis n° 111, tome IV)

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois (Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie, avis n° 112, tome III)

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois (Départements d'outre-mer - avis n° 112, tome VII)