Mineurs délinquants (Procédure accélérée  -  Nouvelle lecture) (Suite)

Mme Esther Benbassa.  - (Applaudissements à gauche) J'ai dit, à l'occasion de la proposition de loi sur le droit de vote des étrangers, mon opposition au texte de M. Ciotti, texte d'affichage déjà retoqué par le Sénat, mais que la majorité présidentielle et le Gouvernement veulent faire passer aux forceps, quitte à recourir à la procédure accélérée, nouvelle lecture... Un tel chantier législatif aurait dû être plus respectueux du Parlement.

Guérir au lieu de prévenir ? A dose homéopathique, car le texte concernera 166 places seulement. En ces temps de rigueur, 8 millions, cela paraît beaucoup.

Les sénateurs Verts, eux, défendent une vision globale de la lutte contre la délinquance juvénile, ainsi qu'une révision en profondeur de l'ordonnance de 1945 : la sanction est parfois nécessaire, mais ce texte n'est qu'un replâtrage quand les Français sont en quête de projets ambitieux.

Refusant ce « prêt à consommer » législatif, les sénateurs écologistes voteront la question préalable ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Monsieur Michel, menacer ainsi le Conseil constitutionnel n'est pas acceptable. Cela dit, le Constituant, qui ne tient pas en une seule chambre, peut toujours modifier la loi fondamentale. Les magistrats, que cela plaise ou non, sont là pour dire le droit et appliquer la loi...

M. Gaëtan Gorce.  - Dites-le à M. Courroye !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'affirmation est générale... Ensuite, tout en étant attaché à la culture parlementaire, je vous rappelle l'enseignement de Carré de Malberg. La loi est l'expression de la volonté générale, mais c'est aujourd'hui à la condition de respecter le corpus constitutionnel et conventionnel.

La décision du Conseil constitutionnel s'impose à tous, je vous renvoie à l'article 62 de la Constitution. C'est ce que le Gouvernement a fait. Certes, la décision du Conseil constitutionnel nous laissait jusqu'au 31 décembre 2012 mais, quel que soit le résultat des élections de 2012, la nouvelle majorité aura bien d'autres urgences que modifier le mode de saisine du tribunal correctionnel pour enfants ! (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1 présenté par Mme Klès au nom de la commission des lois.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

Mme Virginie Klès, rapporteure.  - On me fait un mauvais procès : le débat a eu lieu, aujourd'hui comme en première lecture. La question préalable ? Avons-nous un autre choix ? Pour amender l'article 6, il aurait fallu une longue concertation avec les acteurs. Le Premier ministre aurait garanti les moyens de l'Epide... Mon Dieu ! L'histoire de l'établissement est pavée de bonnes intentions...

Au reste, un détail : il n'y a qu'un Epide, non « des » Epide, un établissement où les anciens militaires ne représentent que 40 % de l'encadrement. Alors, monsieur Bockel, ne rêvez pas des beaux uniformes des officiers et sous-officiers ! Il ne faut pas mentir : il est faux d'affirmer que le taux de réinsertion atteint 80 % quand il est de 50 %, et c'est déjà beaucoup.

Ensuite, qu'est-ce que 166 places pour lutter contre la délinquance des mineurs ? Plutôt que de mélanger mineurs délinquants et majeurs non délinquants, augmentons les moyens de la PJJ, des centres ouverts.

L'Epide, c'est 2 000 places -l'équivalent d'un lycée-, loin des 20 000 promises en 2005 ! Cessons ce saupoudrage et défendons cette belle idée qu'est l'Epide ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'avis est défavorable.

M. André Reichardt.  - Je ne voterai pas cette question préalable. Pour avoir participé à la CMP, je sais qu'elle a duré une minute. Quel est l'intérêt ? J'avais une autre idée du travail du Sénat. Nous ne sommes pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Sur le fond, j'aurais aimé que l'on parle du texte, non de l'intérêt qu'il y avait à discuter de la proposition de loi.

Mme Virginie Klès, rapporteure.  - Où sont les amendements ?

M. André Reichardt.  - Depuis deux mois, nous sommes inutiles. En vertu de quoi n'aurions-nous pas le droit de modifier l'ordonnance de 1945 ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Elle a été modifiée 25 fois !

M. André Reichardt.  - La jeunesse a changé !

M. André Reichardt.  - Nous aurions pu travailler ensemble, au service de l'Epide. Il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les méchants. Cet outil offrait une chance supplémentaire de réinsertion. Permettez au sénateur néophyte que je suis de déplorer ce refus du débat parlementaire. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'ai connu, moi, un temps où les CMP échouaient pour une virgule ! Certes, la jeunesse a changé mais elle n'est pas la seule. L'ordonnance de 1945 a été modifiée 25 fois...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Quarante-trois !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ... par vos amis sans, à aucun moment, que ne soit engagé un débat de fond sur la prévention de la délinquance. La jeunesse a changé, dîtes-vous ? En 65 ans, d'autres choses aussi !

M. Louis Nègre.  - Pas la gauche !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Toujours des sanctions ! Toujours de l'affichage !

M. Louis Nègre - Et le projet éducatif ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Monsieur le ministre, ce n'est pas en transformant le Conseil constitutionnel en cour constitutionnelle que vous le rendrez plus indépendant et démocratique ; à cet égard, seul compte le mode de désignation. Je le dirai et le répéterai à chaque occasion ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Comme en première lecture, la majorité de notre groupe votera la question préalable : 200 places pour 216 000 interpellations l'an dernier, cette proposition de loi ne résout rien.

Depuis dix ans, l'ordonnance de 1945 a été modifiée 25 fois par affichage. Or, ce texte non seulement ne règle rien mais créera des difficultés sur le terrain, dans les Epide.

Quant à dire que le Sénat est inutile depuis deux mois, j'avais le même sentiment lorsque j'étais dans l'opposition. Vous verrez, on s'y habitue (sourires), d'autant que l'on n'est pas toujours plus satisfait, même dans la majorité.

Mme Catherine Tasca.  - Nous voterons la motion. Nous sommes tout aussi attachés que vous au dialogue parlementaire. En l'occurrence, c'est le Gouvernement qui a décidé l'urgence sur ce texte, élaboré sans concertation aucune. (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, la question préalable est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 175
Contre 171

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 10.