Modification du Règlement du Sénat

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer le pluralisme et l'action du Sénat en matière de développement durable, présentée par M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Michel, en remplacement de M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois.  - Cette 37e révision de notre Règlement tend d'abord à réduire l'effectif exigé pour constituer un groupe, dans la ligne de la grande réforme engagée par le président Larcher à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. En juin 2009, notre assemblée a conforté les droits des groupes d'opposition ou minoritaires, avec un droit de tirage annuel pour la création d'une commission d'enquête ou d'une mission commune d'information et un jour par mois dans les semaines d'initiative parlementaire.

La proposition examinée aujourd'hui a été annoncée par le président Jean-Pierre Bel dans son premier discours de président le 11 octobre dernier. Il n'y a pas de nombre d'or pour constituer un groupe parlementaire. En Grande-Bretagne ou en Hollande, le critère est l'appartenance commune à un parti. La commission des lois a estimé que le choix du seuil devait être guidé par la reconnaissance au sein du Sénat des courants politiques nationaux. Cette préoccupation n'est pas nouvelle. Le seuil à l'Assemblée nationale est passé progressivement de 32 membres en 1959 à 20 en 1988 puis à 15 en 2009 ; initialement à 11, il est au Sénat à 15 depuis 1971, et interprété de façon trop restrictive aux yeux de certains. L'élection récente de dix sénateurs appartenant à la même formation politique, qui souhaitent constituer un groupe, a inspiré la résolution proposée par M. Bel.

J'en viens à la constitution d'une nouvelle commission : le nombre des commissions permanentes avait été limité à six dans le cadre du parlementarisme rationalisé voulu par le général de Gaulle, mais la réforme de 2008 a autorisé qu'il fût porté à huit.

Il vous est proposé de créer une commission du développement durable et de l'aménagement du territoire par scission de la commission de l'économie. On aurait pu diviser en deux la commission des affaires étrangères et de la défense, à l'instar de ce qu'a fait l'Assemblée nationale, mais nous avons préféré conserver l'unité du thème. On aurait pu concevoir d'autres solutions, mais mieux identifier l'aménagement du territoire et le développement durable correspond à un mouvement national et international -pensez à la conférence de Durban...

Le règlement ne liste pas les attributions des commissions ; le rapport écrit fait quelques suggestions. La commission des lois a donné un avis favorable à un amendement de M. Mézard, pour le RDSE, sur le même sujet.

Cette création d'une nouvelle commission est équilibrée et se fera à coût constant ; elle assure un champ de compétences cohérent à chacune des commissions permanentes, dans le respect de la volonté du président Bel de maîtriser les dépenses de fonctionnement du Sénat -cette année, notre budget diminue de 3 %.

La commission propose d'adopter la proposition de résolution, modifiée par l'amendement de M. Mézard. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Et le mien ?

M. François Zocchetto.  - (Mme Nathalie Goulet applaudit) Quoi de plus louable que de vouloir accroître l'action du Sénat dans le domaine du développement durable ? De renforcer le pluralisme ? Si tel était l'objectif de la proposition de résolution, le groupe UCR la voterait massivement. Hélas, tel n'est pas le cas.

La réforme proposée par le président Larcher avait repris les conclusions d'un groupe de travail sur les conséquences de la révision constitutionnelle de 2008, dont les rapporteurs étaient M. Bernard Frimat, promu depuis, et M. Hyest. La réforme n'était pas parfaite, mais elle provenait d'une concertation approfondie. Rien de tel aujourd'hui : pas de groupe de travail et une concertation plus formelle qu'autre chose...

Chacun a compris qui serait le bénéficiaire de l'abaissement à dix de l'effectif permettant de constituer un groupe, puisqu'il figure dans l'exposé des motifs.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela a le mérite de la clarté !

M. François Zocchetto.  - Les négociations ont démarré dès la fin des élections sénatoriales.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est logique.

M. François Zocchetto.  - Les Verts ont tout simplement conditionné leur soutien au candidat socialiste à la présidence du Sénat. La majorité a passé un accord politique.

M. Jacques Mézard.  - Ce que vous n'avez jamais fait ! (Sourires)

M. François Zocchetto.  - J'ai cru comprendre que les membres de la majorité sénatoriale n'étaient pas tous sur la même longueur d'onde... Au demeurant, ce qui nous gêne, c'est l'impossibilité d'une réforme à coût constant. La même objection vaudra pour la création d'une septième commission.

Mais l'essentiel n'est pas là. Jusqu'ici, nous nous sommes efforcés d'intégrer les préoccupations environnementales à l'ensemble des problématiques économiques et d'aménagement du territoire.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Pourquoi y a-t-il alors un ministre de l'écologie ?

M. François Zocchetto.  - On nous propose un incroyable retour en arrière.

Nous ne sommes pas dans une opposition de principe mais nous pensons réellement que scinder en deux la commission de l'économie est une mauvaise idée. C'est pourquoi nous proposons de créer plutôt une délégation sénatoriale, ou commission sénatoriale réunissant des membres de toutes les commissions permanentes. Tout le monde ici est favorable au développement durable.

La commission de l'économie travaille-t-elle mal ? Je suis déçu par le soutien apporté par la majorité sénatoriale à une proposition dont l'exemple de l'Assemblée nationale montre qu'elle est inefficace et qu'elle ne répond pas aux attentes.

Notre groupe proposera aussi une réforme du vote par scrutin public, afin que chaque sénateur ne puisse avoir de délégation que d'un seul collègue.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. François Zocchetto.  - L'opinion des sénateurs de tout bord sur ce sujet est édifiante. Quand elle était dans l'opposition, la gauche n'a cessé de le critiquer, ce qui n'a pas empêché la nouvelle majorité sénatoriale d'en faire un grand usage depuis trois mois pour masquer son absence en nombre en séance.

M. Jacques Mézard.  - Vous ne l'avez jamais pratiqué ?

M. François Zocchetto.  - Heureusement que le scrutin public était là pour adopter la taxe Tobin ou supprimer le conseiller territorial...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il y a 10 000 exemples depuis 1958 !

M. François Zocchetto.  - Mme Goulet proposera une modification à l'article 15 du Règlement, qui impose la présence aux réunions de commissions, pour exclure les cas où il y a concomitance avec la séance publique.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Dommage que les membres de votre groupe aient tous été absents lorsque la commission des lois s'est tenue cet après-midi à 16 heures !

M. François Zocchetto.  - Nous étions en séance publique !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vous êtes très intéressé par le livre virtuel !

M. François Zocchetto.  - Si nos amendements n'étaient pas adoptés, nous ne pourrions voter la résolution. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le règlement des assemblées est un élément important de caractérisation du fonctionnement de nos institutions. On a pu ainsi interpréter différemment les conséquences de la révision constitutionnelle de 2008 ; le temps de parole peut être limité plus sévèrement à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

Un règlement peut freiner les évolutions, non les contrecarrer. Ainsi, l'abaissement du Parlement depuis 1958 est patent ; à quoi s'ajoutent l'hyperprésidence de Nicolas Sarkozy, l'inflation législative ou la multiplication des déclarations d'urgence. N'est-il pas scandaleux que la représentation nationale ne soit pas consultée sur le tortueux traité européen tendant en fait à renforcer la dictature des marchés et la soumission aux agences de notation, pourtant rejetées par la grande majorité de nos concitoyens ? Aucun règlement ne peut combattre l'affaiblissement du Parlement si nous ne nous dotons pas d'une Constitution qui restaure la souveraineté du peuple.

Depuis 1958, nous refusons de façon catégorique les institutions de la Ve République, a fortiori depuis la révision de 1962. Les dégâts de la personnalisation, de la médiatisation, voire de la « pipolisation » de la vie politique ne sont plus à démontrer.

Je plaide, avec mon groupe et ma formation politique, pour une VIe République qui restaure le pouvoir citoyen et place le Parlement au centre de nos institutions : suppression du pouvoir de dissolution, restauration du pouvoir budgétaire avec la disparition de l'article 40, droit d'initiative législative au peuple, la généralisation de la proportionnelle, suppression du cumul des mandats exécutifs. Nous voulons passer d'une République oligarchique à une République citoyenne.

Le Sénat ne peut être à l'abri de changements importants ; même s'il a retrouvé une utilité politique et sociale, il doit être profondément réformé. Pendant longtemps, son mode de scrutin a empêché toute alternance ; il faudra discuter de sa modification. La nouvelle majorité du Sénat doit lancer ce débat.

Même si les effets de la dernière révision ont été atténués au Sénat, le parlementarisme rationalisé gagne du terrain ici aussi, avec la Lolf ou le nouveau plancher de trente sénateurs pour bénéficier d'un certain nombre de droits, au détriment de notre assemblée. Les données nouvelles de 2008 ont surtout touché notre pouvoir de contrôle. L'initiative législative reste dans les mains de l'exécutif. Je constate certes une différence sensible depuis le changement de majorité dans notre assemblée. Les nouveaux pouvoirs d'initiative, qui ne revêtaient que peu d'intérêt quand les deux assemblées avaient la même majorité, en ont pris bien davantage dans la configuration actuelle.

Cela ne renforce pas pour autant nos prérogatives parlementaires, à cause certes de la prééminence de l'Assemblée nationale -qui ne saurait être remise en cause : les députés sont élus au suffrage universel direct- et surtout du fait des mécanismes qui organisent la soumission du Parlement à l'exécutif. Nous ne voulons plus d'un parlement qui bavarde ; nous voulons un parlement qui propose, décide et anime le débat citoyen.

Cette proposition de résolution doit rester limitée. L'article premier améliore la représentation pluraliste de notre assemblée et permettra aux écologistes de constituer un groupe. Encore faut-il respecter les autres membres de la majorité, ce qui n'est pas le cas lorsque des candidats Verts sont investis dans des circonscriptions où le député sortant est membre du Front de gauche.

L'article 2 organise la création d'une septième commission. Cela ne fera qu'accentuer les difficultés des petits groupes qui ne peuvent avoir qu'un ou deux commissaires dans chaque commission. Toutefois, il nous paraît effectivement judicieux de placer le développement durable au coeur des préoccupations du Sénat. Notre groupe votera donc ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard César.  - Quelle surprise !

M. Jacques Mézard.  - Je partage bien des observations de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. 

S'il est une phrase à retenir dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, c'est bien la citation du président Monnerville qualifiant notre assemblée « d'institution fondamentale d'une République démocratique ». Et nous savons tous quel combat cet illustre membre de notre groupe dut mener pour sauver le Sénat de la République. Je n'oublie pas non plus les critiques du Sénat venues d'importants responsables de la gauche dont certains eurent ensuite le plaisir de siéger sur nos bancs.

Notre groupe a constamment affirmé la nécessité d'un Parlement à deux chambres, le mode d'élection de la Chambre haute assurant un processus législatif raisonné, à l'écart des comportements électoralistes d'une Assemblée nationale soumise au pouvoir exécutif présidentiel. Si la stabilité gouvernementale est à mettre au crédit de la Ve République, elle s'est faite au détriment du Parlement.

Le pouvoir exécutif continue à se renforcer malgré la révision de 2008. Multiplier la production législative à l'excès avec des textes redondants, médiatiques et jamais appliqués, voilà un moyen efficace de marginaliser le Parlement. Le pouvoir exécutif y a excellé et la révision constitutionnelle de 2008 a en fait aggravé la situation.

Il nous est proposé de modifier notre Règlement sur deux points. Un parlement fort, ayant la capacité de contrôler l'exécutif, a besoin de moyens. Assez de discours populistes sur le sujet, mais je parle de moyens de travail, de matière grise, de technicité, pas de moyens pour financer des réserves parlementaires, des parlementaires absents ou certains voyages improductifs.

Je préside le groupe politique le plus ancien du Sénat, créé le 28 octobre 1891 à l'initiative d'Émile Combes et d'Arthur Ranc, trente ans avant l'officialisation des groupes sénatoriaux. Désormais officialisé par l'article 51-1 de la Constitution, le rôle des groupes est essentiel pour l'expression parlementaire des différentes sensibilités politiques. Il convient de le respecter, monsieur Sido. Cette expression demande aussi des moyens réglementaires, administratifs et financiers, d'autant plus s'ils regroupent un faible nombre de parlementaires.

À l'Assemblée nationale, il fallait trente députés pour créer un groupe en 1959 ; il en suffit de quinze aujourd'hui. L'existence d'un seuil à un certain niveau suscite parfois des fiançailles originales, comme entre radicaux, citoyens et verts. Quinze députés sur 577, dix pour 348 sénateurs : la comparaison montre que le chiffre proposé n'a rien de choquant. Nos assemblées ont fixé à onze le seuil en 1959, puis à quinze ensuite, d'où la disparition du groupe des Républicains indépendants en 1980. Le renforcement du pluralisme va-t-il de pair avec l'efficacité législative ? L'avenir le dira.

Il n'était en revanche guère opportun de donner comme seul argument dans l'exposé des motifs la reconnaissance des « formations écologistes » renforçant ainsi le lien entre groupe politique et affiliation à un parti politique en contradiction avec une longue tradition sénatoriale. Ce doit être le résultat d'un accord très médiatisé. J'entends en souriant certains représentants de courants politiques, qui ont beaucoup souhaité à l'Assemblée nationale voir abaisser les seuils, prendre ici une position contraire. Ils sont bien optimistes pour l'avenir. Je leur rappellerai le mot de Pierre Dac : « La prévision est un art difficile surtout quand il concerne l'avenir » (Sourires) Quant au goût soudain de l'UMP pour le groupe à dix, personne n'est dupe de la manoeuvre visant à amener en véhicule 4 x 4 M. Bové au milieu d'un champ d'OGM.

Quant à l'argument des dépenses, il surprend, venant de ceux que l'utilisation opaque de 10 millions de la réserve parlementaire n'a jamais dérangés. (Approbations à gauche) Mon groupe votera ce nouveau seuil pour donner toutes ses chances à la nouvelle majorité dans la mesure où elle saura respecter toutes ses composantes. Mon groupe n'a pas vocation à appartenir exclusivement à la nouvelle majorité sénatoriale. Aujourd'hui comme hier, il se définit avant tout comme « groupe minoritaire » au sens de l'article 51-1 de la Constitution. Ainsi continuera-t-il de s'exprimer dans sa spécificité, dans sa diversité reconnue et à laquelle nous tenons comme un principe fondamental. Ceux qui espèrent son affaiblissement en seront pour leurs frais, monsieur Sido.

M. Bruno Sido.  - Je n'ai rien dit !

M. Jacques Mézard.  - J'en viens à la création de la nouvelle commission. J'ai déposé un amendement pour en préciser le champ de compétences. (Applaudissements sur les bancs EELV) M. le président du Sénat m'a dit que la présidence de la commission devrait revenir au RDSE. Je n'ai pas honte, comme M. Zocchetto, des accords politiques. (Applaudissements à gauche) Chacun sait que l'Union centriste n'en a jamais passé ! (Rires)

L'Assemblée nationale, sous majorité UMP, a créé une commission du développement durable. A-t-elle failli sous ses présidences successives ? Au Sénat, une telle commission serait-elle inutile, même sous présidence RDSE, monsieur Sido ? Faire de cette commission une simple délégation ? Ce serait faire peu de cas du développement durable. Actuellement, la commission de l'économie comprend 78 membres, soit le double d'autres commissions. Trouvez donc d'autres arguments !

Notre groupe votera majoritairement l'article premier et plus majoritairement encore l'article 2, sous réserve de l'adoption de son amendement. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - J'ai entendu beaucoup de choses sur la révision de 2008 : je l'ai portée ici et à l'Assemblée nationale et j'ai tout fait par la faire voter. (On le confirme) La possibilité de passer le nombre de commissions permanentes de six à huit répondait plutôt à un voeu de l'Assemblée nationale, dont certaines commissions sont excessivement composites. La demande du Sénat était bien plus faible.

L'Assemblée nationale a immédiatement créé deux commissions supplémentaires après les révisions. Il faut dire que les députés sont bien plus nombreux que les sénateurs et qu'avec six commissions pour 577, ils étaient à plus de 90 en moyenne dans chacune. À huit commissions, chacune compte encore 70 députés en moyenne. Tel n'est pas le cas au Sénat.

Le groupe à dix ? M. Mézard a excellemment rappelé que le seuil des groupes avait évolué. Réduire le nombre de sénateurs requis pour constituer un groupe n'est pas choquant. Quand des forces politiques apparaissent, il est préférable qu'elles s'expriment au Parlement plutôt que dans la rue. Si j'ai connu du temps du président Séguin des groupes constitués de diverses tendances, j'estime que la clarté politique n'y a pas gagné.

Le groupe UMP est favorable à la création d'un groupe à dix. (Applaudissements sur les bancs EELV) Le président Mézard a raison de dire qu'il ne faut pas désigner nommément un groupe politique, mais je crois bon d'abaisser ce seuil qui permettra de renforcer la démocratie.

Sur la nouvelle commission, nous avons beaucoup discuté. Non que notre groupe y soit hostile par principe, après avoir voulu la révision constitutionnelle qui en ouvrait la possibilité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut être logique.

M. Roger Karoutchi.  - En 2008, j'avais demandé à la présidence du Sénat si elle envisageait de créer une ou deux nouvelles commissions. On m'avait répondu par la négative. L'Assemblée nationale a créé deux nouvelles commissions, dont celle du développement durable. En parlant avec les responsables de celle-ci, on constate qu'ils sont confrontés à de gros problèmes de frontière : le développement durable concerne des sujets transversaux, allant de l'environnement à l'économie, en passant par les thèmes sociaux. Certes, M. Mézard entend préciser le nom de cette commission, mais cela ne suffira pas à tout clarifier.

M. Bruno Sido.  - Très bien vu !

M. Roger Karoutchi.  - Si cette commission ne trouve pas sa place, ce serait dommage.

M. Gérard César.  - Sauf pour le RDSE !

M. Roger Karoutchi.  - À l'Assemblée nationale, le président de la commission du développement durable a dû demander nombre de réunions communes avec la commission de l'économie... dont celle du développement durable était issue ! C'est gênant.

Certes, pour nombre de nos concitoyens le développement durable est indispensable, mais il dépasse largement l'environnement. Je crains donc que nous fassions une légère erreur, si nous omettons de regarder ce qui se passe à l'Assemblée nationale et d'en tirer les conséquences. En revanche, je me félicite de la présidence de cette commission par une éminente personnalité du RDSE. (Sourires)

Donc, oui à un groupe à dix ; réticence face à la création d'une nouvelle commission. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Beaucoup d'entre nous approuvent l'abaissement du seuil pour créer un groupe. Il s'agit de reconnaître le bien fondé du pluralisme. Mon groupe a entretenu des rapports extrêmement féconds avec nos collègues écologistes. Il est bon, cependant, que chacun puisse s'exprimer en son nom. Le respect de la cohérence suppose celui de la diversité.

Je veux saluer l'intervention très nuancée de M. Karoutchi.

M. Daniel Raoul.  - Pour une fois ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce sujet n'appelle pas de réponses simplistes. Des accords politiques sont nécessaires. J'ai entendu MM. Zocchetto et Karoutchi dire que l'environnement était un sujet transversal, certes, mais le social ne l'est-il pas aussi, tout comme le juridique ?

M. Jean Desessard.  - Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si l'on suit ce raisonnement, il faudrait dire à Mme Kosciusko-Morizet que son ministère n'a pas lieu d'être. (Applaudissements sur les bancs EELV)

Beaucoup de parlements ont une commission du développement durable. Je partage la préoccupation de M. Mézard : son amendement n°15 propose une autre appellation pour cette commission, un peu longue certes, qui comprend le mot « équipement ». A l'occasion de la remise de la légion d'honneur à une inspectrice générale de l'équipement, j'ai choqué en prononçant le mot « équipement ». Il ne faudrait plus dire « équipement » mais « développement durable ». Je suis très sensible à la durabilité ; c'est une dimension majeure de la politique. J'y crois, j'y suis très attaché. Mais aussi attaché à une vision humaniste de l'environnement. La nature sans l'homme -et sans la femme- est inconcevable. L'oeuvre de l'être humain est essentielle. La conception humaniste de l'environnement n'est pas opposée au fait d'équiper mais de mal équiper, sans respect de ce qui est durable. Les précisions de M. Mézard permettront de clarifier les choses. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Vincent Placé.  - Que dire après ces excellentes interventions ?

M. Bruno Sido.  - Rien !

M. Jean-Vincent Placé.  - Les orateurs ont dit tout l'intérêt de créer une commission de l'écologie. Pour nous, écologistes, cette question est essentielle. L'écologie, ce n'est pas seulement l'environnement. Les questions sociales, économiques et culturelles de recherche sont évidemment écologiques. Nous sommes les précurseurs des préoccupations de nos concitoyens. Nous avons porté cette vision non pas dans le cadre de petits accords, comme l'a dit M. Zocchetto, mais parce que c'est notre vision du monde.

La création de la nouvelle commission est essentielle. Nous nous sommes demandés s'il était préférable de peser au sein de la commission de l'économie ou s'il fallait porter le débat au sein d'une commission spécifique -que le président de la République avait d'ailleurs souhaité voir le Sénat créer. (On le reconnaît à droite) L'amendement de M. Mézard en précise bien les champs de compétence. Quand j'entends des parlementaires de droite se préoccuper d'écologie, je m'en réjouis. Je souhaite que cette nouvelle commission assure un véritable lobbying en faveur du développement durable. Ce sera une grande avancée.

J'en arrive au groupe à dix. Mme Borvo a rappelé ce qu'était la Ve République : l'hyperprésidentialisation. Or nous souhaitons pouvoir parler, nous faire entendre. M. Zocchetto pense que tout se passe dans les antichambres ; c'est sans doute son habitude. Je remercie MM. Gaudin et Karoutchi de s'être prononcés pour un groupe à dix. La création d'un groupe de la majorité vous choque, monsieur Zocchetto ? Aurais-je le mauvais goût de dire qu'à trente et un, on pourrait avoir la tentation de créer trois groupes, entre Morin, Bayrou, Borloo ? (Applaudissements à gauche)

Nous vivons donc un moment important au Sénat : plus d'écologie et plus de pluralisme. Je remercie le président Bel pour son action. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau, Delahaye et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Roche, Zocchetto, Bockel, Jarlier, Lasserre et Beaumont et Mmes Lamure et Gourault.

Supprimer cet article.

M. Joël Guerriau.  - Certes, il faut prendre en compte toutes les opinions, mais pourquoi dix plutôt que neuf ou de cinq ? (Exclamations sur les bancs EELV)

Une réforme du Règlement n'a d'intérêt que si elle améliore le fonctionnement de notre assemblée. Des coûts supplémentaires sont à attendre. Nos concitoyens ne comprendraient pas cette fantaisie. Nous ne pouvons accepter cet arrangement politique.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Dix pour plus de 348 sénateurs et quinze pour les 577 députés. Et dix, c'est le nombre de sénateurs écologistes qui ont été élus et qui voulaient constituer un groupe. M. Placé a dit ce que je n'ai pas osé dire : M. Zocchetto craint la création de trois groupes centristes. (Applaudissements sur les bancs EELV)

M. Vincent Delahaye.  - M. Détraigne a dit qu'une modification du Règlement n'avait d'intérêt que si elle améliorait le fonctionnement de notre assemblée. Tel n'est pas le cas avec cette révision de circonstance. Nos compatriotes ne comprendraient pas qu'on veuille ainsi faire passer l'intérêt d'un parti au-dessus de l'intérêt général. Tambouille politicienne, petits aménagements entre amis, dira-t-on.

En 1958, il fallait onze élus pour un groupe. En 1971, ce chiffre a été porté à quinze pour éviter une trop grande dispersion. Je porterais volontiers le seuil à 5 % du nombre de sénateurs pour constituer un groupe, soit dix-huit sénateurs.

Pourquoi les écologistes se sentent-ils sous-représentés ? A qui la faute ? Ne peuvent-ils travailler avec les socialistes ? Ils ont eu tout le temps nécessaire pour s'implanter et se faire entendre. À Massy, à la fin des années 80, ils étaient largement représentés. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'un conseiller municipal Vert. À qui la faute ? À moi, sans doute, mais aussi à la leur. Ce n'est pas de mon fait si les socialistes ne laissent aux Verts qu'une place minime lors des élections.

Nous n'avons pas à subir ici le résultat de vos négociations.

À l'heure où le rassemblement devrait être le mot d'ordre...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Des centristes : Bayrou, Morin !

M. Vincent Delahaye.  - ...nous devons ne pas suivre la tendance actuelle à l'éparpillement.

Contrairement à M. Placé, je respecte mon temps de parole : mes autres arguments viendront plus tard.

M. Jean Desessard.  - M. Sueur a raison : nous avons bien travaillé avec le groupe socialiste, les votes parfois divergents n'ayant pas nui à nos rapports.

Monsieur Delahaye, pourquoi ne voulez-vous pas prendre en compte les courants de pensée issus des élections ? Notre assemblée doit être représentative !

Je remercie les groupes de gauche et celui de l'UMP, qui nous permettent d'avoir aujourd'hui une expression autonome sous un président de la République de droite aujourd'hui, de gauche demain.

L'amendement n°3 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par MM. Delahaye et Guerriau.

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

deux

M. Vincent Delahaye.  - Au nom de l'intérêt général, nous nous opposons à un signal purement négatif de division, au lieu du rassemblement nécessaire.

Prenez exemple sur le travail en commun des centristes. Attention à l'effet boomerang qui sera un éparpillement !

Enfin, comment cette décision sera-t-elle financée ? Les coûts de fonctionnement vont augmenter et l'on va diminuer l'investissement en rognant sur l'entretien du patrimoine,- ce que l'on incite les collectivités locales à ne pas faire. Réduire les travaux de 500 000 euros revient à supprimer vingt emplois. Et vous continuerez à tenir des discours sur la lutte contre le chômage et la défense de l'emploi. La crédibilité des politiques en souffrira.

Je ne peux voter une décision faisant prévaloir l'intérêt des partis sur l'intérêt général.

D'où ces trois amendements de division et de provocation.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par MM. Delahaye et Guerriau.

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

trois

M. Vincent Delahaye.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par MM. Delahaye et Guerriau.

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

quatre

M. Vincent Delahaye.  - Il est également défendu.

L'amendement n°1 a été retiré.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos10 et 11.

L'article premier est adopté.

Article 2

M. Daniel Dubois.  - Lorsque la commission de l'économie a élu son bureau, j'ai rappelé que nous avions eu la sagesse de ne pas séparer le développement durable de l'économie. Des sujets comme le transport ou l'industrie notamment doivent être traités à la fois sous l'angle économique et écologique.

Mme Rossignol et M. Labbé ont souligné à cette occasion les risques inhérents à une scission pour la politique environnementale. De fait, l'énergie et les transports, au coeur du développement économique.

On peut donc prévoir des conflits de compétences entre commissions : je pense en particulier à l'aménagement numérique du territoire, aux questions d'urbanisme et d'infrastructures. L'aménagement du territoire et l'agriculture vont de pair dans le cadre de la PAC.

J'ai entendu Mme Lienemann dire que la scission ne serait pas catastrophique, qu'on pouvait imiter l'Assemblée nationale. Quel argument ! Il faudrait souligner les avantages de la décision !

L'exemple de l'Assemblée nationale montre que la scission est un échec. Notre collègue Lenoir nous a expliqué que les deux commissions se saisissent systématiquement sur le fond et pour avis et font des réunions en boucle.

Certes, la commission de l'économie est pléthorique, avec 78 membres, mais elle fonctionne bien et n'est nullement ingouvernable.

M. Placé a dit que les différentes sensibilités nourrissaient le débat sur des thèmes transversaux. J'en suis d'accord. C'est pourquoi il ne faut pas procéder à la scission. Le processus va s'alourdir et les petits groupes politiques auront du mal à faire face.

Plusieurs membres de la majorité sénatoriale semblent résignés à entériner un accord politique.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Daniel Dubois.  - Il faudrait mieux créer une délégation sénatoriale pour conserver l'unité du développement durable et préserver une commission qui fonctionne à la perfection. (Applaudissements à droite)

M. Bruno Sido.  - Il ne semble pas pertinent de créer une commission spécifique destinée au développement durable, selon l'exposé des motifs d'un amendement socialiste déposé en 2009 à l'Assemblée nationale.

Le développement durable touche à un très grand nombre de sujets, allant de l'eau à la gestion des déchets, en passant par l'agriculture et la gouvernance des entreprises.

De quelle commission permanente relèvera l'énergie ? Le développement durable est reconnu depuis 1992 ; il touche à tant de sujets ! M. Placé ne me contredira pas.

En outre, notre groupe s'oppose à la diminution de l'audience de la commission de l'économie. N'imitons pas l'Assemblée nationale et préservons la spécificité du Sénat. Les petits groupes auraient du mal à être présents dans toutes les commissions à la fois.

Pour prendre mieux en compte les aspects environnementaux, il faut les intégrer dans chaque politique. D'où notre idée d'une délégation sénatoriale dont les membres siégeraient dans les commissions permanentes.

Monsieur Sueur, vous avez mentionné l'existence d'un ministère de l'environnement mais ses compétences ont été élargies. M. Borloo nous a laissé comme testament de ne pas défaire au Parlement ce qui avait été fait au Gouvernement. Et j'ajoute que nous faisons preuve d'un grand sens de l'État en refusant de créer une commission où, selon toute vraisemblance, nous serions majoritaires...

M. Ronan Dantec.  - Chaque nouvelle étape dans la reconnaissance de la problématique de l'environnement suscite les mêmes réactions, comme si accroître son espace allait réduire notre influence !

Nous sommes ici pour produire de la loi, ce qui exige du temps de travail. Même magnifiquement menée par M. Raoul, la commission de l'économie ne pourra pas produire tous les textes à venir. Les lois sur le Grenelle n'ont pas satisfait les espoirs qu'il avait suscités. Il reste beaucoup à faire !

Mais tout le monde avance masqué : la crainte est de voir l'écologie politique engager le débat. Quand M. Labbé, à la première réunion de commission, a demandé de l'eau du robinet distribuée à Paris, le brouhaha a démontré la puissance de certains groupes de pression.

Le président de la nouvelle commission devra organiser la transversalité des débats, qu'il s'agisse de la santé environnementale, qui aurait pu être traitée par la commission des affaires sociales, ou des accords internationaux, à celle des affaires étrangères, pour me limiter à ces exemples.

Nous avons besoin d'une commission spécifique. (Les sénateurs EELV applaudissent)

M. Gérard Cornu.  - Tout à l'heure, nous avons raisonné sur les groupes en fonction des effectifs.

Avec cet article, il faut en faire de même pour les commissions : à l'Assemblée nationale, chacune des commissions compte en moyenne 72 membres. Avec cette réforme, nos commissions compteraient 49 commissaires !

Dans son rapport, M. Anziani propose en fait une coquille vide lorsqu'il énumère les compétences de la nouvelle commission, qui ne serait pas compétente pour les transports !

Les Verts espéraient être plus influents avec cette commission : ce ne sera qu'une coquille vide !

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Gérard César.  - Le groupe UMP s'oppose catégoriquement à la scission de la commission de l'économie.

Les enjeux du développement durable sont importants ; il serait paradoxal de provoquer une séparation stricte.

En 2008, à la commission de l'économie, avec MM. Emorine et Daniel Raoul, nous avons voté à l'unanimité son maintien.

A quelle commission reviendront l'agriculture, la chasse, les transports ?

Tous les députés reconnaissent avoir commis une erreur majeure en décidant la scission.

J'en viens au coût, qui pourrait atteindre 300 000 euros, mais en 2012 seulement, en raison des élections. Il pourrait s'envoler les années suivantes.

Notre commission fonctionne très bien ! Supprimons l'article 2 ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement identique n°13, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'UCR.

M. Daniel Dubois.  - Avec la crise, ce n'est pas le moment de séparer l'économie et l'écologie : nous devrions mieux travailler ensemble ; ne passons pas d'une culture du dialogue fructueux à celle de l'opposition.

La sagesse du Sénat devrait nous éviter cette erreur.

Le développement durable est la clé de l'économie de demain ! S'opposer les uns aux autres serait une erreur stratégique. Il est encore temps d'être raisonnable.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos4 et 13.

À la demande des groupes UCR et UMP, les amendements identiques nos4 et 13 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 161
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

(Les sénateurs EELV applaudissent)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Rédiger ainsi cet article :

Avant l'article 23 bis du Règlement, il est inséré un article 23-1 ainsi rédigé :

« Art. 23-1.  -  1. - Il est créé une délégation au développement durable et à l'aménagement du territoire chargée d'informer le Sénat sur le respect des normes de développement durable, édictées par la charte de l'environnement et par la loi ainsi que des engagements en faveur de l'aménagement du territoire français.

« Cette délégation veille, lors de la discussion de projets ou propositions de loi, à informer les commissions permanentes de son point de vue.

« 2. - La délégation au développement durable et à l'aménagement du territoire est composée de trente-six membres désignés par le Sénat de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.

« Les membres de la délégation sont désignés après chaque renouvellement partiel.

« 3. - L'organisation des travaux et le fonctionnement de cette délégation sont définis par l'Instruction générale du Bureau.

M. Gérard Cornu.  - Amendement de repli. La nouvelle commission sera une coquille vide incapable de défendre l'environnement, alors qu'une délégation transversale serait cohérente avec les caractéristiques du développement durable.

Dommage que vous soyez arc-boutés sur la création d'une commission, fût-ce pour accorder une présidence au RDSE !

Avec une délégation, le groupe bénéficierait également d'un secrétariat et d'une voiture. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Mézard.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 5° La commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental de la politique énergétique, qui comprend 39 membres ;

M. Jacques Mézard.  - Les arguments que je viens d'entendre ne relèvent pas le niveau du débat.

M. Gérard Cornu.  - C'est la vérité !

M. Jacques Mézard.  - Non ! La réalité, c'est votre refus politique de créer cette commission du développement durable.

Le rapport de notre collègue Anziani est quelque peu maladroit, qui propose une répartition des compétences. Contrairement à celui de l'Assemblée nationale, notre Règlement ne le permet pas, laissant au président du Sénat le pouvoir d'arbitrer en cas de besoin.

Quant aux économies, nous avons vu quelle importance vous leur accordiez parfois lorsqu'il y avait véritablement lieu d'en faire. Notre groupe est petit mais nous sommes aujourd'hui aussi nombreux que les membres du groupe UMP. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La commission est favorable à l'amendement n°15. En revanche, elle demande le retrait de l'amendement n°5 car la création d'une délégation ne relève pas du Règlement.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 163
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Daniel Raoul.  - Monsieur César, la commission n'a pas voté à l'unanimité, contrairement à ce que vous avez dit. La discussion a eu lieu et il y eut des opinions très diverses.

Monsieur Mézard, la commission du développement durable est à l'évidence compétente sur l'impact environnemental : peut-être la rédaction de votre amendement, que je voterai, devrait-elle être modifiée.

L'amendement n°15 est adopté.

M. Vincent Delahaye.  - Je suis surpris que l'on vote sans concertation une modification du Règlement, qui plus est pour substituer des dépenses de fonctionnement à des dépenses d'investissement. On empêchera des personnes de travailler dans le monde du bâtiment ! Tout compte dans l'économie.

Le développement durable a trois dimensions : écologique, économique et sociale. On aurait pu créer une délégation, mais séparer le développement durable de l'économique et du social est un contresens absolu.

M. Joël Guerriau.  - Scinder la commission de l'économie est contraire au développement durable. En Loire-Atlantique, les élus d'Europe-écologie se mobilisent contre Notre-Dame des Landes, un sujet que pourrait traiter la commission de l'économie.

J'ajoute que le fonctionnement de la nouvelle commission coûtera cher. Est-ce raisonnable en temps de crise ? La chasse relèvera de la nouvelle commission, contrairement à la pêche, qui est pourtant avant tout un sujet de développement durable.

Où est la cohérence entre la diminution des effectifs des groupes et l'augmentation du nombre de commissions ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Une très large concertation a précédé cette réforme du Règlement, incluant même MM. Zocchetto et Hyest. M. Delahaye l'ignorait peut-être...

L'article 2 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet, Gourault et Férat.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1 de l'article 15 du Règlement est complété par les mots : « sauf en cas de concomitance avec la tenue d'une séance publique ».

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit d'un amendement de bon sens, puisque commission et séance publique ont de plus en plus souvent lieu simultanément.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Nous avons débattu longuement ce matin de cette proposition de bon sens ; mais nous en souhaitons le retrait.

Dans notre Règlement, il est dit que les commissions se réunissent le mercredi matin et le mardi après les réunions de groupe et, si besoin est, à un autre moment. Certes, elles se réunissent parfois en même temps que la séance, mais c'est en général sur des sujets différents. J'espère que vous serez entendue par ceux qui font notre ordre du jour. Reste que la présence obligatoire en commission est un principe fondamental de notre Règlement.

Mme Nathalie Goulet.  - Avec votre raisonnement, les membres de la commission de la défense ne devraient s'occuper que de défense et se priver d'intervenir sur d'autres sujets... Si la réflexion est amenée à se poursuivre, je retire mon amendement ; mais le sujet est sérieux.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Monsieur le président, faites part au président Bel de ce qui vient d'être dit.

M. le président.  - Je prends acte.

Mme Nathalie Goulet.  - Je retire l'amendement, mais le problème demeure. De toute façon, les sanctions ne sont pas appliquées...

M. le président.  - C'est un vrai sujet de réflexion.

L'amendement n°8 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'UCR.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé:

L'article 57 du Règlement du Sénat est ainsi rédigé :

« Art. 57. - 1. - Le vote des sénateurs est personnel.

« 2. - Toutefois, leur droit de vote lors des scrutins publics peut être délégué. Chaque délégataire ne peut être porteur que d'une seule délégation. Cette délégation de vote est rédigée conformément aux dispositions prévues à l'article 64. 

« 3. - Les sénateurs auxquels a été délégué le vote de l'un de leurs collègues doivent présenter au secrétaire placé près de l'urne l'accusé de réception de la notification prévue à l'alinéa 2 de l'article 64. »

M. François Zocchetto.  - Nous avons l'opportunité de moderniser notre Règlement sur un point fondamental, que nous connaissons tous : le vote par scrutin public. Nous savons tous comment ce système fonctionne ; nous savons aussi combien il est critiquable. Il surprend les visiteurs autant que les nouveaux sénateurs.

L'alinéa 2 de l'article 27 de la Constitution rappelle que le droit de vote des membres du Parlement est personnel ; l'alinéa 3, que, par exception, une loi organique peut autoriser une et une seule délégation. L'Assemblée nationale a longtemps eu une pratique analogue à la nôtre ; depuis 1993, les députés votent par scrutin public de façon groupée sur un ensemble de textes, avec une seule délégation.

L'amendement est très simple : nous souhaitons qu'un sénateur ne puisse détenir qu'une seule délégation de vote. Nous dénonçons ce système depuis longtemps ; et nous ne sommes pas les seuls. Je me souviens d'interventions de M. Sueur ; M. Desessard, dès 2008, avait écrit au président Larcher pour souhaiter que le Sénat adapte son règlement, et noté que le vote public était anticonstitutionnel.

M. Gérard Cornu.  - C'est un homme de convictions !

M. François Zocchetto.  - Quant au parti socialiste, il proclame sur son site qu'il faudrait interdire le vote de groupe au Sénat.

Le groupe UCR est donc confiant dans le sort qui sera réservé à cet amendement. Au risque de sembler paradoxal, je demande un scrutin public.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Le sujet est réel, mais pas aussi simple que M. Zocchetto vient de le présenter.

J'ai longtemps vu ce qu'il en était à l'Assemblée nationale, où les députés votent le mardi après-midi, sans savoir de quoi il s'agit, des textes à l'examen desquels ils n'ont pas assisté...

Il est vrai qu'ici, le président de groupe vote pour tous les membres de celui-ci. Ce système a en tout cas un avantage démocratique : il permet aux concitoyens de connaître le vote de chacun.

Nous avons examiné cette question au sein du groupe de travail Frimat-Hyest, mais il n'y a pas eu consensus. Il pourrait y en avoir un, sous conditions. Le problème est en effet moins le scrutin public à la fin d'un texte que celui demandé lorsque le groupe majoritaire est physiquement minoritaire en séance. C'est avant tout un problème de présence. Il faut que les groupes fassent en sorte -et le groupe socialiste a essayé de le faire ces temps-ci- d'être suffisamment présents.

J'ajoute qu'introduire dans notre hémicycle le vote électronique nécessiterait des travaux, ce qui coûterait cher, monsieur Delahaye. Le scrutin public a des avantages en fin de texte et des inconvénients en cours de débat. Il faut que les présidents de groupe se concertent, que la Conférence des présidents se saisisse de la question, qu'un groupe de travail en traite. Je rappelle enfin que la pratique du scrutin public a été validée par le Conseil constitutionnel.

M. François Zocchetto.  - Merci pour ces explications. Mais notre réflexion est largement aboutie. Je maintiens mon amendement. Il n'est plus possible de travailler comme nous le faisons aujourd'hui, nos concitoyens ne le comprennent pas. Combien de fois avons-nous assisté à un quasi-consensus en séance publique, qui s'est écroulé au moment du scrutin public ?

M. Bruno Sido.  - Il y a un problème d'articulation entre l'amendement de Mme Goulet et celui de M. Zocchetto. Si nous avions voté le premier, le second n'était plus nécessaire ; mais puisque le premier a été retiré, le second s'impose, puisque nous ne pourrons être à la fois en commission, où la présence est obligatoire, et en séance. Je suis donc opposé à cet amendement.

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai fait partie de la commission réunie par M. Larcher et nous avons largement évoqué ce sujet. M. Sido a raison, nous prenons le problème dans le mauvais sens. Ne confondons pas effets et causes. La présence en séance est première. Des erreurs de manipulation ont conduit l'an dernier à quelques déboires législatifs...

M. le rapporteur nous dit que grâce au scrutin public, nos concitoyens savent qui a voté quoi ; ils croient surtout que les parlementaires sont là alors qu'ils ne le sont pas... Je voterai l'amendement de M. Zocchetto.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'ai aussi participé à ce groupe de travail. En majorité, il était opposé à la suppression du scrutin public.

Ne prenons pas la cause pour l'effet. L'absentéisme n'a pas disparu à l'Assemblée nationale avec l'introduction du scrutin électronique et des limitations de délégation de vote. Beaucoup reste à faire en ce domaine ! Certains sont rarement en séance publique.

On sait que beaucoup de parlementaires tentent de calmer leurs électeurs mécontents de telle loi sur l'emploi ou la santé en disant qu'ils ne l'auraient pas votée... s'ils avaient été présents en séance... Avec le scrutin public, cette attitude n'est plus possible. La transparence y gagne ! (Applaudissements sur les bancs CRC et EELV)

M. Joël Guerriau.  - J'approuve cet amendement. Nous avons décidé de créer une septième commission ; on nous a dit que la transversalité serait assurée dans l'hémicycle. Encore faut-il qu'il y ait suffisamment de sénateurs en séance ! Et on fait des groupes à dix sénateurs...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Comme l'a dit Mme Borvo, il y a dans le scrutin public quelque chose qui tient à l'origine de la Révolution française : les élus doivent rendre compte de l'exercice de leur mandat. Le scrutin public permet à chacun de savoir comment vote chacun des parlementaires. C'est un principe de responsabilité.

Le vrai problème, c'est la présence dans l'hémicycle. Nous pouvons nous faire plaisir en disant que nous allons faire comme les députés. Mais allez à l'Assemblée nationale ! Les votes sont rassemblés le même jour, les députés viennent, votent des textes qu'ils n'ont pas examinés et repartent... Idem au Parlement européen.

Nous devrions pouvoir trouver dans un délai raisonnable une solution qui ne soit pas artificielle ni un faux-semblant. Elle passe par un changement de comportement politique. Ce qui nous renvoie au débat sur le cumul des mandats...

M. Jean Desessard.  - J'ai dénoncé l'utilisation abusive du scrutin public mais je fais confiance à notre rapporteur et au président pour rechercher une solution qui allie expression individuelle et expression collective. Un groupe de travail serait bienvenu. (Applaudissements sur les bancs EELV et socialistes)

M. François Zocchetto.  - À aucun moment, je n'ai imaginé supprimer le scrutin public. Les parlementaires doivent en effet rendre des comptes. Mon amendement est simple : il rappelle que le vote est personnel et qu'en cas de scrutin public, une seule délégation est possible.

À la demande du groupe UCR, l'amendement n°12 est mis aux voix par scrutin public. (Marques d'amusement)

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 32
Contre 308

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°6 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°7.

L'amendement n°14 est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. Hervé Maurey.  - Plusieurs d'entre nous étaient favorables à l'article premier, car le pluralisme impose que la famille des Verts ait un groupe. Je note de grandes différences entre ses membres, qui veulent par exemple supprimer les conseils généraux et passer aux 32 heures, et les socialistes... Il est logique qu'il y ait deux groupes différents. Les mariages contraints n'ont aucune justification.

En revanche, je suis absolument opposé à cette absurdité qu'est la scission de la commission de l'économie. Économie et développement durable vont ensemble, comme économie et aménagement du territoire -pensez au numérique. Je n'ai donc pas voté l'article 2.

Acceptant un article et refusant l'autre, je m'abstiendrai comme d'autres membres de mon groupe sur l'ensemble du texte.

La proposition de résolution est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs EELV)

M. le président.  - Cette résolution sera soumise avant sa mise en application au Conseil constitutionnel.