Dépenses de campagne pour l'élection présidentielle (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle.

Discussion générale

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Le Gouvernement veut diminuer de 5 % le remboursement des dépenses électorales, prolongeant la mesure d'exemplarité déjà votée en loi de finances pour 2012 s'agissant des élections autres que l'élection présidentielle, laquelle relève de la loi organique. Serait ainsi transposé le mécanisme adopté conforme par le Sénat en décembre 2011 ; le taux de remboursement des dépenses avait alors été abaissé de 50 % à 47,5 %, ce que votre commission des finances avait approuvé. Contrairement à la règle qui s'applique aux autres élections, un candidat à la présidentielle ayant obtenu moins de 5 % des voix peut obtenir un remboursement forfaitaire.

Il s'agit donc de modifier l'article 3 de la loi de 1962, pour viser tous les candidats en diminuant le taux de remboursement tout en laissant inchangé le plafond de dépenses afin de garantir la sécurité juridique aux candidats qui auront déjà commencé à effectuer des dépenses à la date de promulgation de la loi organique. L'économie attendue est évaluée à 2,2 millions d'euros, sachant que les remboursements ont atteint 53,4 millions en 2002 et 44 millions en 2007.

Mais, du fait de l'indexation sur l'inflation, ces 2,2 millions d'économie seraient absorbés par la revalorisation des plafonds. Le Gouvernement propose donc de la geler jusqu'à l'assainissement de nos finances publiques, grâce à quoi nous pouvons espérer une économie de 3,6 millions. Il s'agit d'un effort substantiel et durable.

À l'initiative du groupe socialiste, un amendement consensuel et de bon sens a été voté à l'Assemblée nationale, concernant le délai de dépôt des comptes de campagne. En revanche, le Gouvernement ne peut accepter l'amendement adopté par votre commission au sujet des dons effectués par des personnes morales. Il est superfétatoire : le droit actuel est clair, ce que montre la jurisprudence du Conseil d'État. Le Gouvernement soutiendra donc l'amendement du groupe UMP tendant à rétablir le droit existant.

J'invite le Sénat à voter ce projet de loi responsable qui doit dépasser les clivages partisans. L'élection présidentielle doit être exemplaire. (Applaudissements à droite)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois.  - La démocratie a un coût, mais pas de prix. Ce principe doit être rappelé avec force car le Gouvernement semble vouloir s'en affranchir ! (Sourires à gauche) À quoi sert un texte qui ferait économiser 3,6 millions sur 240 ? Nous retrouvons le ratio habituel quand le Gouvernement tente de réduire le déficit... (M. Jean-Pierre Michel apprécie)

Alors que les candidatures à l'élection présidentielle doivent être déclarées deux mois avant le scrutin, les dépenses de campagne sont comptabilisées depuis un an au jour du vote.

Le législateur devrait plutôt s'attacher à garantir une campagne propre -l'actualité en la matière est édifiante...

Il en résulte -en particulier pour le président sortant- une véritable confusion sur la nature des dépenses engagées...

Tout titulaire d'un mandat public doit s'abstenir d'employer les moyens dont il dispose à ce titre ; il est indispensable de le rappeler, au regard de ce que l'on observe ! Il existe une déontologie électorale, une éthique incontournable, je regrette de devoir le rappeler. Nos concitoyens sont plus choqués d'apprendre que des millions d'euros transitent par des comptes secrets !

J'ai déposé plusieurs amendements autorisant un candidat à saisir le Conseil constitutionnel sur les comptes d'un autre candidat et de les autoriser à les contester une fois le résultat acquis. L'élection étant validée bien avant que les comptes ne soient examinés, cela n'aurait pas de conséquence sur le résultat mais clarifierait le droit.

Mieux vaudrait, d'autre part, un remboursement au prorata des suffrages obtenus, qui éviterait l'effet de seuil : à une décimale près, le remboursement passe de 800 000 euros à 8 millions.

N'avons-nous pas d'autres priorités ? Était-il nécessaire de légiférer à quelques semaines du scrutin, alors que les questions éthiques sont ailleurs ? Certes pas dans la rédaction initiale. Ce projet de loi pourrait toutefois être utile s'il était amendé comme nous le proposons afin de rétablir la confiance dans la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne.  - Ce projet de loi organique s'inscrit dans la suite des textes financiers de l'automne dernier. L'élection présidentielle n'avait alors pu être concernée, car elle relève d'une loi organique. Il est toutefois naturel qu'elle participe à l'effort de rigueur. Quoique marginale, l'économie ainsi procurée serait bienvenue, d'autant que ce texte a aussi pour effet de freiner une course aux dépenses électorales qui ne peut qu'être préjudiciable au bon fonctionnement de la démocratie.

Le système français nous met à l'abri d'une campagne permanente des élus en place.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est pourtant ce à quoi nous avons assisté.

M. Yves Détraigne.  - Ce texte aurait une durée de vie limitée puisqu'il ne gèle le plafond de remboursement que jusqu'au jour où notre budget reviendra à l'équilibre. Je n'insiste pas sur cette échéance... (Sourires) Il reste que ce gel a le mérite d'endiguer le coût de l'élection, qui explose avec la multiplication des candidatures.

Le groupe UCR reste frileux vis-à-vis de l'amendement adopté en commission relatif aux candidats déjà détenteurs d'un mandat électif. Il est bon de poser la question du partage entre ce qui relève du mandat en cours et la campagne, mais comment trancher ? Autant le principe se comprend, autant on voit mal comment l'appliquer -sauf à ce que tout candidat cesse d'exercer son mandat qu'il détient déjà.

La sagesse commande de s'en tenir au droit en vigueur. À trois mois de la prochaine élection, il ne serait pas sage de modifier les règles du jeu, si tentant cela soit-il. Le groupe UCR soutiendra ce texte dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Éliane Assassi.  - On minore le taux des dépenses remboursées, l'affaire est entendue. Depuis cinq ans, les finances publiques ont été détériorées par une stratégie fiscale et une gestion discutables. Il fallait donc flatter l'opinion dans l'idée que tous les hommes politiques seraient aussi corrompus les uns que les autres.

Les règles de revalorisation du plafonnement ont un effet important sur le montant du remboursement -on le gèle. L'économie attendue est de 3,6 millions -on est loin des 83 milliards du déficit !

En 2002, quatre candidats avaient dépassé 5 % des voix, dix étaient en deçà. En 2007, ils étaient quatre au-delà de 5 %, huit en deçà. Rien ne dit qu'en 2012 ils ne seront pas plus nombreux à dépasser les 5 %, occasionnant de fait une dépense plus importante de remboursement. On peut imaginer un cas de figure dans lequel le remboursement pour l'ensemble du scrutin atteindrait 58,3 millions, alors que le projet de loi table sur 41,6.

La plupart des candidats à l'élection sont aujourd'hui connus, leur participation n'est pas douteuse pour certains, plus hypothétique pour d'autres. Des dépenses ont été engagées ; des comptes de campagne ont été ouverts. Reste un candidat, non encore déclaré, qui utilise ses fonctions pour mener campagne. Les dispositions en vigueur ne répondent pas au problème spécifique des campagnes menées par des candidats exerçant un mandat électif.

La taxe sur les transactions financières, votée par le Sénat, a disparu de la loi de finances finale ; par un coup de baguette magique, elle réapparaît comme argument électoral utilisé par le locataire de l'Élysée. Preuve que toute décision, toute prise de position est sujette à caution...

Ce texte démagogique, irréaliste et hypocrite ne peut être soutenu en l'état. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - De minimis non curat praetor -on laisse ces basses affaires au Premier ministre ! Subordonner le rééquilibrage de nos finances publiques à une économie attendue de 3,6 millions est dérisoire.

M. Philippe Bas.  - Personne ne dit cela !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pourquoi s'en offusquer. Ce n'est pas la première loi d'affichage, la première entorse au principe selon lequel on ne touche pas aux règles du jeu dans l'année qui précède l'élection. Mais ce texte est-il si innocent que cela ? L'Élysée semble appliquer la stratégie chère à M. Prudhomme : continuer à tirer pour faire croire à l'ennemi qu'on a encore des munitions. Après les élus qui coûtent cher, les candidats qui grèvent les comptes de la Nation ! Seules les dépenses de l'Élysée seraient des économies. (Sourires)

Que fait-on d'un président élu dont les comptes seraient rejetés ? En 2006, M. Portelli usa de termes diplomatiques pour poser la question : comment annuler un scrutin de cette importance ? Le droit commun s'arrête à l'élection présidentielle. Le côté douteux des comptes de campagne de 1995 a été souligné par Jacques Robert, dans le chapitre « les faux-monnayeurs » de son livre La garde de la République, lorsqu'il a évoqué une « curieuse impression de malaise, pour ne pas dire un sentiment désagréable d'insatisfaction ». Cet ancien membre du Conseil constitutionnel ne donnait pas de noms mais ils sont désormais connus depuis qu'a éclaté l'affaire de Karachi.

On sait donc désormais que le Conseil recommandait le rejet pur et simple des comptes de M. Balladur, qui dépassait le plafond et avait reçu 1,56 million d'euros en espèces d'origine douteuse.

Mme Nathalie Goulet.  - Les T-shirts !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le compte de Jacques Chirac n'était pas plus sain. Mais, à la suite de négociations dans lesquelles le président Dumas a joué un rôle clé...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Parmi les Dumas, je préfère Alexandre !

M. Pierre-Yves Collombat.  - ...le montant des dépenses fut réajusté avec une dérisoire précision: Édouard Balladur est à 0,25 % du plafond autorisé et Jacques Chirac à 0,034 %. De l'horlogerie suisse ! Une fois de plus on a vu le Conseil constitutionnel filtrer les moucherons et laisser passer les chameaux.

Jacques Cheminade, lui, avait des amis moins bien placés : ses comptes ont été repoussés pour avoir contracté un prêt sans intérêt.

Mme Nathalie Goulet.  - Selon que vous serez puissant ou misérable...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Moins adroit que Jacques Chirac et Édouard Balladur, il fut ruiné. M. Robert estime que le Conseil constitutionnel a servi de caution à une belle entourloupe !

Le problème est de fond : peut-on revenir sur le résultat de l'élection, quand la comptabilisation des dépenses est si délicate. Imagine-t-on un procureur ouvrir une instruction contre le président de la République ? La Constitution le lui interdit.

Roland Dumas explique ainsi le dilemme de 1995 : la France avait besoin d'un président de la République, elle venait d'élire Jacques Chirac : on ne pouvait la laisser sans capitaine. Les choses ont donc été négociées pour qu'elle ait un président de la République.

Mon amendement permettrait à la fois de sanctionner un candidat élu qui aurait eu un comportement incompatible avec la charge de président de la République, tout en conservant à la décision son caractère politique. À charge pour le Parlement de mettre en oeuvre ou non la procédure de destitution. Je vous invite à le voter. (Applaudissements à gauche)

M. André Reichardt.  - Nous avons été surpris que le rapporteur ait été seul à voter son texte !

La nouvelle majorité sénatoriale est, une fois de plus, fort embarrassée par ce projet de loi organique, comme par beaucoup d'autres.

En effet, le Premier ministre a annoncé deux mesures touchant la vie politique : les subventions aux partis vont être réduites de 4 millions ; les remboursements de dépenses électorales devraient diminuer d'autant en 2012.

Techniquement, cela suppose de geler le plafond des dépenses électorales tant que les finances publiques ne sont pas revenues à l'équilibre, ce qui ne devrait pas tarder.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Si vous partez !

M. André Reichardt.  - En outre, les remboursements des dépenses de campagne seront réduits de 5 %, l'élection présidentielle supposant de passer par une loi organique.

Les candidats n'ayant pas atteint 5 % des suffrages exprimés obtiendront quelque 800 000 euros, les autres percevront au maximum 8 millions d'euros pour les candidats éliminés au premier tour, plus de 10 millions pour ceux présents au second tour. Le coût total de l'élection devrait avoisiner 220 millions d'euros.

On peut gloser sur le caractère modeste de l'économie réalisée, mais comment la refuser dans le contexte budgétaire actuel ?

Bien sûr, la dépense effective est encore inconnue, car nous ignorons l'avenir.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est généralement le cas !

M. André Reichardt.  - Comment prendre en compte l'activité du président de la République ?

La Cour des comptes a salué la gestion plus rigoureuse de l'Élysée, qui n'avait pas de budget jusqu'en 2007. Elle a souligné la gestion exemplaire des dépenses de sondages. S'agissant des coûts de déplacements, la Cour des comptes a formulé des observations en 2011, leur coût total a diminué malgré l'augmentation des déplacements internationaux et intérieurs !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Vous êtes le porte-parole de l'Élysée !

M. André Reichardt.  - Je rappelle que cette nouvelle transparence des comptes de la présidence, nous la devons à M. Sarkozy ! Comme l'a dit M. Béchu, le débat sur les comptes de campagne du président élu est analogue à celui sur le sexe des anges, vu la légitimité démocratique que lui confère son élection au suffrage universel.

Le groupe UMP propose de supprimer l'ajout inutile voulu par la commission, concernant les candidats détenteurs d'un mandat électif, qui n'apporte rien au droit existant : pourquoi cette redite ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - À votre avis ?

M. André Reichardt.  - Pour réduire notre déficit et notre dette, nous devons agir aussi sur les dépenses électorales. La réforme s'appliquera dès 2012 et sera pérenne.

Pour ces raisons, le groupe UMP votera la réforme courageuse engagée par le Gouvernement. (Applaudissements à droite)

Mme Corinne Bouchoux.  - Dans un contexte de faible croissance les économies réalisées sur les dépenses électorales ne peuvent qu'être comprises par nos concitoyens, bien qu'ils soient eux-mêmes confrontés à de plus graves problèmes, mais les écologistes veulent surtout des règles claires, équitables et respectées par tous les candidats. Pour éviter les écueils, récents ou anciens, illustrés par les dernières polémiques sur l'affaire dite de Karachi, montrant que les dérapages immoraux ont continué, la justice doit mener son travail jusqu'au bout, quelles que soient les personnes en cause et leurs fonctions. Il y a eu quatorze morts à Karachi, dont onze Français ! Toute la lumière doit être faite.

Un grand quotidien du soir a écrit hier que l'affaire Bettencourt pourrait conduire à la saisine des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. La justice doit faire son travail.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Et l'affaire de L'IGS !

Mme Corinne Bouchoux.  - Le système actuel n'est ni moral, ni juste, qui opère une discrimination et donne plus à ceux qui ont plus alors qu'on pourrait faire des économies, en respectant la parité (marques d'approbation à gauche) dont le non-respect par l'UMP coûterait 4 millions d'euros ! Il faudrait aussi revoir le système du parrainage par 500 signatures. La multiplication des candidatures est un risque, mais il faut avant tout éviter la pensée unique.

Nous examinons aujourd'hui, un texte démagogique et de circonstance. La priorité est de mettre fin à un système où les uns ont tout, les autres ne reçoivent rien ! Dans certains pays, on prend en compte plusieurs scrutins de nature différente pour le financement de la vie politique. En France, les gagnants bénéficient d'une double dotation, les autres se débrouillent comme ils peuvent !

S'ajoute l'inégalité liée au cumul des mandats -assez répandue dans notre Haute assemblée...

Mme Nathalie Goulet.  - Pas pour tous !

Mme Corinne Bouchoux.  - Ce texte anecdotique n'est que cosmétique et masque les sujets de fond, car le pseudo-bipartisme qu'il soutient ne correspond pas à la société française. À l'heure d'internet et des réseaux sociaux, alors que les médias sont de plus en plus concentrés dans les mains de quelques industriels, il faut réduire l'inégalité entre candidats pour qu'ils puissent se faire entendre par les citoyens.

Malgré les progrès réalisés, il reste beaucoup à faire, notamment concernant l'intervention du Conseil constitutionnel et la campagne du candidat déjà en place. Où est l'exemplarité quand les élections cantonales sont mille fois plus surveillées que l'élection présidentielle ? (Applaudissements à gauche)

M. Michel Delebarre.  - Comme à son habitude, M. Gorce a fait un travail de très grande qualité. Monsieur Reichardt, ce que vous qualifiez d'« embarras » de la commission n'est qu'une aptitude à la réflexion : il faudra vous y habituer !

La vie politique française s'organise autour de l'élection présidentielle. Les principales dispositions du texte sont connues : le 7 novembre, le Premier ministre a annoncé deux mesures d'économie applicables à la vie politique.

La réduction des dépenses électorales suppose tout d'abord le gel des plafonds de dépenses jusqu'à ce que nos finances soient à l'équilibre : autant dire que cette mesure aura un bel avenir...

Deuxièmement, les taux de remboursements sont ramenés de 50 % à 47,5 % des suffrages pour l'ensemble des élections autres que le scrutin présidentiel, qui relève de la loi organique.

La principale faiblesse de ce texte est de changer la règle du jeu à la veille de la consultation électorale, et par recours à la procédure accélérée. C'est un souci de communication politique pour montrer aux Français que tout le monde fait des efforts.

Réduire les dépenses est un objectif louable, mais l'économie attendue n'est que de 3,6 millions d'euros. Depuis 1995, le coût des remboursements n'a cessé d'augmenter.

Pour 2012, tout dépendra du nombre de candidats et de leurs scores respectifs. On ne connaîtra donc le coût réel de l'élection qu'a posteriori.

J'ai quelques doutes quant à la réduction de notre déficit grâce à ce projet, puisque la dépense ne représente aujourd'hui que cinq euros par électeur...

L'allègement de l'ISF, c'est 1,5 milliard, la loi Tepa 20 milliards d'euros, à comparer aux 3,6 millions que rapportera ce projet de loi organique...

Certes, la transparence des dépenses de l'Élysée a progressé, mais des zones d'ombre subsistent, à commencer par les déplacements du chef de l'État, candidat. Pourquoi ne pas prendre en compte 60 % de ces dépenses dans son budget de campagne comme le CSA va retenir 60 % de ses interventions publiques ?

Le principe d'égalité devant le suffrage et le principe de sincérité sont les fondements de la démocratie.

Le texte n'est pas à la hauteur ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Anziani.  - À quelques mois de l'élection présidentielle, vous voulez réduire son coût, à un moment où notre déficit cumulé excède 1 600 milliards d'euros ! Votre projet de loi entraînerait une économie de 3,6 millions, soit 1,5 % du coût des remboursements. C'est un geste symbolique.

Nous aurions préféré une clarification de la notion de dépense électorale : bravo à M. Gorce pour sa contribution.

Les sondages doivent-ils être pris en compte pour les dépenses électorales ? Sans aucun doute, s'agissant de ceux commandés par les candidats ou les partis, mais quid de ceux demandés par l'Élysée ? Le président de la République sortant devrait au moins publier la liste des sondages demandés au cours de sa dernière année de mandat.

Et les déplacements : comment prendre en compte ceux du président non encore candidat ? Il les multiplie depuis peu, comme l'a relevé M. Dosière. À Tricastin, le président de la République a essentiellement vilipendé les positions de la gauche sur le nucléaire ; à Mulhouse, au lieu de voeux au monde de la santé, il a dénigré les propositions fiscales prêtées au candidat socialiste. Or tout cela n'est pas comptabilisé au titre de la campagne électorale...

La Commission des comptes de campagne estime qu'il faudrait réintégrer dans les comptes de campagne le coût d'organisation des déplacements permettant au président de la République candidat d'exposer son programme. Ce fut le cas pour sept déplacements de Jacques Chirac en 2002. Problème : les comptes de campagne sont toujours validés même si, comme l'a reconnu Roland Dumas pour ceux de Jacques Chirac, ils sont insincères. D'où les réquisitions judiciaires relatives aux comptes de M. Sarkozy pour 2007...

Théoriquement, nul ne doit utiliser ses fonctions au service d'une campagne électorale, mais le tour de France de M. Guaino est moins celui d'un historien ou d'un nouveau philosophe que de qui nourrit des arrière-pensées électorales...

Le candidat fantôme parcourt le pays dans ses habits officiels comme à la recherche des voix perdues, il travaille plus sans être payé plus, mais ses paroles ne sont pas officiellement prises en compte... (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Yves Leconte.  - Une démocratie qui ne coûte rien est à vendre ! Cette prise de conscience a eu lieu, il y a une vingtaine d'années, pour rendre transparent le financement de la vie politique, mettre fin aux conflits d'intérêts et sanctionner le trafic d'influence.

Lorsqu'un président est candidat, comment distinguer les deux faces de son action ? Il est curieux que le Gouvernement propose aujourd'hui, à 100 jours de la prochaine élection, un texte largement rétroactif...

Ce texte démagogique prétend réaliser des économies, dont nous ignorons la réalité. À quoi sert de réduire le remboursement de 5 % lorsque certains candidats n'hésitent pas à aller chercher des ressources illégales ?

Ce texte est hypocrite et cynique : le vainqueur a toujours raison, même en cas de dépassement. C'est une insulte à la démocratie. Cela vaut aussi pour les élections législatives. La campagne pour l'élection des futurs onze députés représentant les Français de l'étranger occasionne des déplacements très coûteux. Comme par hasard, trois ministres seront candidats pour l'UMP dans ces circonscriptions de taille mondiale -dont M. Mariani, ministre des transports. Ça tombe bien ! Sur 26 déplacements en 31 semaines, il a visité 24 fois sa future circonscription !

Les déplacements d'un ministre ne sont pas examinés par la Commission des comptes, alors que ceux d'un élu sont regardés de près ! Un abus manifeste dans l'utilisation de l'argent des contribuables ne peut donc être sanctionné !

Quelle hypocrisie ! Le Gouvernement propose d'économiser 3,6 millions, alors qu'il dépense bien plus en activité pré-électorale. Un président en campagne, des ministres et un gouvernement en campagne. Tout cela sur fonds publics. Regardez donc l'agenda de M. Courtial qui traitait naguère d'exilés fiscaux les Français ne payant pas leurs impôts en France, même en vertu d'une convention fiscale : il parcourt sa circonscription à une vitesse supersonique avec un aréopage de hauts fonctionnaires !

Demain, l'UMP organisera au Maroc une grande réunion consacrée à « une nouvelle gouvernance pour les Français de l'étranger », avec Mme Morano et M. Courtial entre autres. Une autre manifestation est prévue à Miami, le 9 février avec M. Lefebvre et M. Baroin, le « premier rassemblement mondial des conseillers du commerce extérieur » !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le monde est petit !

M. Jean-Yves Leconte.  - Tout cela est une insulte à l'intelligence et du mépris pour les Français de l'étranger.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte.  - La période impose l'exemplarité et la sobriété mais le ministre de l'intérieur, candidat à Boulogne, utilise la mairie comme bureau de poste.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Vous devenez caricatural !

M. Jean-Yves Leconte.  - Alain Marsaud, candidat pour les Français du Proche-Orient et de l'Océan indien, se prévaut d'une mission du Gouvernement pour justifier ses déplacements à Madagascar où il travaille à rétablir une liaison aérienne au profit d'Air Madagascar, qui concurrencera Air France ! (Exclamations à gauche)

Les candidats du pouvoir auraient-ils perdu tout sens commun ? Le candidat UMP en Amérique latine est directeur d'Alstom sur place, laquelle entreprise qui vient d'emporter le marché du métro au Panama espère en emporter d'autres. Une convention fiscale fort opportune vient de sortir ce pays de la liste des paradis fiscaux...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ça ne vole pas haut...

M. Jean-Yves Leconte.  - Pour la prochaine élection, je souhaite plus de moralité et moins de cynisme ! (Bravos et applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 11 h 20, reprend à 11 h 25.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°14, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle (n° 236, 2011-2012).

M. Jean Louis Masson.  - J'accorderai mon parrainage à M. Dupont-Aignan, non par convergence idéologique avec lui, mais par opposition à ce système scandaleux. Je veux aider les petits candidats. Depuis que les parrainages sont rendus publics, les maires subissent des pressions inacceptables : tous les coups sont permis ! Selon Le Figaro, les maires socialistes, à la demande de Mme Aubry, ne devraient parrainer que le candidat socialiste. La situation n'est pas meilleure à l'UMP. Les parrains de candidats d'extrême droite ou d'extrême gauche subissent pressions et représailles intolérables.

Dans mon canton, deux maires qui avaient parrainé le candidat du Front national ont été victimes de représailles : l'un a été menacé physiquement et en a fait un accident cardiaque ; l'autre affirme qu'il a vécu un cauchemar et qu'il ne parrainera plus jamais un candidat, après que son parrainage fût rendu public. On peut être pour ou contre Le Pen, mais il serait anormal qu'il ne pût être candidat, c'est la démocratie, dit-il. La publicité des parrainages est anti-démocratique, dit-il. En majorité, les maires partagent son avis. La procédure est détournée : on fait croire que le parrainage signifie soutien politique, alors qu'il devrait seulement éviter les candidatures marginales. Avec un succès discutable : en 2002, neuf des seize candidats n'ont pas atteint 5 % des suffrages. M. Gluckstein n'a obtenu que 0,47 %, soit 132 686 voix sur 28,5 millions ! Il avait pourtant obtenu plus de parrainages que nécessaire. M. Le Pen, deuxième au premier tour, soit 36 fois plus que M. Gluckstein, avait lui peiné à rassembler les parrainages requis ! Il faut donc rétablir le secret des parrainages pour éviter toute pression et autoriser tout parti, ayant obtenu au moins 5 % des voix aux législatives, à présenter un candidat. Et il est anormal que les sanctions applicables à ceux qui feraient pression sur les électeurs ne le fussent pas à ceux qui tentent par des moyens similaires d'empêcher un parrainage.

Ce projet de loi organique nous fournit l'occasion de sortir du statu quo -d'où ma motion. Il est regrettable que le Gouvernement ait déclaré l'urgence, en faisant mine d'ignorer le problème des parrainages, qui dépend lui aussi de l'article 3, susvisé. Mais les deux partis dominants s'entendent pour continuer à profiter d'un système scélérat !

Il ne sert à rien que le vote soit secret, dès lors que la publicité des parrainages permet des pressions. Il est incohérent de sanctionner les menaces ou pressions sur les électeurs, quand rien n'est fait pour protéger les élus qui accordent leur parrainage !

Au lendemain de 2007, certains membres de la majorité présidentielle avaient pourtant appelé à la réforme. Mais rien n'a été fait. Au parti socialiste, c'est pire : on menace les maires socialistes qui parraineraient un candidat autre que le candidat officiel. On se croirait au temps de Brejnev, ou plutôt à celui de M. Moubarak !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Ça suffit !

M. Jean Louis Masson.  - J'assume au nom de la démocratie et des milliers de maires qui ne supportent pas les pressions, le chantage aux subventions exercé par les conseils généraux socialistes ! Les propos de Mme Aubry sont inquiétants. La commission des lois a traité le sujet par-dessus la jambe -parce que ça fait l'affaire du parti socialiste, qui veut surtout que rien ne change ! (Exclamations à gauche) Un parti qui pratique un double langage, parlant de démocratie mais cautionnant des pratiques antidémocratiques quand il y trouve son intérêt !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - La commission s'est gardée d'exercer une pression sur M. Masson... La clandestinité des parrainages qu'il défend n'est pas conforme à l'esprit républicain. L'élection présidentielle, dans l'esprit du général de Gaulle, cher à M. Dupont-Aignan, n'a pas vocation à encourager la multiplicité des candidatures !

D'éventuelles pressions ou représailles relèvent de la justice, mais on ne peut interdire à un chef de parti de donner des consignes.

Enfin, je rappelle qu'en 2002, la multiplication des petits candidats a privé les électeurs d'un vrai choix au second tour !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Je rappelle que ce texte découle d'un souci d'économie. L'urgence est justifiée : le recueil des parrainages va commencer en février. Je n'épiloguerai pas sur le système, qui est ancien. Enfin, toute pression peut être sanctionnée dans le cadre du droit pénal en vigueur.

La motion n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article unique

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.

Après l'alinéa 1 

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le premier alinéa du II de l'article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont présumées devoir être retracées dans le compte de campagne du candidat l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées à son profit, dès lors qu'elles ne sont pas dénuées de lien avec le débat politique national. » ;

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Il s'agit de rappeler les candidats à leurs obligations. L'ensemble des dépenses doit être retracé dans les comptes, de sorte que la Commission nationale puisse faire son travail. Notre logique éthique se veut dissuasive, pour mettre fin aux pratiques qui jettent le trouble dans l'opinion.

M. le président.  - M. Masson voulait parler sur l'article...

M. Jean Louis Masson.  - En effet. Dans notre Règlement, les sénateurs non inscrits ne peuvent intervenir en explication de vote. Je saisis donc l'occasion de répondre au rapporteur. Vu la majorité écrasante des deux groupes principaux en commission, inutile de s'y rendre et d'y défendre ses idées : je préfère m'exprimer en séance publique.

Le général de Gaulle voulait limiter le nombre de candidats ? Certes, mais la question n'est pas là. Cette réponse est hypocrite ! Le problème, c'est qu'on empêche la candidature de ceux qui pourraient obtenir un bon score. Les illustres inconnus ne dérangent personne !

Il faudrait à tout prix éviter la situation de 2002 ? L'argument est grave, car il revient à considérer comme des citoyens de seconde zone les millions de Français qui ont voté pour M. Le Pen au premier tour. Si le Front national est illégal, qu'on l'interdise ; sinon, il est intolérable qu'on empêche, par des magouilles ou des artifices, des millions de Français de voter pour lui.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Sur l'amendement, la jurisprudence est claire ; cette précision est inutile. Défavorable.

L'amendement n°15 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.

Après l'alinéa 1 

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le quatrième alinéa du II de l'article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut, à compter de l'ouverture de la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, être saisie par le mandataire financier d'un candidat potentiel en vue d'émettre une décision sur l'application des dispositions relatives au financement de la campagne présidentielle. La Commission se prononce dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la demande. Cette décision peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné ou par son mandataire financier dans les quarante-huit heures suivant sa notification ; le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de huit jours. » ;

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Cet amendement permet aux candidats potentiels, dès lors qu'ils ont déclaré un mandataire, de saisir la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). On sait qu'il y a un débat aujourd'hui sur les déplacements du président de la République. Il faut que les règles soient établies en amont ; c'est plus satisfaisant des points de vue éthique et démocratique.

Le sous-amendement de M. Masson ouvre à tout citoyen la possibilité de saisir la CNCCFP. À titre personnel, la commission ne s'étant pas prononcée, j'estime que le champ de la saisine doit être limité aux seuls candidats ayant déclaré un mandataire, ne serait-ce que pour des raisons pratiques évidentes. Et il ne faut pas prendre le risque de déstabiliser la campagne. Avis défavorable.

M. le président.  - Sous-amendement n°19 à l'amendement n° 16 de M. Gorce, au nom de la commission, présenté par M. Masson.

Amendement n° 16, dernier alinéa

1° Première phrase

Remplacer les mots :

le mandataire financier d'un candidat potentiel

par les mots :

tout candidat potentiel

2° Dernière phrase

Supprimer les mots :

ou par son mandataire financier

M. Jean Louis Masson.  - C'est le candidat qui doit saisir la Commission, pas son mandataire financier ! Si l'éventuel mandataire financier de M. Cantona peut saisir la Commission, pourquoi pas tout citoyen ? Mais pour notre rapporteur, qui est au service des partis dominants, la candidature de M. Cantona pose moins de problème que celle de M. Mélenchon ou de Mme Le Pen !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable au sous-amendement. La Commission des comptes de campagne a diffusé un mémento il y a plus de six mois ; le mandataire financier du candidat socialiste en a d'ailleurs fait usage. L'amendement alourdirait les procédures en cours : défavorable.

M. Philippe Bas.  - Il faut penser à la campagne de 2012, mais aussi à celles qui viendront après. Malgré les bonnes intentions du rapporteur, ses amendements peuvent avoir des effets pervers, qu'il s'agisse de l'expression du chef de l'État ou de ses déplacements. Il est certes difficile de s'abstraire du contexte actuel, mais faisons attention à préserver la fonction présidentielle, et à ne pas entraver la liberté du président de la République. Je voterai contre cet amendement, comme je l'ai fait pour le précédent.

M. Jean-Pierre Michel.  - L'amendement de M. Gorce me convient. La jurisprudence n'est pas stabilisée. Une publicité pour un roman d'un candidat, une de ses nouvelles, La tentation de Venise par exemple, doit-elle être prise en compte dans les dépenses de campagne ?

Le problème est que la campagne présidentielle est la moins réglementée de toutes. Il devrait y avoir une date limite pour déclarer sa candidature à l'élection présidentielle, 100 jours par exemple. Il faudrait aussi qu'à la date limite, le président de la République-candidat quittât ses fonctions et fût remplacé par le président du Sénat. On ne peut accepter qu'il emploie les moyens de sa fonction pour sa campagne. Ainsi tous les candidats seraient-ils à égalité. En attendant cette réforme radicale, il faut a minima que les décisions juridictionnelles puissent s'imposer.

Mme Corinne Bouchoux.  - Nous ne sommes plus en 1958, ni en 1962. Le Conseil constitutionnel a été discrédité par les récentes révélations concernant les élections de 1995 et 2007. Il faut changer les choses. Je partage les propos de M. Michel, et soutiens l'amendement. Il faut cesser de mettre le Conseil constitutionnel devant le fait accompli et lui rendre sa crédibilité. Un travail en amont est hautement souhaitable.

M. Yves Détraigne.  - Notre débat dépasse largement l'objet du texte, qui est le remboursement des dépenses de campagne... L'élection présidentielle est trop importante pour que l'on bricole, sur un coin de table, les règles qui lui sont applicables !

Je voterai contre les amendements, à l'exception de l'amendement n°9, présenté par M. Hyest pour revenir au texte de l'Assemblée nationale. (Approbation et applaudissements à droite)

Le sous-amendement n°19 est adopté.

L'amendement n°16 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Gorce.

I.  - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du cinquième alinéa du II, à la première phrase du deuxième alinéa du V et aux deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa du même V de l'article 3, le mot : « forfaitaire » est supprimé ;

II.  -  Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

1° Le troisième alinéa du V de l'article 3 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le montant des crédits inscrits dans la loi de finances de l'année du scrutin pour être affecté au financement du remboursement des dépenses de campagne des candidats est divisé en deux fractions :

« 1° Une première fraction attribuée aux seuls candidats présents au second tour et égale, pour chacun d'entre eux, à 5 % du montant visé à l'alinéa précédent ;

« 2° Une seconde fraction attribuée à tous les candidats ; elle est répartie proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de l'élection présidentielle par chacun d'entre eux.

« Le montant du remboursement ne peut excéder le montant des dépenses du candidat retracées dans son compte de campagne. » ;

M. Gaëtan Gorce.  - C'est le Gouvernement lui-même qui a ouvert une réforme à quelques semaines d'une élection présidentielle. C'est lui qu'il faut accuser, monsieur Détraigne, pas la majorité sénatoriale ! Nous entendons parler expression du suffrage et pluralisme.

Le mode de remboursement actuel n'est pas juste, en raison des effets de seuil : une voix n'a pas la même valeur selon la présence, le score du candidat. Cet amendement, qui vise à ouvrir le débat, propose un remboursement au prorata des voix obtenues au premier tour, les candidats présents au deuxième tour bénéficiant d'une prime. Les écarts varient aujourd'hui de 800 000 euros pour 4,9 % des voix, à 8 millions d'euros pour 5,01 % des suffrages exprimés. L'amendement aurait également l'avantage de garantir à l'État qu'il ne dépensera pas plus qu'il ne le souhaite au titre des remboursements. Cela va dans le sens de son objectif d'économie. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Sous-amendement n°18 à l'amendement n° 11 de M. Gorce, présenté par M. Masson.

Amendement n° 11

Supprimer le II de cet amendement.

M. Jean Louis Masson.  - La finalité de notre rapporteur est transparente : rembourser beaucoup plus aux deux partis dominants et beaucoup moins pour les autres ! Sa compassion affichée envers ceux qui font moins de 5 % ne trompe personne. D'où ce sous-amendement : il faut abaisser le seuil de remboursement à 3 % des voix. C'est ainsi que l'on aidera les petits candidats !

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

I.  -  Après l'alinéa 1

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le deuxième alinéa du II de l'article 3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le montant : « 13,7 millions » est remplacé par le montant : « 10 millions » ;

b) À la seconde phrase, le montant : « 18,3 millions » est remplacé par le montant : « 15 millions » ;

II.  -  Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

et le pourcentage : « 5 p. 100 » est remplacé par le pourcentage : « 3 p. 100 »

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas la majorité sénatoriale qui a décidé d'inscrire ce texte, en urgence, à quelques jours de l'élection ! La démocratie souffre de l'inégalité de moyens entre partis politiques.

En 2007, les deux finalistes ont dépensé plus de 20 millions chacun, alors que le plus petit candidat a dépensé 700 000 euros, la moyenne par candidat se situant à plus de 6,3 millions en 2007, contre 5,2 en 2002. Il faut mettre un frein à l'explosion des dépenses électorales, qui ont crû de 20 % en cinq ans !

D'où notre amendement, qui abaisse en outre le seuil de remboursement à 3 % des suffrages.

M. le président.  - Sous-amendement n°17 à l'amendement n° 13 de Mme Assassi et les membres du groupe CRC, présenté par M. Masson.

Amendement n° 13

I.  -  Alinéa 4

Remplacer le montant :

10 millions

par le montant :

8 millions

II.  -  Alinéa 5

Remplacer le montant :

15 millions

par le montant :

12 millions

III.  -  Alinéa 8

Remplacer le pourcentage :

3 p. 100

par le pourcentage :

2,5 p. 100

M. Jean Louis Masson.  - Je pense beaucoup de bien de l'amendement n°13.

En abaissant le seuil à 2,5 %, je vais encore plus loin. Les petits candidats, qui sont dans une situation charnière, sont bridés, contraints de limiter leurs dépenses par crainte de ne pas atteindre 5 % de voix. Si l'on veut vraiment aider les petits candidats, comme le prétend le rapporteur, il faut leur laisser les coudées franches. Ce serait une bouffée d'oxygène pour la démocratie.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Masson.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le troisième alinéa du même V est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour le calcul de la somme à rembourser par l'État, les dépenses facturées par un parti ou groupement politique sont défalquées des dépenses de campagne. »

M. Jean Louis Masson.  - Pourquoi examiner cet amendement et l'amendement n°7 en discussion commune avec les précédents ? Leurs objets sont distincts !

Il s'agit ici de la facturation, plus ou moins fictive, de prestations immatérielles, par certains partis politiques, pour bénéficier de remboursements et récupérer ce qu'ils n'ont pas dépensé ! La CNCCFP a regretté ces pratiques à plusieurs reprises.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Masson.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le troisième alinéa du même V est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour le calcul de la somme à rembourser par l'État, les dépenses de prestations immatérielles facturées par un parti politique ou par tout organisme faisant partie du périmètre de consolidation de ses comptes sont défalquées des dépenses de campagne. »

M. Jean Louis Masson.  - C'est la même idée. Afin d'éviter ces dérives, cet amendement vise à ne plus ouvrir droit au remboursement par l'État au titre des frais de campagne électorale de ce type de prestations par nature invérifiables.

Ces deux amendements traduisent au mot près les recommandations de la CNCCFP : je ne doute pas qu'ils seront adoptés !

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.  - La commission a donné un avis favorable à l'amendement n°11 de M. Gorce.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Les amendements de M. Masson portent sur le même alinéa que le mien : la discussion commune lui permet de s'exprimer avant le vote. Il séduirait sans doute davantage en étant moins agressif !

Avis défavorable : vous privez l'amendement n°11 de son effet. Pour le reste, les pratiques de facturation que vous dénoncez concernent surtout les campagnes autres que présidentielles. Lors de ces dernières, les dépenses sont généralement supérieures au montant du remboursement ; il n'est pas anormal que les partis puissent facturer certaines prestations.

L'amendement n°13 ne garantit pas l'équilibre, et maintient un effet de seuil : mon amendement me paraît plus équitable. Sur la base des résultats de 2007, une voix a rapporté 0,95 euro à Nicolas Sarkozy, 1,15 euro à Ségolène Royal, 1,18 euro à François Bayrou, 2,1 euros à M. Le Pen, 0,53 euro à M. Besancenot, 0,98 euro à M. de Villiers, 1,92 euro à M. Nihous...

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - M. Détraigne a rappelé le contexte de ce projet de loi organique. Il s'agit de rechercher des économies, pas de remettre en cause le système de remboursement des dépenses électorales. Ce serait en outre risquer une censure constitutionnelle au motif de l'insécurité juridique, à trois mois des présidentielles. (M. André Reichardt applaudit)

M. Jean-Yves Leconte.  - Il est surréaliste de réunir le Sénat en séance publique pour une économie potentielle de 3,6 millions d'euros. Je regrette que M. Masson ne daigne pas venir exposer ses amendements en commission des lois, c'est là que leur discussion aurait eu toute sa place.

M. Jean Louis Masson.  - M. Leconte ne me voit pas en commission ? Hier, je ne l'y ai pas vu ! (Rires à droite)

En commission, les non inscrits sont marginalisés ; je préfère m'exprimer en séance publique ! Si M. Leconte est pressé de rentrer chez lui, qu'il le fasse ; je suis pour ma part disponible toute la journée et je compte bien défendre mes idées. Monsieur le rapporteur, le texte influencera la capacité des candidats à faire campagne, quelles que soient leur ressources personnelles.

Le sous-amendement n°18 n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le Sénat devrait sagement se conformer à la volonté du Gouvernement de nous faire adopter un dispositif circonstanciel pour s'acheter à peu de frais une bonne conduite, sachant qu'il en piétine au jour le jour les principes. Quant à M. Masson, il veut réorienter ce texte dans un sens plus conforme aux intérêts des petits candidats, notamment de celui qu'il soutient. Nos amendements sont d'une grande sagesse et d'une grande précision. Désolé pour le Gouvernement -qui a ouvert ce débat.

Mme Corinne Bouchoux.  - N'en déplaise à M. Masson, la parole est totalement libre en commission des lois ; on y échange sereinement et sans agressivité. Nous soutiendrons l'amendement n°11 de M. Gorce, qui favorise un débat serein et intéressant, de même que l'amendement n°13, qui va aussi dans le bon sens.

M. Jean Louis Masson.  - Je ne défends pas les intérêts du candidat que je parraine. D'ailleurs, je ne soutiens personne pour l'heure. (On s'amuse à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est compliqué !

M. Jean Louis Masson.  - Les petits candidats doivent pouvoir défendre leurs idées pour progresser. L'urgence décidée par le Gouvernement n'a aucun sens mais je le remercie d'avoir lancé un débat important.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Les comptes de campagne sont ouverts un an avant l'élection. Changer les règles du jeu en cours de partie poserait un problème de constitutionnalité. Le but du dispositif est d'éviter les candidatures fantaisistes. Avoir 25, 30 ou 40 candidats n'est pas digne de notre démocratie. Je suis donc hostile à tous les amendements qui changent une règle fixée depuis 1962. Les modifications intervenues depuis s'expliquent par le souci d'éviter les candidatures farfelues.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - M. Marcel Barbu est resté dans l'Histoire !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pourquoi la procédure accélérée ? Le sujet ne méritait vraiment pas une deuxième lecture. Il s'agit seulement de se mettre en cohérence avec les votes déjà intervenus en loi de finances.

Nous défendrons un amendement visant à revenir au droit actuel, qui est largement suffisant. On ne va pas faire de lois mémorielles en matière électorale !

L'amendement n°11 est adopté.

Les amendements nos13, 6 et 7 n'ont plus d'objet, non plus que le sous-amendement n°17.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Gorce.

Après l'alinéa 1

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le cinquième alinéa du II de l'article 3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sa décision est notifiée à tous les candidats. » ;

...° À la première phrase du troisième alinéa du III de l'article 3, les mots : « par le candidat concerné » sont remplacés par les mots : « par l'un des candidats » ;

M. Gaëtan Gorce.  - Seule la Commission des comptes peut contester les sommes présentées par un candidat. Je propose que tout candidat puisse en saisir le Conseil constitutionnel sur les comptes d'un autre candidat.

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.  - Avis favorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°10 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par MM. Collombat et Mézard.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le III de l'article 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de rejet du compte du candidat élu, le Conseil constitutionnel en informe le Parlement, afin d'apprécier si les motifs du rejet renvoient à des actes constituant un manquement manifestement incompatible avec l'exercice du mandat de Président de la République. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Avec cet amendement, on sort enfin de l'épicerie fine. Le candidat est déclaré élu avant l'examen de son compte de campagne. Que fait-on si ses comptes étaient irréguliers ? Laisse-t-on en fonction ce président de la République ? Demande-t-on sa destitution ? Soit on ne fait rien, soit on s'en remet à la CNCCFP. Je ne vois qu'une solution : se référer à l'article 68 de la Constitution. À l'heure actuelle, on examine le sixième chiffre après la virgule, et on laisse passer les grosses fraudes.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Ce sujet est au coeur de notre débat : nous n'avons guère les moyens de faire respecter le droit des comptes de campagne. D'éventuelles infractions pourraient n'être révélées que par la suite... Cette réalité est choquante. La corriger est dans l'intérêt de la République. Un candidat non élu ayant commis une infraction peut être poursuivi, pas le président de la République !

Je comprends donc la volonté de M. Collombat de faire cesser une situation choquante. Mais comment faire ? La seule procédure possible semble bien être celle de l'article 68. L'amendement présente toutefois une difficulté : si finit par être adoptée la loi organique nécessaire pour appliquer l'article 68 de la Constitution, il sera satisfait. Nous aimerions d'ailleurs en savoir plus sur les intentions du Gouvernement. Faute de quoi, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - S'il s'agit seulement d'informer le Parlement, l'amendement n'apporte rien. S'il s'agit de modifier l'article 68 de la Constitution, cela ne peut se faire au détour d'un amendement à ce projet de loi dont l'objet est seulement de limiter les dépenses électorales et leur remboursement. On ne peut remettre ainsi en cause l'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce n'est pas moi qui ai demandé l'examen, a fortiori en urgence, de ce texte dont la portée financière est dérisoire. On nous bassine avec l'équilibre des comptes publics, dont tout le monde sait qu'il ne sera pas rétabli sans une relance de l'économie. On ne peut continuer à faire que les petits maladroits soient ruinés tandis que les gros malins ayant de solides amitiés font ce qu'ils veulent.

L'article 68 de la Constitution existe. En quoi cela vous gêne-t-il de l'appliquer ? Parmi les « manquements » graves qu'il évoque, il y a ceux concernant les comptes de campagne.

M. Philippe Bas.  - Nul ne prétend que le gel du plafond aura un impact décisif sur le déficit public, mais l'étalage de dépenses de campagne excessives a quelque chose de choquant en cette période. La seule question posée aujourd'hui est de savoir si nous souhaitons des dépenses électorales un peu plus sobres.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis pour la sobriété, mais retirer 5 % aux remboursements ne suffit pas : il faudrait diminuer le plafond d'au moins un tiers, tout comme le remboursement.

M. Collombat a raison de proposer l'information du Parlement. Cette règle devrait s'appliquer à toutes les élections.

Mme Corinne Bouchoux.  - Regardons vers l'avant, pas dans le rétroviseur ! Nous soutiendrons l'amendement de M. Collombat. Consacrer autant d'énergie et de temps pour économiser 3,6 millions n'est guère efficient ! (M. Jean-Jacques Hyest approuve) Et l'on va encore nous faire perdre du temps le 23 janvier, pour dire comment doit être écrite l'Histoire. Ce ne devrait pas être du domaine de la loi. Faisons ce pour quoi le Parlement est réuni, améliorer la société.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Les comptes sont publiés. Si l'on juge qu'il y a un manquement grave, on peut en parler. L'amendement de M. Collombat ne servirait à rien, d'autant que la loi organique sur l'article 68 va bien finir par être votée. Il serait temps.

Avec l'expérience, chère collègue, on s'habitue, sur ces bancs, à consacrer beaucoup de temps à entendre des discours répétitifs... (Sourires)

M. Jean-Pierre Michel.  - La réforme de 2007 a été votée pour M. Chirac, dont M. Bas était alors secrétaire général adjoint. Désormais, le président de la République est totalement irresponsable sauf en cas de manquements graves. Au plus tôt, le projet de loi organique, sur l'article 68, sera examiné par l'Assemblée nationale le 24 janvier ; elle ne sera donc pas promulguée avant la fin du quinquennat.

M. Collombat demande en quoi consistent les manquements graves du président de la République et il répond : entre autres d'avoir présenté des comptes de campagne incorrects. Le groupe socialiste votera son amendement.

L'amendement n°8 est adopté.

La séance est suspendue à 13 h 5.

*

*          *

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

La séance reprend à 15 heures.