Exécution des peines (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'exécution des peines.

Discussion générale

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Le texte qui vient en discussion devant le Sénat n'a plus grand-chose à voir avec celui qui a été déposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale : la commission des lois en a modifié jusqu'au titre ; elle n'a conservé du texte issu de l'Assemblée nationale que la partie relative aux saisies et confiscations...

Je tiens à vous assurer que ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de la loi pénitentiaire de 2009. Il ne peut y avoir de justice efficace sans exécution des peines. Les magistrats ne sont nullement laxistes ; ils appliquent les lois votées par le Parlement. Le plan adopté par le Gouvernement il y a un an ont fait diminuer de 15 000 le nombre de peines en attente d'exécution mais il en reste 85 000 ; le délai de mise en exécution a été raccourci. Le respect du travail du Parlement et des magistrats exige de progresser encore.

Le Gouvernement, pragmatique, veut que les peines soient exécutées rapidement, sous forme aménagée lorsque cela est opportun. Non, le Gouvernement ne s'inscrit pas dans la logique du tout-carcéral. Nous sommes fidèles au principe de l'encellulement individuel. Or on connaît le surencombrement carcéral : jusqu'à 136 % en maison d'arrêt ! Augmenter la capacité du parc carcéral, diversifier les établissements, c'est améliorer les conditions d'emprisonnement, donc favoriser la réinsertion. Le candidat socialiste propose que toutes les peines soient exécutées et que les prisons soient conformes aux principes de la dignité humaine : sur ce point au moins, il y a accord. Le groupe socialiste votera donc les amendements du Gouvernement...

Nous avons besoin de 80 000 places de prison afin que 90 à 95 % des détenus soient placés en cellule individuelle. Les nouveaux établissements disposeront de trois fois plus de place pour l'activité des détenus.

Lorsque la personnalité du condamné et la situation le permettent, il faut privilégier les peines alternatives à la prison. Les aménagements de peines, surveillance électronique, liberté surveillée, placement extérieur ont beaucoup augmenté et ce, parce que nous avons accru de 40 % les effectifs des services de probation entre 2007 et 2011. Mais l'aménagement de peine doit viser la réinsertion et ne saurait pallier l'insuffisance des places de prison.

L'automaticité prévue par votre commission est dangereuse. Interdire le dépassement des plafonds d'occupation provoquera d'énormes problèmes pratiques.

Afin de favoriser la réinsertion, le texte initial affinait le classement des établissements pénitentiaires, en créant notamment des prisons pour courtes peines. Il faut aussi créer des structures adaptées aux troubles psychiatriques.

La création de 23 000 places de prison supposera un effort budgétaire incontestable : 3 milliards plus 180 millions chaque année pour les 6 000 emplois recrutés. Le Gouvernement s'efforce de combler le retard historique accumulé dans le financement de la justice. Nous avons prévu une construction échelonnée, par partenariat public-privé mais aussi bien sous maîtrise d'ouvrage publique.

Les juridictions verront aussi renforcer leurs services dédiés à l'exécution des peines : le nombre de JAP augmentera. Il existe 38 bureaux d'aide aux victimes, 12 autres ouvriront dès 2012.

La prévention de la récidive est un axe fort de la politique pénale du Gouvernement.

Le projet de loi Programmation renforçait les soins en détention et l'évaluation de la dangerosité -une nouvelle impulsion a été donnée à l'enseignement de la criminologie dans les études de médecine ou de droit. On a aussi créé de nouveaux centres d'évaluation, pluridisciplinaires. Le partage de l'information est favorisé. Chaque année, on pourra évaluer 1 600 condamnés à de longues peines, au-delà de dix ans.

L'obligation de soins, l'injonction doivent susciter un partage de l'information, mais la commission a supprimé ces mesures.

Le médecin devra demain attester la régularité des soins en détention, afin que le juge se prononce en toute clarté.

Dès 2013 étaient prévus 130 emplois d'agents de suivi et de probation, au sein des services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip).

Le Gouvernement ne saurait être favorable à la suppression des peines plancher, qui constituent une bonne réponse à la récidive, reconnue par Conseil constitutionnel conforme au principe d'individualisation des peines car le juge conserve une latitude d'appréciation. Si c'est l'automaticité qui vous déplaît, ayez la cohérence de renoncer aussi à celle que vous avez prévue pour les libérations conditionnelles.

Vous avez voté contre l'élargissement des solutions à disposition du juge pour enfants. Je pense au dossier unique de personnalité. Les centres éducatifs fermés ont fait la preuve de leur efficacité et la loi de 2011 en prévoyait vingt de plus. Bientôt 800 places seront offertes. Je m'étonne, alors que le candidat socialiste veut doubler le nombre de ces centres en cinq ans, que la commission aille contre la disposition les concernant ! Primauté est donnée dans ces centres à l'éducatif sur le répressif, et les troubles du comportement sont pris en charge.

Ce projet de loi répondait à un principe de réalité. Nous avons prévu les moyens humains pour assurer la réussite de nos mesures et renforcer l'exécution des peines. Nous avons aussi eu à coeur de prévenir la récidive de jeunes délinquants, de renforcer les moyens de la justice... Le Gouvernement vous proposera de revenir au texte de l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteure de la commission des lois.  - Le projet de loi nous vient en procédure accélérée, après la mission confiée au député Éric Ciotti à la suite du drame de Pornic et après le discours du président de la République au Chambon-sur-Lignon en septembre 2011. Après dix ans d'incessantes modifications -six textes sur la récidive depuis 2005 !-, il faut encore y revenir ? L'essentiel se trouve dans l'annexe, dépourvue de valeur normative.

Il s'agit surtout ici d'accroître le parc immobilier pénitentiaire, en contradiction avec l'aménagement des courtes peines inscrit dans la loi de 2009. Ces mesures sont coûteuses et pèseront durablement sur le budget de la justice ; or nous sommes à quelques semaines de scrutins nationaux, ce n'est donc pas raisonnable.

Aujourd'hui, il existe 61 200 places ; l'objectif d'un encellulement individuel est réaliste si les courtes peines sont aménagées. Le président de la République dit vouloir atteindre le nombre de 80 000 en cinq ans, ce qui ne fera qu'entretenir le cercle vicieux : toujours plus de détenus... Résorber le « stock » des peines en attente d'exécution, dites-vous. Au 30 juin 2011, ce « stock » était de 85 000... dont la moitié inférieures à trois mois et 95 % aménageables. Une peine aménagée est une peine exécutée !

En réalité, votre principal argument pour justifier une hausse du nombre de places repose sur des projections : 96 000 incarcérations à l'horizon 2017, selon des modes de calcul et des comparaisons pour le moins discutables. L'étude d'impact indique que le taux de détention est inférieur, en France, à la moyenne du Conseil de l'Europe : est-ce une raison de créer des places ? Veut-on s'engager dans une concurrence à la hausse ? L'exemple allemand, si souvent invoqué, est cette fois oublié : le nombre de détenus en Allemagne diminue sensiblement. Votre gouvernement préfère le carcéral, ce que la commission des lois juge contraire à la loi pénitentiaire de 2009.

La densification des établissements ne tient pas compte des travaux menés et des préconisations du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Des établissements consacrés aux courtes peines ont-ils un sens quand la loi de programmation prévoyait de multiplier les aménagements de peines ?

Faut-il créer des prisons spécialisées, au risque de recréer à l'échelle d'un établissement les quartiers de haute sécurité, fermés par l'administration dans le passé en raison des tensions qui y régnaient ?

L'hyperspécialisation empêchera aussi les détenus de préserver des liens avec leur famille, car toute la gamme des établissements ne se trouvera pas près de chez eux.

L'impact budgétaire du présent projet de loi apparaîtrait essentiellement entre 2015 et 2017... puis il est affirmé que la trajectoire fixée jusqu'à 2014 est respectée !

Le texte comporte des mesures coûteuses car la semi-liberté, la surveillance électronique ou le placement extérieur coûtent beaucoup moins cher que la détention. Les partenariats public-privé obligeront l'État à payer durant de longues années des loyers qui obèreront le budget de la justice, donc hypothèqueront les choix possibles dans l'avenir. Or la consultation électorale approche. Dans l'administration pénitentiaire, on s'inquiète d'une privatisation déguisée.

Les mesures contre la récidive sont bien fragiles, rien n'est fait pour accroitre les moyens, alors que chaque conseiller d'insertion et de probation traite un nombre croissant de dossiers.

Le Gouvernement modifie pour la septième fois depuis 2007 l'ordonnance de 1945 sur les mineurs, sans doute simplement pour masquer la réduction des moyens : 120 postes d'éducateurs supplémentaires en milieu ouvert, c'est très insuffisant au regard du nombre de jeunes suivis, qui augmente fortement. Les centres éducatifs fermés se multiplient, les centres ouverts sont progressivement supprimés, comme si tous les jeunes pouvaient être traités comme les délinquants les plus durs.

En donnant priorité à l'incarcération, le texte du Gouvernement n'est pas compatible avec la loi pénitentiaire de 2009 ; la mise en place de structures spécifiques pour les courtes peines n'est pas compatible avec le principe de l'aménagement de ces peines ; le programme de construction immobilière en partenariat public-privé pèsera sur le budget de l'État ; la lutte contre la récidive demeurera sans effet en l'absence d'une politique de réinsertion.

La commission a conservé les dispositions relatives aux saisies et confiscations ; elle a remanié l'annexe car notre choix est d'appliquer la loi pénitentiaire de novembre 2009. Nous conservons les moyens prévus -même s'ils sont insuffisants. Nous regrettons l'absence de concertation sur la rétention d'information, mais la commission est consciente de sa responsabilité et a donné un avis favorable à un amendement du groupe socialiste qui apporte une réponse adéquate.

Nous allons à rebours de votre politique, en visant la réduction du nombre de détenus : abrogation des peines plancher, aménagement systématique des peines d'incarcération inférieures à trois mois, reprise de la proposition de loi Lecerf sur l'atténuation de la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux. L'Assemblée nationale aura ainsi à en débattre.

Nous n'avons pu intégrer à notre texte les mesures d'application de la loi pénitentiaire mais la commission des lois lancera bientôt une mission de contrôle : nous y reviendrons donc.

La commission vous propose d'adopter le texte ainsi récrit, sous réserve de l'adoption des amendements auxquels elle a donné un avis favorable.

La séance est suspendue à 20 h 5.

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présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président

La séance reprend à 22 h 5.

M. Jacques Mézard.  - Monsieur le ministre, vous êtes le ministre de la justice et des libertés. Ne devenez pas celui de l'incarcération !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Pas de danger !

M. Jacques Mézard.  - C'est pourtant l'objectif prioritaire de ce texte, en contradiction avec une loi, la loi pénitentiaire de 2009, qui a marqué la mandature.

Une fois de plus, le Gouvernement abuse de la procédure accélérée et interdit le débat de fond. La politique pénale mérite pourtant réflexion et sérénité et ne saurait obéir à des exigences médiatiques ou électorales ; mais nous connaissons les initiateurs de ce texte... Le tout-répressif est irréaliste, inefficace, contraire à l'intérêt général. Mieux vaut donner aux magistrats les moyens de prononcer des sanctions alternatives à la détention, sans oublier la question incontournable des moyens humains.

La non-exécution des peines est un réel problème. Votre programme nécessiterait au total 6 000 postes supplémentaires : vous n'en prévoyez que 88 pour les Spip, c'est dérisoire ! Les psychiatres manquent cruellement.

En fait -ce propos s'adresse aussi à vos prédécesseurs-, ce projet de loi signe l'échec d'une politique. Notre justice sort en piètre état de ces cinq dernières années ; il suffit, pour s'en convaincre, de relire les discours de rentrée des magistrats...

La loi pénitentiaire -à mettre au crédit du Gouvernement et du président de la République comme de parlementaires tel Jean-René Lecerf- et les rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté devaient être au coeur de toute réforme. Or c'est ici tout le contraire.

Votre objectif est de porter le nombre de places de prison à 80 000 : aveu d'échec de la politique de prévention de la délinquance, aveu que le Gouvernement constate pour aujourd'hui et prévoit pour demain une augmentation de la délinquance, aveu de l'abandon de la politique d'aménagement des peines -ou tout cela à la fois. Selon l'annexe du projet de loi, on prévoit 96 000 personnes écrouées à l'horizon 2016. Au coeur de votre texte, un nouveau programme immobilier -alors que le programme « 13 000 places » n'est pas achevé. Pur affichage médiatique !

Vous allez à l'encontre de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Le nombre de détenus pour 100 000 habitants serait inférieur à la moyenne européenne : le progrès serait-il de s'aligner ? Mais vous oubliez de vous référer à l'Allemagne, pourtant le modèle quotidien du Gouvernement, où le nombre de détenus a baissé.

Toutes les études, tous les rapports démontrent qu'il faut éviter de construire de très grands établissements : la réinsertion est plus efficace dans des prisons de taille raisonnable. Les directeurs le disent. Il faut privilégier l'encellulement individuel, la rénovation des équipements -la prison de la Santé a ainsi été montrée du doigt et l'État condamné le 12 janvier !

Vous entretenez de façon regrettable la confusion entre non-exécution des peines et aménagement. La première est intolérable, nous ne pouvons accepter que l'on revienne sur le second, qui reste une peine. Certains préfèrent d'ailleurs la prison à certaines sanctions alternatives...

L'évolution de la société, du droit, des technologies plaide pour le développement des alternatives à l'incarcération. Les crédits peuvent être mieux utilisés que pour construire des places de prison. En matière délictuelle et sauf récidive légale, la prison ferme ne doit être que la sanction de dernier recours -et doit faire l'objet de mesure d'aménagement. Quel sens a une incarcération de quelques semaines ?

Le partenariat public-privé ? C'est une solution onéreuse, qui privilégie le court terme...

Très majoritairement, les membres de mon groupe voteront le texte de la commission. (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet.  - Dix ans après la loi Perben, nous discutons à nouveau de notre politique pénale. Vous nous proposez une réforme de fond, sur le long terme. Elle a trois objectifs, qu'approuve le groupe UMP : garantir l'effectivité de l'exécution des peines, prévenir la récidive et prendre en charge rapidement les mineurs délinquants.

L'effort consenti est important : 3,5 milliards d'euros, création de 7 000 postes. Les bureaux d'exécution des peines, qui ont fait leurs preuves, seront généralisés ; de nouveaux bureaux d'aide aux victimes seront ouverts.

De récents faits divers ont montré les dysfonctionnements et les lacunes de notre système. Nous devons agir, mais aussi innover. Professionnels du droit, nous savons l'effet de la non-exécution sur les victimes et sur les délinquants. Pour être efficace et dissuasive, la sanction doit être certaine et rapide. Une justice efficace doit aussi être comprise. Or les Français ne comprennent pas que les sanctions ne soient pas exécutées dans un délai raisonnable -malgré le travail considérable des magistrats.

Les citoyens ont droit à la sûreté. L'État doit être garant des valeurs républicaines, à l'intérieur des centres de détention comme à l'extérieur. Si les conditions de prise en charge des détenus s'améliorent, la récidive diminuera. La Cour européenne des droits de l'homme l'exige d'ailleurs. Comment appliquer le droit si la prison est une zone de non-droit ? De nombreuses réformes ont déjà eu lieu. Il faut encore favoriser la resocialisation de ceux qui ont capacité et volonté de revenir à la vie civile -en maintenant par exemple les liens familiaux. Il faut aussi améliorer le suivi psychiatrique, la réinsertion par le travail, les mesures d'aménagement qui facilitent une réinsertion progressive à l'instar de la surveillance électronique en fin de peine.

Ce projet de loi porte à 80 000 le nombre de places de prison à l'horizon 2017. Cette extension du parc est très attendue ; notre capacité carcérale est parmi les plus faibles d'Europe. Il faut aussi diversifier le parc. La question des troubles psychiatriques ne peut être ignorée, encore moins minorée. D'où l'évaluation de la dangerosité en amont et à toutes les étapes de la détention. C'est un élément de pertinence qu'il convient de souligner, notamment en ce qui concerne les délinquants sexuels. Les pouvoirs publics ont, en la matière, une responsabilité essentielle envers la société. Le métier d'expert psychiatrique doit être rendu plus attractif et l'information des acteurs de la chaîne pénale renforcée.

Enfin, la justice des mineurs. La délinquance ne peut être un destin tout tracé. L'ordonnance de 1945 reste la référence, mais elle ne peut rester figée quand la société et sa jeunesse évoluent. La sanction doit être plus rapide, surtout dans une société marquée par l'immédiateté. La diversification de la réponse pénale est un principe incontournable -elle passe par la construction de centres éducatifs fermés comme par le service citoyen. L'objectif est d'aider ces jeunes en grande difficulté, de leur faire comprendre que la délinquance n'est pas sans issue ni la solution et que la société est capable de leur offrir des opportunités s'ils veulent les saisir. Cela suppose des moyens substantiels.

Le groupe UMP soutiendra le texte du Gouvernement, qui complète le travail entamé depuis plusieurs années. Il s'agit de tenir compte de la réalité, telle qu'elle est et non telle qu'on la rêve... (Applaudissements à droite)

Mme Esther Benbassa.  - Je salue le travail de notre commission et de notre rapporteur, à qui nous devons ce texte progressiste et respectueux des personnes détenues. Les écologistes regrettent la multiplication des lois punitives, signe d'une société vieillissante qui refuse de miser sur sa jeunesse. Une société croyant en son avenir ne doit pas se corseter dans des textes comme le projet de loi initial. Plutôt que de donner l'illusion aux Français que le Gouvernement veille à leur sécurité, il est plus judicieux d'améliorer la condition des détenus et de favoriser la réinsertion. Légiférer pour l'affichage est voué à l'échec.

La réforme du droit pénal des mineurs exige une concertation avec la magistrature et les professionnels de la jeunesse. Il faut d'abord mettre l'accent sur l'éducation, sur une réinsertion polymorphe et innovante, sur des mesures respectueuses des droits des détenus. Dans la loi pénitentiaire, les écologistes avaient fait adopter onze amendements améliorant les droits des détenus et mettant en avant la dignité de la personne. Mais tous les décrets n'ont pas été pris...

Le texte, revu par la commission, va au-delà, en abrogeant notamment les dispositions relatives aux peines plancher, ce dont nous nous félicitons. Idem pour la systématisation de l'aménagement des peines de moins de trois mois. L'emprisonnement doit être prononcé en dernier recours ; et quand il l'est, il importe de privilégier les solutions alternatives comme la surveillance électronique ou le placement à l'extérieur. Le groupe écologiste votera ce texte dans la rédaction de la commission. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne.  - Je vous prie d'excuser M. Zocchetto.

Je cite le rapport : « la commission des lois a souhaité retenir des orientations inverses de celles du Gouvernement ». Autrement dit, le texte a été vidé de sa substance. Je regrette cette démarche politicienne sur un tel sujet.

Le texte complet et ambitieux issu de l'Assemblée nationale vise à mettre fin à des dysfonctionnements réels et se fonde sur un diagnostic pertinent. Le stock des peines non exécutées est dû avant tout à l'insuffisance de nos capacités carcérales. Il faut donc créer des places de prison supplémentaires. Je salue l'action du garde des sceaux sur ce point, caractéristique de son volontarisme.

M. Jean-Pierre Michel.  - Sa volonté, c'est surtout de sanctionner les magistrats !

M. Yves Détraigne.  - Garantir une réponse pénale effective, c'est prévenir la récidive. D'où l'évaluation de la dangerosité, indispensable pour une justice crédible et efficace. Loin d'être contraire à la loi pénitentiaire, ce texte s'inscrit dans sa lignée : la loi pénitentiaire impose l'encellulement individuel. L'objectif de 80 000 places nous situera dans la moyenne européenne. Les activités des détenus seront développées, ainsi que les aménagements de peines ; les Spip seront renforcés.

De nombreuses dispositions ont été supprimées par la commission, à mon sens à tort. Ainsi de l'article 4 bis, qui concerne le partage de l'information des médecins et psychologues sur les faits qui ont conduit à la détention. Ou de l'article 7, relatif au contrat d'engagement des médecins psychiatres ; la justice manque cruellement d'experts et de médecins coordonnateurs -on estime par exemple à 117 le nombre de coordonnateurs manquants pour suivre les mesures d'injonction de soins. L'article visait à attirer les étudiants en médecine vers ces fonctions. La commission n'a proposé aucune autre solution... Je soutiendrai les amendements du Gouvernement qui reviennent à l'équilibre initial.

Le groupe UCR votera contre le texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs UCR)

M. Jean-Pierre Michel.  - Votre projet de loi est inadmissible, monsieur le garde des sceaux. Une fois encore, il est explicitement motivé par un fait divers. La recette est éprouvée, mais indigne d'un gouvernement de la République. Il est inadmissible parce qu'il a été élaboré sans aucune concertation. Il est inadmissible parce que le Gouvernement demande encore une fois au Parlement de légiférer dans l'urgence. Il est inadmissible parce qu'on ne peut engager une politique d'exécution des peines allant jusqu'en 2017 à quelques semaines des élections.

Votre projet est inadmissible (exclamations à droite) car il repose sur le postulat que le nombre de personnes écrouées augmentera mécaniquement. Car le Gouvernement souhaite que le nombre de détenus augmente ! Votre projet est inadmissible car c'est un choix de société dangereux pour la paix sociale. Au lieu de fixer un numerus clausus pénitentiaire, vous faites fi de l'exigence de réinsertion : fuite en avant au risque d'aggraver ce que vous prétendez vouloir combattre.

Votre projet est inadmissible car il prévoit des établissements de 800 places et même au-delà -quand le seuil critique est de 500 places. Voulez-vous donc voir se multiplier les suicides et les agressions ? Vous ne raisonnez qu'en flux et stocks, au mépris de l'humain. Quant au partenariat public-privé, que recouvrent exactement « l'exploitation et la maintenance » confiées au privé ?

Votre projet est inadmissible car il repose sur une interprétation erronée de la notion de dangerosité ; on ne doit pas entretenir l'illusion d'une science exacte en la matière. Face à la pénurie d'experts, vous remplacez les psychiatres par des psychologues, vous voulez confier les expertises à des internes, qui disent eux-mêmes ne pas en être capables.

Cerise sur le gâteau empoisonné : la politique pénale des mineurs. Les centres éducatifs fermés, certes utiles dans certains cas, ne sauraient constituer l'unique réponse brandie par le Gouvernement !

Pourquoi ne pas appliquer la loi pénitentiaire et nous indiquer par exemple le taux de récidive par établissement ?

Heureusement, grâce à la commission des lois, votre projet de loi nocif n'existe plus. Le groupe socialiste votera l'excellent texte issu de ses travaux. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Encore une loi pénale -la dix-huitième depuis 2007. Dix-huit lois de recul et de régression qui vous ont donné l'impression d'avoir agi -mais ce n'est qu'une illusion.

« Une société se juge à l'état de ses prisons » disait Camus : nous avons beaucoup de soucis à nous faire.

Les régimes différenciés -qualifiés de ségrégation par le contrôleur général Delarue- font le tri entre les détenus favorisés et ceux que l'on abandonne à leur sort. Hier, l'État a dû indemniser quatre détenus logés dans une cellule de 12 m² avec le WC dans un coin !

M. Philippe Bas.  - Il faut donc de nouvelles places !

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur Bas, vous prendrez la parole quand ce sera votre tour ! Les besoins de la population incarcérée sont pourtant plus importants que ceux des autres ! Plus de 20 % des détenus seraient atteints de troubles psychotiques -or la prison n'est pas un lieu de soins !

L'image du fou criminel sert à justifier votre approche sécuritaire. En prison, la censure s'exerce : l'administration peut interdire tout écrit d'un détenu destiné à la publication. Les conditions de travail sont dignes du XIXe siècle et la rémunération hors des règles minimales, 318 euros par mois pour un équivalent temps plein ! La loi pénitentiaire n'a pas offert aux détenus les droits que leur reconnaît pourtant l'Organisation internationale du travail, les maintenant dans une situation de grande pauvreté économique et sociale -lors de leur incarcération comme de leur libération- qui nuit à la réinsertion.

La justice des mineurs n'a pas échappé à cette régression. L'ordonnance de 1945, incessamment modifiée, a été vidée de ses principes : primauté de l'éducatif et spécialisation. Le présent projet de loi multipliait les centres éducatifs fermés, présentés comme une réponse à tout alors qu'ils font l'objet de critiques du contrôleur général. Ces centres sont certes une alternative utile à l'incarcération mais leur caractère « fermé » prime sur l'éducatif, faute de moyens... (M. Michel Mercier, garde des sceaux, s'exclame) Les structures alternatives aux centres éducatifs fermés sont sacrifiées, malgré leur intérêt. Cet abandon de la justice des mineurs marque un grave recul.

80 000 places ? 95 % des peines non exécutées sont de courtes peines, en attente d'aménagement !

L'accroissement du parc carcéral tend à entraîner, on le sait, une augmentation de l'incarcération. Or on sait que l'aménagement des peines fait beaucoup plus pour la réinsertion.

Le Gouvernement nage à contre-courant et témoigne de sa méconnaissance des réalités. La prison doit favoriser la réinsertion. Les contacts avec l'extérieur sont indispensables. Se tenir informé des affaires publiques, voter aux élections : voilà qui participe à la resocialisation. Les peines alternatives à la prison doivent être privilégiées.

En prison, il faut offrir aux détenus des conditions de développement physique, intellectuel et émotionnel. Il faudrait huit heures d'activités par jour et une rémunération du travail décente. Il faut aussi renforcer la vie sociale des détenus en prison : la direction de l'Administration pénitentiaire ne dit pas autre chose. Il faut créer des espaces de parole.

Je salue le travail de notre rapporteure mais le temps qui nous est imparti ne nous permet pas de revenir sur un quinquennat de législations hâtives. Nous en appelons à une politique qui concilie humanité, droits des détenus et sécurité des citoyens. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf.  - J'ai souhaité m'exprimer en tant que rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire...

Mme Catherine Tasca.  - Excellent rapporteur !

M. Jean-René Lecerf.  - ...et de la loi pénitentiaire. Prisons : une humiliation pour la République : le rapport sénatorial décrivait une réalité sordide, dénoncée une nouvelle fois par le président de la République à Versailles, comme elle l'avait été par Mme Vasseur, médecin-chef à la Santé.

Voilà pourquoi diverses réformes ont été votées depuis 2002. Surtout, lors des débats sur la loi pénitentiaire en 2009, le Parlement, dans un large consensus, a amélioré le texte en demi-teinte qui nous était proposé : ce fut une grande avancée. Mais nous attendons toujours la publication de certains décrets, pour mesurer le taux de récidive par établissement ou encore des règlements intérieurs des prisons.

Le projet de loi est-il compatible avec la loi pénitentiaire ? Celle-ci fixait deux principes simples : en matière correctionnelle, une peine de prison sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours et, lorsqu'elle l'est, elle doit être aménagée. Les statistiques confirment que les aménagements de peines diminuent le risque de récidive. Ils réduisent aussi la surpopulation pénale.

Nous proposer de porter les capacités carcérales à 80 000 inversera ces priorités. Tous les moyens iront à la construction de nouvelles prisons, au détriment du recrutement de conseillers d'insertion et de probation. Le bracelet n'est qu'un outil ; sans l'accompagnement de personnes qualifiées, on risque fort l'échec.

Rappelons d'ailleurs qu'une peine aménagée est une peine exécutée : l'aménagement n'est pas un cadeau, bien au contraire !

Quant aux mineurs, le placement en centre éducatif fermé ou en établissement pénitentiaire pour mineurs coûte cher.

Puisse la formule de Victor Hugo ne pas s'inverser : le jour viendra-t-il où pour construire une prison, il faudra fermer une école ?

J'approuve en revanche la création de trois centres régionaux d'évaluation et je pense que certains drames récents auraient pu être évités si, au lieu de l'expertise ponctuelle d'un seul psychiatre, on avait pu compter sur le travail d'une équipe pluridisciplinaire pendant plusieurs semaines afin de réduire le risque de manipulation. Je me félicite de l'idée de lancer une deuxième expérience à la manière de Château-Thierry, comme l'avait recommandé le rapport sénatorial.

Ce sujet mérite que, loin des querelles politiciennes, l'on recherche le consensus. Nous nous en étions approchés en 2009. (Applaudissements)

Mme Aline Archimbaud.  - Je salue le travail fourni par la commission malgré des délais intenables. Une fois de plus, le Gouvernement nous propose un texte fourre-tout, qui fait suite à un fait divers, certes tragique. Au lieu de privilégier l'aménagement des peines, il veut augmenter le nombre de places de prison et la taille des établissements -qui passeraient en moyenne de 532 places à 650-, au risque de favoriser la récidive. La spécialisation d'établissements selon une nouvelle typologie éloignera les détenus de leur famille. On prévoit de nouveaux centres de détention pour les courtes peines, alors que l'on sait que l'aménagement est préférable.

Le texte initial privilégiait la répression et la détention, par des mesures coûteuses et inefficaces. Cet argent aurait pu servir à l'amélioration des conditions de détention -pour respecter enfin les normes internationales- et à la prévention de la récidive.

Je suis soulagée que la proposition de M. Lecerf sur l'atténuation de la responsabilité de personnes dont le discernement était troublé au moment des faits ait été intégrée au texte : en tant que membre de la commission des affaires sociales, je suis très sensible à ce sujet.

S'agissant des mineurs, les places manquent cruellement dans les établissements éducatifs.

Les conseillers d'insertion et de probation manquent aussi, les médecins coordonateurs et les experts psychiatres sont en nombre trop réduit, alors que leur charge de travail explose. Les professionnels risquent le burn out en raison d'injonctions contradictoires et de moyens insuffisants.

Je vous invite à voter le texte de la commission et à poursuivre le travail car la situation est inquiétante. (Applaudissements à gauche)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Un fait divers, une intervention publique, une loi : on connaît la méthode du président de la République.

M. Christian Bourquin.  - C'est exactement cela !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - L'essentiel du budget de la justice sera englouti dans la construction de nouvelles places de prison. Certes, il faut améliorer les conditions de détention dans certains établissements et diminuer le taux d'occupation, par exemple à Mayotte.

Mais construire toujours plus d'immenses prisons, c'est faire preuve d'inconscience. Les partenariats public-privé, que le président Sueur qualifie à juste titre de « crédit revolving des pouvoirs publics », coûtent cher.

Vous entretenez aussi le mythe selon lequel l'exemplarité de la peine dissuaderait les délinquants. Pourtant, les détenus qui ont purgé toute leur peine sont ceux qui ont le plus de chances de récidiver.

La prison doit être réservée aux infractions les plus graves. Pour les condamnations légères, les aménagements de peines doivent être privilégiés. Pourquoi donc créer des établissements dédiés ?

Ce texte est un aveu d'échec -celui de la politique menée depuis dix ans qui, loin d'enrayer la délinquance, a généré une surpopulation carcérale. Vous partez perdants, en affichant votre renoncement. Ce texte a au moins un mérite : il admet le manque de moyens au lieu de stigmatiser les magistrats, si souvent accusés de laxisme. Mais cela ne suffit pas. Nous suivrons la commission. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Bas.  - Ce projet de loi apporte une nouvelle pierre à l'édifice construit depuis la loi d'orientation de 2002, qui a créé les centres éducatifs fermés -qui font l'unanimité partout, sauf au Sénat-, le juge de proximité et lancé un programme de construction de places de prisons. La loi pénitentiaire de 2009, quant à elle, a profondément humanisé les conditions de détention et développé les peines alternatives.

La France préfère-t-elle la prison à d'autres types de sanction ? Non, les chiffres le montrent. Avons-nous trop ou pas assez de places de prison ? Toujours est-il que notre capacité carcérale est très inférieure à la moyenne des pays du Conseil de l'Europe.

Les conditions de détention sont-elles toujours respectueuses de la dignité des détenus ? Hélas, non : la surpopulation carcérale sévit.

Voilà pour le constat. C'est sur les remèdes que nous divergeons, radicalement. Oui, il faut développer l'aménagement des peines, mais aussi construire de nouvelles places de prison. Il ne s'agit pas de verser dans le tout-carcéral. Les experts admettent l'efficacité des centres éducatifs fermés, et, dois-je vous le rappeler ?, M. Hollande a même promis d'en doubler le nombre pour le porter à 80.

Faut-il verser pour autant dans le « tout-aménagement » ? Non. Vouloir à tout prix relâcher les condamnés au petit bonheur la chance pour réduire la population serait dangereux...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteure.  - Qui a proposé cela ?

M. Philippe Bas.  - ...et contraire à notre politique d'individualisation et d'accompagnement personnalisé. Voilà pourquoi votre mécanisme de limitation est insupportable.

Il faut à la fois développer les alternatives à la prison et augmenter le nombre de places en prison : c'est ce que fait le Gouvernement, que nous soutenons. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Virginie Klès.  - M. Michel a dit pourquoi ce projet de loi est inadmissible : pour toutes sortes de raisons, de forme comme de fond. Le Gouvernement récidive : il faut peut-être envisager pour lui une peine plancher ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je vous pardonne tout, même la suite ! La pénitence viendra... (Sourires)

Mme Virginie Klès.  - Vous mettez les procédures dans l'insécurité juridique alors que vous vous présentez en défenseur des victimes, monsieur le ministre, et que vous diminuez les subventions des associations !

Je me concentrerai sur les mineurs. Je suis tenace, vous le savez. Vous ne créez pas de centre éducatif fermé, monsieur le ministre, vous transformez en centre éducatif fermé des centres ouverts ! Or il faut une transition après un séjour en centre éducatif fermé. Et désormais, il y a 200 places de moins en centre ouvert ! Et je ne rappellerai pas la proposition de loi Ciotti, qui transforme les établissements publics d'insertion de la défense en centres d'accueil pour jeunes délinquants...

Nous sommes contre les vases communicants ! Les centres éducatifs fermés doivent faire partie d'un projet global de réinsertion, un projet éducatif au premier chef.

On parle beaucoup de cohérence, de coordination des parcours, de partage d'informations. Mais entre qui, et dans quel cadre ? Vous établissez une cloison étanche entre l'enfance délinquante, confiée à la protection judiciaire de la jeunesse, et l'enfance en danger, confiée aux conseils généraux. Mais un gamin maltraité qui retourne contre un autre la violence qu'il a subie, est-ce un enfant en danger ou un délinquant ? C'est avant tout un enfant, qu'il faut prendre en charge durablement.

Des pédopsychiatres, il en faut davantage, et pas seulement dans les centres éducatifs fermés !

Comme dit notre candidat, l'éducation doit être la priorité. Nous soutenons un projet global, où le verbe éduquer se conjugue à tous les modes, temps et personnes. Votre projet, je n'y adhère pas ; le texte de notre rapporteure, oui, j'y adhère. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Tasca.  - Ce qui frappe dans la suite de textes votés au cours de cette mandature, c'est la détérioration de la qualité de la loi : absence de concertation, d'analyse des suites de textes votés précédemment, etc.

Vous y ajoutez une faute démocratique, en présentant ce projet de loi à la veille de l'élection présidentielle, pour occulter votre bilan. C'est une mauvaise manière faite au Parlement, et aux citoyens ! Leur vote sera sans effet sur la définition de la politique pénale et pénitentiaire. Le président de la République cherche à focaliser l'attention sur l'horizon 2017 pour ne pas parler de 2012 et de son bilan.

A la suite d'une série de textes d'opportunité et d'affichage, ce projet de loi tire dans l'urgence les conséquences des ratés de cette politique : j'en veux pour preuve le cas des conseillers d'insertion et de probation. Le manque de personnel est criant.

Je partage les réserves de Mme la rapporteure sur les conclusions de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des services judiciaires. (M. Michel Mercier, garde des sceaux, s'étonne)

Dans son avis budgétaire, M. Lecerf relevait qu'à Dunkerque, sur dix-sept emplois théoriques, dix sont effectivement pourvus. Dans les Yvelines, à Bois-d'Arcy, un conseiller d'insertion et de probation gère 144 dossiers ! Et les renforts, temporaires, sont obtenus pour moitié par redéploiement...

Le Gouvernement tente de gérer la pénurie, en retirant aux services pénitentiaires d'insertion et de probation un pan entier de leurs missions en confiant l'enquête pré-sentencielle aux associations.

La nature des missions, la qualité des enquêtes ne sont pas équivalentes : les conseillers bénéficient d'une formation très riche de 24 mois, que le Gouvernement dévalorise. Quant aux associations, leur situation financière est préoccupante. Les retards de paiement des frais de justice les dissuaderont bientôt de participer au service public de la justice.

La priorité est au tout-carcéral plutôt qu'à l'aménagement des peines. L'incarcération doit pourtant être l'occasion de donner les moyens au détenu de faire ses preuves et de se réinsérer.

Je souhaite que l'examen en séance confirme les choix de la commission. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je ne peux accepter d'entendre dire que ce texte privilégie le tout-carcéral. Ce gouvernement, monsieur Lecerf, a fait diminuer le nombre de mineurs en prison ! Certes, le placement en centre éducatif fermé coûte plus cher que l'emprisonnement mais nous avons fait le choix de l'éducatif. De même, le Gouvernement a fait baisser le nombre des gardes à vue.

Nous voulons jeter tout le monde en prison ? Il ya actuellement 10 000 prisonniers en surnombre : en créant 23 000 places, on règlera leur problème et l'on pourra, pour les autres, aménager les peines.

L'aménagement réduit les risques de récidive, dites-vous. Heureusement ! Les condamnés concernés ont été choisis par le juge en fonction de leur personnalité.

Ce texte s'inscrit dans la logique de la loi pénitentiaire. Nous avons créé 1 000 postes de conseillers d'insertion et de probation, entre 2007 et 2011, madame Tasca. On peut dire que ce n'est pas assez mais pas que nous n'avons rien fait !

J'ai voté la loi pénitentiaire en tant que sénateur et je n'ai pas l'intention d'aller contre. Ce projet de loi ne fait que mettre en application la loi pénitentiaire. Les magistrats ne font qu'appliquer les lois votées par le Parlement. Je ne veux point emprisonner tout le monde et je rappelle aux sénateurs écologistes qu'ils soutiennent une candidate qui n'a jamais hésité à jeter les gens en prison, même présumés innocents !

Parce qu'on a besoin de continuité dans l'action, je vous invite à voter le projet du Gouvernement qui s'inscrit dans le prolongement de la loi pénitentiaire.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 1er février 2012, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 1er février 2012

Séance publique

A 14 heures 30 et le soir

1. Désignation des vingt et un membres de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales

2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'exécution des peines (n°264, 2011-2012)

Rapport de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, fait au nom de la commission des lois (n°302, 2011-2012).

Texte de la commission (n°303, 2011-2012).