Application des lois

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport annuel du contrôle de l'application des lois.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.  - Pour la première fois, nous allons avoir un débat à l'instigation de la nouvelle commission pour le contrôle de l'application des lois. La loi cimente notre société, son application doit être sans faille. Depuis son élaboration jusqu'aux quartiers de nos villes et de nos campagnes où elle s'applique, la loi doit être sûre, vérifiable, exigeante, effective. Faute de quoi, le lien qui unit nos concitoyens est affecté. Nous devons donc veiller à l'application des textes que nous votons. Ainsi, nous restaurerons la confiance des Français devant leur politique et leur volonté de vivre ensemble.

Dans son Traité du gouvernement civil, John Locke écrivait que, s'il n'est pas toujours nécessaire de faire des lois, il est toujours nécessaire de respecter celles qui ont été faites.

Des questions simples doivent nous guider : la loi est-elle appliquée ? Sinon, pourquoi ? Les moyens sont-ils suffisants ? Peut-on améliorer les dispositifs ? Pour 2010-2011, sur 33 lois, huit ont reçu l'intégralité des textes d'application, tandis que quatre attendent la totalité de leurs décrets. Sur l'actuelle législature, 59 % des lois promulguées sont totalement appliquées et 3 % pas du tout.

Il avait été convenu l'année dernière, monsieur le ministre, que la période considérée s'arrêterait au 31 décembre. Mais votre communication en conseil des ministres porte sur le 31 janvier. Je comprends votre volonté de rattraper les retards mais une bonne lisibilité impose que l'on se cale sur les dates de référence. Ces tableaux de bord devraient être transmis au Sénat spontanément et en temps réel. Pouvez-vous vous y engager ? Le processus de suivi que vous maîtrisez, monsieur le ministre, doit nous être transmis. Il y va de l'effectivité de notre contrôle. Il serait bon que l'objectif des six mois de promulgation que vous avez posé pour évaluer la rapidité d'application des lois corresponde aux dates parlementaires, du 30 septembre au 30 mars, plutôt que de s'arrêter en juin.

Cela étant, votre rapport constate une amélioration significative dans l'application des lois. Votre action a pesé de façon positive. Le Parlement participe également de ce bon résultat. Pourtant, je ne vois pas de motif à verser dans le triomphalisme car nous sommes encore loin du compte. L'objectif est de 100 %. Or, nous en sommes à 64 %.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Le président de la République s'était fixé beaucoup d'objectifs inatteignables !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - Il faudrait que tous les décrets soient publiés dans les six mois suivant la promulgation. Or le taux est de 42 %. Le rattrapage sur les lois anciennes stagne. Les rapports demandés par les lois sont souvent en retard, voire oubliés. Ne nous interrogeons pas sur le bien-fondé des rapports.

Mme Isabelle Debré.  - Vous en demandez tout le temps !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - S'ils sont votés, ils sont une obligation légale.

Enfin, des élus de tout bord témoignent souvent que des décrets d'applications posent des difficultés, voire sont contraires à l'objet de la loi. Il est même arrivé, cas extrême, que le Parlement doive légiférer à nouveau pour adapter la loi à des circulaires impossibles à reprendre...

Contrairement à une idée reçue, le problème ne tient pas tant à une inflation législative qu'à la multiplication des dispositions législatives au sein de chaque texte : nous sommes passés de 22 articles en moyenne par texte en 1990 à 41 en 2009. Cette évolution est dangereuse ? Je ne partage pas entièrement ce point de vue : le Parlement n'a pas à acter des projets de loi tout « cuits » ; à lui de participer à leur élaboration.

Notre commission sénatoriale ne saurait être une agence comptable ni une police des décrets. Son ambition est autre. Dans les trois domaines de l'article 24 de la Constitution, elle a un programme précis. Elle entreprendra cette année un travail qualitatif sur quelques grandes lois dont je vous ferai le rapport l'an prochain. (Applaudissements à gauche)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Merci au président Assouline et à la nouvelle commission sénatoriale de me donner l'occasion de faire le bilan de l'application des lois promulguées depuis 2007. Dès 1971, le Sénat prenait l'initiative de publier un rapport de suivi de l'application de la loi...

M. Jean-Jacques Hyest.  - En effet !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je salue la création de votre nouvelle commission. Issu du Parlement, j'ai trop souvent déploré le retard pris dans les décrets d'application. Dès 2005, j?ai mis en place à l'Assemblée nationale un mécanisme de contrôle, assorti d'un rapport, dans le texte relatif aux territoires ruraux. Ce dispositif a été pérennisé en 2009, avec l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale. L'an dernier, lors d'un débat à l'initiative du groupe RDSE, j'avais souhaité que nous harmonisions les critères de suivi de l'application des lois ; nous y sommes parvenus, ce dont je me félicite.

J'ai créé le 10 mars 2011 un comité de suivi de l'application des lois, qui se réunit désormais tous les mois avec l'appui du secrétariat général du Gouvernement et stimule la publication des décrets. Les fonctionnaires en charge de cette mission dans les ministères se sentent soutenus et reconnus. Il m'arrive d'ailleurs de distribuer aux ministres des fiches en conseil des ministres sur l'application des lois qui les concernent.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Vous devriez donner des cartons jaunes ou rouges...

M. Patrick Ollier, ministre.  - Mon budget ne permet pas la quadrichromie...

J'ai engagé un dialogue avec le Conseil d'État et je suis convenu avec M. Sauvé d'une liste de textes prioritaires. Oui, monsieur Assouline, le Gouvernement a une action volontariste : il fait tous les efforts pour respecter le délai de six mois après la publication de la loi pour la parution des décrets, conformément à la circulaire du Premier ministre de 2008 ; ce délai est qualifié de raisonnable par la jurisprudence administrative.

Nous sommes d'accord sur les chiffres au 31 décembre 2011 : à cette date, le taux d'application est de 84 %, contre 65 % au lancement du comité de suivi -qui a depuis poursuivi ses travaux : au 31 janvier, le taux atteint 87,2 %.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - Attention de ne pas dépasser les 100 %, ce ne serait plus crédible.

M. Patrick Ollier, ministre.  - C'est mieux que les 60 % sous le gouvernement Jospin...

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - Comme par hasard...

M. Patrick Ollier, ministre.  - ... ou les 70 % de la douzième législature... Nous serons à plus de 90 % au 15 mars ; ce résultat est inédit.

Le Gouvernement devrait-il proposer au Parlement des lois plus légères ? La loi Grenelle II comportait 104 articles ; 257 à la sortie du Parlement ! Cela complique le travail de rédaction des décrets. Idem pour la loi de modernisation agricole : 24 articles au départ, 96 à la sortie ! La responsabilité est partagée entre le Gouvernement et le Parlement...

Au 31 janvier 2012, il reste 310 mesures sur 2 425 à prendre pour appliquer les lois publiées depuis six mois. Je tiens, monsieur Assouline, à votre disposition la liste des 40 décrets à paraître prochainement. Jamais un gouvernement n'avait obtenu d'aussi bons résultats !

La responsabilité du Gouvernement est de dresser un bilan quantitatif ; celle du Parlement, d'évaluer l'application de la loi.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - Bien sûr !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Quelles sont les voies de progrès ? J'espère que le prochain gouvernement, quel qu'il soit, préservera le comité de suivi et fera mieux aussi bien que celui-ci, peut-être mieux... Donc, bon courage ! Je sais toute la difficulté, parfois, de passer à 100 % ; tout tient dans la formulation, qui est parfois difficile en interministériel. L'amélioration passe par un dialogue renforcé entre le Parlement et le Gouvernement, qui a modernisé ses méthodes avec les études d'impact et le rapport d'application six mois après la publication de la loi. Présenter des décrets, dès le débat sur les textes de loi, une solution dont j'avais discuté avec M. Hyest, est une fausse bonne idée : le Parlement remanie profondément les textes.

Quand il y a une volonté, il y a un chemin. Poursuivons nos efforts ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Le Sénat, depuis 40 ans, se soucie de l'application des lois. Mais la création d'une commission spécifique est inédite, comme l'est le débat d'aujourd'hui.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a une particularité : elle examine, pour l'essentiel, des accords internationaux ; 31 ont été adoptés en séance pour l'année parlementaire 2010-2011. En outre, elle a examiné quatre projets de loi intéressant les questions de défense. Pour la moitié d'entre eux, le résultat est excellent -lois relatives à la lutte contre la piraterie et au commerce de matériel de guerre ; pour l'autre, il est médiocre -les textes relatifs à la reconversion des militaires et à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ne sont pas appliqués. Pour celui-ci, un seul décret était nécessaire, qui n'a toujours pas été publié ; aucun calendrier ne nous a été communiqué pour celui-là.

La publication des décrets n'est, certes, pas une science exacte ; c'est surtout le manque d'information que nous regrettons, sur les procédures, les difficultés rencontrées, les retards. Je souhaite ces données soient transmises à notre nouvelle commission ; la ténacité du président Assouline fera le reste.

De là à rêver d'une commission des sages qui conseillerait sur la pertinence de légiférer sur certains sujets... Mais les parlementaires perdraient de leur pouvoir... Nos concitoyens ont parfois le sentiment que nous légiférons trop au fait divers... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La nouvelle commission est issue d'une longue tradition sénatoriale, qui fait honneur à notre assemblée. Je me réjouis de sa création et en salue le président.

Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez s'est fixé un objectif ambitieux : un taux d'application de 100 % d'ici fin 2012 pour les lois votées avant le 13 juillet 2011. Les délais sont parfois longs, très longs, trop longs. Je vous renvoie à la loi d'orientation sur le développement en outre-mer ou à la loi sur la régulation bancaire et financière. La situation s'améliore grandement grâce au volontarisme du Gouvernement, je m'en réjouis. Cela dit, permettez-moi de souligner quelques zones d'ombre.

Nous attendons toujours le décret sur le vol de métaux, visé à l'article 51 de la loi du 29 juillet 2011. C'est un sujet de première urgence. Le dispositif devait entrer en vigueur au 1er janvier, il sera retardé d'un an. Ce retard inquiète les professionnels, qui ignorent toujours quel sera le contenu de leur obligation déclarative ou même la définition des métaux concernés. Pour moi, l'or doit en faire partie ; mais il y aurait des avis divergents au sein des services. Permettez-moi de m'en étonner. Ce flou ne saurait perdurer.

Un dernier mot sur les rapports demandés par le Parlement, qui sont souvent une forme de compromis entre les impatiences des parlementaires et les réticences du Gouvernement. Je n'en suis pas friand. Mais je déplore par exemple l'absence du rapport sur le système Rubik, prévu par le collectif du 19 septembre dernier, relatif à l'opportunité de créer une taxe forfaitaire sur les revenus de placements financiers en Suisse des résidents français n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration. Ce rapport devait nous être remis avant le 31 décembre. J'ai eu la surprise d'en parcourir hier les grandes lignes dans un excellent quotidien. Est-ce normal ? Un tel rapport serait utile à Mme la rapporteure générale comme à moi-même.

Manque de même le rapport sur la fusion progressive de l'impôt sur le revenu et de la CSG ainsi que sur l'instauration du prélèvement à la source. Nous attendons enfin celui, de première importance en cette période de crise, sur l'Agence de financement des collectivités locales ; il nous est annoncé pour le 15 février.

Pour conclure, j'ai cherché un texte méritant un contrôle ciblé. En accord avec Mme la rapporteure générale, j'ai choisi la loi du 1er juillet 2010 sur la réforme du crédit à la consommation. Malgré son caractère technique, il emporte des conséquences très concrètes pour nos concitoyens. La commission des finances assure la nouvelle commission de son soutien dans l'accomplissement de son indispensable mission de veille et d'analyse. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Heureuse initiative que ce débat ! L'exercice est fondamental pour savoir si les lois adoptées s'appliquent vraiment -ce qui devrait aller de soi. Au cours de l'année 2010-2011, la commission des affaires sociales a été saisie au fond de sept textes sur les 48 examinés, dont des sujets lourds tels que la réforme des retraites ou la bioéthique ; il faudrait également citer les cinq projets de loi de notre ressort débattus durant la session extraordinaire, qui seront comptabilisés dans les statistiques de l'année suivante.

Les résultats sont meilleurs cette année. Cela dit, ils sont faussés : la date butoir, habituellement fixée au 30 septembre, a été repoussée de trois mois. J'attire votre attention sur la loi sur la bioéthique, qui reste inapplicable faute de décrets, je le déplore pour nos chercheurs.

Les textes sociaux nécessitent d'ordinaire un grand nombre de décrets ; je pose la question : est-il légitime de laisser une aussi grande latitude à l'exécutif ? Les textes d'application de la loi sur les retraites s'écartent parfois de l'intention du législateur. J'appelle de mes voeux, moi aussi, monsieur le ministre, une « coproduction » des décrets. Il reste des marges de progression...

S'agissant des lois plus anciennes, il manque toujours, depuis deux ans, trois décrets à la loi sur les assistants maternels, très attendus par les personnes concernées. Les lois de financement de la sécurité sociale de 2007, 2008 et 2009 ne sont pas totalement applicables. Si le Gouvernement a porté l'effort sur des textes emblématiques comme la loi HPST, il a délaissé la loi sur le droit des malades du 4 mars 2002 dont le taux d'application stagne à 47 % ; ou encore la loi de modernisation sociale de janvier 2002, dont 62 mesures sont en attente. Dans ces conditions, ne faut-il pas revoir la loi ?

Sans insister sur la nécessité de transmettre au Parlement les rapports demandés au Gouvernement -22 seulement des 101 demandés ont été remis depuis 2007- nécessité que d'autres ont soulignée, je dirai que notre commission a choisi la loi Handicap pour un contrôle plus approfondi. Adoptée depuis sept ans, elle ne remplit pas tous ses objectifs. Ma commission collaborera en bonne entente avec la nouvelle commission par la voix de ses rapporteures, Mmes Campion et Debré ! (Applaudissements)

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture.  - Peu de lois examinées au fond, la plupart d'origine parlementaire, et un meilleur taux d'application pour les textes récents, voilà le constat que fait la commission de la culture.

Ont été promulguées au cours de la session la loi relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur, la loi relative au prix du livre numérique et celle relative à l'organisation de l'Euro 2016. Des textes importants comme la loi relative à la régulation du système de distribution de la presse et ou celle visant à renforcer l'éthique du sport ne sont pas prises en compte dans les statistiques ; non plus que celles en instance à l'Assemblée nationale. Aucun texte n'a été envoyé par le Gouvernement à la commission de la culture au cours de la dernière session, les textes politiquement sensibles -universités, audiovisuel ou Hadopi- ayant été présentés au début du quinquennat.

Seize textes d'application sont parus depuis le 1er octobre 2010 dans les secteurs de compétence de la commission, qui ont rendu applicables toutes les lois promulguées depuis le début de la XIIIe législature. Si les lois de 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat et de 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire ont rapidement été suivies de textes d'application, il a fallu attendre le 11 avril 2011 pour voir publié le décret Hadopi encourageant une offre légale de téléchargement. À titre d'exemples, le décret relatif au comité de suivi de la loi du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques est paru ; de même celui relatif à la commission scientifique nationale des collections, qui a permis les premières restitutions par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande.

Mais les lois initiées par les précédents gouvernements ne sont plus prioritaires. Ainsi de la loi du 13 juillet 1995 de programmation du « nouveau contrat pour l'école » : le décret censé déterminer les conditions d'application des « contrats d'association à l'école » manque toujours.

Autre exemple. La loi du 6 mars 2000 sur les mauvais traitements aux enfants ; il est consternant que le décret d'application organisant les visites médicales et les séances d'information n'ait toujours pas été publié. De même pour la loi de programmation pour l'avenir de l'école défendue en 2005 par M. Fillon attend encore trois décrets sur quinze. La loi portant création d'établissements publics et culturels n'est toujours pas applicable par les directeurs de ces écoles. La loi de 2007 relative à la télévision du futur n'est pas intégralement applicable. Le Gouvernement a déposé un projet de loi pour modifier cette loi, afin de tenir compte de la réglementation européenne. Le Sénat est tenu à l'écart de ce débat. Quid alors des six nouvelles chaînes ?

Enfin, la loi sur l'audiovisuel de 2009 n'est pas complètement applicable. Je me félicite donc que la nouvelle commission de M. Assouline ait décidé de se saisir de ce sujet. Enfin, certaines lois se heurtent à des difficultés rencontrées sur le terrain : il en va ainsi de celle organisant le service minimum d'accueil dans les écoles. Certaines communes n'en ont pas les moyens, d'autres refusent de l'appliquer. D'où des propositions de loi l'abrogeant.

Que de rapports non remis ! Le Gouvernement fait peu de cas des demandes d'information du Parlement ! Enfin, pour le contrôle, il faut que le Gouvernement réunisse les comités de suivi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et EELVr)

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Notre commission a contribué à nourrir ce rapport et se réjouit de ce débat qui prolonge celui que nous avons eu en commission en janvier. Six nouvelles lois ont été promulguées en 2011 et de nombreux décrets ont été publiés. Nous nous en félicitons et nous vous remercions, monsieur le ministre, pour la création du Comité de suivi. Le rattrapage est réel et il faut le saluer. Sans remonter à la loi de modernisation de l'économie, nous avons examiné la loi Grenelle II et la LMA, que la navette parlementaire a considérablement enrichies. Il a fallu un à deux ans pour que les décrets soient publiés.

Le taux d'application a donc progressé. Au 31 décembre, il s'établit à 64 % pour notre commission. Il reste donc des marges de progression. Le stock des lois inapplicables a bien diminué, pour ce qui nous concerne. Une loi n'est toujours pas applicable, alors que trois l'an dernier ne l'étaient pas.

La loi Grenelle II représente la moitié des décrets publiés, mais elle n'est applicable qu'à 45 %.

Je salue la communication régulière d'échéanciers par vos services. Deux lois sont devenues totalement applicables, celles du 15 juin 2011relative aux collectivités d'Ile-de-France, et du 9 mars 2010 sur les détecteurs de fumées. Ces améliorations sont malheureusement ternies par le fait que certaines lois ne sont pas appliquées.

Sur les six lois suivies par la commission, trois sont des propositions de loi. Il serait fâcheux que ces dernières soient moins bien traitées par les administrations. Ainsi, sur les quatre articles de la loi du 23 juin 2011 relatifs à l'habitat informel outre-mer, aucun n'est applicable. Nous n'avons pas non plus reçu son rapport d'application, qui aurait permis d'avoir un échéancier prévisionnel de mise en oeuvre.

Nous souhaitons que vos services soient pleinement mobilisés pour éviter un décalage entre projet de loi et proposition de loi.

Des lois anciennes ne sont toujours pas applicables. Outre le problème de flux, il y a un problème de stock.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je le reconnais.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Les rapports sont rarement publiés. Sur les douze rapports prévus dans le Grenelle II, un seul est sorti !

Si les parlementaires doivent être raisonnables dans leur demande de rapports -j'y veille au sein de ma commission- le Gouvernement doit publier ceux qui lui sont demandés. Il faudrait également limiter le recours au décret dans la loi, cela réglerait le problème en amont.

Pourquoi ne pas inviter le Gouvernement à communiquer les projets de décrets aux commissions : ainsi, nous constaterions si les administrations respectent la loi que nous avons votée. Je pense, en particulier, au droit de l'urbanisme qui fait l'objet de déclarations au gré des changements de la pression atmosphérique.

Ne faudrait-il pas prévoir des clauses couperet, sorte de lois biodégradables...

Le suivi de l'application des lois est essentiel. Je souhaite bon courage au président Assouline. (Applaudissements sur les bancs socialistes et EELVr)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vous avez affiché un objectif ambitieux, monsieur le ministre : 100 %. Vous avez raison.

Pour la commission des lois, l'objectif est loin d'avoir été atteint, puisque notre taux s'élève à 46 %. Ce n'est pas satisfaisant d'autant plus que notre commission a le plus faible taux. Les choses doivent s'améliorer.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 n'est toujours pas mise en application. On compte seize questions écrites posées par les sénateurs pour demander quand cette loi, si importante pour la vie et la réinsertion des détenus, sera enfin appliquée. Nos deux commissions travailleront ensemble sur l'application de cette loi.

Certains aspects de la loi de réforme des collectivités territoriales nous heurtent, si bien que je pourrais me satisfaire qu'elle ne soit pas mise en application. Mais le Gouvernement avait dit qu'il fallait que cette loi soit votée dans le plus bref délai.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et elle le fut !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission.  - Un seul texte d'application a été publié. Un certain nombre de décrets prévus pour juin 2011 ne l'ont pas été. Peut-être le secrétariat général du Gouvernement voyant les dégâts sur les futures élections sénatoriales a-t-il renoncé. (Sourires) Mais enfin, la proposition de loi que le Sénat a votée récemment pour améliorer ce texte et qui a été reprise par M. Pélissard, semble en bonne voie d'être adoptée. Peut-être ne faut-il pas publier les décrets prévus qui seront caducs.

J'en viens à la loi sur les violences faites aux femmes. Trois rapports étaient prévus, aucun de publié. L'ordonnance de protection prise par le juge aux affaires familiales pour protéger les femmes victimes de violences est appliquée de manière extrêmement hétérogène sur le territoire national. Certains départements s'en sont emparés, d'autres pas : c'est un autre problème d'application de la loi.

J'en viens à la législation funéraire. Un article qui ne nécessitait aucun décret n'a jamais été appliqué, alors qu'il s'agissait de défendre les souscripteurs d'assurances décès : les assureurs n'étaient pas très motivés. Le ministre des finances nous a expliqué qu'il y avait un problème avec la législation européenne. Nous avons donc beaucoup travaillé et nous avons adopté un amendement dans la loi de protection des consommateurs. Mais que va-t-elle devenir ? Serait-il possible de retenir au moins cette disposition, votée à l'unanimité au Sénat ?

Au total on voit que le rôle de la nouvelle commission est fort utile. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Roche.  - À défaut d'endiguer l'inflation des lois, il faut qu'elles soient appliquées. Le Premier ministre avait incité ses ministres à y veiller et un comité de suivi a été créé.

Le rapport pour l'année 2010-2011 est éloquent. L'adage « nul n'est censé ignorer la loi » a-t-il encore un sens ? Nos concitoyens qui critiquent la réglementation n'ont-ils pas raison ? Nous devrions nous interroger sur la qualité des lois plutôt que d'insister sur les chiffres.

Le rapport s'en tient cette année à une approche quantitative. La portée de certains décrets est pourtant plus importante que celle d'autres : ceux de la LMA n'équivalent pas ceux de la loi sur les détecteurs de fumée.

La commission saura hiérarchiser les priorités, à l'avenir. L'étude qualitative n'est pas l'apanage de la commission de suivi d'application de la loi. Chaque commission permanente doit s'en préoccuper, et surtout chaque sénateur lorsqu'il rentre dans son territoire.

Il est intéressant que le rapport mette l'accent sur le faible nombre de dépôts de rapports demandés par les lois. Depuis dix ans, nous attendons un rapport sur l'effet des insecticides sur les abeilles, un exemple si j'ose dire piquant! Mesure-t-on l'efficacité de ces rapports demandés par la loi ? Il s'agit souvent d'un lot de consolation, mais nous devrions en revenir à une vision plus pure de la loi, qui prescrit ou qui interdit, d'autant que notre administration sénatoriale est très compétente et peut nous éclairer. Est-il pertinent de demander des rapports comme l'a indiqué, en mai, M. Raoul ? (Applaudissements au centre)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le RDSE est heureux de ce débat. Mon groupe avait pris l'initiative il y a un an d'un débat sur le sujet. Nous avions déposé une proposition de loi donnant aux députés et sénateurs le pouvoir d'agir devant le Conseil d'État pour demander l'application de la loi. Hélas, elle n'a pas été adoptée. Peut-être le serait-elle aujourd'hui. Je reconnais, monsieur le ministre, votre rôle actif d'aiguillon, avec la création du Comité de suivi. On sait bien que parfois, le Gouvernement manifeste sa mauvaise humeur devant un texte voté contre sa volonté et que certaines dispositions sont difficiles à mettre en oeuvre. Les services administratifs placés auprès des ministres peuvent travailler très en amont. Ils ont dû être très sensibles à la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011, relative à la qualité du droit. Cette circulaire détaille le pilotage des activités normatives, rappelle la discipline à suivre dans l'élaboration des projets de réglementation. Tout est dit et parfaitement dit.

Je ne reviendrai pas sur les analyses quantitatives qui ont été faites. Ces dernières démontrent votre détermination à faire appliquer la loi. Néanmoins, les délais de publication ne vont pas dans le sens des préconisations du Premier ministre. Je m'étonne que le taux d'application des lois votées en urgence soit moins bon que celui des lois de droit commun. Je m'étonne du faible taux de publication des rapports. Pourtant, la circulaire du Premier ministre est très claire sur le sujet, qui rappelle les vertus d'une programmation précoce. Selon Solon, non pas le philosophe mais le système d'organisation en ligne des opérations normatives, chaque administration est tenue de faire un planning du suivi de ses travaux pour indiquer le calendrier utile, l'état de la procédure, la date de publication du texte. La démarche est intéressante car il est possible d'identifier les points de blocage. On passerait alors à un quantitatif éclairé, utile au Gouvernement comme au Parlement... (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)

Mme Corinne Bouchoux.  - Tout le monde est content ce soir : le Gouvernement de ses résultats et le Sénat de sa nouvelle commission et de son président. Je veux en finir avec l'autosatisfaction. Les chiffres sont bons, depuis un an mais il y avait du retard à rattraper. L'exemple de la loi pénitentiaire le montre bien : elle n'est pas encore appliquée et on veut nous faire adopter une loi de programmation pour cinq ans.

Nous nous inquiétons aussi du respect de l'esprit de certaines lois.

L'affichage politique l'a souvent emporté sur l'efficacité de la loi. Ainsi en est-il de l'immigration. Les immigrés sont toujours présentés comme un problème, jamais dans leur rôle positif pour notre pays. Pensez à la phrase de M. Guéant qui a mis mal à l'aise jusqu'à ses amis.

M. Éric Doligé.  - Mais non !

Mme Corinne Bouchoux.  - Les lois sur la récidive et la procédure pénale ne sont pas appliquées, ni les propositions de M. Lecerf en faveur des détenus. Les lois Warsmann sont un véritable serpent de mer et leur taux d'application est très faible.

Réfléchissons à la qualité des lois, plutôt qu'à leur nombre. Pour notre commission, 46 % sont appliquées pas forcément les plus favorables aux citoyens.

Quid des textes relatifs aux collectivités locales ? M. Sueur en a parlé tout à l'heure. Enfin, l'environnement nous tient à coeur, même si, pour certain, « ça commence à bien faire ». Pour le Grenelle, nous n'en sommes qu'à 45 % d'application et un seul rapport a été publié sur les douze prévus. Pour la commission nationale d'évaluation concernant l'exploitation des gaz de schistes nous attendons toujours le texte d'application. Les sénateurs et sénatrices écologistes souhaitent que la procédure accélérée reste exceptionnelle, pour préserver le temps de la réflexion et que nous remettions à plat la question de l'article 40. La qualité, en conclusion, doit l'emporter sur la quantité. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Claude Dilain.  - À mon tour, je salue la création de cette nouvelle commission. M. Assouline s'est investi avec énergie. Notre première audition a été édifiante : le secrétaire général du Gouvernement nous a dit que c'était la première fois qu'il était entendu par les sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est faux !

M. Claude Dilain.  - Alors que de nombreux Français se méfient des politiques et des parlementaires, nous avons l'ardente obligation de nous assurer du bon fonctionnement de notre travail législatif.

Votre rapport montre des chiffres encourageants, mais nous devons évaluer les effets des lois votées pour avoir une approche qualitative. Ainsi qu'en est-il de l'application de la loi Dalo, loi ambitieuse s'il en est ? Les décrets ont été publiés, mais la loi n'est toujours pas appliquée faute de logements sociaux et parce que les commissions locales ont des comportements très différents. En outre, lorsque l'on fait des propositions inadaptées aux demandeurs, le taux de refus est forcément important.

Le classement des lois ministère par ministère fait apparaître, à mon grand regret, que celui de la ville est le plus mauvais élève. Pourquoi ? J'espère que notre nouvelle commission jouera tout son rôle de suivi dans ce domaine essentiel. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Isabelle Pasquet.  - Le taux d'application des lois progresse cette année. Mais il faut relativiser les chiffres, puisqu'une nouvelle période de référence a été retenue.

À quelques mois d'une nouvelle législature, malgré la frénésie législative du président de la République, le Gouvernement a un an de retard dans l'application des lois. Le problème est donc loin d'être réglé. Enfin, pour la publication des rapports, le résultat est affligeant.

M. Assouline estime à juste titre qu'il ne faut pas en rester à une appréciation quantitative. La loi sur le handicap n'est pas encore totalement applicable, que la proposition de loi Doligé reviendrait sur certaines de ses obligations.

M. Éric Doligé.  - La proposition de loi a été modifiée !

Mme Isabelle Pasquet.  - L'application est une question de moyens financiers et de volonté politique. Je ne reviens pas sur la loi Dalo mais la loi pénitentiaire n'est pas davantage applicable : la création de 1 000 postes de conseillers de probation n'est pas budgétée. Que dire aux bénéficiaires des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité qui attendent un décret promis il y a quatre mois ?

Pour améliorer l'effectivité de la loi, il faut des études d'impact complètes. La réforme des collectivités territoriales était promesse d'économies mais le coût pour les régions n'était pas évalué.

Il y a une exigence de lisibilité et de stabilité de la loi. La Conférence des procureurs de la République s'en est émue le 8 décembre dernier. En matière pénale, nous avons connu une avalanche de textes, préjudiciable à la qualité du droit et à l'égalité des justiciables devant la loi. L'ordonnance de 1945 sur les mineurs est régulièrement modifiée. Et nous refusons la mise en cause de principes fondamentaux comme l'individualisation des peines avec les peines planchers.

Quant aux lois dites de simplification du droit, nous estimons qu'elles complexifient la loi et concernent souvent le fond, comme l'article 40 de la dernière, qui prive le salarié de la protection de son contrat en matière de temps de travail.

Nous sommes opposés aux procédures accélérées : le Parlement ne peut correctement travailler. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le contrôle de l'application des lois, cela a été rappelé, n'est pas une nouveauté au Sénat. Les commissions permanentes s'essayaient à cet exercice dans un rapport dont le seul mérite était de s'arrêter au 1er octobre. Espérons que nous accorderons nos calendriers !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je vous redonnerai les chiffres au 31 avril !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous ferez fort ! (Sourires)

M. Patrick Ollier, ministre.  - Au 30 avril, vous m'aviez compris !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Tout le monde se félicite du meilleur taux d'application des lois, qu'elles aient fait l'objet ou non d'une procédure accélérée. Les chiffres de Mme Escoffier montrent que la différence n'est pas pertinente ;

Mme Anne-Marie Escoffier.  - C'est ce que j'ai voulu dire ;

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'avais compris le contraire.

S'agissant de la commission des lois, certains services ont visiblement peiné à comprendre que le Parlement légifère en matière funéraire. Je pourrais aussi citer l'exemple de la loi sur le transfert des parcs d'équipement. Tout ce qui ressortit au code pénal et au code de procédure pénale est d'application directe, purement législatif.

Certains ont rappelé l'article 24 de la Constitution, selon lequel le Parlement évalue les politiques publiques ; je citerai aussi l'article 48. Le Sénat avait tenu à préciser que la semaine de contrôle devait aussi être d'évaluation. Le Gouvernement et le Parlement ont mis entre parenthèses les articles 34 et 37 sur le périmètre de la loi et son intelligibilité. On nous fait des lois de programmation, des lois déclaratives et mémorielles, des textes bavards, inintelligibles et, à ce titre, censurés par le Conseil constitutionnel. Nous avons donc des marges de progression. La révision de 2008 a rendu obligatoires les études d'impact pour les projets de loi. Peut-être, un jour, seront-elles un motif de saisine du Conseil constitutionnel, d'autant qu'elles ne sont plus adéquates, une fois que le texte a été complètement modifié.

Tout en soulignant les efforts du Gouvernement et le travail du Sénat, l'important reste l'évaluation des lois au fil du temps. La loi pénitentiaire est munie de ses décrets d'application mais elle ne s'appliquera vraiment que si l'on en donne les moyens à la justice. Protection de l'identité, législation sur les sondages, modification du code civil sur les prescriptions, législation pénitentiaire, notre commission, comme les autres commissions permanentes, fait régulièrement l'évaluation des lois.

S'il est parfois paradoxal que l'on demande l'application de lois que l'on a combattues, réjouissons-nous que le Parlement s'entende sur le principe : moins de lois, mieux contrôlées ! (Applaudissement)

M. René Vandierendonck.  - À mon tour d'insister sur la nécessaire qualité de la loi, son intelligibilité. Après M. Hyest, je prendrai des exemples tirés du droit de l'urbanisme : la loi Grenelle II, qui n'est pas encore totalement appliquée, est déjà abrogée partiellement par la loi Warsmann. Alors qu'elle donne pour la première fois un pouvoir prescriptif aux Scot, les CDAC ne comportent aucun représentant de ceux-ci. Quelle contradiction ! Et l'on va s'étonner après cela que les trois quarts des constructions de centres commerciaux aient été faits dans une redoutable quiétude !

Les récentes annonces présidentielles sur les 30 % de « constructibilité » juridique supplémentaires ont renforcé la spéculation sur le foncier, un comble ! Que n'a-t-on entendu sur la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement ! Eh bien, des dispositions sur les quartiers anciens ne sont toujours pas prises. La reconquête des friches industrielles et des sites et sols pollués ? On est encore dans la phase d'élaboration des décrets qui doivent clarifier dans les PLU les conditions d'information et de dépollution de ces sites, décrets indispensables au renouvellement urbain dans ma région, qui concentre la moitié de ces sites. (Applaudissements à gauche)

M. Louis Nègre.  - La création de cette commission est une bonne chose qui s'inscrit dans une tradition sénatoriale vieille de quatre décennies. Après la réforme constitutionnelle de 2008 voulue par le président Sarkozy, le nouveau Sénat de gauche poursuit la politique de rééquilibrage des pouvoirs. Monsieur le ministre, je salue votre engagement tenace : nous vous devons le comité de suivi. Vous êtes, au reste, un récidiviste : parlementaire, vous étiez déjà vigilant sur l'application de la loi. La démarche est donc incontestable, le consensus prévaut.

On peut discuter des virgules, mais reconnaissons que le taux d'application est bien meilleur : au 31 janvier de cette année, le taux d'application est de 87 %. En 2002, sous le gouvernement Jospin, on en était à 62 %. L'évolution est donc manifeste. Ce gouvernement est de transparence. De mes yeux, j'ai vu le ministre transmettre ses fiches au président Assouline. (Sourires amusés à gauche) Ce gouvernement n'a rien à cacher et aucun n'a jamais fait autant !

Peut-on faire mieux ? Certes, on peut développer l'évaluation qualitative, le contrôle de l'application sur le terrain. On peut aussi renforcer les études d'impact pour réduire la loi en amont. En revanche, les propos de M. Assouline, évoquant des « rapports fantomatiques », sont excessifs.

Que 2012 soit, comme vous le souhaitez, l'année d'une coopération renforcée entre le Gouvernement et le Parlement.

Mme Laurence Rossignol.  - Je veux, moi aussi, saluer l'initiative de cette nouvelle commission voulue par la majorité du Sénat et le président Bel. Elle marque la volonté du Parlement d'exercer pleinement ses prérogatives de contrôle.

L'évaluation quantitative ne suffit pas. Sur les lois Grenelle I et II, le compte n'y est pas, mes collègues l'ont dit. C'est qu'il y a 1 001 manières de paralyser l'application des lois.

La plus courante est de ralentir le processus de rédaction des décrets ; il est d'ailleurs contradictoire de dénoncer le matin le « trop grand nombre » de fonctionnaires et de demander le soir un plus grand nombre de décrets. Autre technique, la résistance passive, agrémentée de la réponse dilatoire : « le décret est en cours de rédaction ». Une troisième méthode consiste à reporter d'année en année la date d'application. Ainsi en a-t-il été pour l'écotaxe sur les poids lourds, qui devait entrer en vigueur en 2011 puis en 2012 ; on en est à 2013. Les relations entre Parlement et Gouvernement ne sont pas de type contractuel : la date de promulgation est une composante de la loi. Parfois, encore, l'esprit du législateur est ouvertement trahi par les décrets. C'est ainsi qu'on a doublé les surfaces d'affichage publicitaire que le Parlement voulait réduire.

Trop d'articles introduits par les parlementaires ? Ils n'ont pas le monopole de la logorrhée législative : pourquoi sept lois sur la récidive en dix ans ?

Il en va de la santé de la démocratie comme de celle des individus : il faut de la prévention et des contrôles, mais aussi une hygiène de vie. La loi devrait assurément comporter davantage de dispositions d'application immédiate. Elle doit en tout cas n'être pas un outil de communication, mais de régulation ; (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - Probablement, le contrôle de l'application des lois était dans les gènes du Sénat depuis 40 ans. Probablement, les gouvernements successifs, y compris celui de M. Jospin, ont cherché à améliorer l'application des lois. Cela étant, la Ve République donnant des pouvoirs exorbitants à l'exécutif, le Parlement se sentait limité dans son pouvoir de contrôle. C'en est désormais fini, grâce à la nouvelle gouvernance voulue par le président Bel.

Il serait paradoxal de demander l'application des lois que l'on combat ? Le président Grant disait qu'il ne connaissait pas de meilleure manière de faire annuler une mauvaise loi que de la mettre scrupuleusement en application. Après cette boutade, je soulignerai surtout que nous avons choisi de travailler sur des lois que nous soutenons : la loi Handicap, dont, faute de moyens matériels, les obligations ne sont pas respectées dans la vie réelle, le Grenelle II, la loi pénitentiaire. Prenons la loi sur l'audiovisuel, qui nous a tant occupés : si nous avions disposé de meilleures études d'impact, le résultat aurait été meilleur.

Cessons l'affichage : sept lois sur la récidive en dix ans, six sur l'immigration. On relégifère alors même que les décrets d'application de la loi précédente n'ont pas été publiés !

Néanmoins, je ne veux pas polémiquer : le taux d'application, les chiffres le montrent, s'améliorent. L'effort doit être poursuivi. Par volonté de transparence, M. le ministre a tenu à me donner des informations supplémentaires ; J'apprends ainsi que pas moins de treize étapes jalonnent le parcours d'un décret. Et on s'étonne qu'il faille plus de six mois ? Peut-être faudra-t-il songer à une simplification... Poursuivons le travail engagé...

M. Patrick Ollier, ministre.  - Quel que soit le futur gouvernement !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - C'est bon pour notre démocratie et pour le Parlement !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je constate avec plaisir que M. Assouline a fait état de documents de travail que je lui ai transmis. Fort bien ! Le décret n'est pas seulement un texte émanant d'une administration -au reste admirable, je tiens à le souligner- il a vocation à s'appliquer durablement. (Le ministre montre aussi les fiches qu'il donne aux ministres)

Monsieur Carrère, la loi relative à l'importation de matériel de guerre s'appliquera en 2014 comme prévu. Quant au décret sur la piraterie, c'est fait, il a été transmis au Conseil d'État.

Monsieur Marini, je n'ai jamais prétendu atteindre un taux de 100 %. Je veux tendre au 100 %. Nuance ! Le décret sur le trafic de métaux paraîtra dans les semaines à venir. Quant au rapport sur l'Agence de financement des collectivités territoriales, les délais seront tenus. Mais que de rapports !

Madame David, les décrets de la loi de bioéthique interviendront en mars 2012, le Gouvernement l'a toujours dit. Quant au décret sur les assistants maternels, il a été transmis au Conseil d'État le 26 décembre 2011. Il sera publié dans quelques semaines. Je ne vous réponds pas sur tous retards plus anciens, j'ai considéré en priorité la législature du Gouvernement auquel j'appartiens. Mais nous avons veillé à l'application de la loi sur le dossier médical personnel ou sur le handicap.

Madame Blandin, j'ai échangé avec le ministre de la culture sur les canaux compensatoires de TNT. La Commission européenne nous a adressé en septembre un avis motivé sur les difficultés juridiques que présentait ce texte. Il nous faudra revenir devant le Parlement -quand le calendrier le permettra. En attendant, le CSA peut lancer les appels à candidature pour les canaux disponibles.

Monsieur Raoul, la loi sur les quartiers d'habitat en outre-mer ne comportait aucun renvoi à des décrets, j'en suis responsable en tant qu'ancien président de commission. Le décret de la loi du 23 juillet 2011 a été transmis au Conseil d'État. Le Parlement s'honorerait à réduire le nombre de rapports demandés. Ce n'est pas une technique que doit utiliser le Gouvernement pour parer aux questions des parlementaires.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Non plus que de recourir à l'article 40 !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Pour la loi Grenelle II, le nombre d'articles est passé au Parlement de 104 à 257 ; comment s'étonner que cela ait des conséquences sur les décrets ?

Monsieur Sueur, notre objectif est de tendre à une application totale de la loi. Un décret a été pris le 30 septembre 2010 sur les violences faites aux femmes. Quant à la loi funéraire, elle fixe elle-même l'entrée en vigueur de certaines de ses dispositions à 2013.

Monsieur Roche, le Parlement est coresponsable de l'inflation législative qui allonge la publication des décrets. Madame Escoffier, merci de votre esprit constructif. D'ailleurs, si nous n'avions pas créé notre comité de suivi, auquel vous avez rendu hommage, M. Assouline aurait-il pensé à sa commission ? L'important est d'améliorer la qualité du droit pour nos concitoyens, que nous soyons de droite ou de gauche ; merci d'avoir cité la circulaire du 7 juillet 2011.

Mme Bouchoux a été sévère. Elle a porté un diagnostic partiel. Non, le bilan que je vous présente ne résulte pas d'une politique du chiffre mais de la volonté du Gouvernement et du Parlement depuis 2008. Sur la loi relative au gaz de schiste, le Conseil d'État a été saisi le 10 janvier sur la création de la commission prévue. Fin février, début mars, vous devriez avoir satisfaction.

Monsieur Dilain le classement par ministère montre qu'ils se situent tous plutôt en haut de la fourchette ; le ministère de la ville, avec la loi sur le Grand Paris renvoie à des travaux de long terme.

Je veux dire à Mme Pasquet que le taux d'application est calculé au 31 décembre. Mais permettez au Gouvernement de continuer à travailler encore trois mois, et plus encore j'espère, afin de contenter M. Assouline. (Sourires) Fin avril nous serons à plus de 90 %.

Nous parlons de pourcentage, madame Pasquet. Les chiffres sont importants, mais il est évident que certaines lois sont moins bien appliquées que d'autres. M. Hyest m'a interrogé sur les parcs d'équipements : les décrets paraîtront avant la présidentielle. M. Vandierendonck a été critique ; je lui ai répondu en répondant aux présidents de commission. Merci à M. Nègre d'avoir soutenu le Gouvernement. Je crois dans l'exigence de transparence. Les résultats sont là. Mme Rossignol a été injuste dans ses appréciations, autant à l'encontre des fonctionnaires que des ministres.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - Allons !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Cela me fait de la peine, car ce n'est pas mérité.

M. Assouline a été critique mais constructif. Je souhaite que nous travaillions dans la plus grande transparence.

Pour le Grenelle II, 126 mesures ont été prises sur 183 : le taux est de 70 %.

Parmi les décrets importants figurent ceux relatifs à la publicité des enquêtes publiques et aux études d'impact.

Dans les prochains jours, 26 mesures supplémentaires seront prises, dont celles relatives aux trames vertes et bleues. On arrive donc à un chiffre de 152 mesures soit 83 % et avec neuf autres mesures en voie d'achèvement, celui de 161 mesures soit 88 %.

Sur les onze rapports, six sont périodiques, à échéance juillet 2013, deux ont été publiés et un est en voie de finalisation.

Enfin, la loi pénitentiaire de 2009. Elle est quasiment appliquée : sur 22 mesures, 21 ont été prises !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale.  - Cette loi ne s'applique pas !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Les mesures ont été prises, à vous de procéder à son évaluation ! La mesure restante, qui concerne le règlement intérieur type, nécessite une concertation avec les personnels et les syndicats. Ce n'est pas chose facile. Il doit être publié avant la fin de la législature.

J'espère vous avoir apporté le maximum de réponses.

Je souhaite la plus grande transparence. Je propose à M. Assouline d'organiser une réunion de travail pour poursuivre notre débat. Nous pourrions ainsi nous rencontrer régulièrement deux ou trois fois l'an. Dès lundi, je commencerai à vous transmettre les documents du secrétariat général du Gouvernement et du Conseil d'État.

Ancien parlementaire, j'ai autant que vous l'ambition de voir le travail législatif bien fait et bien appliqué.

Je vous remercie de ce débat. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 20 h 40.

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présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 22 h 40.