Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat (Suite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat .  - Votre gouvernement hérite d'une situation difficile. Si la France a bien résisté à la crise grâce à un modèle social que la droite n'a cessé de casser, elle est en grande souffrance : un chômage massif, une dette colossale, des pauvres de plus en plus pauvres et des riches de plus en plus riches. Non, la crise n'est pas tombée du ciel, elle est le fait de la financiarisation et de dix ans de politique de droite. (Protestations à droite)

Le Front de gauche, porté par M. Mélenchon, a réuni 4 millions de voix et contribué de façon décisive à la victoire du 6 mai. Vous n'avez pas voulu, monsieur le Premier ministre, prendre en compte la diversité de la gauche, raison pour laquelle nous avons refusé de participer à votre gouvernement. En revanche, parce que nous sommes dans la majorité, nous entendons être utiles à nos concitoyens.

La page du sarkozysme est tournée. Nous apprécions les symboles d'une présidence et d'un Gouvernement modestes, après tant d'années d'insolence des riches et de légitimation par la droite des idées du Front national. Nous apprécions votre action pour les femmes, le droit au mariage pour tous et les mesures fiscales comprises dans le prochain collectif. Ce n'est que justice ! De même que le renforcement de la loi SRU.

Nous nous réjouissons que Mme la garde des sceaux veuille défendre la justice des mineurs. A contrario, la politique d'immigration conduite par le ministre de l'intérieur nous inquiète. La gauche a toujours été contre cette méthode. Il faudrait réfléchir globalement à la situation des étrangers en France depuis dix ans.

La déclaration de politique générale d'hier engage votre gouvernement dans la durée. Exigence de vérité, de sauvegarde du modèle social, de justice... La justice, elle concerne d'abord les victimes des politiques libérales de la droite. Les entreprises sortent des plans sociaux cachés : 70 000 emplois sont concernés ! Un plan de soutien à l'automobile ? On voit le résultat du précédent ! La justice, c'est pour les familles, les salariés de PSA Aulnay et pour les territoires !

Le redressement économique, avec une croissance de 0,3 % ? Nous attendons des mesures tout de suite. Inscrivez à l'ordre du jour notre proposition de loi interdisant les licenciements boursiers, déjà votée au Sénat.

La justice sociale, c'est aussi les salaires et le pouvoir d'achat. Le coup de pouce au Smic ne suffira pas. La baisse des salaires n'a sauvé ni l'emploi, ni les PME. Ces dernières souffrent du faible pouvoir d'achat de nos concitoyens, du crédit trop cher et d'une fiscalité favorisant les groupes du CAC 40.

Les services publics ? Nous n'avons cessé de combattre les suppressions de postes ces dernières années. Or, pour tenir la dépense, vous proposez de poursuivre la réduction. Voyez pourtant la situation à l'hôpital !

Notre modèle social, c'est aussi une protection sociale de haut niveau pour tous. Nombre de Français ne peuvent se soigner. Il faut revenir à une vraie retraite à 60 ans.

La baisse de l'emploi public, conjuguée à la situation dans le privé, peut handicaper la relance économique, qui est pourtant urgentissime. Nous ne pouvons décevoir les attentes de nos concitoyens ; lors de la conférence sociale, ne décevez pas les partenaires sociaux.

Les collectivités locales ont longtemps pallié les insuffisances de l'État, notamment en matière sociale. Elles ont pâti de la réforme de la taxe professionnelle, qui n'a pas été compensée par la contribution économique territoriale, du gel des dotations. Allez-vous maintenir cette situation ? Vous avez confirmé la suppression du conseiller territorial. Les élus ont été meurtris par la réforme de 2010 : il faut les respecter. Nous voulons une intercommunalité de coopération, le respect des départements et des régions : la loi de 2010 doit être abrogée. Nous n'accepterons pas de nouveaux transferts pour faire des économies, pas plus que les pouvoirs réglementaires donnés aux régions.

Vous annoncez une réforme de la fiscalité. Nous voulons la fin des exonérations, qui n'ont pas prouvé leur utilité et une lutte déterminée contre l'évasion fiscale : 50 milliards d'euros par an, comme le confirmera la commission d'enquête du Sénat !

L'Europe ? Le Président de la république devait renégocier le traité de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Or celui-ci, certes modifié, demeure. Rien sur la Banque centrale européenne (BCE), sur son contrôle démocratique. La BCE prête aux banques qui prêtent aux États à un taux d'autant plus élevé qu'ils sont en difficulté. On marche sur la tête ! Nous voulons un référendum sur un traité qui met en cause la souveraineté nationale. La démocratie a aussi ses exigences institutionnelles.

Le droit de vote des étrangers aux élections locales ? Nous sommes pour, nous l'attendons. Oui au contrôle du cumul des mandats et à l'introduction de la proportionnelle. Mais nous voulons surtout sortir du modèle présidentiel.

Notre groupe partage la position du Front de gauche qui s'est abstenu hier lors du vote de la confiance. Le ministre du travail a dit qu'il se mettait ainsi en marge du changement mais, comme l'a dit Jean - Luc Godard, c'est « la marge qui tient la page ».

Nous voulons le changement, la justice sociale et le redressement. Nous soutiendrons toutes les mesures allant en ce sens en rappelant l'importance des attentes sociales.

Des réformes profondes sont à mener pour redresser notre pays et bâtir une Europe solidaire, pour les peuples ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard .  - Depuis 120 ans, notre groupe occupe une place particulière au Sénat. Il a toujours défendu les valeurs de la République illustrées par Gaston Monnerville, premier président de gauche du Sénat de la Ve République, symbole de la diversité. Notre groupe réunit des personnalités diverses, dans le respect de la liberté d'expression et de vote, autour d'une vision humaniste et laïque de la société. Une grande majorité de notre groupe soutiendra votre gouvernement et votre action. Mais nous dirons notre vérité, sans marchandage, dans la transparence. Une majorité aux ordres est une future minorité : voyez le précédent quinquennat !

La crise vous fait échapper à l'état de grâce : c'est peut-être votre chance car le pays attend l'État de raison. Nous sortons d'un quinquennat de rupture, aggravant les conflits au sein de la société, entre les territoires. La Nation doit être apaisée, rassemblée, reprendre confiance. C'est possible. Le président de la République et votre gouvernement ont commencé à le faire : c'est cela, le changement.

Monsieur le Premier ministre, vous confortez, par le discours personnalisé que vous nous avez adressé, le bicamérisme. Nous ne pouvons voter la confiance, puisque vous ne nous la demandez pas. (Mme Isabelle Debré s'exclame ; on ironise à droite) Mais cette confiance s'obtiendra par la pratique législative : sans procédures d'urgence, sans inflation législative, en nous saisissant en amont sur les projets d'importance. Dans cette configuration inédite où la gauche est majoritaire dans les deux assemblées, le Gouvernement doit respecter l'expression des sénateurs. Non, le Sénat n'est pas une anomalie !

M. Alain Dufaut.  - Très bien !

M. Christian Cointat.  - Absolument !

M. Jacques Mézard.  - C'est une chambre de réflexion, d'expertise, pas d'inertie pour autant.

Vous savez que nous avons mal vécu la récente réforme territoriale -même si elle a favorisé l'alternance ! (Applaudissements à gauche)

Vous annoncez un nouveau calendrier et une réforme du mode d'élection. Y aura-t-il concertation, parce que ces annonces semblent préfigurer des décisions ? Y aura-t-il des transferts de compétences ? Quid des recettes fiscales des collectivités territoriales ?

Il est facile de surfer sur la vague de l'opinion publique en prônant le non-cumul des mandats.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Jacques Mézard.  - Mais comment le Sénat représentant des collectivités locales, grand conseil des communes de France, pourrait-il être composé uniquement d'élus hors sol, de purs produits des partis ? (« Bravo » et applaudissements à droite ; M. Gilbert Barbier applaudit aussi) Les radicaux ne vous suivront pas sur ce terrain. (Même mouvement) Il y a d'autres pistes : limitation des mandats, lutte contre l'absentéisme qui ronge le travail parlementaire. (Même mouvement)

Avec 750 000 emplois détruits, un déficit commercial abyssal, le redressement économique est une urgence. Mais il n'y aura pas de redressement économique sans croissance. Pour produire, il faut de l'énergie, dépendre le moins possible des importations. L'indépendance énergétique est indispensable, par les technologies d'avenir, y compris à travers le nucléaire, auquel notre groupe reste très attaché. (Même mouvement) Les apôtres de la décroissance sont des réactionnaires, alors que la population mondiale explose. Ne cédons pas à leurs sirènes !

Les PME doivent bénéficier d'une fiscalité avantageuse. Vous devez assainir les finances publiques. Nous savons la situation du commerce extérieur. L'audit de la Cour des comptes est une photographie instructive. Mais la rigueur n'est pas l'austérité. Le langage de la vérité oblige à annoncer de nouveaux impôts, vous l'avez fait d'ailleurs.

C'est un devoir de justice. Les boucliers pour les « surarmés », les rémunérations indécentes, l'arrogance des affairismes et des corporatismes, comme on l'a vu sur la TVA, ne sont plus acceptables.

Comment imaginer que cette politique alliant croissance et gestion saine pourrait réussir sans s'inscrire dans la relance de la construction européenne ? Comment maîtriser la finance sans consensus européen ? A l'heure où de grands empires se forment, où se reconstituent, seule l'Europe est l'échelle pertinente -jusqu'à Ankara. Le récent sommet européen est à saluer : la croissance est à nouveau au coeur du projet européen. Pourvu que cela dure, que cette dynamique, impulsée par la France, l'emporte sur les vieux schémas technocratiques.

La République est laïque : aucune concession à ce principe ne peut être acceptée.

Nous avons combattu les lois sécuritaires : moins il y a des lois, plus elles sont appliquées. Le laxisme n'est pas une solution ; pas davantage la politique du chiffre.

Nous partageons votre volonté de faire de l'école la priorité du quinquennat. Lire, écrire, compter, apprendre le respect de l'autre : c'est le socle, pour tous les enfants, quelle que soit leur origine.

Nous connaissons la difficulté de votre mission. Walpole, le fondateur de la démocratie anglaise, disait : « peu d'hommes doivent devenir Premier ministre car il ne convient pas qu'un trop grand nombre sachent combien les hommes sont méchants ». Je ne doute pas que vous nous laisserez la France dans un meilleur état que celui où vous l'avez trouvée. Nous comptons sur vous pour bâtir, avec nous, une République plus juste et plus belle ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Gaudin .  - (Applaudissements nourris sur les bancs UMP) Nos concitoyens ont choisi un nouveau président de la République, une nouvelle majorité. À chacun son rôle : vous avez toutes les clés : l'Élysée, le Gouvernement, l'Assemblée nationale, le Sénat !

M. Jean-Louis Carrère.  - Sauf Marseille !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Vous n'avez certes pas la majorité des trois cinquièmes, mais vous avez le référendum : espérons que vous vous en servirez ! (Rires à droite)

Après avoir entendu votre déclaration de politique générale, d'hier, le doute demeure. L'importance de vos pouvoirs, votre victoire complète vous obligent... complètement ! Les Français veulent le redressement, la sécurité, l'espoir : ces attentes sont renforcées par vos promesses, vos rodomontades quand vous critiquiez le précédent gouvernement ! Mais il faut tourner la page, mettre un terme au concours d'inélégance vis-à-vis du précédent président de la République ! (Applaudissements à droite) Que le président de la République, qui n'a trouvé d'autre qualité à son prédécesseur que le fait de quitter le pouvoir, en montre d'autres que celle d'y être arrivé !

L'UMP n'a rien foutu, a dit le ministre de l'économie en récitant les annonces du programme socialiste.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est du mauvais Pagnol !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Vous n'échappez pas à la reprise des soixante propositions du programme socialiste -c'est mieux que les 110 propositions de 1981. Pierre Mauroy nous avait à l'époque annoncé qu'il allait changer la vie. Allez-vous nous annoncer, d'ici deux ans, le tournant de la rigueur ? Avec le recul du temps j'ai de l'estime pour Pierre Mauroy avec lequel vous partagez des qualités : s'il n'avait agi de manière responsable en 1983, avec Jacques Delors, la France serait sortie du système monétaire européen, nous n'aurions pas fait le marché unique ni l'euro.

M. David Assouline.  - C'est du passé !

M. Jean-Claude Gaudin.  - J'espère que vous ne serez pas le Premier ministre qui sortira la France de l'euro !

Les réalités sont celles d'une crise terrible. Une course de vitesse est engagée contre le déclin et ses stigmates. Moins que jamais, la situation de la France ne peut se décider à l'intérieur de nos frontières. L'agenda du président de la République ces dernières semaines, courant de sommet en sommet, le montre.

La crise ? Vous avez fait l'impasse dessus pendant la campagne. (Applaudissements à droite) Vous connaissiez pourtant la situation, assez d'experts vous en avaient informé !

Pour Marius et Fanny, « tout le monde était au courant, mais M. Brun, lui, ne le savait pas » écrivait Pagnol. Mais vous n'êtes pas, comme M. Brun, lyonnais, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements et rires à droite)

Ne dites pas que la situation est pire que prévu. L'audit d'hier de la Cour des comptes confirme que les objectifs budgétaires de 2011 ont été atteints, et qu'il faudra un freinage sans précédent des dépenses publiques ! (Applaudissements à droite) C'est la Cour des comptes qui le dit !

Cette réalité, vous la connaissez. Mais vous avez préféré proposer des dépenses nouvelles. Que n'avez-vous voté la règle d'or : elle vous serait bien utile aujourd'hui pour résister à vos alliés politiques et syndicaux !

Vous n'avez pas attendu un nouvel audit pour remettre en cause par décret la courageuse réforme des retraites, votée par le Parlement : c'est une erreur, une faute.

M. Yves Daudigny.  - C'est la justice !

M. Jean-Claude Gaudin.  - N'insultez pas l'intelligence en disant que les plans sociaux de la rentrée sont le fait du précédent gouvernement ! (« Si ! » à gauche) Tout dépend désormais de vous.

L'accord obtenu lors du Conseil européen est l'aboutissement d'un long chemin, entamé bien avant vous ! « Le vent de la croissance commence à souffler sur les steppes de l'austérité » a dit l'un des amis de M. Hollande au lendemain du 6 mai. (Rires à droite) Il faudra d'autres talents au ministre du redressement productif pour réussir. Il faudra faire autre chose que stigmatiser le gouvernement britannique qui se dit prêt à dérouler le tapis rouge aux investisseurs français !

Monsieur le Premier ministre, vous êtes au pied du mur. Votre victoire vous oblige. La crise vous contraint, mais votre programme vous condamne. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - Sans réforme structurelle, il vous condamne à un revirement brutal et douloureux : ce sont les Français qui paieront, plus encore qu'en 1983. Pas seulement les riches et les classes moyennes : tous les Français. Votre programme, c'est votre boulet. Votre seule solution : ne pas l'appliquer. Ce que vous serez obligés de faire dans quelques mois !

D'ailleurs, confrontés au principe de réalité, vous avez changé d'avis : le doublement du plafond du Livret A et la fiscalité sur les carburants abandonnés ; en revanche, réduction du nombre des fonctionnaires, et... des économies escomptées dans vos lettres de cadrage. Mais nous ne vous le reprocherons pas !

Il faut choisir entre redressement et relâchement. Il y a trop de flou dans vos annonces. Et quand il y a du flou, il y a un loup, nous a rappelé Mme Aubry ! (Applaudissements et rires à droite)

Vous savez que l'appel de Mme Merkel à éviter les solutions de facilité et de médiocrité est le seul qui vaille.

L'attitude du Gouvernement à l'égard de l'Allemagne est difficilement acceptable. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Et le patriotisme ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - Le couple franco-allemand doit rester fort, comme il l'a été depuis le général de Gaulle et Konrad Adenauer.

Le choc fiscal que vous annoncez affaiblira le secteur productif, détruira des centaines de milliers d'emplois... (Exclamations bruyantes à gauche)

Abandonnez les marqueurs idéologiques, à commencer par la stupide taxation à 75 %. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Les pauvres !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Avec cette annonce vous avez réussi à réduire le score du Front de gauche ! N'en faites pas davantage. Assez d'idéologie ! Le droit de vote aux étrangers ? (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et Zidane ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - L'enjeu de l'emploi dépasse l'annonce de 150 000 emplois d'avenir. On ne refera pas deux fois aux collectivités locales le coup des emplois jeunes de M. Jospin. L'enjeu de l'éducation dépasse l'annonce aussitôt démentie du retour à la semaine de cinq jours.

L'enjeu de la sécurité et de la justice est à l'opposé des mesures annoncées qui traduisent une vision naïve de la délinquance et le retour du laxisme comme la suppression des tribunaux correctionnels pour ces mineurs manieurs de kalachnikov. (Vives exclamations à gauche) et je n'oublie pas le récépissé de contrôle d'identité, digne de « Pif gadget » !

La cohésion sociale ? Elle sera desservie par votre projet de vote des étrangers.

Vous n'allez que nourrir le populisme et le nationalisme. (Applaudissements à droite ; vives exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Ils sont où, les populaires ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - Le président normal ! Commençons par une fiscalité normale. C'est comme ça que nous aurons une croissance normale, une Europe normale ! (Rires à droite)

Rien ne vous sera facile. Il vous faudra convaincre vos amis du Front de gauche et vos amis écologistes. Au passage, nous regrettons l'absence de vote au Sénat. Ça se serait joué peut - être à six voix... Ça commence mal : les sénateurs de l'UMP ne vous voteront pas la confiance, bien entendu ! (Les sénateurs de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement en félicitant l'orateur)

M. Jean-Vincent Placé .  - J'apprécie la faconde et l'humour du président Gaudin, mais je suis très fier et heureux que nous ayons enfin tourné la page de ce quinquennat de brutalité et de discrimination à l'égard des pauvres, des étrangers, des musulmans... (Exclamations à droite). Un quinquennat qui s'est conclu ouvertement à l'extrême-droite. (Plusieurs sénateurs UMP quittent l'hémicycle) Nous nous sommes libérés de cette violence insoutenable parce que nous écologistes et socialistes, nous sommes alliés avec responsabilité pour les législatives et la présidentielle, comme nous avions fait basculer à gauche la majorité d'un Sénat promis à un conservatisme éternel.

Pour nous écologistes, il est primordial de donner une vision lucide de l'avenir.

Mme Fabienne Keller.  - Nous, nous voulons un vote !

M. Jean-Vincent Placé.  - François Hollande n'a pas cherché à dissimuler les difficultés, les efforts qu'il faudra entreprendre : augmentation des recettes fiscales et stabilisation des dépenses. Nous voulons réhabiliter l'assiette de l'impôt, grevée de niches, rétablir l'équilibre entre revenus du travail et du capital.

Nos concitoyens sont prêts à des efforts, mais ceux - ci ne doivent pas être vains. « Rien ne sera possible sans la croissance », dites-vous. Nous vivons la raréfaction des ressources et l'augmentation des prix. Les chiffres de la croissance le montrent clairement : 5,7 % dans les années 1960, 3,7 % dans les années 1970, 2,4 % dans les années 1980, 2 % dans les années 1990 et 1,1 % dans les années 2000. Et encore ! Une part de cette croissance moribonde était alimentée par la dette.

Le temps est venu de passer à la transition écologique. Le prix des matières premières s'envolent, le productivisme, le cycle de consommation s'emballent jusqu'à l'absurde, déréglant le climat. On ne peut fonder un modèle économique et social sur le seul -hypothétique- retour de la croissance.

M. Alain Gournac.  - Apôtre de la décroissance !

M. Jean-Vincent Placé.  - L'aide au secteur automobile ? 60 % du parc français marche au diesel, que l'on sait cancérogène ! C'est l'OMS qui le dit ! Le besoin de pétrole ? Il suppose des forages comme en Guyane, au détriment de la biodiversité. À Vénissieux, un site automobile s'est reconverti avec succès dans la fabrication de panneaux photovoltaïques. Les choix économiques, sociaux et écologiques sont liés. C'est pourquoi nous souhaitons que les associations environnementales soient associées au sommet social de juillet.

Nous avons sur certains sujets des visions différentes.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Cela ne nous a pas échappé !

M. Jean-Vincent Placé.  - Le surgénérateur, l'aéroport de Notre-Dame des Landes, par exemple. (Exclamations à droite)

Le précédent gouvernement n'avait que mépris pour l'environnement, « qui commence à bien faire ». Vous, vous parlez transition énergétique, économie verte. Nous croyons à un dialogue constructif au sein de notre majorité et du Gouvernement. Mme Bricq avait notre confiance. (Exclamations à droite) Nul doute qu'il en ira de même avec Mme Batho.

Sur le rôle du Parlement, le non-cumul, nous vous suivons.

Un nouvel acte de décentralisation sera l'occasion de rapprocher les Français des institutions. Alors que l'idéologie d'extrême-droite progresse, il faut faire des choix. Notre responsabilité d'écologistes est de peser sur les décisions politiques. Nous sommes convaincus que notre place est au gouvernement, avec Mme Duflot et M. Canfin, ...et au Parlement avec un groupe autonome, libre de sa parole et de ses votes, dans chaque assemblée. C'est le défi que nous devons relever. Cela se fera, bien sûr, avec vigilance et exigence. Mais s'il fallait résumer le sentiment des sénatrices et des sénateurs Verts, je n'utiliserais qu'un mot, un des plus beaux mots de la langue française, celui de confiance ! (Applaudissements sur les bancs Verts et sur quelques bancs socialistes)

M. Philippe Adnot .  - M. Placé a réussi à vider l'hémicycle par son intervention, j'en suis désolé...

M. Jean-Vincent Placé.  - Qu'ils reviennent !

M. Philippe Adnot.  - Les élections sont terminées, vous les avez gagnées ; bravo !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Merci.

M. Philippe Adnot.  - Je vous souhaite de réussir car les Français ne supporteraient pas un nouvel échec. Le temps de l'inventaire viendra, y compris à droite où nous ne pourrons pas toujours nous abriter derrière l'excuse de la crise. Pas de rebond sans un examen lucide des erreurs commises par trop de prudence ou des réformes inutiles. À gauche, le bilan viendra rapidement et il ne sera pas toujours possible de se retourner contre ses prédécesseurs.

La vérité est que, à droite comme à gauche, personne n'a vu que la France vivait au-dessus de ses moyens. Le coût de fonctionnement de la société française tue la compétitivité de nos entreprises. Notre modèle social, dont nous sommes fiers, n'est équilibré que par des emprunts supplémentaires. Nous ne sommes pas assez attentifs à la qualité de la dépense publique ; nous nous attachons à des critères de déficit qui ne veulent rien dire. Être endetté si l'on a construit sa maison, ce n'est pas grave ; être endetté pour couvrir des déficits de fonctionnement, c'est grave.

L'industrie automobile avait demandé la suppression de la taxe professionnelle faute de quoi elle serait contrainte de délocaliser. La taxe professionnelle a été supprimée, ce qui génère 5 milliards d'emprunts supplémentaires. Que dit aujourd'hui l'industrie automobile ?

Monsieur le Premier ministre, nous regarderons vos propositions sans a priori. Nous voterons en toute liberté d'esprit les mesures qui iront dans le bon sens ; nous combattrons les autres. Gare à l'excès de normes environnementales, qui peut freiner la croissance et aggraver la situation.

Les collectivités territoriales sont prêtes à faires des efforts mais ne leur imposez pas chaque jour de nouvelles obligations.

Gare aussi aux contradictions. Ce matin, M. Migaud nous explique qu'un des leviers possibles pour réduire la dépense publique serait de ne pas relever le point d'indice des fonctionnaires. Et voici que vous signez un décret le relevant -pour un coût de 600 millions.

Des parlementaires complaisants ? Cela ne vous servirait à rien : nous entendons jouer tout notre rôle. En attendant, je vous souhaite bon courage ! (Applaudissements sur certains bancs à droite)

M. François Zocchetto .  - « Le changement, c'est maintenant ! » En effet, la nouvelle majorité affiche désormais sa désunion. Surtout, vous avez refusé de solliciter un vote du Sénat -pour la première fois depuis 1958, s'agissant d'un gouvernement qui y dispose de la majorité. Nous mesurons le courage de M. Rocard qui avait demandé un tel vote à un Sénat de droite. Monsieur le Premier ministre, vous pouvez encore, dans le cadre de l'article 50-1 de la Constitution, demander un vote.

Votre plus grande opposition viendra de la réalité des choses. Première victime expiatoire de la confrontation avec la réalité, notre estimée collègue Mme Bricq, coupable de lèse-concessions pétrolières.

Deuxième victime, les Français les plus pauvres : un simple coup de pouce au Smic et loin du grand soir attendu, une modification à la marge de la réforme des retraites, en catimini, par décret.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Comme ça, pas d'étude d'impact !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Ce décret, nous l'attaquerons !

M. François Zocchetto.  - Vous n'aurez pas les moyens de votre politique. Plus de 75 milliards de déficit commercial, un chômage frôlant les 10 %, une dette publique de près de 90 % du PIB, un État qui vit à crédit à partir du mois d'août, tout cela, vous ne le découvrez pas.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La faute à qui ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - C'est le bilan du sarkozysme !

M. François Zocchetto.  - Vous êtes pour la croissance, contre les délocalisations ? Nous aussi ! Vous êtes pour la décentralisation, contre la pauvreté ? Nous aussi ! (On fait écho à droite) Vous êtes contre les dictatures, pour la démocratie ? Nous aussi !

Une déclaration de principes ne fait pas une déclaration de politique générale. Vous êtes coincés entre la réalité des choses et l'épouvantail de la rigueur, si bien que vous risquez d'en rester au statu quo, celui-là même que vous prétendez combattre.

Les résultats du Conseil européen du 28 et du 29 juin nous satisfont : oui, le fédéralisme européen sera la solution. Cela dit, vous avez refusé de signer la règle d'or, quand le redressement des comptes publics est un impératif pour le retour à la croissance. « Mettre en scène la concertation et ne pas trancher » : c'est ainsi qu'un grand journal du soir qualifie votre méthode. Il faudra bien trancher.

Ce programme de la session extraordinaire a étonné bien des sénateurs. Vous détricotez ce qu'a fait le gouvernement précédent, vous chargez les PME et les travailleurs...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les travailleurs ! Curieux, ce mot dans sa bouche !

M. François Zocchetto.  - Que voulez-vous concrètement pour la prochaine échéance publique de 2014 ? Que voulez-vous quand vous parlez de nouvelle étape dans la décentralisation ? Nous avons besoin de le savoir. Les finances locales, au moment où des pans entiers de notre territoire risquent l'effondrement économique, ne supporteront pas un nouveau coup.

Le Sénat a été le laboratoire du changement ; nous craignons que la France ne soit désormais le théâtre de vos renoncements. Si vous aviez osé demander au Sénat sa confiance par un vote, nous ne vous aurions pas donné le nôtre ! (Applaudissements nourris au centre et à droite)

M. François Rebsamen .  - Monsieur le Premier ministre, c'est un honneur de vous accueillir au Sénat après le vote de confiance que vous a donné très largement la nouvelle Assemblée nationale. C'est un signe de confiance que vous donnez ainsi au Sénat. (Applaudissements à gauche)

C'est une marque de la méthode du nouveau gouvernement. M. Gaudin a masqué, avec humour et habileté, le désastreux bilan de cinq ans de sarkozysme. Il faudra vous y faire : nous avons gagné le 6 mai.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On s'y fait !

M. François Rebsamen.  - Ce sera la fin de l'argent roi, de la finance insolente et inconséquente.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Mais oui ! Tout cela va changer !

M. François Rebsamen.  - Ce sera la fin de la France aux deux visages, ce sera la fin des injustices.

Elles sont aussi les nôtres, les valeurs qui guident vos choix politiques comme elles avaient guidé les engagements du président de la République : justice, exemplarité de l'État, respect des institutions, des corps intermédiaires, des citoyens quelles que soient leurs origines, leurs religions, leurs opinions.

Ceux-là mêmes qui agitent le chiffon rouge de la « rigueur » ont soutenu une politique irresponsable d'aggravation des déficits : 600 milliards d'euros en cinq ans. Ni « tournant de la rigueur », ni « tour de vis fiscal », la mise en oeuvre des engagements de François Hollande, sur la base d'une évaluation de la croissance plus réaliste que les hypothèses sur lesquelles était construit le dernier budget. Une gestion stricte et exigeante est une impérieuse obligation qui résulte du bilan de cinq ans de sarkozysme amplifié par la crise. Oui, il faut savoir dire aux Français « l'âpre vérité », selon le mot de Danton.

Un déficit global qui devrait atteindre 4,5 % en 2012, 3 millions de chômeurs, 750 000 emplois détruits, 2 milliards de dépenses non financées : voilà l'héritage que la droite nous laisse. Montesquieu avait raison...

M. Jean-Claude Gaudin.  - C'était un libéral !

M. François Rebsamen.  - « Le plus grand mal que fait un gouvernement n'est pas de ruiner son peuple, il y en a un autre mille fois plus dangereux : c'est le mauvais exemple qu'il donne ». Le gouvernement précédent, en cinq ans, aura fait les deux. Durant toute la campagne, François Hollande a tenu un langage de vérité, de sincérité, de transparence (Exclamations ironiques à droite) Eh oui, cela change !

Un matraquage fiscal ? Non, c'est du rattrapage fiscal que de supprimer le bouclier fiscal, rétablir le barème supérieur de l'ISF, créer une tranche de 45 % dans l'impôt sur le revenu pour les revenus supérieurs à 150 000 euros, imposer les revenus du capital au même niveau que les revenus du travail, taxer les banques, les compagnies pétrolières, les dividendes des entreprises de plus de 20 salariés. Avec l'augmentation du forfait social et la suppression d'une partie des exonérations des heures supplémentaires, ces mesures représentent près de 8 milliards d'euros.

Ces efforts ne sont acceptables qu'étayés par l'ambition de redresser le pays pour redonner l'espoir, l'envie d'apprendre et de créer. Cette ambition elle est au coeur du programme que vous nous avez présenté, monsieur le Premier ministre, avec le redressement productif, le redressement éducatif et les indispensables réformes structurelles.

Et d'abord s'attaquer au chômage, et, pour cela, redonner à Pôle emploi, privé de 1 800 postes sous le quinquennat précédent, les moyens d'agir, avec l'embauche de 2 000 CDI et le redéploiement de 2 000 postes. Ensuite, agir avec les régions, qui ont la compétence de la formation, au lieu d'agir contre elles, et agir avec les agglomérations, qui connaissent mieux que quiconque, les besoins de leurs bassins d'emploi. Et puis, maintenir les contrats aidés, créer 150 000 emplois d'avenir, premier pas vers l'insertion professionnelle, agir pour les jeunes et les seniors avec la mise en place du contrat de génération. (Applaudissements à gauche)

Ensuite, il faudra accompagner notre formidable potentiel de PME en lui donnant les moyens d'accéder au crédit. De là, la création de la banque d'investissement.

L'éducation a été la grande oubliée du quinquennat précédent. Pour nous, ce sera la priorité des priorités. Nous créons 60 000 postes dans l'éducation nationale, 1 000 dès la rentrée prochaine. Hier des sénateurs de droite ont ironisé quand cette annonce était faite. Pourtant, ils en bénéficieront dans leurs départements ! Faut-il que je rappelle le traitement réservé à la proposition de loi Cartron sur l'école dès 3 ans ? Le gouvernement Fillon a refusé que l'on en discute même !

Les élus locaux ont été les grands mal aimés du dernier quinquennat. Ils étaient oubliés, méprisés. C'est une des causes de la défaite de la droite lors des dernières élections sénatoriales. Le président Bel a renoué le dialogue avec les élus. La création d'un Haut conseil aux territoires, auquel sera associé étroitement le Sénat, est un enjeu d'importance : on agit mieux dans la proximité, et plus vite. Vous le savez pour avoir dirigé avec brio la grande et belle ville de Nantes et assuré sa modernisation. Pour les Français, les élus locaux sont souvent les meilleurs remparts contre les aléas de la vie, voire les seuls.

La majorité sénatoriale a déjà supprimé le conseiller territorial. L'heure est venue d'ouvrir un grand chantier, celui de la mutation de la vie politique locale : statut des élus, cumul des mandats, etc. Les travaux de M. Krattinger et de M. Sueur constituent une base solide pour rebâtir un pacte de confiance avec les élus locaux.

Le logement est une préoccupation majeure des Français. Comme toujours, le précédent gouvernement avait agi hâtivement, et mal, avec la hausse de 30 % des droits à bâtir. Le groupe socialiste du Sénat a déposé une proposition de loi pour l'abroger. Le Gouvernement, lui, proposera un projet de loi pour mettre à disposition des collectivités territoriales des terrains vacants appartenant à l'État. Bel exemple de coopération entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'attends de voir...

M. François Rebsamen.  - La belle loi SRU ? La droite n'en voulait pas car elle était portée par un ministre communiste. Eh bien, ce Gouvernement multipliera par cinq les sanctions contre les collectivités qui s'y dérobent. (Vifs applaudissements à gauche)

Les Français sont prêts à accepter des évolutions de notre société comme le mariage homosexuel ou l'accompagnement des fins de vie. Ce Gouvernement va bien sûr instaurer l'égalité entre hommes et femmes, réprimer le harcèlement sexuel. (M. Gournac le conteste)

Le droit de vote des étrangers ? La droite est contre, sauf quand c'est M. Sarkozy qui le propose... Que de revirements ! Pourquoi refuser l'intégration de populations qui paient des impôts et contribuent à la richesse de notre pays ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les Français sont contre !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Organisez donc un référendum.

M. François Rebsamen.  - Cette question a été utilisée comme un épouvantail.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Cela fait bien votre affaire !

M. François Rebsamen.  - Nous instaurerons donc une citoyenneté de résidence.

Mme Esther Benbassa.  - Bravo !

M. François Rebsamen. La sécurité est une priorité car les plus démunis sont les premières victimes de l'insécurité. Je ne doute pas que ce Gouvernement mènera une politique de sécurité juste et efficace.

Il lui appartiendra aussi de répondre aux attentes du monde culturel. Les Nantais savent combien y est sensible celui qui fut leur maire et à qui ils doivent la « Folle journée » et le « voyage à Nantes ». Il saura apaiser notre démocratie en plafonnant les hauts salaires, rasséréner les magistrats, tant stigmatisés ces dernières années. Dialogue social, reconnaissance du rôle des corps intermédiaires, cette politique tourne résolument le dos au quinquennat précédent. Sans oublier l'Europe. Le pacte de croissance a été signé : 1 % du RIB européen sera désormais consacré à l'investissement...

M. Henri de Raincourt.  - Et la règle d'or ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est le flou !

M. François Rebsamen.  - Nous ne la mettons pas. Le pacte de croissance, avec une intégration politique et financière plus forte, est une victoire des démocrates européens sur les conservatismes. (Exclamations à droite) Nul doute, monsieur le Premier ministre, que votre germanophilie resserrera le couple franco-allemand.

Les Français sont lucides, ils sont inquiets...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ils peuvent !

M. François Rebsamen.  - Monsieur le Premier ministre, votre politique est claire, les Français peuvent être rassurés. (Exclamations à droite) Vous pouvez compter sur le soutien plein et entier des sénateurs socialistes ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - J'ai écouté avec beaucoup d'attention les sept orateurs des groupes politiques de votre assemblée. Je respecte la diversité des opinions, celle de l'opposition et, à l'intérieur de la majorité, les nuances exprimées, et je veux le dialogue.

Merci à M. Rebsamen pour la chaleur de son soutien. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Il a bien expliqué les premières mesures prises par le Gouvernement.

Mme Borvo a parlé franchement. Elle souhaite la réussite du gouvernement, auquel son parti n'a pas souhaité participer. Je vous l'avais proposé mais vous souhaitiez un infléchissement par rapport aux engagements sur lesquels a été élu le président de la République. Ç'aurait été revenir sur la parole donnée aux Français. Non, il n'y a pas de renoncements. Nous savions la difficile situation de la France, nous en avons tenu compte pour bâtir les 60 propositions. Je le dis à M. Gaudin et à M. Zocchetto ainsi qu'à M. Adnot, qui a été plus mesuré : notre programme reposait sur une hypothèse de croissance de 0,5 %, quand le gouvernement précédent tablait sur 0,7 %. Nous avons fait des choix lucides et rigoureux -le mot « rigueur » ne me fait pas peur- face à la situation. Nous avons limité les dépenses nouvelles pour 2012. Dans le budget, en fait de dépenses nouvelles, il n'y en a qu'une : des postes d'enseignants pour la rentrée.

M. Didier Guillaume.  - Ça, c'est sérieux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Pour le reste, Pôle emploi, l'allocation de rentrée scolaire, la retraite à 60 ans, tout est financé, les comptes publics ne sont pas dégradés. Il y a des recettes nouvelles, mais la différence, c'est que vous aviez prévu d'augmenter la TVA, 11 milliards pris dans la poche des classes moyennes et populaires. Nous, nous n'en voulons pas ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le stop and go, ça va !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Nous sommes majoritaires dans les régions, les départements, les grandes villes, dites - vous. Nous n'allons pas nous excuser d'avoir reçu la confiance des Français ! (Applaudissements à gauche) En revanche, cette confiance nous oblige. Nous aurons des comptes à rendre devant nos concitoyens.

Nous devons agir pour redresser la France dans la justice. Pour cela nous faisons des choix courageux. Les prélèvements sur les ménages ? Oui, mais les plus fortunés. L'ISF, 1 % des contribuables, voilà la justice ! Les heures supplémentaires ? Les cotisations patronales ? Les entreprises de moins de vingt salariés sont préservées. Et pour l'impôt sur les sociétés, dans la grande réforme fiscale de 2013, nous ne mettrons pas les PME au même niveau que les entreprises du CAC 40 ! Voilà qui est cohérent et juste ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et Verts)

La relation franco-allemande ? Nous y sommes profondément attachés. À preuve le premier déplacement de François Hollande, le jour même de la passation de pouvoirs, a été Berlin -non pas un voyage à Canossa. Si nous voulons sortir de l'ornière, nous devons avoir avec notre partenaire allemand une relation de franchise, rééquilibrée. (M. Jean-Louis Carrère : « Très bien ! »)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Lisez les journaux allemands !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Nous avons discuté avec nos partenaires européens, sinon comment aurions-nous obtenu des résultats lors du dernier Conseil européen ? Nous avons aussi parlé croissance au sein du G8 et du G20. Tous les pays regardaient l'Europe, les lignes ont bougé parce que le peuple français a décidé que les choses devaient changer. Et elles vont continuer à changer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La mise en péril de l'euro, monsieur Gaudin ? Votre discours s'adressait sans doute à un autre mouvement politique, celui auquel votre formation a fait tant de clins d'oeil ! (Protestations à droite)

M. Jean-Claude Gaudin.  - C'est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Vous réclamez la règle d'or à cor et à cri, mais vous ne l'avez pas appliquée. Nous n'en avons pas besoin.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Redresser les comptes publics en 2017, voilà notre engagement. Il vaut toutes les règles d'or !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Le niveau de notre dette est-il tenable ? Bien sûr que non. Nous ferons un effort sur les dépenses, tout en soutenant les priorités du quinquennat -à effectifs constants dans la fonction publique ! C'est inédit ! (Applaudissements à gauche)

Oui à la transition énergétique, monsieur Placé ; j'espère qu'une partie des 120 milliards y sera consacrée. Nous ne voulons pas l'austérité, qui est l'appauvrissement des classes populaires et moyennes, la baisse des salaires et des pensions, l'affaiblissement des services publics, le délitement de la cohésion nationale. Voyez ce qui se passe en Grèce ! (Applaudissements à gauche)

La réforme des collectivités territoriales ? J'ai dit que je voulais associer le Sénat.

M. Zocchetto s'indigne qu'il n'y ait pas de vote aujourd'hui. Mais il n'y a pas de règle en la matière. M. Fillon avait demandé la confiance à l'Assemblée nationale après une déclaration de politique étrangère, pas au Sénat de droite...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Il n'y avait pas eu alors plus qu'aujourd'hui marque de mépris à l'égard du Sénat.

Le vote de confiance de l'Assemblée nationale, comme les encouragements de la majorité sénatoriale, sont pour moi le levier du courage, de la confiance et de la réussite pour notre pays ! (Mmes et MM. les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissent longuement)