Débat sur l'orientation des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur l'orientation des finances publiques.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - C'est la première fois que je m'exprime à la tribune de cette prestigieuse institution qu'est le Sénat et j'ai une pensée pour mes grands-parents, humbles paysans et ouvriers bretons ; il me plaît de les faire revivre en cet instant.

Avec cette déclaration, le Gouvernement vous expose les grandes lignes de sa stratégie de redressement des comptes. Le Premier ministre l'a répété : le Gouvernement entend associer le Parlement à ce chantier crucial. Nous veillerons à ce que chacun joue son rôle, dans le dialogue, l'écoute et la pédagogie.

Le pays doit faire face à un triple déficit : de croissance, de crédibilité, de confiance. Le déficit de croissance et de compétitivité trouve sa source dans les politiques d'austérité, sans mesures de croissance, mises en oeuvre concomitamment dans tous les pays, ce qui produit un jeu à somme nulle, sans augmentation de la compétitivité. Ce déficit de croissance tient aussi à la faiblesse de la consommation des ménages et à la perte de nos parts de marché à l'exportation, en recul de 5 % depuis cinq ans. Déficit de crédibilité enfin : la dette publique a augmenté de 600 milliards d'euros depuis 2007, le déficit dépasse les 100 milliards d'euros. Le service de la dette, 50 milliards par an, est notre premier poste budgétaire.

La crise n'explique pas tout. Les comptes de l'Allemagne ont été proches de l'équilibre en 2011. Nous devons, avec la loi de finances rectificative, corriger la trajectoire, car le déficit spontané pour 2012 dérive vers les 5 %. L'instabilité, la confusion des objectifs ont sapé la confiance dans l'action publique tandis que les politiques fiscales injustes ont entamé la cohésion sociale. Il faut changer de cap, c'est le sens du vote des Français.

Notre stratégie passe par une action résolue en faveur de la croissance et de la solidarité, au niveau européen comme au niveau national. Le sommet des 28 et 29 juin, grâce notamment aux efforts de la France et du président de la République, a replacé la croissance au coeur de la construction européenne. Les 27 ont décidé d'un pacte ambitieux doté de 120 milliards d'euros, soit 1 % du PIB européen et de la mise en place de supervisions intégrées, pour mieux contrôler le secteur financier et limiter l'impact des crises ; ils ont tracé la feuille de route d'une intégration solidaire.

Des mesures justes ont été prises au niveau national -abrogation de la TVA sociale, augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, coup de pouce au Smic, retraite à 60 ans pour certaines catégories, contrats aidés supplémentaires- entièrement financées par des hausses de recettes ou des économies.

Les dépenses incompressibles -logement et santé- devront peser moins dans les budgets individuels. Nous mobiliserons la fiscalité et la finance pour financer l'économie réelle et rétablir des capacités de financement importantes pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Création d'une banque publique d'investissement, réforme du système bancaire, de l'épargne réglementée et de la fiscalité de l'épargne contribueront à notre objectif. Nous réformerons également le crédit impôt recherche (CIR), ferons évoluer l'impôt sur les sociétés, prendrons des initiatives pour soutenir notre commerce extérieur. La fiscalité sera rendue plus lisible et plus efficace, elle favorisera les entreprises qui investissent au détriment de celles qui délocalisent. Etre juste, c'est aussi reconnaître l'apport des investisseurs et des entrepreneurs.

Le Gouvernement mettra en oeuvre en deux temps la réforme sur la fiscalité : d'abord la loi de finances rectificative de l'été 2012, puis le projet de loi de finances pour 2013, qui ramènera le déficit à trois points de PIB. Ces objectifs sont ambitieux. Nous les assumons pour respecter nos engagements européens, restaurer la confiance et rester souverains. Nous ferons du budget un instrument au service de la croissance et de la préservation de notre modèle social.

M. François Marc, rapporteur général.  - Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué.  - La marche est haute. Il nous faut opérer des choix structurels qui ont fait défaut jusqu'alors. Le chemin qui sera le nôtre ne sera pas celui du précédent gouvernement. Nous répartirons les efforts tout en dégageant des capacités financières pour nos priorités : c'est cela, le redressement dans la justice. Ces efforts seront justement répartis entre recettes et dépenses, entre secteur privé et secteur public et au sein de ce dernier, entre ménages et entreprises. Les ménages les plus aisés et les grandes entreprises contribueront le plus.

L'effort portera de manière équilibrée sur la dépense et la recette. Le Gouvernement maîtrisera la dépense publique en prenant appui sur des normes strictes. À partir de 2014, le taux de prélèvements obligatoires sera stable, leur hausse étant concentrée sur 2012 et 2013. Les dépenses de l'État hors dette et pensions seront stabilisées en valeur, comme les concours aux collectivités territoriales avec lesquelles un pacte de confiance et de solidarité sera conclu. Les dépenses sociales seront maîtrisées, avec un Ondam à 2,7 % en 2013. Ce projet sera rendu possible par un programme de refondation et de modernisation de la dépense publique, transparent, loin des coupes sombres de la RGPP. Cette stratégie sera déclinée dans la loi de programmation présentée à l'automne.

Nous retenons des hypothèses de croissance prudentes : 0,5 % en 2012, 1,2 % en 2013, 2 % de 2014 à 2017. Prudence et pragmatisme conditionnent en effet la crédibilité. La République exemplaire, c'est aussi cela. Quant à la concertation, elle est l'antidote aux réformes jetables et sans lendemain, aux lois mal conçues et mal appliquées. C'est le sens de la grande conférence sociale de la semaine dernière. Par pragmatisme, nous mettrons un frein à une RGPP aveugle. Le Parlement sera pleinement associé à une politique cohérente, sérieuse et ambitieuse : j'espère que nous saurons convaincre la majorité et faire réfléchir l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - « 2013-2017, une trajectoire équilibrée pour les comptes publics », tel est le titre du rapport de la commission des finances. Il illustre la démarche du Gouvernement, qui propose, conformément aux engagements de François Hollande, d'équilibrer les comptes d'ici 2017 en partageant de façon équilibrée l'effort entre dépenses et recettes.

Nous avons 90 milliards d'euros à effacer entre 2013 et 2017. Si la croissance nous en procure 10, nous pourrons nous estimer heureux... Pour le reste, il faudra prendre des mesures discrétionnaires : 40 milliards en dépenses, 40 milliards en recettes...

Nous y arriverons en freinant l'augmentation spontanée des dépenses. L'effort portera plus sur l'État que sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale. Elles devront être compensées par des économies nouvelles.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - J'appelle ainsi l'opposition à la patience. (On ironise à droite) Il faudra évaluer les besoins en fonction des missions. C'est en septembre seulement que les ministères présenteront leurs propositions.

M. Philippe Dallier.  - Septembre... Le changement, ça n'est plus « maintenant »...

M. François Marc, rapporteur général de lla commission des finances.  - S'agissant des recettes, les 40 milliards seront trouvés en augmentant les prélèvements obligatoires tout en modifiant leur structure dans un souci de justice. En 2013, il nous faudra avoir ramené le déficit à 3 % ; à défaut, nous serions sanctionnés et perdrions notre crédibilité. Car cet objectif a désormais un poids politique. Le Gouvernement concentrera en 2013 les trois quarts des hausses de prélèvements obligatoires, avec une trentaine de mesures. C'est la bonne stratégie, car le multiplicateur de la dépense est supérieur à celui des recettes et trop comprimer les dépenses serait dangereux...

Le Gouvernement a présenté la maquette du projet de loi de finances, qui évolue peu -mais le périmètre des missions reflète de moins en moins celui des politiques publiques, davantage celui des attributions des différents ministères. Ce n'est guère lolfien...

Nous sommes loin de la stratégie d'équilibriste du précédent gouvernement, dont la trajectoire de retour à l'équilibre était à 80 % fondée sur la maîtrise des dépenses. Celle de ce Gouvernement est équilibrée et réaliste.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est de l'autopromotion ! Attendons de voir !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Où sont vos économies ? Je ne vois que des nouvelles dépenses.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les gouvernements Fillon ont augmenté les prélèvements obligatoires de 40 milliards entre 2010 et 2012, alors ne nous faites pas de procès en matraquage fiscal ! (Protestations à droite) Ils ont ouvert les vannes budgétaires, puis privilégié une rhétorique de l'austérité au détriment de la croissance. François Hollande a réussi, quant à lui, à imposer la croissance dans le débat européen... (Exclamations à droite)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Dans le débat, peut-être, mais ce n'est qu'un beau discours !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - ...ce qui équilibre les règles budgétaires -celles-ci peuvent dès lors être acceptées. Ce qui compte, c'est le respect des engagements, pas les mécanismes juridiques pour y parvenir ! La règle d'or allemande est d'ailleurs fort sommaire.

Le président de la République a raison de refuser l'inscription de cette règle dans la Constitution.

Il ne faut pas accorder plus de place qu'il ne mérite au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), sur lequel le Conseil constitutionnel tranchera. (M. Philippe Dallier s'exclame) Le dispositif actuellement en vigueur en Europe est déjà contraignant !

Les nouvelles règles du pacte de stabilité et de croissance nous imposent de réduire le déficit structurel de 0,5 point de PIB par an jusqu'à l'équilibre structurel. À compter de 2017, il faudra réduire de 20 % par an notre excédent de dette au-delà des 60 %.

Entre 2012 et 2013, nous devons réduire le déficit effectif de 1,5 point, davantage pour notre déficit structurel. Mais après 2013, ce sera 0,5 point par an, trois fois moins. À l'avenir, les États qui sortiront des clous devront se soumettre aux nouvelles règles : l'effort pour la France sera moindre après 2013, mais les contraintes que la Commission et le Conseil pourront imposer aux États seront fortes. Il faudra analyser toutes les conséquences de ces évolutions, jusqu'à la dernière semaine de septembre, où nous serons convoqués en session extraordinaire pour ratifier le traité.

La monnaie unique souffre d'un défaut de gouvernance économique. L'harmonisation des règles budgétaires est souhaitable dans son principe dès lors qu'elle s'inscrit dans une stratégie de croissance dans la zone euro. Nous verrons ce qu'en dira le groupe de travail de M. Van Rompuy. Mais sans union budgétaire, nous n'arriverons pas à mutualiser les dettes souveraines via les eurobonds. (M. Philippe Dallier s'exclame) Il faudra pour cela dégager une majorité au Conseil comme au Parlement européen.

Les orientations des finances publiques pour la législature à venir ne sont pas seulement des chiffres. De leur respect dépendront la place et l'influence de la France en Europe. C'est pourquoi il est précieux que la France ait aujourd'hui un gouvernement réaliste et crédible ! (Applaudissements à gauche)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Le retour à l'équilibre des comptes s'impose à la sécurité sociale comme à l'État. Financer les prestations sociales d'aujourd'hui par la dette, c'est reporter la charge sur les générations futures et hypothéquer le niveau de leur protection sociale, ce qui est moralement et financièrement insupportable.

M. Francis Delattre.  - Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Si 2011 a vu une légère amélioration du solde du régime général, 2012 se présente sous des perspectives dégradées par rapport aux prévisions : avec une croissance à l'arrêt, les recettes fléchissent. Le déficit resterait au niveau de 2011, soit 20 milliards d'euros. La crise a fait exploser le déficit du régime général : 28 milliards en 2010. Mais elle n'explique pas tout. Elle a aggravé un déficit structurel persistant de 10 milliards par an, qui n'a pas été traité lorsque le contexte économique s'y prêtait. Selon M. Migaud, la France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel.

Le précédent gouvernement a accumulé les réajustements ponctuels au gré des urgences, au détriment d'un financement plus solide à moyen terme. La dette sociale a gonflé -celle de la branche vieillesse est en partie transférée à la Cades- mais les déficits des branches famille et maladie restent à financer. Sans parler de la branche ATMP, sur laquelle Mme Deroche et M. Godefroy viennent de publier un rapport éclairant.

Les projections de la Cour des comptes aboutissent à des résultats bien différents de ceux présentés lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La branche vieillesse n'arriverait pas à résorber un déficit de l'ordre de 10 milliards par an : nous sommes loin du retour à l'équilibre en 2018 annoncé lors de la réforme des retraites ! Nous avions pourtant alerté sur les risques de déséquilibre.

Selon la Cour, il faudrait entre six et douze ans, selon le niveau de l'Ondam, pour équilibrer les comptes de l'assurance maladie. Sans mesures correctrices, le déficit cumulé pourrait atteindre 150 milliards en 2020.

Face à cette situation, le Gouvernement, sans attendre le PLFSS, a déjà annoncé des décisions visant à préserver notre protection sociale tout en résorbant le déficit. La TVA sociale, injuste, sera abrogée mais une hausse de 2 points du prélèvement social sur les revenus du capital permettra de financer la majoration de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire et de réduire de 2,2 milliards le déficit de la branche vieillesse. Le relèvement des cotisations de 0,5 point d'ici 2016 garantit le financement du retour à la retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans, tout en dégageant des ressources nouvelles. Cet effort sera équitablement réparti. Il vise des revenus jusqu'ici peu sollicités pour le financement de notre protection sociale.

Ce premier pas devra être prolongé. La situation des comptes sociaux est en effet inédite. Les nouvelles orientations témoignent d'une volonté résolue de résorber les déficits. Les niches sociales seront réformées. Lors de la dernière décennie, le financement de la sécurité sociale est en effet devenu plus complexe et plus instable. Le président de la République a saisi le Haut conseil de financement de la protection sociale pour une éventuelle diversification des recettes, dans la perspective d'une concertation avec les partenaires sociaux puis d'une réforme législative en 2013. Les objectifs sont clairs : niveau global de ressources en accord avec les besoins des régimes sociaux, équité entre les différents revenus, maîtrise des dépenses. La branche vieillesse présente les perspectives les plus dégradées, les mesures de financement annoncées lui seront affectées, elles couvriront la moitié des besoins de financement à moyen terme, mais ne résorberont pas le déficit en totalité. Il faudra définir des paramètres justes et équitables.

Pour l'assurance maladie, il faudra agir sur les ressorts de la dépense. Outre la diminution du prix des médicaments, il faudra des réformes structurelles. Un consensus se fait jour autour du renforcement de la pertinence et de l'efficience des parcours de soins. L'organisation d'un parcours de santé sera l'axe des efforts à mener, qui implique une forte mobilisation de tous les acteurs. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Bocquet .  - On sent dans ce débat une certaine forme d'inquiétude du lendemain... Depuis dix ans, les textes s'attaquant aux services publics, au droit au logement, au droit à l'éducation, se sont multipliés. Lente mais sûre dérive des comptes publics... Depuis dix ans, on nous a maintes fois promis le cercle vertueux progrès, croissance, et emploi. Restent les chiffres. La dette s'élève à 1 717 milliards -717 en 2002 ; elle est détenue majoritairement par des non-résidents et la part des bons du Trésor à court terme a doublé en dix ans. Dix années de libéralisme se traduisent par 600 milliards de dette supplémentaire. Et puisqu'il s'est trouvé un ministre des finances il y a dix ans pour créer, par une indexation sur l'inflation, une échelle mobile de la rente, des obligations comme des bons du Trésor assurent une véritable rente à leurs porteurs.

Les déficits ne trouvent pas leur source dans un développement inconsidéré de la dépense publique mais dans le faible dynamisme des recettes. Et pour cause... Niches fiscales, allégements de l'imposition du patrimoine, suppression de la taxe professionnelle : les aberrations fiscales n'ont pas manqué ces dernières années, au bénéfice toujours des ménages aisés et des grands groupes dont la bonne volonté devaient apporter croissance et progrès social. Et je ne parle pas de cette ineptie qu'a été la réforme de la taxe professionnelle. L'abus des dispositifs d'optimisation fiscale, le symbolique bouclier fiscal appelaient pourtant à changer de méthode... Non seulement l'État s'est endetté, mais de surcroît, il ne l'a pas fait à bon escient. Il fut un temps où la France avançait sur la route du progrès : les Trente glorieuses ; quand le pays s'endettait, il investissait dans les télécommunications, les écoles, les centrales électriques ; c'était un levier du développement économique. Quant l'État s'endette pour faire des chèques à Mme Bettencourt, pour la famille Peugeot, pour Renault qui investit à l'étranger ou pour Charles Doux qui a englouti des millions au Brésil, c'est de la mauvaise dette !

En dix ans, on a ouvert en grand la trappe à bas salaires ; et les Français partent de moins en moins en vacances et pour moins longtemps... On a ouvert en grand le marché du financement des PME ; il a suffi d'un mauvais air du temps, en 2009-2010, pour que le nombre de liquidations d'entreprises augmente, faute accès au crédit. Alors qu'il n'y a jamais eu autant d'argent dans le pays ! Où sont passés les 100 milliards d'euros collectés sur le livret A depuis sa banalisation et qui ne sont pas centralisés à la CDC ? Le magazine Capital -qui n'est pas une revue marxiste, malgré son nom- a estimé en mai que les ménages les plus aisés avaient été chouchoutés...

Il faudrait que nous respections nos engagements européens ? Tout est dans la justice des mesures prises. Les fonctionnaires devraient accepter le gel du point d'indice et la poursuite de la RGPP, au vu des baisses de salaires que subissent leurs homologues espagnols ou italiens. Travailler plus pour gagner moins : voilà le leitmotiv des Monti, Rajoy, Samaras et Merkel ! Mais les anciens de Goldman Sachs sont aujourd'hui aux manettes, en Italie ou en Grèce... L'Institut Bruegel, lancé par Mario Monti, est à la pointe de la réflexion libérale et promeut flexibilité du travail, baisse des coûts et de la dépense publique, conditionnalité des aides...

Il faut avoir le courage d'appliquer la rigueur la plus extrême à ceux qui ont profité, le courage de revenir sur ce qui n'a pas marché, n'a pas relancé l'activité, n'a pas créé d'emplois. Rigueur et courage, c'est la meilleure démonstration du principe même de la loi : celui de l'intérêt général. Il faut avoir le courage de revenir sur le CIR, sur la défiscalisation des heures supplémentaires, d'évaluer les politiques d'allégement du prétendu « coût du travail ». Rien que le concept est le signe d'un renoncement : on capitule avant d'avoir combattu. Ce « coût du travail » n'est pas si élevé que cela.

La part des salaires, cotisations sociales comprises, est aujourd'hui plus faible qu'elle ne l'était en 1970 !

Entendons-nous sur les mots : le coût du travail, c'est le salaire net, et il n'est pas très élevé -la hausse du Smic n'y change rien ! Le reste est du salaire socialisé, celui qui permet au malade de se soigner, au chômeur de disposer d'une allocation compensant un peu la perte de son emploi, au retraité de jouir d'une pension, à la famille nombreuse de se loger à moindres frais. La rigueur n'a rien à voir avec le courage mais avec le renforcement des inégalités. Et les autres coûts, frais financiers par exemple, dividendes, gaspillages divers ? Il faut revoir tout ce qui a été fait depuis dix ans, c'est cela le courage. « C'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». Vous avez reconnu les mots de Jean Jaurès dans son Discours à la jeunesse de 1903.

Il reste de nombreuses Bastille à prendre, celles de l'argent, du mépris et de l'ignorance. Le changement, c'est urgent ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Michel Baylet .  - La Cour des comptes le 2 juillet qualifie la situation des finances publiques de préoccupante. Il faut plus que se préoccuper, s'alarmer ! Redressons les comptes de la Nation, après l'incohérence et même l'inconscience des choix fiscaux de l'ancienne législature, qui nous laisse un très lourd héritage. La réduction du déficit en 2011 est une vaste illusion, correspondant à des éléments conjoncturels. Et la crise n'explique pas tout, la Cour des comptes l'a dit.

La dégradation du solde structurel en quatre ans, entre 2006 et 2010, a été telle que le nouveau gouvernement a une tâche lourde à mener. C'est à nous, parlementaires de la majorité, d'être à la hauteur des attentes, pour plus de justice et de développement économique.

La justice fiscale est un principe fondamental auquel les Radicaux et tout le RDSE sont attachés. La pression fiscale s'est accrue sur les ménages modestes mais allégée sur les plus aisés. Ce souci est présent dans les mesures du collectif, premier signal fort adressé aux Français, aux marchés, aux investisseurs étrangers. Les efforts seront importants mais équitablement répartis, le Gouvernement revenant par exemple sur l'injuste réforme de l'ISF, malvenue en pleine crise.

Le collectif comporte plusieurs autres mesures de rééquilibrage fiscal, avec 7,2 milliards d'euros de recettes supplémentaires en 2012. En 2013, l'effort sera encore plus important mais, pour plus d'équité, le Gouvernement lance une réforme de l'impôt sur le revenu, avec deux tranches nouvelles. Il faudrait, avec plus d'ambition, créer un grand impôt sur le revenu progressif, issu de la fusion de l'actuel impôt sur le revenu, de la CSG et d'une large part des cotisations sociales des salariés. Une telle réforme est non seulement souhaitable mais possible.

Réduire les niches fiscales, oui, même supprimer celles qui n'ont aucune efficacité, comme l'exonération des charges pour les heures supplémentaires. Luttons contre l'optimisation fiscale qui profite aux plus grandes entreprises. Le Conseil des prélèvements obligatoires a révélé l'écart de taux réel de contribution dans son rapport 2010. L'exonération des plus-values à long terme -la niche Copé- et d'autres sont coûteuses et injustes.

J'en viens à la priorité qui doit être accordée à la relance de la croissance et de l'emploi. Quelques initiatives se dessinent. Les contrats de génération et les 150 000 emplois d'avenir sont bienvenus, tout comme l'accroissement du pouvoir d'achat. La BPI remettra la finance au service de l'économie réelle, c'est bien. Reste à relancer la compétitivité ainsi que la croissance potentielle, qui repose sur la qualité de l'éducation et de la recherche.

Le formidable élan engagé lors du dernier sommet européen doit être prolongé. Le pacte de croissance et de stabilité de 120 milliards d'euros était inimaginable il y a six mois. Pour sortir de la crise, nous avons besoin de politiques communes, d'union financière, de gouvernance commune : un renforcement de l'intégration européenne, faisant toute sa place aux parlements nationaux, est indispensable. Cette intégration est à portée de main et la coopération renforcée qui se met en place pour la taxe sur les transactions financières en est le premier pas. La supervision intégrée des banques est en route.

Je me réjouis de voir faire leur chemin à d'autres idées que les radicaux de gauche ont été les premiers, et longtemps les seuls, à défendre, comme la mise en oeuvre d'un véritable gouvernement économique européen ou l'émission d'euro-obligations.

C'est ainsi qu'une nouvelle Europe parlera d'égal à égal avec les États-Unis, la Chine, l'Inde. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge .  - Vous faites le choix d'augmenter de 35 milliards d'euros les impôts en 2012 et 2013, renvoyant aux années ultérieures les efforts sur la dépense. Vous faites le pari du retour à la croissance mais vous bridez par l'impôt cette croissance. (M. Yannick Botrel s'exclame) M. Gallois estime ainsi que pour renforcer la compétitivité, il faut un allègement de charges de 50 milliards d'euros.

Vous avez confirmé la création de 65 000 postes, 60 000 dans l'éducation nationale, 5 000 dans la santé, la sécurité et la justice. Vous annoncez maintenir le pouvoir d'achat, tout en garantissant la stabilité des effectifs et de la masse salariale. Si l'on tient compte du glissement vieillesse technicité, il y a de quoi s'inquiéter. Où créerez-vous des postes... et surtout, où en supprimerez-vous ? Il faut le dire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Bonne question !

M. Dominique de Legge.  - Sur les collectivités locales et l'État, le Premier ministre a parlé de doublons, aussitôt démenti par l'une de ses ministres, Mme Lebranchu. Nous espérons que la nouvelle vague de décentralisation ne sera pas l'occasion de transferts de charges non compensées. Vous refusiez à cor et à cri que les collectivités participent à l'effort national quand le précédent gouvernement l'annonçait. Le nouveau Gouvernement ne dit pas autre chose !

Quant à la RGPP, elle a disparu le 6 mai. Du moins le nom a-t-il été escamoté, mais les objectifs assignés à la RGPP naguère sont, par un copié-collé, exactement ceux assignés aujourd'hui aux ministères, à la virgule près. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le rapporteur général a largement critiqué les mesures du passé, mais peu détaillé les mesures d'avenir. Quittez la logorrhée de la campagne électorale et parlez vrai, regardez la réalité en face ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Jean-Vincent Placé .  - Nous sommes responsables de nos actes et nous ne voulons pas être la génération qui aura reporté sur ses enfants le fardeau de la dette ; Le Premier ministre l'a dit dans sa déclaration de politique générale.

Le service de la dette atteint 50 milliards d'euros, la dette de la France a doublé sous le précédent gouvernement, tandis que les impôts des plus riches étaient réduits.

L'impôt n'est pas une spoliation, il n'y a pas lieu d'en protéger les plus riches par un bouclier. La réussite de chaque individu n'est pas séparable de l'éducation, des services publics dont il a bénéficié. Il est normal qu'il contribue au financement des missions d'intérêt général.

Les mesures inscrites dans le collectif commencent à renouer avec la justice fiscale, bousculée ces dernières années.

La marge est plus ténue pour la gestion des dépenses. La RGPP aveugle...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Horrible, même ! Horrible RGPP ! (Sourires)

M. Jean-Vincent Placé.  - ...a eu des effets ravageurs. Elle est remplacée par des réductions du nombre de postes réfléchies. Pourrions-nous avoir plus de précisions sur la méthode ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Bonne question.

M. Jean-Vincent Placé.  - Quel sera le calendrier des suppressions de postes ? Comment supprimer les doublons avec les collectivités locales ? Gardons-nous de nous approcher de l'exemple offert par des pays ravagés par trop d'austérité. L'objectif est de sortir de la crise, pas d'infliger au malade des remèdes susceptibles de le tuer.

La crise que nous traversons est une crise financière et de l'endettement incontrôlé ; des mesures fiscales sont attendues. Mais la crise est également écologique. L'activité productrice non régulée finit par remettre en cause un fragile équilibre écologique. Il nous faut une croissance durable, qui devra composer avec la raréfaction des énergies fossiles. La transition écologique doit être engagée, notamment par des mesures fiscales. (Applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Comme vous, je souhaite le succès du Gouvernement ; comme vous, je veux revenir à l'équilibre des finances publiques. Mais nous différons sur les moyens. Certes, il y a eu des erreurs par manque de courage, la majorité d'hier a refusé le triptyque : suppression de l'ISF, suppression du bouclier fiscal et création d'une nouvelle tranche d'imposition sur le revenu. J'ai soutenu les mesures auxquelles je croyais, mais si j'avais économiquement raison, j'avais politiquement tort, m'a-t-on dit, et je n'ai pas été suivi.

La seule politique qui s'impose, c'est la rigueur. Or, si votre prévision de croissance pour 2012 est correcte, celle pour 2013 et 2014 est imprudente au regard des prévisions en Chine, en Europe et ailleurs.

M. Serge Dassault.  - C'est vrai !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Supprimez l'ISF, cet impôt ringard ! Ne demandez pas d'effort supplémentaire aux entreprises amaigries mais plutôt à l'État joufflu et boursouflé, comme le font les Italiens. Et l'opposition vous suivra !

Nos partenaires se sont réclamés de l'exemple français pour se dédouaner d'efforts. Selon M. Sartorius, que vous devez considérer comme incontestable puisque vous l'avez nommé, l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne atteint 38 % !

Contre la Commission qui attend notre retour à 3 % de déficit, contre la Cour des comptes, vous prenez un mauvais chemin ; pourquoi taxer l'épargne salariale (approbations à droite), relever la CSG qui frappe tout le monde, supprimer la TVA anti-délocalisation ?

Notre pays, en termes de compétitivité, est à la traîne. Imaginez l'effet de nouvelles taxes sur les investisseurs étrangers ! Quel symbole outrancier que ce taux de 75 %, alors que nous connaissons le remède, cette TVA compétitivité qui, adoptée trop tard, sera supprimée avant de voir le jour. Rendre aux Français les plus modestes 13 milliards, qui allaient leur être confisqués, dit Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Pas du tout ! Inspirez-vous du modèle des Danois et des Allemands qui, eux, ont su faire des efforts. Le mot d'ordre doit être l'allégement des charges. Les 35 heures, mesure la plus dramatique, ont eu des conséquences ravageuses, hélas, le précédent gouvernement n'a pas eu le courage de les supprimer, alors qu'elles minent notre économie. Croyez-vous que Toyota se serait implantée à Valenciennes avec les 35 heures ? (On renchérit à droite)

Par vos mesures, vous donnez l'impression de vouloir pénaliser le talent, la réussite, et ce moteur de l'économie que sont les PME. « On considère le chef d'entreprise comme un homme à abattre ou comme une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire la charrue », disait Winston Churchill. Nos jeunes partent pour l'étranger et ne reviennent pas. Nous attendons avec intérêt les résultats de la mission confiée à M. Louis Gallois, homme d'entreprise et grand serviteur de l'État.

Un chameau peut supporter de très lourdes charges -jusqu'au moment où il ne se relève pas. Souvenons-nous de la phrase de Mendès-France à propos de notre pays : « Travaillons ensemble à lui rendre la foi, les forces, la vigueur qui assureront son redressement et sa rénovation. Soyez assuré qu'une fois guéri, loin de vous reprocher votre rigueur et votre courage, il vous sera reconnaissant de l'avoir éclairé et de lui avoir montré le chemin de son salut ».

Monsieur le Ministre, nous serions prêts à vous suivre sur cette voie. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance, suspendue à 19 h 20 à la demande du Gouvernement, est reprise à 19 h 25.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

Mme Michèle André .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je souscris pleinement à l'analyse du ministre et partage son propos sévère. Les temps qui viennent seront exigeants, le rapporteur général a exposé clairement les enjeux à venir.

La mauvaise anticipation et la piètre gestion de la crise par le précédent gouvernement, nous n'en sommes pas responsables ! Nous voilà avec un double héritage : chômage et dette, avec une croissance économique faible ou nulle -les pronostics du FMI ne nous rassurent pas.

Nous avons perdu la confiance de nos partenaires européens en brisant l'engagement du respect des règles européennes. Le président de la République l'a fait brutalement...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Profitez-en, du précédent président de la République. Il vous sert beaucoup !

Mme Michèle André.  - Vous avez bien profité des 35 heures, de l'héritage de François Mitterrand, de celui de Léon Blum avec les congés payés. Pourquoi pas aussi de Charlemagne qui a osé inventer l'école !

C'est avec l'Europe et dans l'Europe que nous devons régler le problème de la dette et de la croissance et c'est le Gouvernement et le Parlement qui doivent donner l'impulsion nécessaire au redressement de la France dans l'Europe et le monde. Tout cet hiver, notre rapporteure générale Mme Bricq nous a indiqué la voie à suivre.

Un ministre avait jugé désagréable que le Sénat se mette à faire de la politique !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Où va-t-on !

Mme Michèle André.  - Ce débat, nous l'avons déjà abordé. Mais il faudra de la concertation, avec les administrations. Chaque ministère devra faire des efforts, dites-vous : les ministres devront parler avec leur administration.

Je ne reviens pas sur les dégâts causés par la RGPP : justice, hôpital, préfectures... La majorité des fonctionnaires sont de catégorie C ; ils ont de petits salaires, ils ont fait des efforts pour s'adapter aux nouvelles tâches. Chaque ministre devrait aussi travailler avec les rapporteurs spéciaux du Parlement sur nos propositions. La qualité de nos rapports est un atout !

Il faudra rétablir la confiance avec ces collectivités. Ce n'est pas un mot creux : elles ont souffert d'être traitées en variable d'ajustement et non en partenaires. Il faut non les convoquer mais les inviter à travailler autrement, à produire du sens.

Il faut travailler avec les entreprises. Vous nous présentez comme leur ennemi, c'est tout le contraire !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les PME ont été massacrées.

Mme Michèle André.  - Le gouvernement Fillon avait augmenté les impôts en fin de mandature, dans un sursaut de lucidité. Le groupe socialiste s'associe aux orientations du Gouvernement, qui sont claires, justes, prudentes, sincères.

Comme a dit Jaurès, « le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ». Le Gouvernement présente une feuille de route courageuse. Comptez sur le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Maurice Vincent .  - Ce débat permet de faire le point sur l'effort de redressement à accomplir. L'estimation de croissance retenue est modeste... Je me félicite de votre volonté de justice sociale, de votre volonté de favoriser la croissance.

Un dossier majeur sera celui de la banque Dexia et du financement des collectivités territoriales à court et moyen terme. Dexia qui a joué un rôle essentiel dans le financement des collectivités territoriales avait une solide réputation.

C'était la garantie d'un accès à un crédit stable et peu coûteux, dans une logique de service public. Devenu un groupe multinational, Dexia a développé entre 2002 et 2008 un modèle très risqué, sans que le régulateur intervienne. Il intégrait un véritable hedge fund de 220 milliards d'euros. Malgré leur piètre bilan, le président et ses collaborateurs ont bénéficié de retraites chapeau -symboliquement, il faut tenter de récupérer ces 15 millions d'euros.

La nouvelle direction a engagé un « démantèlement raisonné » de la banque, pour éviter un risque systémique. Elle a réduit l'exposition au risque du groupe, clarifié les relations avec les filiales.

Restent 250 milliards dans son portefeuille. Quel est le niveau de risque aujourd'hui, sachant que l'État a engagé sa garantie ?

La France a déjà perdu 3 milliards d'euros, un pour le budget de l'État, deux pour la CDC. Depuis 2008, le groupe a perdu 12 milliards. Les pertes potentielles sont importantes. Les risques sont concentrés sur l'Espagne et l'Italie. Est-il possible de se dégager de cette exposition ?

En 2011, nous avons délibéré dans l'urgence pour déterminer les garanties d'État offertes par la France. D'ici 2014, le besoin est estimé entre 70 et 90 milliards d'euros. Les intérêts perçus sont faibles. Le risque potentiel, à l'horizon 2014, serait de 25 à 34 milliards d'euros, si les garanties devaient être appelées.

Je salue la démarche de transparence engagée par M. Marc et M. Frécon pour obtenir de la Cour des comptes un recensement des engagements hors bilan de l'État.

Le démantèlement organisé de Dexia pose le problème du financement des collectivités territoriales. Il faut des réponses d'urgence au problème d'accès au crédit des collectivités territoriales, et à celui des emprunts toxiques contractés. Je ne reviens pas sur le rôle économique de l'investissement local. Or, le crédit bancaire se resserre... Le crédit est rare, les marges bancaires atteignent des sommets. Les besoins de financement sont évalués à 20 milliards. Les banques traditionnelles devaient en couvrir 10 milliards, mais où trouver le reliquat ? Le retrait de 1,6 milliard de crédit revolving n'a rien arrangé et le relais par La Banque postale et la CDC reste en suspens en attendant l'accord de la Commission.

La situation est tout sauf rassurante. La décision du Gouvernement de porter à 5 milliards le montant de prêts de la CDC est bienvenue, mais cela ne suffira pas.

Fin 2011, j'avais demandé un inventaire des emprunts toxiques des collectivités territoriales. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale les a évalués à 19 milliards d'euros, dont 10 milliards auprès de Dexia. Le coût de sortie serait de 15 milliards, étalés sur les dix prochaines années. L'État doit mettre en place un système mutualisé, consolidé, de sortie de crise avec les collectivités territoriales et les banques responsables. Rien ne serait pire que de laisser la situation pourrir.

Il faut reconstruire un système de financement fiable des collectivités territoriales, à coût modéré. La catastrophe vient de la croyance aveugle en la dérégulation à outrance. Il est urgent de compenser la disparition de Dexia : la complexité du schéma La Banque postale-CDC m'inquiète. Cette nouvelle entité sera-t-elle en mesure de prêter 4 milliards d'euros en 2013 ? Aura-t-elle les compétences, les réseaux, pour assurer une présence territoriale comparable à celle de l'ancien Crédit local de France ? Assumons le retour à une logique de service public.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

M. Maurice Vincent.  - Enfin, je soutiens le projet de création d'agence de financement porté par les associations d'élus. Elle serait un acteur parmi d'autres, un élément modérateur des marges bancaires. Il n'y aura pas de croissance renouvelée sans collectivités territoriales dynamiques pour investir. Pour cela, il leur faut un financement fiable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Francis Delattre .  - Le discours de politique générale du Premier ministre cache mal le malaise d'un Gouvernement aux prises avec la réalité après ses engagements électoraux. Il faut réduire le déficit : cela fait consensus. Pour ce faire, il faut soit réduire les dépenses, soit taxer massivement. M. Moscovici veut taxer à 75 % les très hauts revenus, pour maintenir une fiction de lutte des classes. C'est idéologique et stupide. Votre rigueur serait plus juste que celle de vos prédécesseurs ? Curieuse conception de la justice sociale... Est-il juste de supprimer pour 9 millions de salariés l'exonération de charges sur 500 euros d'heures supplémentaires ?

Mme Christiane Demontès.  - Trois millions de chômeurs !

Mme Marie-France Beaufils.  - Combien d'emplois avez-vous supprimés avec cette mesure ?

M. Francis Delattre.  - Avec votre argument du partage du travail vous en revenez à la cataclysmique loi sur les 35 heures.

Aucune entreprise n'a créé des emplois grâce aux 35 heures, loi dite de partage du travail mais qui a signé la perte de la compétitivité française.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Pourquoi pas les congés payés de 1936 !

M. Francis Delattre.  - Les 35 heures ont supprimé des emplois.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Pourquoi ne pas les avoir supprimées ?

M. Francis Delattre.  - Ce fut une erreur !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Ce ne fut pas la seule.

M. Francis Delattre.  - Les heures supplémentaires, c'est une flexibilité indispensable pour les entreprises dont les carnets de commande fluctuent.

M. Guy Fischer.  - Et les suppressions massives d'emplois ?

M. Francis Delattre.  - Le travail ne se partage pas, il ne se décrète pas, il se crée !

M. Jean-Vincent Placé.  - Un million de chômeurs en plus ! Nous voulons des excuses, pas des leçons !

M. Francis Delattre.  - Loin de favoriser l'investissement de la recherche...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous l'avez tuée, la recherche !

M. Francis Delattre.  - ... vous avez contribué au recul de la production industrielle dans le PIB : 17 % en 2002, 13 % aujourd'hui !

M. Jean-Vincent Placé.  - Un réquisitoire contre Sarkozy !

M. Francis Delattre.  - Le vrai patriotisme, c'est de réduire ces handicaps, pas de les aggraver avec un nouveau choc fiscal. Nous avions créé le crédit impôt-recherche.

Mme Christiane Demontès.  - Qui en a profité ?

M. Francis Delattre.  - Personne ne nie qu'il faut trouver 7 milliards d'euros pour ramener le déficit à 4,5 % en 2012. La prévision de croissance de 1,4 % du gouvernement précédent était aussi celle du projet de M. Hollande ! Tout le monde peut se tromper ....

Mais le choix de l'impôt est irresponsable.

Mme Marie-France Beaufils.  - Qui a supporté les efforts pendant dix ans ?

M. Francis Delattre.  - Le problème, c'est la qualité de la dépense publique. La comparaison avec l'Allemagne est édifiante.

La dépense publique peut être réduite par des mesures constructives.

Certes, il est plus difficile de couper dans les dépenses que d'en annoncer de nouvelles au 20 heures. Les Français vont régler la facture : sans doute sont-ils plus riches qu'ils ne pensent !

Après les nouveaux pauvres, en 1984/85 avec MM. Fabius et Bérégovoy, vous inventez les nouveaux riches !

M. Guy Fischer.  - Quel mépris ! C'est le mépris de la droite...

M. Francis Delattre.  - Je n'ai aucune leçon à recevoir du Front de gauche, de l'extrême gauche ou de la gauche. C'est nous qui avons réparé vos ravages en créant le RSA ! Après vos gesticulations d'aujourd'hui, bientôt la droite républicaine et le centre seront rappelés pour jeter les fondations d'une économie compétitive.

M. Guy Fischer.  - Quinze millions de pauvres !

M. Francis Delattre.  - La trajectoire de hausse des impôts nous portera bientôt à 46,5 % de prélèvements obligatoires : un niveau inédit en temps de paix ! La diminution de l'abattement sur les petites successions -100 000 euros seulement !- montre bien qui sera frappé. Idem pour les donations-partages. Le forfait social sur l'épargne passera de 8 à 20 % ! Mais il est vrai que la belle idée gaulliste de participation des salariés ne fait pas partie de votre vision de la société ! Où est la justice ?

La taxation des importations de pays à faible coût ne relève pas d'une injustice mais d'une posture politique. La Chine représente 15 % de la production de produits manufacturés. Ces économies déferlantes, submergentes, ne nous voient pas comme des partenaires mais comme des champs d'expansion !

Le relèvement de la TVA sera indispensable pour les futurs budgets, la Cour des comptes le dit aussi.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous y viendrez !

M. Francis Delattre.  - Notre perte de compétitivité se traduira par une hausse du chômage.

Mme Annie David.  - PSA n'a pas attendu !

M. Francis Delattre.  - Quel est le camp de ce gouvernement ? Les acteurs dont vous avez le plus besoin attendent vos décisions : ce sont les entreprises qui ne vivent pas dans le monde des bisounours, mais vous semblez l'oublier. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment et on va vous aider à en sortir.

Les Français attendent de connaître vos choix. Comme a dit Galbraith, la politique, c'est choisir entre le désastreux et le désagréable. Si vous ne faites rien, vous aurez les deux !

Nous sommes dans la crise.

M. Guy Fischer.  - Qui nous y a mis ?

M. Francis Delattre.  - Vous aggravez le désordre en refusant d'inscrire la règle d'or dans la Constitution. Cette inconstance n'est pas rassurante. La saisine du Conseil constitutionnel apportera toute garantie sur la discipline budgétaire. Nous nous y engageons.

La réalité de notre économie exigerait un accord global des grandes familles politiques pour son redressement -comme en Allemagne il y a quinze ans ! La bulle de la dette enfle et menace notre modèle social. Depuis six ans, l'actif net de l'État français est négatif : la vente de tous nos actifs ne couvrirait pas la dette publique. Le Premier ministre l'avait dit : « Je suis à la tête d'un pays en faillite ». La situation exige l'union nationale, la mobilisation nationale.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Est-ce pour cela qu'à la fin vous avez augmenté les impôts ?

M. Francis Delattre.  - Ce n'est pas pour demain, mais pour après-demain, après cette alternance que les français n'ont pas vraiment désirée, car vos vieilles recettes sont déjà largement périmées. (Applaudissements à droite)

M. Roland du Luart .  - La France est au pied du mur. Les choix budgétaires nous engagent. Nous respectons le choix des Français et je souhaite que vous réussissiez, mais nous restons vigilants. Les premières semaines montrent qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Les mesures les plus emblématiques sont repoussées : ainsi du doublement du Livret A qui s'apparente à une niche fiscale. D'autres sont déjà abandonnées : les eurobonds, la fusion impôt sur le revenu-CSG, le dégrèvement de la CVAE. Sur le fond, ces reculs nous rassurent. La confrontation au réel fait prendre conscience à la majorité que les mesures du projet Hollande seraient contre-productives. La taxation à 75 % ne rapportera pas grand-chose, mais fait déjà fuir les entreprises et leurs cadres. Le coup de pouce au Smic n'est que cosmétique, comme l'a relevé le Front de gauche, mais il n'en est pas moins toxique : il peut fragiliser les TPE aux marges très faibles et augmenter le chômage. En supprimant la TVA compétitivité, vous allez à l'encontre de ce qui peut soutenir la croissance ! En 2009, les prélèvements obligatoires sur le travail représentaient 23 % du PIB contre 20 % dans l'Union européenne. Quand un chef d'entreprise français paie 1 200 euros de charges sociales sur un salaire de 4 000 euros, l'allemand n'en acquitte que 700. Vous allez aussi amputer gravement le pouvoir d'achat des Français en portant à 46,2 % le taux des prélèvements obligatoires en 2013.

Nous ne pouvons accepter un écart de dix points avec l'Allemagne ! D'où l'impérieuse nécessité de réduire les dépenses, comme le fait l'Italie.

Trop d'impôt tue l'impôt, dit-on. C'est ajouter de la crise à la crise, dirait M. Marini. Il est faux de dire que l'effort fiscal ne touchera pas les classes moyennes : la taxation des successions et donations, la suppression de l'exonération des heures supplémentaires, la hausse de la taxation de l'intéressement et de la participation frapperont de plein fouet pour l'un 9 millions de salariés, pour l'autre 12 millions de personnes...

Vous annoncez des recrutements dans la fonction publique en remettant la réduction de la dépense à plus tard. C'est une erreur, car nul ne sait ce que sera la croissance à l'avenir...

Seul le retour de la croissance, de la confiance des ménages, sans matraquage fiscal, et la maîtrise des finances publiques, c'est-à-dire de l'État mais aussi des collectivités locales, permettront de diminuer notre déficit structurel, mais pas par les voies que vous proposez ! (Applaudissements à droite)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - Première chose : si le redressement de la France a été sérieusement engagé sous la précédente législature, nous restons sous surveillance et avec une crédibilité fragile. L'essentiel du chemin est devant nous, rappelle la Cour des comptes.

Le Gouvernement apporte des éléments bienvenus : l'encadrement des taxes sur les opérateurs, l'affirmation du monopole des lois foncières, la volonté du président de la République de faire ratifier le TSCG. Le Conseil constitutionnel aura à se prononcer sur l'éventuelle nécessité d'une modification constitutionnelle. Or le Gouvernement ne peut envisager la ratification d'une loi organique qu'avec la participation très large de toutes les forces politiques !

Au-delà des instruments de gouvernance, il y a aussi des hypothèses, à peu près en ligne avec celles de la précédente législature. Le taux de croissance potentiel serait de 1,5 % à partir de 2014 : l'équilibre budgétaire ne serait donc pas atteint en 2017 ! Nous n'avons aucune marge de manoeuvre.

Je regrette l'absence d'informations sur les grandes lignes du volet dépenses du projet de loi de finances à venir, ainsi que du détail des plafonds des crédits des missions. Pour le Parlement, ce manque d'informations est regrettable.

Pour respecter la trajectoire du retour à l'équilibre, il faut sans tarder prendre des mesures correctrices de grande ampleur. Nous aurons le débat sur le projet de loi de finances rectificative.

On fait grief au précédent gouvernement de s'être trompé sur les prévisions de recettes de l'impôt sur les sociétés. L'exercice est difficile : prudence, car vous pourriez vous retrouver, l'an prochain, dans la même situation !

On met en vis-à-vis les 7,1 milliards de moindres recettes et les 7,2 milliards de recettes nouvelles, en expliquant qu'un chiffre compense l'autre. Les choses sont plus complexes : le premier chiffre recouvre l'ensemble des collectivités publiques, collectivités territoriales comprises, le deuxième ne concerne que l'État et la sécurité sociale. On crée aussi de nouvelles dépenses.

Certaines dépenses ont été décidées ou engagées depuis le 6 mai, qui vont compliquer l'exercice -je songe par exemple à l'augmentation de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire.

La Cour des comptes a recommandé au Gouvernement de s'attacher simultanément à réduire deux déficits, celui des comptes publics et celui de la compétitivité. L'organisation du marché du travail, le devenir de la fiscalité, notamment indirecte, font l'objet de réflexions au niveau communautaire et chez nos principaux partenaires, que le Gouvernement semble prendre à rebours...

En 2013, la marche sera haute, très haute : 35 à 40 milliards d'euros, un peu plus d'un point et demi de PIB. C'est considérable. Que demandera-t-on au prélèvement et que demandera-t-on à l'appareil public, c'est-à-dire à la dépense ?

Sur les recettes, l'effort sera accompli essentiellement, là encore, en 2013, au point que certains d'entre nous on pu parler de « matraquage fiscal »... Quant au détail des économies à réaliser, il est renvoyé à septembre. J'ai entendu dans la déclaration de politique générale du Premier ministre tout un catalogue de mesures : livret d'épargne industrie -qu'il faudra bonifier-, dispositions fiscales en direction des PME, renforcement de Pôle emploi, allocation d'études, 150 000 emplois d'avenir, développement du service civique, système de caution solidaire pour les locataires, grand plan d'isolation thermique, réforme de la dépendance... Tout cela sera à financer. Récemment encore, le 14 juillet, le président de la République a évoqué un plan pour Peugeot, qui devra coûter le moins cher possible au contribuable...

Soit la dépense nouvelle va, par un effet d'éviction, remplacer la dépense ancienne, soit le déficit dérapera, avec des conséquences que personne ici ne veut, défiance des investisseurs, difficultés de financement, entrée dans l'inconnu...

Mais le plus complexe pour la nouvelle majorité, alors que la nouvelle opposition jouera son rôle de vigilance et de critique, sera la fonction publique, ses effectifs, l'arbitrage en faveur des secteurs prioritaires, la contradiction intenable dans laquelle vous vous engagez. Comme la Cour des comptes l'a rappelé, le redressement des comptes exige une stabilisation en valeur de la masse salariale, donc un gel des indices de salaires et même des avancements mais aussi des suppressions d'emplois sans lesquelles vous n'aurez aucune marge de manoeuvre.

Avec cette loi de règlement, nous faisons notre apprentissage de l'opposition ; mais nous n'oublions pas l'intérêt général et la nécessité du redressement. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - M. le rapporteur général Daudigny a dressé un tableau précis et inquiétant : quatre ans de déficits exceptionnellement élevés, une dette sociale qui a doublé, pas de retour prévisible à l'équilibre. Et la crise n'explique pas tout : « la France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel » dit le Premier président de la Cour des comptes.

La crise a accentué des déséquilibres existants, liés au refus systématique de dégager les ressources nécessaires. Le choix du précédent gouvernement aura été, à coups de hausse des forfaits ou de franchises, de faire porter l'effort sur les assurés, en particulier les plus démunis d'entre eux. Les dépassements d'honoraires ont augmenté, je salue la volonté de Mme Touraine d'ouvrir des discussions sur le sujet. La hausse de la TVA devait même financer des allégements de charges patronales ! Voilà qui devait plaire à M. Delattre...

Il est temps de remettre à plat le financement de notre système de protection sociale, sans en revoir les fondements solidaires. Il n'est pas acceptable que les efforts soient si mal répartis. La Cour des comptes et l'IGF disent depuis longtemps que des marges de manoeuvre sont à trouver dans les niches fiscales et sociales...

M. Guy Fischer.  - Au moins 70 milliards d'euros !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - ... coûteuses pour les finances publiques et à l'efficacité contestable. Les exonérations de cotisations ont par exemple atteint 30 milliards d'euros par an, soit 10 % des cotisations.

Le collectif amorce une inflexion avec entre autres l'abrogation de l'exonération Tepa des heures supplémentaires, destructrice d'emplois, l'augmentation du forfait social ou du prélèvement sur les stock-options. Le Sénat avait amendé le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale pour faire cotiser les retraites-chapeau ou les parachutes dorés, et mieux cibler les allégements de charges sur les bas salaires -car certaines entreprises abusent du temps partiel.

Lors de la conférence sociale, le Gouvernement a annoncé de nouveaux dispositifs en faveur de l'emploi de jeunes ; veillons cependant à ne pas recréer des charges pour les finances publiques, pour une efficacité non démontrée. Reste que l'emploi doit être la priorité. Le Gouvernement doit se pencher sur les plans de licenciement qui ont souvent des motivations boursières plus qu'économiques.

L'effort de rééquilibrage du financement de la protection sociale doit être équitablement réparti et ne pas peser sur le pouvoir d'achat des ménages, comme le proposait le précédent gouvernement avec l'augmentation de la TVA.

La CSG porte à 70 % sur les revenus du travail, à 18 % sur les pensions de retraite et indemnisations. Je sais qu'aucune décision n'est arrêtée. Attention cependant à ne pas amputer le pouvoir d'achat des plus modestes. Les revenus du capital, eux, ne contribuent qu'à hauteur de 4 % aux ressources de la sécurité sociale ; le taux de prélèvement qu'ils subissent est de 15,5%, à rapprocher des 50 % qui frappent les salaires.

Le Gouvernement peut compter sur la participation active du groupe CRC à la réflexion, la semaine prochaine et à l'automne. N'a-t-on pas voulu faire croire que notre système de protection sociale était obsolète, pour mieux le démanteler ? Nous lui rendrons sa vigueur. La commission est très attachée à une répartition équitable de son financement. Principe de prudence, principe de concertation, pragmatisme, a dit le ministre : nous y souscrivons ! (Applaudissements à gauche)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Merci à tous d'avoir utilement exploité le rapport de la commission. On a parfois interprété certains chiffres, concernant par exemple l'effort à faire sur les dépenses et les recettes : nous parlons de répartition équilibrée, respectivement 40 milliards d'euros sur les dépenses, 40 milliards sur les recettes sur les cinq ans de la mandature. Matraquage fiscal ? Au cours des trois années passées, le gouvernement précédent a augmenté les prélèvements obligatoires de 40 milliards ! Nous le faisons sur cinq ans.

Utiliser le levier fiscal, oui, mais dans un sens satisfaisant. Le capitalisme exacerbé qui a servi de toile de fond à la politique fiscale de nos prédécesseurs a conduit à imposer les grandes entreprises à 8 %, tandis que les PME « casquaient » ! C'est pour cela que nous voulons réorienter la fiscalité qui pèse sur les entreprises.

Enfin, dois-je rappeler à ceux qui ont défendu pendant dix ans les gouvernements en place que le déficit atteint aujourd'hui 90 milliards d'euros ?

M. Francis Delattre.  - Je n'étais pas là...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - L'effort à produire est considérable, ne dites pas par avance que nos mesures sont inefficaces ! Et améliorons la copie dans le débat parlementaire chaque fois que nécessaire. (Applaudissements à gauche)

M. Benoît Hamon, ministre délégué .  - Je me réjouis du consensus, sur tous ces bancs, sur l'objectif de redressement du pays. C'est en effet une priorité. Je ne doute pas que le président Marini soit sincère lorsqu'il appelle au redressement et se félicite de tout ce qui y contribuera. Le président de la République considère que l'exécutif ne détient pas nécessairement la vérité. Oui, la représentation nationale a vocation à améliorer notre copie !

L'environnement social, budgétaire est particulièrement contraint. Il nous faut combiner réponse à la demande sociale et respect de la trajectoire de réduction du déficit. Nous sommes tenus par nos engagements à l'égard de l'Europe et des Français. Ce que nous reprochions au précédent gouvernement, c'est de ne pas prévoir une stratégie de croissance, contracyclique, en complément des mesures de redressement. La combinaison que nous mettons en place démontrera que le progrès social n'est pas l'ennemi de la compétitivité, et que l'on peut restaurer la compétitivité sans sacrifier notre modèle social.

M. Delattre, avec talent, a évoqué les hausses d'impôt et la taxe de 75 % sur les revenus au-delà de 1 million d'euros. Il a parlé de lutte des classes. Le milliardaire américain Warren Buffett a dit : « la lutte des classes existe bien, c'est la mienne qui l'a gagnée » -pour considérer qu'il était, comme ses pareils, sous-taxé... La justice fiscale, c'est de demander à ceux qui le peuvent le plus de contribuer davantage -ce n'est pas de l'idéologie. Le Haut conseil des prélèvements obligatoires a montré que plus l'entreprise était petite, plus son taux de prélèvement était élevé...

Distinguons aussi entre ceux qui investissent et ceux qui versent des dividendes. Si la crise a réduit les marges des entreprises, elle a aussi affecté le pouvoir d'achat des ménages -mais pas les dividendes !

M. Guy Fischer.  - C'est vrai ! M. Dassault le sait bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué.  - Après la réforme, 88 % des successions resteront exonérées de droits : je ne vois pas là de matraquage des classes moyennes -ou alors nous n'avons pas la même conception de celles-ci. Le forfait social... Lors de la conférence sociale, j'ai animé la table ronde sur les salaires, dans un excellent climat. On sait que l'épargne salariale se substitue parfois au salaire, car les prélèvements obligatoires sont plus faibles sur la première que sur le second : le rééquilibrage est souhaitable, ne serait-ce que pour faire évoluer la stratégie des rémunérations dans les entreprises.

La RGPP, vous le savez bien comme élus locaux, a eu des conséquences néfastes pour l'école, la police et d'autres services publics prioritaires. Et le coût du décrochage scolaire ou de la délinquance est bien plus lourd pour la collectivité que l'économie de quelques postes en Rased ! Le Gouvernement assume ses choix politiques et ses priorités. Comment allons-nous faire ? J'ai en charge la DGCCRF, qui a été meurtrie par la RGPP, alors que la Commission européenne réclame toujours plus de contrôles. Nous travaillons dans tous les ministères à améliorer le service public, à chaque fois que des économies seront possibles, nous les ferons. C'est un travail patient, méticuleux de réorganisation, et j'invite le Parlement à y participer. Il y va de l'intérêt général.

La règle d'or... Elle a été inscrite dans la Constitution espagnole, voyez le résultat : une ligne Maginot qui n'arrête pas les spéculateurs. Les agences de notation jugent un jour la fermeté des gouvernements à maîtriser l'évolution de leurs finances publiques, le lendemain leurs perspectives de croissance.

3 milliards d'euros seront prochainement débloqués à la CDC pour le financement des collectivités locales, qui s'ajouteront aux 2 milliards déjà à disposition. Nous travaillons à une solution de partenariat durable avec la CDC et La Banque postale.

À force d'entendre dire qu'il n'existe qu'une seule politique possible, les électeurs finiront par se dire que leur vote ne sert qu'à une chose : choisir à quels droits ils devront renoncer en premier... La démocratie, ce n'est pas cela. Je reconnais la cohérence des positions de l'opposition. Mais nous ne ferons définitivement pas la même politique qu'elle ! Nous avons le souci simultané de la croissance, de la réduction des déficits et du progrès social. Je vous invite à nous soutenir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le débat est clos.