Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :

« Section XXIII

« Contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires réalisé par les établissements de santé privés à but lucratif

« Art. 235 ter ZG.  -  I  -  Il est institué à la charge des établissements de santé privés à but lucratif, mentionnés à l'article L. 5123-1 du code de la santé publique, une contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires qu'ils ont réalisé en 2011 et 2012.

« Cette contribution est due dès lors que le chiffre d'affaires atteint 500 000 euros et est égal à 2 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.

« II.  -  La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.

« III.  -  Le bénéfice de cette contribution est affecté aux centres de santé présentant d'importantes difficultés financières, inscrits sur une liste nationale établie par les représentants des agences régionales de santé. »

Mme Isabelle Pasquet.  - Les centres de santé des Bouches-du-Rhône, gérés par le Grand conseil de la mutualité, font l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire dont l'aboutissement signifierait un drame sanitaire doublé d'un drame social. Je regrette que Mme Touraine n'ait pas débloqué des fonds, alors qu'elle l'a fait pour des cliniques commerciales.

Cet amendement instaure une contribution fiscale exceptionnelle à la charge des cliniques commerciales, portant sur leur chiffre d'affaires, qui a augmenté de 3,5 %. Le bénéfice de cette taxe irait vers les centres de santé qui présentent des difficultés financières importantes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les cliniques commerciales sont incontournables, et certaines sont en grande difficulté. Il est difficile de mesurer l'effet qu'aurait une telle disposition... Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Je comprends l'objet de votre amendement : le Gouvernement est préoccupé par la situation financière des centres de santé. Je parlerai à Mme Touraine du cas que vous mentionnez.

L'avis du Gouvernement est pourtant défavorable car les cliniques privées, que vous qualifiez de « commerciales », ont besoin d'un équilibre financier. La hausse des prélèvements obligatoires se monte déjà à 7,2 milliards dans le projet de loi de finances, il n'est pas opportun d'en rajouter.

M. Christian Bourquin.  - C'est le chirurgien qui parle !

Mme Isabelle Pasquet.  - J'entends vos arguments. Mais les profits de la Générale de santé, le premier groupe français, sont passés de 24 à 59,4 millions d'euros, grâce à quoi elle a versé d'énormes dividendes à ses actionnaires. Certaines cliniques sont peut-être en difficulté, mais pas toutes, loin de là !

Je maintiens cet amendement car les centres mutualistes vont être en cessation de paiement très prochainement.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un F ainsi rédigé :

« F.  -  Les opérations d'achat réalisés par les centres de santé mentionnés à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ainsi que par leurs organismes gestionnaires pour leur compte. »

II.  -  La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'augmentation de la taxe sur les transactions financières visée à l'article 235 ter ZD du code général des impôts.

Mme Isabelle Pasquet.  - Les centres de santé sont des structures pertinentes et utiles, que les Français sont de plus en plus nombreux à apprécier.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avis défavorable. Cet amendement est contraire à la directive sur la TVA, qui interdit d'appliquer un taux réduit à une catégorie d'acteurs : ce ne peut-être qu'à une catégorie d'opérations.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Même avis. Cet argument est frustrant mais il s'impose.

L'amendement n°3 est retiré.

L'amendement n°83 n'est pas défendu.

Article premier bis

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Dilain.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Le deuxième alinéa du 8° du III de l'article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans ces cas, la livraison à soi-même au taux de 5,5 % peut s'appliquer aux travaux facturés au taux de 7 % en application de l'article 279-0 bis du code général des impôts, sous réserve que ces travaux remplissent les conditions précitées. »

... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il s'agit en fait de réparer une omission afin de maintenir le taux de 5,5 % au titre de l'ensemble des travaux réalisés sur des logements sociaux dès lors que ceux-ci ont été agréés par l'État en 2011 sur la base d'un plan de financement intégrant une TVA à 5,5 %. Le nombre d'opérations concernées est limité puisqu'il s'agit uniquement des opérations agréées avant le 1er janvier 2012 et pour lesquelles les travaux n'avaient pas encore débuté en décembre 2011.

M. le président.  - Sous-amendement n°233 à l'amendement n°19 rectifié de Mme Lienemann, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3 de l'amendement n° 19 rect.

Remplacer les mots :

Dans ces cas

par les mots :

Dans ces deux derniers cas

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le Gouvernement est favorable à cet amendement, dès lors qu'est adopté ce sous-amendement qui en précise bien la portée. Le gage est levé.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Voilà un ministre généreux : 15 millions de dépenses supplémentaires !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avis favorable. La mesure vient d'être chiffrée, son périmètre précisé, ce qui n'avait pas été le cas à l'Assemblée nationale.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Rendons à son auteur la paternité de cet amendement que je n'avais pu accepter à l'Assemblée nationale faute d'en avoir mesuré l'effet : c'est M. Daniel Goldberg qui avait attiré l'attention du Gouvernement sur le problème.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - M. Goldberg avait repris cet amendement de Mme Lienemann ! (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs)

Le sous-amendement n°233 est adopté.

L'amendement n°19 rectifié bis, sous-amendé, est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 16 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.

Mme Marie-France Beaufils.  - Le barème de l'impôt sur le revenu a été gelé en 2011 afin d'augmenter le rendement de l'impôt, sans toucher aux tranches. C'était le moyen qu'avait trouvé la majorité d'alors de faire contribuer le plus de Français possible.

Outre qu'on alourdissait ainsi l'impôt sur le revenu de tous ceux qui l'acquittent, on en augmentait le nombre, ce qui a des conséquences importantes car beaucoup d'avantages sociaux sont liés au fait de n'être pas imposable sur le revenu. Ce gel du barème touche ceux qui n'ont rien à cacher : la fraude fiscale est principalement le fait de contribuables qui échappent au barème.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Le sujet est important. Certains de nos concitoyens non imposables le deviennent et d'autres sautent de tranche, du fait du gel. Le Gouvernement est conscient de la situation et vous proposera sans doute un dispositif dans le projet de loi de finances pour 2013. Retrait ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Vous venez de souligner à juste titre les « effets de bord ». Mais nous ne pouvons accepter votre amendement à ce moment de l'année, quand les opérations de recouvrement sont en cours ; Imaginez la complication !

Le Gouvernement proposera une réforme de l'impôt sur le revenu en loi de finances initiale. Retrait ou rejet.

Mme Marie-France Beaufils.  - J'entends cet engagement. L'ancienne majorité nous laisse bien des scories... (Exclamations à droite) Si vous ne votez pas notre amendement sur la taxe d'habitation, vous, qui avez voté ce gel, et qui êtes souvent des élus locaux, en serez tenus pour responsables !

J'accepte de retirer l'amendement. Le suivant aurait compensé le manque à gagner du fait de la réforme de l'ISF que vous avez votée.

L'amendement n°62 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa du 1 du I de l'article 197, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;

2° Au premier alinéa du 1 du I de l'article 117 quater et au quatrième alinéa du 1 de l'article 187, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;

3° Au premier alinéa du 1°, au 1° bis, au premier alinéa du 6°, au 7°, aux premier et second alinéas du 8° et au premier alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A, au premier alinéa du I de l'article 125 C, le taux : « 24 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;

4° Au 2 de l'article 200 A, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;

5° À la première phrase du premier alinéa du 6 de l'article 200 A du même code, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % ».

6° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 200 B, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».

Mme Marie-France Beaufils.  - Il faut anticiper sur la prochaine réforme fiscale, adresser un signal au monde du travail, de la création, à la jeunesse, en rééquilibrant l'impôt sur le revenu. Il existe 8 millions de pauvres en France. L'amélioration de leur pouvoir d'achat est indispensable au dynamisme économique. Le gel des salaires serait catastrophique. Pour compenser la suppression du gel du barème de l'impôt sur le revenu, qui touchait salariés, retraités, artisans et commerçants, nous proposons de faire contribuer les plus aisés.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Même avis que sur l'amendement précédent : ce chantier s'ouvrira lors du prochain projet de loi de finances.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Merci de vos propos, madame la sénatrice. C'est parce qu'il ne doit pas y avoir de gel des salaires ni des pensions que le Gouvernement est hostile à la TVA sociale, je l'ai dit.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, nous proposerons une réforme globale qui fiscalisera de la même manière les revenus du travail et du capital. Retrait ou rejet.

Mme Marie-France Beaufils.  - Les plus modestes souffriront du gel du barème. Un signe doit leur être adressé : l'impôt doit être rendu plus progressif.

L'amendement n°77 n'est pas adopté.

Article 2

Mme Fabienne Keller.  - Après la suppression de la TVA compétitivité, voici une deuxième promesse de campagne : la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires. Selon François Hollande, les efforts devaient être supportés par les plus privilégiés. Mais cet article amputera les revenus de 9 millions de Français, qui gagnent 1 500 euros, de 450 euros par an, en moyenne. Les cadres ne sont pas concernés. J'ai évoqué hier les cas de Catherine et de Thierry. En voici un autre, qui concerne le secteur routier. Un chauffeur perdra 720 euros par an.

Mme Annie David.  - Il travaille combien d'heures ?

Mme Fabienne Keller.  - À la suite du la loi de finances pour 2013, et de la réforme de l'impôt sur le revenu, le total s'élèvera à 1 000 euros : soit un mois de salaire ! Les salariés ne savaient pas qu'ils étaient des privilégiés !

Le Gouvernement prétend vouloir soutenir l'emploi. Nous revenons 30 ans en arrière (« Oh ! » sur les bancs socialistes), au partage du travail envisagé en 1981. Or les entreprises doivent être en mesure de faire face à une surcharge temporaire de travail, grâce aux heures supplémentaires : la main-d'oeuvre n'est pas interchangeable ! Le principe du « juste à temps » s'impose.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Fabienne Keller.  - Les entreprises ont besoin de flexibilité. Votre mesure est perdant-perdant : pour les salariés, et pour le pouvoir d'embaucher des entreprises.

Mme Annie David.  - Quel est le sens du travail et son lien avec la protection sociale ? Celle-ci a été fondée sur la solidarité. Les députés de l'UMP m'ont rappelé cette phrase de Xavier Bertrand : « Ce n'est pas parce qu'un mensonge est répété 100 fois qu'il devient une vérité ». Vous prétendez défendre les salariés, après avoir créé les franchises médicales, fiscalisé les indemnités d'accidents du travail, augmenté le forfait hospitalier...

Que dire de la TVA ? Onze milliards pris dans les poches des Français !

Or 8,1 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté. Entre 2011 et 2012, les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 6,7 %. Dans le même temps, les riches s'enrichissent encore.

Cet article soumet de nouveau les heures supplémentaires aux cotisations sociales, conformément au pacte social. Il n'empêchera pas la flexibilité. Cette mesure a été impuissante à enrayer les délocalisations, et selon M. Jean-Pierre Gorges, député UMP, aurait supprimé 100 000 emplois ! (Exclamations à droite)

La proposition de loi Warsmann autorise même à moduler le temps de travail sans payer davantage les heures supplémentaires !

Ces exonérations fragilisent enfin la protection sociale. Le groupe CRC votera cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Albéric de Montgolfier.  - M. Jean-Pierre Gorges ne l'entendait pas ainsi. La fin de l'exonération frappera les salariés modestes et les entreprises. Le rapport de la Direction générale des finances publiques le confirme. Le projet de loi de finances rectificative prévoyait initialement une entrée en vigueur le 1er septembre. Il a ensuite été question du 1er août. Qu'en est-il ?

La trente-quatrième promesse de M. Hollande consistait à maintenir intégralement les exonérations pour les PME. Or seule l'exonération sociale est maintenue !

Cette mesure découragera aussi l'embauche du fait du seuil de vingt salariés: je connais des exemples précis. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Joël Bourdin.  - Selon le Gouvernement, en rendant moins attractives les heures supplémentaires, on favoriserait la création d'emplois, et la mesure serait ainsi neutre pour l'ensemble des salariés. Mais il s'agit d'économie, non de physique ! Les variables réagissent ! Les travailleurs, si les heures supplémentaires sont moins bien payées, demanderont moins à en faire et les employeurs en offriront moins. On risque de voir diminuer le nombre d'heures travaillées, avec un effet récessif. Il y aura aussi moins de revenus distribués, donc moins de consommation. Attention ! Vous parlez beaucoup de croissance, mais vous jouez contre elle ! L'UMP ne votera pas cet article.

M. Richard Yung.  - Pour paraphraser Voltaire, je dirai qu'un Huron écoutant ce débat serait perplexe. Nous ne proposons pas de supprimer les heures supplémentaires, mais l'exonération dont elles bénéficient ! Aidez donc le huron à comprendre !

M. Philippe Marini, président de la commission.  - On va le faire !

M. Richard Yung.  - Vous allez sans doute me suivre : l'article 2 vient après l'article premier.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Intéressante observation !

M. Richard Yung.  - Les deux sont cohérents : nous avons une stratégie budgétaire. Foin de l'idéologie. (Exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Sur ce terrain, vous nous battez !

M. Richard Yung.  - Vous pensiez, en défiscalisant les heures supplémentaires, créer du travail. En réalité, le nombre d'heures supplémentaires est resté constant !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il aurait peut-être diminué !

M. Richard Yung.  - Il vaut mieux faire en sorte qu'au lieu d'heures supplémentaires, il y ait des emplois. L'article premier, c'est 8 milliards d'économies, soit 400 euros par foyer. L'article 2, c'est 5 milliards d'euros, soit 400 euros par personne concernée. Au plan du pouvoir d'achat, l'opération est équilibrée.

M. Christian Cambon.  - Vous irez leur dire !

M. Richard Yung.  - D'ailleurs, ceux qui sont les mieux payés ont les heures supplémentaires les mieux rémunérées. (On le conteste à droite) Ainsi en est-il des professeurs qui ont pu doubler leur salaire.

M. Roger Karoutchi.  - Ce sont des privilégiés !

M. Richard Yung.  - Cette mesure nous aurait coûté 100 000 emplois.

M. Francis Delattre.  - Pas du tout !

M. Richard Yung.  - Pour les PME, l'exonération s'appliquera toujours aux cotisations patronales, pas aux cotisations salariales, car il n'est pas possible de rompre l'égalité entre salariés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les salariés de Gironde et d'ailleurs constateront une perte de pouvoir d'achat, qui nuira à la consommation. Sont concernés 700 millions d'heures supplémentaires, soit environ 500 euros par an : il ne s'agit pas de riches. Votre mesure affectera aussi les entreprises. Elle réduira l'offre de travail.

Qu'est qu'une petite entreprise ? Le seuil de vingt salariés est bien trop bas : il faudrait le porter à 50 salariés.

Tous les secteurs ne s'équivalent pas. Dans le tourisme, les heures supplémentaires permettent seules de répondre à la demande. Il en va de même du bâtiment, des transports...

Ce sont les branches à bas salaires qui recourent le plus aux heures supplémentaires. Vivons-nous dans le même monde ? (Vives exclamations à gauche) N'avez-vous jamais reçu dans vos permanences des gens qui voulaient travailler un peu plus pour payer leur maison, financer les études de leurs enfants ? (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Les Français ont voté !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Vous dites que les heures supplémentaires détruisent les emplois. Cela ne tient pas, notamment dans la fonction publique !

L'effort que vous proposez est injuste ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Leleux.  - La majorité socialiste porte un mauvais coup aux 9 millions de salariés qui font des heures supplémentaires. (On le conteste à gauche) Plus de dix ans après les malthusiennes 35 heures, le Gouvernement croit encore que le travail se partage.

Cet article aura de lourdes conséquences pour les enseignants. En 2010-2011, 56 % d'entre eux ont fait des heures supplémentaires ! Le Gouvernement tente d'opposer les uns aux autres, en laissant entendre que seuls les plus privilégiés en ont bénéficié. Mais il existe des heures supplémentaires permanentes dans l'éducation nationale, soit 326 euros pour un certifié qui fait deux heures supplémentaires, qui perdra donc 160 euros du fait des impôts supplémentaires qu'il acquittera. D'autres possibilités d'heures supplémentaires existent. Il ne s'agit pas seulement des « colles » des professeurs de classes préparatoires ! Vous oubliez toutes les mesures prises en 2007, 2008, 2010 pour améliorer l'encadrement éducatif, organiser des stages de mise à niveau etc...

M. Alain Néri.  - Nous créons des postes, vous en supprimez !

M. Jean-Pierre Leleux.  - En en supprimant, nous avons commencé à revaloriser le métier d'enseignant. (On s'indigne à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous plaisantez ! Vous avez cassé le système éducatif !

M. Jean-Pierre Leleux.  - Votre mesure fera plaisir aux enseignants !

M. François Patriat.  - La droite nous accuse de règlement de compte idéologique. La loi Tepa n'était-elle pas imprégnée d'idéologie, et totalement contracyclique en temps de crise ? La défiscalisation est contre-productive pour l'emploi, et a coûté 5 milliards par an pendant cinq ans, financés par la dette. Elle a créé un effet d'aubaine, et freiné l'embauche : selon l'OFCE, elle a coûté 40 000 emplois. Relisez le rapport de M. Gorges !

Cette mesure n'a pas augmenté le pouvoir d'achat des salariés, qui n'a augmenté que de 0,1 % entre 2007 et 2010 et qui a reculé ensuite.

La fin des exonérations rapportera 3 milliards d'euros l'an prochain, et préservera ou créera 18 000 emplois. Au total, elle réduira le déficit de 5,2 milliards.

L'UMP prétend défendre le pouvoir d'achat mais voulait augmenter la TVA !

Cet article est économiquement efficace et socialement juste.

M. Francis Delattre.  - Votre rigueur serait plus « juste » que la nôtre ? Comment comprenez-vous donc la justice sociale ? Est-il juste d'augmenter les charges de 9 millions de salariés ? C'est une insulte pour ces travailleurs (exclamations à gauche), pour la plupart modestes.

Le rapport que vous avez invoqué ne dit pas ce que vous prétendez et je constate que ce sont surtout les salariés qui paieront les nouveaux prélèvements créés par le projet de loi de finances rectificative !

Notre objectif était de créer de la flexibilité. Les carnets de commandes se remplissent et se vident. Le partage du travail, cela n'existe pas !

Un mot de l'épargne salariale. Vous sanctionnez les 10 millions de salariés qui en bénéficient ! Or les PME ont besoin de financements stables : l'épargne salariale permet d'y répondre.

Le chômage structurel est l'effet de la pression fiscale, d'une politique budgétaire erratique, d'un euro trop fort... Détricoter nos mesures, c'est créer plus de chômage ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Caroline Cayeux.  - Cet article est bien une injustice sociale et une faute économique. Cette mesure est idéologique alors qu'il s'agissait de venir en aide aux entreprises. Vous mettez à mal la compétitivité des entreprises et la justice sociale, que vous ne cessez de brandir ! Je suis régulièrement interpellée par des transporteurs, des ouvriers, de fonctionnaires municipaux, qui ne sont pas des privilégiés. Vous portez atteinte au pouvoir d'achat des plus modestes qui font régulièrement des heures supplémentaires. Ils sont inquiets pour leur avenir, alors qu'ils vont perdre en moyenne 600 euros pas an. C'est une faute sociale et économique. La hausse symbolique du Smic ne va pas compenser cette ponction.

C'est la double peine pour les entreprises et les salariés ! Les secteurs du BTP et de l'hôtellerie-restauration vont perdre entre 3 et 7 % de leur pouvoir d'achat après impôt : ce n'est pas rien. Vous tournez le dos à la France qui travaille. (Exclamations à gauche)

Je citerai une autre chanson : « Antisocial, tu perds ton sang froid ! (Applaudissements à droite)

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Cette discussion vient après le vote de l'article premier, qui a rendu plus 10,6 milliards de pouvoir d'achat aux Français. (Rires à droite) Cet article pèse 4 milliards : en définitive, 6 milliards seront rendus aux Français en 2012.

L'enjeu n'est pas la suppression des heures supplémentaires, nous savons tous qu'elles sont indispensables aux entreprises ; elles sont rémunérées 25 % ou 50 % de plus que les heures travaillées « normales ». La question est de savoir s'il faut maintenir leur avantage fiscal et social.

Notre ambition est d'instaurer un nouveau système fiscal qui soit plus juste.

M. Francis Delattre.  - Vous commencez mal !

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Un salarié qui gagne 1 200 euros et 300 euros d'heures supplémentaires ne contribue pas à la même hauteur à la solidarité nationale que celui qui gagne 1 500 euros de salaires sans heures supplémentaires. Est-ce juste ? Non ! (On renchérit sur les bancs socialistes)

Selon l'Inspection des finances, qui relève des pratiques d'optimisation des entreprises associées à la déclaration d'heures supplémentaires fictives, l'efficacité des mesures du paquet fiscal de 2007 a été faible. Le gain moyen des heures supplémentaires est de 42 euros par mois, le gain médian, de 22 euros. L'absence de plafonnement produit des avantages disproportionnés.

J'ajoute que nous avons voulu maintenir l'avantage pour les PME, celles qui subissent les contraintes les plus fortes, éprouvent le plus de difficulté à se financer et paient proportionnellement davantage d'impôts que les grandes entreprises.

Une mesure qui rend du pouvoir d'achat à tous les Français, une autre qui met fin à la destruction d'emplois : voilà qui est opportun et intelligent.

M. Philippe Adnot.  - Je n'ai pas voté la suppression de la TVA sociale mais je voterai l'article 2 si vous adoptez mon amendement qui propose une application moins brutale de la mesure. Pourquoi ? La réforme de 2007 encourageait les inégalités de traitement : comment justifier que certains salariés ne soient pas imposés sur la totalité de leurs revenus ? (Applaudissements sur les bancs socialistes) Cette réforme voulait revenir sur les 35 heures : il aurait fallu avoir le courage de les supprimer. Troisième vice de forme : elle a été financée par endettement : vous ne paierez pas mais vos enfants devront payer !

Les entreprises voulaient plus de souplesse mais pas des allégements de charges. Je voterai cet article si l'on décale la mesure d'un trimestre pour donner aux entreprises le temps de s'adapter.

M. Jean-Pierre Caffet.  - À l'origine, l'objectif était de favoriser l'emploi, de donner de la flexibilité aux entreprises et de doper la croissance... J'ai retrouvé la déclaration de Mme Lagarde qui disait à l'époque qu'il fallait augmenter la durée du travail pour relancer l'économie. Aucun des objectifs n'a été atteint. Un certain nombre d'études ont été réalisées, des rapports ont été rendus qui ont tous démontré que l'emploi n'avait pas augmenté et que des emplois avaient été détruits. (On le conteste à droite). Bref, vous avez emprunté pendant cinq ans pour détruire des emplois.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Caricature !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Subventionner des heures supplémentaires quand on est en période de faible croissance et de chômage massif est une aberration. La vérité est que les 35 heures vous gênaient ; le paradoxe est qu'avec la loi Tepa vous les avez généralisées en les étendant aux PME de moins de vingt salariés...

Vous vous êtes pris deux fois les pieds dans le tapis. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il y a la macroéconomie et la microéconomie, les doctrines qui nous inspirent et les gens que l'on rencontre.

Dans le bâtiment, on me dit qu'il y a 1,5 million de salariés qui, en 2011, ont fait 130 millions d'heures supplémentaires, soit 85 en moyenne par salarié. La plupart seront touchés et l'impact sera d'autant plus important que 85 % des entreprises ont recours à des heures supplémentaires structurelles. Certes, il peut y avoir un effet de substitution, mais les entreprises du secteur connaissent des aléas dans leurs plans de charge, voire une saisonnalité, qui leur rendent les heures supplémentaires indispensables.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Sont-elles supprimées ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Non, mais les exonérations de charges sociales le sont.

Dans le transport routier, on me dit qu'il y a 400 000 salariés. Le temps de service hebdomadaire est compris entre 42,35 et 47,4 heures. La suppression des exonérations sur les heures supplémentaires aura un impact très net sur le pouvoir d'achat des conducteurs. L'effet sera réel et brutal.

Dans la conjoncture actuelle, c'est un coup de massue pour les salariés et les entreprises, surtout les PME. La méthode du rabot me semble bien préférable. C'est un instrument bien pratique, monsieur le ministre... Il faut donc supprimer l'article 2.

M. Christian Cambon.  - J'ai entendu le plaidoyer vibrant de M. Néri en faveur des salariés pauvres. Je veux parler en cet instant des agents des collectivités. Maire d'une ville moyenne dans le Val-de-Marne, j'embauche des assistantes maternelles dont le salaire net est de 1 150 euros. J'ai aussi des difficultés à remplacer des policiers municipaux ou des auxiliaires de puériculture, si bien que j'ai eu recours à des heures supplémentaires. Vous allez porter un coup terrible à ces agents de catégorie C, qui ont déjà le plus grand mal à se loger en région parisienne.

Vous irez expliquer cette mesure à tous nos agents ! (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Nous ne sommes pas dans la démagogie. (Rires et exclamations à droite) Les principales préoccupations de nos concitoyens sont l'emploi et le chômage. Il n'y a pas de doute : en période de croissance, il ne faut pas de mesures qui détruisent des emplois. Avec la vôtre, 100 000 emplois ont été détruits. (On le conteste vivement à droite)

Il faut prendre conscience que cet article s'inscrit dans un ensemble, avec la suppression de la TVA sociale, qui bénéficiera à l'ensemble des ménages, l'augmentation du Smic et celle de l'allocation de rentrée scolaire, l'encadrement des loyers. (Exclamations à droite) C'est nous qui défendons le pouvoir d'achat !

Vous savez bien que j'ai raison mais vous espérez que les Français ne comprendront pas. Vous les croyez moins intelligents qu'ils ne sont : François Hollande a assumé devant eux ces mesures au cours de sa campagne. Ils savent que c'est la gauche qui défend leur pouvoir d'achat et que vous les avez matraqués pendant cinq ans avec 25 taxes supplémentaires.

La séance est suspendue à 19 heures.

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présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.