Débat sur la réussite à l'école

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les conditions de la réussite à l'école.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture .  - J'ai souhaité ce débat car, dès octobre dernier, notre commission a mis l'accent sur cette question fondamentale pour l'avenir de la société : la réussite éducative. Notre commission a mené deux missions d'information, sur la carte scolaire et sur le métier d'enseignant.

La jeunesse est une priorité du président de la République, qu'illustre le grand débat « Refondons l'école de la République » lancé en août. Un projet de loi d'orientation et de programmation suivra, nous en serons saisis dans quelques semaines. Puissent les travaux du Sénat alimenter la réflexion du Gouvernement. La loi ne suffit pas, a bien dit le ministre devant la commission, il faut agir sur les habitudes, s'appuyer sur une approche globale, reprendre les valeurs de Jules Ferry, les décliner en fonction des mutations sociales. Le Canada ou la Finlande, dont on connaît les excellents résultats, ont fait le choix d'une école de la coopération, de l'épanouissement. Il n'y a pas de violence dans les classes Freinet. Il faut mettre fin à la course aux notes qui nous vaut le titre « d'école la plus injuste ». Il faut mettre fin à la sélection par l'exclusion. Il faut mettre fin à l'approche comptable.

Restaurons la confiance dans l'école, redonnons aux élèves le goût d'étudier. Il faudra s'appuyer sur la famille, le tissu associatif, les nouvelles technologies. L'éducation est un levier indispensable pour que le collectif humain puisse construire une société plus démocratique. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Cartron, rapporteure de la mission d'information sur la carte scolaire .  - La crise de l'accès à l'emploi génère des angoisses, surtout pour les parents, inquiets pour l'avenir de leurs enfants ; L'école se doit d'être la meilleure.

Les classements et les évaluations distinguent les « bons » établissements des « mauvais », suscitant une école à deux vitesses et incitant certains parents à développer des stratégies de contournement pour éviter certains établissements. Le précédent gouvernement, au nom de la prétendue liberté, a assoupli la carte scolaire. Quel en est le bilan ? Les grands équilibres n'en ont pas été bouleversés car l'assouplissement était limité par la problématique des capacités d'accueil et des distances.

Les disparités territoriales sont importantes. La dynamique d'aggravation des inégalités est évidente et inquiétante. L'assouplissement de la sectorisation a servi de révélateur : un certain fatalisme social s'est répandu. Pour les parents, la qualité d'un collège ne dépend plus de ses enseignants, mais des enfants qui le fréquentent. D'où un recours croissant au privé. Des cercles vicieux se créent, avec une hiérarchisation des établissements, via une prolifération contre-productive des options. Dans les quartiers dits sensibles, la ghettoïsation nourrit un sentiment de déclassement chez ceux qui se sentent captifs de leur établissement de secteur.

Si l'assouplissement de la carte scolaire peut donc être tenu pour un échec, on ne saurait pour autant revenir à la situation antérieure. Les stratégies de dérogation, sur la base d'options ou de classes spécifiques comme les classes à horaires aménagés musicales (Cham) ou les classes internationales, resteraient utilisées par les familles informées, qui pourraient toujours recourir au privé.

Nous proposons donc de faire de la mixité sociale un facteur de réussite et de refuser la fermeture d'établissements ghettoïsés : le remède serait pire que le mal. Mieux vaut revoir le système des options, moduler les dotations aux établissements en fonction de leur composition sociale car, dans les quartiers sensibles, le collège reste un lieu de lien social, de savoir et de culture. Le fermer éloignerait encore davantage ces familles de l'école. Il convient, au contraire, de rétablir une stratégie d'excellence. Cessons d'y nommer de jeunes professeurs fraîchement titulaires. Les options sont utilisées comme mode de dénégation : nous proposons de remettre les choses à plat pour y mettre fin. Moduler les dotations en fonction de la composition sociale permettrait aussi de soutenir des collèges ruraux paupérisés. Pour eux, évitons la double peine : la perte des meilleurs élèves et la diminution des dotations.

Une redéfinition de la carte scolaire ne peut se faire qu'en concertation avec les collectivités locales : des secteurs élargis ont plus de chance d'être mixtes socialement. Prenons modèle sur la procédure en vigueur à Paris depuis 2008, qui a accru significativement la mixité sociale. Redonnons confiance aux élèves, aux parents, aux enseignants. Pour citer Anatole France : « c'est lorsque l'on croit aux roses qu'on les fait éclore ». (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure de la mission d'information sur le métier d'enseignant.  - Ces six mois d'auditions et de réflexions se voulaient une préparation à la refondation de l'école, pour alimenter le débat public. Les réactions du monde enseignant après la publication du rapport montrent que nous avons mis le doigt sur des réalités fondamentales. La souffrance ordinaire des enseignants est patente. Les tensions au travail s'exacerbent avec les chefs d'établissements. Les relations avec les parents deviennent de plus en plus difficiles. Les causes sont à rechercher du côté de la RGPP et de la succession rapide des réformes, qui a déplacé le coeur de métier. La masterisation est un échec, qui a fragilisé la formation des enseignants.

Comment redresser la situation ? Il faut avant tout soigner l'école, dont le sens a été brouillé. Il faut redonner un cap clair au service public de l'éducation. Un mot pour le définir : l'émancipation. Il faut refaire de l'école le vecteur de la démocratisation du savoir. Le précédent gouvernement avait trop mis l'accent sur la dimension méritocratique : tous doivent pouvoir réussir ! Le grand physicien Paul Langevin, dont on connaît l'action pour l'éducation nouvelle, remarquait dès 1924 que l'enfant se replie trop sur sa caste, et dès 1930, refusait de puiser dans la masse un petit nombre de privilégiés. Face au défi de la démocratisation, il faut revoir les techniques pédagogiques. Le principe central doit être celui de « tous capables ».

Garantir un cadrage national fort pour contenir les disparités locales, tenir compte de la diversité des enseignants, maintenir la formation au sein de l'université, assurer une professionnalisation progressive au mastère, rétablir un stage d'un an, opérer un pré-recrutement dès la licence, telles sont nos propositions pour la formation initiale.

Je plaide aussi pour une politique ambitieuse de formation continue des enseignants, c'est une clé essentielle. Cela suppose d'accroître les moyens de remplacement pour libérer les enseignants.

La solitude des enseignants se traduit aussi bien face aux parents et à la hiérarchie que face à la classe. Il faut organiser des lieux, des temps où ils pourraient se réunir, échanger, hors de toute injonction. L'expérience des collectifs d'enseignants doit être poursuivie. La standardisation des pratiques pédagogiques n'améliore par leur efficacité.

Il faut moins de prescription verticale, plus de respect pour l'enseignant. Cela passe par une revalorisation de la condition enseignante, matérielle et symbolique. La fixation d'un nombre d'heures hebdomadaires de cours est structurante : elle pourrait être modulée en zone prioritaire. Il faut aussi renforcer la médecine de prévention, assurer la santé des professionnels et mieux accompagner les enseignants en fin de carrière. Bref, pour le métier d'enseignant, il faut de l'ambition et de l'exigence. La démocratisation scolaire passe par là ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Carle .  - Je me réjouis de la tenue de ce débat. Notre pays investit beaucoup dans l'école ; en termes de résultats, nous ne sommes que dans la moyenne de l'OCDE. Les pays les plus performants consacrent moins de moyens que nous, preuve que l'argent ne réglera pas tout.

Je me suis rendu sur le site internet du ministère consacré à l'école primaire. On y lit que 40 % des élèves ne savent pas correctement lire et écrire à la fin de l'école primaire. La France est l'un des pays où l'origine socio-économique a le plus d'impact sur la réussite scolaire : c'est donc l'un des pays les plus inégalitaires. C'est un échec collectif, celui des politiques et aussi des corporatismes de tout bord.

Oui, il faut faire de l'école primaire notre priorité : 85 % des élèves en difficulté à la fin du primaire l'étaient déjà lors de leur première année. Tout se joue très tôt.

Quels sont les vecteurs de la réussite de tous les élèves ? Le premier est « l'effet maître ». C'est la pratique pédagogique mise en oeuvre qui détermine la réussite de l'élève. Un enseignant efficace peut contrecarrer les effets de l'origine sociale des élèves. La rénovation des pratiques pédagogiques est donc au coeur de la question. Ce qui est en cause, ce n'est pas la variabilité des pratiques pédagogiques, mais la variabilité de l'acquisition. La diffusion des bonnes pratiques pédagogiques,...

Mme Christiane Demontès.  - Quelle amnésie !

M. Jean-Claude Carle.  - ... l'évaluation, sont au coeur de la refondation. Le respect du corps enseignant passe par son évaluation : « On n'enseigne pas ce que l'on sait, on enseigne ce que l'on est » disait Jaurès. (Exclamations amusées à gauche) Recherchons avant tout de bons pédagogues !

La formation des professeurs ne peut être la même selon qu'on enseigne à des enfants de 12 ou de 6 ans. Les professeurs doivent être formés aux pratiques pédagogiques. (Même mouvement) N'oublions pas, à côté de la formation initiale, la formation continue. Il faudra en débattre.

Le groupe UMP a conscience de la dramatique déliquescence de notre système éducatif. (On s'esclaffe à gauche) Chacun est responsable.

Mme Christiane Demontès.  - Certains plus que d'autres !

M. Jean-Claude Carle.  - Monsieur le ministre, vous dites vouloir être le ministre des élèves, mais je crains que vous ne cédiez, vous aussi, aux corporatismes... Il faut associer tous les acteurs, y compris les élus locaux.

L'amélioration de la performance du système scolaire au Portugal ou en Pologne doit nous inspirer. Un objectif s'impose à nous : avoir 95 % des élèves sachant lire, écrire et compter à la fin de l'école primaire -d'ici la fin du quinquennat ! « Apprenez-leur à lire, à écrire et à compter. Ce n'est pas seulement utile, c'est la base de tout » disait Charles Péguy en 1902.

Je vous souhaite de réussir, monsieur le ministre. Votre échec serait celui de la France, celui de l'avenir de nos enfants ! (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Férat .  - L'école de la République doit être une chance. L'école obligatoire ne signifie pas l'égalité des élèves, mais l'éducation nationale doit pouvoir assurer l'égalité des chances de réussite. C'est le socle du pacte républicain.

La réussite scolaire ne se mesure pas au pourcentage de redoublement, ou de bacheliers. Elle s'apprécie individuellement, au regard du développement personnel et social de chaque élève. Quelque 150 000 jeunes sortent prématurément du système sans diplômes ; si c'est parce que le système proposé n'était pas adéquat, c'est inquiétant.

La qualité de l'orientation est primordiale. Les étapes cruciales des classes de troisième et de seconde sont capitales. Dès lors qu'un élève est bien orienté, la solution -filière générale, apprentissage, alternance- est la bonne. Les établissements doivent bâtir leur projet pédagogique en fonction des besoins des élèves.

Le temps de l'expérimentation est passé : l'augmentation du temps passé à l'école, dont une partie consacrée aux activités récréatives, semble faire consensus.

Les élèves français travaillent trop, avec des résultats insatisfaisants. Il faut instaurer au plus vite la semaine de quatre jours et demi, et rallonger l'année scolaire de deux semaines. Je vous laisse décider à quel moment !

Monsieur le ministre, l'apprentissage du savoir-vivre et du savoir-faire passe par l'organisation d'activités périscolaires, mettant l'accent sur la pratique sportive ou artistique.

Il faut rendre plus lisible les différents réseaux d'éducation prioritaire, aller vers une offre plus individualisée. De nombreux jeunes en difficulté scolaire viennent d'un cadre familial qui n'est pas apaisé. La multiplication des actes racistes, antisémites, des actes de violence inquiète. La discipline doit être rétablie ; peut-être pouvez-vous agir par circulaire ?

Il est illusoire de prétendre appliquer une recette miracle à l'échec scolaire. (M. Jean-Claude Carle approuve) Il faut décentraliser la question scolaire, faire confiance aux recteurs et aux professeurs. De nombreux rapports ont été publiés sur de multiples sujets, tout aussi intéressants les uns que les autres. Le temps de la réflexion doit désormais céder la place à celui de l'action ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Françoise Laborde .  - L'école a fait l'objet de multiples études, qui n'ont que rarement été traduites dans les faits. Ces deux rapports du Sénat montrent notre volonté de tout faire pour refonder l'école de la République. Ce sera un travail de longue haleine. La politique éducative du précédent gouvernement a été destructrice, même si M. Carle semble avoir tout oublié.

M. Jean-Claude Carle.  - Sans doute parce que je n'ai pas de culture. (Sourires)

Mme Françoise Laborde.  - Un principe doit nous guider : l'égalité. Tous n'ont pas les mêmes chances de réussir. Un élève sur cinq connaît de graves difficultés à 15 ans.

Le taux de scolarisation des 15-19 ans est passé de 89 à 84 %, or 74 % de ces jeunes déscolarisés sont inactifs, proportion bien supérieure à la moyenne de l'OCDE. Ce sont surtout les élèves issus de milieux défavorisés qui en font les frais. Mettre en place des aides inadaptées, recruter des enseignants peu formés à la pédagogie, tout cela contribue au renforcement d'une école à deux vitesses, dont le privé fait son miel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un bilan des aides personnalisées mises en place par votre prédécesseur en 2008 ? Quid de la suppression des Rased ? Les journées ont été allongées, sans que les résultats s'améliorent. La reconstitution des Rased s'impose.

Les suppressions de postes dans l'éducation nationale ont durement frappé les écoles rurales. Les inégalités territoriales ont accentué les inégalités sociales. Ces jeunes sont orientés plus que d'autres vers la voie professionnelle. On mesure les dégâts causés par le précédent quinquennat ! De quels moyens disposeront les départements et les communes lorsque nous repasserons à la journée de quatre jours et demi ? Les maires sont inquiets : devront-ils se substituer à l'éducation nationale pour organiser les activités périscolaires ?

Le manque de personnels et de moyens risque d'empêcher la pratique de ces activités après les cours, creusant les inégalités entre communes pauvres et riches. Nous savons pourtant ce qu'elles apportent à l'épanouissement de l'enfant, au développement de son esprit critique. Ne faudrait-il pas les inclure dans les programmes de l'éducation nationale ?

Nous aurons l'occasion de reparler du métier d'enseignant. Dès à présent, disons que la création de 43 400 postes d'enseignants en 2013 est un heureux signal, après la destruction de 80 000 postes en cinq ans. Reste encore à travailler sur leur rémunération.

Vous avez proposé l'ouverture exceptionnelle d'un deuxième concours de prérecrutement pour les étudiants de master 1. La commission de la culture a réé un groupe de travail ad hoc, elle vous fera des propositions.

Pour conclure, vous trouverez, monsieur le ministre, le groupe RDSE à vos côtés pour refonder l'école ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Les enseignants ne sont pas des exécutants, ce sont des créateurs. C'est sur cette force et leur dévouement qu'il faut refonder l'école, en tenant compte des besoins des enfants, des attentes des parents, des objectifs de l'institution scolaire. L'école n'est pas utilitariste, elle est un lieu d'éveil, de formation, d'apprentissage des valeurs du vivre ensemble. Avec son discours du 15 mai dernier, le président François Hollande a assuré les enseignants de son soutien, un message fort qui a porté.

Refonder la formation des enseignants est une priorité pour refonder l'école. Enseigner n'est pas un art, c'est un métier. Il faut se réapproprier la psychopédagogie. Pour des raisons budgétaires et idéologiques, le précédent gouvernement avait sacrifié la formation des enseignants, comme si enseigner était le seul métier qui ne s'apprenait pas....

M. Ronan Kerdraon.  - Très bien !

M. Jacques-Bernard Magner.  - Dans la refonte de la formation des enseignants, il faudra mettre l'accent sur l'informatique, l'enseignement en maternelle, les pédagogies différenciées, le travail en équipe. La formation en alternance est une voie intéressante.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure.  - Absolument !

M. Jacques-Bernard Magner.  - On peut également se féliciter de l'instauration du pré-recrutement. À cet égard, il faut mêler néo-titulaires et enseignants chevronnés dans les établissements, en ménageant des expérimentations de tutorat, par exemple grâce aux futurs contrats de génération.

Il est temps de replacer l'école dans son environnement, de retrouver la notion de communauté éducative, dont le maître est le pivot, autour de l'enfant. Celle-ci devra être associée à la révision des rythmes scolaires et à la définition des parcours.

Quelle réponse apporter au décrochage scolaire ? Une réponse adaptée à chaque territoire, il ne saurait y avoir de formule unique. Oui au projet éducatif co-construit.

Enfin, l'évaluation doit changer : il faut passer d'une évaluation individuelle pour classer à une évaluation collective pour progresser.

Refonder l'école, c'est réhabiliter un service public de l'éducation pour tous par le dialogue avec les collectivités territoriales, les parents et tous les acteurs de la communauté éducative ; c'est restaurer la confiance, c'est redonner des marges de manoeuvre aux enseignants. C'est aussi redéfinir le métier, donc le statut des enseignants. Ce sera le rôle de la concertation préalable à la loi d'orientation et de programmation. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Michel Le Scouarnec .  - Le bilan de l'école française est plus que contrasté. D'après le rapport de la Cour des comptes et les enquêtes Pisa, la France est le pays où le poids des déterminismes sociaux est le plus fort : un enfant d'ouvrier a cinq fois moins de chances d'obtenir un bac général qu'un enfant de cadre.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est vrai !

M. Michel Le Scouarnec.  - Il est temps d'agir et, surtout, de changer de politique éducative. Contrairement au gouvernement précédent qui défendait la réussite de quelques-uns, nous voulons la réussite pour tous en luttant contre les orientations par défaut, en revalorisant les filières de relégation, en faisant reculer les inégalités, en permettant à chaque élève de construire sa propre vie scolaire et intellectuelle.

Durant la campagne présidentielle, le candidat Hollande s'est engagé à réduire de moitié le nombre d'élèves décrocheurs en cinq ans. L'origine sociale, les classes surchargées, le sentiment d'isolement de l'enfant expliquent souvent le décrochage. La pratique éducative n'est donc pas seule en cause.

Pour répondre à ce phénomène multifactoriel, il faut construire un projet autour de l'enfant, associant l'école, la famille et les collectivités locales. Celles-ci, ces dernières années, ont beaucoup fait quand l'État de son côté se désengageait. Peut-être était-ce une impression...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure.  - Non, c'est vrai !

M. Michel Le Scouarnec.  - La création de 43 500 postes d'enseignants en 2013 était nécessaire et urgente. Mais elle ne suffira pas. Comment dénouer la crise des vocations ? Le pré-recrutement ? Quel statut auront les élèves de master ? Quel sera le contenu des concours ? Quid des futures écoles supérieures ? Cette filière a-t-elle vocation à devenir l'unique voie de recrutement ? Nous retrouverions ainsi plus de mixité, cette mixité que favorisaient les écoles normales par lesquelles je suis passé, comme beaucoup d'entre nous. Pour ma part, je soutiens qu'il faut faire de ces élèves-enseignants des fonctionnaires liés par contrat à l'État, s'engageant à présenter les concours de l'éducation nationale et à servir pendant un nombre minimum d'années. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Il faut refonder l'école républicaine, seule capable de redonner confiance en l'avenir ! (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Bouchoux .  - Pour nous, l'école est un sujet si important qu'il mériterait davantage qu'une concertation à chaque élection présidentielle.

Pour une école de la réussite, il faut agir sur plusieurs leviers : la lutte contre le décrochage scolaire et, ce dont on parle moins, l'ennui à l'école. Le premier phénomène est un formidable gâchis, qui touche surtout les populations les plus fragiles mais n'épargne pas les élèves des beaux quartiers. Quant à l'ennui, il trouve son origine dans le sentiment d'enfermement dans des disciplines sans lien entre elles ni avec la réalité, dans le recours inefficace au redoublement.

Certaines collectivités locales ont fait des expérimentations intéressantes qu'il faudrait étudier.

Nous plaidons pour une scolarité pour tous de 6 à 16 ans, libérée de la pression des notes, en tout cas dans le primaire ; avant 11 ans, cela ne sert à rien ! Nous allons en Finlande pour voir ce qui s'y fait, mais nous n'adoptons pas les mesures qui y ont pourtant fait leurs preuves !

La finalité du système éducatif ne doit plus être de sortir une élite mais de donner à tous un bagage.

La refondation passe aussi par une autre formation des enseignants, je ne répète pas ce qu'ont dit les précédents intervenants sur la formation initiale sinon pour dire qu'il faut apprendre aux enseignants à se trouver face à des élèves qui répondent, qui ont envie de participer sans peur de se tromper. Eh oui, le monde a changé !

Enfin, le bien-être des élèves à l'école. Car cela amuse peut-être certains, mais la France compte de très bons élèves qui sont malheureux. À quand une enquête sur les suicides des élèves en classes préparatoires ? Plus généralement, il faut davantage de psychologues et d'éducateurs, davantage de prévention, de lutte contre les discriminations et les addictions -parfois dès 11 ans !

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Mélot .  - Selon les enquêtes Pisa, notre pays se caractérise par des performances dans la moyenne, mais se distingue par des écarts supérieurs de niveau entre les meilleurs et les moins bons, de plus grandes inégalités sociales et territoriales. Pouvons-nous accepter une école à deux vitesses ?

Que faire ? Les élèves ont changé, pas l'école. La massification, le changement des mentalités, le déclin des valeurs traditionnelles et, dans une moindre mesure, l'immigration, ont métamorphosé la composition des classes. Aujourd'hui, reconnaissons-le, dans certaines classes, il est devenu très difficile d'enseigner.

L'école de la République est l'affaire de tous. Monsieur le ministre, vos prédécesseurs ont mené d'indispensables réformes : l'aide personnalisée, qui a bénéficié à 26 % des élèves, à 33 % en zone prioritaire ; ou encore le recentrage des programme sur les fondamentaux. Il faut poursuivre.

Les fondamentaux en primaire ne sont pas universellement acquis, sans doute à cause des méthodes et de la réécriture incessantes de programmes. Le collège unique des années 1970 est devenu une machine à niveler par le bas. Je le dis pour les bons élèves et pour ceux qui sont en difficulté. On n'a pas le temps d'aider ces derniers ! La mixité est un idéal... difficile à mettre en pratique. La notion de socle commun est encore floue -le livret personnel de compétences vient être simplifié, c'est bien. Il faut poursuivre l'effort, laisser aussi au lycée de la réussite le temps de faire ses preuves. La réforme de la voie professionnelle ? Trop souvent, l'orientation est subie : on choisit le lycée professionnel par défaut. Il faut valoriser les filières professionnelles, pourvoyeuses d'emplois. Je pense à l'hôtellerie, la petite enfance ou encore les métiers d'art...

Les enfants veulent aller à l'école en paix. Pour mettre fin aux violences scolaires, tristement sous les feux de l'actualité, il faut resserrer les liens avec les familles et, surtout, écouter les enseignants.

L'autonomie des établissements est une question fondamentale. Elle fait le succès du système finlandais, je l'avais souligné dans un récent rapport. Je regrette qu'elle ne soit plus d'actualité...

Certes, la pédagogie est essentielle dans la réussite des élèves, mais il faut d'autres moyens pour que tous les élèves français aient les mêmes chances.

Le groupe UMP sera vigilant, la mission de l'éducation nous incombe à tous ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Maryvonne Blondin .  - Bien vivre à l'école, sans s'y ennuyer, y aller avec plaisir : on en parle trop peu souvent. Pourtant, la question est étroitement liée à celle de la violence scolaire. Je me réjouis d'ailleurs de la création d'une délégation aux violences scolaires au sein du ministère et d'un nouveau métier, celui d'assistant de prévention et de sécurité.

La réussite des élèves passe aussi par leur santé. Comment bien apprendre quand on a le ventre vide, qu'on entend ou qu'on voit mal, qu'on vit dans un appartement exigu ou insalubre ? On voit resurgir des maladies oubliées, des cas de tuberculose, de gale ou de rougeole.

Les infirmières ont enfin un statut de cadre A et les médecins scolaires ont obtenu une revalorisation indiciaire, c'est bien. Il faut maintenant aller plus loin : reconnaître aux médecins de l'éducation nationale une spécialisation en médecine générale ou en santé publique, augmenter le nombre de postes, introduire la prévention dans les programmes, notamment préélémentaires et élémentaires. Et je n'oublie pas la nécessaire refonte de la formation des enseignants.

Bref, le chantier est vaste pour redonner à nos jeunes le plaisir d'apprendre ! (Applaudissements à gauche)

M. Robert Laufoaulu .  - Ancien enseignant, je me réjouis de ce débat. Oui, la réussite scolaire est le moteur de l'ascenseur social. Mais je veux vous parler de la situation de mon territoire, un territoire exigu, au bout du monde : Wallis et Futuna. Ses problèmes sont ceux que connaît la métropole, mais amplifié, exacerbés même.

Depuis le dernier cyclone, les locaux d'enseignement sont extrêmement dégradés. La fracture numérique est là, on manque d'ordinateurs, l'accès internet n'est pas satisfaisant et les jeunes ne peuvent pas se tourner vers les bibliothèques, assez pauvres. L'offre de formation est insuffisante, même si je comprends bien que l'on ne peut pas tout avoir partout.

Enfin, le problème du recrutement. Notre territoire devrait être consulté. Certains métropolitains ne semblent rechercher qu'un séjour au soleil, mieux payé, tandis que d'autres, pourtant motivés, doivent partir parce que la durée de détachement de deux ans ne peut être renouvelée qu'une fois. Un peu plus de souplesse serait bienvenue...

Merci de votre écoute. (Applaudissements)

M. Dominique Bailly .  - Pour les jeunes qui sortent de l'éducation nationale sans formation ni qualification, nous avons créé, il y a quelques jours, les emplois d'avenir. Mais comment agir en amont ? Les travaux internationaux soulignent le lien entre mauvaises performances scolaires et absence de mixité. L'assouplissement de la carte scolaire, décidée par le gouvernement précédent, a conduit à davantage de ségrégation.

Alors que faire ? Certainement pas revenir au statu quo ante. Selon moi, et ce sera l'objet de mon intervention, la clé est dans la différenciation territoriale. Je suis élu du Nord, département le plus peuplé de France, un territoire qui comprend de vastes zones urbaines ainsi que des zones rurales. La réforme de la carte scolaire doit passer par une appréciation fine des enjeux territoriaux. En zone urbaine, les secteurs des collèges pourraient être élargis -ce qui n'est pas envisageable en zone rurale, dont les petits établissements devraient disposer de moyens supplémentaires. Cela suppose une concertation approfondie avec les collectivités territoriales, plus particulièrement les conseils généraux. Ces derniers pourraient jouer un rôle majeur dans le redécoupage des secteurs, sujet délicat, et l'élaboration de la carte des formations. Il devrait être possible de moduler les dotations selon la composition sociale des établissements. Je n'oublie pas, non plus, les communes, qui doivent être associées. À l'heure de l'acte III de la décentralisation, il est temps d'adopter une vision territoriale de l'école.

Nous voulons une éducation de qualité pour tous les élèves, quel que soit leur lieu de résidence. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Houel .  - Être jeune est devenu un problème en France. Autant pour celui qui n'a pas de qualifications que pour celui qui a choisi de poursuivre ses études supérieures. Pourtant, il est une filière qui garantit l'emploi : je veux bien sûr parler de l'apprentissage. Pourquoi vouloir faire à tout prix de nos tous enfants des bacheliers ?

Malheureusement, au pays de Descartes et de Pascal, on continue de faire primer le savoir abstrait sur le geste. Savez-vous que les maîtres d'apprentis, une fois le travail terminé, font souvent l'école aux jeunes ? Comment un pâtissier peut-il faire un gâteau sans savoir mesurer le beurre, le sucre, la farine et les oeufs ? Le choix du lycée professionnel, de l'apprentissage, de la formation en alternance est encore trop souvent un choix par défaut.

Les jeunes ayant suivi la voie de l'apprentissage trouvent plus souvent un emploi en CDI, ils sont 86 % à trouver un emploi dans les six mois. Enfin, on estime à 40 % le nombre d'apprentis qui deviendront, à terme, chefs d'entreprise !

Voyez l'Allemagne : deux tiers des jeunes y sont formés par alternance, contre un tiers en France. La culture y est différente, la question de l'orientation y est abordée très tôt : l'apprentissage n'y est pas un pis-aller, après la multiplication des échecs scolaires. Les entreprises sont actives en la matière, des réseaux locaux existent.

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait affiché un objectif ambitieux. Il est urgent de poursuivre, d'encourager les jeunes à s'engager dans cette voie d'excellence. L'alternance est une formule gagnante pour tous ! (Applaudissements à droite)

Mme Claudine Lepage .  - C'est de l'éducation que dépend l'avenir de notre jeunesse et le redressement de la France, avez-vous déclaré monsieur le ministre. Il faut en effet refonder l'école pour éponger la dette éducative qu'on nous a laissée...

Les lycées français à l'étranger ont d'excellents résultats : 95 % de bacheliers. Mais cela masque une réalité contrastée. Ces lycées, parfois très onéreux, sont réservés aux familles aisées ou à ceux qui répondent aux critères draconiens des bourses. Le président François Hollande s'est engagé à les ouvrir davantage. Les établissements manquent de place : l'AEFE est en sous-financement chronique... Deux élèves sur trois sont exclus du réseau, pour des raisons géographiques, mais aussi faute de prise en charge suffisante des enfants en situation de handicap.

Au-delà, le problème est celui de l'offre éducative. Les filières techniques et professionnelles demeurent exceptionnelles : les élèves concernés sont gentiment invités à rejoindre le système local... L'échec scolaire se transforme en réorientation vers le système local. Les résultats brillants au baccalauréat sont donc illusoires. Attention à ce que notre réseau de lycées français à l'étranger, filière d'excellence, ne se résume pas à une pépinière de privilégiés ! (Applaudissements à gauche)

M. Georges Patient .  - J'ai trois minutes pour parler de l'école en Guyane, c'est peu ! La situation appelle un jugement sévère. Cinquante-huit pour cent des 25-34 ans sont sans diplômes, contre 26 % en Martinique, 19 % en moyenne nationale. La Guyane concentre les plus mauvais résultats. Premier facteur : la forte croissance démographique, de 5 à 8 % par an. Deuxième facteur, la diversité des origines et des cultures : 102 populations, quinze langues usuelles ! Troisième facteur : les difficultés de recrutement et de stabilisation des enseignants, généralement métropolitains et inexpérimentés, d'où un turnover considérable. Il faut une politique plus adaptée aux réalités de la Guyane. J'ai fait plusieurs suggestions en ce sens : d'abord, multiplier les possibilités d'apprentissage de langues autres que le français. Une école bilingue dès la maternelle, pourquoi pas, comme au pays basque ou en Bretagne ? Il faut mettre sur la table la question du recrutement et de la formation des enseignants, inventer des solutions originales, innovantes pour répondre au problème des locaux. Pourquoi ne pas organiser deux enseignements, l'un le matin, l'autre l'après-midi ? L'objectif de l'éducation nationale n'est-il pas de scolariser tous les enfants ?

Il faut redonner confiance dans le système scolaire. L'école a une mission : fonder l'esprit démocratique d'une méritocratie républicaine, construire une société où chacun a sa chance, où les déterminismes sociaux peuvent être surmontés !

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Je veux vous remercier chaleureusement pour la qualité de ce débat, qui se tient à un moment particulier. Vendredi, la concertation remettra son rapport. Mardi prochain, le président de la République dira ses priorités en matière d'éducation. Le jeudi suivant, les premiers arbitrages seront rendus et le projet de loi sera présenté à la fin du mois. Autour de l'école, les Français peuvent se rassembler.

Madame la présidente Blandin, je partage l'idée que tradition et modernité ne s'opposent pas. C'est l'idée même de la refondation, qui puise dans le XIXe siècle l'exemple de ce que peut être l'école du XXIe siècle. C'est notre histoire, elle doit être notre avenir. La France n'a pas de religion civile, c'est l'esprit d'un peuple, l'esprit public selon Condorcet.

Depuis la Révolution française, la France s'est construite autour de son école. Chaque fois que l'école a été attaquée, la République a été blessée. Chaque fois que la République a été attaquée, l'école était en première ligne.

Nous avons un effort considérable à accomplir. Les élèves ont changé, le monde a changé. Trouvons dans l'inspiration ancienne la force d'aborder l'avenir. Nous ne sommes pas soumis à la dictature du présent. Faire le choix de l'école, c'est faire le choix du temps long, de la raison contre l'émotion. Nous ne serons pas jugés sur les résultats des élèves qui ont subi les réformes récentes. L'école, c'est la France de demain. Cela suppose d'enjamber le temps médiatique, le temps politique. Former un enseignant, c'est former celui qui formera, à son tour, un Français du XXIIe siècle.

Quand François Hollande a choisi de faire de l'école sa priorité, c'était pour aborder le siècle qui s'ouvre avec force, avec nos valeurs. L'école a beaucoup souffert de la réformite. Il y a eu tant de réformes qu'on s'y perd ! Les réformes de structure devront engager des réformes d'esprit, de pédagogie, dans notre rapport avec l'acte d'instruire. Il faut passer de la défiance à la confiance, de la compétition à la coopération. L'éducation est une coéducation. Elle n'appartient ni aux enseignants, ni aux élèves, ni aux familles ; elle appartient à tous les Français. Les dépenses d'investissement dans l'éducation sont portées pour 25 % par les collectivités locales : elles doivent être associées à la définition des politiques. Tous les acteurs doivent participer à la refondation de l'école.

Madame Cartron, le travail du Sénat a été salué par toute la concertation. Vos préconisations audacieuses sont d'ailleurs en passe d'être reprises. Le diagnostic est juste : l'assouplissement de la carte scolaire n'a fait qu'aggraver les difficultés. Le retour à la situation précédente n'est pas une solution, et il est difficile de distinguer la question de la carte scolaire de celle de l'éducation prioritaire. Inégalités, poids des déterminismes, le bilan est partagé.

Il va falloir être courageux et ambitieux sur la question de la mixité sociale et scolaire. Elle est facteur de réussite. Une production trop malthusienne de nos élites s'accompagne de l'accroissement du décrochage. Opposer les bons aux mauvais, c'est notre spécialité ! Quel gâchis, humain, économique et social ! Le cercle vicieux s'enclenche dès le primaire, on le sait, jusqu'au moment où l'on refuse au bachelier professionnel l'inscription en IUT où les places sont prises par les bacheliers scientifiques ! L'échec, nous le produisons nous-mêmes !

La mixité scolaire ne peut être que volontaire, par le réaménagement de la carte scolaire. Nous devrons associer les collectivités locales, fixer des objectifs ambitieux. Il faut une autre territorialisation, affecter des moyens en fonction de la mixité sociale.

Pitié, ne faisons pas l'erreur de celui qui, en 2007, promettait de traduire ses discours en actes. On sait ce qu'il en était de ces promesses cinq ans après... Si l'égalité est au coeur du projet éducatif, alors il faut s'en donner les moyens.

Vous verrez la semaine prochaine que vos préconisations ont été suivies. Le Sénat fait mentir sa réputation : lui aussi peut être audacieux !

Mme Gonthier-Maurin a été très sévère. Oui, il faut faire évoluer le métier d'enseignant. Le travail en équipe, interdisciplinaire, tout cela existe. Il faudra en tirer les conséquences dans la formation.

Le concours va-t-il être en fin de L3 ? Cela contrarierait les enseignants, attachés à la réforme de la mastérisation. Attention au problème du financement : si l'éducation nationale est prioritaire, il nous incombe de bien utiliser l'argent public en cette période difficile ! Les 43 000 recrutements, soit la création de 9 000 postes supplémentaires, a provoqué des cris d'orfraie. C'est un effort considérable. Les nouveaux enseignants, recrutés en juin 2013, seront payés à mi-temps, et feront six heures de cours, après un an de formation. Doubler cette durée, ce serait sacrifier d'autres priorités : la médecine scolaire, l'accompagnement des enfants en situation de handicap. Veillons à assortir nos propositions des conditions de faisabilité. Les pré-recrutements sont ciblés sur les disciplines prioritaires.

La crise de vocation ? Halte à ce pessimisme. Tout était fait pour dégoûter les jeunes ! Si nous veillons à ne pas les envoyer tout de suite sur le terrain et à les rémunérer correctement, ils s'engageront. Nous avons 100 000 inscrits pour les concours en cours ! Ils seront plus nombreux encore en juin ! Ils veulent contribuer à la réussite de leur pays. Le vivier, il existe ! Nous ciblons les disciplines prioritaires les plus sinistrées : mathématiques, anglais.

Le tronc commun est la clé du succès : pas d'orientation précoce. Si seulement tout l'apprentissage avait toutes les vertus que vous lui prêtez !

Nous devons refonder le système d'orientation. Je crois beaucoup au rôle des collectivités locales en la matière. Il faut reconstruire les parcours, de la 6ème à l'université, mutualiser l'information, mieux faire connaître le monde de l'entreprise.

On méconnaît trop la mission républicaine : émanciper, mais aussi insérer professionnellement. Comment combattre l'ignorance sans combattre l'indigence ? Il y aurait 600 000 offres d'emplois non pourvues ; dans les lycées professionnels, ce sont 40 000 places non pourvues !

Nous manquons d'ingénieurs, de personnel dans l'hôtellerie-restauration. Un grand pays, c'est celui qui lie investissement éducatif et redressement productif. Un grand pays moderne, c'est celui qui fait progresser le niveau de qualification de toute sa jeunesse !

La question des rythmes scolaires ? La reconquête du temps scolaire doit se faire dans l'égalité, vous l'avez tous dit. Certaines réformes, telle l'autonomie des lycées, ont des effets pervers, dont l'accroissement des inégalités. Il faudra utiliser la péréquation, la solidarité, pour que tous les territoires offrent aux enfants les mêmes droits, dans un territoire rural...

Mme Nathalie Goulet.  - Dans l'Orne !

M. Vincent Peillon, ministre.  - ... comme dans les grandes villes. C'est une condition indispensable de la réussite.

Vous avez plaidé pour l'urgence -ce qui peur paraître étonnant, au Sénat ! (On apprécie diversement) Il y a eu beaucoup de concertations, de rapports. On perd du temps ! Je n'ai jamais cru qu'une loi transformait la vie des gens. Elle est utile -il y aura une loi d'orientation et de programmation. Mais notre action se fera dans la durée. On ne résoudra pas les problèmes en quinze jours ! Il faut une action juste, vaillante et persévérante. La représentation parlementaire aura un rôle déterminant à jouer, lors du vote mais aussi du suivi de l'application de la loi. Je crois que les Français sauront se rassembler autour de l'école, pour le redressement de la France ! (Applaudissements à gauche)