Biens sectionaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes.

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi .  - Vu de Paris, notre si belle capitale, la question des biens sectionaux est aussi incongrue que celle du désenclavement de nos départements. Et pourtant, il existe quelque 27 000 sections concentrées, pour l'essentiel, dans dix départements. Les conflits qu'elles suscitent provoquent le désarroi des maires.

Heureusement, il existe des parlementaires élus locaux capables de relayer leur problème, preuve supplémentaire de l'intérêt du cumul d'un mandat exécutif avec un mandat parlementaire. M. Jarlier, depuis des années, cherche à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes ; votre serviteur également. Le Gouvernement, du temps de M. Merleix, s'était engagé à faire avancer la réflexion ; j'ai voulu accélérer la cadence en faisant venir le sujet en séance publique.

Les biens sectionaux sont des survivances du droit de l'ancien régime, rattachées à l'ancestrale notion de feu. Procurer une assistance aux plus pauvres, tel était l'objectif de la Convention lorsqu'elle reconnut cette forme de propriété collective les 10 et 11 juin 1793. Depuis, on a observé un renversement : la finalité historique a disparu, les ayants droit contestent à tout bout de champ les décisions des maires tout au long de leur mandat. Le contentieux est nourri et répétitif.

Le nombre exact de sections n'est pas connu : environ 27 000, surtout dans le Massif central. Elles ne sont pas précisément délimitées quand elles ne sont pas rattachées à plusieurs communes ou départements. Le cadastre, outil fiscal, n'est d'aucune utilité en la matière. Pour autant, le nombre de sections tend à diminuer, de même que leurs revenus. Ce qui n'a pas empêché le sujet de devenir d'une complexité peu commune : seules 200 sections sur 27 000 ont une commission syndicale. L'articulation entre finances communales et finances sectionales est souvent inextricable. Certaines sections, plus riches que leurs communes, exigent que la commune finance leurs travaux d'entretien. En l'absence de commission syndicale, la commune -même lorsqu'elle gagne- doit payer les frais de justice. Cristallisant le morcellement des territoires, utilisées à des fins privés, les sections font entrave à l'aménagement du territoire.

Les tentatives de simplification du régime, en 2004 et en 2005, n'ont pas porté de fruits. La décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011 a clarifié le régime : les ayants droit bénéficient d'un simple droit de jouissance sur les fruits de la section, non d'un droit de propriété. La réflexion sur la suppression pure et simple des sections peut être engagée. Nous l'éviterons : coûteuse et complexe, elle nous exposerait à des contentieux.

De là cette proposition de loi qui respecte le cap fixé par le Conseil constitutionnel : rien ne s'oppose au transfert de biens entre personnes publiques pourvu que l'opération poursuive l'intérêt général. Nous avons assoupli notre position radicale pour aboutir à un compromis.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Compromis et radicalisme ne sont pas incompatibles !

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Certes !

La commission des lois a modernisé le régime en clarifiant le statut de la section. Cela simplifiera les difficultés liées à la levée des impôts. De même sera réglée la question des frais de justice que doit acquitter la commune quand la section ne possède pas de commission syndicale. Je salue également l'assouplissement de la procédure de transfert des biens sectionaux, ainsi que l'interdiction de la création de nouvelles sections. Cela facilitera la vie des maires qui ont autre chose à faire que de gérer des biens issus d'une tradition intéressante mais dépassée. (Applaudissements)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois .  - Les biens sectionaux s'enracinent dans la tradition ancestrale des communaux, objets de bien des litiges entre seigneurs et villageois et dont les réformateurs des lumières, y voyant une forme dépassée de mise en valeur de la terre, demandaient le partage, terme qui figure significativement dans les décrets de la Convention des 10 et 11 juin 1793. Souvenez-vous du fameux discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, de Rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne ».

Les biens sectionaux sont une propriété collective, non indivise. Surtout, par un retournement de l'histoire, les ayants droit revendiquent la propriété de ces biens. De la chicane picrocholine à des redistributions, étendues des bénéfices, on voit se multiplier les situations abracadabrantes.

Les sections, surtout regroupées dans le Massif central, alimentent un contentieux à répétition : le seul tribunal de Clermont-Ferrand instruit quarante à cinquante dossiers par an.

Après l'échec des tentatives de rationalisation, le transfert des biens sectionaux, dont le Conseil constitutionnel a rappelé la conformité à notre législation, semble la seule issue, pour autant que soit dûment indemnisée la perte des bénéfices de l'usufruit -et non de la propriété. Le groupe du RDSE, et la commission des lois à sa suite, a entendu tirer toutes les conséquences de la décision des sages.

Nous avons intégré dans le texte les propositions de M. Jarlier et apporté des modifications plus substantielles. Avec l'accord de l'auteur du texte, nous avons supprimé l'article premier et l'inventaire exhaustif des sections -procédure complexe, dont les préfectures n'ont peut-être pas les moyens, qui aurait tout retardé.

Les articles premier bis nouveau et premier quater nouveau sont essentiels. « La section est une personne morale de droit public », a établi le Conseil constitutionnel. Nous unifions le régime de quatre acteurs : les ayants droit, les électeurs, les personnes éligibles à la commission syndicale et les habitants de la section. Revenant à l'esprit original de la section -non des biens indivis mais des biens nécessaires à la survie de la communauté-, nous avons lié la qualité de membre de la section au critère de la résidence, résurgence de la notion moyenâgeuse du feu, du foyer. Ce droit de jouissance n'est ni cessible ni transmissible, preuve qu'il n'est pas un droit de propriété.

Autre apport substantiel, l'article A 4 sexies qui autorise le conseil communal à prendre des décisions malgré le refus d'une section ou celui qui permet d'affecter les bénéfices supplémentaires de la section, une fois ses besoins satisfaits, à des travaux d'investissements. Le dispositif est très entouré, je vous rassure. Nous interdisons la création de nouvelles sections, M. Mézard l'a dit. A l'heure de l'intercommunalité, c'est rechercher des difficultés pour pas grand-chose.

Notre commission des lois a voulu pacifier les relations entre communes et sections en facilitant les transferts de biens sectionaux pour les communes qui le souhaitent -j' y insiste. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Il est des moments où la phrase de Saint-Exupéry, « On n'hérite pas de ses parents, on emprunte à ses enfants », paraît paradoxale, comme dans le cas des biens sectionaux. Il s'agit là d'une survivance d'un autre temps. Dans son excellent rapport, M. Collombat nous a transportés de l'époque médiévale, où les seigneurs concédaient un bien à la communauté villageoise, à nos jours. Merci à M. Mézard d'avoir remis cent fois l'ouvrage sur le métier : son texte, presque parfait, résout des situations souvent inextricables concentrées dans le Massif central. Parce qu'elles font obstacle à l'aménagement du territoire, une intervention législative est bienvenue après le tournant décisif, avez-vous dit, de la décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011. Ce texte autorise la communalisation des biens sectionaux en contrepartie d'une indemnisation de la perte du droit de jouissance. Des dispositions de transfert à titre gratuit existent déjà en cas de désintérêt des ayants droit mais s'appliquent difficilement. Sous la précédente législature, Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, avait déjà déposé un texte pour assouplir les procédures et renforcer les pouvoirs de la commune. Les pouvoirs publics avaient créé un groupe de travail associant le ministère de l'intérieur, celui de l'agriculture, les préfectures des six départements concernés et l'ONF ; le rapport de M. Lemoine, publié en 2003, a également alimenté la réflexion de votre commission des lois.

La nouvelle définition de la section par le Conseil constitutionnel est source de clarification, de même que la suppression de la distinction, inopérante, entre électeur et ayants droit. Je salue ce texte équilibré qui encadre le transfert moyennant une procédure d'indemnisation.

Je forme le voeu que, loin des situations abracadabrantesques qu'a évoqué le rapporteur, ces biens sectionaux, devenues sections d'or, évoquent le beau, l'harmonie et la divine proportion ! (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte rationalise et simplifie le régime des biens sectionaux pour répondre aux demandes des maires. La commission des lois l'a amélioré, nous nous en réjouissons. Il convenait de recadrer un système qui s'est dégradé au fil du temps. De fait, nombres d'ayants droit avaient détourné le sens originel des biens sectionaux : de patrimoine collectif, ils en ont fait des propriétés privées. D'où l'opposition des sections aux communes, qui a suscité une jurisprudence complexe et touffue.

Nous voterons ce texte en regrettant la suppression de l'article premier. Un inventaire était indispensable aux élus ; encore une fois, nous faisons les frais du désengagement de l'État. De nombreux maires nous ont interpellés : nous proposerons le rétablissement partiel de cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Pierre Jarlier .  - Enfin, le Sénat débat des biens sectionaux avec un texte très attendu par plus de 2 500 élus locaux concernés. L'initiative du RDSE est heureuse, elle rejoint la démarche que j'avais engagée avec des membres du groupe centriste sur ce droit ancestral, issu d'un régime suranné et particulièrement complexe, qui entrave l'aménagement et le développement de certains territoires. La convergence de nos travaux est révélatrice des sujets qui préoccupent les élus ruraux à l'heure où l'on parle des métropoles et de l'intercommunalité. Les biens sectionaux suscitent des tensions lorsqu'ils sont sources de bénéfices. La gestion d'un terrain nu et pentu est plus délicate et moins fructueuse que celle d'une forêt...

La décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011 clarifie enfin la situation ; la proposition de loi la reprend. Ce sujet dépasse largement les clivages partisans, nous soutiendrons donc nos amis radicaux.

Le rappel de l'interdiction de la distribution des bénéfices en espèces est bienvenu : il subsiste, malgré son interdiction expresse par la jurisprudence. Autre point, il fallait effectivement autoriser les communes à utiliser les bénéfices excédentaires dégagés par les sections, dont les besoins sont satisfaits, pour financer des travaux communaux. Le cas existe : telle section, dans une commune dont je tairai le nom, possède une parcelle où sont implantées des éoliennes. L'argent dort sur un compte quand la commune en a besoin pour investir.

La procédure de transfert, qui s'accompagne de garanties, correspond aux attentes des élus, souvent bloqués dans leurs projets d'aménagement.

S'agissant de la modalité d'attribution des terres agricoles, le rapporteur a bien voulu reprendre un mien amendement. Les biens sectionaux sont souvent en montagne, où les primes à l'hectare sont convoitées. D'où bien des imbroglios.

Je remercie notre commission d'avoir prêté une oreille attentive au sujet, pour produire un travail de qualité qui améliorera la protection de nos maires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes. Nous poursuivons la discussion générale.

Mme Hélène Lipietz .  - Il est émouvant de toucher aux survivants des siècles passés et de les préparer à affronter le XXIsiècle. Des siècles durant, la propriété seigneuriale fut un tout petit peu limitée pour accorder aux villageois un minimum vital. Quand d'autres modes de solidarité sont apparus, les usages se sont modifiés, au point que les habitants des sections voient aujourd'hui dans les biens sectionaux leur propriété privée. Au grand dam des maires, contraints de gérer des chicanes qui les poussent parfois à vouloir rendre leur tablier. Et l'on sait qu'être élu d'une petite commune est un sacerdoce.

Les richesses produites par la section ne peuvent être utilisées qu'à son profit, alors même que les biens appartiennent à la commune. Ce texte vise à moderniser ce régime, archaïque et mal défini, qui a trop longtemps perduré dans notre droit. Il le rend plus juridique et donc plus judicieux : reconnaissance de la nature publique de la section, définition claire de la qualité de membre de celle-ci, interdiction de création de nouvelles sections et possibilités de transfert élargies : nous signons, avec ce texte, la disparition de l'écrasante majorité des sections, qui ne sont plus que des coquilles vides, sans habitants ni ayants droit. Pour les écologistes, il est urgent de retisser les liens qui unissent une communauté humaine : solidarité et partage s'imposent en ces temps difficiles d'individualisme et d'égoïsme. Ainsi des jardins partagés, des équipements sportifs, des locaux collectifs des HLM, qui renforcent le sentiment de confiance dans la gestion des biens publics.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Hélène Lipietz.  - C'est la voie pour faire de chacun un citoyen responsable. J'espère que le troisième acte de la décentralisation ira dans ce sens. Ce texte nous met en appétit : il faut des règles simples pour inventer le vivre ensemble, autour d'un projet commun, sans que les uns en tirent plus de bénéfice que les autres : un beau rêve pour demain. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Pierre Vial .  - Ce texte répond à une situation contrastée, qui suscite tant l'émerveillement devant l'héritage des siècles passés que l'interrogation. Les biens sectionaux, mal connus, sont malheureusement source de complexité pour les communes et de bien des difficultés pour les maires. Les tentatives pour faire évoluer ce régime ont été nombreuses depuis la loi d'orientation agricole de 1999.

Je veux illustrer les contradictions de ce régime : Saint-Christophe-sur-Guiers ne dispose que d'une modeste forêt tandis qu'une forêt beaucoup plus importante bénéficie à deux sections. M. Mézard a dit la nécessité d'en revenir à l'esprit d'origine de ces sections. L'une de celles que j'ai citées, dont les revenus ne lui permettraient pas de réaliser les investissements nécessaires à l'entretien de la forêt, demande à la commune de réaliser des travaux d'aménagement hors de proportion avec le budget de celle-ci tandis que l'autre section dispose de revenus confortables qui pourraient y être affectés.

Ce texte remédie à ce type de situation, après la loi d'orientation agricole et la loi de 2004 qui facilitait déjà les transferts. A défaut de supprimer les sections de façon abrupte, pour reprendre les mots de M. Garrec, elle fera disparaître celles qui n'ont pas de raison d'être. Merci à M. Mézard de son initiative sur un dossier difficile, et à M. Collombat de son pragmatisme qui nous engage sur la bonne voie.

Le groupe UMP votera ce texte dans l'espoir qu'il aide à régler des conflits juridiques persistants. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Richard .  - Après tant de ralliements, mettons fin au suspense : le groupe socialiste votera ce texte.

Il est, entre sections et communes, des divergences d'intérêts inévitables. La section fut consacrée par la loi de 1884, qui définit la commune républicaine. Ces dernières décennies, la tendance a été à la privatisation ; et l'existence de sections, sans stratégie de long terme, ne répond pas aux exigences de l'aménagement du territoire. Ce texte vise à favoriser la gestion, au nom des sections, par la commune, à faire obstacle à la captation des ressources par la section au détriment de la commune et à faciliter la reprise de propriété des biens sectionaux par la commune.

Il marque un progrès - partiel cependant, car les différences d'intérêt demeurent. Un arrêt récent du Conseil d'État impute d'ailleurs à la section la responsabilité d'une erreur que le conseil municipal aurait commise et qui aurait conduit à léser un tiers.

Les mesures visant à faciliter la reprise de gestion par le conseil municipal constituent un progrès et les seuils retenus pour le maintien d'une commission syndicale sont pertinents. Mais subsiste la question, déterminante, de la qualité d'ayant droit. S'il faut être résident, c'est qu'il peut y avoir des biens privés. La propriété revient à la commune mais de droit de jouissance, lui, a un caractère privatif - il est insuffisamment précis. C'est un grand progrès que de reconnaître la notion de membre, mais qui n'en simplifie pas pour autant la notion d'ayant droit. Il faudra s'en remettre à nos travaux préparatoires. Pour moi, la nouvelle notion de membre de la section remplace celle d'ayant droit.

Les municipalités pourront modifier le budget de la section, financer des dépenses communales sur ce budget, pour peu que les besoins de la section soient satisfaits - encore faudra-t-il apprécier cette condition ; les sections seront assujetties, à terme, à l'impôt foncier. Enfin, le transfert est facilité : c'est un règlement définitif des conflits d'intérêt, si la commune le souhaite et qu'une juste indemnisation est prévue.

Restera néanmoins pendante la question de l'extinction du droit d'usage. De façon coutumière, on considère que le transfert met fin à ce droit mais la loi, curieusement, ne le précise pas. Pudeur face au mécontentement que suscite le transfert ?

Il faut, enfin, que la vente soit possible. Elle est de la compétence de la section mais s'il y a transfert, c'est la commune qui s'en chargera seule.

Ce texte, bienvenu, favorisera la mobilisation de l'espace foncier dans des régions menacées par la déprise et l'affaiblissement du potentiel agricole. Merci à l'auteur de la proposition de loi d'avoir fait avancer la réflexion. (Applaudissements)

M. Alain Bertrand .  - Cette question est au coeur des préoccupations sinon des bureaux des ministères parisiens, du moins de milliers de maires ruraux. Les sections sont en effet devenues des instruments dévoyés pour la satisfaction d'intérêts financiers privés. Les quelque 27 000 sections de commune recensées en 1999 sont très diverses. En Lozère, 70 000 hectares pour des sectionaux qui peuvent aller, dans une commune, jusqu'à 800 ou 1 000 hectares. Alors que seules 200 commissions syndicales fonctionnent correctement, des contentieux privés, familiaux, des litiges anciens -pour ne pas dire des règlements de comptes- se multiplient. La situation est bien souvent inextricable. Car ce régime est dépassé. Le CGCT sur le sujet est un empilement désordonné de normes ; la notion de feu, à laquelle a dû se référer le rapporteur pour justifier ses amendements, n'est-elle pas elle-même vieillie ?

Les réformes passées n'ont pas permis d'atteindre l'objectif. L'initiative du président Mézard est bienvenue. Nous faisons confiance à la ministre qui connaît bien le sujet -elle est aveyronnaise- et avons l'espoir que ce texte aide à restructurer en profondeur le régime. Mais on sait que les choses se font peu à peu, en marchant, disait en substance Jean Jaurès...

Il faudra veiller à préserver l'équité, à assurer vraiment la simplification administrative : les sectionaux posent problème là pour la création d'une station d'épuration, ici pour des terrains à bâtir. On voit, dans mon département, des gens installer une ruche dans un pré et s'immatriculer à la MSA pour accéder aux biens sectionaux et se faire attribuer des hectares... Il faudra veiller à protéger les intérêts des vrais agriculteurs, ceux qui tirent l'essentiel de leur revenu de leur profession.

Cette loi, conforme à l'intérêt général, met fin à certains passe-droits incompatibles avec la République. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier (supprimé)

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Afin de faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, un ou plusieurs maires des communes intéressées peuvent demander au représentant de l'État dans le département, d'établir après enquête publique, un inventaire des sections de communes et de leurs biens, droits et obligations. Cet inventaire est communiqué, pour la partie les concernant, aux maires des communes intéressées.

Mme Cécile Cukierman.  - Les maires qui en font la demande doivent pouvoir bénéficier de l'aide de l'État pour établir un inventaire. Pour les élus, cet article premier constituait l'une des avancées du texte.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Nous en avons largement débattu et Mme Cukierman a la logique pour elle. Mais quelle est la partie de commune, les biens exclusifs ici visés, les droits distincts ? La difficulté commence quand on gratte... A quoi bon encombrer les préfectures quand on ne peut attendre de résultat ? Retrait, sinon rejet.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Je comprends votre logique mais on ne ferait qu'alourdir le dispositif. Retrait ?

Mme Cécile Cukierman.  - La logique étant avec moi, je maintiens l'amendement.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article premier demeure supprimé.

L'amendement n°7 est retiré.

Article premier bis

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Collombat, au nom de la commission.

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2411-3, les mots : « la moitié des électeurs » sont remplacés par les mots : « la moitié des membres » ;

2° Au septième alinéa (5°) de l'article L. 2411-4, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;

3° L'article L. 2411_11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « ayants droit » sont remplacés par les mots : « membres de la section ».

L'amendement n°15, de coordination rédactionnelle, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Alain Richard.  - Une question de droit, en quelques mots. La nouvelle définition de membre de section induit une nouvelle définition de l'ayant droit : que seuls les résidents puissent l'être simplifie les contestations mais, lorsque les personnes perdent la qualité d'ayant droit à la suite d'un transfert, la commune indemnise. Or, du fait du changement de la définition légale, les ayants droit perdent cette qualité. Si nous ne précisons rien, les tribunaux pourraient estimer l'indemnisation légitime. Mais ne peut-on imaginer un système dans lequel la qualité d'ayant droit n'est perdue qu'à terme, au moment du transfert ? Sans quoi, on va fabriquer du contentieux et la responsabilité de l'État serait engagée.

Peut-être pourrions-nous trouver une solution à ce problème d'ici la lecture à l'Assemblée nationale. J'avais déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable à bon droit...

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Je n'ai pas la même lecture. Bien sûr, je me suis posé la question mais il n'y a pas de nouvelle définition de l'ayant droit. C'est l'appartenance à la section qui fait l'ayant droit et non l'ayant droit qui fait la section. C'est la collectivité qui a des titres de jouissance, non l'ayant droit ; et la collectivité qui se rapproche le mieux de la collectivité originelle, ce sont les habitants. La solution que nous avons retenue, après mûre réflexion, est la plus proche et de la logique originelle et de la logique profonde de la notion de section.

M. Jean-Pierre Vial.  - Je suis le rapporteur : prévoir quelque chose dans la loi perturberait le système. On n'est pas ayant droit partout dans les mêmes conditions et on peut en perdre la qualité si l'on ne remplit plus les conditions. Définir la qualité d'ayant droit, ce serait figer les choses, dénaturer les liens avec la section. Dans le cas que j'ai évoqué tout à l'heure, on n'est pas ayant droit dans les mêmes conditions dans l'une et l'autre section.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

L'article premier ter est adopté.

L'article premier quater est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce montant peut être révisé par décret.

Mme Hélène Lipietz.  - Le Conseil d'État doit pouvoir modifier le seuil financier pour une section afin de ne pas figer les choses sur l'année 2012.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Favorable.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Favorable, sous réserve qu'il s'agisse bien d'un décret simple.

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

L'article 2 ter est adopté.

Article 2 quater

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Collombat, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

dans le respect

par les mots :

notamment dans le respect

L'amendement rédactionnel n°16, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2 quater, modifié, est adopté.

L'amendement n°2 est retiré.

L'article 2 quinquies est adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

L'amendement n°13 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

au projet de transfert ainsi qu'à ses modalités

M. Alain Richard.  - Il est nécessaire de préciser, en cas d'absence de délibération, à quel objet s'applique l'avis de la commission syndicale.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - La rédaction est suffisamment claire : on sait bien qu'il s'agit d'un projet de transfert et de ses modalités. Retrait ?

L'amendement n°11 est retiré.

L'amendement n°12 n'est pas défendu.

L'amendement n°10 est retiré.

L'amendement n°9 n'est pas défendu.

L'article 4 est adopté.

Les articles 4 bis, 4 ter, 4 quater, 4 quinquies, 4 sexies et 4 octies sont adoptés.

Article 4 nonies

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Collombat, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

I. - A compter de la publication de la présente loi, aucune section de commune ne peut être constituée.

II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'article L. 2112-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2112-7. - Les biens meubles et immeubles situés sur la portion de territoire faisant l'objet d'un rattachement à une autre commune ou ceux appartenant à une commune réunie à une autre commune deviennent la propriété de cette commune.

« S'ils se trouvent sur une portion de territoire érigée en commune distincte, ils deviennent la propriété de cette nouvelle commune. » ;

2° Les articles L. 2112-8 et L. 2112-9 sont abrogés ;

3° L'article L. 2242-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-2. - Lorsqu'un don ou un legs est fait à un hameau ou à un quartier qui ne constitue pas une section de commune, le conseil municipal statue sur l'acceptation de cette libéralité dans les conditions prévues à l'article L. 2242-1.

« En cas d'acceptation, la commune gère le bien dans l'intérêt des habitants bénéficiaires du don ou du legs. »

III. - Le I est applicable en Nouvelle-Calédonie.

IV. - La présente loi est applicable en Polynésie française.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Cet amendement de coordination évite la création de sections de commune dans les cas de fusion de communes ou de legs.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Le Gouvernement n'a pas été à même de mesurer l'impact de cet amendement, dont il partage cependant la philosophie. Sagesse.

L'amendement n°14 est adopté.

L'article 4 nonies, modifié, est adopté.

Article 4 decies

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 5

Après le mot :

biens

insérer le mot :

agricoles

Mme Hélène Lipietz.  - Harmonisation rédactionnelle.

L'amendement n°3, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 6

Après le mot :

biens

insérer le mot :

agricoles

L'amendement n°4 d'harmonisation rédactionnelle, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4 decies, modifié, est adopté.

L'article 4 undecies est adopté.

Article 4 duodecies

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 3, première et seconde phrases

Remplacer le mot :

électeurs

par le mot :

membres

Mme Hélène Lipietz.  - Achevons de peigner la girafe ! Harmonisation rédactionnelle.

L'amendement n°5, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4 duodecies, modifié, est adopté.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Il s'agit de lever le gage.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur  - Une bonne nouvelle sur laquelle la commission n'a pu se prononcer : je ne peux qu'y être favorable à titre personnel...

L'amendement n°17 est adopté.

L'article 5 est supprimé.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean Boyer .  - Élu du Massif central, je me réjouis que l'ancienne sénatrice de l'Aveyron ait conservé sa classe et sa compétence. Je salue les deux Cantalous. Le premier s'appelle Pierre Jarlier : il nous avait déjà sensibilisés au problème par une proposition de loi. Preuve qu'il faut vivre les problèmes de près pour se forger une conviction. Le second est Jacques Mézard, que je félicite pour son heureuse initiative.

Pour avoir été trente six ans maire d'une commune où existaient des biens de section, productifs et improductifs, je sais qu'il suffit d'en parler pour que les ayants droit se réveillent... Mais pour aller vers l'avenir, pour aménager, il faut adopter ce texte. Dans nos territoires, les obstacles ne sont pas seulement climatiques, mais administratifs. Les hommes de bonne volonté doivent savoir respecter le passé dans la perspective de l'avenir. Nous voterons ce texte. (Applaudissements)

M. Stéphane Mazars .  - Les sections ont toute leur place dans nos paysages ruraux à partir du moment où elles ne sont pas sources d'obstacles pour nos territoires. Tout doit être mis en oeuvre pour faciliter la vie des maires. Avec la simplification de la communalisation, nous avons fait ce soir oeuvre utile. Aussi je ne peux qu'inviter le Sénat, étant élu de l'Aveyron, à voter ce texte déposé par mon groupe, en espérant son inscription prochaine à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur .  - Merci à M. Mézard de m'avoir initié aux arcanes des sections, peu présentes dans mon département. Notre travail collectif a visé à restaurer la logique originelle de cette longue tradition qui doit continuer à vivre. Voici l'esprit général dans lequel nous avons travaillé. A voir vos réactions, je crois que nous ne nous sommes pas trompés.

La proposition de loi est adoptée.

M. le président.  - A l'unanimité ! (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Je me réjouis du vote de ce texte dans une belle harmonie et une belle coproduction législative. Je ne vois qu'un défaut à cette loi qui règlera bien des problèmes sur le terrain ; il me faut le dire : demain, nos avocats n'auront plus de travail ! (Sourires)

La séance est suspendue à 22 h 35.

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La séance reprend à 22 h 40.