Loi de finances pour 2013 (Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi de finances pour 2013.

Discussion générale (Suite)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Plus de 400 amendements ont été déposés sur la première partie, soit 50 % de plus que les années « normales ». On peut avoir une discussion budgétaire anormale sous une présidence normale ! (Sourires)

Si nous voulons que le vote sur la première partie intervienne à une heure raisonnable mercredi prochain, il nous faudra siéger samedi, y compris éventuellement le soir. Mais il ne paraît pas encore indispensable de siéger dimanche. Nous aviserons. (M. le ministre le confirme)

M. Jean Arthuis .  - Cette discussion générale nous éclaire sur les enjeux de ce projet de loi de finances. Je remercie le rapporteur général et le président de la commission des finances de leur présentation.

Si la tâche du ministre du budget est délicate, la nôtre est inouïe : nous avons appris le 6 novembre que la loi de finances initiale serait rectifiée dès février pour prendre en compte les arbitrages résultant des recommandations du rapport Gallois. M. Cahuzac a déposé un amendement à la loi de programmation, nous informant de façon élégante mais lapidaire des modifications à venir dans notre trajectoire... Dernier avatar, la loi de finances rectificative devrait consacrer le crédit d'impôt de 10 milliards d'euros dit « compétitivité emploi », correspondant aux charges sociales que les entreprises acquitteront sur les salaires versés en 2013 -autant dire un allégement à crédit. N'est-ce pas un manquement à l'exigence de sincérité budgétaire ? A quand la vraie délibération ? Ce projet de loi n'est que la préfiguration de la loi de finances initiale pour 2013...

Certes, la crise justifie des initiatives exceptionnelles. Mais pourquoi le levier supposé de la croissance n'est-il pas dès maintenant en débat ?

Je rends hommage au Gouvernement d'avoir enfin fait tomber deux tabous : il reconnaît que les charges sociales freinent la compétitivité et l'emploi et que la hausse de la TVA n'est plus un chemin interdit.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Un chemin de Damas !

M. Gérard Longuet.  - Chemin dangereux à l'heure actuelle...

M. Jean Arthuis.  - C'est une révolution copernicienne... Nous aurions pu le croire sorti de son tunnel dogmatique. Mais il tarde à prendre la mesure des réformes à accomplir.

Le projet de loi de finances appelle trois critiques. Vous acceptez d'abord la montée du chômage comme une fatalité : le président de la République a dit publiquement que le chômage allait continuer d'augmenter.

Mme Michèle André.  - C'est réaliste.

M. Jean Arthuis.  - Le crédit d'impôt « compétitivité » ? Les entreprises devront en faire l'avance. M. Gallois demandait un choc immédiat de 30 milliards -j'estime même qu'il faudrait en fait 50 milliards. Mais le Gouvernement ne retient que 20 milliards, qui plus est étalés dans le temps. Les entreprises pourront constater une créance sur l'État à la clôture de leur propre exercice, mais ce dernier ne reconnaît pas sa dette. Où est la sincérité budgétaire ? Vous évoquez le CIR mais les sommes en jeu ne sont pas les mêmes ! Il faut donc ajouter 10 milliards au déficit de 2013. Et vous attendez 2014 pour collecter le financement via la TVA. Ce mécanisme complexe n'est pas à la hauteur des enjeux.

Pour respecter nos engagements européens et préserver notre souveraineté, vous choisissez... le matraquage fiscal, au risque de décourager ceux qui entreprennent, investissent, créent des richesses. Sur l'imposition des plus-values, il faudrait au moins tenir compte de la durée de détention des titres et de l'érosion due à l'inflation.

Votre hypothèse de croissance est irréaliste : il vous manquera bientôt 4 à 5 milliards. Sans compter que votre tsunami fiscal suscitera de l'évasion, la délocalisation d'entreprises et de particuliers, donc une réduction des assiettes fiscales. Les recettes ne seront pas au rendez-vous.

Faute de réformes structurelles, je ne crois pas aux économies annoncées. Mettons fin à l'hystérie normative.

M. Albéric de Montgolfier.  - Reportez-vous aux travaux de M. Doligé !

M. Jean Arthuis.  - Le président de la République le promet, mais cinq jours plus tard, la ministre de la famille annonce l'abrogation du nouveau dispositif sur l'accueil des jeunes enfants, qui avait justement allégé les normes ! Allez comprendre... Nous avions voté la baisse des cotisations au CNFPT, vous les avez immédiatement relevées.

Parmi les normes à revoir, il y a celle du temps de travail. L'extension des 35 heures aux trois fonctions publiques a coûté 25 milliards. (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous n'échapperons pas à sa remise en cause.

Ce texte instable, qui ne donne qu'une illusion d'assainissement, est destiné à être modifié dans les semaines qui viennent. Votre majorité vous y autorisera-t-elle ?

Je rejetterai les articles de la première partie. Si je n'exclus pas de m'abstenir sur l'article d'équilibre, c'est pour permettre au Sénat d'examiner les crédits des misions et montrer que nous sommes capables de proposer des économies. (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Fortassin .  - Le projet de loi de finances est dans le droit fil des mesures votées cet été. Je ne vous ferai pas le coup de l'héritage...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. François Fortassin.  - ...mais quel passif ! Si la politique de la droite était aussi bonne, pourquoi donc dette abyssale ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La crise...

M. François Fortassin.  - Peut-être aussi une erreur de stratégie ! Quant aux 35 heures, vous avez eu dix ans pour les abroger ! Que ne l'avez-vous fait ?

M. Albéric de Montgolfier.  - On a eu tort...

M. François Fortassin.  - Peut-être aussi dans d'autres domaines !

Le diagnostic est sans appel : une dette de 1 700 milliards, un déficit de 4,2 % du PIB, une croissance atone, un taux de chômage de 10 %. Pour les Français, les dégâts sont palpables. Vous ne pouvez pas imputer la hausse des inégalités à six mois de gouvernement de gauche ! L'accès aux services publics, indispensable aux plus fragiles, est de plus en plus difficile. Une fracture sanitaire se creuse. Les collectivités territoriales ont essayé de panser les plaies, mais n'ont pu tout faire... L'idée de la France forte s'est perdue dans le brouillard...

Ce budget est inspiré par une volonté de redressement et d'équité. Il faut rétablir nos finances publiques, pour l'Europe et pour nous-mêmes. Le Gouvernement anticipe un rebond de l'économie française -lorsque le temps est morose, il faut de l'audace.

Les radicaux de gauche, créateurs de l'impôt sur le revenu, sont favorables au rétablissement de la progressivité de l'impôt, à la réforme de la fiscalité des entreprises pour encourager l'investissement, aux encouragements au logement social, à la fiscalité écologique. Une politique qui tourne le dos aux avantages fiscaux indus ne peut que donner confiance à nos compatriotes. Un tiers d'économies, un tiers d'efforts demandés aux entreprises, un tiers aux ménages : c'est équilibré.

Le projet de loi de finances ne témoigne d'aucun renoncement. L'alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, la fin des allégements d'ISF sont d'excellentes choses.

Moody's ne tient pas compte de l'épargne des particuliers, qui contribue à la richesse collective. Il faut libérer les bas de laine !

M. Albéric de Montgolfier.  - Avec le livret A ?

M. François Fortassin.  - Il faut que le système bancaire soit plus souple, que les collectivités territoriales puissent se financer sans avoir à s'adresser à trois guichets différents...

Entre une économie saine et une autre qui traîne la patte, il y a la confiance. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour rendre confiance aux investisseurs publics et privés.

Les radicaux de gauche, même s'ils regrettent que ce projet de loi de finances ne fusionne pas l'impôt sur le revenu et la CSG et ne crée pas trois taux d'impôts sur les sociétés, saluent vos efforts et voteront ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. André Gattolin .  - Elaborer le projet de loi de finances 2013 est un exercice périlleux : il faut éviter le gouffre de la dette mais aussi l'assèchement de l'action publique qui conduirait à l'austérité. Une dette massive et incontrôlée revient à reporter l'effort nécessaire sur les générations futures. Les écologistes saluent le courage du Gouvernement, qui s'attaque à ce fléau sans faire de cadeaux électoraux.

L'heure n'est pas aux polémiques. Le Gouvernement doit entendre toutes les propositions visant à réduire la dette, encourager une relance saine et soutenable, améliorer l'action publique, renforcer la justice sociale, mieux coordonner l'action de l'État avec celles de l'Europe et des collectivités.

Ce budget sous-tend l'effort considérable de réduction de la dette tout en privilégiant la justice fiscale. Selon Les Échos, la France devient le pays où les plus hauts revenus sont le plus imposés ; comment faire autrement si l'on veut restaurer notre intégrité sans sacrifier les plus défavorisés ? Nous saluons les efforts sur l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche. Nos regrets portent sur les niches fiscales anti-écologiques ; seules deux ont été remises en cause depuis le Grenelle.

La mutation écologique reste négligée, contrairement aux engagements du président de la République. Notre fiscalité reste traditionnelle, les profits des géants du numérique ne sont toujours pas fiscalisés. Le Gouvernement devrait se saisir des propositions du Sénat.

L'Europe, enfin. Le Conseil européen se réunit ce soir sur le budget et nous nous inquiétons car l'austérité est au menu.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - C'est vrai !

M. André Gattolin.  - Ce serait suicidaire de doubler la rigueur budgétaire des États d'une austérité à l'échelle européenne.

Notre groupe votera ce projet de loi de finances pour 2013. Nous espérons que le Gouvernement, mieux que lors du collectif ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, entendra nos amendements constructifs. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Gérard Larcher .  - La France et l'Europe sont confrontées à une profonde mutation de leur modèle économique et social. Un cycle se termine, nous devons trouver un nouveau chemin pour la croissance car sans croissance, pas d'emplois.

La crise est un défi : il faut lever les handicaps de notre pays, un chômage structurel, un marché du travail dual, la désindustrialisation, le déficit du commerce extérieur, les faibles marges des entreprises. La voie des réformes s'impose donc. Il y faut du courage et de la détermination.

Ce budget ne me paraît pas à la hauteur des enjeux, notamment à la lumière du rapport Gallois. La seule marge de manoeuvre pour dépasser la crise est celle des réformes structurelles, ce qui signifie qu'il faut réduire les dépenses publiques et améliorer la compétitivité des entreprises -vous vous y essayez. Mais vous avez tenté aussi la hausse massive des impôts, puis la baisse : c'est la douche écossaise pour les entreprises.

En six mois, vous avez déconstruit ce qui avait été fait, insuffisamment certes, pour améliorer la compétitivité de notre pays ; il aurait fallu amplifier le mouvement. Vous êtes revenus sur la réforme des retraites de 2010 -il est temps que vous demandiez au COR d'analyser l'équilibre de nos régimes à l'horizon 2020. Vous avez supprimé la TVA anti-délocalisation... Vous essayez de réparer vos erreurs par un mécanisme complexe de crédit d'impôt, moins efficace.

Heureusement, vous n'avez pas tenu l'engagement d'un Ondam à 3 % -l'équilibre des comptes sociaux est fondamental- ni renégocié le traité européen, dont nous attendons que vous lui donniez un contenu probant.

Votre hypothèse de croissance suscite beaucoup d'interrogations. La Commission européenne et le FMI n'y croient pas plus que le consensus des économistes et vous ne tenez pas compte du changement de comportement des agents économiques soumis à votre matraquage fiscal.

Une baisse des dépenses publiques était nécessaire. Vous vous y essayez mais de façon fort modeste et ambiguë. Vous perdez un temps précieux tandis que d'autres pays engagent des réformes d'ampleur, comme l'Italie.

Nous craignons que vous ne péchiez par excès d'optimiste : non, la crise n'est pas derrière nous, contrairement à ce qu'a dit le président de la République. Ayant déjà augmenté massivement les impôts, vous ne pourrez plus accompagner fiscalement une politique de compétitivité. Il faudrait augmenter la TVA sans attendre 2014.

Votre politique n'est pas claire, votre stratégie économique est peu compréhensible. La confiance est pourtant indispensable. Après le rapport Gallois, vous essayez de donner le change mais la France a besoin d'une autre politique.

Deux points m'inquiètent plus particulièrement : la hausse de la fiscalité sur l'épargne financière et la limitation apportée à la déductibilité des intérêts d'emprunt des entreprises. Votre budget est fiscalement dur mais économiquement peu courageux. Je ne le voterai pas. (Applaudissements à droite)

Mme Michèle André .  - Notre groupe votera ce budget d'équilibre social et économique. Il faut tenir compte du contexte, des besoins et des capacités contributives de chacun pour assurer l'avenir. Le redressement de nos comptes est indispensable après un doublement de la dette en dix ans. Il y va de notre crédibilité, de notre compétitivité et de nos capacités d'action. Si nous laissons dériver notre budget, nous ne serons plus écoutés et n'obtiendrons plus de mesures européennes de croissance. Une hausse des taux d'intérêt nous pénaliserait gravement et nous ne serions plus maîtres chez nous. Le changement sera durable si nous prenons des décisions dès aujourd'hui.

Dès ses premiers mois, ce gouvernement s'est employé à mettre en oeuvre les engagements de notre candidat : emploi d'avenir, contrats de génération, retraite à 60 ans pour les salariés aux carrières longues. Les capacités d'action de Pôle emploi seront renforcées avec près de 4 000 agents supplémentaires d'ici 2014.

M. Alain Fouché.  - Cela ne fonctionne pas !

Mme Michèle André.  - Nous proposerons des amendements pour renforcer les dispositifs existants.

Nous nous félicitons du retour de deux priorités trop longtemps négligées, la jeunesse et l'éducation. Les crédits affectés aux bourses seront augmentés de 145 millions, l'école et l'université recevront de nouveaux moyens.

En matière de compétitivité, le rapport Gallois fait des constats alarmants. Nous examinerons bientôt le projet de loi créant la BPI pour soutenir les PME. Nous agirons avec méthode et non dans la précipitation, comme le gouvernement précédent. (M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, approuve) Au-delà des chiffres bruts de la dette publique, il y a une réalité que nous combattons sans relâche : l'impôt sur la naissance que nous lègue le quinquennat précédent, commencé avec le bouclier fiscal de 50 % et achevé avec le détricotage de l'ISF.

C'est derrière nous : les Français les plus riches seront sollicités, c'est leur honneur d'apporter leur pierre au redressement de la nation. L'autre pan de cette politique, c'est la solidarité qu'illustre l'allocation de rentrée scolaire. Nous l'augmentons de 25 %, dans l'intérêt de 5 millions d'enfants issus de familles modestes. En remettant de la progressivité et de la justice dans l'imposition des ménages, nous faisons plus que rembourser l'ardoise laissée par ceux qui sont aujourd'hui dans l'opposition, nous construisons l'avenir, nous reprenons en main l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Thierry Foucaud .  - Ce projet de loi de finances se situe dans le prolongement des débats que nous avons eus depuis quelques mois, avec le traité européen et la loi de programmation des finances publiques. Puisque nous sommes contre le traité budgétaire, contre la règle d'or, contre la loi de programmation, on pourrait en déduire qu'il ne faut pas débattre de ce projet de loi de finances. Mais nous croyons à la vertu du débat, à la possibilité de modifier ce budget.

Certes, la situation est grave. La gestion de la droite pendant dix ans a été calamiteuse : doublement de la dette, dégradation économique et sociale généralisée. La hausse des inégalités sociales est allée de pair avec un recul de la citoyenneté.

Ce projet de loi de finances met en oeuvre un choc fiscal pour réduire le déficit public. Les plupart des instances internationales estiment pourtant que la croissance mondiale continuera à être soutenue. L'Asie continuera à connaître des taux à faire pâlir d'envie les Grecs. Le FMI estime à 2,75 % la croissance américaine en 2013 et à 4 % celle de la Russie, du Brésil, de l'Argentine. L'ensemble des pays européens, notamment la zone euro, sombrent au contraire dans la récession. L'austérité imposée aux uns est exportée chez les autres.

Pourquoi le traité budgétaire ? Pour maintenir la parité de l'euro ? L'échec est patent puisque l'euro est passé sous la barre de 1,30 dollar et qu'un franc suisse vaut désormais 83 centimes d'euro contre 68 centimes il y a dix ans. L'euro s'est dévalué, victime de l'austérité, et cela n'a pas favorisé notre commerce extérieur. Même en Allemagne, la récession guette. A vouloir imposer une austérité sans issue, Mme Merkel se retrouve dans une situation inconfortable. Il est grand temps de sortir de cette course aux 3 %.

Oui, la justice fiscale est importante, tout comme la fiscalité du capital et des hauts revenus. Mais n'oublions pas pour autant la justice sociale.

L'ennemi, c'est la finance, disait-on au printemps. Est-ce encore quand on s e prépare à payer les 50 milliards d'intérêts de notre dette. Les pressions que fait peser le lobby bancaire se révèlent au grand jour.

Nous avons déposés divers amendements pour aller plus loin. Tous avaient été votés par la majorité sénatoriale il y a un an. Nous reprenons donc notre travail où il avait été laissé à l'occasion du projet de loi de finances pour 2012, afin de créer les conditions de la croissance et augmenter le pouvoir d'achat. Nous voulons une dépense publique nouvelle pour plus d'impulsion économique. La France ne sortira pas de la crise sans politique audacieuse. Le pacte de croissance ne sera pas suffisant, loin de là. Nous nous déterminerons en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Vincent Delahaye .  - Nous partageons les objectifs de ce budget : 3 % de déficit et priorité à la justice, à la sécurité, à la jeunesse et à l'emploi. Pas les moyens proposés. Vous prévoyez surtout des augmentations d'impôts qui décourageront ceux qui font vivre notre économie ; vous demandez aux collectivités locales des efforts que vous ne partagez pas ; vous faites preuve d'un optimisme qui frise l'insincérité.

Un bon budget, c'est la prudence dans les prévisions de recettes et de dépenses ; vous semblez l'ignorer. Pourquoi ne pas adopter les règles de bonne gestion que je proposais l'an dernier ? Pourquoi un tel matraquage fiscal ? Combien de temps les marchés vont-ils nous faire confiance ?

Le budget pour 2012 tablait sur une croissance de 1,75 % et nous aurons au mieux 0,3 %. Cette année, vous prédisez 0,8 %, ce qui n'est pas tenable, sauf miracle. Pourquoi ne pas reconnaître que 0,4, voire 0,2 % sont plus réalistes ? Vous prévoyez une croissance spontanée des recettes de 3 %. Les revenus des Français auraient-ils augmenté à ce point ? C'est un déni de réalité.

Il faudrait prévoir des économies dans la même proportion que les augmentations d'impôts. La baisse de nos dépenses publiques est indispensable. Il faudra être courageux, justes et cohérents pour gagner la confiance des Français. Au lieu de quoi, vous voulez des hausses d'impôts excessives.

Suite au rapport Gallois, vous voulez favoriser la compétitivité des entreprises mais vous allez d'abord prélever 30 milliards d'euros sur celles-ci. Votre premier geste est de traire les vaches à lait de l'économie. Bientôt, elles n'auront plus de lait et ne pourront plus jouer leur rôle de locomotives de l'économie.

Les ménages vont voir leurs impôts augmenter. Même si vous prétendez que 90 % de l'effort fiscal seront à la charge des 10 % les plus fortunés, il n'en reste pas moins que des personnes qui ne payaient pas d'impôt l'an passé en paieront cette année, puisque les heures supplémentaires seront fiscalisées. Savoir que les riches paient plus ne les empêchera pas de passer à la caisse.

Ce n'est pas en maintenant des dépenses de l'État élevées que l'on améliorera la situation. Combien de temps les marchés vont-ils nous faire confiance ? Nous empruntons 500 millions par jour : lorsque les marchés changeront d'avis, la situation ne sera plus tenable.

Vous êtes sans doute courageux, monsieur le ministre, mais vous représentez un gouvernement qui ne l'est pas. (Exclamations à gauche) Raymond Aron disait que « quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux ». Évitons cette extrémité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Paul Emorine .  - La compétitivité : ce sujet est absent du projet de loi de finances. Les difficultés des États européens rendent encore plus urgente la recherche de solutions pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. M. Gallois n'est pas arrivé en terrain inconnu, il est venu après les travaux de Terra Nova, de l'institut Montaigne, de l'institut de l'entreprise, des états généraux de l'industrie, d'une mission d'information de l'Assemblée nationale. Il a eu le mérite de dire des vérités qui dérangent mais dont vous ne tirez aucune conséquence. La révolution copernicienne est d'autant plus difficile que la compétitivité ne faisait pas partie des engagements de campagne du président de la République.

Vous ne proposez que d'augmenter les impôts alors qu'il faudrait baisser la dépense publique pour restaurer les marges, nourrir la croissance. La Cour des comptes recommande le 50-50 entre baisse des dépenses et augmentation des impôts. Tel n'est pas le cas dans ce budget. Vos orientations sont erronées : nous ne pouvons plus financer notre modèle économique et social issu de la Libération. Il faut revoir le niveau de notre dépense publique. Quand 20 % de l'emploi total relèvent de la puissance publique, contre la moitié en Allemagne, le service public est-il vraiment meilleur chez nous ?

Nos prélèvements obligatoires sur les entreprises sont bien trop élevés par rapport à ceux pratiqués chez nos voisins : 39 % du produit total des impôts, soit 10 points de plus que la moyenne européenne, 45 milliards de plus qu'en Allemagne ! Au Canada et en Suède, dans les années quatre-vingt-dix, les dépenses publiques ont baissé de 10 points en quelques années. Au lieu d'emprunter cette voie, vous supprimez le principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux et la RGPP. Au total, vous ne faites pas grand-chose pour réduire les dépenses publiques, comme la Cour des comptes vous y invite.

L'action publique doit être modernisée pour être plus efficace. Un choc de compétitivité est nécessaire à nos entreprises. Nous regrettons que vous n'en vouliez pas. La dégradation de la note de la France par Moody's devrait vous encourager à changer rapidement de cap. (Applaudissements à droite)

M. Jean Germain .  - Depuis le début de cette discussion générale, nos collègues de l'opposition nous expliquent que nous sommes dans une crise historique, répètent que nous nous trompons et qu'il suffirait de réduire les dépenses sans toucher aux impôts pour régler le problème. Durant dix ans, ils ont été au pouvoir. Si la recette était si simple, pourquoi ne l'avoir pas appliquée ?

Pourquoi en sommes-nous là ? C'est à une crise de la politique lancée aux États-Unis par MM. Reagan et Bush que nous assistons, avec la fin du mythe de l'autorégulation des marchés et la crise de la dérégularisation et de l'avidité financière. Aux États-Unis, en douze ans, la dette a été multipliée par quatre, les plus riches ont payé moins d'impôt, ce qui a augmenté la dette. (M. Serge Dassault proteste) Le Dow Jones a ainsi été multiplié par quatre...

Aujourd'hui, nous devons nous attaquer à la dette.

M. Serge Dassault.  - Vous avez raison.

M. Jean Germain.  - Cela ne peut se faire d'un coup, d'où la trajectoire.

La baisse des recettes, conséquence de cadeaux fiscaux, explique l'augmentation de la dette. Il nous faut donc augmenter les impôts.

M. Serge Dassault.  - C'est trop fort.

M. Jean Germain.  - Fait de façon juste.

Le stimulus keynésien est, par définition, temporaire, et il faut tenir compte de l'augmentation des charges liées au vieillissement de la population, aux dépenses de santé. Moody's vient de baisser notre note. Un économiste de Harvard a dit, lorsque la note des États-Unis a baissé, que cela lui rappelait la prière des AA, les Alcooliques anonymes (Sourires) : « Donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer celles que je peux, la sagesse de connaître leurs différences ».

La commission des finances a fait cette différence. Contrairement aux imputations de certains, le gouvernement n'a pas retenu l'hypothèse la plus optimiste, mais celle du milieu. Il propose de réduire les déficits, de restaurer la compétitivité et fait la différence entre ce qui est du ressort de notre pays et ce qui l'est de l'Europe. Il respecte le programme du président de la République : éviter le déclin et assurer la social-démocratie puisque le libéralisme a totalement échoué.

M. Serge Dassault.  - Mais non !

M. Jean Germain.  - Si les doctrinaires anglais nous attaquent, c'est parce qu'ils voient que nous allons nous en sortir quand eux s'enfoncent !

Il faut discuter d'un pacte entre l'État et les collectivités territoriales. L'acte III de la décentralisation doit être une vraie réforme ! (M. Roland du Luart approuve) Les normes sont coûteuses et doivent être rationalisées.

Quant au pacte de compétitivité, il sera présenté à la commission des finances de l'Assemblée nationale dès le 3 décembre, avec les trois nouveaux taux de TVA.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est un scoop.

M. Jean Germain.  - La TVA n'est pas totalement injuste, lorsqu'elle vient compléter l'impôt sur le revenu : on ne peut pas tout faire porter à celui-ci, sous peine d'éviction.

Ce budget ouvre une voie pour sortir de la crise sans revenir au statu quo ante. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)

M. Roland du Luart .  - Le Gouvernement propose d'aligner la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail. C'est une erreur qui nuira aux créateurs d'entreprises et d'emplois. Après six mois, vous avez enfin annoncé un geste à leur égard, après les avoir assommés par 13 milliards d'impôts ! La dérogation pour les plus-values mobilières ne suffit pas. On décourage le risque. Les plus-values seront taxées à un niveau sans équivalent dans la zone euro, plus du double, voire le triple ! On favorise ainsi la délocalisation, donc l'évaporation de l'assiette et la stérilisation du financement des entreprises.

Les investisseurs ont déjà payé, sur des revenus qui, à la différence de ceux des salariés, sont aléatoires. Quand il a mis en place les prélèvements sociaux, Michel Rocard prenait en compte le fait que les plus-values étaient faiblement taxées. La hausse importante de leur taxation additionnée aux prélèvements sociaux aboutit à une fiscalité confiscatoire.

Les dividendes d'actions, les intérêts d'obligations sont bien des revenus du capital ; en revanche, la plus-value issue de leur cession n'est pas un revenu mais un simple désinvestissement suivi généralement d'un nouvel investissement qui générera de nouveaux revenus taxables, issus du même capital.

Vous avez reculé devant les « pigeons », montrant soit votre impréparation soit votre méconnaissance du monde de l'activité économique. Cela n erègle pas tous les problèmes. Je pense par exemple au seuil de 10% : deux co-entrepreneurs qui céderaient leurs parts, suite au développement de leur entreprise, dont l'un détiendrait 9,5 % du capital et l'autre 10,3 % : le premier serait imposé à 45% et le second à 19%. Cela peut décourager les entrepreneurs de diminuer leurs parts au profit de leurs salariés et de tenter d'augmenter leur capital et donc la taille de leur entreprise, car cela diminuerait leurs parts également.

Pour éviter l'exil massif du capital, M. Eckert a écarté les carried interests, déjà soumis à une imposition de 72 % en 2012. Avec l'ISF, les socialistes appliquent la double peine, au flux et au stock.

La taxation à 75 % n'est qu'une mesure d'affichage, un contresens économique qui fera fuir le capital. Après M. Cameron, un ancien gouverneur du Mississipi appelle les investisseurs français à l'exil fiscal. M. Moscovici déclarait au Parisien qu'il n'y a aucun risque d'exil fiscal. Nous ne vivons pas dans le même monde : les avocats fiscalistes n'ont jamais eu autant de clients. Cette stigmatisation de la fortune et de la réussite va décourager les jeunes Français de prendre des risques.

La Chine communiste est fière de ses entrepreneurs, qu'elle sait retenir.

Mme Marie-France Beaufils.  - Elle a une banque publique très efficace !

M. Roland du Luart.  - Je ne pourrai voter ce budget. (Applaudissements à droite)

M. Georges Patient .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ce budget de combat rendu nécessaire par une situation dégradée constitue un acte important. Le redressement budgétaire dans la justice nous rendra des marges de manoeuvre. Des efforts équilibrés sont demandés, pour un vrai changement de politique. Cette fois, les outre-mer ne sont pas oubliés.

Entre 2007 et 2012, les outre-mer ont été doublement pénalisés, par la crise, d'abord, puis par le rabot sur les niches fiscales. En 2013, l'effort total de l'État a l'égard de l'outre-mer s'établira à 16,98 milliards en autorisations d'engagement et à 16,4 milliards en crédits de paiement. Les crédits de la mission outre-mer progressent de 3,5 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement. Les dépenses fiscales se maintiennent à 3,10 milliards d'euros.

Les tableaux annexés ne donnent les précisions que pour les outre-mer, laissant ainsi entendre qu'ils coûtent cher à l'État... Il est temps de rompre avec une vision cartiériste : leur population représente 4,5 % de la population française, soit l'équivalent de leur poids dans les dépenses publiques. Donnons-leur plutôt les moyens d'exploiter leurs richesses !

Bon nombre d'engagements de François Hollande trouvent une traduction dans ce projet de loi de finances. Le soutien à l'emploi d'abord. Car le chômage est de trois à cinq fois plus élevé entre outre-mer, la pauvreté plus fréquente : 7,6 % de la population bénéficient des minima sociaux et du RSA, contre 2,9 % en métropole. Je me réjouis de l'augmentation des crédits du fonds exceptionnel d'investissement pour l'outre-mer et du maintien des défiscalisations. C'est un signe fort pour des économies qu'il ne faut pas déstabiliser. Cela ne signifie pas que ces niches soient immuables mais l'on peut entendre les critiques sans supprimer les dispositifs indifféremment. Il faudra améliorer leur fonctionnement. Ce travail sera mené en 2013 avec pragmatisme.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

M. Georges Patient.  - L'éducation et la jeunesse sont remis au coeur de l'action publique, y compris en outre-mer : 10 000 emplois d'avenir, 50 postes de professeurs des écoles.

Les crédits pour le service militaire progressent de manière à assurer les investissements nécessaires à l'accueil des nouveaux stagiaires.

Les demandes en logement social sont considérables. Je me félicite donc de la hausse légère de la ligne budgétaire unique et du maintien du mécanisme de défiscalisation pour le logement social.

La sécurité n'est pas en reste : quatre zones prioritaires ont été créées en Guyane.

Dans cette période difficile, toutes ces demandes ne peuvent être satisfaites. Faute d'une hausse des dotations, les collectivités d'outre-mer doivent avoir des moyens fiscaux : or, il n'y a eu aucune révision des bases depuis 1980 et de nombreuses exonérations ne sont pas compensées par l'État. Les directions financières de ces collectivités doivent également être mieux dotées. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Serge Dassault .  - Depuis lundi, la France a vu sa situation financière se dégrader avec la baisse de sa note et les avertissements de Moody's.

M. Michel Berson.  - Pas sa situation, sa note !

M. Serge Dassault.  - Pourtant, le Gouvernement entend ne rien changer à ce budget. Or la prévision de croissance est trop élevée : il y a donc un risque de dérapage catastrophique. Comment relancer la croissance en matraquant les investisseurs, les entreprises et les entrepreneurs qui continuent à partir, en maintenant les 35 heures, ce fétiche mortel qui coûte chaque année 21 milliards d'allégements à l'État ? Notre perte de compétitivité tient aussi au coût du travail : les charges sociales coûtent aux entreprises 220 milliards chaque année.

Les 20 milliards d'allégements promis ne sont qu'une goutte d'eau...

Moody's préconise aussi plus de flexibilité de l'emploi. Car les entreprises n'embauchent plus par peur de l'avenir. Vous pourriez rapidement faciliter le recours aux CDD.

Les hausses d'impôts sans réduction des dépenses sont une grave faute. Nous risquons de voir s'envoler nos taux d'intérêt et de nous retrouver en cessation de paiement demain, pas après-demain ! Si le taux d'intérêt passe à 5 %, nous ne pourrons plus payer les intérêts et personne ne voudra le faire à notre place.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Qui a gouverné pendant dix ans ?

M. Serge Dassault.  - C'est à vous de réparer les erreurs passées !

M. Gérard Longuet.  - Voilà !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Là, vous avez raison !

M. Serge Dassault.  - Il faudrait aussi supprimer les hausses de dépenses et d'impôts.

Augmentez donc la TVA, comme les Allemands, non pour réduire les charges mais la dette ! Voilà 25 milliards. Et si nous revenons à la semaine de 39 heures...

Mme Gisèle Printz.  - De quarante heures ?

M. Serge Dassault.  - ...nous aurons 50 milliards de plus et la France sera sauvée ! (Rires à gauche)

Pour un État comme pour une entreprise, il y a une gestion optimiste -et quand les commandes espérées n'arrivent pas, ça va mal- et une gestion pessimiste -si on a plus de commandes que prévu, on a gagné !

Il est vrai que le gouvernement précédent aurait pu supprimer l'ISF pour éviter la fuite des investisseurs -100 000 d'entre eux sont partis en Belgique et en Suisse- ainsi que les 35 heures et augmenter la TVA. Mais c'est vous qui êtes aux manettes. Depuis l'été, vous avez augmenté les impôts, recruté des gens, peut-être intéressants mais que nous n'avons pas les moyens de payer.

Nous sommes tous sur le même bateau, qui est en train de couler. Ne vous cramponnez pas à une idéologie qui a échoué toujours et partout. La droite et la gauche, c'est fini : ne pensons qu'à l'avenir de nos enfants et redressons notre économie. Ensemble ! (Applaudissements sur les bancs UMP)