Mariage des personnes de même sexe (Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. Jean-Pierre Raffarin .  - Je regrette que nos collègues du Front de gauche ne soient pas là. Je suis révolté des propos entendus tout à l'heure. On nous a traités d'homophobes ! On nous a traités de délinquants. En effet, après la loi créant la Halde que j'ai fait voter, le 30 décembre 2004, l'homophobie est sanctionnée pénalement. (Applaudissements sur les bancs UMP) Notre attitude à l'égard des homosexuels n'est pas de compassion, mais de respect. Nous respectons tous les citoyens, quelles que soient leurs pratiques sexuelles. Nous dénonçons une violence que l'on stigmatise par ailleurs, mais qui se pratique ici même, dans les propos que nous avons entendus. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Les difficultés du pays sont immenses.

M. Gaëtan Gorce.  - Vous en êtes en partie responsables !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Peut-être...

M. Gaëtan Gorce.  - Alors ne l'oubliez pas !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Ce n'est pas parce que Heuliez a fait deux faillites auparavant que les 300 salariés de Heuliez aujourd'hui menacés par un dépôt de bilan ne sont pas les victimes de la violence de la société. Ce projet est dangereux, parce qu'à ces fractures, il ajoute une fracture de la société au moment où elle a besoin de cohésion.

M. Ronan Dantec.  - Vous la provoquez !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Les injures sont les raisons de ceux qui ont tort, a dit Fénelon.

Vous modifiez le sens des mots. L'Académie française est le garant de leur bon usage : nous l'avons saisie ! Et l'article 2 de la Constitution dit que le français est la langue de la République. Or vous transformez le sens des mots. (Marques d'approbation à droite)

Le mariage est l'union légitime d'un homme et d'une femme, il n'est pas un simple contrat entre deux personnes. C'est la destinée qui fait la famille, et la destinée, c'est l'enfant. Le droit à l'enfant dans l'alliance entre deux personnes de même sexe ? C'est changer la destinée de la famille, il n'y a que des droits de l'enfant, pas de droit à l'enfant.

Chose curieuse, c'est le seul sujet où vous n'êtes pas dirigistes. Vous appelez à toutes les libertés alors que vous êtes plutôt dirigistes pour le reste. Dans le débat entre nature et culture vous faites un curieux choix : vous êtes pour toutes les libertés et vous voulez maîtriser la nature pour plus d'égalité et de liberté. Il vous arrivera ce qui arrive au libéralisme à l'excès (exclamations à gauche), oui, nous savons ce qu'il en est de ces excès. L'excès de libertés consacre le règne du marché. (M. Gaëtan Gorce s'exclame) Vous aurez, avec ce texte, un marché de l'adoption : vous ne pourrez y échapper. C'est une faute philosophique et politique car jamais on ne doit, en politique, perdre de vue l'essentiel : l'espèce humaine. (Vifs applaudissements sur les bancs UMP)

M. Henri de Raincourt .  - Ce texte ouvrira l'accès à l'adoption conjointe d'époux de même sexe : c'est sa visée. Alors que des millions de nos compatriotes ont manifesté leur désapprobation et leur désarroi devant la destruction de la plus ancienne institution de l'humanité, vous privilégiez une toute petite minorité.

Tout a été fait, le 24 mars dernier, pour minimiser la manifestation. On a refusé les Champs-Élysées aux familles de France, mais on l'ouvre au marathon de Paris !

Que faites-vous de la liberté de manifester ? (Exclamations à droite) Sachez que nous récidiverons le 26 avril. Pourquoi n'avoir pas consulté les Français sur cette question ? Nombre de juristes, de sociologues, de philosophes, ont dit leurs réserves. Ils ont su, par leurs travaux, démontrer les dangers que vous faites courir à la société. Certains ont secoué nos certitudes.

Alors que les Français ont plus que jamais besoin de réponses à la crise, qui détruit la cohésion de notre société, vous malmenez l'opinion publique et divisez au lieu de rassembler. Ce n'est pas en faisant fi de ce malaise que l'on pansera les plaies des Français. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Le mariage n'est pas la simple reconnaissance sociale du couple. La société n'a pas besoin de cette reconnaissance des couples, elle a besoin d'enfants, élevés dans le cadre protecteur du mariage. Il est vrai que tous les couples ne procréent pas, mais c'est qu'ils sont infertiles ou trop âgés. Il n'en va pas de même des couples homosexuels. La relation entre personnes de même sexe ne permet pas de fonder une famille, en l'absence d'altérité sexuelle. Certes, des couples homosexuels peuvent élever des enfants comme d'autres couples, et il faut assurer la sécurité juridique pour les enfants élevés dans ces conditions, mais il est dangereux de créer la fiction d'une filiation. Ne trompons par l'enfant : il doit savoir dans quelles conditions il est né pour construire son identité - tous les psychiatres le soulignent. Votre choix nous conduira inévitablement à la PMA et à la GPA. Les homosexuels pourront faire valoir leur infertilité pour accéder à la PMA. La leur refuser, c'est s'exposer à une sanction de la CEDH. Le même raisonnement vaut pour la GPA. Il est irresponsable de s'entêter à le nier. Et c'est pourquoi je voterai contre cet article. D'autant que l'union civile pouvait répondre à toutes les attentes.

M. Jean-Pierre Chauveau .  - J'interviens au nom de M. du Luart, absent pour raisons médicales. Vu comme on a traité les manifestants, je ne ferai pas dans la nuance : ce texte est antirépublicain.

M. David Assouline.  - C'est une insulte ! Que fait M. Raffarin ?

M. Jean-Pierre Chauveau.  - Dans Le Figaro, du 18 septembre 2012, un avocat demande pourquoi on accorde aux couples homosexuels ce que l'on n'accorde pas à d'autres. (Exclamations sur les bancs CRC) De fait, on pourrait pousser loin votre logique. C'est pousser l'utilitarisme au bout de ses conséquences !

Le mariage est l'union sexuelle d'un homme et d'une femme. C'est un constat de fait, dont la Convention européenne des droits de l'homme se borne à prendre acte. La CEDH et le Conseil constitutionnel rappellent que le principe d'égalité ne s'applique qu'à des situations semblables. Ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c'est le dénaturer, en le remplaçant par tout autre chose, un simulacre. La nature ne se prête pas à la croyance : on ne saurait l'ignorer. On peut ainsi inscrire dans la Constitution que la terre est plate : ce n'en sera pas moins une contrevérité.

Mme Marie-Annick Duchêne .  - La discussion générale sur ce texte s'est déroulée dans un climat serein ; en dépit de nos divergences, le respect régnait. Aujourd'hui, un de nos collègues, débordant d'ailleurs son temps de parole, a tenu des propos scandaleux. Non, monsieur Laurent, je ne suis pas homophobe. (Applaudissements sur les bancs UMP) J'ai participé à la manifestation et je n'y ai pas rencontré des homophobes, mais des hommes et des femmes qui disaient leur mal-être. Ils craignent la légalisation de la PMA et de la GPA, la marchandisation du corps des femmes des pays pauvres. Tous sont pour une procréation naturelle, mettant l'enfant au centre du débat. Ils demandent une solution. J'ai alors parlé de l'union civile : ce fut le soulagement. En fin de manifestation, il y a eu des petits dérapages sur lesquels la presse s'est injustement concentrée. (Exclamations sur les bancs CRC) Respectons nos convictions mutuelles. Je voterai contre l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-Thérèse Bruguière .  - En l'absence de Bruno Gilles, qui a perdu sa maman, je m'exprimerai pour lui. Il est exagéré de parler de discrimination à l'encontre des homosexuels, même si demeurent des actes impardonnables.

Le texte instaure une réelle inégalité entre les enfants nés d'un couple hétérosexuel et ceux qui seront, intentionnellement privés d'un père ou d'une mère. L'état civil ainsi reconstitué s'affichera comme fiction juridique : c'est le Conseil d'État qui le dit.

Ce texte instaure un droit à l'enfant, au lieu de considérer le droit de l'enfant. Des homosexuels chercheront, en adoptant, à satisfaire leur désir d'enfant.

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est donc pas le désir d'enfant qui compte ? C'est insupportable !

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - C'est la porte ouverte aux techniques artificielles, au transfert d'embryons.

Il ne peut y avoir égalité, puisque les couples homosexuels ne peuvent naturellement concevoir. L'égalité, c'est traiter également les situations égales et inégalement les situations inégales. C'est une valeur démocratique, qui ne saurait se confondre avec l'égalitarisme, marque des régimes autoritaires. L'article premier répond à la revendication communautariste d'une minorité. Or la loi ne peut consacrer les particularismes. Ce texte pulvérise le droit objectif en droits subjectifs, selon les termes du doyen Jean Carbonnier.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Il y en a, tout à l'heure, qui ont débordé d'une minute et demie. (Exclamations à gauche) Il ne restera du mariage que le nom. M. Gilles votera contre cet article premier.

M. Ambroise Dupont .  - La Déclaration des droits de l'enfant adoptée le 20 novembre 1959 par l'assemblée générale des Nations unies stipule, dans son principe n°6, que l'enfant en bas âge ne doit pas être séparé de sa mère.

La CEDH dans son arrêt Fretté contre France a jugé que le droit d'adopter trouve sa limite dans l'intérêt de l'enfant.

Ces données juridiques conduisent à poser la question suivante : ce projet de loi ne viole-t-il pas le droit international ? Tout citoyen pourra attaquer cette loi sur ce motif, sauf à modifier la Constitution. Et que fait-on du droit à la connaissance des origines ?

L'enfant est un sujet de droit : ce texte va en faire un objet du droit. Comme le relève le psychanalyste Jean-Pierre Winter, vous coupez là sciemment l'enfant de ses origines, bricolage généalogique qui sera source de perturbations. L'homoparenté est un déni de la nature qui inscrit l'enfant dans l'illusion biographique.

Nos concitoyens sont préoccupés par le chômage, la crise, la fragilisation de notre modèle social : vous ne les écoutez pas. Avec ce texte qui aura des conséquences à long terme, vous mettez en péril notre modèle. Un jour où l'autre, l'oeuvre humaine est rattrapée par la nature. Malgré la mélancolie de certains, il est des privilèges que l'on ne saurait abolir comme celui de donner la vie. (Applaudissements à droite)

Mme Fabienne Keller .  - Ce projet de loi aura un impact fort et durable sur la vie de nos concitoyens. Chacun, au sein du groupe UMP, peut exprimer ses convictions, ...

M. Charles Revet.  - Ce n'est pas le cas de tous les groupes !

Mme Fabienne Keller.  - J'en remercie Jean-Claude Gaudin, président du groupe.

C'est mon expérience de terrain qui a formé ma conviction : il est temps pour la République de donner aux homosexuels les mêmes droits qu'aux autres. Je comprends les oppositions qui se sont exprimées, mais j'entends aussi les revendications légitimes des homosexuels, dont le chemin, de l'adolescence à l'âge adulte, demeure parsemé de difficultés. Je suis attachée à la famille, qui est un repère fondateur. Permettre à des personnes homosexuelles de se marier, c'est consolider l'institution, dans une société qui verse trop au chacun pour soi. L'intérêt de l'enfant ? C'est être aimé et choyé par ses parents. La famille a aujourd'hui bien des formes, de la famille monoparentale aux familles recomposées. Des milliers d'enfants sont déjà élevés par des couples homosexuels : il faut stabiliser leur situation juridique.

Ceux qui ont la chance d'être parents savent ce que représente l'enfant, le sens qu'il donne à nos vies. Or, l'homosexualité, qui n'est pas un choix, interdit d'avoir des enfants.

Comme parlementaire, comme parent, je ne suis pas prête à leur interdire ce bonheur. L'homosexualité n'est pas un danger : elle fait partie de notre société. J'ai donc décidé, en mon âme et conscience, de voter ce projet de loi, donc cet article premier. (Applaudissements à gauche ; Mme Marie-Annick Duchêne applaudit aussi)

M. François-Noël Buffet .  - Je veux dire, comme M. Raffarin, combien les propos de M. Laurent ont été déplacés. Que n'a-t-il assisté à nos débats sur l'union civile ! Loin de toute homophobie, nous y tentions de répondre aux légitimes revendications des homosexuels. Mais le mariage pour tous emporte la question de la filiation. Sur l'adoption, les choses sont ici engagées. Je ne reviens pas sur les difficultés qu'a évoquées le doyen Gélard. Dans le texte à venir sur la famille, on sera inévitablement conduit à évoquer la PMA et la GPA : nous ne pouvons vous suivre, car la GPA, c'est la mise dans le commerce d'un enfant et d'une femme.

Nous ne pouvons l'admettre. Vous avancez ici masqués, personne n'est dupe, on sait quelle sera la prochaine étape : je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Bas .  - La définition même du mariage est en question. Certains l'ont totalement perdue de vue. Les instituts de sondage posent souvent deux questions : pour ou contre le mariage pour tous ; pour ou contre l'adoption. Or la réponse aux deux questions n'est pas la même. On peut se demander pourquoi. Le code civil est clair : quand on est marié, on peut adopter l'enfant de son conjoint. On entre donc dans un système qui rend l'adoption automatique. Que nos concitoyens ne s'y trompent pas : le mariage pour tous, c'est l'adoption automatique. Or je crains bien qu'il y ait un malentendu, y compris chez ceux qui se disent favorables au mariage pour tous. On ouvre une parenté d'intention, qui est une fiction. Cela a de quoi inquiéter. La PMA est interdite en France, nous dit-on, mais elle ne l'est pas dans bien des pays. Un enfant ainsi conçu sera automatiquement adoptable. On crée donc, avec ce texte, des enfants sans père. Tous ceux qui ont connu l'absence d'un père le savent : rien ne remplace cette absence. (M. David Assouline s'exclame ; applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Marie Bockel .  - Il est normal et légitime qu'un couple homosexuel bénéficie de protection. Le droit n'est pas un corpus de règles figées, il accompagne les évolutions de la société, et c'était bien le sens de nos amendements sur l'union civile, qui répondrait aux attentes de tous et fonctionne bien dans d'autres pays. Ce serait, de surcroît, répondre sans ambigüité sur la PMA et sur la GPA, qui posent problème. Car c'est bien la question de la filiation qui nous divise.

L'espèce humaine se perpétue par l'union d'un homme et d'une femme. Or, on met ici en cause la question de l'altérité, nécessaire à la transmission de la vie. Si l'on veut défendre la théorie du genre, il faut le dire clairement. Nous avions déjà eu ce débat du temps du pacs, et voilà que l'on y revient.

Ce projet de loi bouleverse des repères essentiels de notre société, en gommant progressivement la différence entre les sexes. Je voterai contre cet article. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Le mariage doit rester entre un homme et une femme. Je le redis devant Portalis (Murmures à gauche) qui a défini le mariage comme la société entre un homme et une femme pour perpétuer leur espèce, s'accorder un secours mutuel et partager une commune destinée. Il reste de marbre à vous entendre remettre en cause les fondements du code civil... Je respecte les choix de vie de chacun et suis prêt à admettre que certains droits doivent être accordés aux personnes homosexuelles. Mais je m'élève contre votre hypocrisie. Vous n'assumez pas la remise en cause des droits relatifs à la filiation.

Que nous disait, déjà, Jean-Pierre Michel, sur le pacs à l'Assemblée nationale ? Acceptez le pacs, nous n'irons pas au-delà ! Et qu'entend-on aujourd'hui ? C'est un premier pas, nous en reparlerons !

Vous refusez d'admettre que le présent texte dissimule certains projets que d'aucuns ne consentent de nommer qu'à mots couverts : la PMA, la GPA. Celles-ci représentent la marchandisation du corps humain, ouverte, de l'autre côté de l'Atlantique et du côté de l'Oural, à tous ceux qui en ont les moyens.

Vous voulez donner satisfaction à des minorités influentes. Mais nous connaissons tous des personnes homosexuelles qui ne se reconnaissent pas dans une telle demande. Le droit à l'enfant pour tous est un contresens. Après ce débat, nous fournirons à l'opinion publique un florilège des énormités qui ont été proférées par les défenseurs de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - Vous ne pouvez pas laisser chaque orateur dépasser son temps de 20 %, monsieur le président !

M. le président.  - Pour le moment, c'est à moi qu'il revient de faire la police de ces débats.

M. Bruno Sido .  - Les 13 janvier et 24 mars des millions de personnes se sont déplacées vers Paris. Le Gouvernement a jugé bon de ne pas écouter leur angoisse devant cette révolution dont elles ne comprennent pas, ou trop bien, le sens.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Il ne faut peut-être pas exagérer...

M. Bruno Sido.  - Aucune société, même en Grèce ou à Rome, où l'homosexualité avait droit de cité, n'a autorisé le mariage homosexuel. Nous courons le risque à terme de ne plus définir du tout le mariage, qui n'est pas qu'un choix de vie. Oui, je veux parler des enfants, notre bien le plus précieux et le plus cher.

Ce projet de loi manifeste une dérive du droit de l'enfant vers un droit à l'enfant. Actuellement, l'adoption plénière est très difficile. Quant à l'adoption internationale, elle se tarit peu à peu, en raison de la croissance de l'adoption interne dans ces pays, qui ont gardé les pieds sur terre et se fermeront de plus en plus à l'adoption par des couples homosexuels. Ne restent que trois possibilités aux couples homosexuels : l'adoption de l'enfant de conjoint, la PMA, la GPA. Le président de la République n'a jamais promis ni la PMA, ni la GPA.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Exact !

Voix à droite.  - Il a menti !

M. Bruno Sido.  - Mme Guigou avait bien dit que l'adoption par un couple homosexuel créerait un droit de filiation artificiel.

M. le président.  - Concluez !

M. Bruno Sido.  - Je ne voterai pas l'article premier.

M. Yann Gaillard .  - Je suis étonné de la timidité de cet article premier. Pourquoi n'autorisez-vous pas le mariage entre l'oncle et le neveu ou entre la tante et la nièce ? Devant une telle timidité, je ne puis voter un article aussi insuffisant. (Rires et applaudissements)

M. Gérard Larcher .  - Le vote de l'article premier est au coeur de votre projet de loi. Nous sommes pour la liberté et contre toute discrimination. Mais le mariage est la destinée de la famille au travers de l'enfant. Ce projet de loi révolutionnera la famille et la filiation. C'est pourquoi, avec Bruno Retailleau, nous souhaitons consulter l'ensemble des Français.

M. Bruno Sido.  - Tout à fait !

M. Gérard Larcher.  - Ce texte accorde un droit à tous les attributs de la parentalité. Cette simplification récrit le code civil, qui devra, avec le code de la famille, être profondément modifié si ce texte est adopté.

Le mariage est intimement lié à la présomption de paternité. Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe laisse le champ libre au droit de filiation. L'adoption ne pourra pas répondre à l'ensemble des demandes. À l'esprit du don d'organes, du sang gratuit, succédera un marché de la procréation, qui ne peut se faire par petites étapes successives.

Samedi, j'ai marié un jeune couple. Quel sens à cet engagement ? Un jeune garçon d'origine cambodgienne dont la famille a réchappé des camps du Cambodge et une jeune bretonne, de Bénodet, qui plaçaient en exergue de leur union ce proverbe cambodgien : « un enfant sans père, c'est comme une maison sans toit ; une maison sans mère, c'est comme une maison sans âtre ». (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Certains propos ne peuvent rester sans réponse. Françoise Héritier a dit devant la commission des lois : « Rien de ce qui nous paraît marqué du sceau de l'évidence n'est naturel : tout procède de créations de l'esprit, au cours de manipulations, autour d'un donné qui n'est pas contraignant. » M. de Legge, prétendant la citer, feint de croire qu'elle aurait dit : « Quand on nie le naturel pour privilégier les constructions de l'esprit, on ouvre la porte à toutes les dictatures et à toutes les dérives ». Il est très grave de prononcer une phrase pareille, c'est nier toute notre tradition humaniste. (On le conteste à droite)

Quand Mme Cayeux nous dit : « la loi du désir tout-puissant insulte la nature », ce n'est pas non plus un propos anodin. Elle a certes le droit d'avoir une conception du désir, mais ce qu'elle a dit là, revient à dire qu'il y a des formes de désir qui sont des malédictions. (Protestations à droite)

Lorsqu'on parle de polygamie - dont on voit mal le rapport avec ce projet de loi -, lorsqu'on nous redit pour la énième fois que nous avançons masqués...

M. Charles Revet.  - C'est la vérité.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - ... où veut-on en venir ? Je ne sais pas, lorsque se présenterait un éventuel texte sur la PMA et la GPA, ce que je voterais. Il n'est pas correct intellectuellement de nous faire constamment des procès d'intention.

Monsieur Raffarin, je reviens sur cette question du langage. Toutes les sciences humaines et sociales montrent que le sens des mots n'est pas immuable ni invariant, ni constant. Le dictionnaire de l'Académie française en est à sa 9e édition, depuis la première, en 1694. Preuve que la langue évolue. Les mots sont des êtres vivants ; ils ne portent pas le même sens immuable. Il est en toute rigueur faux de dire qu'ils garderaient le même sens.

Nous sommes sensibles au poids de mots comme « respect » et « reconnaissance », monsieur Larcher, et très attachés à l'esprit du don. Nous voterons cet article premier avec respect pour toutes ces personnes qui, si longtemps vilipendées, ont vécu dans la honte et veulent être reconnues. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée .  - Je me félicite quand j'entends que sur ces bancs personne n'est homophobe. Mais je m'interroge sur le lien que vous faites entre « homosexuels » et « droit à l'enfant ». Si tant est qu'un tel droit existe, il s'adresse indifféremment aux homosexuels et aux hétérosexuels.

M. Bruno Sido.  - C'est absurde !

M. Alain Gournac.  - Le droit à l'enfant, cela n'existe pas.

Mme Cécile Cukierman.  - Laissez-la parler !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Pensez-vous vraiment que toutes les adoptions par des couples hétérosexuels soient motivées par la seule volonté de donner une famille à un enfant ? Ce n'est évidemment pas le cas.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Il y a un désir d'enfant qui, faute de pouvoir se satisfaire de façon « naturelle » cherche à s'exprimer dans l'adoption. Je dirai la même chose des couples hétérosexuels qui recourent à l'assistance médicale à la procréation.

J'ai entendu que, pour les enfants adoptés par des couples homosexuels, il y aurait perte des origines. Pendant combien de décennies l'entourage a-t-il menti à l'enfant adopté pour lui faire ignorer qu'il n'était pas l'enfant biologique de ses parents qui l'élevaient ? Pensez-vous que les homosexuels seraient assez sots pour tenter de faire croire aux enfants qu'ils éduquent qu'ils sont nés de deux pères ou deux mères ?

M. Bruno Sido.  - Il n'y a pas de danger.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Un marché, l'adoption par des homosexuels ? Pensez-vous que l'adoption internationale ne soit pas déjà un marché ?

M. Bruno Sido.  - C'est scandaleux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - On peut combattre ce processus, mais pourquoi faire comme s'il n'était pas le fait d'hétérosexuels ?

M. Bruno Sido.  - On s'expliquera à l'article 2.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Je suis étonnée que votre réflexion n'aille pas jusqu'au bout et ne concerne pas les hétérosexuels. Nous n'avons pas utilisé le vocabulaire « progressistes » contre « conservateurs ». Il y a pourtant bien deux visions de la famille.

M. Charles Revet.  - C'est sûr !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Vous défendez la belle idée d'une famille idéale... (Protestations à droite) A-t-elle jamais existé ? Si elle existe, elle n'est qu'une forme parmi d'autres : notre société est faite de la diversité des formes de famille, que cela vous plaise ou non, que cela me plaise ou non. Ce que nos concitoyens demandent, c'est de reconnaître à droits et devoirs égaux cette diversité réelle.

M. Yann Gaillard.  - Rendez-nous Mme Taubira ! (M. Alain Gournac fait écho)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Monsieur Raffarin, vous, en grand libéral, nous avez-vous dit...

M. Jean-Pierre Raffarin.  - En « libéral tempéré » ! Vous y viendrez.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - C'est un cadre de sécurisation juridique que nous proposons, qui prend en considération la demande de nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Le marché commence comme cela, par la demande.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - La grande loi famille que vous appelez de vos voeux, ce n'est pas tout ou rien. Ce sont des questions de fond. Pour faire une telle loi, encore faut-il que toutes les familles soient mises sur un pied d'égalité. La loi famille viendra quand l'égalité sera réalisée. (M. Alain Gournac s'exclame)

Le président de la République n'a cessé de répéter son opposition à la GPA. Je vous renvoie à l'article 16-1 du code civil.

Je remercie Mme Keller.

M. Bruno Sido.  - Mme Jouanno aussi, j'imagine.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Un peu de respect !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Qui a dit avec beaucoup d'humanité qu'elle ne se verrait pas expliquer à un futur adulte homosexuel qu'il ne pouvait bénéficier des mêmes droits que n'importe quel autre couple.

Ce que réclament les homosexuels, c'est une banalisation. Votre discours revient à leur dire : « On vous tolère, mais on ne vous accepte pas ». (Vives protestations à droite ; applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Supprimer cet article.

M. Patrice Gélard.  - Oui, monsieur le président Sueur, ce texte est un camouflage.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Patrice Gélard.  - Il projette des dispositions que nous ne pouvons imaginer. Nous sommes dans un théâtre d'ombres, dans un village Potemkine. L'étude d'impact a été insuffisante.

Monsieur Gaillard, vous n'avez pas très bien compris le texte. (Sourires) La tante et la nièce pourraient vivre ensemble, l'oncle et le neveu aussi, le président de la République pourra leur autoriser le mariage pour « motif grave », et ce motif, c'est l'enfant. On est en plein délire.

Et je répète que ce projet de loi dit qu'il faut violer les règles de droit international privé qui nous régissent. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement identique n°170 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.

Mme Françoise Férat.  - L'égalité comporte plusieurs dimensions. On ne peut en permanence l'invoquer. Cette réforme du mariage est la porte d'entrée d'une réforme qui ne dit pas son nom, celle de la parenté.

M. André Trillard.  - Exact !

Mme Françoise Férat.  - Ces changements, la PMA, la GPA, sont inéluctables. La situation des couples homosexuels et hétérosexuels est différente au regard même des règles de transmission de la vie.

Vous avez rejeté l'union civile...

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est Sarkozy qui l'a rejetée.

Mme Françoise Férat.  - Nous sommes pour la suppression de cet article. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La commission est défavorable.

Y a-t-il lieu de passionner autant ce débat ? La réalité, c'est que nous sommes dans une situation où la famille offre une plus belle image que dans les milieux aisés et bourgeois du XIXe siècle, avec les enfants naturels, les bâtards, les mariages forcés, les adultères. Aujourd'hui, la famille est à son aise, elle a trouvé son rythme, ses formes et sa défense. Personne n'est contraint d'en fonder une. Les enfants sont désirés ; dans la famille on peut faire entrer des enfants qu'on n'a pas eus au sein du mariage. La présomption de paternité doit donc être relativisée. Qu'on le veuille ou non, il y a des familles décomposées, recomposées, monoparentales, homosexuelles, des familles qui élèvent des enfants issus d'une union antérieure. Telle est la réalité. L'ouverture du mariage n'y change rien.

M. Bruno Sido.  - C'est la politique du chien crevé au fil de l'eau.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Dans des pays très différents, la Belgique et les pays scandinaves, l'Espagne et le Portugal, où des couples homosexuels peuvent adopter, n'y a pas eu de tsunami familial. Lorsque l'on en viendra à discuter de la PMA... (Vives exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Vous reconnaissez donc qu'on y viendra !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Soyons sérieux ! Je ne suis pas hypocrite. Le législateur est là pour reconnaître la vérité, pour poser des règles, mettre des empêchements. Jusque dans les années 1970, on condamnait au pénal pour adultère. C'était un délit. Avant la loi Veil, l'avortement était considéré comme un crime.

M. Bruno Sido.  - C'est un meurtre.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Aujourd'hui, nous en sommes là... On évite des situations terribles, des femmes qui meurent parce qu'elles ont tenté de se faire avorter dans la clandestinité.

Ce n'est pas la peine de désinformer et de passionner les débats. Il faut au contraire informer les gens sur ce qu'il en est exactement. Pourquoi autant de passions ? Ce texte très modeste ne révolutionnera rien, il ne fait que poser un cadre sur ce qui existe déjà. (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Les amendements de suppression répondent à une logique claire, après d'abondantes explications de vote, celles de votre opposition à ce texte. S'ils ne sont pas adoptés, vous proposerez de démembrer l'article. Acceptez que le Gouvernement, pour sa part, demeure dans sa cohérence.

Je rends hommage au vif tempérament du président Gélard. Vous nous dites depuis le début qu'il faut cesser de se référer au mariage tel qu'il existe à l'étranger, qui n'est pas notre référence. On se demande, après cela, pourquoi vous faites une telle fixation sur les conventions internationales, comme si nous ne pouvions légiférer en droit interne ! Nous avons passé en revue ces conventions. Pourquoi cette référence systématique aux traités internationaux pour nous empêcher de légiférer ? Je vous ai répondu de façon très précise sur ce point, tout à l'heure. Que vous soyez opposés au projet de loi, soit. Que vous utilisiez tous les instruments juridiques pour marquer votre opposition, soit. Mais il n'y a pas d'argument d'autorité, quelle que soit votre autorité en matière de droit que je reconnais, comme celle du président Hyest. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Y a-t-il des explications de vote ? (M. David Assouline proteste devant le nombre de mains levées)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Ce projet de loi supprime les mots mari et femme du code civil. Pensez aux enfants qui ne pourront s'inscrire dans une filiation. Dans la cour de l'école ils se demanderont pourquoi l'un n'a pas de papa quand l'autre en a deux et un troisième deux mamans. (Exclamations à gauche)

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis.  - Cela existe déjà.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Si c'est cela, votre égalité, merci bien. On abolit ici, à l'évidence, le sens de la finalité de l'institution du mariage. Nous avions proposé l'union civile. Je voterai la suppression de l'article premier.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je ne prétends pas avoir une « autorité » particulière en matière de droit. J'essaie de réfléchir à la règle de droit, comme tout le monde et sans invoquer aucune autorité.

Monsieur Michel, j'appartiens à une famille nombreuse, c'est ma fierté. La famille, c'est important. Aujourd'hui, « on fait famille ». On peut avoir des enfants, vivre en couple, longtemps, et ne pas se marier, à preuve le président de la République. (Mouvements divers)

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis.  - C'est une famille.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Si on ne garde pas la définition de la famille telle qu'elle existe depuis toujours, on détruira la famille. L'altérité sexuelle, à vous entendre, ne signifierait rien. Je dis danger ! Vous ne feriez que permettre aux couples homosexuels de rentrer dans le droit ? Mais vous touchez à la filiation ! Mon humanisme m'interdit, quant à moi, de faire n'importe quoi : je voterai l'amendement Gélard. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Trucy.  - L'argument de l'égalité n'a, en l'espèce aucun sens : le Conseil constitutionnel rappelle qu'elle ne s'applique qu'à des situations identiques. Il était d'autres formules possibles. L'insécurité juridique pour les enfants, à laquelle il faudrait remédier ? Mais le législateur y a pourvu, notamment sur les questions de garde.

Ce texte va créer de nouvelles inégalités. Et fonder le mariage sur le seul sentiment, c'est l'ébranler dans ses fondements. Pourquoi pas la polygamie, dans ces conditions ? La majorité des enfants adoptés viennent de pays qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel : ces couples ne pourront les adopter.

Dans les diverses lois sur le divorce, le législateur a fait de l'altérité dans le mariage un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Lundi 8 avril 2013

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Rappel au Règlement1

M. David Assouline1

M. Dominique de Legge1

Mariage des personnes de même sexe (Suite)1

Discussion des articles (Suite)1

Articles additionnels avant l'article premier (Suite)1

SÉANCE

du lundi 8 avril 2013

83e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires : M. Jean Boyer, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.