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Table des matières



Engagement de procédure accélérée

Accord en CMP

Rappel au Règlement

M. Edmond Hervé

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée)

Rappels au Règlement

Mme Éliane Assassi

M. Thierry Foucaud

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Francis Delattre

Discussion générale

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Françoise Laborde

M. Jean Desessard

M. Jean-François Husson

M. Jean-Noël Cardoux

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Christiane Demontès

M. Pierre Laurent

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Vincent Placé

M. Serge Dassault

M. Ronan Kerdraon

M. Christian Poncelet

Dépôt de rapports

Sécurité de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Patricia Schillinger

Mme Catherine Procaccia

M. René Teulade

M. Gérard Larcher

M. Michel Sapin, ministre

Conférence des présidents

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

Exception d'irrecevabilité

M. Dominique Watrin

Mme Christiane Demontès

M. Claude Jeannerot, rapporteur

M. Michel Sapin, ministre

Mme Laurence Cohen

M. René-Paul Savary

M. Jean-François Husson

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Question préalable

Mme Éliane Assassi

Mme Michelle Meunier

Engagement de procédure accélérée

Accord en CMP

Rappel au Règlement

M. Edmond Hervé

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée)

Rappels au Règlement

Mme Éliane Assassi

M. Thierry Foucaud

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Francis Delattre

Discussion générale

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Françoise Laborde

M. Jean Desessard

M. Jean-François Husson

M. Jean-Noël Cardoux

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Christiane Demontès

M. Pierre Laurent

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Vincent Placé

M. Serge Dassault

M. Ronan Kerdraon

M. Christian Poncelet

Dépôt de rapports

Sécurité de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Patricia Schillinger

Mme Catherine Procaccia

M. René Teulade

M. Gérard Larcher

M. Michel Sapin, ministre

Conférence des présidents

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

Exception d'irrecevabilité

M. Dominique Watrin

Mme Christiane Demontès

M. Claude Jeannerot, rapporteur

M. Michel Sapin, ministre

Mme Laurence Cohen

M. René-Paul Savary

M. Jean-François Husson

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Question préalable

Mme Éliane Assassi

Mme Michelle Meunier

M. Claude Jeannerot, rapporteur

M. Michel Sapin, ministre

Mme Isabelle Pasquet

M. Jean-Noël Cardoux




SÉANCE

du mercredi 17 avril 2013

89e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Marc Daunis.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Engagement de procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, déposé sur le bureau du Sénat le 20 février 2013.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Rappel au Règlement

M. Edmond Hervé .  - Une commission permanente joue un rôle de contrôle du Gouvernement et de suivi de l'application des lois ; elle participe à l'information des parlementaires.

Membre de la commission des finances, j'ai appris que son président, M. Philippe Marini, s'est rendu le 11 avril, avec le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, à Bercy pour vérifier les informations parues dans un hebdomadaire concernant ce qui il est convenu d'appeler « l'affaire Cahuzac ».

Le même 11 avril, M. Marini a interrogé ici M. Moscovici avant de rencontrer la presse. Une dépêche rapporte qu'il dit souhaiter la démission de ce ministre, pour lequel j'ai beaucoup de sympathie et que j'assure de mon soutien politique, en raison de son « manque d'autorité pour conduire la politique économique et fiscale ».

Notre collègue Marini a un double statut : il est membre d'un groupe -à ce titre, je n'ai aucune question à lui poser- mais il est aussi membre de la commission des finances, dont il a été élu président par une majorité pluraliste. A ce titre, il a le devoir de tenir informés les membres de la commission. C'est une affaire de statut, mais surtout de bonne pratique républicaine.

Je vous remercie de me donner acte de ce rappel au Règlement. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs UDI-UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de cinq projets de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux. Pour ces textes, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Le projet de loi autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République orientale de l'Uruguay est adopté.

Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, est adopté définitivement, le groupe écologiste votant contre.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif aux centres culturels est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation de la convention postale universelle est adopté.

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Rappels au Règlement

Mme Éliane Assassi .  - Mon rappel au Règlement a trait à l'organisation de nos travaux. L'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane pas expressément ».

Or, nous en sommes loin avec ce texte, que les parlementaires ne pourront amender comme l'ont souhaité le président de la République, Mme Parisot puis M. Sapin. Je rappelle pourtant que la première et la troisième organisations syndicales n'ont pas signé cet accord. Les parlementaires sont sommés de renoncer à leur droit d'amendement pour voter ce projet qui entérine un accord « historique ».

Nous interpellons solennellement nos collègues pour qu'ils ne renoncent pas à leurs droits. Le droit d'amendement est sacré ! Souvenez-vous du combat que nous avons mené, à gauche, contre le président Sarkozy qui voulait museler le Parlement.

Trop de choses se décident ailleurs que dans l'hémicycle, dans l'opacité de la Commission de Bruxelles et dans les salles de marché : redonnons le pouvoir au peuple ! (Murmures à droite) Le renforcement du Parlement est une nécessité. Le peuple n'en peut plus du chômage et de la précarité, des promesses de changement non tenues.

Nous regrettons que le Gouvernement brusque l'Assemblée nationale avec l'examen, cette semaine, du projet de loi relatif au mariage pour les personnes de même sexe (approbation à droite) : ce texte aurait pu être adopté dès le mois de juillet dernier, sans les dérapages auxquels nous assistons aujourd'hui. Aucun argument de circonstance ne peut justifier l'abaissement du Parlement.

Au Sénat, le Gouvernement entend consacrer trois ou quatre jours, dont le week-end, à ce projet de loi : nous n'acceptons pas que ce débat essentiel soit évacué de la sorte. Un tel texte ne peut être adopté en catimini, ce ne serait pas acceptable. Nous demandons la suspension de ce débat et nous le redirons ce soir en conférence des présidents. Pour marquer notre désaccord avec de tels procédés, nous demandons une suspension de séance.

La séance, suspendue à 14 h 45 reprend à 14 h 50.

M. Thierry Foucaud .  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 36. Il y a quelques semaines, le Premier ministre a dit que ce projet de loi renforçait le parcours professionnel des salariés. Mais ceux de Pétroplus ont vu le tribunal de commerce leur signifier que tout était fini. Le Premier ministre a dit que l'État allait chercher un repreneur crédible. Pourquoi ne serait-ce pas l'État lui-même ? Nationalisez ! Levez le tabou ! Il est inacceptable que les raffineries européennes aient été prises en main par des spéculateurs incapables aujourd'hui de faire face à leurs obligations.

Je rappelle à mes collègues du groupe socialiste que François Hollande avait promis de revenir devant les salariés de Pétroplus. Il n'est jamais revenu, pas plus que les ministres. J'ai écrit au premier ministre et à M. le ministre du redressement productif de me dire ce qu'ils comptaient faire. Ils ne m'ont pas répondu.

M. Alain Gournac.  - Ce n'est pas bien !

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est inacceptable ! (Sourires)

M. Thierry Foucaud.  - Les salariés avaient raison de douter à Florange. Le Gouvernement les a abandonnés à Mittal et à son projet Ulcos. Pour rétablir la confiance avec eux, il faut redémarrer les hauts fourneaux P3 et P6.

Les salariés sont sacrifiés. (Exclamations à droite) Nicolas Sarkozy n'a rien fait non plus et n'est pas revenu à Florange. (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - C'est Hollande aujourd'hui qui préside !

M. Vincent Capo-Canellas.  - C'est pour quand le changement ?

M. Thierry Foucaud.  - La flexibilité ne peut pas venir à bout du chômage. Il est temps de changer de cap ! Les salariés attendent qu'on leur donne du travail ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Mon rappel au Règlement porte sur le déroulement de nos travaux. Ce projet de loi est très important. En deux semaines successives, notre assemblée aura examiné deux textes majeurs : l'un créant de nouveaux droits et l'autre en détruisant.

Les députés n'ont pas été dupes : au final, ce projet de loi a été adopté par moins de voix pour que d'abstentions. Il a manqué à la majorité de gauche pas moins de 51 voix, dont les dix contre du Front de gauche.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment vous entendez que le Sénat travaille ? J'ai été particulièrement déçue que le Gouvernement demande une seconde délibération à l'Assemblée nationale sur l'article 8 relatif au temps partiel, qui concerne surtout les femmes. Les employeurs pourront faire travailler les salariés plus sans les rémunérer davantage, grâce à un système d'avenants. Un amendement de M. Guedj, repris par le groupe GDR, avait été voté pour majorer de 25 % les heures travaillées après le quatrième avenant mais le Gouvernement est revenu sur ce vote. Les partenaires sociaux n'en voulaient pas, aviez-vous dit, monsieur le ministre. C'est choquant : les parlementaires sont les seuls législateurs -c'est leur rôle, pas celui des partenaires sociaux qui demeurent des acteurs importants. Cet épisode a été mal vécu jusque dans vos rangs, puisque 36 députés socialistes se sont abstenus. Entendez-vous laisser les sénateurs jouer leur rôle, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Francis Delattre .  - Rappel au Règlement ! Une cinquantaine de personnes manifestent aujourd'hui devant le Sénat. La semaine dernière, les manifestants -beaucoup plus nombreux- ont été repoussés au loin

M. Jean-Claude Lenoir.  - Deux poids, deux mesures !

M. Francis Delattre.  - Pourquoi cette différence de traitement ? (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi.  - La non-violence !

Discussion générale

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - J'ai l'honneur de vous présenter ce texte issu de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, qui va changer la vie de millions de salariés : il apporte des avancées réelles, il rompt avec la folie française qui privilégie le licenciement à toute autre solution.

C'est bien de progrès qu'il s'agit si on le comprend non « comme une illumination soudaine et totale mais seulement une lente série d'aurores ». Nous allons pouvoir, en examinant tous les articles, dissiper les malentendus et récuser les interprétations erronées.

Nous sommes d'abord des politiques : il s'agit d'un de ces textes qui laissent un impact dans une mandature...

Mme Éliane Assassi.  - A coup sûr !

M. Thierry Foucaud.  - Une catastrophe !

M. Michel Sapin, ministre.  - ...qui ne se produit que trois ou quatre fois par siècle. Le dernier accord de ce type date de 1968. En 1984, nous avons connu un cuisant échec qui a mené à une longue glaciation du dialogue social. L'accord du 11 janvier 2013 marque que notre pays n'a pas eu peur de prendre à bras-le-corps le problème du marché du travail. Il est parvenu à un nouvel équilibre, grâce à quoi ce que les uns gagnent n'est pas ce que les autres perdent. Il concilie le besoin d'adaptation des entreprises et le besoin de sécurité des salariés. La France est bien capable de se réformer par le dialogue social « à la française ».

Les lois Auroux ont trente ans : jeune député à l'époque, j'ai fait partie de ceux qui ont ouvert des droits collectifs nouveaux dans les entreprises, en particulier le pouvoir de négocier : aujourd'hui, nous allons le renforcer.

La signature des organisations patronales en bas de l'accord du 11 janvier montre le chemin parcouru pour reconnaître la négociation d'entreprise comme un levier de changement plus sûr que le conflit, plus juste que le pouvoir patronal solitaire. Tout le monde ne croit pas au dialogue social. Certains contestent aux syndicats le pouvoir de négocier et en appellent au big bang libéral ; d'autres estiment que les syndicats sont faibles, marionnettes dans les mains du patronat, incapables d'affirmer des rapports de force. Tous ceux-là combattent ce projet de loi, ce sont les mêmes qui combattaient les lois Auroux. Si nous les suivons, la notion d'accord est caduque.

Mais nous estimons que la société doit pouvoir façonner son destin. Bernard Thibault, que j'estime, m'a dit qu'il n'était pas un bisounours. Je sais que des forces contraires s'exercent dans l'entreprise, que notre société a besoin d'un ordre public social et d'une hiérarchie des normes. Je n'ai jamais cédé à l'illusion naïve de l'égalité des forces mais la négociation n'est pas l'effacement des divergences mais leur dépassement. C'est cela le dialogue social « à la française », qui sera bientôt consacré dans la Constitution

La démocratie sociale sera la soeur cadette de la démocratie politique. La démocratie sociale frappe à notre porte, elle demande que nous l'écoutions.

Mme Catherine Procaccia.  - Elle va se faire pincer les doigts !

M. Michel Sapin, ministre.  - Mais comme nous ne sommes pas un pays nordique, une impulsion politique était nécessaire, avec la grande conférence sociale de l'été dernier.

Après le document d'orientation est venu le temps de la négociation pendant quatre mois. Une fois l'accord signé, il a fallu écrire la loi. Notre devoir était d'être loyal envers les signataires de l'accord. L'équilibre doit être respecté, même si certains signataires ne sont pas d'accord avec tout ce qui fut signé.

M. Thierry Foucaud.  - Le Medef ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Le compromis social est à ce prix. Si l'accord ne vaut rien, à quoi bon négocier et signer ?

Second devoir, écoute et transparence à l'égard de ceux qui n'ont pas voulu signer -je pense à la CGT et à FO. Reste qu'ils ne sont pas majoritaires.

Mme Éliane Assassi.  - La CGT est le premier syndicat !

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous savons ce que veut dire le respect des minorités mais nous n'oublions pas le fait majoritaire. Comment aurais-je pu, comme ministre du dialogue social, vous présenter un projet de loi défaisant l'accord ? Ceux qui ont accepté le compromis l'ont fait parce qu'il fait progresser les droits des salariés.

Le dialogue social donne une force considérable à la loi car il est le plus à même de trouver le bon point d'équilibre. Les compromis sont évidemment plus durables.

L'accord du 11 janvier 2013 n'était pas parfait, compte tenu de son ampleur. Là où il était silencieux, le Gouvernement a fait des choix, avec l'assistance juridique du Conseil d'État. Des précisions ont donc été apportées dans divers domaines.

Les députés ont beaucoup travaillé à leur tour et enrichi le texte. Les améliorations ont été soigneusement pesées et satisfont le Gouvernement.

Vous êtes désormais saisis de ce projet de loi et vous allez pouvoir vous exprimer librement, sans contrainte.

Je tiens à rendre hommage à votre commission, à votre rapporteur ; je remercie aussi M. Gorce, qui a précisé l'article 5, ainsi que Mme Génisson, qui a examiné l'article 8 relatif au temps partiel et, évidemment, la présidente Annie David pour la manière dont elle a conduit les travaux en commission.

J'en viens au contenu du projet de loi, dont le but est de sécuriser l'emploi. Aujourd'hui, huit embauches sur dix se font sur un contrat précaire.

M. Roland Courteau.  - C'est bien regrettable !

M. Michel Sapin, ministre.  - Le nombre de CDD très courts a doublé en dix ans et le CDI a cessé d'être la norme. Les premières victimes sont les jeunes et les femmes.

Agir contre la précarité, c'est encourager le recours aux CDI. Dès le 1 juillet 2013, les cotisations vont augmenter pour les CDD très courts et baisseront pour les CDI.

Des droits rechargeables à l'assurance chômage seront créés : il s'agit d'une amélioration considérable. Après dix ans dans une même entreprise, un salarié licencié dispose de deux ans d'indemnisation. Si au bout de dix-huit mois, on lui propose un contrat moins bien payé, que faire ? L'accepter ? Mais il risque de perdre six mois d'indemnisation. Désormais, le problème ne se posera plus.

Le petit temps partiel ne sera possible qu'à titre dérogatoire, si l'organisation du travail est revue pour éviter les horaires dispersés qui pénalisent surtout les femmes.

En Allemagne, les petits boulots précaires et sans droits se sont multipliés, créant une dualité d'emplois sur laquelle nos amis allemands s'efforcent de revenir. Le projet de loi tourne le dos à cette précarisation absolue.

Sécuriser l'emploi passe par des droits nouveaux pour les salariés précaires. La couverture complémentaire sera généralisée car 4 millions de salariés n'avaient pas accès à une couverture collective et 400 000 salariés ne pouvaient y accéder à titre individuel. La négociation sera privilégiée pour mettre en place la complémentaire, mais elle sera obligatoire à défaut d'accord au 1er janvier 2016.

Les branches pourront désigner les organismes, assurant un régime mutualisé, chargés de cette complémentaire.

Autre avancée : le compte de formation professionnelle transférable qui suivra le salarié tout au long de son parcours professionnel. Une telle réforme était attendue depuis longtemps.

Ce chantier est bien engagé et se traduira par une nouvelle concertation avec les partenaires sociaux d'ici l'été.

La profonde nouveauté de ce texte, mais aussi son point dur, est de donner aux acteurs économiques et sociaux la capacité de préserver ensemble l'emploi. Aujourd'hui, faute d'anticipation suffisante de l'activité, d'information des salariés, de négociations, les entreprises se retrouvent au pied du mur, obligées de licencier. L'emploi est trop souvent la variable d'ajustement, cette préférence française pour le licenciement, que j'ai déjà dénoncée.

Il faut changer cette donne qui ne sert personne, ni les entreprises, ni les travailleurs. Nous entendons jeter les bases d'un nouveau modèle français, qui anticipe davantage et sécurise les parcours, en apportant dans le même temps des garanties collectives nouvelles.

Ceux qui rêvaient d'un grand big bang social-libéral ont vu la réalité se dérober sous leurs pieds. Ils se voulaient modernes, ils sont archaïques. Les entreprises ne veulent pas des salariés corvéables à merci ; elles ont compris que leur intérêt était que ces derniers soient mieux formés et mieux protégés. On ne raye pas d'un trait de plume un siècle de combats sociaux. Le modèle social made in France a pour caractéristique d'être négocié. Je dis aux partenaires sociaux : prenez ce pouvoir de négocier, d'éviter les destructions d'emploi.

Les accords de maintien de l'emploi apporteront des garanties solides aux salariés : difficulté conjoncturelle avérée évaluée de façon partagée, accord majoritaire, durée maximale de deux ans, exclusion des salariés en dessous de 1,2 Smic, efforts partagés par les dirigeants et les actionnaires en termes de rémunération, licenciement économique assorti des mesures de reclassement pour les salariés qui refuseraient l'accord. On est loin des accords compétitivité-emploi !

M. Roland Courteau.  - Oh oui !

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous avons besoin d'utiliser davantage l'activité partielle pour passer les moments difficiles, comme l'Allemagne a su le faire.

Autre innovation, la capacité d'anticipation renforcée et l'information des salariés. Si chacun joue le jeu, la nature du dialogue social interne à l'entreprise en sera profondément changée. Enfin, les représentants des salariés feront leur entrée au conseil d'administration des entreprises employant au moins 5 000 personnes en France ou 10 000 dans le monde ; un salarié sur quatre est concerné par cette révolution. Je suis convaincu que d'ici quelques années, cette présence paraîtra naturelle. Certains voudraient aller plus loin ; il faut cependant mesurer ce qui n'est pas un modeste premier pas mais une percée décisive !

J'en viens à la gestion des restructurations quand, hélas, il n'est plus possible d'éviter des suppressions d'emplois. Le projet de loi refonde radicalement la procédure de licenciement collectif. Demain, il faudra soit un accord majoritaire, qui vaudra plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), soit une homologation par l'État du PSE. C'est le retour de l'État garant, trente ans après la suppression de l'autorisation administrative de licenciement ; il s'assurera que l'entreprise agit pour minimiser l'impact du PSE. Il ira vite pour peser sur les décisions. C'est cela qu'attendent les entreprises et les salariés.

Il est faux de prétendre que les licenciements seront plus faciles. L'homologation est une avancée pour les salariés. Les procédures seront cadrées juridiquement et dans le temps. On ne peut parler de déjudiciarisation. Il s'agit de trouver, par le dialogue social, une voie plus sûre, plus équilibrée, qui rende inutile le recours au juge -qui reste néanmoins, évidemment, un droit individuel. En démocratie, chacun a droit à un juge. État et pouvoir judiciaire restent garants du respect de l'ordre public social.

Certains mettent en doute la capacité des Direccte à remplir leur mission. En rendant justice à cette administration, je vous dis que ses agents seront formés, organisés, exigeants. Chaque demande sera instruite et fera l'objet de motivations explicites.

Je vous demande d'adopter un texte qui porte la sève de la démocratie sociale en entreprise, un grand texte de progrès social qui sécurise et qui permettra à la France d'être prête demain à saisir la croissance qui repartira. Notre société est fatiguée de défiance, ce texte ouvre un cycle de confiance. Les acteurs ne sont pas des enfants, ils sont capables d'être responsables pourvu qu'on leur donne des responsabilités. Pourquoi toujours la suspicion, le vice, les travers, la régression ? Pourquoi craindre et craindre encore ? Je préfère vous proposer des solutions pour surmonter les difficultés et tracer les chemins d'un monde meilleur. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur quelques bancs UDI-UC et UMP)

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Ce projet de loi constituera sans nul doute l'un des textes importants du quinquennat. Il marquera en profondeur le dialogue social dans notre pays par l'ampleur des sujets qu'il aborde et la méthode de travail retenue.

Il repose sur une conviction : c'est en mobilisant toutes les forces vives que l'on fera reculer le chômage et que l'on gagnera la bataille de l'emploi. Il transcrit fidèlement l'essentiel des stipulations de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, signé par trois organisations syndicales de salariés et par l'ensemble des syndicats d'employeurs.

Le débat sur la légitimité des organisations signataires n'a pas lieu d'être. L'accord est légitime, à la lumière des règles actuelles de représentativité comme des chiffres d'audience du 29 mars. Les syndicats non signataires ont été entendus, nous les avons reçus ; nous y reviendrons au cours du débat s'il faut lever certaines inquiétudes.

Le deuxième procès en légitimité touche à l'articulation entre démocratie sociale et démocratie parlementaire. Nos collègues communistes craignent que le renforcement du dialogue social se fasse au détriment des prérogatives du Gouvernement et du Parlement. Le débat est ancien... La loi Le Chapelier du 14 juin 1791 a interdit les corporations, mais cette vision abstraite a montré ses limites et les corps intermédiaires ont peu à peu été réhabilités. Henri Tolain, rapporteur du Sénat sur la loi Waldeck Rousseau de 1884, estimait que les syndicats professionnels seraient les plus puissants éléments du progrès industriel et de l'ordre social. Léon Blum est allé plus loin encore, constatant que la démocratie politique ne sera pas viable si elle ne s'épanouit pas en démocratie sociale et que celle-ci doit être fondée sur la démocratie politique. Nous devons poursuivre cette évolution historique : démocraties politique et sociale doivent se conjuguer. La France souffre-t-elle d'un manque ou d'un excès de dialogue social ? Il est nécessaire de rassembler toutes les énergies pour redresser le pays et défendre l'emploi.

Dans tout le processus, les institutions politiques ont conservé l'intégralité de leurs missions. Qui a donné l'impulsion nécessaire, sinon le président de la République ? Qui a lancé la grande conférence sociale, fixé la feuille de route, sinon le Gouvernement ? Qui a rédigé le texte, sinon vous, monsieur le ministre ? Qui l'examine, sinon le Parlement ? C'est une méthode moderne de légiférer, qui donne toute sa place au dialogue social -même si la loi reste la norme suprême. En 2007, Gérard Larcher avait à juste titre fait inscrire dans le code du travail la consultation des partenaires sociaux avant toute réforme relative aux relations individuelles ou collectives de travail. Nous poursuivons dans cette voie. Les partenaires sociaux doivent pouvoir négocier sur tout projet de texte modifiant les relations professionnelles. L'intitulé de l'accord témoigne de l'ambition de ses signataires ; la nouveauté est que l'emploi est mis au-dessus de tous.

Le projet de loi initial est organisé autour de trois axes : créer des droits individuels et collectifs, lutter contre la précarité au travail, anticiper et accompagner les mutations économiques.

Droits individuels nouveaux : la généralisation au 1er janvier 2016 de la couverture complémentaire santé collective obligatoire, la création d'un compte personnel de formation, le droit au chômage rechargeable. Droits collectifs aussi, avec la consultation du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques -qui renforce l'implication des salariés dans la vie de l'entreprise- et sur l'utilisation du CICE, qui pourra faire l'objet d'un droit d'alerte. Une base de données économiques et sociales pourra être créée pour mieux informer les salariés. Enfin, les salariés seront représentés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises dont les effectifs dépassent 5 000 personnes.

La lutte contre la précarité... Le CDI doit redevenir la norme lors de l'embauche. Le texte majore les taux de cotisation dus par l'employeur pour les CDD de moins de trois mois -mesure qui a fait débat et presque fait capoter la négociation. Symétriquement, les employeurs seront exonérés de toute cotisation chômage s'ils recrutent en CDI un jeune de moins de 26 ans maintenu dans l'emploi après sa période d'essai.

Au niveau de la branche, une négociation sera obligatoire si plus du tiers de l'effectif est à temps partiel. Pour améliorer l'anticipation et l'accompagnement des mutations économiques, le texte prévoit une articulation entre la GPEC et les autres négociations dans l'entreprise. Il pose un cadre juridique protecteur pour la négociation relative à la mobilité interne. L'accord portera notamment sur l'accompagnement du salarié. Il devra être conclu par les syndicats représentant 30 % des suffrages exprimés. Ni le niveau de rémunération ni la qualification ne pourront être revus à la baisse. S'il refuse l'accord, le salarié fera l'objet d'un licenciement économique.

Le projet de loi propose deux dispositifs du maintien de l'emploi : réforme du chômage partiel et accord de maintien dans l'emploi (AME). Une convention financière entre l'État et l'Unedic mettra en oeuvre le nouveau dispositif de chômage partiel, pour le rendre plus attractif. Les salariés seront incités, durant cette période, à se former.

Avec les nouveaux AME, le temps de travail et la rémunération des salariés pourront être modifiés en contrepartie de l'assurance du maintien dans l'emploi des salariés pendant la durée de l'accord. Cette mesure est assortie de garanties pour les salariés, formelles comme de fond.

Enfin, le projet de loi réforme en profondeur la procédure des PSE : accord majoritaire, simplification des règles de consultation du comité d'entreprise et des délais d'expertise, renforcement des pouvoirs de l'administration du travail qui homologuera les PSE -c'est le retour de l'État garant du dialogue social. Le juge administratif contrôlera les décisions de l'administration, sur le fond comme en référé, la compétence du juge prud'homal étant maintenue à l'identique.

Enfin, en cas de fermeture d'établissement, l'employeur sera obligé de rechercher un repreneur et d'informer le comité d'entreprise.

Je reviendrai plus longuement sur les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale lors de l'examen des articles. Les députés, particulièrement le rapporteur Jean-Marc Germain dont je salue le travail, n'ont pas dénaturé l'équilibre général de l'accord. (M. Jean-François Husson s'exclame) Notre commission a fait preuve de la même exigence. Je salue le travail de Mme Génisson et de M. Gorce, qui ont amélioré le texte sur des points majeurs.

L'économie générale du projet de loi a été préservée, tant par le Gouvernement que par l'Assemblée nationale. Il nous appartient de poursuivre dans cette voie. Nous avons une belle responsabilité. Chaque fois que notre assemblée s'attache à défendre l'emploi, nous pouvons avoir la certitude de répondre à la préoccupation première de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois. .  - La commission des lois n'a été saisie pour avis que des articles 5, 13,14 et 16 de ce texte. Elle s'est efforcée d'en améliorer la rédaction, en tenant à respecter l'ANI.

L'article 5 introduit une représentation des salariés dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance des entreprises de plus de 5 000 salariés en France ou de plus de 10 000 dans le monde. C'est une novation significative, objet de revendications anciennes, qui annonce une évolution des relations sociales dans l'entreprise. Il s'agit de sortir d'une logique conflictuelle. La situation économique appelle à la concertation, à une forme de cogestion pour construire la cohésion sociale.

Les amendements de la commission des lois sont essentiellement techniques. Nous avons supprimé une des conditions posées par le projet de loi, qui ne figurait pas dans l'accord : la nécessité de disposer d'un comité d'entreprise ; nous aurons sur ce point besoin des explications du Gouvernement.

La commission a précisé les procédures et les délais. Aujourd'hui, la représentation des salariés dans les conseils d'administration est cantonnée aux sociétés nationales et à celles qui ont été privatisées. L'article 5 du texte permettra un progrès considérable.

L'article 13, qui modifie les procédures de règlement et de liquidation judiciaires, mérite d'être clarifié. L'article 14, concernant l'information du comité d'entreprise sur la recherche de repreneur, n'appelle pas d'observation. L'article 16, qui traite des délais de prescription, suscite en revanche des interrogations : nous souhaiterons, là aussi, des explications.

Le contexte actuel invite à s'appuyer sur le dialogue social. J'entends le malaise de certains. Nous faisons le pari que la négociation est de nature à apporter des réponses aux préoccupations de nos concitoyens, à condition qu'elle soit un point de départ pour faire émerger des dispositifs adaptés à la conjoncture, qu'il s'agisse de formation professionnelle ou d'assurance chômage. Notre message aux partenaires sociaux est double : ils doivent respecter leurs engagements et accélérer les négociations en cours.

La démocratie sociale est toujours restée, dans notre pays, modeste, orpheline ; elle n'est pas dans notre tradition politique, ni même syndicale. Souvenez-vous de la charte d'Amiens ! Notre syndicalisme a toujours été animé par une approche de la société et de l'entreprise marquée par la conflictualité. Sans perdre le goût de l'utopie, sachons nous confronter à la réalité pour traiter les difficultés ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes .  - La délégation a été saisie le 19 mars de ce projet de loi. Je salue la méthode qui a présidé à son élaboration. L'accord national interprofessionnel a un objectif ambitieux : fonder un nouvel équilibre entre le besoin d'adaptation des entreprises et le besoin de sécurité des salariés. L'accord est le fruit de compromis fragiles.

La délégation a voulu jouer pleinement son rôle de législateur, en auditionnant largement. Si les femmes constituent 47 % de la population active, elles sont surreprésentées dans les emplois précaires et à temps partiel ; 45 % de l'emploi féminin est concentré dans dix métiers. Il est temps de passer d'une égalité formelle à une égalité réelle. Les textes existent, appliquons-les !

Les négociateurs ont privilégié le niveau de la branche professionnelle. Je m'en réjouis ; encore faut-il que la représentation des salariés soit forte. Il faut appeler les salariés à adhérer à un syndicat : ils ne sont que 7 à 8 % à le faire...

A l'article premier relatif à la complémentaire santé, la délégation veillera à ce que les prestations liées à la maternité soient incluses et que le dispositif en faveur des bas salaires soit reconduit.

A l'article 4, le contenu de la base de données est en deçà de ce qui a été négocié ; il faut adjoindre les informations relatives à l'emploi précaire et aux contrats à temps partiel.

A l'article 5, la délégation souhaite que suppléant et titulaire représentant les salariés au sein des conseils d'administration soient de sexe différent.

Les articles 7 et 8 traitent de l'emploi à temps partiel. S'il ne faut pas confondre temps partiel et travail précaire, il faut avouer que le temps partiel n'est pas toujours choisi... La délégation propose que les entreprises de plus de vingt salariés dont 20 % de l'effectif sont à temps partiel soient soumises à une majoration de 10 % des cotisations employeur.

La délégation appelle en outre à une réforme du temps partiel. L'article 8 est bienvenu, qui impose un plancher de 24 heures hebdomadaires et modifie la rémunération des heures complémentaires. Ce principe est toutefois fragilisé par une possible annualisation du temps de travail dans certaines branches, qui peut être une façon d'amoindrir l'application de la loi. Je demanderai un rapport au Parlement sur ce point et proposerai un amendement de clarification.

L'article 8 permet en outre d'augmenter temporairement, par avenant, la durée contractuelle de travail -ce sont les compléments d'heures. L'accord fixe à huit le nombre d'avenants autorisés par an, sauf s'il s'agit de remplacer un salarié absent. Ces compléments peuvent à l'évidence porter atteinte au principe de la fixation d'une durée minimale et, avec le recours aux avenants, le risque de requalification du contrat est réel, comme le montre la jurisprudence. La délégation souhaite revenir au principe d'égalité entre salariés à temps plein et salariés à temps partiel : toute heure effectuée en complément des heures prévues dans le contrat initial doit être considérée comme une heure supplémentaire. Les députés avaient précisé qu'au-delà de quatre avenants par an et par salarié, quatre autres avenants pourraient être conclus, à la condition que les heures effectuées dans ce cadre soient majorées d'au moins 25 % ; nous regrettons que le Gouvernement soit revenu sur cette disposition en seconde délibération.

La fixation des modalités d'organisation du temps partiel est renvoyée à la négociation de branche. La délégation souhaite qu'un seuil plancher de quatre jours -celui des employeurs à domicile- soit fixé, auxquels les accords collectifs ne pourront déroger.

Ce texte majeur va profondément marquer les relations de travail dans les entreprises. Les avancées qu'il comporte, donc son application effective, sont soumises à la négociation. La délégation y sera attentive. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - Depuis le début de mon mandat de présidente de la commission des affaires sociales, jamais la situation économique n'a été aussi difficile.

M. Philippe Bas.  - Et elle ne cesse de se dégrader !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Le chômage atteint plus de 10 % de la population active et chaque jour, de nouvelles entreprises ferment, ce qui angoisse les salariés. Oui, il y a urgence à agir, monsieur le ministre. Dans mon département comme ailleurs, le nombre d'allocataires du RSA ne cesse d'augmenter, le nombre de salariés pauvres augmente, celui d'enfants pauvres aussi. Nous entendons les cris d'alerte des organisations caritatives.

Cette crise a de multiples origines mais tient surtout à la soif de profits de certains, avec pour variable d'ajustement les salaires et l'emploi. Depuis 2008, les remèdes proposés donnent les mêmes résultats : effondrement économique, augmentation du chômage, baisse des salaires et des rentrées fiscales. Dans toute la zone euro, la situation se dégrade. Stéphane Hessel demandait comment on peut manquer d'argent pour maintenir les conquêtes sociales de la Résistance alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération. C'est, écrit-il, « que le pouvoir de l'argent, tellement combattu par la Résistance, n'a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l'État. Les banques désormais privatisées se montrent d'abord soucieuses de leurs dividendes et des très hauts salaires de leurs dirigeants ».

En 1992, vous disiez, monsieur le ministre, que la monnaie unique était la voie royale pour lutter contre le chômage. On a vu ce qu'il en était. Que peut faire le Gouvernement ? La marge de manoeuvre est étroite, je le sais bien. La négociation nous semblait une voie intéressante, même si les parlementaires auraient souhaité y être associés. Le dialogue social est une bonne chose, même s'il faut ajouter quelques précisions sur la valeur juridique des accords. Le travail parlementaire est une garantie démocratique, surtout lorsqu'il s'agit de défendre les principes fondamentaux du droit du travail. Il y avait urgence, sans doute, et notre commission a travaillé dans des conditions particulièrement contraintes. Étions-nous à huit jours près ?

Toutes les organisations syndicales nous ont dit qu'elles avaient répondu avec confiance à la conférence sociale de juillet dernier. Mais toutes n'ont pas la même lecture de l'accord national interprofessionnel : certaines y voient un progrès considérable ; d'autres, une régression tout aussi considérable.

Je remercie notre rapporteur pour son travail. J'ai complété ses auditions par quelques-unes, ouvertes à tous les sénateurs, où nous avons reçu toutes les organisations syndicales, signataires ou non de l'accord. Une majorité relative des membres de la commission s'est dégagée en faveur du texte, tandis que certains s'abstenaient et que d'autres, dont je fais partie, votaient contre.

J'espère que la presse s'intéressera autant à ce débat qu'à celui de la semaine dernière car des centaines de milliers de salariés sont concernés, en attente de protection et de sécurité face à cette crise.

Puisse Lacordaire nous inspirer une nouvelle fois : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». (Applaudissements sur les bancs CRC, RDSE et écologistes)

Mme Françoise Laborde .  - L'OIT a tiré le signal d'alarme, il y a huit jours à Oslo, face à la dégradation et la situation du travail en Europe. La situation française est particulièrement préoccupante, nous le savons. Que faire ? Attendre la fin de la crise ? Le Gouvernement a choisi de combattre le chômage. M. le ministre a anticipé les préconisations de l'OIT. En quelques mois, vous vous êtes attaqué au chômage des jeunes et des seniors. Le projet de loi est la troisième étape de la politique volontariste du Gouvernement en matière d'emploi.

Nous approuvons la volonté du président de la République d'associer les partenaires sociaux et de privilégier le dialogue social. Faisons confiance aux partenaires sociaux. Le temps de la négociation n'est pas un temps perdu, a dit François Hollande. Je suis donc étonnée d'entendre certains dire que ce projet de loi menacerait les parlementaires. Il s'agit bien de la transposition de l'accord national interprofessionnel signé le 11 janvier 2013.

Ce texte, qui réconcilie démocratie sociale et démocratie parlementaire, est le fruit d'un processus entamé en juillet dernier lors de la conférence sociale. Il ne remet pas en cause le travail du législateur. Nous ne sommes pas des greffiers mais des garants. Le Sénat devra poursuivre le travail de l'Assemblée nationale.

Ce texte garantit de nouveaux droits aux salariés et donne aux entreprises les moyens de s'adapter à la situation de crise. Il est vrai que l'accord national interprofessionnel n'a pas été signé par deux syndicats. Le marché du travail est perçu comme trop rigide par les entreprises sans être vraiment protecteur pour les salariés. Certaines dispositions de l'accord sont difficiles à accepter mais elles ont été accordées en contrepartie de nouveaux droits pour les salariés. Sur les complémentaires santé, le dispositif mériterait d'être amélioré. Dans les TPE, le contrat collectif n'est sans doute pas la meilleure solution.

J'en arrive à l'emploi des femmes. Leur situation n'est pas satisfaisante. Elles occupent 80 % des emplois à temps partiel, de façon souvent subie, et leur rémunération est inférieure de 27 % à celle des hommes. Je regrette que ce thème ait été absent des négociations. Pourtant, certaines dispositions vont dans le bon sens. Je regrette à mon tour que vous ayez réussi à faire supprimer par une seconde délibération un amendement encadrant le recours aux avenants tout en préservant la majoration des heures complémentaires.

Ce projet de loi établit un juste équilibre : les radicaux de gauche le voteront et aucun membre du RDSE ne devrait s'y opposer. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean Desessard .  - (Applaudissements sur les bancs écologistes) Si l'on peut se réjouir qu'à l'issue d'une grande conférence sociale, les partenaires sociaux aient signé l'accord national interprofessionnel, la représentation nationale ne peut accepter de l'entériner tel quel. Vivons-nous une crise de surpopulation, une crise financière, une crise économique, une crise écologique ou une conjonction de tout cela ?

Pour certains, il suffit de travailler toujours plus et d'abaisser le coût du travail ; pour d'autres, il faut maintenir la solidarité par plus d'égalité. Le contexte est-il en faveur des salariés, monsieur le ministre ?

Vous avez parlé d'un accord « historique ». Pour la mutuelle complémentaire, il s'agit d'une extension de droit, ce qui est souhaitable, mais ce droit n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est que la sécurité sociale ne peut l'assurer.

Les droits au chômage rechargeables ? Cela aurait dû être fait depuis longtemps. Le droit à la formation ne doit pas être simplement virtuel. Quant à la mobilité externe, c'est une application intelligente du congé sabbatique.

Les droits collectifs deviennent des droits individuels, au service d'intérêts collectifs. Des dérogations au droit du travail sont prévues dans ce texte, sans grande contrainte pour les employeurs. La course à la rentabilité maximum doit-elle être privilégiée ?

La flexibilité est bien là. Je pense au travail saisonnier, par exemple.

Permettez-moi une allégorie. (Marques d'intérêt amusées) Vous nous proposez de rejoindre les rivages lointains d'une vie meilleure, monsieur le ministre, mais nous devons traverser des océans déchaînés et nous risquons le naufrage. Ce n'est peut-être pas le radeau de la Méduse, tout juste un canot de sauvetage, avec rations de survie. (Sourires) La question est posée : sommes-nous en situation de survie ou au bord du naufrage ? Pour les droits syndicaux, on nous demande d'attendre que soient atteints les rivages lointains de la croissance retrouvée. D'ici là, combien de fonds de pension auront soufflé la tempête pour couler ces fiers et beaux voiliers afin d'en récupérer les épaves ? (Sourires et applaudissements)

Deux organisations syndicales ne voulaient pas que les rapports sociaux soient ainsi traités. D'autres pensent qu'il faut adapter les entreprises. Il est dommage que le dialogue social n'ait pas été mieux défini.

Ce texte laisse place aux doutes. Le groupe écologiste à l'Assemblée nationale s'est abstenu ; quand au groupe écologiste du Sénat, il a déposé des amendements. (M. le président signifie que l'orateur a dépassé son temps de parole)

Oui, la crise est là ; oui, il faut réagir, mais ce ne doit pas être l'occasion d'en demander toujours plus aux salariés. (Approbations sur les bancs CRC) Cette crise peut être l'occasion d'instaurer une démocratie sociale. A nous, législateurs, de la faire vivre. (Applaudissements sur les bancs écologistes, CRC et RDSE, ainsi que sur quelques autres bancs)

M. Jean-François Husson .  - Sur la forme, je regrette que nous ayons dû examiner ce texte dans un délai aussi bref. Certes, l'emploi ne peut attendre car il s'agit de renforcer la compétitivité de notre pays, mais un délai raisonnable aurait été préférable. Ce projet de loi est le fruit d'un long dialogue entre les partenaires sociaux. Je m'en félicite, dans une France qui a bien du mal à se réformer.

Sur le fond, ce projet de loi répond à deux impératifs : sécuriser les salariés et permettre aux entreprises de s'adapter à la situation économique.

Le président de la République a salué le succès du dialogue social et demandé une transcription fidèle de l'accord national interprofessionnel, ce qui n'impose pas de le voter tel quel mais d'en respecter l'esprit.

Je déplore que le Gouvernement ait déposé un projet de loi sensiblement différent de l'accord, avec la clause de désignation qui remet en cause l'esprit de l'accord national interprofessionnel. Sur la mobilité, le dispositif très souple de l'accord a été rigidifié par l'Assemblée nationale. Le projet de loi alourdit les dispositions de l'accord, ce qui est regrettable. Comment le Gouvernement entend-il financer cette réforme dont le coût pourrait atteindre 2 ou 3 milliards ? Va-t-il procéder à des économies ? Enfin, l'article premier conduira à supprimer des dizaines de milliers d'emplois.

Je suivrai le débat avec attention, mon vote dépendra de vos réponses. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Comment qualifier cet accord ? M. le ministre a dit qu'il y a en avait trois ou quatre par siècle, M. Desessard qu'il était historique. Notre rapporteur a été plus modeste en parlant d'un texte qui marquera ce quinquennat. De fait, cet accord est important. Je félicite les partenaires sociaux qui ont fait preuve de beaucoup de courage et d'abnégation. Je rappelle tout de même que c'est à notre collègue Gérard Larcher que l'on doit à la négociation de vivre, avec sa loi du 31 janvier 2007.

Parler de « sécurisation » de l'emploi, c'est prendre une position défensive. Il aurait été plus offensif de parler de « dynamisation » de l'emploi. Il n'est pas envisagé de modification des relations entre employeurs et employés en cas de développement de l'activité. Nous aurions souhaité une refonte radicale du code du travail, avec une suppression des 35 heures, pour créer un « choc » de compétitivité. Malgré ce manque d'audace, ce texte va dans la bonne direction.

La mobilité des salariés sera assortie de garanties, comme le compte personnel de formation, le droit au chômage rechargeable. C'est une petite révolution. L'amélioration des conditions du travail précaire, l'encadrement du travail à temps partiel vont, eux aussi, dans le bon sens. Les entreprises pourront réagir rapidement en cas de difficulté. Notre groupe est donc plutôt favorable à ce projet de loi. Néanmoins, des problèmes de fond demeurent.

Le président de la République avait annoncé qu'il voulait l'accord national interprofessionnel, tout l'accord national interprofessionnel, rien que l'accord national interprofessionnel. Nous souhaitons revenir à un texte plus proche de l'accord, qui permettra de préserver l'emploi.

La clause de désignation ne figure pas dans l'accord national interprofessionnel mais, n'en déplaise à certains, elle figure bien à l'article premier du projet de loi. Pourquoi, sinon, aurions-nous subi un tel forcing pour la supprimer ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Bonne question !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Le conseil de la concurrence a été extrêmement sévère, d'autant que cette clause peut générer des conflits d'intérêts et risque de se révéler anticonstitutionnelle. En outre, elle risque de supprimer 30 000 emplois dans les mutuelles et assurances... Il va falloir trouver 3,5 milliards de plus : est-ce sain ? Ne faut-il pas plutôt alléger les charges des TPE ?

Deuxième problème : le temps partiel pour les entreprises qui ont des activités de services à la personne, ou dans le secteur agricole... Il faudra faire en sorte que ces entreprises puissent continuer à fonctionner comme actuellement. Mieux vaut un petit boulot que pas de boulot du tout.

Mme Catherine Procaccia.  - Bien sûr !

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation.  - Dites-le aux femmes !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Le CICE est déjà bien compliqué ; si l'on y ajoute une consultation du comité d'entreprise et des délégués du personnel, on renforce la complication. Enfin, en cas de refus d'un salarié, le licenciement sera économique et non individuel, contrairement à ce que prévoit l'accord. N'y a-t-il pas un risque de juridiciarisation de ces licenciements ?

Notre groupe fera des propositions pour se rapprocher du texte de l'accord. Nous avons collectivement déposé quinze amendements seulement, tous très ciblés, contrairement à certains de nos collègues. Nous espérons éviter les grignotages, comme à l'Assemblée nationale. Si nous y parvenons, notre vote sera favorable. Si nous n'obtenons rien, nous nous abstiendrons. Si le texte s'éloigne encore plus de l'accord national interprofessionnel, nous voterons contre. Autant dire que nous attendons le débat, auquel nous participerons activement, pour nous prononcer. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - L'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a été qualifié d'historique, et c'est vrai dans une certaine mesure car il s'agit de dialogue social. Certes, l'accord aurait pu aller plus loin mais il consacre un changement d'approche des relations sociales dans notre pays. Les centristes prônent la démocratie sociale : l'entreprise est une communauté humaine et non un lieu d'affrontement ou de lutte des classes. L'accord national interprofessionnel est issu de la loi Larcher, cela a été dit. Il aura d'autant plus de force qu'il fera l'objet d'un consensus politique. Nous regrettons que l'accord n'ait pas été signé par tous les syndicats, mais nous saluons ceux qui l'ont fait.

Nous passons d'une logique défensive à une logique offensive et nous dotons notre pays d'un socle de sécurité et de flexibilité. Une telle approche dépasse les antagonismes traditionnels. La philosophie de l'accord national interprofessionnel, c'est des droits nouveaux contre plus de flexibilité.

La logique de coopération se substitue à la logique de l'affrontement. L'article 5 est la disposition la plus emblématique, avec la présence de salariés dans le conseil d'administration. C'est un changement majeur dont nous nous réjouissons.

Il s'agit maintenant de donner valeur législative à cet accord. Nous adhérons au credo du président de la République : « l'accord, rien que l'accord ». Or nous avons décelé trois divergences par rapport à cet accord.

A l'article premier, les branches pourront désigner les organismes complémentaires. Cette question est loin d'être au coeur du texte.

M. Michel Sapin, ministre.  - La fédération des assurances ne partage pas votre point de vue.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - La généralisation de la complémentaire est bien plus importante que cette clause de désignation, même si nous y sommes défavorables.

En l'occurrence, la généralisation de la clause de désignation pourrait aboutir à une reconfiguration de l'assurance en France. Attention également aux conflits d'intérêt : ce n'est pas aux mutuelles et aux assurances à financer les syndicats ! (M. Jean-François Husson approuve)

Lisons attentivement l'avis de l'autorité de la concurrence. (M. Jean-Noël Cardoux applaudit)

Le texte désamorce les craintes concernant les licenciements économiques en cas de refus du salarié. Nous aurions souhaité que négocier la mobilité interne soit une obligation et non une faculté.

J'en viens au coeur du texte : les accords de maintien dans l'emploi, qui consacrent la flexisécurité. Leur durée ne peut excéder deux ans et le dispositif est assorti d'une clause de retour à meilleure fortune. Au pire, c'est un sursis ; au mieux, un moyen efficace de surmonter une période de difficulté. Des dispositions analogues existaient déjà ; le texte apporte toutefois un cadre global à des outils ciblés et disparates.

Autre avancée, la création du compte personnel de formation. Certes, son financement doit être précisé mais le compte personnel de formation demeure une avancée essentielle pour la formation professionnelle. Il améliorera la portabilité et l'accès à la formation des publics qui en ont le plus besoin, chômeurs et personnes les moins qualifiées. C'est une étape vers l'urgente et inévitable réforme de la formation professionnelle qui est pour nous, avec le choc de compétitivité, le levier clé de la bataille de l'emploi.

L'article 8, sur le temps partiel, pose un socle de garanties, mais ces règles sont incompatibles avec certaines activités, dans le médico-social, les services à la personne ou encore le portage de la presse. Ces secteurs, qui sont des gisements d'emploi, s'inquiètent. Nous proposerons des amendements à ce sujet.

Adoptons la loi sur quelques points et nous aurons fait oeuvre utile !

Il me reste à remercier la présidente de la commission qui a multiplié les auditions, ainsi que notre rapporteur pour son travail, son écoute et sa courtoisie. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christiane Demontès .  - La crise économique est très grave avec, en corollaire, la hausse du chômage. Le bilan de la précédente mandature, c'est un million de chômeurs en plus ; 34 000 postes ont été supprimés dans le secteur manufacturier au dernier trimestre 2012. La tendance ne s'est pas inversée. Nous comptons 62 300 chômeurs supplémentaires pour janvier et février : au total, 3,7 millions de demandeurs d'emploi, pour un taux de 10,6 %. Les moins de 26 ans sont les plus touchés : ils sont 800 000 à être privés d'emploi.

Face à cette situation dramatique, François Hollande et Jean-Marc Ayrault se sont emparés de la question de l'emploi, avec les emplois d'avenir pour les jeunes, avec les contrats de génération, qui traduisaient déjà un accord national interprofessionnel, celui du 19 octobre 2012. 500 000 contrats de génération devraient être conclus à terme. La méthode tourne résolument le dos à celle du précédent gouvernement : déclarations sans lendemain, promesses non tenues... (Applaudissements à gauche tandis qu'on s'exclame à droite)

M. Jean-François Husson.  - Ne nous réveillez pas...

Mme Christiane Demontès.  - A l'issue de la conférence sociale de juillet, le Gouvernement proposait aux partenaires sociaux d'entamer une grande négociation. Après quatre mois, un accord a été signé par les trois organisations représentatives des employeurs et par trois des cinq organisations représentatives des salariés, qui représentent 51,15 % des suffrages recueillis par les organisations habilitées à négocier.

Il ne s'agit ni d'un accord Medef ni d'un accord reposant sur le soutien d'organisations minoritaires. Les organisations non signataires ont d'ailleurs apporté leur contribution à la négociation. Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat ont organisé de nombreuses auditions pour prolonger ce mouvement -j'en remercie la présidente David et notre rapporteur Claude Jeannerot. Cet esprit de responsabilité a permis de nombreuses avancées : c'est toujours l'option la plus juste et la plus efficace qui a été retenue.

L'article premier généralise la couverture complémentaire santé collective obligatoire. L'article 2, sur la formation, est également décisif : il crée un compte personnel de formation et un conseil dans l'évolution professionnelle. La recherche d'une plus grande employabilité caractérise l'article 3, sur la mobilité externe. Les articles 6 et 8 luttent contre la précarité des salariés, avec les droits rechargeables à l'assurance chômage. L'article 7 favorise l'embauche en CDI en pénalisant les CDD de courte durée. L'article 8 crée une durée minimale de 24 heures pour les contrats à temps partiel. Les femmes sont les premières concernées par le temps partiel subi... Attention à ne pas autoriser de dérogations systématiques à cette règle de 24 heures.

L'article 4 renforce le dialogue social, avec deux nouvelles consultations obligatoires du comité d'entreprise. Une base de données économiques et sociales sera créée. Enfin, l'article 5 rend obligatoire la présence de représentants des salariés au conseil d'administration ou de surveillance. Je remercie M. Gorce pour son travail sur ce point.

L'article 10 fait de la mobilité interne un instrument négocié, articulé avec la gestion prévisionnelle de l'emploi, sans réduction d'effectif. Un nouveau dispositif de chômage partiel est instauré à l'article 11.

L'article 12 crée et encadre une nouvelle catégorie d'accords d'entreprise, dans le respect de l'ordre public social. En contrepartie, l'employeur s'engage à ne pas procéder à des licenciements économiques pendant la durée de l'accord. Un plan social devra faire l'objet d'un accord majoritaire au sein de l'entreprise ou d'une homologation par l'administration. L'employeur qui ferme un établissement devra rechercher un repreneur.

Ce projet de loi s'appuie sur une méthode : le dialogue social. Quoi de plus naturel ? Fondé sur l'écoute, le dialogue, la loyauté, la recherche du compromis, il associe démocraties sociale et politique et privilégie l'intérêt général. Le groupe socialiste votera bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Laurent .  - Ce texte est important. Mais ce n'est pas le texte de progrès annoncé par M. le ministre. C'est même, à nos yeux, le contraire.

Le chômage atteint un pic historique : 3,2 millions de chômeurs de catégorie A et plus de 5 millions de chômeurs toutes catégories confondues. Chaque jour, des centaines d'hommes et de femmes sont privés d'un droit constitutionnel : le droit au travail. Que reste-t-il de l'article 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui dit que « toute personne a droit au travail » quand le chômage explose, que le nombre d'allocataires du RSA dépasse 2 millions, que 22,5 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté ? Le 5 mai dernier, le peuple français s'est levé contre l'entreprise de destruction sociale menée par Nicolas Sarkozy. (Soupirs à droite)

C'est le rejet du libéralisme qui a fait la victoire de François Hollande. Rappelez-vous son discours du Bourget où il faisait son programme de « l'achèvement de la promesse républicaine autour de l'école, la laïcité, la dignité humaine et l'intérêt général ». Telle était la feuille de route. L'exigence des Français, c'était le rejet de la finance et l'aspiration à la justice sociale. La crise est trop profonde, nous n'avons pas le droit à l'erreur : ne creusez pas encore le fossé avec les attentes des Français.

« Sécurisation de l'emploi » ? Manipulation grossière comme la publicité pour les 4x4 écologiques ; rien pour la sécurisation, tout pour la précarisation! Ce projet de loi est un cadeau au grand patronat et aux intérêts financiers -pour preuve, l'abstention bienveillante de l'UMP à l'Assemblée nationale. (Marques de désapprobation à droite)

Vous n'aurez pas d'ennemis à droite, monsieur le ministre, les sénateurs de droite défendront pied à pied les intérêts du Medef. (Exclamations à droite)

M. Francis Delattre.  - Pas vous ! Votre bilan...

Mme Éliane Assassi.  - Assumez le vôtre.

M. Francis Delattre.  - Votre bilan parle pour vous !

Mme Éliane Assassi.  - Quel bilan ?

M. Francis Delattre.  - Le bilan globalement positif !

M. Pierre Laurent.  - Cette loi est une entreprise d'enfumage ! L'article premier contribuera surtout à enrichir les assurances privées.

Mme Catherine Procaccia.  - Caricature !

M. Pierre Laurent.  - L'intervention des salariés est toujours réduite à la portion congrue. La sanction des contrats courts ? Elle se réduit à une modulation des cotisations, qui ne coûtera pas un centime aux employeurs...

Ce projet de loi est catastrophique : il multiplie les possibilités de licencier, limite les indemnités de licenciement, restreint la possibilité de saisir le juge... Il est à l'exact opposé de tous les marqueurs de la gauche ! Il instaure une amnistie patronale quand la droite, il y a peu, combattait l'amnistie sociale. Comment accepter l'accélération des plans sociaux ? L'autorisation administrative ne sera pas protectrice : ce visa sécurisera au contraire les licenciements !

Huit avenants pour modifier les temps de travail : c'est une catastrophe pour les femmes, travaillant à temps partiel. Comment ne pas bondir devant la mobilité obligatoire, qui bouleversera la vie des familles ? Ce projet de loi consacre les contrats compétitivité-emploi, inscrits dans le programme de Nicolas Sarkozy, le candidat battu !

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est tout le contraire !

M. Pierre Laurent.  - Comme disait Léon Blum, on est socialiste quand on cesse de dire c'est dans l'ordre des choses, nous ne pouvons rien changer. Ce projet de loi n'est pas digne de la gauche. (Exclamations sur les bancs socialistes)

MM. Michel Sapin, ministre et Jean-Jacques Mirassou.  - Oh !

Mme Jacqueline Gourault.  - Des syndicats ont signé !

M. Pierre Laurent.  - Les suppressions de poste vont se multiplier pour que les groupes maintiennent leurs marges et les actionnaires leurs dividendes.

Partout en Europe, malgré la multiplication les gains de flexibilité, le chômage ne cesse d'augmenter...

M. Michel Sapin, ministre.  - Sauf en Allemagne !

M. Pierre Laurent.  - Ce projet est la traduction dans notre droit de la lame de fond visant à remettre en cause en Europe les droits sociaux, comme l'a déclaré la Confédération européenne des syndicats. L'entêtement à poursuivre dans les politiques qui ne marchent pas est un grave contresens. Les entreprises ne manquent pas de flexibilité mais de demande, disent des économistes comme Frédéric Lordon ! De partout, des voix s'élèvent contre cette loi écrite à l'encre du Medef. Les salariés rassemblés devant le Sénat nous demandent le retrait de ce texte.

Par respect du Parlement, ne ratifiez pas cet accord, mes chers collègues ! Nous avons le pouvoir de faire taire Mme Parisot, son arrogance ! Elle voudrait nous adresser un mandat impératif. Notre rôle est d'écrire la loi. La gauche aurait dû, dès son arrivée, inscrire des nouveaux droits pour les salariés. Et voilà qu'aucune conquête sociale n'est possible sans l'aval du Medef ! La droite s'en réjouit : ce principe aurait empêché l'adoption de la retraite à 60 ans, des 35 heures, des 39 heures, des 40 heures...

La gauche doit accorder des lois protectrices aux salariés. A l'instar des députés du Front de gauche, les sénateurs CRC s'attacheront à montrer que d'autres voies sont possibles (exclamations sur les bancs UMP) grâce à une véritable sécurité sociale de l'emploi et de la formation. L'heure est au choix.

Fidèles à nos convictions de gauche, nous repousserons ce projet de régression. Nous voulons ouvrir des brèches avec tous ceux qui veulent une autre voie à gauche. Les syndicalistes que vous avez qualifiés de minoritaires, monsieur le ministre...

M. Michel Sapin, ministre.  - Ce sont les électeurs, pas moi !

M. Pierre Laurent.  - ...doivent être entendus ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Ce projet de loi est de facture libérale standard : la cause du chômage tient à la rigidité de l'emploi. Cela fait trente ans que l'on nous ressert le plat, avec le résultat que l'on sait : 11 % de chômeurs. Mais pas question ici de flexisécurité, nous dit l'exposé des motifs : l'accord que traduit ce texte serait gagnant-gagnant. Voyons cela.

Dans la colonne « Salariés », l'article premier, sur la complémentaire santé, laisse à craindre l'alignement sur la CMU-c. Le droit rechargeable à l'assurance chômage est renvoyé à des négociations ultérieures...

Dans la colonne « Employeur gagnant », on retrouve la flexibilité. Le salarié qui refuse pourra être licencié. A quoi s'ajoutent la modification des règles de licenciement économique, la simplification des règles d'organisation interne, le raccourcissement des délais de prescription en matière de licenciement...

Certaines mesures profitent aux deux partenaires, les autres à un seul : les employeurs. Dans les accords gagnant-gagnant, tout le monde gagne mais certains perdent plus que les autres. C'est un accord de flexibilité à prix cassé. D'excellents objectifs ne suffisent pas à faire une bonne loi ! (Applaudissements sur les bancs CRC, écologistes, Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

M. Jean-Vincent Placé .  - (Applaudissements sur les bancs écologistes) Le projet de loi porte un titre ambitieux : qui peut être contre la sécurisation de l'emploi ? Mais il n'est pas à la hauteur des enjeux et remet en cause des valeurs fortes. Le Parlement est appelé à ratifier l'accord, tout l'accord, rien que l'accord. Nous ne devrions pas être une chambre d'enregistrement !

Quelle est la vision stratégique de ce texte ? L'économie est au service de l'homme et non l'inverse. Or nous avons un taux de chômage record. Qui peut croire qu'en rendant le travail plus flexible et le licenciement plus facile, nous allons créer un emploi de plus ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous faisons le contraire !

M. Jean-Vincent Placé.  - Nous détricotons au fil de l'eau les avancées sociales. Mieux vaudrait créer des emplois avec la transition écologique, l'économie circulaire, la formation, plutôt que de flexibiliser à tout prix.

Les écologistes sont très vigilants car nous ne voulons pas que le modèle de la sécurité sociale se désagrège au profit des assurances privées.

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est ce que nous voulons éviter !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Bien évidemment !

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation.  - C'est un autre débat.

M. Jean-Vincent Placé.  - Il y a des avancées, oui. Mais mobilité contrainte, licenciements facilités, délais de prescription réduits, autant de reculs. Les marges de manoeuvre des comités d'entreprise sont réduites. Le Medef, soutenu par l'UMP, salue ce texte, M. Borloo le juge excellent... Cela le marque, que cela vous plaise ou non.

Dans une démarche constructive, nous avons voulu sécuriser les salariés, supprimer le licenciement économique individuel, créer un droit de veto suspensif pour le comité d'entreprise sur les procédures de licenciement. Enfin, nous voulons intégrer la dimension environnementale. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles. Nous souhaitons que le texte soit rééquilibré en faveur des salariés. Sans quoi, nous ne pourrons le voter. Notre rôle, à gauche, est de respecter les salariés, qui ne sont pas des variables d'ajustement ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes, Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

M. Serge Dassault .  - Ce projet de loi dit de sécurisation de l'emploi, loin de diminuer le chômage, va l'augmenter considérablement. (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, s'exclame) Les entreprises délocaliseront ! On parle peu d'elle mais c'est l'entreprise qui embauche quand elle a des commandes et débauche quand elle n'en a plus !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - C'est le salarié qui produit !

M. Serge Dassault.  - Si vous multipliez les contraintes, elle sera obligée de licencier ; jamais elle ne pourra conserver du personnel surabondant quand les carnets de commandes sont vides. La sécurisation de l'emploi est impossible... sauf dans l'administration. De nombreuses entreprises, surtout les petites, pourraient embaucher...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Vive le retour de l'esclavagisme !

M. Serge Dassault.  - ...pourvu qu'elles puissent le faire avec des CDD renouvelables ou des contrats de projet si le travail à fournir est limité dans le temps. Ne vaut-il pas mieux du travail dans un emploi précaire que pas de travail du tout ?

C'est le cas aux États-Unis où la flexibilité est la règle ; et le chômage y est bien moins élevé. Il faut baisser les charges, les salaires et surtout, travailler plus ! C'est-à-dire revenir aux 39 heures, ce qui rapporterait aussitôt 21 milliards d'euros à l'État et à la sécurité sociale.

Beaucoup de difficultés viennent de l'absence de formation professionnelle. Il y a des emplois disponibles mais personne pour les occuper. L'Éducation nationale ne fait pas ce qu'elle devrait. Une formation professionnelle dès 14 ans est indispensable, il y a des jeunes qui ne peuvent pas faire d'études supérieures.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - N'est-ce pas un peu tard pour rentrer dans le monde de l'emploi ?

M. Serge Dassault.  - Le dialogue social est nécessaire, mais avec les salariés au moins autant qu'avec les syndicats.

Nous voulons tous que le chômage baisse. N'oubliez jamais que l'emploi dépend des entreprises et que si vous pouvez leur interdire de licencier, vous ne les forcerez jamais à embaucher.

Ce projet de loi propose des mesures qui pourraient être efficaces, mais sûrement pas pour faire baisser le chômage. Je ne le voterai pas (Quelques applaudissements à droite)

M. Ronan Kerdraon .  - Ce texte est l'aboutissement d'une méthode, initiée par la grande conférence sociale de juillet dernier. Après plusieurs mois de discussions, il transpose dans la loi l'accord majoritaire du 11 janvier 2013. Cette méthode est exemplaire, mieux, une exigence ; elle devrait d'ailleurs encourager la syndicalisation.

L'accord national interprofessionnel s'inscrit dans un contexte difficile : 5 millions de chômeurs et autant de précaires. C'est à cette réalité que les partenaires sociaux ont voulu s'attaquer. Je salue le travail de notre rapporteur qui a su mobiliser les membres de la commission des affaires sociales qu'anime la présidente David. Dès son adoption, le projet de loi sera un outil clé de la bataille pour l'emploi. Le Gouvernement a déclaré l'urgence : il fallait agir vite ; mais nous aurons le temps de l'enrichir encore, tout en répondant aux inquiétudes des organisations syndicales non signataires qui dénoncent un texte de précarisation de l'emploi. Une étude attentive montre que ce n'est pas le cas.

L'accord du 11 janvier ouvre des droits nouveaux et concrets, c'est évident. Je salue la portabilité des droits des salariés. Beaucoup de dispositions concernent le fonctionnement de nos entreprises. Avancer, c'est comprendre et respecter, comme le dit souvent M. Mirassou (exclamations admiratives sur les bancs socialistes), respecter les signataires comme les non-signataires. L'intelligence doit être collective.

L'enjeu, c'est de construire des mécanismes d'anticipation, d'adaptation et de formation, d'encadrer aussi le recours au temps partiel et aux CDD -la majoration des cotisations permettra de responsabiliser les employeurs.

La généralisation de la complémentaire santé devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2016 ; la négociation sur l'assurance chômage intégrera le principe des droits rechargeables. Le « tout tout de suite » n'est pas de mise. Condamner des avancées au motif qu'elles n'ont pas d'effet immédiat, c'est conserver l'existant... Quant à la mobilité des salariés, elle peut aujourd'hui être imposée par l'employeur, elle sera désormais négociée ; et ni la qualification ni le niveau de rémunération ne pourront être modifiés.

Trois articles nouveaux du code du travail renforceront les droits des salariés, tant en matière de vie personnelle que de temps partiel pour les femmes. L'accord encadre de façon stricte ce temps partiel, la durée de travail hebdomadaire devra notamment être au minimum de 24 heures. Cela vaut pour les services à la personne, qui permettent de créer de nombreux emplois. La professionnalisation de ces professions doit passer par le dialogue social, la formation et la pluriactivité.

La sécurisation est également assurée par le retour de l'État dans les plans sociaux, qui traduit le 35e engagement de François Hollande. Avec la représentation paritaire homme-femme des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des plus grandes entreprises, c'est le 55e qui est respecté.

Je me félicite des dispositifs relatifs à la mobilité et du compte personnel de formation. Restera, sur ce dernier point, à négocier les financements. Seule une entreprise sur dix met actuellement tout en oeuvre pour favoriser l'accès à la formation.

Dans mon département, la situation de Brittany Ferries illustre la nécessité d'encadrer strictement les accords de maintien dans l'emploi ; celle de l'agroalimentaire montre les conséquences dramatiques de l'absence d'anticipation et l'importance du dialogue social ; celle enfin de trop nombreux salariés de PME et TPE, privés de complémentaire santé, illustre la nécessité de renforcer la protection sociale.

Ce texte n'atteint certes pas l'idéal, mais il part de la réalité vécue et permettra de changer la vie des salariés. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce projet de loi enrichi par nos collègues députés et par nous-mêmes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christian Poncelet .  - Ce projet de loi contient un aspect important, un peu trop passé sous silence mais vital pour notre économie : la représentation obligatoire des salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance des plus grandes entreprises.

Cette disposition renoue avec la belle et noble idée que je n'ai cessé de défendre : la participation, chère au coeur du général de Gaulle. Gaulliste social, je me reconnais dans ce dispositif, qui ne peut laisser insensible certaines familles de pensée présentes dans cet hémicycle. La volonté de dépasser les antagonismes a inspiré un certain socialisme à une certaine époque, la démocratie chrétienne et le gaullisme social. (Mme Jacqueline Gourault applaudit) Sous le gouvernement Mesmer -il y a quarante ans !-, j'ai défendu un projet de loi pour encourager l'actionnariat salarié. Nous voulions répondre au voeu du général de Gaulle d'associer les salariés à la vie de l'entreprise et de faire de cette association, selon ses mots, « une donnée de base de l'économie française » ; mais le patronat et les syndicats n'en ont pas voulu, pour différentes raisons. Cette drôle d'alliance correspond à une réalité bien française, l'union sacrée pour que rien ne change. (Applaudissements à droite)

Ce refus des uns et des autres a été mortel. Aujourd'hui, les patrons ne sont plus français mais indiens ou chinois, les entreprises ont fermé. Si les dirigeants et les salariés avaient été liés par un intérêt commun, les choses auraient été bien différentes. En Allemagne, la cogestion a permis la préservation de l'économie allemande.

Je ne peux que savourer les propos de M. Jeannerot qui voit dans cet article une avancée majeure qui atténuera la conflictualité des choix stratégiques des entreprises... Il a certainement lu les mémoires du général de Gaulle... (Sourires) Oui, il faut aller vers la complémentarité et tourner le dos aux affrontements stériles.

Laissez-moi vous faire une confidence : ce projet de loi me rajeunit. Il a fallu quarante ans de réflexion pour qu'on comprenne l'intérêt d'un tel dispositif ! C'est un peu long, non ? Nous avons tous une part de responsabilité...

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous y sommes parvenus !

M. Christian Poncelet.  - Une telle lenteur a été préjudiciable à l'économie française et aux intérêts des salariés.

Je salue cette avancée importante qui remet l'humain au coeur de l'entreprise, de l'activité et de nos préoccupations. Finissons-en avec les solutions caricaturales ou cyniques ! C'est ce que le pays attend de nous ! (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis.  - Dommage qu'il n'y ait plus de gaullistes !

Mme Christiane Demontès.  - Vous allez suspendre la séance, monsieur le président. Certes, il y a une conférence des présidents mais pourquoi ne pas reprendre à 21 heures ?

M. le président.  - Il est prévu de rependre à 21 h 45, d'abord parce que la conférence des présidents a un ordre du jour chargé, ensuite parce que se tiendra, à son issue, une réunion avec M. le ministre des relations avec le Parlement...

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le programme national de réforme ainsi que le projet de programme de stabilité, accompagné de l'avis du Haut conseil des finances publiques, sur les perspectives macro-économiques associées à ce projet de programme. Ces rapports ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.

Sécurité de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Discussion générale (Suite)

Mme Patricia Schillinger .  - Je me réjouis de ce texte qui fait suite à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et qui renoue avec le pacte social dont je déplorais l'abandon dans le rapport que je lui consacrais avec Joël Bourdin. Nous y regrettions que la France soit à la 137e place sur 144 pays pour ce qui concerne les relations au sein des entreprises. Oui, nous avons besoin de revenir au dialogue social, dont la rupture coûte, selon la Banque mondiale, un point de PIB par an à la France. Cette situation ne profite ni aux employés ni aux employeurs ; elle fait obstacle à la résolution des crises au sein des entreprises. Celles-ci résistent mieux à la crise quand le dialogue social y est bon.

Le Gouvernement a réussi son pari : ce texte apporte plus de flexibilité aux entreprises, avec les accords de maintien dans l'emploi et la mobilité au sein de l'entreprise, et plus de droits pour les salariés, avec l'extension de la couverture complémentaire et la refonte du temps partiel.

Pour mieux gérer les transitions et anticiper les formations, il fallait bâtir une formation professionnelle. Il fallait également mieux encadrer les licenciements collectifs : ce sera le cas avec l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'administration. Je me réjouis également de l'extension de la complémentaire santé à 400 000 nouveaux salariés ; elle sera financée au moins pour moitié par les employeurs.

Il était aussi grand temps d'ouvrir les conseils d'administration des entreprises aux représentants des salariés. Ce sera le cas dans les entreprises de plus de 5 000 salariés installées en France et celles de plus de 10 000 salariés ailleurs. Mettre du dialogue social là où il n'y en avait pas suppose de former les managers.

Ce texte s'ajoutera à l'arsenal législatif du plan de lutte pour l'emploi : contrats de génération, CICE et pacte de compétitivité, pour ne citer que quelques mesures. Nous vivons un moment historique d'importance : face à la crise, le Gouvernement a su agir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Procaccia .  - La négociation nationale interprofessionnelle existe depuis longtemps. Monsieur le ministre, vous avez cité les accords de 1936 sur les congés payés, les lois Auroux, les accords de Grenelle. Il y en a d'autres, plus récents, comme l'accord sur la formation professionnelle.

Vous voulez que ce projet fasse date. C'est mon souhait le plus véritable et le plus sincère. Encore faut-il ne pas dénaturer l'accord du 11 janvier 2013. Sans doute par tradition sénatoriale, le groupe CRC n'a déposé que 400 amendements, contre 4 000 à l'Assemblée nationale. Espérons que vous ne plierez pas devant les manifestants des deux syndicats qui n'ont pas signé l'accord.

Rendons à Gérard ce qui est Gérard : votre méthode de la concertation vient de la loi Larcher de 2007 sur la modernisation du dialogue social que j'avais eu l'honneur de rapporter.

La transcription de l'accord national interprofessionnel doit être loyale, ce qui n'est pas toujours le cas. L'article premier est contesté par l'Autorité de la concurrence. Soyez attentifs à nos amendements, on ne comprendrait pas que vous restiez campés sur la clause de désignation. Le dialogue et la concertation prônés par le ministre ne seraient alors que de vains mots. (M. Jean Desessard ironise) Comment le ministre du travail peut-il envisager la suppression de 50 000 emplois dans le secteur de l'assurance ? Ce chiffre est peut-être exagéré, il a le même genre de fiabilité que le comptage des manifestants de l'Étoile.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis.  - Sans les violences, tout de même.

Mme Catherine Procaccia.  - Je le souhaite. En outre, les contrats collectifs santé vont-ils continuer de bénéficier des dispositions fiscales existantes ?

M. Jean-François Husson.  - Bien sûr !

Mme Catherine Procaccia.  - Dans le cas contraire, ce serait un coup porté à une avancée de ce texte : l'extension de la complémentaire santé à tous les salariés.

Autre aménagement souhaitable, l'article 8 sur le temps partiel. Celui-ci n'est pas toujours subi : 50 % des personnes travaillant dans l'emploi à domicile s'en déclarent satisfaites. On ne pourra allonger le temps de prise des repas des personnes dépendantes ni augmenter le nombre d'heures des gens qui vont chercher les enfants à l'école, en dépit de la réforme de M. Peillon. Il faut de la souplesse sur le plancher des 24 heures. Ce n'est pas moi qui le dis, je porte la voix de la fédération des employeurs de l'aide à domicile. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René Teulade .  - Sans revenir sur le détail du projet de loi, je vous donnerai mon analyse de la philosophie de ce texte. Les dernières semaines, nous avons beaucoup parlé de progrès et d'avancée des droits dans cet hémicycle et, souvent, de manière passionnée. Avec ce texte, nous allons vers la négociation, les compromis, la discussion, ce qui va à l'encontre de notre culture du conflit. Je salue cette nouveauté.

Au-delà, l'avènement de la démocratie sociale dans notre Constitution s'annonce prochaine. L'État garant remplace le mythe de l'État qui peut tout. Yann Algan et Pierre Cahuc écrivaient, en 2007, dans La société de défiance, que l'étatisme et le corporatisme alimentaient la défiance entre Français. Il est primordial que l'État prenne de la hauteur tout en répondant aux aspirations de proximité avec la décentralisation. La verticalité n'est plus la pierre angulaire de notre modèle social et sociétal. La création d'une mobilité externe sécurisée est parfaitement adaptée à notre société mondialisée : le salarié pourra diversifier son expérience tout en retrouvant son poste. D'ailleurs, l'article 10 sur la mobilité interne témoigne de cette demande accrue d'épanouissement personnel. Nous devrons veiller, en tant que législateurs, à ce que cette mobilité ne soit jamais subie.

Autre signe de modernité et de progrès, l'entrée des délégués du personnel dans les conseils d'administration pour une gouvernance plus horizontale, le renforcement des pouvoirs du comité d'entreprise.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. René Teulade.  - En cette période ténébreuse de chômage, faisons vivre l'espoir et donnons aux Français le goût de cette belle aventure qu'est la vie ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Michel Sapin, ministre.  - Parlez-nous de la vie et de l'accord national interprofessionnel ! (Sourires)

M. Gérard Larcher .  - L'accord national interprofessionnel est un compromis entre flexibilité et sécurité. Depuis longtemps, nous parlons au Sénat de la sécurisation des parcours professionnels. Le titre de l'accord « Pour un nouveau modèle social » marque l'ambition de ce texte, peut-être pas historique mais important dans la ligne de la loi du 31 janvier 2007...

M. Michel Sapin, ministre.  - ...que vous avez portée.

M. Gérard Larcher.  - Cet accord doit être respecté. D'abord parce qu'il a donné lieu à des négociations difficiles ; respectons le travail réalisé par les signataires. Ensuite parce qu'il est peut-être un peu tôt pour parler de démocratie sociale et vouloir l'inscrire dans la Constitution quand nous travaillons encore sur la représentativité des organisations syndicales. Respectons donc scrupuleusement la lettre et l'esprit de l'accord.

Un petit aparté sur la loi de 2007 qui institutionnalise l'obligation du dialogue social tripartite, selon trois principes, la concertation, la consultation et l'information préalable entre l'État et les partenaires sociaux, avant tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement dans le champ social. C'est le président Chirac qui a souhaité « sortir de la logique du conflit pour fonder une culture de la négociation, du compromis, de la responsabilité ». Je disais à l'Assemblée nationale, le 17 janvier 2007, que « le besoin de souplesse des entreprises doit se concilier avec la préservation et le renforcement de la cohésion sociale. La modernisation de notre modèle social impose une démarche collective, avec un principe qui se nomme concertation. Les réformes nécessaires ne peuvent s'accomplir que dans un climat de confiance, dans lequel chacun prend et prendra ses responsabilités ».

Or, disons le tout net, le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale déroge sur certains points à l'accord. On a ajouté de nombreuses pages au code du travail pour protéger les salariés. Pour avoir cherché à codifier le code du travail, je conviens de la difficulté de l'exercice : on a remplacé une brouette par deux ! (Sourires)

Le retour à la décision du juge, les procédures à n'en plus finir, les expertises ne vont pas dans le sens des salariés. Inutile d'insister sur l'accélération du chômage : plus 10 % l'an dernier, après dix semestres d'augmentation. Sans croissance, il ne faiblira pas. L'inversion de la tendance semble over horizon, comme on le dit en vieux français...

M. Michel Sapin, ministre.  - Datant au moins d'Aliénor d'Aquitaine ! (Sourires)

M. Gérard Larcher.  - La croissance est bloquée par le matraquage fiscal, le climat de défiance alimenté par les déclarations de certains ministres. Vous n'êtes pas en cause, mais le Gouvernement est un. Pour paraphraser un homme célèbre, il faudrait passer à la « croissance attitude ».

Quant à la boîte à outils française, elle ressemble à nos machines outils. Nous attendons toujours le choc de compétitivité. Nous devons tenir nos engagements européens et maîtriser la dépense publique. Quoi qu'on en dise, la réforme Hartz IV de M. Schröder a remis l'Allemagne sur le chemin de la croissance, même si cette politique de modération salariale ne correspond pas à notre modèle social. (M. Michel Sapin, ministre, le confirme)

Nous sommes devant une vaste réforme du marché du travail. Peut-on continuer, comme je l'ai fait en 2007, à inscrire plus de 20 milliards au budget pour financer les allégements de charge ?

M. Jean Desessard.  - Non !

M. Gérard Larcher.  - La compétitivité, ce n'est pas seulement le coût du travail ; c'est aussi la recherche, l'innovation et la formation professionnelle.

Enfin, nous n'échapperons pas à une réflexion globale sur l'indemnisation du chômage, mais aussi sur la qualité de vie au travail comme sur les instances représentatives.

L'accord national interprofessionnel est une première étape. Ne nous racontons toutefois pas d'histoires : nous sommes loin d'une démocratie sociale mûre. Écoutez monsieur Cardoux et madame Procaccia, revenons à l'accord ! Si tel n'était pas le cas, je serais contraint de m'abstenir, une abstention positive toutefois.

En ces temps populistes où d'aucuns parlent de « salauds » et de « coup de balai », je préfère le dialogue social et la confiance. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Michel Sapin, ministre .  - Peut-être est-il un point qui nous rassemble tous : nous voulons un dialogue social de qualité, qui ne soit pas de façade mais qui pèse sur la réalité des choses, de la société et des entreprises. Je rends hommage, monsieur Larcher, à votre loi de 2007. Le principe du dialogue social simple ne date pas d'hier : avant de réformer, on saisit les partenaires sociaux.

Pour être historien, je me méfie du qualificatif « historique ». Raison pour laquelle j'ai simplement dit que cet accord ferait date. Il marquera notre temps parce qu'il couvre l'ensemble du champ du droit du travail, et pas uniquement la lutte contre la précarité ou la formation professionnelle.

Personne ici ne nie l'importance du dialogue social, personne ne nie la nécessité de passer des accords. Certains s'en réjouissaient pour le contrat de génération hier, qu'ils continuent aujourd'hui.

Faut-il être fidèle à cet accord ? Évidemment ! Sans quoi, nous jetterions par-dessus l'épaule le dialogue social. Cela n'empêche nullement les critiques. Pour autant, un accord n'est ni un monument, M. Gérard Larcher le sait bien, ni une convention internationale que vous adopteriez par le vote d'un article unique. L'accord doit être transcrit dans la loi, qui n'est pas son langage. A nous de lui donner consistance. Il ne me viendrait pas à l'idée de contester votre droit d'amendement.

Mme Procaccia me rétorquera que la clause de désignation à l'article premier n'existait pas dans l'accord. Elle existe néanmoins dans notre droit, la Cour européenne l'a même validée. Le Medef et l'UPA n'étaient pas d'accord : cela arrive, y compris entre syndicats (sourires), d'où la formulation en noir et blanc qui figure dans l'accord. Dans la loi, il fallait trancher. Je vous expliquerai les raisons qui m'ont poussé à faire ce choix.

Pourquoi, autre reproche que l'on m'a fait, ai-je prévu le licenciement pour motif économique du salarié qui refuse un plan de mobilité interne à l'entreprise fixé par accord collectif ? Parce que, ministre du travail, je suis garant de nos engagements internationaux. La France est l'un des membres fondateurs de l'OIT, je ne peux pas passer outre ses principes. Après que le Conseil d'État m'a alerté, j'ai voulu sécurisé les procédures. Raison pour laquelle je me suis écarté de l'accord, pour des raisons juridiques mais avec l'assentiment des organisations signataires.

Ce texte met-il à mal la souveraineté populaire ? Non, et je suis d'ailleurs un farouche partisan du Parlement dans la tradition républicaine qui est la nôtre. Au Pays-Bas, il existe un domaine réservé aux partenaires sociaux, ce que mon homologue néerlandais se fait fort de me rappeler lorsque je défends l'idée d'un Smic européen -car je crois à l'Europe sociale.

En France, c'est la loi qui dit le droit, même si un accord l'a précédée. Nous ne sommes pas dans la négation du pouvoir des partenaires, nous les mettons en valeur.

Enfin, je n'aime pas qu'on me dise que cet accord soit made in Medef ou que cet accord a été écrit avec l'encre du Medef.

Mme Catherine Procaccia.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - On assume !

M. Michel Sapin, ministre.  - Moi, je respecte toutes les organisations syndicales. Celles qui ont signé l'accord et celles qui ne l'ont pas signé. Du reste, elles se respectent entre elles plus que vous ne le faites.

Mme Éliane Assassi.  - Hors sujet !

M. Michel Sapin, ministre.  - Le contrat de génération que vous avez voté était de la même encre que celui-ci !

M. Pierre Laurent.  - Le CNPF a combattu les lois Auroux !

M. René-Paul Savary.  - Si vous préférez, on peut vous laisser discuter entre vous.

M. Michel Sapin, ministre.  - Eh bien ce texte prolonge les lois Auroux. M. Jean Auroux a signé une tribune avec moi à ce sujet.

Ce débat mérite que nous nous respections les uns les autres. Vous dites que sur tel ou tel point, ce texte ne va pas assez loin, je l'entends. En revanche, je ne peux pas accepter qu'on parle d'un recul à propos de l'extension de la complémentaire santé (Mme Catherine Procaccia approuve) ou des 24 heures hebdomadaires.

Mme Éliane Assassi.  - Les dérogations !

M. Michel Sapin, ministre.  - A l'Assemblée nationale, les communistes, finalement, se sont abstenus.

Mme Éliane Assassi.  - Ne jouez pas à cela, ça ne marche pas !

M. Michel Sapin, ministre.  - Ne caricaturez pas car vous n'aimez pas qu'on vous caricature ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close

Conférence des présidents

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

JEUDI 18 AVRIL 2013

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (texte de la commission, n°515, 2012-2013)

2°) Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi

De 15 heures à 15 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur la situation des hôpitaux

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

4°) Suite de l'ordre du jour du matin

VENDREDI 19 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

SAMEDI 20 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit

Éventuellement, DIMANCHE 21 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et la nuit

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

LUNDI 22 AVRIL 2013

Ordre du jour fixé par le Sénat :

A 21 heures 30 :

- Débat et vote sur la demande du Gouvernement d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées au Mali, en application du troisième alinéa de l'article 35 de la Constitution (demande du Gouvernement)

MARDI 23 AVRIL 2013

A 9 heures 30 :

1°) Questions orales

Ordre du jour fixé par le Sénat :

A 14 heures 30 :

2°) Question orale avec débat n°4 de M. Jean-Vincent Placé à M. le ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation sur la lutte contre l'obsolescence programmée et l'augmentation de la durée de vie des produits(demande du groupe écologiste)

3°) Débat sur la politique vaccinale de la France (demandes de la commission des affaires sociales et du groupe socialiste)

A 22 heures :

4°) Débat sur l'efficacité des conventions fiscales internationales (demande du groupe CRC)

MERCREDI 24 AVRIL 2013

Ordre du jour fixé par le Sénat :

A 14 heures 30 :

1°) Désignation :

- des vingt-sept membres de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République

- des vingt et un membres de la commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre

(2°) Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances et mise en oeuvre par le Gouvernement de l'article 50-1 de la Constitution)

A 21 heures 30 :

3°) Débat sur l'immigration étudiante et professionnelle (demande du groupe socialiste)

JEUDI 25 AVRIL 2013

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat sur la loi pénitentiaire (demandes de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, de la commission des lois et du groupe RDSE)

A 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement

A 16 heures 15 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Débat sur la politique européenne de la pêche (demande du groupe UDI-UC)

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 29 avril au dimanche 12 mai 2013

SEMAINE SÉNATORIALE

MARDI 14 MAI 2013

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

- Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n°377, 2012-2013)

MERCREDI 15 MAI 2013

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE :

1°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à moderniser le régime des sections de commune (n°511, 2012-2013)

2°) Proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux, présentée par M. Alain Bertrand et plusieurs de ses collègues (n°386, 2012-2013)

3°) Proposition de loi organique tendant à prohiber le cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (n°381, 2012-2013)

A 18 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

4°) Proposition de résolution européenne tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation, présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. François Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC (n°413, 2012-2013) (demande du groupe UDI-UC)

JEUDI 16 MAI 2013

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

1°) Proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°520, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur la politique de lutte contre le terrorisme dans notre pays

De16 heures à 20 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC :

3°) Suite de la proposition de loi permettant l'instauration effective d'un pass navigo unique au tarif des zones 1-2 (n°560, 2011-2012)

4°) Question orale avec débat n°5 de Mme Isabelle Pasquet à Mme la ministre chargée de la famille sur le devenir de la politique familiale en France

A 22 heures :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

5°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale (texte de la commission, n°493, 2012-2013) (demande de la commission des affaires sociales)

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 21 MAI 2013

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales

A 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer (n°460, 2012-2013)

3°) Proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques, présentée par M. Serge Larcher et les membres du groupe socialiste et apparentés(n°447, 2012-2013)

4°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (n°441, 2012-2013)

MERCREDI 22 MAI 2013, à 14 heures 30 et le soir,

JEUDI 23 MAI 2013, à 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir,

VENDREDI 24 MAI 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République

En outre, JEUDI 23 MAI 2013

A 15 heures :

- Questions d'actualité au Gouvernement

LUNDI 27 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures :

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France (Procédure accélérée) (A.N., n°736 rect.)

Le soir :

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (Procédure accélérée) (A.N., n° 775)

MARDI 28 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement (Procédure accélérée) (A.N., n°909)

MERCREDI 29 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

1°) Projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (n°419, 2012-2013)

2°) Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Indonésie, d'autre part (n°417, 2012-2013)

3°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l'entraide administrative en matière de sécurité sociale (n°416, 2012-2013)

4°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'entente entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Québec relative à l'Office franco-québécois pour la jeunesse (n°418, 2012-2013)

5°) Projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République populaire de Chine (n°529, 2011-2012)

6°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'arrangement concernant les services postaux de paiement (n°402, 2010-2011)

7°) Sous réserve de son dépôt sur le Bureau de l'Assemblée nationale et de sa transmission, projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction

JEUDI 30 MAI 2013

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n°495, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur le budget européen

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l'ordre du jour du matin

VENDREDI 31 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles

SEMAINE SÉNATORIALE

LUNDI 3 JUIN 2013, à 16 heures et le soir,

MARDI 4 JUIN 2013, à 14 heures 30 et le soir,

MERCREDI 5 JUIN 2013, à 14 heures 30 et le soir,

JEUDI 6 JUIN 2013, à 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir,

VENDREDI 7 JUIN 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

Ordre du jour fixé par le Sénat :

- Suite du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (demande de la commission des lois)

En outre,

MARDI 4 JUIN 2013

A 9 heures 30 :

- Questions orales

JEUDI 6 JUIN 2013

A 15 heures :

- Questions d'actualité au Gouvernement

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°272, présentée par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

M. Dominique Watrin .  - La transcription de l'accord national interprofessionnel est présentée par le ministre comme historique. Effectivement, ce projet de loi menace le code du travail, une première pour un gouvernement de gauche dont les Français attendaient le changement. Le Wall street journal n'a-t-il pas titré : « Le patronat français a remporté une victoire historique » ?

Ce qui est historique, c'est de voir un ministre de gauche accepter de précariser les règles sociales. Cette politique voulue par le patronat a été menée depuis des années : la flexibilité d'aujourd'hui fera les emplois de demain, disait-on. Mais c'est faux ! Voyez le chômage. Déjà, les employeurs peuvent licencier comme ils l'entendent. Ainsi Sanofi, qui veut supprimer 800 emplois en France dont 170 dans la recherche, choisit le court terme et les actionnaires contre les salariés !

Cet accord serait équilibré. Difficile de s'en convaincre quand il n'a pas été signé par la CGT et FO, premier et troisième syndicats de France. Vous êtes comptable de ce projet de loi, monsieur le ministre. Votre responsabilité est double : responsabilité politique de mener les politiques pour lesquelles vous avez été élu, responsabilité aussi à l'égard de la Constitution et des conventions internationales que la France a ratifiées.

Aux articles 10,12 et 13, vous réduisez à néant le contrat de travail. La droite a procédé à l'inversion de la hiérarchie des normes en 2009. Les députés socialistes avaient déposé un recours devant le Conseil constitutionnel sur la loi Fillon de 2003, qui détricotait le droit du travail. Ici, vous allez bien plus loin ! Un accord collectif défavorable aux salariés pourra l'emporter sur la loi. La dernière protection vient de tomber : les salaires pourront baisser... Il est curieux de prétendre sécuriser les parcours professionnels en interdisant aux salariés de s'opposer aux volontés du patronat ; n'est-ce pas un motif d'inconstitutionnalité ?

Ce projet de loi réduit les droits des salariés : les engagements s'imposent aux seuls salariés, pas aux patrons qui leur diront : si ça ne vous plaît pas, allez voir ailleurs. Que direz-vous, demain, aux salariés licenciés que vous rencontrerez dans vos permanences ?

Un second motif d'inconstitutionnalité tient au droit de tout un chacun de compter sur un cadre législatif sécurisé. Le Conseil constitutionnel a rappelé que la remise en cause injustifiée de contrats légaux contrevenait à la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens et au préambule de 1946.

La relation contractuelle doit reposer sur le principe légitime de confiance ainsi que le principe de sécurité juridique. Or, en permettant à l'employeur de modifier un contrat de travail, ce texte méconnaît ce droit légitime. Après l'élection de François Hollande, pourquoi avoir oublié si vite ce que vous défendiez auparavant ? Relisez le texte de votre saisine sur la loi Warsmann où vous dénonciez notamment le bafouement du principe de faveur à valeur constitutionnelle...

La perte de confiance des Français dans la politique vient aussi de là. La sécurité juridique de la loi est un élément de la sécurité. Dès 1999, le Conseil constitutionnel avait affirmé que l'intelligibilité de la loi était un principe constitutionnel. La notion de « conjoncture » est particulièrement floue, et c'est sur ce motif que l'on pourrait déroger au droit du travail !

Enfin, l'article 13 relatif au licenciement économique opère un curieux basculement, quand on sait que la juridiction civile est plus protectrice des salariés.

Les tribunaux administratifs s'en tiendront à vérifier le respect des procédures. Ils ne contrôlent pas le bien-fondé du licenciement. Dès 1996, le Conseil constitutionnel affirmait le principe selon lequel la sécurité juridique d'une norme ne pouvait aller à l'encontre de celle d'un particulier.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Dominique Watrin.  - Conduisons une politique de gauche car de nouvelles désillusions ouvriront un boulevard à l'extrême droite. Je vous demande de voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Christiane Demontès .  - Les arguments qui viennent d'être évoqués sont importants, mais les principes cités doivent être adaptés à la réalité actuelle. En 1789, la sûreté devait être assurée à l'encontre d'un pouvoir absolu. Nous ne sommes plus dans le pouvoir arbitraire, bien évidemment. Ce projet de loi reflète les réalités économiques que nous connaissons. Il s'agit de protections nouvelles, grâce à la négociation collective. Le salarié pourra s'adresser à la justice en cas de contestation.

Aucune intention de léser une des parties, donc : les salariés qui refusent un accord bénéficient d'un licenciement économique. Nul ne peut contracter en deçà de la loi, ce qui est fondamental, et c'est pourquoi ce texte ne méconnait pas la décision du Conseil constitutionnel de 2004 sur les négociations collectives. Il faut faire confiance à la démocratie sociale, expression nouvelle de nos concitoyens qui veulent prendre leur destin en main. Nous devons participer à cette évolution.

Le Parlement se limiterait à transposer l'accord, sans en changer une virgule, nous reproche-t-on mais telle n'est pas la réalité. L'article 34 de la Constitution donne au Parlement le soin de fixer les principes et les partenaires sociaux proposent des mesures concrètes.

Il serait inopportun en matière de défense de l'emploi, contraire aux intérêts du monde du travail et injustifié sur le plan constitutionnel de voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Jeannerot, rapporteur .  - Ce projet de loi n'est pas contraire au bloc constitutionnel. Le principe de faveur n'est pas inscrit dans la Constitution, M. Watrin l'a d'ailleurs reconnu. La loi de 2004, grâce à laquelle on est passé d'accords d'entreprises à des accords de branche, n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel.

Le reproche d'instabilité juridique est infondé : il s'agit d'un premier grand texte sur le droit du travail. L'avis est donc défavorable.

M. Michel Sapin, ministre .  - Même avis.

Mme Laurence Cohen .  - Ce projet de loi est inconstitutionnel, nous l'avons démontré. Il serait regrettable que le Gouvernement connaisse une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, y compris par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Je suis particulièrement attachée à l'égalité entre les femmes et les hommes. Or, l'article 8 sur le temps partiel est dangereux. Il autorise huit avenants par an et par salarié. A l'Assemblée nationale, après les quatre premiers avenants, les quatre suivants devaient être majorés de 25 %. Cette disposition bienvenue a été malheureusement supprimée.

Non, l'intérêt de l'entreprise ne doit pas l'emporter sur celui des salariés.

Le temps partiel étant de plus en plus utilisé pour les femmes, il convient de revoir cette disposition. En outre, un accord collectif pourra annualiser la durée du travail de 24 heures, ce qui remet en cause la protection obtenue. Nous ne pouvons accepter que le Sénat adopte un projet de loi qui bafoue le principe de la République selon lequel les hommes et les femmes naissent libres et égaux en droit.

M. René-Paul Savary .  - Nous ne sommes pas étonnés par cette motion du groupe communiste qui reste fidèle à ses convictions, mais ce projet de loi porte sur un texte adopté majoritairement par les organisations syndicales. Sous la précédente législature, le groupe CRC réclamait le respect des accords conclus.

Mme Éliane Assassi.  - De quoi parle-t-il ?

M. René-Paul Savary.  - En cas de difficultés économiques, les mesures à prendre sont difficiles et imposent des contraintes aux salariés. Mais c'est leur intérêt qui est en jeu, le maintien dans l'emploi.

En Allemagne, 1,6 million de salariés étaient à temps partiel au plus fort de la crise en 2009, contre 200 000 en France.

L'effort accepté durera au plus deux ans. Et puis, vous semblez oublier les nouveaux droits créés en faveur des salariés.

Mme Laurence Cohen.  - Lesquels ?

M. René-Paul Savary.  - Remettre en cause l'accord, c'est remettre en cause l'équilibre auquel sont parvenus les partenaires sociaux.

La clause de désignation, en revanche, me semble poser un problème de constitutionnalité en portant atteinte au principe de libre concurrence. Nous avons déposé des amendements sur ce point.

Cette motion me semble inappropriée dans le cadre d'un projet de loi soutenu par les partenaires sociaux. Nous ne participerons pas au vote, en ne boudant pas notre plaisir de voir la majorité ainsi afficher ses différences. (Applaudissements à droite)

M. Jean-François Husson .  - Ce projet de loi ne méconnaît pas le bloc de constitutionnalité. La procédure proposée est intéressante puisqu'elle résulte de négociations des partenaires sociaux.

Comme M. Savary, j'ai l'impression d'être à l'écart du débat qui concerne la majorité élastique de cette assemblée. Nous ne participerons donc pas au vote. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Il est urgent de passer à l'acte, face à la crise qui frappe notre pays. Je ne suis pas sûr que ce texte crée des emplois, mais il permettra d'en sauver. Passons à son examen plutôt que de perdre du temps ! (Exclamations sur les bancs CRC)

Mme Éliane Assassi.  - C'est la procédure normale !

A la demande du groupe CRC, la motion n°272 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue des suffrages exprimés 83
Pour l'adoption 20
Contre 144

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°273, présentée par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Mme Éliane Assassi .  - Je regrette, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas écouté les arguments de M. Watrin sur l'inconstitutionnalité de ce texte. Nous avions dit la même chose à Mme Batho à propos du bonus-malus dans le domaine de l'énergie... On connaît la suite.

Il y a aujourd'hui un gouffre qui sépare les Français de la politique. Ce projet de loi marque une régression sociale sévère. Le peuple de France s'apercevra que ce texte marque une rupture historique.

Votre gouvernement rompt avec les valeurs et les combats de la gauche. Comment ne pas s'interroger quand le Wall street journal écrit que cet accord est une victoire du patronat ?

Nous ne voulons pas de cette surenchère qui va au-delà des désirs les plus fous de Nicolas Sarkozy ! Nous étions majoritairement opposés à cette politique et nous l'avons combattue au printemps dernier, ce qui n'est pas si éloigné que cela.

Mme Catherine Procaccia.  - Regardez les sondages !

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le ministre, je vous le dis sans ambages : vous vous trompez. Ce qu'il faut à notre pays, ce n'est pas un texte du Medef ; c'est un texte de véritable sécurisation de l'emploi. Certes, la mondialisation est là. Mais d'autres choix sont possibles que celui de se couler dans le moule des politiques d'austérité européennes. Il existe des leviers pour développer l'emploi, telle l'interdiction des licenciements boursiers. Mais vous n'en avez pas voulu. Résultat, un texte à contre emploi qu'il ne faudrait pas modifier pour complaire au patronat.

Ce texte nocif s'inscrit dans le mouvement aléatoire des marchés financiers. Les salariés paieront l'addition. Ils devront accepter des mobilités géographiques sans limitation kilométrique ; et s'ils refusent, ils seront licenciés pour motif économique. C'est grave. Cette disposition est contraire à la directive 98/59, à la convention 158 de l'OIT et aux préconisations des médecins du travail. La mobilité interne forcée détruira la santé au travail au nom de la culture du résultat.

Même chose pour les AME, réplique des accords compétitivité emploi du gouvernement Fillon, pour la saisine du juge administratif plutôt que du juge judicaire pour les licenciements. Autant de régressions... La compétitivité ne peut être le cadre de la réforme du travail, ce n'est pas à l'heure de la libre circulation des capitaux et de l'appétit des actionnaires qu'il faut rendre flexibles les droits des travailleurs. Le texte exauce sur tous les plans -salaire, travail, mobilité- les rêves du patronat. Quel reniement des engagements pris ! Quelle grave déception, pour tous ceux qui ont fait confiance à la gauche, de voir bafoués les droits des salariés au motif d'un soi-disant « accord historique » !

Mme Catherine Procaccia.  - C'est sûr !

Mme Éliane Assassi.  - Après dix-sept ans de déferlante libérale et de casse sociale, la gauche était attendue (mouvements divers sur les bancs socialistes) pour mettre un terme à l'incompétence et à la suffisance du Medef. Hélas ! Elle offre une main-d'oeuvre flexible, soumise et peu chère. La flexibilité, c'est maintenant ; la sécurisation, c'est pour quand ? Je m'en tiendrai à quelques exemples de fausses avancées : l'intérimaire, une fois le CDI signé, ne pourra plus travailler pour une autre agence ; la majoration des cotisations sur les CDD de très court terme ne sera pas dissuasive : 42 euros pour un contrat d'un an !

Mme Catherine Procaccia.  - C'est déjà beaucoup !

Mme Éliane Assassi.  - Veut-on rattraper l'Allemagne et ses 20 % de travailleurs pauvres ? Nous ne pouvons pas accepter un tel recul historique du droit du travail, de même que nous refusons de voir le Parlement, qui tire sa légitimité du suffrage universel, dessaisi de ses pouvoirs au nom d'un prétendu accord interprofessionnel historique. Le Conseil constitutionnel a confirmé, le 28 décembre 2011, que le législateur devait exercer pleinement les compétences qu'il tire de l'article 34 de la Constitution. Que penser de l'insistance du président de la République à transcrire rapidement ce texte ? De l'insistance du Gouvernement à voir adopter ce texte au Parlement sans modification ? Là encore, le Conseil constitutionnel a rappelé les principes et les rôles respectifs du Parlement et des partenaires sociaux dans sa décision du 9 décembre 2004.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au Sénat d'adopter cette motion (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Michelle Meunier .  - Ce texte ne répondrait pas à l'urgence économique et sociale... Avant de répondre à cette objection, je veux rappeler que le Gouvernement a engagé, dès l'été dernier, la bataille pour l'emploi en s'appuyant sur le dialogue social, dont ce texte témoigne, et sur de nouveaux outils tels les contrats de génération, les emplois d'avenir ou encore la banque publique d'investissement.

Alors, ce texte s'attaque-t-il aux droits des salariés ? C'est un compromis, nous le savons. Il n'empêche qu'il donne de nouveaux droits et qu'il est au service du maintien et de la création d'emplois : il unifie les dispositifs de temps partiel, améliore les procédures de licenciements collectifs, la sécurisation des parcours professionnels et l'efficacité des procédures de reclassement, confie un rôle accru aux services du ministère du travail. Demain, un chef d'entreprise devra obtenir soit l'accord majoritaire des salariés pour lancer un plan de licenciement collectif, soit l'homologation de l'administration. On ne peut pas soutenir que ce projet de loi facilite les licenciements.

Pourquoi faire échouer un texte de démocratie sociale qui renforcera le dialogue social ainsi que le rôle et les modes d'intervention des salariés et de leurs représentants au sein des entreprises ?

L'accord national interprofessionnel est globalement équilibré, juste et nécessaire. Ce texte, loin d'en être un simple copier-coller, a été précisé par le Gouvernement, l'Assemblée nationale et nos commissions.

Mercredi 17 avril 2013

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27

N° 89 mercredi 17 avril 2013

Sommaire

Engagement de procédure accélérée1

Accord en CMP1

Rappel au Règlement1

M. Edmond Hervé1

Conventions internationales (Procédure simplifiée)1

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée)2

Rappels au Règlement2

Mme Éliane Assassi2

M. Thierry Foucaud2

Mme Brigitte Gonthier-Maurin3

M. Francis Delattre3

Discussion générale3

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social3

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales3

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois.3

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes3

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales3

Mme Françoise Laborde3

M. Jean Desessard3

M. Jean-François Husson3

M. Jean-Noël Cardoux3

M. Jean-Marie Vanlerenberghe3

Mme Christiane Demontès3

M. Pierre Laurent3

M. Pierre-Yves Collombat3

M. Jean-Vincent Placé3

M. Serge Dassault3

M. Ronan Kerdraon3

M. Christian Poncelet3

Dépôt de rapports3

Sécurité de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)3

Discussion générale (Suite)3

Mme Patricia Schillinger3

Mme Catherine Procaccia3

M. René Teulade3

M. Gérard Larcher3

M. Michel Sapin, ministre3

Conférence des présidents3

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)3

Exception d'irrecevabilité3

M. Dominique Watrin3

Mme Christiane Demontès3

M. Claude Jeannerot, rapporteur3

M. Michel Sapin, ministre3

Mme Laurence Cohen3

M. René-Paul Savary3

M. Jean-François Husson3

M. Jean-Marie Vanlerenberghe3

Question préalable3

Mme Éliane Assassi3

Mme Michelle Meunier3

SÉANCE

du mercredi 17 avril 2013

89e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Marc Daunis.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Engagement de procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, déposé sur le bureau du Sénat le 20 février 2013.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Rappel au Règlement

M. Edmond Hervé .  - Une commission permanente joue un rôle de contrôle du Gouvernement et de suivi de l'application des lois ; elle participe à l'information des parlementaires.

Membre de la commission des finances, j'ai appris que son président, M. Philippe Marini, s'est rendu le 11 avril, avec le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, à Bercy pour vérifier les informations parues dans un hebdomadaire concernant ce qui il est convenu d'appeler « l'affaire Cahuzac ».

Le même 11 avril, M. Marini a interrogé ici M. Moscovici avant de rencontrer la presse. Une dépêche rapporte qu'il dit souhaiter la démission de ce ministre, pour lequel j'ai beaucoup de sympathie et que j'assure de mon soutien politique, en raison de son « manque d'autorité pour conduire la politique économique et fiscale ».

Notre collègue Marini a un double statut : il est membre d'un groupe -à ce titre, je n'ai aucune question à lui poser- mais il est aussi membre de la commission des finances, dont il a été élu président par une majorité pluraliste. A ce titre, il a le devoir de tenir informés les membres de la commission. C'est une affaire de statut, mais surtout de bonne pratique républicaine.

Je vous remercie de me donner acte de ce rappel au Règlement. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs UDI-UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de cinq projets de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux. Pour ces textes, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Le projet de loi autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République orientale de l'Uruguay est adopté.

Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, est adopté définitivement, le groupe écologiste votant contre.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif aux centres culturels est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation de la convention postale universelle est adopté.

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Rappels au Règlement

Mme Éliane Assassi .  - Mon rappel au Règlement a trait à l'organisation de nos travaux. L'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane pas expressément ».

Or, nous en sommes loin avec ce texte, que les parlementaires ne pourront amender comme l'ont souhaité le président de la République, Mme Parisot puis M. Sapin. Je rappelle pourtant que la première et la troisième organisations syndicales n'ont pas signé cet accord. Les parlementaires sont sommés de renoncer à leur droit d'amendement pour voter ce projet qui entérine un accord « historique ».

Nous interpellons solennellement nos collègues pour qu'ils ne renoncent pas à leurs droits. Le droit d'amendement est sacré ! Souvenez-vous du combat que nous avons mené, à gauche, contre le président Sarkozy qui voulait museler le Parlement.

Trop de choses se décident ailleurs que dans l'hémicycle, dans l'opacité de la Commission de Bruxelles et dans les salles de marché : redonnons le pouvoir au peuple ! (Murmures à droite) Le renforcement du Parlement est une nécessité. Le peuple n'en peut plus du chômage et de la précarité, des promesses de changement non tenues.

Nous regrettons que le Gouvernement brusque l'Assemblée nationale avec l'examen, cette semaine, du projet de loi relatif au mariage pour les personnes de même sexe (approbation à droite) : ce texte aurait pu être adopté dès le mois de juillet dernier, sans les dérapages auxquels nous assistons aujourd'hui. Aucun argument de circonstance ne peut justifier l'abaissement du Parlement.

Au Sénat, le Gouvernement entend consacrer trois ou quatre jours, dont le week-end, à ce projet de loi : nous n'acceptons pas que ce débat essentiel soit évacué de la sorte. Un tel texte ne peut être adopté en catimini, ce ne serait pas acceptable. Nous demandons la suspension de ce débat et nous le redirons ce soir en conférence des présidents. Pour marquer notre désaccord avec de tels procédés, nous demandons une suspension de séance.

La séance, suspendue à 14 h 45 reprend à 14 h 50.

M. Thierry Foucaud .  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 36. Il y a quelques semaines, le Premier ministre a dit que ce projet de loi renforçait le parcours professionnel des salariés. Mais ceux de Pétroplus ont vu le tribunal de commerce leur signifier que tout était fini. Le Premier ministre a dit que l'État allait chercher un repreneur crédible. Pourquoi ne serait-ce pas l'État lui-même ? Nationalisez ! Levez le tabou ! Il est inacceptable que les raffineries européennes aient été prises en main par des spéculateurs incapables aujourd'hui de faire face à leurs obligations.

Je rappelle à mes collègues du groupe socialiste que François Hollande avait promis de revenir devant les salariés de Pétroplus. Il n'est jamais revenu, pas plus que les ministres. J'ai écrit au premier ministre et à M. le ministre du redressement productif de me dire ce qu'ils comptaient faire. Ils ne m'ont pas répondu.

M. Alain Gournac.  - Ce n'est pas bien !

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est inacceptable ! (Sourires)

M. Thierry Foucaud.  - Les salariés avaient raison de douter à Florange. Le Gouvernement les a abandonnés à Mittal et à son projet Ulcos. Pour rétablir la confiance avec eux, il faut redémarrer les hauts fourneaux P3 et P6.

Les salariés sont sacrifiés. (Exclamations à droite) Nicolas Sarkozy n'a rien fait non plus et n'est pas revenu à Florange. (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - C'est Hollande aujourd'hui qui préside !

M. Vincent Capo-Canellas.  - C'est pour quand le changement ?

M. Thierry Foucaud.  - La flexibilité ne peut pas venir à bout du chômage. Il est temps de changer de cap ! Les salariés attendent qu'on leur donne du travail ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Mon rappel au Règlement porte sur le déroulement de nos travaux. Ce projet de loi est très important. En deux semaines successives, notre assemblée aura examiné deux textes majeurs : l'un créant de nouveaux droits et l'autre en détruisant.

Les députés n'ont pas été dupes : au final, ce projet de loi a été adopté par moins de voix pour que d'abstentions. Il a manqué à la majorité de gauche pas moins de 51 voix, dont les dix contre du Front de gauche.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment vous entendez que le Sénat travaille ? J'ai été particulièrement déçue que le Gouvernement demande une seconde délibération à l'Assemblée nationale sur l'article 8 relatif au temps partiel, qui concerne surtout les femmes. Les employeurs pourront faire travailler les salariés plus sans les rémunérer davantage, grâce à un système d'avenants. Un amendement de M. Guedj, repris par le groupe GDR, avait été voté pour majorer de 25 % les heures travaillées après le quatrième avenant mais le Gouvernement est revenu sur ce vote. Les partenaires sociaux n'en voulaient pas, aviez-vous dit, monsieur le ministre. C'est choquant : les parlementaires sont les seuls législateurs -c'est leur rôle, pas celui des partenaires sociaux qui demeurent des acteurs importants. Cet épisode a été mal vécu jusque dans vos rangs, puisque 36 députés socialistes se sont abstenus. Entendez-vous laisser les sénateurs jouer leur rôle, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Francis Delattre .  - Rappel au Règlement ! Une cinquantaine de personnes manifestent aujourd'hui devant le Sénat. La semaine dernière, les manifestants -beaucoup plus nombreux- ont été repoussés au loin

M. Jean-Claude Lenoir.  - Deux poids, deux mesures !

M. Francis Delattre.  - Pourquoi cette différence de traitement ? (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi.  - La non-violence !

Discussion générale

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - J'ai l'honneur de vous présenter ce texte issu de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, qui va changer la vie de millions de salariés : il apporte des avancées réelles, il rompt avec la folie française qui privilégie le licenciement à toute autre solution.

C'est bien de progrès qu'il s'agit si on le comprend non « comme une illumination soudaine et totale mais seulement une lente série d'aurores ». Nous allons pouvoir, en examinant tous les articles, dissiper les malentendus et récuser les interprétations erronées.

Nous sommes d'abord des politiques : il s'agit d'un de ces textes qui laissent un impact dans une mandature...

Mme Éliane Assassi.  - A coup sûr !

M. Thierry Foucaud.  - Une catastrophe !

M. Michel Sapin, ministre.  - ...qui ne se produit que trois ou quatre fois par siècle. Le dernier accord de ce type date de 1968. En 1984, nous avons connu un cuisant échec qui a mené à une longue glaciation du dialogue social. L'accord du 11 janvier 2013 marque que notre pays n'a pas eu peur de prendre à bras-le-corps le problème du marché du travail. Il est parvenu à un nouvel équilibre, grâce à quoi ce que les uns gagnent n'est pas ce que les autres perdent. Il concilie le besoin d'adaptation des entreprises et le besoin de sécurité des salariés. La France est bien capable de se réformer par le dialogue social « à la française ».

Les lois Auroux ont trente ans : jeune député à l'époque, j'ai fait partie de ceux qui ont ouvert des droits collectifs nouveaux dans les entreprises, en particulier le pouvoir de négocier : aujourd'hui, nous allons le renforcer.

La signature des organisations patronales en bas de l'accord du 11 janvier montre le chemin parcouru pour reconnaître la négociation d'entreprise comme un levier de changement plus sûr que le conflit, plus juste que le pouvoir patronal solitaire. Tout le monde ne croit pas au dialogue social. Certains contestent aux syndicats le pouvoir de négocier et en appellent au big bang libéral ; d'autres estiment que les syndicats sont faibles, marionnettes dans les mains du patronat, incapables d'affirmer des rapports de force. Tous ceux-là combattent ce projet de loi, ce sont les mêmes qui combattaient les lois Auroux. Si nous les suivons, la notion d'accord est caduque.

Mais nous estimons que la société doit pouvoir façonner son destin. Bernard Thibault, que j'estime, m'a dit qu'il n'était pas un bisounours. Je sais que des forces contraires s'exercent dans l'entreprise, que notre société a besoin d'un ordre public social et d'une hiérarchie des normes. Je n'ai jamais cédé à l'illusion naïve de l'égalité des forces mais la négociation n'est pas l'effacement des divergences mais leur dépassement. C'est cela le dialogue social « à la française », qui sera bientôt consacré dans la Constitution

La démocratie sociale sera la soeur cadette de la démocratie politique. La démocratie sociale frappe à notre porte, elle demande que nous l'écoutions.

Mme Catherine Procaccia.  - Elle va se faire pincer les doigts !

M. Michel Sapin, ministre.  - Mais comme nous ne sommes pas un pays nordique, une impulsion politique était nécessaire, avec la grande conférence sociale de l'été dernier.

Après le document d'orientation est venu le temps de la négociation pendant quatre mois. Une fois l'accord signé, il a fallu écrire la loi. Notre devoir était d'être loyal envers les signataires de l'accord. L'équilibre doit être respecté, même si certains signataires ne sont pas d'accord avec tout ce qui fut signé.

M. Thierry Foucaud.  - Le Medef ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Le compromis social est à ce prix. Si l'accord ne vaut rien, à quoi bon négocier et signer ?

Second devoir, écoute et transparence à l'égard de ceux qui n'ont pas voulu signer -je pense à la CGT et à FO. Reste qu'ils ne sont pas majoritaires.

Mme Éliane Assassi.  - La CGT est le premier syndicat !

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous savons ce que veut dire le respect des minorités mais nous n'oublions pas le fait majoritaire. Comment aurais-je pu, comme ministre du dialogue social, vous présenter un projet de loi défaisant l'accord ? Ceux qui ont accepté le compromis l'ont fait parce qu'il fait progresser les droits des salariés.

Le dialogue social donne une force considérable à la loi car il est le plus à même de trouver le bon point d'équilibre. Les compromis sont évidemment plus durables.

L'accord du 11 janvier 2013 n'était pas parfait, compte tenu de son ampleur. Là où il était silencieux, le Gouvernement a fait des choix, avec l'assistance juridique du Conseil d'État. Des précisions ont donc été apportées dans divers domaines.

Les députés ont beaucoup travaillé à leur tour et enrichi le texte. Les améliorations ont été soigneusement pesées et satisfont le Gouvernement.

Vous êtes désormais saisis de ce projet de loi et vous allez pouvoir vous exprimer librement, sans contrainte.

Je tiens à rendre hommage à votre commission, à votre rapporteur ; je remercie aussi M. Gorce, qui a précisé l'article 5, ainsi que Mme Génisson, qui a examiné l'article 8 relatif au temps partiel et, évidemment, la présidente Annie David pour la manière dont elle a conduit les travaux en commission.

J'en viens au contenu du projet de loi, dont le but est de sécuriser l'emploi. Aujourd'hui, huit embauches sur dix se font sur un contrat précaire.

M. Roland Courteau.  - C'est bien regrettable !

M. Michel Sapin, ministre.  - Le nombre de CDD très courts a doublé en dix ans et le CDI a cessé d'être la norme. Les premières victimes sont les jeunes et les femmes.

Agir contre la précarité, c'est encourager le recours aux CDI. Dès le 1 juillet 2013, les cotisations vont augmenter pour les CDD très courts et baisseront pour les CDI.

Des droits rechargeables à l'assurance chômage seront créés : il s'agit d'une amélioration considérable. Après dix ans dans une même entreprise, un salarié licencié dispose de deux ans d'indemnisation. Si au bout de dix-huit mois, on lui propose un contrat moins bien payé, que faire ? L'accepter ? Mais il risque de perdre six mois d'indemnisation. Désormais, le problème ne se posera plus.

Le petit temps partiel ne sera possible qu'à titre dérogatoire, si l'organisation du travail est revue pour éviter les horaires dispersés qui pénalisent surtout les femmes.

En Allemagne, les petits boulots précaires et sans droits se sont multipliés, créant une dualité d'emplois sur laquelle nos amis allemands s'efforcent de revenir. Le projet de loi tourne le dos à cette précarisation absolue.

Sécuriser l'emploi passe par des droits nouveaux pour les salariés précaires. La couverture complémentaire sera généralisée car 4 millions de salariés n'avaient pas accès à une couverture collective et 400 000 salariés ne pouvaient y accéder à titre individuel. La négociation sera privilégiée pour mettre en place la complémentaire, mais elle sera obligatoire à défaut d'accord au 1er janvier 2016.

Les branches pourront désigner les organismes, assurant un régime mutualisé, chargés de cette complémentaire.

Autre avancée : le compte de formation professionnelle transférable qui suivra le salarié tout au long de son parcours professionnel. Une telle réforme était attendue depuis longtemps.

Ce chantier est bien engagé et se traduira par une nouvelle concertation avec les partenaires sociaux d'ici l'été.

La profonde nouveauté de ce texte, mais aussi son point dur, est de donner aux acteurs économiques et sociaux la capacité de préserver ensemble l'emploi. Aujourd'hui, faute d'anticipation suffisante de l'activité, d'information des salariés, de négociations, les entreprises se retrouvent au pied du mur, obligées de licencier. L'emploi est trop souvent la variable d'ajustement, cette préférence française pour le licenciement, que j'ai déjà dénoncée.

Il faut changer cette donne qui ne sert personne, ni les entreprises, ni les travailleurs. Nous entendons jeter les bases d'un nouveau modèle français, qui anticipe davantage et sécurise les parcours, en apportant dans le même temps des garanties collectives nouvelles.

Ceux qui rêvaient d'un grand big bang social-libéral ont vu la réalité se dérober sous leurs pieds. Ils se voulaient modernes, ils sont archaïques. Les entreprises ne veulent pas des salariés corvéables à merci ; elles ont compris que leur intérêt était que ces derniers soient mieux formés et mieux protégés. On ne raye pas d'un trait de plume un siècle de combats sociaux. Le modèle social made in France a pour caractéristique d'être négocié. Je dis aux partenaires sociaux : prenez ce pouvoir de négocier, d'éviter les destructions d'emploi.

Les accords de maintien de l'emploi apporteront des garanties solides aux salariés : difficulté conjoncturelle avérée évaluée de façon partagée, accord majoritaire, durée maximale de deux ans, exclusion des salariés en dessous de 1,2 Smic, efforts partagés par les dirigeants et les actionnaires en termes de rémunération, licenciement économique assorti des mesures de reclassement pour les salariés qui refuseraient l'accord. On est loin des accords compétitivité-emploi !

M. Roland Courteau.  - Oh oui !

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous avons besoin d'utiliser davantage l'activité partielle pour passer les moments difficiles, comme l'Allemagne a su le faire.

Autre innovation, la capacité d'anticipation renforcée et l'information des salariés. Si chacun joue le jeu, la nature du dialogue social interne à l'entreprise en sera profondément changée. Enfin, les représentants des salariés feront leur entrée au conseil d'administration des entreprises employant au moins 5 000 personnes en France ou 10 000 dans le monde ; un salarié sur quatre est concerné par cette révolution. Je suis convaincu que d'ici quelques années, cette présence paraîtra naturelle. Certains voudraient aller plus loin ; il faut cependant mesurer ce qui n'est pas un modeste premier pas mais une percée décisive !

J'en viens à la gestion des restructurations quand, hélas, il n'est plus possible d'éviter des suppressions d'emplois. Le projet de loi refonde radicalement la procédure de licenciement collectif. Demain, il faudra soit un accord majoritaire, qui vaudra plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), soit une homologation par l'État du PSE. C'est le retour de l'État garant, trente ans après la suppression de l'autorisation administrative de licenciement ; il s'assurera que l'entreprise agit pour minimiser l'impact du PSE. Il ira vite pour peser sur les décisions. C'est cela qu'attendent les entreprises et les salariés.

Il est faux de prétendre que les licenciements seront plus faciles. L'homologation est une avancée pour les salariés. Les procédures seront cadrées juridiquement et dans le temps. On ne peut parler de déjudiciarisation. Il s'agit de trouver, par le dialogue social, une voie plus sûre, plus équilibrée, qui rende inutile le recours au juge -qui reste néanmoins, évidemment, un droit individuel. En démocratie, chacun a droit à un juge. État et pouvoir judiciaire restent garants du respect de l'ordre public social.

Certains mettent en doute la capacité des Direccte à remplir leur mission. En rendant justice à cette administration, je vous dis que ses agents seront formés, organisés, exigeants. Chaque demande sera instruite et fera l'objet de motivations explicites.

Je vous demande d'adopter un texte qui porte la sève de la démocratie sociale en entreprise, un grand texte de progrès social qui sécurise et qui permettra à la France d'être prête demain à saisir la croissance qui repartira. Notre société est fatiguée de défiance, ce texte ouvre un cycle de confiance. Les acteurs ne sont pas des enfants, ils sont capables d'être responsables pourvu qu'on leur donne des responsabilités. Pourquoi toujours la suspicion, le vice, les travers, la régression ? Pourquoi craindre et craindre encore ? Je préfère vous proposer des solutions pour surmonter les difficultés et tracer les chemins d'un monde meilleur. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur quelques bancs UDI-UC et UMP)

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Ce projet de loi constituera sans nul doute l'un des textes importants du quinquennat. Il marquera en profondeur le dialogue social dans notre pays par l'ampleur des sujets qu'il aborde et la méthode de travail retenue.

Il repose sur une conviction : c'est en mobilisant toutes les forces vives que l'on fera reculer le chômage et que l'on gagnera la bataille de l'emploi. Il transcrit fidèlement l'essentiel des stipulations de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, signé par trois organisations syndicales de salariés et par l'ensemble des syndicats d'employeurs.

Le débat sur la légitimité des organisations signataires n'a pas lieu d'être. L'accord est légitime, à la lumière des règles actuelles de représentativité comme des chiffres d'audience du 29 mars. Les syndicats non signataires ont été entendus, nous les avons reçus ; nous y reviendrons au cours du débat s'il faut lever certaines inquiétudes.

Le deuxième procès en légitimité touche à l'articulation entre démocratie sociale et démocratie parlementaire. Nos collègues communistes craignent que le renforcement du dialogue social se fasse au détriment des prérogatives du Gouvernement et du Parlement. Le débat est ancien... La loi Le Chapelier du 14 juin 1791 a interdit les corporations, mais cette vision abstraite a montré ses limites et les corps intermédiaires ont peu à peu été réhabilités. Henri Tolain, rapporteur du Sénat sur la loi Waldeck Rousseau de 1884, estimait que les syndicats professionnels seraient les plus puissants éléments du progrès industriel et de l'ordre social. Léon Blum est allé plus loin encore, constatant que la démocratie politique ne sera pas viable si elle ne s'épanouit pas en démocratie sociale et que celle-ci doit être fondée sur la démocratie politique. Nous devons poursuivre cette évolution historique : démocraties politique et sociale doivent se conjuguer. La France souffre-t-elle d'un manque ou d'un excès de dialogue social ? Il est nécessaire de rassembler toutes les énergies pour redresser le pays et défendre l'emploi.

Dans tout le processus, les institutions politiques ont conservé l'intégralité de leurs missions. Qui a donné l'impulsion nécessaire, sinon le président de la République ? Qui a lancé la grande conférence sociale, fixé la feuille de route, sinon le Gouvernement ? Qui a rédigé le texte, sinon vous, monsieur le ministre ? Qui l'examine, sinon le Parlement ? C'est une méthode moderne de légiférer, qui donne toute sa place au dialogue social -même si la loi reste la norme suprême. En 2007, Gérard Larcher avait à juste titre fait inscrire dans le code du travail la consultation des partenaires sociaux avant toute réforme relative aux relations individuelles ou collectives de travail. Nous poursuivons dans cette voie. Les partenaires sociaux doivent pouvoir négocier sur tout projet de texte modifiant les relations professionnelles. L'intitulé de l'accord témoigne de l'ambition de ses signataires ; la nouveauté est que l'emploi est mis au-dessus de tous.

Le projet de loi initial est organisé autour de trois axes : créer des droits individuels et collectifs, lutter contre la précarité au travail, anticiper et accompagner les mutations économiques.

Droits individuels nouveaux : la généralisation au 1er janvier 2016 de la couverture complémentaire santé collective obligatoire, la création d'un compte personnel de formation, le droit au chômage rechargeable. Droits collectifs aussi, avec la consultation du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques -qui renforce l'implication des salariés dans la vie de l'entreprise- et sur l'utilisation du CICE, qui pourra faire l'objet d'un droit d'alerte. Une base de données économiques et sociales pourra être créée pour mieux informer les salariés. Enfin, les salariés seront représentés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises dont les effectifs dépassent 5 000 personnes.

La lutte contre la précarité... Le CDI doit redevenir la norme lors de l'embauche. Le texte majore les taux de cotisation dus par l'employeur pour les CDD de moins de trois mois -mesure qui a fait débat et presque fait capoter la négociation. Symétriquement, les employeurs seront exonérés de toute cotisation chômage s'ils recrutent en CDI un jeune de moins de 26 ans maintenu dans l'emploi après sa période d'essai.

Au niveau de la branche, une négociation sera obligatoire si plus du tiers de l'effectif est à temps partiel. Pour améliorer l'anticipation et l'accompagnement des mutations économiques, le texte prévoit une articulation entre la GPEC et les autres négociations dans l'entreprise. Il pose un cadre juridique protecteur pour la négociation relative à la mobilité interne. L'accord portera notamment sur l'accompagnement du salarié. Il devra être conclu par les syndicats représentant 30 % des suffrages exprimés. Ni le niveau de rémunération ni la qualification ne pourront être revus à la baisse. S'il refuse l'accord, le salarié fera l'objet d'un licenciement économique.

Le projet de loi propose deux dispositifs du maintien de l'emploi : réforme du chômage partiel et accord de maintien dans l'emploi (AME). Une convention financière entre l'État et l'Unedic mettra en oeuvre le nouveau dispositif de chômage partiel, pour le rendre plus attractif. Les salariés seront incités, durant cette période, à se former.

Avec les nouveaux AME, le temps de travail et la rémunération des salariés pourront être modifiés en contrepartie de l'assurance du maintien dans l'emploi des salariés pendant la durée de l'accord. Cette mesure est assortie de garanties pour les salariés, formelles comme de fond.

Enfin, le projet de loi réforme en profondeur la procédure des PSE : accord majoritaire, simplification des règles de consultation du comité d'entreprise et des délais d'expertise, renforcement des pouvoirs de l'administration du travail qui homologuera les PSE -c'est le retour de l'État garant du dialogue social. Le juge administratif contrôlera les décisions de l'administration, sur le fond comme en référé, la compétence du juge prud'homal étant maintenue à l'identique.

Enfin, en cas de fermeture d'établissement, l'employeur sera obligé de rechercher un repreneur et d'informer le comité d'entreprise.

Je reviendrai plus longuement sur les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale lors de l'examen des articles. Les députés, particulièrement le rapporteur Jean-Marc Germain dont je salue le travail, n'ont pas dénaturé l'équilibre général de l'accord. (M. Jean-François Husson s'exclame) Notre commission a fait preuve de la même exigence. Je salue le travail de Mme Génisson et de M. Gorce, qui ont amélioré le texte sur des points majeurs.

L'économie générale du projet de loi a été préservée, tant par le Gouvernement que par l'Assemblée nationale. Il nous appartient de poursuivre dans cette voie. Nous avons une belle responsabilité. Chaque fois que notre assemblée s'attache à défendre l'emploi, nous pouvons avoir la certitude de répondre à la préoccupation première de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois. .  - La commission des lois n'a été saisie pour avis que des articles 5, 13,14 et 16 de ce texte. Elle s'est efforcée d'en améliorer la rédaction, en tenant à respecter l'ANI.

L'article 5 introduit une représentation des salariés dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance des entreprises de plus de 5 000 salariés en France ou de plus de 10 000 dans le monde. C'est une novation significative, objet de revendications anciennes, qui annonce une évolution des relations sociales dans l'entreprise. Il s'agit de sortir d'une logique conflictuelle. La situation économique appelle à la concertation, à une forme de cogestion pour construire la cohésion sociale.

Les amendements de la commission des lois sont essentiellement techniques. Nous avons supprimé une des conditions posées par le projet de loi, qui ne figurait pas dans l'accord : la nécessité de disposer d'un comité d'entreprise ; nous aurons sur ce point besoin des explications du Gouvernement.

La commission a précisé les procédures et les délais. Aujourd'hui, la représentation des salariés dans les conseils d'administration est cantonnée aux sociétés nationales et à celles qui ont été privatisées. L'article 5 du texte permettra un progrès considérable.

L'article 13, qui modifie les procédures de règlement et de liquidation judiciaires, mérite d'être clarifié. L'article 14, concernant l'information du comité d'entreprise sur la recherche de repreneur, n'appelle pas d'observation. L'article 16, qui traite des délais de prescription, suscite en revanche des interrogations : nous souhaiterons, là aussi, des explications.

Le contexte actuel invite à s'appuyer sur le dialogue social. J'entends le malaise de certains. Nous faisons le pari que la négociation est de nature à apporter des réponses aux préoccupations de nos concitoyens, à condition qu'elle soit un point de départ pour faire émerger des dispositifs adaptés à la conjoncture, qu'il s'agisse de formation professionnelle ou d'assurance chômage. Notre message aux partenaires sociaux est double : ils doivent respecter leurs engagements et accélérer les négociations en cours.

La démocratie sociale est toujours restée, dans notre pays, modeste, orpheline ; elle n'est pas dans notre tradition politique, ni même syndicale. Souvenez-vous de la charte d'Amiens ! Notre syndicalisme a toujours été animé par une approche de la société et de l'entreprise marquée par la conflictualité. Sans perdre le goût de l'utopie, sachons nous confronter à la réalité pour traiter les difficultés ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes .  - La délégation a été saisie le 19 mars de ce projet de loi. Je salue la méthode qui a présidé à son élaboration. L'accord national interprofessionnel a un objectif ambitieux : fonder un nouvel équilibre entre le besoin d'adaptation des entreprises et le besoin de sécurité des salariés. L'accord est le fruit de compromis fragiles.

La délégation a voulu jouer pleinement son rôle de législateur, en auditionnant largement. Si les femmes constituent 47 % de la population active, elles sont surreprésentées dans les emplois précaires et à temps partiel ; 45 % de l'emploi féminin est concentré dans dix métiers. Il est temps de passer d'une égalité formelle à une égalité réelle. Les textes existent, appliquons-les !

Les négociateurs ont privilégié le niveau de la branche professionnelle. Je m'en réjouis ; encore faut-il que la représentation des salariés soit forte. Il faut appeler les salariés à adhérer à un syndicat : ils ne sont que 7 à 8 % à le faire...

A l'article premier relatif à la complémentaire santé, la délégation veillera à ce que les prestations liées à la maternité soient incluses et que le dispositif en faveur des bas salaires soit reconduit.

A l'article 4, le contenu de la base de données est en deçà de ce qui a été négocié ; il faut adjoindre les informations relatives à l'emploi précaire et aux contrats à temps partiel.

A l'article 5, la délégation souhaite que suppléant et titulaire représentant les salariés au sein des conseils d'administration soient de sexe différent.

Les articles 7 et 8 traitent de l'emploi à temps partiel. S'il ne faut pas confondre temps partiel et travail précaire, il faut avouer que le temps partiel n'est pas toujours choisi... La délégation propose que les entreprises de plus de vingt salariés dont 20 % de l'effectif sont à temps partiel soient soumises à une majoration de 10 % des cotisations employeur.

La délégation appelle en outre à une réforme du temps partiel. L'article 8 est bienvenu, qui impose un plancher de 24 heures hebdomadaires et modifie la rémunération des heures complémentaires. Ce principe est toutefois fragilisé par une possible annualisation du temps de travail dans certaines branches, qui peut être une façon d'amoindrir l'application de la loi. Je demanderai un rapport au Parlement sur ce point et proposerai un amendement de clarification.

L'article 8 permet en outre d'augmenter temporairement, par avenant, la durée contractuelle de travail -ce sont les compléments d'heures. L'accord fixe à huit le nombre d'avenants autorisés par an, sauf s'il s'agit de remplacer un salarié absent. Ces compléments peuvent à l'évidence porter atteinte au principe de la fixation d'une durée minimale et, avec le recours aux avenants, le risque de requalification du contrat est réel, comme le montre la jurisprudence. La délégation souhaite revenir au principe d'égalité entre salariés à temps plein et salariés à temps partiel : toute heure effectuée en complément des heures prévues dans le contrat initial doit être considérée comme une heure supplémentaire. Les députés avaient précisé qu'au-delà de quatre avenants par an et par salarié, quatre autres avenants pourraient être conclus, à la condition que les heures effectuées dans ce cadre soient majorées d'au moins 25 % ; nous regrettons que le Gouvernement soit revenu sur cette disposition en seconde délibération.

La fixation des modalités d'organisation du temps partiel est renvoyée à la négociation de branche. La délégation souhaite qu'un seuil plancher de quatre jours -celui des employeurs à domicile- soit fixé, auxquels les accords collectifs ne pourront déroger.

Ce texte majeur va profondément marquer les relations de travail dans les entreprises. Les avancées qu'il comporte, donc son application effective, sont soumises à la négociation. La délégation y sera attentive. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - Depuis le début de mon mandat de présidente de la commission des affaires sociales, jamais la situation économique n'a été aussi difficile.

M. Philippe Bas.  - Et elle ne cesse de se dégrader !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Le chômage atteint plus de 10 % de la population active et chaque jour, de nouvelles entreprises ferment, ce qui angoisse les salariés. Oui, il y a urgence à agir, monsieur le ministre. Dans mon département comme ailleurs, le nombre d'allocataires du RSA ne cesse d'augmenter, le nombre de salariés pauvres augmente, celui d'enfants pauvres aussi. Nous entendons les cris d'alerte des organisations caritatives.

Cette crise a de multiples origines mais tient surtout à la soif de profits de certains, avec pour variable d'ajustement les salaires et l'emploi. Depuis 2008, les remèdes proposés donnent les mêmes résultats : effondrement économique, augmentation du chômage, baisse des salaires et des rentrées fiscales. Dans toute la zone euro, la situation se dégrade. Stéphane Hessel demandait comment on peut manquer d'argent pour maintenir les conquêtes sociales de la Résistance alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération. C'est, écrit-il, « que le pouvoir de l'argent, tellement combattu par la Résistance, n'a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l'État. Les banques désormais privatisées se montrent d'abord soucieuses de leurs dividendes et des très hauts salaires de leurs dirigeants ».

En 1992, vous disiez, monsieur le ministre, que la monnaie unique était la voie royale pour lutter contre le chômage. On a vu ce qu'il en était. Que peut faire le Gouvernement ? La marge de manoeuvre est étroite, je le sais bien. La négociation nous semblait une voie intéressante, même si les parlementaires auraient souhaité y être associés. Le dialogue social est une bonne chose, même s'il faut ajouter quelques précisions sur la valeur juridique des accords. Le travail parlementaire est une garantie démocratique, surtout lorsqu'il s'agit de défendre les principes fondamentaux du droit du travail. Il y avait urgence, sans doute, et notre commission a travaillé dans des conditions particulièrement contraintes. Étions-nous à huit jours près ?

Toutes les organisations syndicales nous ont dit qu'elles avaient répondu avec confiance à la conférence sociale de juillet dernier. Mais toutes n'ont pas la même lecture de l'accord national interprofessionnel : certaines y voient un progrès considérable ; d'autres, une régression tout aussi considérable.

Je remercie notre rapporteur pour son travail. J'ai complété ses auditions par quelques-unes, ouvertes à tous les sénateurs, où nous avons reçu toutes les organisations syndicales, signataires ou non de l'accord. Une majorité relative des membres de la commission s'est dégagée en faveur du texte, tandis que certains s'abstenaient et que d'autres, dont je fais partie, votaient contre.

J'espère que la presse s'intéressera autant à ce débat qu'à celui de la semaine dernière car des centaines de milliers de salariés sont concernés, en attente de protection et de sécurité face à cette crise.

Puisse Lacordaire nous inspirer une nouvelle fois : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». (Applaudissements sur les bancs CRC, RDSE et écologistes)

Mme Françoise Laborde .  - L'OIT a tiré le signal d'alarme, il y a huit jours à Oslo, face à la dégradation et la situation du travail en Europe. La situation française est particulièrement préoccupante, nous le savons. Que faire ? Attendre la fin de la crise ? Le Gouvernement a choisi de combattre le chômage. M. le ministre a anticipé les préconisations de l'OIT. En quelques mois, vous vous êtes attaqué au chômage des jeunes et des seniors. Le projet de loi est la troisième étape de la politique volontariste du Gouvernement en matière d'emploi.

Nous approuvons la volonté du président de la République d'associer les partenaires sociaux et de privilégier le dialogue social. Faisons confiance aux partenaires sociaux. Le temps de la négociation n'est pas un temps perdu, a dit François Hollande. Je suis donc étonnée d'entendre certains dire que ce projet de loi menacerait les parlementaires. Il s'agit bien de la transposition de l'accord national interprofessionnel signé le 11 janvier 2013.

Ce texte, qui réconcilie démocratie sociale et démocratie parlementaire, est le fruit d'un processus entamé en juillet dernier lors de la conférence sociale. Il ne remet pas en cause le travail du législateur. Nous ne sommes pas des greffiers mais des garants. Le Sénat devra poursuivre le travail de l'Assemblée nationale.

Ce texte garantit de nouveaux droits aux salariés et donne aux entreprises les moyens de s'adapter à la situation de crise. Il est vrai que l'accord national interprofessionnel n'a pas été signé par deux syndicats. Le marché du travail est perçu comme trop rigide par les entreprises sans être vraiment protecteur pour les salariés. Certaines dispositions de l'accord sont difficiles à accepter mais elles ont été accordées en contrepartie de nouveaux droits pour les salariés. Sur les complémentaires santé, le dispositif mériterait d'être amélioré. Dans les TPE, le contrat collectif n'est sans doute pas la meilleure solution.

J'en arrive à l'emploi des femmes. Leur situation n'est pas satisfaisante. Elles occupent 80 % des emplois à temps partiel, de façon souvent subie, et leur rémunération est inférieure de 27 % à celle des hommes. Je regrette que ce thème ait été absent des négociations. Pourtant, certaines dispositions vont dans le bon sens. Je regrette à mon tour que vous ayez réussi à faire supprimer par une seconde délibération un amendement encadrant le recours aux avenants tout en préservant la majoration des heures complémentaires.

Ce projet de loi établit un juste équilibre : les radicaux de gauche le voteront et aucun membre du RDSE ne devrait s'y opposer. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean Desessard .  - (Applaudissements sur les bancs écologistes) Si l'on peut se réjouir qu'à l'issue d'une grande conférence sociale, les partenaires sociaux aient signé l'accord national interprofessionnel, la représentation nationale ne peut accepter de l'entériner tel quel. Vivons-nous une crise de surpopulation, une crise financière, une crise économique, une crise écologique ou une conjonction de tout cela ?

Pour certains, il suffit de travailler toujours plus et d'abaisser le coût du travail ; pour d'autres, il faut maintenir la solidarité par plus d'égalité. Le contexte est-il en faveur des salariés, monsieur le ministre ?

Vous avez parlé d'un accord « historique ». Pour la mutuelle complémentaire, il s'agit d'une extension de droit, ce qui est souhaitable, mais ce droit n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est que la sécurité sociale ne peut l'assurer.

Les droits au chômage rechargeables ? Cela aurait dû être fait depuis longtemps. Le droit à la formation ne doit pas être simplement virtuel. Quant à la mobilité externe, c'est une application intelligente du congé sabbatique.

Les droits collectifs deviennent des droits individuels, au service d'intérêts collectifs. Des dérogations au droit du travail sont prévues dans ce texte, sans grande contrainte pour les employeurs. La course à la rentabilité maximum doit-elle être privilégiée ?

La flexibilité est bien là. Je pense au travail saisonnier, par exemple.

Permettez-moi une allégorie. (Marques d'intérêt amusées) Vous nous proposez de rejoindre les rivages lointains d'une vie meilleure, monsieur le ministre, mais nous devons traverser des océans déchaînés et nous risquons le naufrage. Ce n'est peut-être pas le radeau de la Méduse, tout juste un canot de sauvetage, avec rations de survie. (Sourires) La question est posée : sommes-nous en situation de survie ou au bord du naufrage ? Pour les droits syndicaux, on nous demande d'attendre que soient atteints les rivages lointains de la croissance retrouvée. D'ici là, combien de fonds de pension auront soufflé la tempête pour couler ces fiers et beaux voiliers afin d'en récupérer les épaves ? (Sourires et applaudissements)

Deux organisations syndicales ne voulaient pas que les rapports sociaux soient ainsi traités. D'autres pensent qu'il faut adapter les entreprises. Il est dommage que le dialogue social n'ait pas été mieux défini.

Ce texte laisse place aux doutes. Le groupe écologiste à l'Assemblée nationale s'est abstenu ; quand au groupe écologiste du Sénat, il a déposé des amendements. (M. le président signifie que l'orateur a dépassé son temps de parole)

Oui, la crise est là ; oui, il faut réagir, mais ce ne doit pas être l'occasion d'en demander toujours plus aux salariés. (Approbations sur les bancs CRC) Cette crise peut être l'occasion d'instaurer une démocratie sociale. A nous, législateurs, de la faire vivre. (Applaudissements sur les bancs écologistes, CRC et RDSE, ainsi que sur quelques autres bancs)

M. Jean-François Husson .  - Sur la forme, je regrette que nous ayons dû examiner ce texte dans un délai aussi bref. Certes, l'emploi ne peut attendre car il s'agit de renforcer la compétitivité de notre pays, mais un délai raisonnable aurait été préférable. Ce projet de loi est le fruit d'un long dialogue entre les partenaires sociaux. Je m'en félicite, dans une France qui a bien du mal à se réformer.

Sur le fond, ce projet de loi répond à deux impératifs : sécuriser les salariés et permettre aux entreprises de s'adapter à la situation économique.

Le président de la République a salué le succès du dialogue social et demandé une transcription fidèle de l'accord national interprofessionnel, ce qui n'impose pas de le voter tel quel mais d'en respecter l'esprit.

Je déplore que le Gouvernement ait déposé un projet de loi sensiblement différent de l'accord, avec la clause de désignation qui remet en cause l'esprit de l'accord national interprofessionnel. Sur la mobilité, le dispositif très souple de l'accord a été rigidifié par l'Assemblée nationale. Le projet de loi alourdit les dispositions de l'accord, ce qui est regrettable. Comment le Gouvernement entend-il financer cette réforme dont le coût pourrait atteindre 2 ou 3 milliards ? Va-t-il procéder à des économies ? Enfin, l'article premier conduira à supprimer des dizaines de milliers d'emplois.

Je suivrai le débat avec attention, mon vote dépendra de vos réponses. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Comment qualifier cet accord ? M. le ministre a dit qu'il y a en avait trois ou quatre par siècle, M. Desessard qu'il était historique. Notre rapporteur a été plus modeste en parlant d'un texte qui marquera ce quinquennat. De fait, cet accord est important. Je félicite les partenaires sociaux qui ont fait preuve de beaucoup de courage et d'abnégation. Je rappelle tout de même que c'est à notre collègue Gérard Larcher que l'on doit à la négociation de vivre, avec sa loi du 31 janvier 2007.

Parler de « sécurisation » de l'emploi, c'est prendre une position défensive. Il aurait été plus offensif de parler de « dynamisation » de l'emploi. Il n'est pas envisagé de modification des relations entre employeurs et employés en cas de développement de l'activité. Nous aurions souhaité une refonte radicale du code du travail, avec une suppression des 35 heures, pour créer un « choc » de compétitivité. Malgré ce manque d'audace, ce texte va dans la bonne direction.

La mobilité des salariés sera assortie de garanties, comme le compte personnel de formation, le droit au chômage rechargeable. C'est une petite révolution. L'amélioration des conditions du travail précaire, l'encadrement du travail à temps partiel vont, eux aussi, dans le bon sens. Les entreprises pourront réagir rapidement en cas de difficulté. Notre groupe est donc plutôt favorable à ce projet de loi. Néanmoins, des problèmes de fond demeurent.

Le président de la République avait annoncé qu'il voulait l'accord national interprofessionnel, tout l'accord national interprofessionnel, rien que l'accord national interprofessionnel. Nous souhaitons revenir à un texte plus proche de l'accord, qui permettra de préserver l'emploi.

La clause de désignation ne figure pas dans l'accord national interprofessionnel mais, n'en déplaise à certains, elle figure bien à l'article premier du projet de loi. Pourquoi, sinon, aurions-nous subi un tel forcing pour la supprimer ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Bonne question !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Le conseil de la concurrence a été extrêmement sévère, d'autant que cette clause peut générer des conflits d'intérêts et risque de se révéler anticonstitutionnelle. En outre, elle risque de supprimer 30 000 emplois dans les mutuelles et assurances... Il va falloir trouver 3,5 milliards de plus : est-ce sain ? Ne faut-il pas plutôt alléger les charges des TPE ?

Deuxième problème : le temps partiel pour les entreprises qui ont des activités de services à la personne, ou dans le secteur agricole... Il faudra faire en sorte que ces entreprises puissent continuer à fonctionner comme actuellement. Mieux vaut un petit boulot que pas de boulot du tout.

Mme Catherine Procaccia.  - Bien sûr !

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation.  - Dites-le aux femmes !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Le CICE est déjà bien compliqué ; si l'on y ajoute une consultation du comité d'entreprise et des délégués du personnel, on renforce la complication. Enfin, en cas de refus d'un salarié, le licenciement sera économique et non individuel, contrairement à ce que prévoit l'accord. N'y a-t-il pas un risque de juridiciarisation de ces licenciements ?

Notre groupe fera des propositions pour se rapprocher du texte de l'accord. Nous avons collectivement déposé quinze amendements seulement, tous très ciblés, contrairement à certains de nos collègues. Nous espérons éviter les grignotages, comme à l'Assemblée nationale. Si nous y parvenons, notre vote sera favorable. Si nous n'obtenons rien, nous nous abstiendrons. Si le texte s'éloigne encore plus de l'accord national interprofessionnel, nous voterons contre. Autant dire que nous attendons le débat, auquel nous participerons activement, pour nous prononcer. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - L'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a été qualifié d'historique, et c'est vrai dans une certaine mesure car il s'agit de dialogue social. Certes, l'accord aurait pu aller plus loin mais il consacre un changement d'approche des relations sociales dans notre pays. Les centristes prônent la démocratie sociale : l'entreprise est une communauté humaine et non un lieu d'affrontement ou de lutte des classes. L'accord national interprofessionnel est issu de la loi Larcher, cela a été dit. Il aura d'autant plus de force qu'il fera l'objet d'un consensus politique. Nous regrettons que l'accord n'ait pas été signé par tous les syndicats, mais nous saluons ceux qui l'ont fait.

Nous passons d'une logique défensive à une logique offensive et nous dotons notre pays d'un socle de sécurité et de flexibilité. Une telle approche dépasse les antagonismes traditionnels. La philosophie de l'accord national interprofessionnel, c'est des droits nouveaux contre plus de flexibilité.

La logique de coopération se substitue à la logique de l'affrontement. L'article 5 est la disposition la plus emblématique, avec la présence de salariés dans le conseil d'administration. C'est un changement majeur dont nous nous réjouissons.

Il s'agit maintenant de donner valeur législative à cet accord. Nous adhérons au credo du président de la République : « l'accord, rien que l'accord ». Or nous avons décelé trois divergences par rapport à cet accord.

A l'article premier, les branches pourront désigner les organismes complémentaires. Cette question est loin d'être au coeur du texte.

M. Michel Sapin, ministre.  - La fédération des assurances ne partage pas votre point de vue.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - La généralisation de la complémentaire est bien plus importante que cette clause de désignation, même si nous y sommes défavorables.

En l'occurrence, la généralisation de la clause de désignation pourrait aboutir à une reconfiguration de l'assurance en France. Attention également aux conflits d'intérêt : ce n'est pas aux mutuelles et aux assurances à financer les syndicats ! (M. Jean-François Husson approuve)

Lisons attentivement l'avis de l'autorité de la concurrence. (M. Jean-Noël Cardoux applaudit)

Le texte désamorce les craintes concernant les licenciements économiques en cas de refus du salarié. Nous aurions souhaité que négocier la mobilité interne soit une obligation et non une faculté.

J'en viens au coeur du texte : les accords de maintien dans l'emploi, qui consacrent la flexisécurité. Leur durée ne peut excéder deux ans et le dispositif est assorti d'une clause de retour à meilleure fortune. Au pire, c'est un sursis ; au mieux, un moyen efficace de surmonter une période de difficulté. Des dispositions analogues existaient déjà ; le texte apporte toutefois un cadre global à des outils ciblés et disparates.

Autre avancée, la création du compte personnel de formation. Certes, son financement doit être précisé mais le compte personnel de formation demeure une avancée essentielle pour la formation professionnelle. Il améliorera la portabilité et l'accès à la formation des publics qui en ont le plus besoin, chômeurs et personnes les moins qualifiées. C'est une étape vers l'urgente et inévitable réforme de la formation professionnelle qui est pour nous, avec le choc de compétitivité, le levier clé de la bataille de l'emploi.

L'article 8, sur le temps partiel, pose un socle de garanties, mais ces règles sont incompatibles avec certaines activités, dans le médico-social, les services à la personne ou encore le portage de la presse. Ces secteurs, qui sont des gisements d'emploi, s'inquiètent. Nous proposerons des amendements à ce sujet.

Adoptons la loi sur quelques points et nous aurons fait oeuvre utile !

Il me reste à remercier la présidente de la commission qui a multiplié les auditions, ainsi que notre rapporteur pour son travail, son écoute et sa courtoisie. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christiane Demontès .  - La crise économique est très grave avec, en corollaire, la hausse du chômage. Le bilan de la précédente mandature, c'est un million de chômeurs en plus ; 34 000 postes ont été supprimés dans le secteur manufacturier au dernier trimestre 2012. La tendance ne s'est pas inversée. Nous comptons 62 300 chômeurs supplémentaires pour janvier et février : au total, 3,7 millions de demandeurs d'emploi, pour un taux de 10,6 %. Les moins de 26 ans sont les plus touchés : ils sont 800 000 à être privés d'emploi.

Face à cette situation dramatique, François Hollande et Jean-Marc Ayrault se sont emparés de la question de l'emploi, avec les emplois d'avenir pour les jeunes, avec les contrats de génération, qui traduisaient déjà un accord national interprofessionnel, celui du 19 octobre 2012. 500 000 contrats de génération devraient être conclus à terme. La méthode tourne résolument le dos à celle du précédent gouvernement : déclarations sans lendemain, promesses non tenues... (Applaudissements à gauche tandis qu'on s'exclame à droite)

M. Jean-François Husson.  - Ne nous réveillez pas...

Mme Christiane Demontès.  - A l'issue de la conférence sociale de juillet, le Gouvernement proposait aux partenaires sociaux d'entamer une grande négociation. Après quatre mois, un accord a été signé par les trois organisations représentatives des employeurs et par trois des cinq organisations représentatives des salariés, qui représentent 51,15 % des suffrages recueillis par les organisations habilitées à négocier.

Il ne s'agit ni d'un accord Medef ni d'un accord reposant sur le soutien d'organisations minoritaires. Les organisations non signataires ont d'ailleurs apporté leur contribution à la négociation. Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat ont organisé de nombreuses auditions pour prolonger ce mouvement -j'en remercie la présidente David et notre rapporteur Claude Jeannerot. Cet esprit de responsabilité a permis de nombreuses avancées : c'est toujours l'option la plus juste et la plus efficace qui a été retenue.

L'article premier généralise la couverture complémentaire santé collective obligatoire. L'article 2, sur la formation, est également décisif : il crée un compte personnel de formation et un conseil dans l'évolution professionnelle. La recherche d'une plus grande employabilité caractérise l'article 3, sur la mobilité externe. Les articles 6 et 8 luttent contre la précarité des salariés, avec les droits rechargeables à l'assurance chômage. L'article 7 favorise l'embauche en CDI en pénalisant les CDD de courte durée. L'article 8 crée une durée minimale de 24 heures pour les contrats à temps partiel. Les femmes sont les premières concernées par le temps partiel subi... Attention à ne pas autoriser de dérogations systématiques à cette règle de 24 heures.

L'article 4 renforce le dialogue social, avec deux nouvelles consultations obligatoires du comité d'entreprise. Une base de données économiques et sociales sera créée. Enfin, l'article 5 rend obligatoire la présence de représentants des salariés au conseil d'administration ou de surveillance. Je remercie M. Gorce pour son travail sur ce point.

L'article 10 fait de la mobilité interne un instrument négocié, articulé avec la gestion prévisionnelle de l'emploi, sans réduction d'effectif. Un nouveau dispositif de chômage partiel est instauré à l'article 11.

L'article 12 crée et encadre une nouvelle catégorie d'accords d'entreprise, dans le respect de l'ordre public social. En contrepartie, l'employeur s'engage à ne pas procéder à des licenciements économiques pendant la durée de l'accord. Un plan social devra faire l'objet d'un accord majoritaire au sein de l'entreprise ou d'une homologation par l'administration. L'employeur qui ferme un établissement devra rechercher un repreneur.

Ce projet de loi s'appuie sur une méthode : le dialogue social. Quoi de plus naturel ? Fondé sur l'écoute, le dialogue, la loyauté, la recherche du compromis, il associe démocraties sociale et politique et privilégie l'intérêt général. Le groupe socialiste votera bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Laurent .  - Ce texte est important. Mais ce n'est pas le texte de progrès annoncé par M. le ministre. C'est même, à nos yeux, le contraire.

Le chômage atteint un pic historique : 3,2 millions de chômeurs de catégorie A et plus de 5 millions de chômeurs toutes catégories confondues. Chaque jour, des centaines d'hommes et de femmes sont privés d'un droit constitutionnel : le droit au travail. Que reste-t-il de l'article 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui dit que « toute personne a droit au travail » quand le chômage explose, que le nombre d'allocataires du RSA dépasse 2 millions, que 22,5 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté ? Le 5 mai dernier, le peuple français s'est levé contre l'entreprise de destruction sociale menée par Nicolas Sarkozy. (Soupirs à droite)

C'est le rejet du libéralisme qui a fait la victoire de François Hollande. Rappelez-vous son discours du Bourget où il faisait son programme de « l'achèvement de la promesse républicaine autour de l'école, la laïcité, la dignité humaine et l'intérêt général ». Telle était la feuille de route. L'exigence des Français, c'était le rejet de la finance et l'aspiration à la justice sociale. La crise est trop profonde, nous n'avons pas le droit à l'erreur : ne creusez pas encore le fossé avec les attentes des Français.

« Sécurisation de l'emploi » ? Manipulation grossière comme la publicité pour les 4x4 écologiques ; rien pour la sécurisation, tout pour la précarisation! Ce projet de loi est un cadeau au grand patronat et aux intérêts financiers -pour preuve, l'abstention bienveillante de l'UMP à l'Assemblée nationale. (Marques de désapprobation à droite)

Vous n'aurez pas d'ennemis à droite, monsieur le ministre, les sénateurs de droite défendront pied à pied les intérêts du Medef. (Exclamations à droite)

M. Francis Delattre.  - Pas vous ! Votre bilan...

Mme Éliane Assassi.  - Assumez le vôtre.

M. Francis Delattre.  - Votre bilan parle pour vous !

Mme Éliane Assassi.  - Quel bilan ?

M. Francis Delattre.  - Le bilan globalement positif !

M. Pierre Laurent.  - Cette loi est une entreprise d'enfumage ! L'article premier contribuera surtout à enrichir les assurances privées.

Mme Catherine Procaccia.  - Caricature !

M. Pierre Laurent.  - L'intervention des salariés est toujours réduite à la portion congrue. La sanction des contrats courts ? Elle se réduit à une modulation des cotisations, qui ne coûtera pas un centime aux employeurs...

Ce projet de loi est catastrophique : il multiplie les possibilités de licencier, limite les indemnités de licenciement, restreint la possibilité de saisir le juge... Il est à l'exact opposé de tous les marqueurs de la gauche ! Il instaure une amnistie patronale quand la droite, il y a peu, combattait l'amnistie sociale. Comment accepter l'accélération des plans sociaux ? L'autorisation administrative ne sera pas protectrice : ce visa sécurisera au contraire les licenciements !

Huit avenants pour modifier les temps de travail : c'est une catastrophe pour les femmes, travaillant à temps partiel. Comment ne pas bondir devant la mobilité obligatoire, qui bouleversera la vie des familles ? Ce projet de loi consacre les contrats compétitivité-emploi, inscrits dans le programme de Nicolas Sarkozy, le candidat battu !

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est tout le contraire !

M. Pierre Laurent.  - Comme disait Léon Blum, on est socialiste quand on cesse de dire c'est dans l'ordre des choses, nous ne pouvons rien changer. Ce projet de loi n'est pas digne de la gauche. (Exclamations sur les bancs socialistes)

MM. Michel Sapin, ministre et Jean-Jacques Mirassou.  - Oh !

Mme Jacqueline Gourault.  - Des syndicats ont signé !

M. Pierre Laurent.  - Les suppressions de poste vont se multiplier pour que les groupes maintiennent leurs marges et les actionnaires leurs dividendes.

Partout en Europe, malgré la multiplication les gains de flexibilité, le chômage ne cesse d'augmenter...

M. Michel Sapin, ministre.  - Sauf en Allemagne !

M. Pierre Laurent.  - Ce projet est la traduction dans notre droit de la lame de fond visant à remettre en cause en Europe les droits sociaux, comme l'a déclaré la Confédération européenne des syndicats. L'entêtement à poursuivre dans les politiques qui ne marchent pas est un grave contresens. Les entreprises ne manquent pas de flexibilité mais de demande, disent des économistes comme Frédéric Lordon ! De partout, des voix s'élèvent contre cette loi écrite à l'encre du Medef. Les salariés rassemblés devant le Sénat nous demandent le retrait de ce texte.

Par respect du Parlement, ne ratifiez pas cet accord, mes chers collègues ! Nous avons le pouvoir de faire taire Mme Parisot, son arrogance ! Elle voudrait nous adresser un mandat impératif. Notre rôle est d'écrire la loi. La gauche aurait dû, dès son arrivée, inscrire des nouveaux droits pour les salariés. Et voilà qu'aucune conquête sociale n'est possible sans l'aval du Medef ! La droite s'en réjouit : ce principe aurait empêché l'adoption de la retraite à 60 ans, des 35 heures, des 39 heures, des 40 heures...

La gauche doit accorder des lois protectrices aux salariés. A l'instar des députés du Front de gauche, les sénateurs CRC s'attacheront à montrer que d'autres voies sont possibles (exclamations sur les bancs UMP) grâce à une véritable sécurité sociale de l'emploi et de la formation. L'heure est au choix.

Fidèles à nos convictions de gauche, nous repousserons ce projet de régression. Nous voulons ouvrir des brèches avec tous ceux qui veulent une autre voie à gauche. Les syndicalistes que vous avez qualifiés de minoritaires, monsieur le ministre...

M. Michel Sapin, ministre.  - Ce sont les électeurs, pas moi !

M. Pierre Laurent.  - ...doivent être entendus ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Ce projet de loi est de facture libérale standard : la cause du chômage tient à la rigidité de l'emploi. Cela fait trente ans que l'on nous ressert le plat, avec le résultat que l'on sait : 11 % de chômeurs. Mais pas question ici de flexisécurité, nous dit l'exposé des motifs : l'accord que traduit ce texte serait gagnant-gagnant. Voyons cela.

Dans la colonne « Salariés », l'article premier, sur la complémentaire santé, laisse à craindre l'alignement sur la CMU-c. Le droit rechargeable à l'assurance chômage est renvoyé à des négociations ultérieures...

Dans la colonne « Employeur gagnant », on retrouve la flexibilité. Le salarié qui refuse pourra être licencié. A quoi s'ajoutent la modification des règles de licenciement économique, la simplification des règles d'organisation interne, le raccourcissement des délais de prescription en matière de licenciement...

Certaines mesures profitent aux deux partenaires, les autres à un seul : les employeurs. Dans les accords gagnant-gagnant, tout le monde gagne mais certains perdent plus que les autres. C'est un accord de flexibilité à prix cassé. D'excellents objectifs ne suffisent pas à faire une bonne loi ! (Applaudissements sur les bancs CRC, écologistes, Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

M. Jean-Vincent Placé .  - (Applaudissements sur les bancs écologistes) Le projet de loi porte un titre ambitieux : qui peut être contre la sécurisation de l'emploi ? Mais il n'est pas à la hauteur des enjeux et remet en cause des valeurs fortes. Le Parlement est appelé à ratifier l'accord, tout l'accord, rien que l'accord. Nous ne devrions pas être une chambre d'enregistrement !

Quelle est la vision stratégique de ce texte ? L'économie est au service de l'homme et non l'inverse. Or nous avons un taux de chômage record. Qui peut croire qu'en rendant le travail plus flexible et le licenciement plus facile, nous allons créer un emploi de plus ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous faisons le contraire !

M. Jean-Vincent Placé.  - Nous détricotons au fil de l'eau les avancées sociales. Mieux vaudrait créer des emplois avec la transition écologique, l'économie circulaire, la formation, plutôt que de flexibiliser à tout prix.

Les écologistes sont très vigilants car nous ne voulons pas que le modèle de la sécurité sociale se désagrège au profit des assurances privées.

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est ce que nous voulons éviter !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Bien évidemment !

Mme Catherine Génisson, rapporteure de la délégation.  - C'est un autre débat.

M. Jean-Vincent Placé.  - Il y a des avancées, oui. Mais mobilité contrainte, licenciements facilités, délais de prescription réduits, autant de reculs. Les marges de manoeuvre des comités d'entreprise sont réduites. Le Medef, soutenu par l'UMP, salue ce texte, M. Borloo le juge excellent... Cela le marque, que cela vous plaise ou non.

Dans une démarche constructive, nous avons voulu sécuriser les salariés, supprimer le licenciement économique individuel, créer un droit de veto suspensif pour le comité d'entreprise sur les procédures de licenciement. Enfin, nous voulons intégrer la dimension environnementale. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles. Nous souhaitons que le texte soit rééquilibré en faveur des salariés. Sans quoi, nous ne pourrons le voter. Notre rôle, à gauche, est de respecter les salariés, qui ne sont pas des variables d'ajustement ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes, Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

M. Serge Dassault .  - Ce projet de loi dit de sécurisation de l'emploi, loin de diminuer le chômage, va l'augmenter considérablement. (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, s'exclame) Les entreprises délocaliseront ! On parle peu d'elle mais c'est l'entreprise qui embauche quand elle a des commandes et débauche quand elle n'en a plus !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - C'est le salarié qui produit !

M. Serge Dassault.  - Si vous multipliez les contraintes, elle sera obligée de licencier ; jamais elle ne pourra conserver du personnel surabondant quand les carnets de commandes sont vides. La sécurisation de l'emploi est impossible... sauf dans l'administration. De nombreuses entreprises, surtout les petites, pourraient embaucher...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Vive le retour de l'esclavagisme !

M. Serge Dassault.  - ...pourvu qu'elles puissent le faire avec des CDD renouvelables ou des contrats de projet si le travail à fournir est limité dans le temps. Ne vaut-il pas mieux du travail dans un emploi précaire que pas de travail du tout ?

C'est le cas aux États-Unis où la flexibilité est la règle ; et le chômage y est bien moins élevé. Il faut baisser les charges, les salaires et surtout, travailler plus ! C'est-à-dire revenir aux 39 heures, ce qui rapporterait aussitôt 21 milliards d'euros à l'État et à la sécurité sociale.

Beaucoup de difficultés viennent de l'absence de formation professionnelle. Il y a des emplois disponibles mais personne pour les occuper. L'Éducation nationale ne fait pas ce qu'elle devrait. Une formation professionnelle dès 14 ans est indispensable, il y a des jeunes qui ne peuvent pas faire d'études supérieures.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - N'est-ce pas un peu tard pour rentrer dans le monde de l'emploi ?

M. Serge Dassault.  - Le dialogue social est nécessaire, mais avec les salariés au moins autant qu'avec les syndicats.

Nous voulons tous que le chômage baisse. N'oubliez jamais que l'emploi dépend des entreprises et que si vous pouvez leur interdire de licencier, vous ne les forcerez jamais à embaucher.

Ce projet de loi propose des mesures qui pourraient être efficaces, mais sûrement pas pour faire baisser le chômage. Je ne le voterai pas (Quelques applaudissements à droite)

M. Ronan Kerdraon .  - Ce texte est l'aboutissement d'une méthode, initiée par la grande conférence sociale de juillet dernier. Après plusieurs mois de discussions, il transpose dans la loi l'accord majoritaire du 11 janvier 2013. Cette méthode est exemplaire, mieux, une exigence ; elle devrait d'ailleurs encourager la syndicalisation.

L'accord national interprofessionnel s'inscrit dans un contexte difficile : 5 millions de chômeurs et autant de précaires. C'est à cette réalité que les partenaires sociaux ont voulu s'attaquer. Je salue le travail de notre rapporteur qui a su mobiliser les membres de la commission des affaires sociales qu'anime la présidente David. Dès son adoption, le projet de loi sera un outil clé de la bataille pour l'emploi. Le Gouvernement a déclaré l'urgence : il fallait agir vite ; mais nous aurons le temps de l'enrichir encore, tout en répondant aux inquiétudes des organisations syndicales non signataires qui dénoncent un texte de précarisation de l'emploi. Une étude attentive montre que ce n'est pas le cas.

L'accord du 11 janvier ouvre des droits nouveaux et concrets, c'est évident. Je salue la portabilité des droits des salariés. Beaucoup de dispositions concernent le fonctionnement de nos entreprises. Avancer, c'est comprendre et respecter, comme le dit souvent M. Mirassou (exclamations admiratives sur les bancs socialistes), respecter les signataires comme les non-signataires. L'intelligence doit être collective.

L'enjeu, c'est de construire des mécanismes d'anticipation, d'adaptation et de formation, d'encadrer aussi le recours au temps partiel et aux CDD -la majoration des cotisations permettra de responsabiliser les employeurs.

La généralisation de la complémentaire santé devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2016 ; la négociation sur l'assurance chômage intégrera le principe des droits rechargeables. Le « tout tout de suite » n'est pas de mise. Condamner des avancées au motif qu'elles n'ont pas d'effet immédiat, c'est conserver l'existant... Quant à la mobilité des salariés, elle peut aujourd'hui être imposée par l'employeur, elle sera désormais négociée ; et ni la qualification ni le niveau de rémunération ne pourront être modifiés.

Trois articles nouveaux du code du travail renforceront les droits des salariés, tant en matière de vie personnelle que de temps partiel pour les femmes. L'accord encadre de façon stricte ce temps partiel, la durée de travail hebdomadaire devra notamment être au minimum de 24 heures. Cela vaut pour les services à la personne, qui permettent de créer de nombreux emplois. La professionnalisation de ces professions doit passer par le dialogue social, la formation et la pluriactivité.

La sécurisation est également assurée par le retour de l'État dans les plans sociaux, qui traduit le 35e engagement de François Hollande. Avec la représentation paritaire homme-femme des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des plus grandes entreprises, c'est le 55e qui est respecté.

Je me félicite des dispositifs relatifs à la mobilité et du compte personnel de formation. Restera, sur ce dernier point, à négocier les financements. Seule une entreprise sur dix met actuellement tout en oeuvre pour favoriser l'accès à la formation.

Dans mon département, la situation de Brittany Ferries illustre la nécessité d'encadrer strictement les accords de maintien dans l'emploi ; celle de l'agroalimentaire montre les conséquences dramatiques de l'absence d'anticipation et l'importance du dialogue social ; celle enfin de trop nombreux salariés de PME et TPE, privés de complémentaire santé, illustre la nécessité de renforcer la protection sociale.

Ce texte n'atteint certes pas l'idéal, mais il part de la réalité vécue et permettra de changer la vie des salariés. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce projet de loi enrichi par nos collègues députés et par nous-mêmes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christian Poncelet .  - Ce projet de loi contient un aspect important, un peu trop passé sous silence mais vital pour notre économie : la représentation obligatoire des salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance des plus grandes entreprises.

Cette disposition renoue avec la belle et noble idée que je n'ai cessé de défendre : la participation, chère au coeur du général de Gaulle. Gaulliste social, je me reconnais dans ce dispositif, qui ne peut laisser insensible certaines familles de pensée présentes dans cet hémicycle. La volonté de dépasser les antagonismes a inspiré un certain socialisme à une certaine époque, la démocratie chrétienne et le gaullisme social. (Mme Jacqueline Gourault applaudit) Sous le gouvernement Mesmer -il y a quarante ans !-, j'ai défendu un projet de loi pour encourager l'actionnariat salarié. Nous voulions répondre au voeu du général de Gaulle d'associer les salariés à la vie de l'entreprise et de faire de cette association, selon ses mots, « une donnée de base de l'économie française » ; mais le patronat et les syndicats n'en ont pas voulu, pour différentes raisons. Cette drôle d'alliance correspond à une réalité bien française, l'union sacrée pour que rien ne change. (Applaudissements à droite)

Ce refus des uns et des autres a été mortel. Aujourd'hui, les patrons ne sont plus français mais indiens ou chinois, les entreprises ont fermé. Si les dirigeants et les salariés avaient été liés par un intérêt commun, les choses auraient été bien différentes. En Allemagne, la cogestion a permis la préservation de l'économie allemande.

Je ne peux que savourer les propos de M. Jeannerot qui voit dans cet article une avancée majeure qui atténuera la conflictualité des choix stratégiques des entreprises... Il a certainement lu les mémoires du général de Gaulle... (Sourires) Oui, il faut aller vers la complémentarité et tourner le dos aux affrontements stériles.

Laissez-moi vous faire une confidence : ce projet de loi me rajeunit. Il a fallu quarante ans de réflexion pour qu'on comprenne l'intérêt d'un tel dispositif ! C'est un peu long, non ? Nous avons tous une part de responsabilité...

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous y sommes parvenus !

M. Christian Poncelet.  - Une telle lenteur a été préjudiciable à l'économie française et aux intérêts des salariés.

Je salue cette avancée importante qui remet l'humain au coeur de l'entreprise, de l'activité et de nos préoccupations. Finissons-en avec les solutions caricaturales ou cyniques ! C'est ce que le pays attend de nous ! (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis.  - Dommage qu'il n'y ait plus de gaullistes !

Mme Christiane Demontès.  - Vous allez suspendre la séance, monsieur le président. Certes, il y a une conférence des présidents mais pourquoi ne pas reprendre à 21 heures ?

M. le président.  - Il est prévu de rependre à 21 h 45, d'abord parce que la conférence des présidents a un ordre du jour chargé, ensuite parce que se tiendra, à son issue, une réunion avec M. le ministre des relations avec le Parlement...

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le programme national de réforme ainsi que le projet de programme de stabilité, accompagné de l'avis du Haut conseil des finances publiques, sur les perspectives macro-économiques associées à ce projet de programme. Ces rapports ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.

Sécurité de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Discussion générale (Suite)

Mme Patricia Schillinger .  - Je me réjouis de ce texte qui fait suite à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et qui renoue avec le pacte social dont je déplorais l'abandon dans le rapport que je lui consacrais avec Joël Bourdin. Nous y regrettions que la France soit à la 137e place sur 144 pays pour ce qui concerne les relations au sein des entreprises. Oui, nous avons besoin de revenir au dialogue social, dont la rupture coûte, selon la Banque mondiale, un point de PIB par an à la France. Cette situation ne profite ni aux employés ni aux employeurs ; elle fait obstacle à la résolution des crises au sein des entreprises. Celles-ci résistent mieux à la crise quand le dialogue social y est bon.

Le Gouvernement a réussi son pari : ce texte apporte plus de flexibilité aux entreprises, avec les accords de maintien dans l'emploi et la mobilité au sein de l'entreprise, et plus de droits pour les salariés, avec l'extension de la couverture complémentaire et la refonte du temps partiel.

Pour mieux gérer les transitions et anticiper les formations, il fallait bâtir une formation professionnelle. Il fallait également mieux encadrer les licenciements collectifs : ce sera le cas avec l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'administration. Je me réjouis également de l'extension de la complémentaire santé à 400 000 nouveaux salariés ; elle sera financée au moins pour moitié par les employeurs.

Il était aussi grand temps d'ouvrir les conseils d'administration des entreprises aux représentants des salariés. Ce sera le cas dans les entreprises de plus de 5 000 salariés installées en France et celles de plus de 10 000 salariés ailleurs. Mettre du dialogue social là où il n'y en avait pas suppose de former les managers.

Ce texte s'ajoutera à l'arsenal législatif du plan de lutte pour l'emploi : contrats de génération, CICE et pacte de compétitivité, pour ne citer que quelques mesures. Nous vivons un moment historique d'importance : face à la crise, le Gouvernement a su agir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Procaccia .  - La négociation nationale interprofessionnelle existe depuis longtemps. Monsieur le ministre, vous avez cité les accords de 1936 sur les congés payés, les lois Auroux, les accords de Grenelle. Il y en a d'autres, plus récents, comme l'accord sur la formation professionnelle.

Vous voulez que ce projet fasse date. C'est mon souhait le plus véritable et le plus sincère. Encore faut-il ne pas dénaturer l'accord du 11 janvier 2013. Sans doute par tradition sénatoriale, le groupe CRC n'a déposé que 400 amendements, contre 4 000 à l'Assemblée nationale. Espérons que vous ne plierez pas devant les manifestants des deux syndicats qui n'ont pas signé l'accord.

Rendons à Gérard ce qui est Gérard : votre méthode de la concertation vient de la loi Larcher de 2007 sur la modernisation du dialogue social que j'avais eu l'honneur de rapporter.

La transcription de l'accord national interprofessionnel doit être loyale, ce qui n'est pas toujours le cas. L'article premier est contesté par l'Autorité de la concurrence. Soyez attentifs à nos amendements, on ne comprendrait pas que vous restiez campés sur la clause de désignation. Le dialogue et la concertation prônés par le ministre ne seraient alors que de vains mots. (M. Jean Desessard ironise) Comment le ministre du travail peut-il envisager la suppression de 50 000 emplois dans le secteur de l'assurance ? Ce chiffre est peut-être exagéré, il a le même genre de fiabilité que le comptage des manifestants de l'Étoile.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis.  - Sans les violences, tout de même.

Mme Catherine Procaccia.  - Je le souhaite. En outre, les contrats collectifs santé vont-ils continuer de bénéficier des dispositions fiscales existantes ?

M. Jean-François Husson.  - Bien sûr !

Mme Catherine Procaccia.  - Dans le cas contraire, ce serait un coup porté à une avancée de ce texte : l'extension de la complémentaire santé à tous les salariés.

Autre aménagement souhaitable, l'article 8 sur le temps partiel. Celui-ci n'est pas toujours subi : 50 % des personnes travaillant dans l'emploi à domicile s'en déclarent satisfaites. On ne pourra allonger le temps de prise des repas des personnes dépendantes ni augmenter le nombre d'heures des gens qui vont chercher les enfants à l'école, en dépit de la réforme de M. Peillon. Il faut de la souplesse sur le plancher des 24 heures. Ce n'est pas moi qui le dis, je porte la voix de la fédération des employeurs de l'aide à domicile. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René Teulade .  - Sans revenir sur le détail du projet de loi, je vous donnerai mon analyse de la philosophie de ce texte. Les dernières semaines, nous avons beaucoup parlé de progrès et d'avancée des droits dans cet hémicycle et, souvent, de manière passionnée. Avec ce texte, nous allons vers la négociation, les compromis, la discussion, ce qui va à l'encontre de notre culture du conflit. Je salue cette nouveauté.

Au-delà, l'avènement de la démocratie sociale dans notre Constitution s'annonce prochaine. L'État garant remplace le mythe de l'État qui peut tout. Yann Algan et Pierre Cahuc écrivaient, en 2007, dans La société de défiance, que l'étatisme et le corporatisme alimentaient la défiance entre Français. Il est primordial que l'État prenne de la hauteur tout en répondant aux aspirations de proximité avec la décentralisation. La verticalité n'est plus la pierre angulaire de notre modèle social et sociétal. La création d'une mobilité externe sécurisée est parfaitement adaptée à notre société mondialisée : le salarié pourra diversifier son expérience tout en retrouvant son poste. D'ailleurs, l'article 10 sur la mobilité interne témoigne de cette demande accrue d'épanouissement personnel. Nous devrons veiller, en tant que législateurs, à ce que cette mobilité ne soit jamais subie.

Autre signe de modernité et de progrès, l'entrée des délégués du personnel dans les conseils d'administration pour une gouvernance plus horizontale, le renforcement des pouvoirs du comité d'entreprise.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. René Teulade.  - En cette période ténébreuse de chômage, faisons vivre l'espoir et donnons aux Français le goût de cette belle aventure qu'est la vie ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Michel Sapin, ministre.  - Parlez-nous de la vie et de l'accord national interprofessionnel ! (Sourires)

M. Gérard Larcher .  - L'accord national interprofessionnel est un compromis entre flexibilité et sécurité. Depuis longtemps, nous parlons au Sénat de la sécurisation des parcours professionnels. Le titre de l'accord « Pour un nouveau modèle social » marque l'ambition de ce texte, peut-être pas historique mais important dans la ligne de la loi du 31 janvier 2007...

M. Michel Sapin, ministre.  - ...que vous avez portée.

M. Gérard Larcher.  - Cet accord doit être respecté. D'abord parce qu'il a donné lieu à des négociations difficiles ; respectons le travail réalisé par les signataires. Ensuite parce qu'il est peut-être un peu tôt pour parler de démocratie sociale et vouloir l'inscrire dans la Constitution quand nous travaillons encore sur la représentativité des organisations syndicales. Respectons donc scrupuleusement la lettre et l'esprit de l'accord.

Un petit aparté sur la loi de 2007 qui institutionnalise l'obligation du dialogue social tripartite, selon trois principes, la concertation, la consultation et l'information préalable entre l'État et les partenaires sociaux, avant tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement dans le champ social. C'est le président Chirac qui a souhaité « sortir de la logique du conflit pour fonder une culture de la négociation, du compromis, de la responsabilité ». Je disais à l'Assemblée nationale, le 17 janvier 2007, que « le besoin de souplesse des entreprises doit se concilier avec la préservation et le renforcement de la cohésion sociale. La modernisation de notre modèle social impose une démarche collective, avec un principe qui se nomme concertation. Les réformes nécessaires ne peuvent s'accomplir que dans un climat de confiance, dans lequel chacun prend et prendra ses responsabilités ».

Or, disons le tout net, le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale déroge sur certains points à l'accord. On a ajouté de nombreuses pages au code du travail pour protéger les salariés. Pour avoir cherché à codifier le code du travail, je conviens de la difficulté de l'exercice : on a remplacé une brouette par deux ! (Sourires)

Le retour à la décision du juge, les procédures à n'en plus finir, les expertises ne vont pas dans le sens des salariés. Inutile d'insister sur l'accélération du chômage : plus 10 % l'an dernier, après dix semestres d'augmentation. Sans croissance, il ne faiblira pas. L'inversion de la tendance semble over horizon, comme on le dit en vieux français...

M. Michel Sapin, ministre.  - Datant au moins d'Aliénor d'Aquitaine ! (Sourires)

M. Gérard Larcher.  - La croissance est bloquée par le matraquage fiscal, le climat de défiance alimenté par les déclarations de certains ministres. Vous n'êtes pas en cause, mais le Gouvernement est un. Pour paraphraser un homme célèbre, il faudrait passer à la « croissance attitude ».

Quant à la boîte à outils française, elle ressemble à nos machines outils. Nous attendons toujours le choc de compétitivité. Nous devons tenir nos engagements européens et maîtriser la dépense publique. Quoi qu'on en dise, la réforme Hartz IV de M. Schröder a remis l'Allemagne sur le chemin de la croissance, même si cette politique de modération salariale ne correspond pas à notre modèle social. (M. Michel Sapin, ministre, le confirme)

Nous sommes devant une vaste réforme du marché du travail. Peut-on continuer, comme je l'ai fait en 2007, à inscrire plus de 20 milliards au budget pour financer les allégements de charge ?

M. Jean Desessard.  - Non !

M. Gérard Larcher.  - La compétitivité, ce n'est pas seulement le coût du travail ; c'est aussi la recherche, l'innovation et la formation professionnelle.

Enfin, nous n'échapperons pas à une réflexion globale sur l'indemnisation du chômage, mais aussi sur la qualité de vie au travail comme sur les instances représentatives.

L'accord national interprofessionnel est une première étape. Ne nous racontons toutefois pas d'histoires : nous sommes loin d'une démocratie sociale mûre. Écoutez monsieur Cardoux et madame Procaccia, revenons à l'accord ! Si tel n'était pas le cas, je serais contraint de m'abstenir, une abstention positive toutefois.

En ces temps populistes où d'aucuns parlent de « salauds » et de « coup de balai », je préfère le dialogue social et la confiance. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Michel Sapin, ministre .  - Peut-être est-il un point qui nous rassemble tous : nous voulons un dialogue social de qualité, qui ne soit pas de façade mais qui pèse sur la réalité des choses, de la société et des entreprises. Je rends hommage, monsieur Larcher, à votre loi de 2007. Le principe du dialogue social simple ne date pas d'hier : avant de réformer, on saisit les partenaires sociaux.

Pour être historien, je me méfie du qualificatif « historique ». Raison pour laquelle j'ai simplement dit que cet accord ferait date. Il marquera notre temps parce qu'il couvre l'ensemble du champ du droit du travail, et pas uniquement la lutte contre la précarité ou la formation professionnelle.

Personne ici ne nie l'importance du dialogue social, personne ne nie la nécessité de passer des accords. Certains s'en réjouissaient pour le contrat de génération hier, qu'ils continuent aujourd'hui.

Faut-il être fidèle à cet accord ? Évidemment ! Sans quoi, nous jetterions par-dessus l'épaule le dialogue social. Cela n'empêche nullement les critiques. Pour autant, un accord n'est ni un monument, M. Gérard Larcher le sait bien, ni une convention internationale que vous adopteriez par le vote d'un article unique. L'accord doit être transcrit dans la loi, qui n'est pas son langage. A nous de lui donner consistance. Il ne me viendrait pas à l'idée de contester votre droit d'amendement.

Mme Procaccia me rétorquera que la clause de désignation à l'article premier n'existait pas dans l'accord. Elle existe néanmoins dans notre droit, la Cour européenne l'a même validée. Le Medef et l'UPA n'étaient pas d'accord : cela arrive, y compris entre syndicats (sourires), d'où la formulation en noir et blanc qui figure dans l'accord. Dans la loi, il fallait trancher. Je vous expliquerai les raisons qui m'ont poussé à faire ce choix.

Pourquoi, autre reproche que l'on m'a fait, ai-je prévu le licenciement pour motif économique du salarié qui refuse un plan de mobilité interne à l'entreprise fixé par accord collectif ? Parce que, ministre du travail, je suis garant de nos engagements internationaux. La France est l'un des membres fondateurs de l'OIT, je ne peux pas passer outre ses principes. Après que le Conseil d'État m'a alerté, j'ai voulu sécurisé les procédures. Raison pour laquelle je me suis écarté de l'accord, pour des raisons juridiques mais avec l'assentiment des organisations signataires.

Ce texte met-il à mal la souveraineté populaire ? Non, et je suis d'ailleurs un farouche partisan du Parlement dans la tradition républicaine qui est la nôtre. Au Pays-Bas, il existe un domaine réservé aux partenaires sociaux, ce que mon homologue néerlandais se fait fort de me rappeler lorsque je défends l'idée d'un Smic européen -car je crois à l'Europe sociale.

En France, c'est la loi qui dit le droit, même si un accord l'a précédée. Nous ne sommes pas dans la négation du pouvoir des partenaires, nous les mettons en valeur.

Enfin, je n'aime pas qu'on me dise que cet accord soit made in Medef ou que cet accord a été écrit avec l'encre du Medef.

Mme Catherine Procaccia.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - On assume !

M. Michel Sapin, ministre.  - Moi, je respecte toutes les organisations syndicales. Celles qui ont signé l'accord et celles qui ne l'ont pas signé. Du reste, elles se respectent entre elles plus que vous ne le faites.

Mme Éliane Assassi.  - Hors sujet !

M. Michel Sapin, ministre.  - Le contrat de génération que vous avez voté était de la même encre que celui-ci !

M. Pierre Laurent.  - Le CNPF a combattu les lois Auroux !

M. René-Paul Savary.  - Si vous préférez, on peut vous laisser discuter entre vous.

M. Michel Sapin, ministre.  - Eh bien ce texte prolonge les lois Auroux. M. Jean Auroux a signé une tribune avec moi à ce sujet.

Ce débat mérite que nous nous respections les uns les autres. Vous dites que sur tel ou tel point, ce texte ne va pas assez loin, je l'entends. En revanche, je ne peux pas accepter qu'on parle d'un recul à propos de l'extension de la complémentaire santé (Mme Catherine Procaccia approuve) ou des 24 heures hebdomadaires.

Mme Éliane Assassi.  - Les dérogations !

M. Michel Sapin, ministre.  - A l'Assemblée nationale, les communistes, finalement, se sont abstenus.

Mme Éliane Assassi.  - Ne jouez pas à cela, ça ne marche pas !

M. Michel Sapin, ministre.  - Ne caricaturez pas car vous n'aimez pas qu'on vous caricature ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close

Conférence des présidents

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

JEUDI 18 AVRIL 2013

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (texte de la commission, n°515, 2012-2013)

2°) Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi

De 15 heures à 15 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur la situation des hôpitaux

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

4°) Suite de l'ordre du jour du matin

VENDREDI 19 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

SAMEDI 20 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit

Éventuellement, DIMANCHE 21 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et la nuit

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

LUNDI 22 AVRIL 2013

Ordre du jour fixé par le Sénat :

A 21 heures 30 :

- Débat et vote sur la demande du Gouvernement d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées au Mali, en application du troisième alinéa de l'article 35 de la Constitution (demande du Gouvernement)

MARDI 23 AVRIL 2013

A 9 heures 30 :

1°) Questions orales

Ordre du jour fixé par le Sénat :

A 14 heures 30 :

2°) Question orale avec débat n°4 de M. Jean-Vincent Placé à M. le ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation sur la lutte contre l'obsolescence programmée et l'augmentation de la durée de vie des produits(demande du groupe écologiste)

3°) Débat sur la politique vaccinale de la France (demandes de la commission des affaires sociales et du groupe socialiste)

A 22 heures :

4°) Débat sur l'efficacité des conventions fiscales internationales (demande du groupe CRC)

MERCREDI 24 AVRIL 2013

Ordre du jour fixé par le Sénat :

A 14 heures 30 :

1°) Désignation :

- des vingt-sept membres de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République

- des vingt et un membres de la commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre

(2°) Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances et mise en oeuvre par le Gouvernement de l'article 50-1 de la Constitution)

A 21 heures 30 :

3°) Débat sur l'immigration étudiante et professionnelle (demande du groupe socialiste)

JEUDI 25 AVRIL 2013

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat sur la loi pénitentiaire (demandes de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, de la commission des lois et du groupe RDSE)

A 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement

A 16 heures 15 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Débat sur la politique européenne de la pêche (demande du groupe UDI-UC)

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 29 avril au dimanche 12 mai 2013

SEMAINE SÉNATORIALE

MARDI 14 MAI 2013

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

- Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n°377, 2012-2013)

MERCREDI 15 MAI 2013

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE :

1°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à moderniser le régime des sections de commune (n°511, 2012-2013)

2°) Proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux, présentée par M. Alain Bertrand et plusieurs de ses collègues (n°386, 2012-2013)

3°) Proposition de loi organique tendant à prohiber le cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (n°381, 2012-2013)

A 18 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

4°) Proposition de résolution européenne tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation, présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. François Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC (n°413, 2012-2013) (demande du groupe UDI-UC)

JEUDI 16 MAI 2013

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

1°) Proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°520, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur la politique de lutte contre le terrorisme dans notre pays

De16 heures à 20 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC :

3°) Suite de la proposition de loi permettant l'instauration effective d'un pass navigo unique au tarif des zones 1-2 (n°560, 2011-2012)

4°) Question orale avec débat n°5 de Mme Isabelle Pasquet à Mme la ministre chargée de la famille sur le devenir de la politique familiale en France

A 22 heures :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

5°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale (texte de la commission, n°493, 2012-2013) (demande de la commission des affaires sociales)

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 21 MAI 2013

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales

A 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer (n°460, 2012-2013)

3°) Proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques, présentée par M. Serge Larcher et les membres du groupe socialiste et apparentés(n°447, 2012-2013)

4°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (n°441, 2012-2013)

MERCREDI 22 MAI 2013, à 14 heures 30 et le soir,

JEUDI 23 MAI 2013, à 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir,

VENDREDI 24 MAI 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République

En outre, JEUDI 23 MAI 2013

A 15 heures :

- Questions d'actualité au Gouvernement

LUNDI 27 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures :

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France (Procédure accélérée) (A.N., n°736 rect.)

Le soir :

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (Procédure accélérée) (A.N., n° 775)

MARDI 28 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement (Procédure accélérée) (A.N., n°909)

MERCREDI 29 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

1°) Projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (n°419, 2012-2013)

2°) Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Indonésie, d'autre part (n°417, 2012-2013)

3°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l'entraide administrative en matière de sécurité sociale (n°416, 2012-2013)

4°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'entente entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Québec relative à l'Office franco-québécois pour la jeunesse (n°418, 2012-2013)

5°) Projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République populaire de Chine (n°529, 2011-2012)

6°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'arrangement concernant les services postaux de paiement (n°402, 2010-2011)

7°) Sous réserve de son dépôt sur le Bureau de l'Assemblée nationale et de sa transmission, projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction

JEUDI 30 MAI 2013

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n°495, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur le budget européen

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l'ordre du jour du matin

VENDREDI 31 MAI 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles

SEMAINE SÉNATORIALE

LUNDI 3 JUIN 2013, à 16 heures et le soir,

MARDI 4 JUIN 2013, à 14 heures 30 et le soir,

MERCREDI 5 JUIN 2013, à 14 heures 30 et le soir,

JEUDI 6 JUIN 2013, à 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir,

VENDREDI 7 JUIN 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

Ordre du jour fixé par le Sénat :

- Suite du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (demande de la commission des lois)

En outre,

MARDI 4 JUIN 2013

A 9 heures 30 :

- Questions orales

JEUDI 6 JUIN 2013

A 15 heures :

- Questions d'actualité au Gouvernement

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°272, présentée par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

M. Dominique Watrin .  - La transcription de l'accord national interprofessionnel est présentée par le ministre comme historique. Effectivement, ce projet de loi menace le code du travail, une première pour un gouvernement de gauche dont les Français attendaient le changement. Le Wall street journal n'a-t-il pas titré : « Le patronat français a remporté une victoire historique » ?

Ce qui est historique, c'est de voir un ministre de gauche accepter de précariser les règles sociales. Cette politique voulue par le patronat a été menée depuis des années : la flexibilité d'aujourd'hui fera les emplois de demain, disait-on. Mais c'est faux ! Voyez le chômage. Déjà, les employeurs peuvent licencier comme ils l'entendent. Ainsi Sanofi, qui veut supprimer 800 emplois en France dont 170 dans la recherche, choisit le court terme et les actionnaires contre les salariés !

Cet accord serait équilibré. Difficile de s'en convaincre quand il n'a pas été signé par la CGT et FO, premier et troisième syndicats de France. Vous êtes comptable de ce projet de loi, monsieur le ministre. Votre responsabilité est double : responsabilité politique de mener les politiques pour lesquelles vous avez été élu, responsabilité aussi à l'égard de la Constitution et des conventions internationales que la France a ratifiées.

Aux articles 10,12 et 13, vous réduisez à néant le contrat de travail. La droite a procédé à l'inversion de la hiérarchie des normes en 2009. Les députés socialistes avaient déposé un recours devant le Conseil constitutionnel sur la loi Fillon de 2003, qui détricotait le droit du travail. Ici, vous allez bien plus loin ! Un accord collectif défavorable aux salariés pourra l'emporter sur la loi. La dernière protection vient de tomber : les salaires pourront baisser... Il est curieux de prétendre sécuriser les parcours professionnels en interdisant aux salariés de s'opposer aux volontés du patronat ; n'est-ce pas un motif d'inconstitutionnalité ?

Ce projet de loi réduit les droits des salariés : les engagements s'imposent aux seuls salariés, pas aux patrons qui leur diront : si ça ne vous plaît pas, allez voir ailleurs. Que direz-vous, demain, aux salariés licenciés que vous rencontrerez dans vos permanences ?

Un second motif d'inconstitutionnalité tient au droit de tout un chacun de compter sur un cadre législatif sécurisé. Le Conseil constitutionnel a rappelé que la remise en cause injustifiée de contrats légaux contrevenait à la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens et au préambule de 1946.

La relation contractuelle doit reposer sur le principe légitime de confiance ainsi que le principe de sécurité juridique. Or, en permettant à l'employeur de modifier un contrat de travail, ce texte méconnaît ce droit légitime. Après l'élection de François Hollande, pourquoi avoir oublié si vite ce que vous défendiez auparavant ? Relisez le texte de votre saisine sur la loi Warsmann où vous dénonciez notamment le bafouement du principe de faveur à valeur constitutionnelle...

La perte de confiance des Français dans la politique vient aussi de là. La sécurité juridique de la loi est un élément de la sécurité. Dès 1999, le Conseil constitutionnel avait affirmé que l'intelligibilité de la loi était un principe constitutionnel. La notion de « conjoncture » est particulièrement floue, et c'est sur ce motif que l'on pourrait déroger au droit du travail !

Enfin, l'article 13 relatif au licenciement économique opère un curieux basculement, quand on sait que la juridiction civile est plus protectrice des salariés.

Les tribunaux administratifs s'en tiendront à vérifier le respect des procédures. Ils ne contrôlent pas le bien-fondé du licenciement. Dès 1996, le Conseil constitutionnel affirmait le principe selon lequel la sécurité juridique d'une norme ne pouvait aller à l'encontre de celle d'un particulier.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Dominique Watrin.  - Conduisons une politique de gauche car de nouvelles désillusions ouvriront un boulevard à l'extrême droite. Je vous demande de voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Christiane Demontès .  - Les arguments qui viennent d'être évoqués sont importants, mais les principes cités doivent être adaptés à la réalité actuelle. En 1789, la sûreté devait être assurée à l'encontre d'un pouvoir absolu. Nous ne sommes plus dans le pouvoir arbitraire, bien évidemment. Ce projet de loi reflète les réalités économiques que nous connaissons. Il s'agit de protections nouvelles, grâce à la négociation collective. Le salarié pourra s'adresser à la justice en cas de contestation.

Aucune intention de léser une des parties, donc : les salariés qui refusent un accord bénéficient d'un licenciement économique. Nul ne peut contracter en deçà de la loi, ce qui est fondamental, et c'est pourquoi ce texte ne méconnait pas la décision du Conseil constitutionnel de 2004 sur les négociations collectives. Il faut faire confiance à la démocratie sociale, expression nouvelle de nos concitoyens qui veulent prendre leur destin en main. Nous devons participer à cette évolution.

Le Parlement se limiterait à transposer l'accord, sans en changer une virgule, nous reproche-t-on mais telle n'est pas la réalité. L'article 34 de la Constitution donne au Parlement le soin de fixer les principes et les partenaires sociaux proposent des mesures concrètes.

Il serait inopportun en matière de défense de l'emploi, contraire aux intérêts du monde du travail et injustifié sur le plan constitutionnel de voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Jeannerot, rapporteur .  - Ce projet de loi n'est pas contraire au bloc constitutionnel. Le principe de faveur n'est pas inscrit dans la Constitution, M. Watrin l'a d'ailleurs reconnu. La loi de 2004, grâce à laquelle on est passé d'accords d'entreprises à des accords de branche, n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel.

Le reproche d'instabilité juridique est infondé : il s'agit d'un premier grand texte sur le droit du travail. L'avis est donc défavorable.

M. Michel Sapin, ministre .  - Même avis.

Mme Laurence Cohen .  - Ce projet de loi est inconstitutionnel, nous l'avons démontré. Il serait regrettable que le Gouvernement connaisse une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, y compris par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Je suis particulièrement attachée à l'égalité entre les femmes et les hommes. Or, l'article 8 sur le temps partiel est dangereux. Il autorise huit avenants par an et par salarié. A l'Assemblée nationale, après les quatre premiers avenants, les quatre suivants devaient être majorés de 25 %. Cette disposition bienvenue a été malheureusement supprimée.

Non, l'intérêt de l'entreprise ne doit pas l'emporter sur celui des salariés.

Le temps partiel étant de plus en plus utilisé pour les femmes, il convient de revoir cette disposition. En outre, un accord collectif pourra annualiser la durée du travail de 24 heures, ce qui remet en cause la protection obtenue. Nous ne pouvons accepter que le Sénat adopte un projet de loi qui bafoue le principe de la République selon lequel les hommes et les femmes naissent libres et égaux en droit.

M. René-Paul Savary .  - Nous ne sommes pas étonnés par cette motion du groupe communiste qui reste fidèle à ses convictions, mais ce projet de loi porte sur un texte adopté majoritairement par les organisations syndicales. Sous la précédente législature, le groupe CRC réclamait le respect des accords conclus.

Mme Éliane Assassi.  - De quoi parle-t-il ?

M. René-Paul Savary.  - En cas de difficultés économiques, les mesures à prendre sont difficiles et imposent des contraintes aux salariés. Mais c'est leur intérêt qui est en jeu, le maintien dans l'emploi.

En Allemagne, 1,6 million de salariés étaient à temps partiel au plus fort de la crise en 2009, contre 200 000 en France.

L'effort accepté durera au plus deux ans. Et puis, vous semblez oublier les nouveaux droits créés en faveur des salariés.

Mme Laurence Cohen.  - Lesquels ?

M. René-Paul Savary.  - Remettre en cause l'accord, c'est remettre en cause l'équilibre auquel sont parvenus les partenaires sociaux.

La clause de désignation, en revanche, me semble poser un problème de constitutionnalité en portant atteinte au principe de libre concurrence. Nous avons déposé des amendements sur ce point.

Cette motion me semble inappropriée dans le cadre d'un projet de loi soutenu par les partenaires sociaux. Nous ne participerons pas au vote, en ne boudant pas notre plaisir de voir la majorité ainsi afficher ses différences. (Applaudissements à droite)

M. Jean-François Husson .  - Ce projet de loi ne méconnaît pas le bloc de constitutionnalité. La procédure proposée est intéressante puisqu'elle résulte de négociations des partenaires sociaux.

Comme M. Savary, j'ai l'impression d'être à l'écart du débat qui concerne la majorité élastique de cette assemblée. Nous ne participerons donc pas au vote. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Il est urgent de passer à l'acte, face à la crise qui frappe notre pays. Je ne suis pas sûr que ce texte crée des emplois, mais il permettra d'en sauver. Passons à son examen plutôt que de perdre du temps ! (Exclamations sur les bancs CRC)

Mme Éliane Assassi.  - C'est la procédure normale !

A la demande du groupe CRC, la motion n°272 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue des suffrages exprimés 83
Pour l'adoption 20
Contre 144

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°273, présentée par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi.

Mme Éliane Assassi .  - Je regrette, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas écouté les arguments de M. Watrin sur l'inconstitutionnalité de ce texte. Nous avions dit la même chose à Mme Batho à propos du bonus-malus dans le domaine de l'énergie... On connaît la suite.

Il y a aujourd'hui un gouffre qui sépare les Français de la politique. Ce projet de loi marque une régression sociale sévère. Le peuple de France s'apercevra que ce texte marque une rupture historique.

Votre gouvernement rompt avec les valeurs et les combats de la gauche. Comment ne pas s'interroger quand le Wall street journal écrit que cet accord est une victoire du patronat ?

Nous ne voulons pas de cette surenchère qui va au-delà des désirs les plus fous de Nicolas Sarkozy ! Nous étions majoritairement opposés à cette politique et nous l'avons combattue au printemps dernier, ce qui n'est pas si éloigné que cela.

Mme Catherine Procaccia.  - Regardez les sondages !

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le ministre, je vous le dis sans ambages : vous vous trompez. Ce qu'il faut à notre pays, ce n'est pas un texte du Medef ; c'est un texte de véritable sécurisation de l'emploi. Certes, la mondialisation est là. Mais d'autres choix sont possibles que celui de se couler dans le moule des politiques d'austérité européennes. Il existe des leviers pour développer l'emploi, telle l'interdiction des licenciements boursiers. Mais vous n'en avez pas voulu. Résultat, un texte à contre emploi qu'il ne faudrait pas modifier pour complaire au patronat.

Ce texte nocif s'inscrit dans le mouvement aléatoire des marchés financiers. Les salariés paieront l'addition. Ils devront accepter des mobilités géographiques sans limitation kilométrique ; et s'ils refusent, ils seront licenciés pour motif économique. C'est grave. Cette disposition est contraire à la directive 98/59, à la convention 158 de l'OIT et aux préconisations des médecins du travail. La mobilité interne forcée détruira la santé au travail au nom de la culture du résultat.

Même chose pour les AME, réplique des accords compétitivité emploi du gouvernement Fillon, pour la saisine du juge administratif plutôt que du juge judicaire pour les licenciements. Autant de régressions... La compétitivité ne peut être le cadre de la réforme du travail, ce n'est pas à l'heure de la libre circulation des capitaux et de l'appétit des actionnaires qu'il faut rendre flexibles les droits des travailleurs. Le texte exauce sur tous les plans -salaire, travail, mobilité- les rêves du patronat. Quel reniement des engagements pris ! Quelle grave déception, pour tous ceux qui ont fait confiance à la gauche, de voir bafoués les droits des salariés au motif d'un soi-disant « accord historique » !

Mme Catherine Procaccia.  - C'est sûr !

Mme Éliane Assassi.  - Après dix-sept ans de déferlante libérale et de casse sociale, la gauche était attendue (mouvements divers sur les bancs socialistes) pour mettre un terme à l'incompétence et à la suffisance du Medef. Hélas ! Elle offre une main-d'oeuvre flexible, soumise et peu chère. La flexibilité, c'est maintenant ; la sécurisation, c'est pour quand ? Je m'en tiendrai à quelques exemples de fausses avancées : l'intérimaire, une fois le CDI signé, ne pourra plus travailler pour une autre agence ; la majoration des cotisations sur les CDD de très court terme ne sera pas dissuasive : 42 euros pour un contrat d'un an !

Mme Catherine Procaccia.  - C'est déjà beaucoup !

Mme Éliane Assassi.  - Veut-on rattraper l'Allemagne et ses 20 % de travailleurs pauvres ? Nous ne pouvons pas accepter un tel recul historique du droit du travail, de même que nous refusons de voir le Parlement, qui tire sa légitimité du suffrage universel, dessaisi de ses pouvoirs au nom d'un prétendu accord interprofessionnel historique. Le Conseil constitutionnel a confirmé, le 28 décembre 2011, que le législateur devait exercer pleinement les compétences qu'il tire de l'article 34 de la Constitution. Que penser de l'insistance du président de la République à transcrire rapidement ce texte ? De l'insistance du Gouvernement à voir adopter ce texte au Parlement sans modification ? Là encore, le Conseil constitutionnel a rappelé les principes et les rôles respectifs du Parlement et des partenaires sociaux dans sa décision du 9 décembre 2004.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au Sénat d'adopter cette motion (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Michelle Meunier .  - Ce texte ne répondrait pas à l'urgence économique et sociale... Avant de répondre à cette objection, je veux rappeler que le Gouvernement a engagé, dès l'été dernier, la bataille pour l'emploi en s'appuyant sur le dialogue social, dont ce texte témoigne, et sur de nouveaux outils tels les contrats de génération, les emplois d'avenir ou encore la banque publique d'investissement.

Alors, ce texte s'attaque-t-il aux droits des salariés ? C'est un compromis, nous le savons. Il n'empêche qu'il donne de nouveaux droits et qu'il est au service du maintien et de la création d'emplois : il unifie les dispositifs de temps partiel, améliore les procédures de licenciements collectifs, la sécurisation des parcours professionnels et l'efficacité des procédures de reclassement, confie un rôle accru aux services du ministère du travail. Demain, un chef d'entreprise devra obtenir soit l'accord majoritaire des salariés pour lancer un plan de licenciement collectif, soit l'homologation de l'administration. On ne peut pas soutenir que ce projet de loi facilite les licenciements.

Pourquoi faire échouer un texte de démocratie sociale qui renforcera le dialogue social ainsi que le rôle et les modes d'intervention des salariés et de leurs représentants au sein des entreprises ?

L'accord national interprofessionnel est globalement équilibré, juste et nécessaire. Ce texte, loin d'en être un simple copier-coller, a été précisé par le Gouvernement, l'Assemblée nationale et nos commissions.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 18 avril 2013

Séance publique

A 9 heures 30

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports

2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi (n°489, 2012-2013)

Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°501, 2012-2013)

Texte de la commission (n°502, 2012-2013)

Avis de M. Gaëtan Gorce, fait au nom de la commission des lois (n°494, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45

3. Questions cribles thématiques sur la situation des hôpitaux

A 16 heures et le soir

4. Suite de l'ordre du jour du matin

On peut toujours vouloir aller plus loin, plus vite, vouloir que l'État fasse tout. Nous pensons, nous, que le texte apporte des améliorations concrètes pour les salariés, dès aujourd'hui. Il est une première étape, une première garantie, une première porte ouverte sur des avancées futures. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Claude Jeannerot, rapporteur .  - Ce texte a pour finalité absolue de lutter pour l'emploi : à court terme avec la refonte du temps partiel ou les accords de maintien de l'emploi ; à moyen terme avec la création d'un compte personnel de formation professionnelle. L'avis de la commission est défavorable.

M. Michel Sapin, ministre .  - Même avis.

Mme Isabelle Pasquet .  - Cette motion s'inscrit dans une continuité. Nous étions tous mobilisés à gauche contre la réforme Fillon, le contrat « première embauche », l'article 40 de la loi Warsmann, la rupture conventionnelle qu'a obtenue en 2008 le patronat, obsédé depuis toujours par l'idée d'un licenciement sans motif qui le soustrairait à ses obligations financières. 250 000 contrats de travail sont ainsi rompus aujourd'hui aux dépens des salariés. Et ce texte limite les délais de recours devant les prud'hommes... Ce que veut le patronat, c'est baisser le coût du travail, accroître la rentabilité, satisfaire les caprices démesurés des actionnaires, remplacer enfin la subordination juridique par la « soumission librement consentie », chère à Mme Parisot.

En votant cette motion, vous avez l'occasion de dire non, de renforcer les droits des salariés. Donnez corps au discours de François Hollande contre la financiarisation de l'économie en votant cette motion. La solidarité avec le Gouvernement est respectable mais c'est de la solidarité avec le peuple en lutte, avec les Conti et les Fralib, avec les salariés de Mittal, avec ceux d'Alcatel, de Lipton, de PSA ou de Pétroplus qu'il s'agit ici ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Je serai bref. Les auteurs de la motion s'opposent à la modification des règles protectrices des salariés. Est-ce à dire qu'ils sont contre l'extension de la complémentaire santé, contre le compte personnel de formation individuelle, contre les droits rechargeables à l'assurance chômage ?

Ils ne veulent pas faciliter le licenciement des salariés quand ce texte permet d'anticiper les difficultés pour éviter les licenciements dans un effort partagé. Parce qu'il s'agit d'abord d'un problème interne à la majorité, le groupe UMP ne participera pas au vote.

A la demande du groupe CRC, la motion n°273 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue des suffrages exprimés 83
Pour l'adoption 20
Contre 144

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 18 avril 2013, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit quinze.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 18 avril 2013

Séance publique

A 9 heures 30

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports

2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi (n°489, 2012-2013)

Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°501, 2012-2013)

Texte de la commission (n°502, 2012-2013)

Avis de M. Gaëtan Gorce, fait au nom de la commission des lois (n°494, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45

3. Questions cribles thématiques sur la situation des hôpitaux

A 16 heures et le soir

4. Suite de l'ordre du jour du matin