Stages (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Notre assemblée avait adopté le 14 mai dernier, après de longs débats, la proposition de loi de Mme Khirouni. Nous l'avons enrichie pour lutter contre la précarité des stagiaires, responsabiliser les établissements d'enseignement et tenir compte de la spécificité des maisons familiales rurales, auxquelles tous les groupes politiques sont attachés. Nous avions relevé la gratification minimale des stages de 12,5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale, soit de 436 à 523 euros, et l'avons rendue obligatoire pour tous les stages de l'enseignement supérieur d'une durée de plus d'un mois, contre deux. Enfin, sur proposition des groupes CRC et RDSE, nous avions étendu à tous les stagiaires l'accès à la restauration collective de l'organisme d'accueil et aux titres-restaurant ainsi qu'à la prise en charge des frais de transport.

Afin que les établissements d'enseignement s'impliquent davantage dans le suivi de leurs étudiants, la commission des affaires sociales avait confié à leur conseil d'administration le soin de fixer le nombre maximal de stagiaires par enseignant référent et les modalités de leur suivi. Le Sénat avait précisé qu'il s'agira d'un suivi pédagogique et administratif constant, et qu'un décret déterminerait un plafond de stagiaires par enseignant référent. Sur proposition du groupe UMP, un lien direct entre l'enseignant référent et le tuteur du stagiaire avait été établi. Enfin, sur proposition commune de l'UMP, de l'UDI et du RDSE, les stagiaires embauchés ensuite en CDI dans le même organisme devaient être comptabilisés au même titre que des jeunes en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation pour le calcul du bonus-malus apprentissage.

Ce récapitulatif montre que nos désaccords avec l'Assemblée nationale étaient mineurs. Le texte final est moins ambitieux que je ne l'aurais voulu, reste qu'il est l'aboutissement d'un long mouvement que j'avais engagé avec une proposition de loi déposée il y a sept ans et qui avait eu moins de succès.

La CMP a retenu la hausse de la gratification minimale tout en ramenant à deux mois la durée de stage imposant une gratification. Elle a également supprimé l'article imposant aux établissements de proposer un stage aux étudiants qui n'en ont pas trouvé et celui sur la prise en compte du stage dans le calcul du bonus-malus apprentissage.

J'invite le Sénat à adopter les conclusions de la CMP, ce texte est très attendu par les jeunes. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Ce texte, j'en suis persuadée, fera date. Le stage ne doit être ni un emploi, ni un test de pré-embauche - il existe une période probatoire pour cela. Souvent, le suivi des stagiaires était très léger. Pour toutes ces raisons, il fallait redéfinir le stage comme une période de formation professionnalisante, distincte également de l'alternance, même si l'objectif est le même : l'insertion du jeune dans l'entreprise.

M. Hamon, ministre de l'éducation nationale, M. Rebsamen, ministre du travail et moi-même saluons l'adoption de ce texte qui concrétise un engagement du président de la République. Un texte de coresponsabilité, qui renforce la lutte contre les abus, lesquels donnaient aux jeunes une mauvaise image du monde du travail.

Coresponsabilité grâce à la convention de stage, à la fixation du nombre de stagiaires par enseignant référent. Des aménagements sont prévus pour les entreprises de moins de 30 salariés. Le stagiaire connaîtra ses droits et devoirs ; le texte constitue en somme un volet du pacte de responsabilité.

Il y avait eu quatre textes en six ans, tandis que le nombre de stagiaires passait de 600 000 à 1,2 million. Il fallait simplifier car l'intention du législateur avait été dévoyée par des décrets contradictoires entre eux et parfois même aux lois qu'ils mettaient en application, et celles-ci faisaient référence à deux codes différents.

La CMP a retenu la fixation d'un nombre maximal de stagiaires par enseignant référent, le double suivi pédagogique par le tuteur et l'enseignant référent, et le renforcement du contrôle qui appartient à l'inspection du travail, le droit au congé maternité pour les stagiaires - nous avons bien besoin de maintenir notre fort taux de natalité en ces temps difficiles. La CMP a aussi aligné le temps de travail du stagiaire sur celui des salariés et accordé aux premiers le droit de restauration collective : les stagiaires, eux aussi, ont droit à ces moments de convivialité que sont les repas, cela fait partie de la vie en entreprise.

Le Gouvernement se réjouit des avancées confirmées en CMP. La hausse de la gratification minimale représente un message de confiance envers la jeunesse, mais aussi envers les entreprises et structures d'accueil.

Nous avons prévu un fonds afin de lisser les difficultés que cela pourrait entraîner pour certaines structures et des mesures spécifiques pour les maisons familiales rurales, un peu oubliées à l'Assemblée nationale, mais défendues avec flamme au Sénat ; je vous proposerai un amendement les concernant.

Le Gouvernement souhaite l'adoption définitive de ce texte dans les meilleurs délais. Merci de la qualité de vos débats, du signal fort adressé à notre jeunesse et, donc, de la confiance que vous exprimez en l'avenir de notre pays. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Bravo !

M. Gilbert Barbier .  - En ces temps difficiles, ce texte s'attache à lutter contre les abus du recours aux stages. Le texte adopté au Sénat a apaisé nos inquiétudes, en particulier sur les maisons familiales rurales.

Nous resterons vigilants sur le nombre maximal de stages par tuteur ; cela pourrait poser problème dans les petites structures. Je me réjouis que la CMP ait retenu l'alignement du temps de travail des stagiaires sur celui des salariés et le bénéfice des tickets-restaurant : ce n'est pas anodin pour les stages brefs n'ouvrant pas droit à une gratification.

En revanche, je déplore l'absence de dérogation à la règle des six mois pour certaines formations, l'abandon de la prise en compte du stagiaire embauché en CDI, pour l'exonération de la contribution supplémentaire à l'apprentissage, celle de la variation de la gratification selon le niveau d'études.

En dépit de ces réserves, le groupe RDSE sera unanime pour voter ce texte équilibré. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Jean Desessard .  - Les stages doivent rester un temps de formation et s'inscrire dans un cadre unique ; voilà les deux principes de ce texte.

Le stage est bénéfique à l'étudiant ; grâce à lui, il peut révéler de nouvelles facettes de sa personnalité. Le stage est aussi bénéfique à l'entreprise, qui ainsi transmet ses savoirs et joue un rôle citoyen. Toute la question est de lutter contre les abus : certains peuvent être tentés de recourir aux stagiaires plutôt que de recruter.

Ce texte a fait le choix d'un cadre unique, et c'est tant mieux, plutôt que de prévoir des mesures par secteur.

Parmi les progrès apportés, citons la hausse de la gratification obligatoire, la limitation du stage à six mois, le suivi renforcé des stagiaires. Le Sénat avait voté un texte plus ambitieux, la CMP a repoussé l'augmentation de la gratification au 1er janvier 2015 et limité aux stages de deux mois la gratification obligatoire.

Nous regrettons ces reculs. Toutefois, le groupe écologiste votera ce texte, tout en étant conscient que les abus subsisteront tant que les jeunes peineront à trouver des débouchés professionnels à l'issue de leurs études. Nous en reparlerons bientôt ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Deroche .  - Ce texte, fortement dissuasif, risque de restreindre l'offre de stages. Cela est d'autant plus dommage que le cadre juridique, déjà très protecteur, est largement appliqué par les entreprises.

Je me félicite de certaines avancées, comme l'assurance pour le stagiaire d'avoir un interlocuteur pendant les vacances universitaires, et son droit d'être informé sur ses droits quand il effectue un stage à l'étranger.

En revanche, je regrette la suppression de l'obligation faite aux établissements de mettre leurs étudiants en relation avec les employeurs lorsqu'un stage est obligatoire dans leur cursus, ainsi que celle de l'article 8 sur le calcul du bonus-malus apprentissage. Cette dernière mesure aurait été fortement incitative. Malheureusement, le rejet de cet article en CMP nous a empêchés de présenter des propositions de rédaction. Madame la ministre, êtes-vous prête à une prise en compte partielle ?

Nous devons voter une loi alors que des décrets détermineront des points aussi importants que la durée maximale du stage ou celle du pourcentage de stagiaires par structure. L'exercice du pouvoir réglementaire sera particulièrement difficile. Les entreprises sont inquiètes.

Le groupe UMP maintiendra donc sa position : il votera contre la proposition de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Férat .  - L'examen tronçonné de ce texte, faux parcours du combattant, n'envoie pas un signal de bon augure à la jeunesse. Je laisserai cela de côté pour souligner d'abord les aspects positifs de ce texte, car il y en a.

Certaines rigidités du texte ont heureusement disparu. L'inspection du travail, dont ce n'est pas le rôle, ne pourra pas sanctionner le non-respect des stipulations pédagogiques des conventions. Les règles de présence horaire, le quota de stagiaires ont été assouplis notamment pour ne pas nuire aux PME ; les recteurs pourront d'ailleurs accorder des dérogations.

Quant à la gratification minimale, nous ne sommes pas hostiles à sa revalorisation, mais son extension aux stages de découverte d'un mois eût été excessive. Nous avons été entendus sur l'enseignement agricole et les maisons familiales rurales : le Gouvernement a accepté de ramener à trois mois la gratification minimale obligatoire pour les stages dans le secondaire, la CMP l'a étendue aux stages dans le supérieur.

Restent des divergences sur le calcul du bonus-malus apprentissage. Plus fondamentalement, l'esprit du texte n'a pas changé. M. Jean-Léonce Dupont l'a dit en première lecture : le mieux est parfois l'ennemi du bien. Ma famille politique a toujours défendu les stagiaires mais déplore que l'on resserre l'étau des entreprises avec la fixation d'un nombre maximal de stagiaires, entre autres. Où est le choc de simplification ?

En première lecture, le groupe UDI-UC a voté contre. Cette fois, ayant été entendue sur les maisons familiales rurales et satisfaite de l'amendement que présentera le Gouvernement, je m'abstiendrai. (Applaudissements sur les bancs des commissions)

Mme Laurence Cohen .  - Le hasard veut que nous examinions les conclusions de la CMP au moment où un sondage révèle que 68,3 % des étudiants considèrent que l'université prépare mal à l'entreprise.

Le groupe CRC a voulu améliorer le statut des stagiaires avec un amendement étendant à ces étudiants le bénéfice de l'accès aux titres-restaurant, à la restauration collective et à la prise en charge des frais de transport. À l'initiative de notre rapporteur, nous avons augmenté la gratification minimale du stage et prévu qu'elle serait obligatoire dès un mois. Ce n'est que justice quand, comme le dit un militant de Génération précaire, les stages sont des « emplois ultraprécaires subventionnés par les parents ».

Malheureusement, nous avons déchanté devant les reculs survenus en CMP. Il est regrettable qu'un gouvernement de gauche les ait acceptés. Après mûre réflexion, le groupe CRC a cependant décidé de voter ce texte qui, sans être la fin de l'histoire en la matière, apporte quelques avancées que nous ne devons pas prendre le risque de perdre. Merci à M. Godefroy de son attitude constructive, il est pour beaucoup dans notre position positive. (Applaudissements sur les bancs CRC et des commissions)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 60, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les trois premiers alinéas de l'article L. 124-6 du code de l'éducation, dans leur rédaction issue de la présente loi, sont applicables aux conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Le report de la possibilité de dérogation au 1er septembre 2015 est extrêmement pénalisant pour les maisons familiales rurales. Cela a échappé à la CMP.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.  - À titre personnel puisque la commission ne s'est pas prononcée sur cet amendement, je formulerai un avis très favorable. Cela avait effectivement échappé à la CMP.

Mme Laurence Cohen.  - Nous suivons le rapporteur, même si nous aurions aimé une application plus rapide. Consolidons les acquis de ce texte.

L'amendement n°1 est adopté.

Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.  - Merci à Mme la ministre de son écoute. Bel exemple de coproduction législative ! Mes remerciements vont aussi à la présidente de la commission des affaires sociales, à tous ceux qui ont participé aux débats et à la députée, Mme Khirouni.

M. Jean Desessard.  - Et nous, c'est le rapporteur que nous remercions !

La séance, suspendue à 10 h 30, reprend à 10 h 35.