Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Loi de finances rectificative pour 2014

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances

M. Philippe Marini, président de la commission des finances

M. André Gattolin

M. Aymeri de Montesquiou

M. Éric Bocquet

M. Yvon Collin

M. Francis Delattre

M. Jean Germain

M. Éric Doligé

M. Vincent Delahaye

Mme Nicole Bricq

M. François Fortassin

M. Philippe Dominati

M. Richard Yung

M. Dominique de Legge

M. Michel Berson

M. Serge Dassault

M. Christian Eckert, secrétaire d'État

Candidatures à une éventuelle CMP

CMP (Demande de constitution et nominations)

Loi de finances rectificative pour 2014 (Suite)

Nominations à une éventuelle CMP

Discussion des articles

ARTICLE LIMINAIRE

M. Gaëtan Gorce

ARTICLE PREMIER

ARTICLES ADDITIONNELS

Ordre du jour du mardi 8 juillet 2014

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du lundi 7 juillet 2014

5e séance de la session extraordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Claude Carle, vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Jean-François Humbert.

La séance est ouverte à 16 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site Internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Loi de finances rectificative pour 2014

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2014.

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Depuis 2012, toutes les lois de finances ont eu trois objets : assainir les finances publiques, rétablir la progressivité de l'impôt, mobiliser la fiscalité au service de l'emploi. Ce projet de loi de finances rectificative ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne dérogent pas à cette règle. Ces deux textes déclinent les premiers éléments du pacte de responsabilité et de solidarité.

Le déficit public est passé de 5,2 % en 2011 à 4,3 % en 2013. Notre politique porte ses fruits. Il ne faut pas perdre de vue l'objectif d'assurer la soutenabilité à long terme de nos services publics et de notre modèle social. Les efforts demandés aux Français paient.

Hors investissements d'avenir, le déficit s'établira à 71,9 milliards d'euros en 2014, soit 2,9 milliards de moins que l'exécution 2013 - 3,8% du PIB. Le déficit structurel est fixé à 2,5 %, soit son niveau le plus bas depuis 2001.

Conformément au programme de stabilité, 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires seront réalisés en 2014, première réponse à la procédure de correction des écarts constatés suite au projet de loi de règlement pour 2013. Nous aurions pu attendre le projet de loi de finances pour 2015, comme la loi organique du 17 décembre 2012 nous y autorise. Nous avons choisi au contraire de corriger les écarts immédiatement. Toutes les administrations sont concernées sauf les collectivités territoriales, qui prendront leur part des économies dans les trois ans à venir. Il faut noter également 1,6 milliard d'annulations de crédit sur le budget de l'État et 1,1 milliard sur les régimes obligatoires de base, dont le gel des retraites supérieures à 1 200 euros par mois.

Un autre ensemble d'économies ne nécessite pas de traduction législative, consistant en de moindres dépenses du Fonds d'action sociale et de l'Unedic, 900 millions d'euros au total. Les décaissements relatifs au Programme des investissements d'avenir (PIA) sont inférieurs de 400 millions d'euros aux prévisions. Le Commissariat général à l'investissement (CGI) prend le temps nécessaire à la sélection des projets : c'est de bonne gestion.

À cela s'ajoutent les annulations de 1,6 milliard de crédits frais, dont 1 milliard au-delà de la réserve de précaution : c'est peut-être sans précédent dans notre pays. En mars 2012, les annulations n'étaient que de 1,2 milliard, et ne portaient que sur des crédits gelés. Les annulations décidées dans ce projet de loi de finances rectificative maintiennent la réserve de précaution à un niveau élevé, à 6,8 milliards, ce qui garantit une bonne exécution en fin d'année.

Le texte anticipe en outre une charge de la dette inférieure de 1,8 milliard aux prévisions, en raison de taux plus bas qu'attendu : c'est le signe de la confiance que nous font les investisseurs. Cette économie n'est toutefois pas forcément pérenne...

M. Philippe Dallier.  - C'est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Nous nous contentons de constater une moindre dépense sans en tirer de conséquences pour l'avenir.

Le projet de loi révise à la baisse les recettes fiscales nettes de l'État de 5,3 milliards d'euros. L'effet base - les moindres recettes constatées fin 2013 - vient minorer la prévision pour 2014 de 4 milliards d'euros tandis qu'est revue en baisse de 2 milliards la croissance spontanée des recettes fiscales. Il faut faire preuve d'une certaine humilité quand on parle de prévisions, l'exercice est difficile. Nous veillerons à affiner les estimations jusqu'au dépôt du projet de loi de finances pour 2015 puis du collectif de fin d'année.

Au total, le solde de l'État est revu à la baisse de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.

Les mesures adoptées dans toutes les lois de finances depuis le début de la législature ont permis de rétablir la progressivité de l'impôt. Nous avons rétabli l'ISF, vidé de sa substance par la funeste loi de 2011 ; rétabli les droits de succession et de donation exagérément abaissés par la loi Tepa ; porté à 45 % la dernière tranche de l'impôt sur le revenu ; abaissé le plafond du quotient familial ; limité les effets pervers du gel du barème... Pour que personne n'échappe aux efforts, nous avons également renforcé les moyens de la lutte contre la fraude fiscale. L'impôt est payé par tous : nous en répartissons plus équitablement la charge. Les augmentations d'impôt ont servi à renforcer la progressivité. Les plus aisés paient davantage, les plus modestes moins. L'allègement fiscal de 1,1 milliard ajouté à l'allégement de cotisation salariale de 2,5 milliards : c'est un gain de 500 euros pour les salariés au smic.

Le Gouvernement s'est enfin fixé comme priorité le retour à l'emploi des chômeurs. Le coût du travail sera allégé de 30 milliards sur la durée de la législature, 20 milliards au titre du CICE, qui profite à toutes les entreprises ; 10 milliards au titre des allégements de cotisations sociales patronales. Seules sont dans ce texte les mesures qui entreront en vigueur en 2015. La C3S sera supprimée progressivement - nous en parlerons la semaine prochaine. Nous avons donc de beaux débats devant nous. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Le projet de loi de finances rectificative constitue, avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, la première traduction législative du pacte de responsabilité et de solidarité... Ces deux textes ne comprennent pas toutes les mesures du pacte, mais dessinent une perspective ; les acteurs économiques ont besoin de lisibilité, surtout en période de crise. Avec le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, le coût du travail sera allégé de 30 milliards en 2017.

La baisse des impôts assis sur les facteurs de production est privilégiée. Ainsi, de la C3S, supprimée progressivement, de la surtaxe exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, dont la disparition est actée pour 2016, de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés à 28 % d'ici 2020, avec une première étape en 2017. Des mesures de solidarité sont prises en faveur des ménages modestes, à hauteur de plus de 6 milliards.

Les prévisions de recettes fiscales nettes pour 2014 sont revues à la baisse pour 5,3 milliards, à cause d'un moindre rendement de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, et s'établissent à 279 milliards.

S'agissant des dépenses de l'État, des annulations de crédits sont prévues à hauteur de 1,6 milliard d'euros sur le périmètre « zéro valeur » ; les dépenses totales relevant du périmètre « zéro volume » seraient, elles, inférieures de 3,4 milliards d'euros à la prévision initiale en raison de la révision à la baisse de la charge de la dette - moins 1,8 milliard d'euros. Le niveau des taux témoigne de la crédibilité de notre politique. Le spread avec l'Allemagne est aujourd'hui de 40 points de base.

Seules les dépenses pleinement maîtrisables sont concernées par les annulations, qui n'amputent pas la réserve de précaution, nécessaire notamment pour anticiper d'éventuels contentieux agricoles avec l'Union européenne.

Au total, le déficit de l'État s'établit à 83,9 milliards, investissements d'avenir compris, en baisse de 1,4 milliard par rapport à la loi de finances initiale et de 3 milliards par rapport à l'exécution 2013.

Le présent projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale poursuivent l'effort de consolidation des comptes publics. Celui-ci a été considérable mais, compte tenu de la morosité économique, n'a pas produit tous les effets escomptés. D'où le déclenchement du mécanisme de correction budgétaire, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ayant relevé dans son avis du 23 mai un écart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation.

L'Assemblée nationale a modifié l'article liminaire pour dégrader la prévision de solde conjoncturel et améliorer celle de solde structurel, ce qui revient à modifier la croissance potentielle et à nous rapprocher du retour à l'équilibre structurel. La permanence des méthodes et des hypothèses utilisées pour le calcul du solde structurel est pourtant indispensable ; c'est bien pourquoi nous avons défini une trajectoire de PIB potentiel dans la loi de programmation des finances publiques - trajectoire retenue par le Haut Conseil des finances publiques. A défaut, la crédibilité de la France pourrait être atteinte. Ne donnons pas le sentiment que la France s'arroge le droit de modifier les règles à sa guise.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Tout à fait !

M. François Marc, rapporteur général.  - C'est la raison pour laquelle la commission des finances, de manière assez unanime, a adopté un amendement pour revenir au texte initial.

Je veux évoquer deux articles importants pour la vie de nos territoires : le mécanisme retenu en remplacement de l'écotaxe, équilibré, et le maintien du dispositif de la proposition de loi Mézard relatif à la taxe locale sur la consommation d'électricité.

La poursuite du redressement de nos finances publiques est impérative ; 21 milliards d'économies devront être réalisés en 2015. Cet effort est inédit, et repose sur des réformes pérennes. Nous devons faire preuve de courage, de cohésion et de constance. Nous n'y parviendrons pas seulement en réduisant le train de vie de l'État mais en menant une révision profonde de la mise en oeuvre des politiques publiques, la modernisation de nos services publics, la simplification des normes et des procédures tout en assurant une plus grande équité. La méthode sera déterminante : transparence sur les objectifs, concertation sur les moyens et fermeté dans la mise en oeuvre.

Cette politique doit avoir deux piliers : l'investissement et la lutte contre les inégalités. Les politiques d'ajustement ont des conséquences négatives dans toute l'Europe ; cette préoccupation doit être prise en compte, ce qui suppose des politiques redistributives efficaces ; ce qui exige que les dépenses d'investissement ou d'avenir ne soient pas sacrifiées sur l'autel de la contrainte budgétaire.

Les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales doivent conjuguer ces deux dimensions : préserver l'investissement, renforcer la péréquation.

Le CICE et les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité, la BPI, la lisibilité donnée par le Gouvernement sur l'évolution des prélèvements obligatoires ont vocation à dynamiser l'investissement.

Je salue la convergence de vues entre le Gouvernement français et le président du Conseil italien M. Renzi sur le rythme des ajustements au sein de l'UE, comme sur la politique monétaire commune. Assouplissement des conditions d'application du pacte de stabilité, création d'une capacité budgétaire propre au sein de la zone euro, mise en place d'un salaire minimum différencié, mutualisation d'une partie des dettes pour financer infrastructures et développement du numérique... Les sujets ne manquent pas.

M. Gaëtan Gorce.  - Qu'attend-on pour agir ?

M. François Marc, rapporteur général.  - Une meilleure coordination des politiques budgétaires nationales est nécessaire. L'ajustement conduit par l'Allemagne pose question, dont l'excédent commercial est jugé « excessif » par la Commission européenne ; elle n'en continue pas moins de pratiquer la modération salariale et équilibre son budget au détriment, pour partie, de ses dépenses d'investissement public. Cet ajustement déprime la demande, réduit la capacité de la plupart des autres pays de la zone euro à rattraper leur déficit de compétitivité et accroît les risques de déflation.

M. Gaëtan Gorce.  - Quelles conséquences en tire-t-on ?

M. François Marc, rapporteur général.  - Si ces questions méritent d'être débattues, elles ne justifient pas que nous ne tenions pas nos engagements ni que nous renoncions aux réformes susceptibles d'alléger la charge des générations futures et de dégager des marges de manoeuvre.

La commission des finances a décidé de demander au Sénat l'adoption de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs socialistes) 

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - Je commencerai par un paradoxe : vous nous présentez ce texte comme un jalon sur le chemin du retour à l'équilibre des comptes publics. À bien y regarder, ce chemin est de moins en moins ambitieux et de plus en plus sinueux...

Nos ambitions sont sans cesse révisées à la baisse : les recettes baissent de 4,8 milliards, les dépenses de 3,4 milliards, le solde se dégrade...

Deuxième constat : l'objectif de solde des administrations publiques était de -3,6 % ; il est désormais de -3,8 %.

Vous annoncez 4 milliards d'économies supplémentaires : elles compensent en fait des dépenses plus dynamiques que prévu. L'objectif d'effort structurel était fixé en loi de finances initiale à 0,9 point de PIB ; il n'est plus que de 0,8 point. C'est encore une ambition réduite. Et ces économies ne corrigent pas intégralement l'écart de trajectoire relevé par le HCFP.

Quatrième exemple : l'effort se relâche après 2014, puisqu'il n'est plus question de revenir en 2017 à l'équilibre effectif, mais seulement à l'équilibre structurel.

Dernier exemple : la loi de programmation a fixé il y a moins de deux ans pour 2014 un objectif d'endettement de 90,5 % de PIB. C'était certes un gouvernement différent, celui de M. Ayrault, mais vous étiez rapporteur général, monsieur le ministre. Cet objectif a été revu à la hausse à trois reprises, jusqu'à 95,6 % en avril dernier.

On nous dit que l'austérité est insupportable ; ce que je vois, ce sont des objectifs qui se dégradent, celui de l'endettement au premier chef.

Le chemin est également flou. Nous aimerions connaître, outre les objectifs de solde, les mesures susceptibles d'être prises en dépenses et en recettes, année par année. Cela sonne comme une évidence, mais ne figure pas dans le collectif, ni même au programme du débat d'orientation des finances publiques à venir... Le Gouvernement répète qu'avec 50 milliards d'économies et 25 milliards d'allègement des prélèvements obligatoires, l'effort de réduction du déficit sera de 25 milliards d'ici 2017. Atteindrons-nous ainsi les objectifs prévus ? Nul ne le sait...

Je laisserai aux membres de mon groupe le soin de disséquer ce texte et n'exprimerai que mes doutes profonds sur la gouvernance des finances publiques.

Nos débats financiers sont trop fractionnés. Chacun sait qu'entre lois de finances et de financement de la sécurité sociale, il existe une tuyauterie d'une incroyable complexité à l'origine d'une totale illisibilité politique. La seule bonne solution réside dans la proposition de la commission Camdessus de 2010 : fusionner les volets « recettes » de ces deux textes. Le HCFP ne s'y est pas trompé : ses avis sont globaux.

Deuxième problème : le recours à des règles exprimées en solde structurel, à des notions abstraites telles que le PIB potentiel. Raisonner ainsi peut certes produire le meilleur - contraindre les décideurs à prendre leurs responsabilités et à expliquer leurs choix - mais aussi le pire, en désincarnant la politique budgétaire. Le Gouvernement a ainsi annoncé des mesures d'économies supplémentaires pour compenser le dérapage constaté, sans préciser lesquelles. On nous demande d'avoir la foi ; on crée un rideau de fumée. Certes, les gouvernements ont toujours cherché à embellir la mariée, à paraître économe. Ainsi, de certains crédits des PIA à destination de la défense. En réalité, l'usage excessif de la notion de « tendanciel » masque les réalités et dispense de documenter les économies annoncées. Le Gouvernement, raisonnant à partir de tendances d'évolution, peut annoncer des réductions de dépenses supérieures à la réalité si les tendances ne sont pas observées... Le changement de thermomètre ne saurait avoir d'effet sur la température. Le résultat ne peut être que de miner la confiance de nos concitoyens. Le consentement à l'impôt ne peut qu'être affaibli si le débat démocratique est dévoyé.

Redéfinissons nos règles de procédures ; rendons nos débats budgétaires plus concrets  de manière à mieux y associer nos concitoyens.

Notre commission a rejeté les articles premier et second. Cela ne préjuge en rien de la suite des débats. (Applaudissements à droite)

M. André Gattolin .  - Les gouvernements précédents avaient tant usé des projets de loi de finances rectificative que nous nous sommes étonnés l'an passé de n'en avoir pas examiné...

Ce texte constitue la traduction législative du pacte de responsabilité, tardivement assorti de la solidarité. S'il marque une inflexion de la politique, c'est plus en vitesse qu'en direction. Il a vocation à amplifier le CICE ; les écologistes ayant toujours critiqué ce dispositif, nous ne pouvons accueillir favorablement cette décision. Nous ne considérons pas que toutes les entreprises doivent être aidées, exposées ou protégées, en difficulté ou bien portantes, économes en ressources ou très polluantes, a fortiori quand les aides sont financées par des coupes dans les budgets publics.

Nous ne nous reconnaissons pas non plus dans le postulat selon lequel l'offre crée la demande. Si l'objectif reste l'emploi, pouvez-vous nous fournir les éléments concrets justifiant le prolongement du dispositif par le pacte de responsabilité et de solidarité ?

Mme Rabault a révélé que le Gouvernement gardait par-devers lui une simulation des effets des mesures de soutien aux entreprises : elles devraient générer 190 000 emplois et 0,6 point de croissance à l'horizon 2017, tandis que les 50 milliards d'économies annoncés devraient conduire à la suppression de 250 000 emplois et une baisse de la croissance de 1,4 point.

Ne faut-il donc pas rendre les aides aux entreprises plus efficaces, en les concentrant sur les PME et les secteurs exportateurs ?

La baisse de l'impôt sur le revenu d'un milliard d'euros environ pour les ménages les plus modestes - soit de 350 à 750 euros par couple - conjuguée à la baisse des cotisations salariales dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, représente une inflexion positive ; elle n'est toutefois financée que pour cette année, par les pénalités pour fraude fiscale. Il faudra trouver des recettes pérennes.

Le nouveau dispositif qui a remplacé l'écotaxe, baptisé « péage transit poids lourds » (PTPL), portera sur un réseau routier quatre fois moins grand. Sans m'appesantir sur la nasse où était tombée cette mesure, je regrette que le Gouvernement n'ait pas retenu la franchise au premier kilomètre proposée par la mission parlementaire. Où trouver les 650 millions d'euros manquants pour financer les infrastructures?

M. François Marc, rapporteur général.  - Nous les avons trouvés !

M. André Gattolin.  - Ce projet de loi de finances rectificative tient aussi compte du début de l'exécution. Bonne nouvelle, d'abord : la baisse d'1,8 milliard d'euros de la charge de la dette, en raison de la politique de baisse des taux menée par la BCE - et de la tendance européenne à la déflation... Mais ne boudons pas notre plaisir !

Quant aux prévisions de croissance, qui correspondaient en loi de finances initiale au consensus des économistes, elles sont maintenues alors que l'Insee ne table plus que sur 0,7 %. Le Gouvernement ne veut pas admettre les efforts récessifs de la baisse des déficits... Les 4 milliards d'économies viennent-ils s'ajouter aux 50 milliards déjà annoncés ? Les objectifs fixés par le Gouvernement ne sont pas raisonnables. Où trouver les 21 milliards prévus pour l'an prochain ? La divergence permanente entre les annonces et l'exécution s'apparente à de la cavalerie. La Cour des comptes l'a mis en évidence sur le budget de la défense...

Mme Nathalie Goulet.  - Hélas !

M. André Gattolin.  - ... amputé de 400 millions d'euros pour abonder le PIA, lequel s'élèvera donc à 1,1 milliard d'euros et non à 1,5 milliard comme annoncé en loi de finances initiale. Il en résultera, ajoute-t-elle, des difficultés budgétaires pour la direction des applications militaires du CEA. D'où le transfert, que vous avez décidé en urgence, via ce projet de loi de finances rectificative, de 250 millions d'euros de crédits non consommés du PIA pour financer la recherche nucléaire du CEA... Pourquoi un écologiste s'intéresse-t-il à ce point au budget de la défense ? Parce que pour 220 millions d'entre eux, ils étaient pris sur des programmes destinés à « l'innovation pour la transition énergétique », ainsi qu'à la ville et aux territoires durables. Non seulement les investissements dits d'avenir servent à débudgétiser des dépenses auxquelles on ne fait plus face, non seulement les crédits extrabudgétaires promis à la défense n'arrivent pas, mais en plus cet épisode révèle que des centaines de millions d'euros dédiés à l'écologie au sein du PIA ne sont pas utilisés...

M. Jean-Vincent Placé.  - Eh oui !

M. André Gattolin.  - N'y a-t-il aucun besoin d'investissement d'avenir dans ce domaine ? Ce transfert douteux illustre le faible attachement du Gouvernement à la transition écologique, sacrifiée au nucléaire militaire.

Nous défendrons un amendement visant à rétablir l'ambition écologique de la majorité. Nous serons extrêmement attentifs aux réponses du Gouvernement.

Mme Catherine Procaccia.  - Des menaces ?

M. André Gattolin.  - Vous l'aurez compris, les écologistes ne sont pas convaincus. Nous réservons en conséquence notre position sur ce collectif. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Je l'ai souvent répété depuis le début de ce quinquennat : l'héritage reçu en mai 2012 était lourd, dû en grande partie à la crise de 2008 que vous reconnaissez enfin. En mai 2014, cet héritage a dramatiquement fructifié : chômage massif, dette inédite, chute des permis de construire, dérapage de la trajectoire budgétaire, le déficit public s'établissant à 3,8 % du PIB au lieu des 3,6 % prévus, le mécanisme de correction est enclenché.

Où sont la cohérence, la continuité revendiquées ? Le Gouvernement avait augmenté les impôts de 15 à 17 milliards d'euros, s'adonnant à une taxation compulsive ; une stratégie dont la Cour des comptes a souligné les limites, et qui a fait fondre l'assiette des impôts : 8 milliards d'euros de recettes en moins en 2013, 7,8 milliards d'euros, voire plus en 2014. Faut-il encore rappeler que trop d'impôt tue l'impôt ?

Le Gouvernement Valls exclut du paiement de l'impôt 1,7 million de foyers fiscaux que son prédécesseur y avait réintroduit. Avec ce texte, on ne fait qu'appliquer un pansement, non financé pour l'avenir, ce que fait apparaître clairement le rapport de Mme Rabault à l'Assemblée nationale. Vous comprenez enfin que ce sont les entreprises qui créent les emplois. Mais quel sort réservez-vous aux conclusions des quatre groupes de travail des Assises de la fiscalité pertinemment créées par Jean-Marc Ayrault ? Nulle trace dans ce projet de loi !

M. François Marc, rapporteur général.  - Mais si !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas vrai !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Je serais heureux, monsieur le ministre, que vous puissiez me corriger sur ce point... Le pacte de responsabilité et de solidarité aurait pu être un signal fort, mais notre déception est à la mesure de nos attentes. Pourquoi vous contenter d'une demi-mesure sur l'impôt sur le revenu ? Le texte de l'Assemblée nationale est un inventaire de cadeaux électoralistes, sans vision d'ensemble.

Les prévisions de croissance et d'emplois sont traditionnellement trop optimistes. Je préconise depuis longtemps une prévision de croissance nulle.

Vous prétendez désormais privilégier la baisse des dépenses. Où trouverez-vous les 50 milliards d'économies annoncées ? Mystère... Les dépenses publiques ont encore augmenté en France en 2013, quand elles baissaient ailleurs en Europe. Quand suivrez-vous les recommandations de la Cour des comptes, de la Commission européenne, les conclusions de nombreux rapporteurs ? Quand prendrez-vous exemple sur le Royaume-Uni et l'Italie ? Vox clamantis in deserto... (Applaudissements au centre et à droite)

M. Éric Bocquet .  - Un doute profond s'est emparé de nos concitoyens. Il y a quelques semaines, la Cour des comptes et le HCFP ont publié deux rapports auxquels s'ajoute celui de la Commission européenne, tous constatant que sur les recettes escomptées, plusieurs milliards d'euros, manquent à l'appel... « Le désendettement sans croissance, cela ne marche plus » disait M. Moscovici lui-même sur un plateau de télévision au lendemain du séisme des élections européennes : propos qu'il n'a jamais tenus dans cet hémicycle quand il était ministre, qui participent peut-être de sa campagne pour le poste de commissaire européen, et nous interpellent.

Les mots de la rapporteure générale de l'Assemblée nationale, Mme Rabault, sonnent aussi comme une mise en cause radicale de la politique économique du Gouvernement : « Le plan d'économie de 50 milliards aurait un impact négatif de deux points de PIB entre 2015 et 2017, ainsi que de 0,7 % sur la croissance annuelle en moyenne entre 2015 et 2017, et pourrait entraîner la suppression de 250 000 emplois à l'horizon 2017 ».

Le constat n'est pas nouveau. De nombreux économistes dénoncent l'austérité, qui ne fait que creuser les déficits, tout en renforçant les inégalités : selon la dernière enquête de l'Insee, les inégalités ont atteint leur plus haut niveau depuis 1996, l'année 2011 fut particulièrement faste pour les hauts revenus, la pauvreté touche aujourd'hui 8,8 millions de personnes, record historique. Dans mon département du Nord, le conseil général dépense chaque minute 1 100 euros pour financer le RSA socle. Oui, chaque minute ! Conséquence : la réduction de l'investissement de 400 millions à 200 millions d'euros...

Or, comme le docteur Diafoirus de Molière, qui préconisait des saignées à un malade déjà anémié, vous réduisez encore les dotations aux collectivités, dont on sait l'importance pour le soutien à la croissance dans les territoires...

Une réorientation est urgente. Sur la prévision de croissance du Gouvernement, notre rapporteur général conserve une once d'optimisme que nous ne partageons pas. Oui, les dépenses publiques pèsent lourd en France. De nombreux économistes ne plaident-ils pas pour qu'il y ait plus de biens publics, dans des sociétés devenues plus complexes ?

Nos déficits sont liés aux cadeaux fiscaux consentis, année après année, aux plus aisés : la part des recettes de l'État dans le PIB a baissé de 5 points en trente ans !

On annonce une baisse du « coût du travail ». Pour nous, le travail n'est pas un coût, mais un facteur de richesse. Nous étouffons sous le carcan de la « règle d'or » et de la rigueur budgétaire. D'ailleurs, le Gouvernement reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre : que pèse la réduction d'1,16 milliard de l'impôt sur le revenu, face aux 6 milliards d'augmentation de la TVA depuis le 1er janvier 2014 ?

Si nous nous félicitons du renforcement du contrôle des prix de transferts, Jersey et les Bermudes rejoindront-ils bientôt la liste des paradis fiscaux, dont ils ont été retirés inexplicablement le 1er janvier ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances, et Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - Depuis 2002, des dizaines de milliards d'euros d'exonérations de tout genre ont été accordés aux entreprises. Avec quels résultats ?

M. Guené, Mme Demessine et moi-même rendront bientôt un rapport très circonspect à ce sujet : sans le déflorer, je précise d'ores et déjà qu'il est impossible de savoir si ces avantages ont créé 70 000 ou 800 000 emplois... Ce rapport sera sans doute une mine d'informations pour l'observatoire des contreparties. Cependant, et c'est un signe, deux grandes organisations syndicales refusent de participer à la Conférence sociale. « Un million d'emplois », lisait-on sur les pin's du Medef : chiche monsieur Gattaz ! Ce collectif ne peut recueillir le soutien du groupe CRC (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yvon Collin .  - Avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ce projet de loi de finances rectificative est la première traduction du pacte de responsabilité et de solidarité. L'allègement de l'impôt sur le revenu sur les ménages modestes est une mesure de justice fiscale. Quant aux entreprises, le texte ne leur est à première vue guère favorable, parce qu'il prolonge la surtaxe d'impôt sur les sociétés ; mais au CICE viennent s'ajouter des allègements de cotisations sociales prévues dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Une diminution du taux d'impôt sur les sociétés, particulièrement élevé en France, doit être engagée pour atteindre 28 % en 2020.

On ne saurait toutefois fonder notre stratégie sur la seule baisse du coût du travail : nos entreprises doivent aussi renforcer leur compétitivité hors coût.

Ce texte a été considérablement allongé par l'Assemblée nationale, qui y a rajouté trente articles. Il a perdu de sa cohérence au passage. Certaines mesures ont même créé des dissensions au sein du Gouvernement : ainsi de la hausse de la taxe de séjour. Attendons donc les conclusions de la mission sénatoriale à ce sujet : il n'est jamais bon d'agir dans la précipitation, au bout de la nuit, comme l'illustre le cas de la taxe sur la consommation finale d'électricité. Après une véritable levée de bouclier au sein des collectivités territoriales, le Sénat a adopté une proposition de loi en avril à notre initiative. Heureusement, les députés ont enfin corrigé le tir ; nous proposerons de lever quelques difficultés résiduelles, à l'article 5 sexies.

Sous ces réserves, le RDSE, responsable et sachant que le vote des textes budgétaires détermine l'appartenance à la majorité, approuvera ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)

M. Francis Delattre .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Dans un grand quotidien du matin, un article intitulé : « Michel Sapin, le ministre qui repeint la vie en rose ». Il a trouvé en vous un diacre zélé, monsieur le ministre, à défaut d'un disciple.

Votre optimisme à tous crins, assumé jusqu'au sein des documents officiels, est-il à la hauteur des enjeux, dans un pays qui compte 34 000 chômeurs de plus chaque mois ? Problème de verres correcteurs plutôt que de montures de lunettes de celui qui se veut le gardien de la courbe des déficits. Le seul exploit ministériel de M. Sapin est d'avoir fait admettre à Bruxelles un objectif de déficit de 3,8 % au lieu de 3,6 %, sachant qu'il sera probablement de 4 %... Et le tout, allegretto ! Idem pour la prévision de croissance : le Gouvernement table sur 1 % quand l'Insee et tous les organismes sérieux avancent le chiffre de 0,7 % grand maximum. La méthode Coué ne sert qu'à alimenter la communication du Gouvernement, on la retrouve jusque dans nos documents budgétaires. Ainsi le projet de loi de règlement pour 2013 qui détermine en grande partie ce projet de loi de finances rectificative.

Le Gouvernement prétend que la situation de nos finances publiques s'améliore, quand la dette franchit des paliers dangereux : 2 000 milliards d'euros de dettes cumulées et 100 % du PIB. L'État ne peut financer qu'à crédit ses dépenses de fonctionnement, à partir du 1er octobre, comme le souligne la Cour des comptes. Celle-ci ramène vos comparaisons triomphalistes à de plus justes proportions, en montrant que le déficit reste bien supérieur à ce qu'il était avant la crise. Quelle peut être la crédibilité du discours présidentiel condescendant envers la jeunesse, alors que nos enfants devront payer les dépenses courantes pour un quart de l'année ?

Le Gouvernement bénéficie certes de la baisse des taux d'intérêt et de la charge de la dette. Il aurait néanmoins tort d'y compter à l'infini !

L'exposé des motifs de ce collectif exalte la gestion budgétaire du Gouvernement : on n'est jamais mieux servi que par soi-même, certes. Et pourtant les recettes fondent !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Vous parliez des dépenses et à présent vous parlez des recettes... Il faudrait savoir !

M. Francis Delattre.  - Quant aux prévisions économiques, la Cour des comptes, monsieur le ministre, et non pas l'opposition, considère qu'elles sont « aux frontières de l'insincérité ». Une réserve aussi rare que grave... Alors, un peu de modestie permettrait peut-être de progresser, d'autant que les minces résultats obtenus l'ont été au prix d'un véritable matraquage fiscal, que le Gouvernement poursuit, méconnaissant le principe d'élasticité des assiettes, bien connu des économistes : « trop d'impôt tue l'impôt » n'est plus un slogan, mais l'interprétation désormais populaire de ce principe.

La loi de finances initiale pour 2013 prévoyait 30 milliards d'euros de recettes supplémentaires, dont la moitié seulement étaient au rendez-vous, soit 6,3 milliards de recettes en moins qu'escompté pour l'impôt sur les sociétés, 4,9 milliards pour l'impôt sur le revenu et autant pour la TVA ! Vous invoquez sans cesse l'héritage : la loi de finances initiale pour 2011, qui prévoyait 14 milliards d'économies, fut conforme aux prévisions !

Les engagements financiers hors bilan de l'État, de 2 838 milliards d'euros, dont 1 460 milliards pour les retraites, réduisent encore nos marges de manoeuvre. J'ajoute que l'encours des collectivités territoriales au Trésor a diminué de 2,7 milliards d'euros. Qu'il faille revoir nos relations avec les dirigeants européens, nous en sommes tous d'accord, monsieur le rapporteur général.

La France s'asphyxie lentement sous le poids de la dette et d'une gouvernance inapte à entreprendre un véritable redressement. Des secteurs sont surprotégés, qui se mettent en grève, au détriment du secteur privé qui souffre, pour l'instant, en silence. L'esprit d'entreprise s'assèche, les jeunes s'expatrient... L'économie française est de nouveau à l'arrêt. Le HCFP, avec un sens de la mesure inégalable, estime que la prévision de croissance de 1 %, peu probable, n'est pas entièrement hors d'atteinte...

M. François Marc, rapporteur général.  - Vous avez tout dit !

M. Francis Delattre.  - La croissance serait stimulée par le CICE, qui arrive tout juste dans les caisses des entreprises : grave erreur que d'avoir supprimé la TVA sociale !

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Francis Delattre.  - Dans un article publié dans L'Opinion le 26 mai dernier, l'auteure critiquait l'absence de politique économique, à court et à long terme, et de projet de réforme. Elle soulignait les effets désastreux de certaines mesures, en particulier dans le secteur du logement. Elle est désormais conseillère économique à l'Élysée. Aurions-nous perdu deux ans ? Le groupe UMP le pense, d'où son vote contre. (Applaudissements sur les bancs UMP, ainsi que sur quelques bancs au centre)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Jean Germain .  - La politique budgétaire dit être envisagée désormais, non seulement à l'échelle de la France, mais aussi à celle de l'Europe. Tout notre débat confirme que la construction européenne n'avance pas assez vite. Le projet de loi de finances rectificative est une étape importante de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité. La France a besoin de retrouver sa compétitivité, d'alléger sa pression fiscale et sociale, et de poursuivre son assainissement budgétaire.

Sur le premier point, nos entreprises ont besoin de visibilité. L'horizon du Gouvernement s'étend jusqu'en 2017, pour assurer la cohérence de la politique suivie. Les allégements de cotisations permettront aux entreprises de reconstituer des marges pour embaucher et investir ; les travailleurs indépendants ne sont pas oubliés. La réduction progressive de la C3S jusqu'à sa suppression en 2013, la fin de la contribution exceptionnelle en 2016 et la baisse du taux d'impôt sur les sociétés jusqu'à 28 % en 2020 vont dans le même sens.

Le Gouvernement propose de mettre en oeuvre dès 2015 les mesures les plus créatives d'emplois, les plus favorables aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.

Le texte issu de l'Assemblée nationale renforce le suivi parlementaire des contreparties demandées aux entreprises : c'est une stratégie cohérente. Le montant du CICE atteindra 12 milliards d'euros à la fin de l'année : signe de l'engagement du Gouvernement au service des entreprises, qui créent la richesse et déterminent notre niveau de vie, mais aussi des salariés, qui y travaillent : n'opposons pas les unes aux autres !

Autre volet du pacte : la baisse de l'impôt sur les ménages, afin d'atténuer l'effort qui leur est demandé depuis des années. Un allégement d'impôt sur le revenu interviendra dès cet automne pour 3,7 millions de foyers modestes.

Des craintes existent quant à l'impact de ces économies sur la croissance ; elles se sont exprimées à l'Assemblée nationale comme elles s'expriment au Sénat et chez les experts. Avec des réductions de dépenses maîtrisées, ces craintes paraissent toutefois théoriques. La priorité doit être le retour à une croissance créatrice d'emplois. La dépense publique permet-elle à elle seule la reprise ? Je ne le crois pas. Cela étant, nous pouvons faire des économies sans remettre en cause nos services publics. Je regrette la mesure prise à la va-vite et dans la nuit sur la taxe de séjour par les députés. Nous savons tous ce qu'il advient de ces décisions prises sans concertation avec les acteurs concernés.

À M. Delattre qui reproche à M. Sapin de peindre la réalité en rose je rappellerai ce qu'avait un jour dit François Mitterrand à un contradicteur : certains cultivent le cannabis comme d'autres le vague à l'âme, drogue douce et délétère. Il faut croire que certains cultivent du cannabis dans notre enceinte... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Doligé .  - Contrairement à mon prédécesseur, je ne ferai pas preuve d'un optimisme béat...

Les résultats annoncés n'étant pas au rendez-vous, ce collectif budgétaire est censé traduire le tournant de la politique de l'offre. Comme en 1981, nous voyons le résultat de décisions erronées : exaspération fiscale, croissance en berne, dette qui avoisine les 2 000 milliards d'euros, baisse du rendement de l'impôt de 5 milliards d'euros, sans parler de l'imprudence des prévisions initiales.

Où est la cohérence ? Vous avez augmenté les impôts des entreprises de 20 milliards pour annoncer maintenant une réduction qui vaudra pour les années prochaines seulement, au risque de déstabiliser le monde économique. La même démonstration vaut pour les ménages. Vous annoncez un plan d'économies de 50 milliards d'euros sans le documenter en maniant des outils dont on sait le peu d'efficacité : le gel et le rabot. Vous feriez bien d'aller chercher des économies du côté des opérateurs de l'État et d'abandonner des réformes coûteuses telles que celle des rythmes scolaires.

Au total, le Gouvernement reste au milieu du gué dans un pays miné par une crise qui n'est plus seulement économique mais aussi une crise de confiance. Cela impose des choix clairs et résolus, et non des mesures a minima, et sans doute insuffisantes comme l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques.

Le groupe UMP ne pourra pas vous suivre ; il ne peut pas avoir foi en de simples annonces. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Vincent Delahaye .  - Pourquoi un collectif budgétaire ? L'an dernier, le Gouvernement s'y était refusé. Fait-il aujourd'hui preuve de plus de sincérité ? Non, le Gouvernement, et c'est dommage, choisit de présenter un déficit de 3,8 % au lieu de 3,6 % et une prévision de croissance de 1 % quand tous les organismes sérieux - FMI, Insee - tablent sur 0,7 % de croissance et la Cour des comptes sur un déficit supérieur à 4 %. Le déficit atteint 84 milliards d'euros, soit 10 de plus qu'en 2013. Alors pourquoi ce collectif ? C'est un peu panique à bord. Le Gouvernement veut s'éviter un été comme l'an dernier où les Français découvraient sur leur feuille d'impôt des hausses sans précédent, les classes modestes et moyennes étant les plus affectées.

Le compte n'y est pas cependant : vous avez augmenté les impôts sur les ménages de 20 milliards en deux ans ; vous accordez une réduction de quelque un milliard d'euros financés par le produit de la lutte contre la fraude, recette non pérenne. Tout le contraire d'une bonne gestion... Pourquoi ne pas ponctionner davantage la réserve de précaution de 7 milliards d'euros ? On sait déjà que les Opex coûteront près d'un milliard d'euros : où sont-ils inscrits ? Monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser les principes qui régissent votre gestion de la réserve de précaution ? Au vrai, nous sommes drogués à la dépense publique.

M. Richard Yung.  - Ça, c'est le cannabis.

M. Vincent Delahaye.  - Faisons de vraies économies. Allez, au hasard : la suppression de la réforme des rythmes scolaires - 500 millions -, la maîtrise de l'AME - 200 millions - ou encore le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique - 300 millions. Au total, un milliard de gagné par de simples mesures de bon sens !

Plus de deux ans après l'arrivée de la gauche, l'échec est patent. M. Cahuzac vantait les mérites d'une politique de hausse des prélèvements obligatoires, vous proposez désormais des baisses à la petite semaine. Mettez en accord vos actes et vos discours. Aristote disait : « La meilleure façon de promouvoir l'économie, c'est de se concentrer sur le long terme ». (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq .  - À l'occasion de ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a choisi de ne pas réviser son hypothèse de croissance de 1 % à rebours des prévisions de l'Insee et du FMI. Le rapporteur général la dit crédible tout en montrant que sa réalisation repose sur des facteurs exogènes : bonne reprise mondiale, meilleure reprise européenne et des retombées positives des mesures prises par la BCE, sans parler de l'inflation.

L'essentiel n'est pas là ; il est le retour de la confiance, véritable carburant de la croissance. Et la confiance, c'est également le respect de nos engagements européens. La notion de déficit structurel, monsieur Marini, est effectivement une construction intellectuelle - nous aimons les idées en France : acceptons là comme telle. Les députés ont confondu thermomètre et température. Pour autant, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Il faut appuyer sur la pompe à oxygène pour les entreprises. Le Gouvernement le fait avec le CICE, la suppression de la C3S et la réduction de l'impôt sur les sociétés ; les entreprises y seront sensibles au moment où se tient la Conférence sociale.

Le Gouvernement propose un plan de 50 milliards d'économies, réparties entre l'État - qui a déjà beaucoup donné - les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. Le précédent gouvernement prévoyait 80 % d'efforts en dépenses et 20 % en recettes. François Hollande, lui, proposait des économies reposant à 50 %-50 %. (M. Francis Delattre s'exclame) L'un des candidats à la présidence de l'UMP...

M. François Marc, rapporteur général.  - Il y en a beaucoup !

Mme Nicole Bricq.  - ... M. Fillon, propose un plan d'économies de 100 milliards ; M. Copé, lui, a évoqué 130 milliards ! Croyez-vous que cela n'impactera pas les collectivités territoriales ? Chacun prendra ses responsabilités et expliquera sa ligne lors des élections sénatoriales en septembre, n'est-ce pas ?

Le CICE représente un véritable effort en direction des entreprises. Il faudra vérifier que leurs dirigeants tiennent leurs engagements en matière d'embauche et d'investissements matériels et immatériels en France. L'impôt sur les sociétés a connu la même dérive que l'impôt sur le revenu - taux élevé, assiette étroite -, dont le Gouvernement a rétabli - il faut le connaître - la progressivité. Je regrette que la réduction de l'impôt sur les sociétés soit reportée, il nous faut une harmonisation européenne. Les États-Unis ont compris depuis longtemps que la fiscalité comme le droit doit être au service des entreprises. C'est bien plus efficace que les lamentations !

La taxe de séjour a beaucoup occupé notre commission des finances. Une hausse de deux euros avait déjà été envisagée au sein de la mission Carrez, à laquelle certains ont participé. Au Gouvernement de clarifier la situation.

Tout est affaire de calibrage, n'empêche que ce texte donne corps au projet du Gouvernement : réduction du chômage structurel, retour de la croissance. Certains diront : ce n'est pas assez ; d'autres « c'est trop ». Personne ne pourra toutefois contester que le chemin est tracé. Pour l'instant, je n'en ai pas vu d'autre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Fortassin .  - L'époque est incertaine... Hier, M. Ayrault annonçait une grande réforme fiscale...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La fameuse remise à plat !

M. François Fortassin.  - Aujourd'hui, M. Valls veut conclure un pacte de responsabilité et de solidarité assorti de 50 milliards d'économies ; les collectivités locales ne savent pas exactement ce qui les attend.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Voilà !

M. François Fortassin.  - La réduction de l'impôt sur le revenu de 350 euros par foyer pour les ménages modestes, mesure de justice et d'équité, est financée par des ressources qui, nécessairement, ne sont pas pérennes : les amendes recouvertes dans la lutte contre la fraude fiscale. Une véritable refonte fiscale, à mon sens, est indispensable : notre système est devenu illisible, trop complexe. Or la lisibilité et l'équité déterminent le consentement à l'impôt, fondement de la citoyenneté. Je rappelle que les radicaux sont les pères de la progressivité de l'impôt. Créons un impôt personnel et progressif unique sur le revenu et un impôt progressif sur les sociétés ; nos concitoyens ne se perdront plus dans les arcanes d'un système fiscal totalement ésotérique.

Ce qui fait la différence entre une économie qui bat de l'aile et celle qui marche bien, c'est la confiance. Nous ne pouvons pas la rétablir avec le galimatias technocratique et financier qui a cours aujourd'hui.

L'article 6 gelait certaines prestations : attention à ne pas pénaliser les ménages, dans un contexte économique difficile.

Malgré ces réserves, la majorité du RDSE votera ce collectif car être de la majorité signifie voter le budget.

Mais si le Gouvernement commet des erreurs, nous ne nous faisons pas faute de le dire car nous ne sommes pas des suiveurs impénitents. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean-Pierre Caffet.  - On l'avait remarqué.

M. Philippe Dominati .  - Bienvenue, monsieur Eckert, puisque c'est la première fois, que vous pratiquez l'exercice du collectif devant le Sénat. J'observe que vous êtes seul au banc du Gouvernement : le ministre de l'économie et des finances aurait pu vous accompagner.

Non seulement la croissance n'est pas au rendez-vous, mais en plus vous persistez à maintenir une hypothèse de 1 % quand le consensus est de 0,7 %. L'emploi n'est pas plus au rendez-vous, avec une croissance de 5 % du nombre de chômeurs en un an ; la situation industrielle est inquiétante : des pépites comme Alstom ou Lafarge sont en difficulté ; des grandes entreprises deviennent européennes ; le BTP souffre et le logement s'effondre, après la loi Duflot ; le tourisme et les transports connaissent aussi des difficultés. Le collectif va accroître le déficit.

Vous dépensez immédiatement les deux recettes exceptionnelles et inespérées que sont le produit de la lutte contre la fraude et la baisse des taux d'intérêt parce qu'il vous manque 4 milliards. Vous abordez ce collectif en oubliant l'essentiel : les effectifs. La Cour des comptes l'a pourtant pointé. La France compte 90 agents pour 1 000 habitants, contre 50 agents en Allemagne. Cela devrait vous faire réfléchir. Le jour de carence, cela a été dit, rapporterait 200 millions. Et puis, où est donc passée la grande réforme fiscale annoncée par le Premier ministre Ayrault ? À quoi sert ce collectif ? Je note que des mots comme entreprises ou compétitivité sont enfin employés dans le discours gouvernemental. Il va falloir accélérer mais au Gouvernement, certains ont le pied sur le frein, d'autres sur l'accélérateur : le tête-à-queue est inévitable... Monsieur Eckert, vous êtes le troisième ministre du budget. Je vous souhaite de poursuivre le virage libéral et de le dire clairement ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Richard Yung .  - Alors ? À quoi sert ce collectif ? Quand le Gouvernement n'en présente pas, vous lui reprochez d'avancer masqué. Quand il en présente, ce ne serait qu'un rideau de fumée ! Ma parole, c'est Othello !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La saison des festivals a commencé !

M. Richard Yung.  - Les résultats espérés ne sont malheureusement pas au rendez-vous et l'on vous propose quelques correctifs : c'est bien de la transparence. Un plan de 50 milliards d'économies seulement ? Vous proposez 100 milliards d'économies, M. Dassault 250 milliards ! Comment ferez-vous ? L'un de vos mentors, M. Fillon, il y a quelques années, parlait de réduire les effectifs de la fonction publique, de fusionner départements et régions, communes et communautés de communes : plus un mot maintenant...

Vous voulez des réformes ? Voyez comment cela fonctionne : on en propose une et le Medef monte au front !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est le mur d'argent !

M. Richard Yung.  - En France, compromis est égal à trahison. Apprenons à dialoguer.

M. Francis Delattre.  - C'est Bad Godesberg !

M. Richard Yung.  - Monsieur le ministre, nous, Français de l'étranger, serions ravis de participer à un groupe de travail sur les questions de fiscalité qui nous concernent. L'impôt sur les sociétés est devenu incompréhensible avec cinq ou six taux différents. C'est l'occasion de travailler à une convergence européenne. Soit, l'invoquer ressort des vaches sacrées. Il n'empêche, c'est une idée de bon sens. Peut-être pourrait-on commencer par les banques puisqu'il existe une union bancaire...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Parlez-en à M. Juncker !

M. Richard Yung.  - Nous le convaincrons. Il y a de grands pays européens, proches, qui partagent nos vues. Attendons le rapport pour décider quoi que ce soit sur la taxe de séjour, dont l'augmentation n'est pas une bonne idée. Quelques secondes encore pour dire que le groupe socialiste votera le collectif. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Francis Delattre.  - Nous voilà rassurés !

M. Dominique de Legge .  - La défense ne devrait pas être l'éternelle variable d'ajustement budgétaire en France. Pourtant, elle concentre 60 % des suppressions d'effectifs dans la fonction publique.

Le 8 janvier dernier, le président de la République s'engageait à respecter la loi de programmation militaire. M. Le Drian, dans des termes militaires, disait le 22 novembre 2013, cette loi « blindée ». Et pourtant, 350 millions d'euros de gel iront à la réserve de précaution.

Le ministère financera en partie les Opex, ce qui est totalement contraire aux engagements pris. Encore faudrait-il que le chiffrage soit sincère, je salue le contrôle sur place et sur pièces décidé par notre commission de la défense. Déjà, l'an dernier, 650 millions avaient été annulés. Certes, 250 millions d'euros ont été prélevés sur le PIA pour financer la recherche du CEA. Reste que c'est une entourloupe parce que le compte n'y est pas : 650 millions et 350 millions en moins, contre 250 millions en plus. D'ailleurs, comme le disait devant nous le commissaire aux investissements d'avenir, ceux-ci sont destinés à financer l'avenir, pas le présent, et encore moins le passé ! C'est de la cavalerie budgétaire ! (M. Christian Eckert, ministre, le conteste) Le groupe UMP ne votera pas ce budget insincère. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Berson .  - L'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014 intervient alors que le monde de la recherche exprime une grave inquiétude. Le 11 juin 2014, le Comité national de la recherche scientifique a lancé un cri d'alarme. L'emploi scientifique se dégrade dans les laboratoires et les universités. Au CNRS, 400 postes d'enseignants-chercheurs étaient ouverts en 2010, 300 en 2013 - 200 le seront sans doute en 2017. La situation est encore plus grave pour les ingénieurs de recherche et les techniciens. Tous les organismes sont touchés, de même que l'université où les recrutements de maîtres de conférences et de professeurs ont diminué de 25 % entre 2010 et 2013.

À budget constant, la pyramide des âges raréfie naturellement le nombre de départs à la retraite et l'embauche de remplaçants ; les politiques menées sous le président Giscard d'Estaing et le gouvernement Barre expliquent également ces évolutions, de même que les départs hors retraite non remplacés. Entre 2012 et 2017, le nombre de départs à la retraite à l'Inserm va baisser de 50 %. Le CNRS a perdu 653 postes entre 2007 et 2012. Ces perspectives risquent de dissuader toute une classe d'âge de s'engager dans la voie de la recherche et d'hypothéquer l'avenir. Qualité et dynamisme des équipes risquent d'en pâtir. Cette situation ne peut qu'interpeller le Gouvernement.

Le président de la République a déclaré la sanctuarisation du budget de la recherche. Mais maintenir les dépenses à leur niveau actuel, au vu du dynamisme de certaines d'entre elles, impose de faire 1,6 milliard d'économies par an.

Un plan d'action s'impose. Il est possible de financer la création d'emplois publics par un plafonnement du crédit d'impôt recherche (CIR), qui coûte en 2014 à l'État 5,8 milliards d'euros - son montant devrait dépasser, comme chaque année, les prévisions et devrait atteindre 7 milliards en 2015-2016. Depuis 2008, son coût a triplé, ce qui est peu compatible avec la situation des finances publiques, d'autant que les dépenses de recherche des entreprises progressent nettement moins vite que lui...

Le président de la République a sanctuarisé le CIR. Mais le déséquilibre s'accroît entre financement public de la recherche privée et financement public de la recherche publique. Un plafonnement du CIR à 5 ou 5,5 milliards permettrait de financer un plan de soutien et la création chaque année pendant cinq ans de 2 000 postes. Alors que nous nous apprêtons à adopter une stratégie nationale de recherche un plan national pour l'emploi scientifique public est devenu une ardente obligation.

En dépit de ces remarques, je voterai le projet de loi de finances rectificative pour 2014, et forme le voeu que le projet de loi de finances pour 2015 aille dans le sens que j'ai indiqué. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Serge Dassault .  - Je lance un cri d'alarme. Notre France est en faillite, sa dette atteint 2 000 milliards cette année. Jusqu'où ira-t-elle ? Son plafonnement serait utile. Ses intérêts mobilisent 45 milliards, ce qui est considérable. Et elle ne pourra jamais être remboursée. Il faudrait, en effet, à l'équilibre, 200 ans pour la résorber !

La Cour des comptes formule des avertissements, mais vous n'en tenez jamais compte ! Vous embauchez des fonctionnaires au lieu d'en diminuer le nombre. Vous auriez dû prévoir une croissance de 0 %, vous n'auriez eu que de bonnes surprises...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très juste !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Très bien !

M. Serge Dassault.  - Et la situation va empirer ! Les agences de notation se lasseront bientôt de notre passivité. Notre note va baisser, les taux vont augmenter et ce sera la cessation de paiement.

Il existe des solutions : porter temporairement la TVA à 23 % - 20 milliards économisés par an -, revenir à une durée légale du travail de 39 heures - 21 milliards économisés par an -, ou encore, je vais vous surprendre, instaurer une flat tax...

M. Jean-Pierre Caffet.  - À la Thatcher !

M. Serge Dassault.  - ... comme en Russie, où s'applique un taux unique de 13 % ! Au taux de 15 %, elle rapporterait 200 milliards, plus que la CSG et l'impôt sur le revenu cumulés. La CSG d'ailleurs, n'est-elle pas une sorte de flat tax ?

Une telle mesure restaurerait le consentement à l'impôt, réduirait la fraude à néant et attirerait les investisseurs. Je vous propose, monsieur le ministre, de constituer pour y réfléchir une mission parlementaire ou un groupe de travail. C'est nécessaire pour la France, son économie, ses emplois et pour tous les Français. (Applaudissements à droite)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État .  - Je vous remercie pour la qualité de vos interventions. M. Sapin et moi-même étions à la grande Conférence sociale : je l'ai quittée pour le plaisir de vous retrouver... Je serai au côté de Mme Touraine la semaine prochaine pour la première partie du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Je remercie M. le rapporteur général de son soutien et de son rapport de qualité. Oui, courage, cohésion, constance. J'ai bien noté son encouragement à préserver les investissements, notamment d'avenir et à réduire les inégalités. Il a raison.

S'agissant de l'article liminaire, d'aucuns ont parlé de discours abscons...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - De galimatias !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - ... de bavardage d'économiste... L'essentiel est de nous en tenir à notre trajectoire pluriannuelle, il serait fautif de s'en écarter. Le Gouvernement sera favorable aux amendements qui rétablissent la rédaction originelle, qui sera ainsi la même dans le projet de loi de finances rectificative et dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Ne fragilisons pas la construction de nos textes financiers.

Monsieur Marini, vous avez évoqué de nombreux sujets, comme d'habitude... Vous nous reprochez de calibrer nos économies d'après l'évolution tendancielle des dépenses. M. Doligé nous le reproche également. Mais cela s'est toujours fait ! Les standards européens et internationaux comptabilisent de même. Comment pourrions-nous faire autrement ? Il ne serait pas de bonne gestion de ne pas prévoir en temps de crise - ou de chercher à prévoir - l'évolution de certaines dépenses sociales comme le coût du chômage partiel. Si nous ne le faisions pas, vous nous le reprocheriez.

Certes, la croissance potentielle est difficile à estimer et peut dépendre de facteurs subjectifs ; mais à nouveau, tout le monde s'y réfère, et depuis longtemps.

La fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale est une proposition ambitieuse. Le débat d'orientation des finances publiques permet déjà de prendre en compte les enjeux qui leur sont communs ; de même à l'automne le projet de loi de programmation des finances publiques.

M. Gattolin craint l'impact des économies. D'autres fustigent, plus généralement la puissance des financiers de Bercy et évoquent des documents cachés, jusqu'aux visites de la commission des finances de l'Assemblée nationale ou de la commission de la défense du Sénat au ministère. Je ne commenterai pas les commentaires de ceux qui croient avoir récupéré des chiffres secrets... J'ai accueilli les parlementaires, souhaite votre collaboration et suis favorable à la transparence. J'ai moi-même été parlementaire et rapporteur général, j'ai toujours obtenu les documents réclamés. J'ai même prévu avec une de vos délégations de renouveler l'expérience à un rythme raisonnable. Les visites faites dans les formes se passent toujours bien.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ce n'est pas toujours le cas ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Je ne faisais référence à aucune visite en particulier...

Sur l'écotaxe, le Gouvernement a fait un choix et l'assume. S'il y a besoin de financements complémentaires, ils seront proposés au Parlement dans le projet de loi de finances 2015.

S'agissant de la taxe de séjour, j'ai dit devant l'Assemblée nationale que le Gouvernement aurait préféré attendre le projet de loi de finances 2015 ; mais, la demande étant assez partagée, je m'en suis remis à la sagesse. Le Gouvernement aura la même position au Sénat. La question mérite d'être approfondie pour trouver une solution équilibrée, sinon pendant la navette, du moins d'ici la loi de finances initiale pour 2015.

M. de Montesquiou a prononcé un réquisitoire...

M. Aymeri de Montesquiou.  - Indulgent !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Un réquisitoire tout de même !

Certains se sont demandé à quoi sert un projet de loi de finances rectificative... À prendre des décisions ! S'il s'agit seulement de constater et de ne rien changer, ce n'est pas la peine. Nous n'en avons pas présenté l'année dernière parce que n'avions pas l'intention de prendre des mesures fiscales ou budgétaires.

Nous ne finançons pas les baisses d'impôts par des mesures one shot, comme disent certains. L'assiette de l'ISF s'accroîtra du fait de la lutte contre la fraude - certes pas à hauteur des dépenses fiscales à financer mais on peut en attendre 250 millions de recettes pérennes. Pour les ménages modestes, la baisse d'impôt proposée ici pourra céder la place, par exemple, à une refonte du bas du barème, inspiré du rapport Lefebvre-Auvigne. Les relations fiscales entre la France et Jersey et Guernesey se sont nettement améliorées, peut-être les échos dans la presse de certaines y sont-elles pour quelque chose... Vous comprendrez que je ne puisse en dire davantage.

Je remercie M. Collin de son soutien.

M. Delattre n'a pas fait dans la dentelle !

M. Francis Delattre.  - Je peux faire pire !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le HCFP a trouvé nos hypothèses globalement réalistes, aléas budgétaires mis à part.

Sans tomber dans l'angélisme, la situation des finances publiques est moins mauvaise qu'il y a deux ans. À l'époque, on craignait que les marchés nous lâchent, le déficit du budget de l'État était deux fois plus important...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et le ratio de la dette sur PIB ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Réduire le déficit de moitié, on peut difficilement appeler ça un dérapage ! Reconnaissez, avec honnêteté, qu'un pas a été fait, que la réduction des déficits s'est amorcée. Je ne vous demande pas votre soutien politique, mais n'entretenez pas une défiance infondée chez les acteurs économiques et sociaux de notre pays. Il serait bon de temps en temps de valoriser ce qui a été fait.

Monsieur Germain, j'ignore si le cannabis prospère dans cette maison... (Sourires) J'ai en revanche entendu votre message sur le vague à l'âme.

Monsieur Delahaye, les collectivités territoriales ne sont pas concernées par ce projet de loi de finances rectificative.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et la baisse des dotations ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Les lois de finances à venir préciseront le détail des mesures d'économies que nous serons amenés à prendre.

Madame Bricq, c'est vrai, nous n'avons pas modifié les indicateurs macroéconomiques. Le FMI s'est prononcé sur la croissance il y a quelques jours seulement : nous remettrons les choses en ordre si nécessaire en collectif de fin d'année.

Je remercie M. Fortassin de son soutien ; j'ai répondu sur l'article liminaire.

Monsieur Dominati, l'absence du ministre des finances n'est que temporaire, je l'ai dit. Je reviendrai sur les questions de défense. Monsieur Yung, je suis favorable à la création des groupes de travail parlementaires sur les questions relatives aux Français établis hors de France.

Les propos de M. de Legge sont excessifs. La loi de programmation militaire sera respectée comme le volume des investissements de défense. Mais cela n'exonère pas le ministère de la défense de rechercher des économies de fonctionnement. Le ministère de l'éducation nationale, considéré comme prioritaire, n'en réfléchit pas moins sur les économies à réaliser. Mais nous reparlerons de la défense en loi de finances initiale pour 2015.

Monsieur Berson, la recherche et l'investissement sont les conditions de la prospérité de notre pays, nous sommes attentifs à l'évolution des crédits qui leur sont consacrés. Vous verrez dans les jours qui viennent que les lettres-plafond permettront de respecter les engagements du président de la République.

Monsieur Dassault, je connais vos propositions révolutionnaires... Le Gouvernement s'inscrit dans une démarche différente.

L'intention du Gouvernement est d'engager avec le Sénat un débat de fond.

La discussion générale est close.

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - La commission des finances a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 actuellement en cours d'examen. Cette liste a été affichée conformément à l'article 12, alinéa 4 du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Les membres de la commission des finances sont impatiemment attendus dans notre salle de travail pour examiner les 140 amendements restants...

CMP (Demande de constitution et nominations)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'individualisation des peines et à la prévention de la récidive. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mercredi 2 juillet prennent effet.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Loi de finances rectificative pour 2014 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2014.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire, en tant que titulaires, MM. Philippe Marini, François Marc, Mme Nicole Bricq, MM. Michel Berson, Éric Bocquet, Francis Delattre et Vincent Delahaye ; en tant que suppléants, Mme Michèle André, MM. Yannick Botrel, Yvon Collin, Philippe Dallier, Éric Doligé, Philippe Dominati et Jean Germain.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

Discussion des articles

ARTICLE LIMINAIRE

M. Gaëtan Gorce .  - N'ayant pu intervenir au cours de la discussion générale, je saisis l'occasion pour évoquer la difficile question de savoir comment rétablir l'équilibre de nos comptes sans briser la croissance. À cette question, la réponse est politique. Certes, il faut respecter nos engagements européens, et je salue l'effort accompli depuis deux ans - sans cependant que la croissance soit repartie. Mon avis n'a pas changé depuis la loi de finances initiale : ce budget entraîne un effet récessif, comme en témoigne la baisse des prévisions de croissance.

Le Gouvernement a recherché des solutions nouvelles : le pacte de responsabilité et de solidarité, soit des dizaines de milliards d'euros pour redonner des marges aux entreprises. Les consacreront-elles au redressement de leur activité ? Surtout, ce n'est pas le faible coût, mais la qualité du travail et de la formation qui fait la compétitivité. Même si la baisse des charges est nécessaire, nous n'encourageons pas les bonnes pratiques. Bien plus, nous entretenons l'idée que l'Europe est un enjeu, non de solidarité, mais de compétition ; bref nous encourageons les mauvaises habitudes qui ont conduit à la crise, qui font des gagnants et des perdants.

Il faut promouvoir une relance par l'investissement en Europe. On me dira : l'Allemagne n'en veut pas. Se résout-on à ce que la France ne pèse pas ?

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.  - Je souscris à ce que vous dites.

M. Gaëtan Gorce.  - J'entends des incantations à la tribune, mais ne vois rien venir. Pourquoi ne nous battons-nous pas comme les Britanniques ?

Nous n'avons aucune chance de faire évoluer les Allemands sans consolidation politique de l'euro. Le principal reproche que je fais au président de la République - pardonnez-moi d'être direct - c'est de rester inerte face à cet enjeu. Le risque que nous prenons ainsi, c'est d'échouer sur les deux terrains, celui du déficit des comptes publics et celui du chômage, en l'absence de croissance.

Il faut passer la surmultipliée pour que la donne change en Europe. En se contentant de négocier État par État, nous préparons l'affaiblissement de ce pays, donc de la démocratie. (M. André Gattolin applaudit)

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Marc, au nom de la commission.

Alinéa 2, tableau, 2ndecolonne, 2ème et 3ème lignes :

Rédiger ainsi ces lignes : 

- 2,3

- 1,5

M. François Marc, rapporteur général.  - Le présent amendement tend à rétablir le texte initial de cet article. L'Assemblée nationale a proposé de dégrader l'anticipation de solde conjoncturel et d'améliorer celle de solde structurel.

Si l'on s'autorisait à revoir ainsi nos méthodes et nos hypothèses en cours de route, nous serions confrontés au « syndrome de la cible mouvante » et nous donnerions le sentiment de nous arroger le droit d'améliorer comme bon nous semble notre trajectoire, de définir les règles à notre gré, ce qui risquerait de ruiner notre crédibilité. D'où notre amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage cette appréciation. L'article liminaire doit être cohérent avec la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques en vigueur, pour des raisons techniques et juridiques. Évitons tout risque de censure du Conseil constitutionnel. Cela n'empêchera pas de discuter lors d'une prochaine loi de programmation de cette notion de croissance potentielle et du déficit nominal. Avis favorable.

M. Vincent Delahaye.  - L'Allemagne a proposé de distinguer solde structurel et solde conjoncturel - pour se donner quelques marges de relance, alors qu'elle est en général proche de l'équilibre. Notre situation est bien différente, puisque nous devons assainir nos finances publiques. C'est pourquoi j'ai toujours dit mon hostilité à ces notions. Les finances publiques ne sont déjà pas si faciles à comprendre, parlons de déficit effectif, réel. D'autant que le déficit conjoncturel est calculé sur la base d'une croissance de 1,5 % à 1,8 %. (Mme Nicole Bricq le conteste) Nous sommes très loin du compte.

Je voterai donc l'amendement du rapporteur général, même si je préférerais aller plus loin.

M. Gaëtan Gorce.  - Je comprends le raisonnement de la commission, mais les députés ont voulu souligner le fait que nos difficultés sont liées en large part aux insuffisances de l'investissement, lequel est une composante de la demande. Les capacités de production inemployées sont considérables. Les chiffres de la croissance témoignent aussi de l'insuffisance du soutien à l'activité. Ne laisser le choix qu'entre l'assainissement et la relance tous azimuts, comme l'a fait Mme Bricq, est réducteur.

Mme Nicole Bricq.  - Je n'ai pas dit cela.

M. Gaëtan Gorce.  - Nous ne pouvons pas faire payer cet assainissement à nos concitoyens et à toute l'Europe. La France dispose d'une épargne abondante et peu chère. Les besoins d'investissements ne sont-ils pas considérables, dans le domaine des transports, du numérique, de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Investir, ce n'est pas accroître la dette, mais créer des actifs futurs. M. Delors, qui n'est pas, que je sache, un révolutionnaire, ni un farouche altermondialiste, ne dit pas autre chose. Mais je crois que M. le ministre ne m'écoute pas...

M. Michel Sapin, ministre.  - Cessez d'interpréter mes gestes !

M. Gaëtan Gorce.  - Ne pouvant interpréter vos paroles... J'attendais autre chose de ce Gouvernement !

M. Éric Bocquet.  - Je n'entrerai pas ici dans la discussion de concepts auxquels nos concitoyens n'entendent goutte. Soyons concrets ! Nous sommes confrontés à un problème structurel qui mérite réflexion. Deux facteurs de production sont à l'origine de la création de richesses : le capital et le travail, dans toutes ses dimensions, formations initiale et continue comprises. Le PIB marchand dépasse 2 000 milliards d'euros dans notre pays. L'abaissement du coût du travail a encouragé le recours massif à des emplois de service à faible valeur ajoutée et aux rémunérations indigentes. L'évolution de l'économie crée aussi du chômage ; 4 millions de personnes privées d'emploi constituant l'armée de réserve d'un marché du travail qui les exclut durablement... Les banques n'exercent qu'avec parcimonie leur fonction d'appui à l'économie.

Or la France a les moyens d'une croissance plus forte, plus équitablement partagée. Au lieu de cela, nous avons droit à l'austérité. Il est temps de mener une vraie politique de gauche, ambitieuse et audacieuse.

M. Dominique de Legge.  - Je ne me perdrai pas en distinguo entre solde structurel et conjoncturel. Mais l'adoption de cet article illustre les conditions étranges de ce débat : désavoué par sa majorité, le Gouvernement est soutenu par l'opposition...

Nous avons assez dénoncé l'insincérité de ce budget pour ne pas le rendre, de surcroît, inconstitutionnel. C'est pourquoi le groupe UMP votera l'amendement du rapporteur général.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Qu'il y ait un débat de politique économique entre nous, ce n'est un secret pour personne. De là à frapper le choix du Gouvernement d'indignité...

Le débat porte sur le choix entre politique de l'offre et de la demande - celle-ci se divisant entre consommation et investissement. Peu ici préconisent une relance par la consommation des ménages, que nous payerions par la dette et le déficit extérieur, comme en 1981. Les débats entre solde structurel et conjoncturel n'ont que peu d'intérêt : les traités s'imposent à nous. L'important ce sont les variations, c'est-à-dire l'effort que consent la Nation, calculable d'une année sur l'autre. Le reste n'est que littérature.

Pour répondre à une question de politique économique, on change le thermomètre... Ce n'est pas de bonne méthode, d'autant que l'on risque l'inconstitutionnalité, comme cela a été rappelé.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Voilà qui est révélateur des contradictions au sein du PS, et entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Mme Nicole Bricq.  - Vous n'avez pas de contradictions, peut-être ? La contradiction, c'est la vie !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous nous avez un peu manqué, madame Bricq...

L'Assemblée nationale a cru astucieux de modifier les données pour faire croire qu'il y aurait moins d'économies à faire. (Mme Nicole Bricq le concède) Le rapporteur général a raison de vouloir revenir au texte du Gouvernement, faute de quoi nous serions pris en flagrant délit de manipulation.

Les notions de solde structurel et conjoncturel sont nécessairement d'un maniement complexe, et d'un abord ingrat pour le grand public. Il faut d'ailleurs qu'elles soient éclairées par le Haut Conseil des finances publiques. C'est toutefois un instrument de coordination en Europe, un thermomètre commun, en effet. Il faut en passer par là.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne conteste pas que l'on calcule les économies d'après la tendance, depuis des années. Reste que le plus compréhensible pour les Français, c'est de connaître d'une année sur l'autre, le solde effectif, en euros courants. C'est d'ailleurs ce que le Gouvernement ne se prive pas de faire pour les collectivités !

Pour les années à venir, nous avons besoin de prévisions en recettes et en dépenses, en euros, et pas en fraction de points de PIB. L'initiative du rapporteur général est heureuse.

M. Yvon Collin.  - Très bien !

L'amendement n°2 est adopté.

L'article liminaire, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°140, présenté par M. Delahaye.

Supprimer cet article.

M. Vincent Delahaye.  - Lorsque le président de la République a annoncé le pacte de responsabilité, nous avions compris qu'il s'agissait d'abord de rétablir les marges des entreprises, pour l'investissement et la création d'emplois, bref de privilégier la politique de l'offre. J'ai donc été surpris d'entendre le Premier ministre annoncer, au lendemain des élections européennes, des mesures en faveur des ménages. La seule disposition qui concerne les entreprises, ici, c'est la prolongation d'une surtaxe... C'est surprenant !

Au-delà de cette année, ce cadeau fiscal ne pourra être financé durablement que par l'emprunt. Je ne suis pas favorable à cette façon de procéder. Il ne fait d'ailleurs que corriger vos excès fiscaux, comme Mme Rabault l'a bien montré.

Surtout, je préfère que tout le monde paie l'impôt, même faiblement. Je trouverais normal que mon fils, qui gagne un smic en alternance, paie 200 à 300 euros d'impôt.

Mme Nicole Bricq.  - Il paie la TVA !

M. François Marc, rapporteur général.  - À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement. Cette baisse d'impôt bénéficiera à 3,7 millions de ménages, dont 1,9 million n'étaient jusqu'à présent pas imposés. D'un montant de 1,16 milliard d'euros, cette mesure simple et lisible est d'effet immédiat.

Mais la commission des finances a donné un avis favorable.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Vous dites, monsieur Delahaye, qu'il n'y a dans le texte aucune mesure favorable aux entreprises. J'ai pourtant dit qu'il fallait considérer ensemble le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous proposons de supprimer, déjà, une part de la C3S, par le biais d'une mesure de 3 millions d'euros sur le chiffre d'affaires qui bénéficiera mécaniquement aux PME, lesquelles représentent deux tiers des entreprises concernées. N'oubliez pas non plus la baisse des cotisations sociales, à hauteur de 4,5 milliards d'euros.

Quant aux ménages, rappelons que c'est le gouvernement Fillon qui avait gelé le barème de l'impôt sur le revenu. D'autres mesures ont été prises par la suite, le Gouvernement veut corriger le tout. Avis défavorable.

M. Francis Delattre.  - Après les vacances, les Français vont recevoir leur feuille d'impôt : entre 3 milliards et 5 milliards d'euros d'impôt sur le revenu en plus !

Une grande majorité de salariés sont concernés par la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui se solde par une cotisation supplémentaire de quelque 500 euros par an. S'y ajoute l'imposition de 7 millions de retraités nouveaux ; l'imposition des majorations de pension de retraite pour les salariés qui ont élevé trois enfants...

Cet article premier, ponctuel, ne touche pas les couches moyennes, mais seulement 3,7 millions de foyers fiscaux sur 36 millions, ceux qui gagnent moins d'1,2 smic. Au-dessus, on n'a le droit que de s'acquitter de la totalité de l'impôt. Ignorez-vous que les classes moyennes sont les stabilisateurs de la démocratie ? Cette mesure est insuffisante car elle les exclut. Elle aurait dû être étendue à 10 à 12 millions de foyers.

Nous voterons l'amendement.

M. Éric Doligé.  - L'article premier d'un projet de loi, en général, donne le « la ». Celui-ci est-il toujours d'actualité, alors que le président de la République vient encore d'annoncer, à l'occasion de la Conférence sociale de ce jour, que « la crise est terminée », en la balayant d'un revers de main ?

Il est sans doute louable, après avoir assommé fiscalement les Français pendant deux ans, de faire machine arrière. Mais les classes moyennes sont oubliées : un couple gagnant au total entre 2 400 et 3 500 euros par mois ne sera pas concerné. La vraie justice serait de revenir au statu quo ante. La fin de la défiscalisation des heures supplémentaires qui, en 2013, concernait pour la première fois une année pleine, touche 8 millions de salariés... Cette défiscalisation coûtait un milliard, moins que cette manne qui touche un bien moins grand nombre de Français.

M. Gaëtan Gorce.  - Quand je vois ce que fait le Gouvernement, j'ai des doutes, mais quand j'entends l'opposition, je m'y retrouve... Vous qui ne vous êtes pas inquiétés de l'injustice du bouclier fiscal, vous qui laissez M. Dassault, en votre nom, proposer rien moins que de supprimer la progressivité de l'impôt - Joseph Caillaux a dû se retourner plusieurs fois dans sa tombe - vous vous souciez à présent des classes moyennes ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Une remarque de méthode budgétaire. Cette révision du barème de l'impôt sur le revenu n'était pas prévue en loi de finances initiale. Comment sera-t-elle financée ? Cette année, vous avez opportunément trouvé une plus-value de plus d'un milliard d'euros, tirée du rapatriement des capitaux, ce que vous avez présenté de manière extrêmement habile. Mais, en pure rigueur budgétaire, quand une dépense est pérenne, son financement devrait l'être aussi ! Parmi les recettes engendrées par le rapatriement des capitaux, quelle part peut être considérée comme récurrente, quelle autre comme un one shot ? Les pénalités, par exemple, n'ont pas vocation à se répéter...

présidence de M. Jean-Claude Carle, vice-président

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous n'avons pas une analyse en noir et blanc de la situation macroéconomique. Il n'y a pas à choisir entre l'offre ou la demande, les entreprises ou les ménages. Parce qu'elles sont confrontées à un problème de compétitivité, qui ne date pas d'il y a deux ans, mais dure depuis une dizaine d'années, nos entreprises ne sont pas assez armées pour faire face à la demande en France, mais aussi à la concurrence internationale : nous leur rendons des capacités d'investissement, d'innovation, d'exportation, d'embauche. Mais nous n'avons jamais dit que cela suffisait.

Oui, il y a un problème de pouvoir d'achat chez les Français les plus modestes, du fait notamment des hausses d'impôt. Je pourrais vous parler de la mesure sur la demi-part des veuves ou du gel du barème de l'impôt sur le revenu décidé par la majorité précédente.

Nous avons donc voulu baisser globalement la fiscalité des ménages modestes, touchés par les mesures prises par vous ou par nous. Votre question, monsieur le président, est légitime. Mais nous ne créons pas une dépense, nous diminuons un impôt.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Pour le solde, c'est pareil.

M. Michel Sapin, ministre.  - On s'est même mis à parler de « dépense fiscale »... Nous essayons, pour notre part, d'être rigoureux.

En l'occurrence une baisse des prélèvements obligatoires sur les plus modestes est équilibrée par une hausse sur les détenteurs de capitaux non déclarés.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est merveilleux !

M. Michel Sapin, ministre.  - Une précision : ce qui est interdit, c'est de cacher des capitaux ou des revenus, non d'en posséder à l'étranger.

Le produit des impôts et pénalités sur les capitaux rapatriés, que nous avions estimé à 300 millions, puis à 800 millions d'euros, dépasse déjà 1,2 milliard cette année et devrait franchir sans difficulté la barre des 1,8 milliard. J'ai la faiblesse de penser que nous n'aurons pas épuisé le stock de capitaux dissimulés d'ici la fin de l'année : la tendance se poursuivra donc, pour un temps.

Mais ces capitaux sortis de l'ombre, qui se montent déjà à plus de 25 milliards d'euros et pourraient atteindre 50 à 60 milliards d'euros, produisent aussi, chaque année, des revenus imposables, et constituent en eux-mêmes une base nouvelle et pérenne de l'ISF. Il y a là, aussi, une ressource durable.

M. Vincent Delahaye.  - Jean-Marc Ayrault avait annoncé que trois Français sur dix seraient épargnés par les hausses d'impôt et annoncé une remise à plat totale du système fiscal. Nous ne voyons rien venir, et le premier texte financier du nouveau Gouvernement prévoit de nouvelles dépenses fiscales ponctuelles, décidées dans l'urgence, dont le financement n'est pas assuré autrement que par la dette !

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°140 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°215 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 164
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le 1. du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 254 € le taux de :

« - 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 254 € et inférieure ou égale à 12 475 € ;

« - 14 % pour la fraction supérieure à 12 475 € et inférieure ou égale à 27 707 € ;

« - 30 % pour la fraction supérieure à 27 707 € et inférieure ou égale à 74 280 € ;

« - 41 % pour la fraction supérieure à 74 280 € et inférieure ou égale à 110 000 € ;

« - 45 % pour la fraction supérieure à 110 000 € et inférieure ou égale à 150 000 € ;

« - 50 % pour la fraction supérieure à 150 000 €. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Éric Bocquet.  - Que pèsent les 350 euros de ristourne face aux milliards rendus aux entreprises ? Cet amendement propose de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu, et d'améliorer son rendement. Il revient sur le gel du barème, en revenant à l'indice des prix à la consommation, et crée une nouvelle tranche à 50 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros.

Un tel impôt sur le revenu serait plus juste et dégagerait des ressources pour les politiques publiques de correction des inégalités.

M. le président.  - Amendement n°98 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall.

I.  -  Alinéa 1, seconde phrase, et alinéa 3

Remplacer le montant :

3 536 €

par le montant :

4 000 €

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Yvon Collin.  - Nous aurions préféré une réforme fiscale plus large mais nous soutenons l'article premier.

La réduction de l'impôt sur le revenu est familialisée. Cet amendement augmente la majoration du seuil de revenus afin que la réduction profite à davantage de ménages.

M. François Marc, rapporteur général.  - Nos estimations nous laissent penser que la réindexation pour trois années consécutives de l'impôt sur le revenu serait très coûteuse. La restitution de pouvoir d'achat atteindrait le milliard d'euros. Avis défavorable, par conséquent à l'amendement n°55.

L'amendement n°98 rectifié aurait aussi un coût important et son objet est en partie satisfait par les mesures du Gouvernement. Retrait ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Mon avis rejoint celui du rapporteur général. Le coût de la mesure serait de 2,7 milliards d'euros. Avis défavorable à l'amendement n°55.

Je signale à M. Collin que le seuil de la majoration a été fixé à 3 536 euros non par hasard, mais en référence au seuil de la prime pour l'emploi (PPE) fixé pour une personne seule.

M. Gaëtan Gorce.  - M. le ministre est déjà reparti, comme s'il refusait de débattre... Nos difficultés économiques datent de plus de dix ans.

M. Francis Delattre.  - Les 35 heures !

M. Gaëtan Gorce.  - Le rapport Gallois a révélé l'ampleur de nos difficultés.

Nous avons perdu des millions d'emplois industriels. Jouer la carte de la compétitivité par la baisse du coût du travail, c'est renoncer au soutien à l'activité économique et à la relance européenne. Le Gouvernement n'est pas capable de trouver une autre voie. Notre difficulté industrielle ne tient pas à un manque de compétitivité mais au fait que dans la zone européenne, la force industrielle attire l'industrie. Il faut, dans ce contexte, consolider la zone euro, en faire un outil de solidarité et pas seulement de compétition. Nous avons besoin d'outils de convergence économique, d'une relance par l'investissement. C'est un problème de choix politique, pour ne pas renoncer à nos valeurs.

Or le Gouvernement ne s'explique pas sur les orientations retenues. Ce qui s'est décidé à Bruxelles mérite qu'on en discute. Il ne faut pas faire de l'Allemagne un modèle. On ne peut faire l'économie de politiques sectorielles concertées. À défaut, nous provoquerons le repli national.

Le rôle de la représentation nationale est de soulever ces questions. Nous n'avons pas eu ce débat économique de fond, ni ici, ni à l'Assemblée nationale. Je ne veux pas mener une guérilla parlementaire par voie d'amendements, mais qu'on débatte ici.

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

L'amendement n°98 rectifié est retiré.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°192, présenté par M. Delattre et les membres du groupe UMP.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le 2 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le montant : « 1 500 € » est remplacé par le montant : « 2 000 € » ;

2° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 3 540 € » est remplacé par le montant : « 4 040 € » ;

3° À la première phrase de l'avant-dernier alinéa, le montant : « 1 497 € » est remplacé par le montant : « 997 € » ;

4° À la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 1 672 € » est remplacé par le montant : « 672 € ».

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Francis Delattre.  - Le quotient familial n'est pas une mesure sociale : c'est une mesure de solidarité entre les familles. C'est un investissement d'avenir, en quelque sorte...

Certes, son coût est élevé : 1 milliard... Mais y toucher comme l'a fait la loi de finances initiale est détestable.

On vient d'évoquer la compétitivité. Le rapport Gallois préconisait trente mesures dont n'a été retenue que la mise en place du CICE, - à quel prix ?

M. Gorce a dit qu'il retrouvait ses marques en m'entendant. Je le renvoie au rapport de la Cour des comptes sur l'évolution de la dépense publique en France et en Allemagne depuis 2001, et donc l'effet des 35 heures : l'écart est passé de 4 à 12 points de PIB, en notre défaveur.

Et l'Allemagne a une meilleure croissance et un solde extérieur positif.

Cet amendement rétablit un quotient familial décent pour aider les familles à élever leurs enfants.

M. François Marc, rapporteur général.  - Je m'étonne d'entendre M. Delattre défendre une relance par la consommation... Avis défavorable.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Diminuer le plafond du quotient familial, ce n'est pas le supprimer. Cela vise à assurer l'équilibre de la branche famille, tout en maintenant l'universalité des allocations familiales ainsi que leur non-assujettissement à l'impôt. Avis défavorable.

M. Francis Delattre.  - Les familles ne thésaurisent pas, elles dépensent...

L'amendement n°192 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Au 4 du I de l'article 197 du code général des impôts, le montant : « 508 € » est remplacé par le montant : « 514 € ».

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Yvon Collin.  - Cet amendement renforce les mesures en faveur des ménages modestes. Le seuil de la décote à l'impôt sur le revenu a déjà été augmenté de 484 à 508 euros. Nous le portons à 514 euros, afin de soutenir le pouvoir d'achat des ménages modestes.

M. François Marc, rapporteur général.  - La décote a déjà été augmentée de 9 % en 2013, puis de plus de 5 % en 2014. D'autres mesures soutiennent le pouvoir d'achat des ménages modestes. Le coût de cet amendement n'est pas nul. Avis défavorable.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Je rejoins à nouveau le rapporteur général. Avis défavorable à défaut d'un retrait.

L'amendement n°101 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°100 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du 1° de l'article 81 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux dont le revenu brut annuel n'excède pas 62 340 €. »

M. Yvon Collin.  - Cet amendement, déjà adopté par le Sénat l'automne dernier, réserve le bénéfice de l'exonération d'impôt prévue au 1° de l'article 81 du code général des impôts, aux seuls journalistes, dont le revenu est inférieur à 4 000 euros nets par mois.

M. François Marc, rapporteur général.  - En 2013, j'avais émis un avis de sagesse compréhensif. Mais une telle disposition ne concerne qu'une seule catégorie de journalistes, ce qui est juridiquement contestable, et présente des effets de seuil importants. J'ajoute qu'il s'agit d'une forme d'aide à la presse, dont on connaît la situation difficile. Retrait ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Cet amendement méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques. Retrait ?

M. André Gattolin.  - Les écologistes ne sont pas favorables aux privilèges et aux niches fiscales. Mais la situation des 37 000 titulaires de cartes de presse est préoccupante. Le nombre des journalistes baisse en France alors que le nombre de supports d'information augmente. Les journalistes sont remplacés par des gestionnaires de contenus sur Internet. Parmi les aides à la presse, celle-ci est l'une des rares qui encouragent la qualité.

Cette niche coûte 60 millions selon la Cour des comptes. Mais cet amendement concerne 13 % des journalistes, et ne ferait économiser que 8 à 10 millions. Le jeu en vaut-il la chandelle, alors que l'on créerait des effets de seuil au détriment de ceux - rédacteurs en chef, adjoints... - qui parviennent après trente ans de carrière à franchir le seuil de 4 000 euros par mois ? Mieux vaudrait procéder progressivement - ou rendre l'abattement dégressif.

Il y va du pluralisme de la presse. Ne jouons pas avec cette niche, qui sert la qualité de l'information.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Cette initiative est méritoire et utile, mais se heurte à certains obstacles.

Voilà l'illustration de ce que notre système est rongé par tant et tant de niches et revendications corporatives.

S'agissant de nos amis journalistes, il s'agit d'une déduction forfaitaire : quid de l'égalité devant l'impôt ?

Monsieur le ministre, j'en profite pour vous poser une question : allez-vous plafonner enfin la dépense fiscale ? L'évaluer au moins ? Ou continuerons-nous dans ce théâtre d'ombres, à déposer des amendements, pour montrer son souci de la maîtrise des dépenses publiques, avant de les retirer pour témoigner notre compréhension amicale pour diverses corporations ?

M. Éric Doligé.  - Mieux vaudrait ne plus parler de cette niche fiscale. Nous avons compris qu'il s'agit d'une corporation intouchable.

L'amendement n°100 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Après l'article premier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après le 2 bis de l'article 81 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  Les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille ; ».

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Thierry Foucaud.  - Geler les retraites supérieures à 1 200 euros n'est pas une bonne mesure, quand on distribue des milliards aux entreprises. Le problème n'est pas que les retraites aient comparativement augmenté plus que les salaires mais que les salaires soient aussi bas.

Rendre du pouvoir d'achat aux ménages, salariés et retraités, et singulièrement les plus modestes et ceux qui n'ont toujours vécu que du produit de leur travail, passe par une remise en question de dispositions inéquitables prises récemment.

M. François Marc, rapporteur général.  - Cet amendement coûte plus d'un milliard d'euros, et est antiredistributif. Avis défavorable.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Nous n'allons pas recommencer les débats de la loi de finances pour 2014...

Monsieur Marini, d'autres niches sont souvent mises en avant par la Cour des comptes. Oui, le Gouvernement plafonne les niches fiscales, on s'en émeut assez. Sur la défiscalisation outre-mer, nous avons fait bouger les choses. Nous espérons pouvoir aller encore plus loin.

La dépense fiscale n'augmente plus ; elle est stabilisée à 70 milliards d'euros - encore faudrait-il s'entendre sur le sens de cette notion... Ainsi la Cour des comptes voit dans l'abattement de 10 % sur les retraites la principale niche fiscale...

Avis défavorable à l'amendement n°58, en raison de son coût.

M. Jean-Yves Leconte.  - La confiance ne peut revenir sans justice. L'article premier va dans le bon sens, qui redonne du pouvoir d'achat aux Français.

Nos collègues laissent entendre que tout le monde ne paie pas d'impôt. C'est faux. Tout le monde paie la CSG, qui est une quasi-flat tax. Cessons de dire, comme certains à l'UMP, que ceux qui ne paient pas d'impôt sur le revenu ne contribuent pas à la solidarité nationale.

M. Francis Delattre.  - Cela n'a pas été dit sur les bancs de l'UMP !

M. Jean-Yves Leconte.  - Si, tout à l'heure. Redonner du pouvoir d'achat, notamment aux plus modestes, passe par une réflexion globale sur notre système, aujourd'hui à bout de souffle, avec l'introduction d'une CSG progressive, au moins partiellement.

M. Thierry Foucaud.  - Les politiques d'allégement du coût du travail, commencées en 1993, n'ont jamais été interrompues. Cette dépense fiscale atteint aujourd'hui 30 milliards... Et le CICE l'alourdit encore, pour subventionner des emplois mal payés. C'est cela qu'il faut changer.

Les réformes des retraites, Balladur de 1993, Fillon I de 2003 et Fillon II de 2010, ont toutes contribué, elles aussi, à déprimer le montant des pensions. Ces rappels sont importants.

M. Éric Doligé.  - Cette critique de l'impôt sur le revenu n'a pas été émise sur les bancs de l'UMP. Certains paient deux fois, impôt sur le revenu et CSG, quand d'autres reçoivent des prestations égales à deux fois le smic et ne paient ni l'un ni l'autre...

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°197, présenté par M. Delattre et les membres du groupe UMP.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater.  -  I.  -  Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail, définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures, prévues à l'article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 du même code, à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure.

« L'exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l'article L. 3123-14 et aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du même code ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II.  -  L'exonération prévue au I s'applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :

«  -  pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail ;

«  -  pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

«  -  pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l'article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I, dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III.  -  Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79 du présent code, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

«  -  à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l'article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l'horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

«  -  à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 du même code. »

II.  - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 241-17.  -  I.  -  Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions de cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent article.

« II.  -  La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération.

« III.  -  Le cumul de cette réduction avec l'application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l'application d'une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV.  -  Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle, mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L'article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18.  -  I.  -  Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II.  -  Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du code général des impôts.

« III.  -  Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d'exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Ce montant est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV.  -  Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues au IV de l'article L. 241-17 du présent code. »

III.  -  Les dispositions du II sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er janvier 2013.

IV.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à III  ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V.  -  La perte de recettes résultant pour l'État des I à III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Francis Delattre.  - Il avait été décidé en 2008 de donner de la souplesse aux entreprises et un surcroît de pouvoir d'achat aux salariés faisant des heures supplémentaires. Ce dispositif, très critiqué, a tout de même bénéficié à 8 ou 9 millions de personnes, soit bien plus que le nombre de bénéficiaires des mesures d'allégement de l'impôt sur le revenu. Ne dites pas que vous défendez les personnes les plus modestes : plus personne n'y croit.

La réalité, c'est que vous avez réduit les revenus de 8 à 9 millions de personnes ! Nous vous donnons l'occasion de réparer cette erreur.

Vous nous direz : cela a un coût. Que n'avez-vous supprimé l'article premier ? Autres pistes : la franchise de l'AME, les 250 millions du jour de carence des fonctionnaires, les 500 millions des rythmes scolaires...

M. François Marc, rapporteur général.  - Avis défavorable : je ne reviens pas sur les débats nourris que nous avons eus sur le sujet. Votre amendement coûte plus d'un milliard d'euros. Mais je note une nouvelle fois votre conversion à la relance par la consommation !

M. Éric Doligé.  - Vous passez votre temps à changer de ligne !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Nous restons défavorables à cet amendement. Vos arguments sur la flexibilité prétendument nécessaire des effectifs pour s'adapter au marché ne tiennent pas une seconde. Pour le reste, tout a été dit sur les effets d'aubaine ou la désincitation à l'embauche. L'amendement, dont le coût fiscal paraît sous-évalué, entraînerait aussi une perte de cotisations sociales...

M. Francis Delattre.  - 450 000 chômeurs de plus depuis deux ans, cela ne vous fait pas réfléchir ? Il faut les deux, la consommation et l'investissement. Et nous aurons aussi des propositions pour soutenir l'investissement, comme la déductibilité des intérêts d'emprunt des entreprises alors que 90 % des PME et PMI ont besoin de prêts bancaires. L'ingénierie financière que vous avez mise en place est désastreuse.

Nous sommes, nous, pour la valeur travail.

Mme Nicole Bricq.  - Avec un million de chômeurs de plus ? Cela suffit !

M. Francis Delattre.  - Tous ceux qui gèrent les collectivités territoriales savent l'importance de l'investissement. Mais si vous êtes satisfaits de vos résultats, alors...

M. Richard Yung.  - Et vous ?

M. Yvon Collin.  - Nous confirmerons notre vote de novembre en soutenant très majoritairement cet amendement. Certes, dans un système fiscal idéal, défiscaliser les heures supplémentaires peut paraître injuste, mais il en va autrement aujourd'hui. La pression fiscale est devenue excessive. Soyons pragmatiques. Pour soutenir la relance, il faut redonner du pouvoir d'achat aux Français.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°197 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°216 :

Nombre de votants 310
Nombre de suffrages exprimés 289
Pour l'adoption 151
Contre 138

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Amendement n°102 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le 1 de l'article 195 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le mot : « distincte », la fin du a est supprimée ;

2° Après le mot : « guerre », la fin du b est supprimée ;

3° Après le mot : « ans », la fin de la seconde phrase du e est supprimée.

II.  -  La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Yvon Collin.  - Cet amendement, déjà adopté par la Haute Assemblée l'automne dernier, corrige une injustice en rétablissant, au bénéfice de tous les veufs et veuves, la demi-part supplémentaire que la majorité précédente a soumis à la condition d'avoir supporté seul, à titre exclusif ou principal, la charge d'enfants pendant cinq ans.

M. François Marc, rapporteur général.  - Dans le contexte budgétaire actuel, l'abattement ne se justifie pas nécessairement si les veufs et veuves n'ont pas assumé la charge effective de leurs enfants. Le Gouvernement a fait le choix de concentrer les aides en direction des personnes qui ont effectivement eu des charges de famille. Retrait.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable. Le Gouvernement demandera une deuxième délibération pour revenir sur l'adoption de l'amendement précédent.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°102 rectifié, mis aux voix par assis et debout, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°115 rectifié ter, présenté par MM. Leconte et Yung, Mmes Conway-Mouret et Claireaux et MM. Néri et Poher.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du 3 de l'article 200 du code général des impôts est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « sous réserve du respect de l'obligation de certification des comptes du parti ou groupement politique par les commissaires aux comptes et du délai de dépôt des comptes certifiés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La réduction d'impôt n'est pas appliquée aux dons et cotisations versés à compter de la date de constatation de l'un de ces deux manquements par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et pour une période allant jusqu'au 31 décembre de l'année suivante. »

M. Jean-Yves Leconte.  - Les dons versés à une association agréée de financement d'un parti politique et les cotisations versées aux partis et groupements politiques confèrent au donateur une réduction fiscale qui atteint 66 % du montant versé, dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Le « Sarkothon » a coûté 5 millions à l'État. Et si les partis ne respectent pas leurs obligations légales de dépôt et de certification de leurs comptes, cela n'emportait aucune conséquence sur la déductibilité fiscale jusqu'à l'amendement de M. Gorce à la loi sur la transparence de la vie politique. Il reste cependant six mois de grâce, entre le 1er juillet, date à laquelle l'infraction est constatée par la Commission nationale de contrôle, et le 31 décembre de la même année. Cet amendement comble cette lacune.

M. François Marc, rapporteur général.  - L'amendement initial était satisfait par la législation en vigueur. Sa version rectifiée couvre la faille des six mois au cours desquels la déductibilité reste possible. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Merci de me donner l'occasion de préciser les choses. Des événements agitent légitimement l'opinion. Alors qu'un candidat à la présidence de la République s'est vu refuser le remboursement de ses frais de campagne, j'ai lu que cela n'avait eu aucun coût pour l'État. Si on en croit l'évolution du dossier, l'État a assumé une partie significative des deux tiers des dons au parti qui s'est substitué au candidat.

L'amendement est satisfait, à la date près. À l'initiative de votre commission, lorsque la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques constate qu'un parti a manqué à ses obligations comptables, les dons à ce parti ne sont pas déductibles l'année suivante. Vous proposez que ce soit le cas dès le constat. Mais que le don soit fait avant ou après le 1er juillet, les certificats sont délivrés en fin d'année. L'amendement pose donc un problème de rétroactivité.

Le décret du 26 juin 2014 assure que les donateurs sont informés, le cas échéant, qu'ils ne bénéficieront d'aucune déduction fiscale. À cet égard, votre amendement pose un problème technique.

Tenons-nous en au droit en vigueur - même si vous avez raison de dire qu'il faut être vigilant.

M. Jean-Yves Leconte.  - L'amendement n'est pas tout à fait satisfait. Pendant six mois, le parti peut dire : « Attention, faites vos dons cette année, l'année prochaine ils ne seront pas déductibles ! ».

Le décret précise que les reçus doivent être datés et indiquer le mode de paiement : on peut donc savoir si les dons ont eu lieu avant ou après le 30 juin.

Je m'incline cependant, pour l'heure. Il faudra bien corriger cette lacune.

L'amendement n°115 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°106 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Au b du 2 de l'article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 vicies A, », est insérée la référence : « 199 sexdecies, » et après la référence « 200 quater A, », est insérée la référence : « 200 quater B, ».

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Yvon Collin.  - Il s'agit d'un amendement d'appel. Les services à la personne, qui emploient 2 millions de personnes, sont en crise : en 2011, pour la première fois, le nombre d'heures d'emploi à domicile rémunérées par les particuliers a baissé de 1,8 %. Le travail au noir se développe, suite à la suppression du « forfait » et à la hausse de la TVA.

Nous proposons d'exclure les services à la personne du plafonnement des niches fiscales.

M. François Marc, rapporteur général.  - Le Gouvernement réfléchit d'ores et déjà à un geste pour les salariés à domicile. Votre amendement profiterait d'abord aux foyers aisés touchés par le plafond de 10 000 euros. Retrait.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Défavorable. Vous parliez de plafonner les niches, et vous les déplafonnez ? Pour le ménage par exemple, le plafond est de 6 750 euros ; pour les frais de garde des jeunes enfants, 1 150 euros par enfant à charge : on n'atteint pas ainsi le plafond global de 10 000 euros - il ne l'est que dans de rares cas particuliers.

Le montant de la réduction de charges pour les particuliers employeurs, 75 centimes par heure actuellement, est fixé par décret ; nous pourrons en reparler lors de l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

L'amendement n°106 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°119 rectifié, présenté par M. Marini.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le septième alinéa du V de l'article 212 bis et de l'article 223 B bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le mot : « exclusivement » est supprimé ;

2° Il est complété par les mots : « et afférentes aux biens acquis et construits par une de ses filiales conformément au premier alinéa du présent V ».

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Marini.  - La loi de finances pour 2013 a limité la déductibilité des charges financières de l'assiette de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 25 % à compter de 2014.

Ce « rabot » général n'est toutefois pas applicable aux charges financières afférentes aux biens acquis ou construits dans le cadre de convention de service public, de concession de travaux publics, contrats de partenariat, afin de ne pas pénaliser l'investissement dans les infrastructures et d'éviter que l'augmentation du coût ne soit reportée soit sur la personne publique concédante, soit sur les usagers.

Cette exception est également applicable aux holdings dont l'unique objet est la détention de titres de sociétés intervenant dans ces domaines, afin de s'assurer que l'exception est neutre du point de vue de l'organisation capitalistique des sociétés de travaux publics ou de service public concernées.

Toutefois, seules les holdings détenant des sociétés exclusivement concessionnaires peuvent voir leurs charges financières exonérées. Si elles détiennent des titres d'autres sociétés, leurs charges financières se voient appliquer le rabot, y compris celles afférentes à des concessions de travaux publics ou de service public.

M. François Marc, rapporteur général.  - Ce problème spécifique concerne certains opérateurs, mais l'amendement coûterait plusieurs dizaines de millions d'euros. Il serait d'ailleurs difficile de faire le lien entre les charges de la société mère et les biens acquis ou construits par la société fille. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Il n'y est pas favorable. Des dérogations minimes ont été consenties après une longue discussion à l'Assemblée nationale, pour une efficacité limitée. Les délégations de service public et les partenariats public-privé bénéficient aussi d'une dérogation s'ils ont été conclus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances qui les institue.

Vous voulez apporter une réponse législative à quelques cas problématiques. Laissons plutôt l'administration y travailler. Nous y reviendrons si nécessaire.

M. Philippe Marini.  - Merci de ces explications. Dans l'immédiat, je retire l'amendement.

L'amendement n°119 rectifié est retiré.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La commission des finances se réunira demain, à 9 heures.

M. le président.  - Nous avons examiné 13 amendements, il en reste 172.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 8 juillet 2014, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 8 juillet 2014

Séance publique

À 9 h 30

Présidence : M. Jean-Claude Carle, vice-président

Secrétaires : M. Hubert Falco - Mme Catherine Procaccia

1. Questions orales

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Jean-Léonce Dupont, vice-président M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président

2. Suite du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2014 (n° 671, 2013-2014)

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 672, 2013-2014)

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 215 sur l'amendement n°140, présenté par M. Vincent Delahaye, tendant à supprimer l'article premier du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2014

Résultat du scrutin

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :341

Pour :164

Contre :177

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (130)

Pour : 128

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Jean-Claude Carle, Philippe Dominati

Groupe socialiste (128)

Contre : 128

Groupe UDI-UC (31)

Pour : 30

N'a pas pris part au vote : 1  -  M. Pierre Jarlier

Groupe CRC (21)

Contre : 21

Groupe du RDSE (19)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 18

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 5

Abstention : 1 - M. Philippe Adnot

Scrutin n° 216 sur l'amendement n°197, présenté par M. Francis Delattre, tendant à insérer un article additionnel après l'article premier du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2014

Résultat du scrutin

Nombre de votants :310

Suffrages exprimés :289

Pour :151

Contre :138

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (130)

Pour : 130

Groupe socialiste (128)

Contre : 128

Groupe UDI-UC (31)

N'ont pas pris part au vote : 31

Groupe CRC (21)

Abstentions : 21

Groupe du RDSE (19)

Pour : 15

N'ont pas pris part au vote : 4 - MM. Christian Bourquin, Jean-Pierre Chevènement, Pierre-Yves Collombat, Robert Hue

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 6