Délimitation des régions (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Discussion générale

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M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Nous avons mis en chantier une réforme par étapes de l'organisation territoriale de la République. Le projet de loi sur les métropoles a occupé la première : ce projet de loi est le deuxième. Demain, vous examinerez le troisième, avec le projet de loi NOTRe. Cette réforme d'ensemble obéit à trous exigences. Une exigence démocratique : la clarté car les citoyens doivent savoir qui fait quoi. Une exigence économique : la compétitivité, car nos régions, doivent avoir les moyens d'être plus attractives. Une exigence de service public : l'efficacité car si nos concitoyens sont toujours plus exigeants, l'argent public est toujours plus rare.

La concurrence prévaut, quand chaque pays, chaque région doit attirer des investissements, réaliser des infrastructures. À l'issue de cette réforme, la population moyenne des régions françaises grossira de 2,6 millions à 4,3 millions d'habitants, taille qui correspond à des programmes de long terme et de grande échelle. L'ensemble des territoires, y compris ruraux...

M. Jacques Mézard.  - Parlons-en !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - ... doivent tirer parti de cette insertion dans un nouvel espace. La CMP a échoué. La carte idéale n'existe pas.

M. Jacques Mézard.  - Ce n'est pas une raison pour faire la pire !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Les fameuses identités régionales ne sont en aucune manière menacées par de nouvelles délimitations administratives, alors qu'elles trouvent leurs sources dans les provinces de l'Ancien Régime. Le Berry, la Touraine, le Dauphiné n'ont jamais correspondu à aucune circonscription administrative et pourtant ces provinces continuent à avoir une existence. Elles ont traversé la Révolution française, la Restauration monarchique, deux Empires, cinq Républiques et elles survivront à cette réforme administrative.

Votre opposition à la fusion Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées et à la grande région Est perdure.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Eh oui !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Sur cette question, mes majorités transcendent les clivages politiques. Je le souligne, les deux assemblées s'accordent sur le périmètre de onze régions sur treize. Je connais l'attachement du Sénat à la question du transfert d'un département d'une région à l'autre. Il fallait toutefois éviter les démembrements La solution de l'Assemblée nationale répond à la nécessaire souplesse.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Non, elle la rend impossible.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Un assouplissement au droit d'option est acquis, grâce à la suppression de l'obligation de tenir trois consultations référendaires locales - une pour chacune des collectivités concernées - nous apportons un assouplissement significatif au droit d'option.

Vous retenez le principe de délibération concordante pour la région d'accueil et le département de départ à la majorité des trois cinquièmes mais vous considérez que la région d'origine peut seulement s'opposer au transfert à la majorité qualifiée. Cette disposition ne respecte pas le principe de libre administration des collectivités territoriales et il ne nous paraît ni possible ni souhaitable que le pouvoir réglementaire puisse modifier le périmètre d'une collectivité sans que celle-ci l'ait approuvé à une majorité qualifiée.

M. Jacques Mézard.  - Et voilà ! C'est le verrou !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Il faut tenir compte de la jurisprudence constitutionnelle. À l'issue d'un travail approfondi avec votre rapporteur, François-Noël Buffet...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - ... nous sommes allés aussi loin que la Constitution le permet. Les deux chambres ont convergé aussi loin que possible.

M. Philippe Dallier.  - Vision optimiste !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Je souhaite comme vous une nouvelle organisation territoriale, plus lisible et plus efficace.

Nous avons défendu un amendement à l'Assemblée nationale, fixant un nouveau plancher de quatre représentants pour les départements au-delà de 100 000 habitants, bénéficiant notamment à l'Ariège, aux Hautes-Alpes, au Cantal, à la Creuse et aux Alpes de Hautes Provence, sans que rien soit retiré à la Lozère avec un maintien d'au moins deux représentants.

Sur le calendrier et la méthode, je connais vos reproches, mais franchement, pensez-vous que six mois de plus eussent suffi, après tant de rapports, depuis quinze ans, du rapport Mauroy en 2000 au rapport Krattinger-Raffarin, en passant par le rapport Balladur de 2008, tant de débats, où tout a été dit, au Sénat plus qu'ailleurs.

C'est toujours en modernisant son organisation, que la France a avancé. Pour affermir la monarchie face aux féodalités Philippe Auguste puis Philippe le Bel ont créé l'État. Pour affirmer partout l'État, les Jacobins puis Bonaparte ont unifié les territoires de la République. Pour consolider la République, Léon Gambetta et Jules Ferry ont inventé la démocratie locale. En 1981, François Mitterrand a lancé la décentralisation. C'est une nouvelle page de cette histoire qu'il nous appartient d'écrire ensemble aujourd'hui. (Après un instant de silence, applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission spéciale .  - Parcours chaotique que celui de ce texte, porté par des débats passionnés et passionnels. Après une CMP infructueuse...

Mme Catherine Troendlé.  - Et brève : sept minutes !

M. François-Noël Buffet, rapporteur - ... l'article premier A a été supprimé par l'Assemblée nationale. Il rappelait les principes directeurs de notre organisation décentralisée et nous y tenons. Nous redisons notre attachement à notre organisation territoriale et à nos structures. Sur le tracé de la carte, certaines fusions consensuelles comme Bourgogne-Franche Comté et les deux Normandie ont été adoptées, de même que la nouvelle région Centre, avec un nom adapté, Centre-Val de Loire. (Mme Jacqueline Gourault s'en félicite)

Restent deux divergences : le fait que l'Alsace ait été réunie avec la Champagne-Ardenne et la Lorraine fait débat. Nous réaffirmons le projet alsacien.

M. André Reichardt.  - Très bien ! (Mme Catherine Troendlé applaudit)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - ... En outre Languedoc-Roussillon est fusionné avec Midi-Pyrénées.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le Sénat a souhaité que soient possibles des fusions de départements, comme les deux Savoie. L'Assemblée nationale l'a accepté. La majorité des trois cinquièmes était pour nous une garantie forte.

M. Jacques Mézard.  - Oui.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'Assemblée nationale s'est ralliée pour l'essentiel à notre conception plus opérationnelle de l'exercice du droit d'option. Sur les articles 5 et 12 relatifs à la métropole de Lyon, le Sénat et l'Assemblée nationale ont prévu les dispositions nécessaires à la formation de cette métropole en 2015.

Le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté le même calendrier électoral : mars 2015 pour les élections départementales, avec le renouvellement suivant en 2021, décembre 2015 pour les élections régionales.

La formule retenue pour la représentation démographique et territoriale des départements, pour la répartition des sièges des conseillers régionaux en cas de changement de région respecte notre Constitution. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

M. Philippe Kaltenbach .  - En juillet dernier, le Sénat n'avait pas abordé le fond du texte. L'Assemblée nationale l'a pris en mains à cause de multiples mesures d'évitement. (Protestations sur les bancs du RDSE, quelques bancs au centre et à droite) Après les élections sénatoriales...

M. Philippe Dallier.  - Ça change tout !

M. Jacques Mézard.  - Non !

M. Philippe Kaltenbach.  - ... nous avons pu avancer, un travail constructif au fond a pu être réalisé, jusqu'à un accord entre Sénat et Assemblée nationale. Sur la délimitation des régions néanmoins, il était clair que subsistait un désaccord sur deux régions. C'est pourquoi la CMP s'est soldée par un échec après avoir constaté que nous divergions sur la région Grand-Est et sur la région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Philippe Kaltenbach.  - Mais il y eut accord sur les onze autres grandes régions. Nous continuons à contenir l'idée d'une carte à treize régions. La taille moyenne des régions s'élève désormais à plus de 4 millions d'habitants. C'est le résultat d'un effort important de regroupement et de simplification.

Nous aimons tous l'Alsace mais elle en compte que deux départements et 1,8 million d'habitants, c'est très loin de la moyenne. Nous voulons des régions fortes.

Mme Catherine Troendlé.  - C'est une région forte.

M. Philippe Kaltenbach.  - Pourquoi faire un cas particulier pour l'Alsace ?

M. Jacques Mézard.  - Et pour la Bretagne, pour M. Le Drian ?

M. Philippe Kaltenbach.  - Strasbourg sera la capitale de la grande région Est avec un grand département Alsace, rendu possible grâce aux amendements des sénateurs socialistes.

Sur la région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, le débat a eu lieu. Nous souhaitons maintenir cette grande région.

M. Alain Bertrand.  - Ce n'est pas pour la cohérence, le Languedoc-Roussillon a déjà 3 millions d'habitants.

M. Philippe Kaltenbach.  - Il faut des régions fortes, pour renforcer l'économie de notre pays.

M. Jacques Mézard.  - Baratin !

M. Philippe Kaltenbach.  - Soixante pour cent des Français vivent dans de grandes aires urbaines. La loi Métropole en tient compte.

M. Philippe Dallier.  - Et le Grand Paris ?

M. Alain Bertrand.  - Ah ! Les métropoles...

M. Philippe Kaltenbach.  - Les métropoles sont des locomotives. Les autres territoires en bénéficient, y compris les plus fragiles, les plus ruraux.

M. Jacques Mézard.  - Éléments de langage !

M. Philippe Kaltenbach.  - La carte parfaite n'existe pas. Après bien des concertations...

M. Jacques Mézard.  - Aucune !

M. Philippe Kaltenbach.  - ... les arguments ont été échangés. Au Parlement, maintenant, de choisir. La carte à treize régions me semble la meilleure possible. Les clivages partisans sont dépassés. Nous avons recherché le consensus le plus large.

Deux questions rassemblent l'ensemble du Sénat : sur la représentation des territoires ruraux, nous avons voté unanimement, la disposition tendant à garantir cinq conseillers régionaux par département, à l'initiative du sénateur Mézard que je salue.

Le Gouvernement a veillé à ce que le dispositif soit garanti au regard de la Constitution. Il est supérieur à l'application de la loi actuelle, pour la Lozère et le Cantal. C'est une avancée, qui évite les foudres du Conseil constitutionnel. Il serait hasardeux de ne pas respecter le tunnel des 20 %.

M. Alain Bertrand.  - La Lozère est un sous-territoire. Nous sommes des sous-citoyens.

M. Philippe Kaltenbach.  - L'argument constitutionnel est déterminant.

M. Alain Bertrand.  - Le Conseil constitutionnel n'est pas élu. J'y suis passé, ils dorment presque tous.

M. Philippe Kaltenbach.  - Il reste une divergence sur l'accord de la région de départ, que l'Assemblée nationale persiste à exiger, en cas de rattachement d'un département à une région. Nous verrons si nous pouvons obtenir gain de cause. J'ai peu d'espoir sur la carte mais sur le droit d'option, j'ai bon espoir que l'Assemblée nationale évolue.

Après un départ désastreux pour l'image du Sénat, nous avons réussi à progresser ensemble. La date des élections est une question souvent clivante. Or même sur ce point, nous avons trouvé un terrain d'entente.

Mme Catherine Troendlé.  - Vous n'aviez pas le choix.

M. Philippe Kaltenbach.  - Nous avons bien travaillé sur ce texte. Le groupe socialiste soutient cette carte à treize régions et, si les amendements sont adoptés, il s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi .  - Ce débat s'est déroulé dans des conditions critiquables, mais pas « désastreuses ». Cette réforme est devenue illisible pour les citoyens, et même pour beaucoup d'élus. Elle s'est construite sans le peuple, alors que les citoyens aspirent à être davantage parties prenantes. Un rendez-vous manqué, donc, à l'heure où la perte de confiance envers les élus s'aggrave. Il faut plier la souveraineté populaire à la volonté de l'Europe de dissoudre les frontières nationales pour laisser les capitaux, les profits et les travailleurs circuler librement. Ce texte s'inscrit dans le droit fil des réformes libérales du président Sarkozy, qui n'ont pas été détricotées, ni abrogées, contrairement aux engagements d'hier. Seul le conseiller territorial a été supprimé par l'adoption d'une proposition de loi de notre groupe.

M. Michel Mercier.  - C'était une bonne réforme !

Mme Éliane Assassi.  - Pour nous, toute réforme doit améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens, réduire les inégalités sociales et territoriales, en l'occurrence. Or ici, on nous vend l'attractivité des grandes régions. Voyez l'Île-de-France, la région puissante, où les inégalités territoriales sont les plus criantes et se creusent encore !

Le regroupement des régions s'est fait sur un coin de table, comme un marchandage de tapis. Le PS s'est allié à la droite sénatoriale pour exclure l'intervention du citoyen. On fait appel à des réflexes identitaires et protectionnistes plus qu'à l'intérêt général. On subit l'influence des baronnies régionales : voyez les pressions alsaciennes. (Mme Catherine Troendlé proteste) On préfère exacerber les égoïsmes locaux plutôt que de travailler sur le fond des objectifs économiques, sociaux, culturels, institutionnels, environnementaux d'une réforme.

L'étude d'impact est indigente à cet égard, cela a été montré. Il eût fallu examiner en priorité les compétences et les fonctions de ces nouvelles régions...

Mme Éliane Assassi.  - ... s'interroger sur les moyens financiers et humains, organiser un véritable débat national, tranché par une consultation populaire.

Des régions de grande taille portent le germe d'une organisation fédéraliste opposée à notre modèle d'une région une et indivisible, pour faire disparaître bon nombre de collectivités locales. Ce sera destructeur pour notre tissu social, pour notre pacte républicain.

Les économies annoncées ne seront pas au rendez-vous. Cette réforme coûtera cher. Nous restons attachés à l'organisation de notre République en trois niveaux de collectivités, même s'il faut développer tous les partenariats possibles pour renforcer l'efficacité de l'action publique et répondre aux attentes de nos concitoyens. Vous le voyez, nous ne sommes pas archaïques, loin de là. Nous combattons cette contre-réforme conservatrice, au fond, qui va à rebours de la volonté progressiste qui a présidé il y a trente ans au lancement de la décentralisation et qui nous anime toujours. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mézard .  - Ce projet de loi constitue un des pires exemples de la dérive de notre régime, au mépris de la démocratie parlementaire, de la démocratie tout simplement.

M. Michel Mercier.  - ça commence bien.

M. Jacques Mézard.  - Il fallait bien un exécuteur.

Les dénégations de nos collègues Krattinger et Raffarin en disent assez sur l'exploitation éhontée qui a été faite de leur travail. Ce texte n'a fait l'objet d'aucune concertation, d'aucune étude d'impact sérieuse. La réforme territoriale méritait mieux que ce gâchis, que cette rafale de textes incohérents. Nous avions condamné les premiers le binôme départemental, dont plus personne ne veut.

Comment ne pas tenir compte des réalités économiques, démographiques, historiques, territoriales, au profit des diktats des grands hiérarques du parti dominant, qui préparent la place pour leurs homologues de l'opposition actuelle, en attendant l'entrée en force de l'extrême droite ? Beau résultat, monsieur le ministre !

Pauvre région Centre, toute seule, accolée au beau titre de Val-de-Loire...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Elle en est très contente.

M. Jacques Mézard.  - Elle n'a rien d'une grande région, tout d'une petite, même si elle a de grands élus...

Mme Jacqueline Gourault.  - Merci beaucoup !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une région forte, qui compte six départements.

M. Jacques Mézard.  - Je ne reviendrai pas sur l'usage de la procédure accélérée, la saisine du Conseil constitutionnel sur l'étique étude d'impact, la motion référendaire.

On a reproché au Sénat de rendre copie blanche. J'ai dit au mois d'octobre que sa copie serait complète, constructive, raisonnable, mais que le Gouvernement n'en tiendrait aucun compte. L'épreuve des faits m'a donné raison, puisque vous avez fait balayer nos apports par vos députés. Sur l'Alsace immergée dans le Grand-Est, sur le Languedoc-Roussillon, sur le droit d'option, en dépit de l'écoute de Bernard Cazeneuve. La Lozère est lamentablement mise à l'écart.

Je tiens à remercier notre rapporteur d'avoir tenu compte de ma position et d'avoir beaucoup travaillé pour convaincre l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Mme Lebranchu disait en réponse à notre regretté collègue, Christian Bourquin : « Il va de soi que le Premier ministre laissera le débat au Sénat totalement ouvert ». Celui-ci a dû confondre le cadenas et l'ouverture ! (Mme Catherine Troendlé approuve)

Le président de la République, qui se dit favorable aux référendums locaux, n'a ici tenu aucun compte de l'avis des collectivités. Ni l'Alsace n'a été entendue, ni le conseil régional d'Auvergne, où il n'y eut que quatorze voix sur 47 pour approuver la fusion avec Rhône-Alpes, ni le Languedoc-Roussillon. Nous avons été qualifiés de « minables et de médiocres » par le président Malvy (On manifeste son indignation) Le président Bourquin est venu ici quelques semaines avant son décès, le 12 juillet, confirmer l'opposition massive, à une voix près, de son conseil régional à une fusion avec Midi-Pyrénées. Le Gouvernement a tiré profit de la disparition de Georges Frêche, puis de Christian Bourquin pour perpétrer ce mauvais coup. Imaginez la réaction de Georges Frêche. J'avais promis à Christian Bourquin de mener son combat jusqu'au bout, je tiens parole.

Quand j'entends vos représentants arguer de la richesse de la grande région Rhône-Alpes-Auvergne, je suis triste parce que c'est une tromperie : jamais on n'a pu réaliser de liaisons transversales et vous nous éloignez encore plus de la capitale régionale !

L'égalité territoriale est cyniquement confiée au ministre du logement Les régions crient, monsieur le ministre. Vous détruisez le lien avec le terrain depuis deux ans et le projet de loi Macron aura pour effet de vider les territoires de leurs forces vives, au profit de structures financières sises à Paris, éradiquant au passage des forces politiques comme celles que je représente. Et je ne suis pas sûr que vous ne nous suivrez pas bientôt dans la tombe.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas d'excès !

M. Jacques Mézard.  - J'ai souvent une pensée affectueuse pour le président Monnerville et je me souviens de son discours du 19 décembre 1968 à propos du référendum de 1969 : « Messieurs du Gouvernement, il vient un jour où les peuples enfin éclairés refusent de pardonner à ceux qui les ont abusés ». II rappelait le discours de Clemenceau en 1910 : « Les événements m'ont appris qu'il fallait donner au peuple le temps de la réflexion, le temps de la réflexion c'est le Sénat ». Même si le Premier ministre se réclame de Clemenceau, vous n'avez que faire de la réflexion du Sénat. C'est pourquoi le groupe RDSE sera unanime à voter le texte du Sénat et à rejeter celui du Gouvernement.

M. Jean-Marie Bockel .  - Le Gouvernement a mis la charrue avant les boeufs. Il aurait fallu commencer par la loi NOTRe. Le Sénat a apporté des modifications substantielles à ce texte, refondu la carte, modifié le droit d'option.

Mais le Gouvernement veut imposer sa carte. C'est incompréhensible. La grande région Alca n'a aucune consistance historique. Question de taille critique, dîtes-vous ? Mais l'argument ne tient pas : plus que la taille, c'est la gouvernance qui est centrale. Les Alsaciens se sont prononcés. Pourquoi les bâillonner ? Il ne s'agit pas non plus d'un repli sur soi égoïste : nous tissons des collaborations avec les régions frontalières voisines de Suisse et d'Allemagne.

La carte adoptée par les députés est une provocation pour les Alsaciens, qui alimente la résurgence d'un discours autonomiste ultra minoritaire. Je suis issu d'une famille qui, entre les deux guerres, a combattu les autonomistes et a été combattue par eux : je n'imaginais pas que notre génération connaîtrait cela. Républicain, je ne peux que déplorer les propos qui ont été tenus à notre encontre. Comment rester sourd à la parole des Alsaciens, alors que la France a signé la charte de l'autonomie des collectivités territoriales qui impose de les consulter ?

Vous refusez d'écouter les citoyens et le Sénat. C'est dommage. Une réforme réussie doit être concertée. J'ai voté les lois de décentralisation mais je ne retrouve pas le souffle de 1982. Mais qui sème le vent récolte la tempête... (Applaudissements à droite et sur les bancs du RDSE)

M. Dominique de Legge .  - Le Premier ministre prétendait être à l'écoute des territoires et du Sénat qui les représente. On sait ce qu'il en est advenu. La CMP s'est ouverte avec 20 minutes de retard, et son président a déclaré qu'elle n'avait pas de raison d'être...

Jamais une réforme n'aura été élaborée avec autant de légèreté, de cafouillage. L'objectif n'était pas de créer des régions cohérentes, mais de diviser par deux les régions dans un souci d'affichage médiatique de la volonté de réforme.

En outre, cette loi sert les intérêts de quelques-uns (M. Mézard le confirme) Elle traduit les contradictions du Gouvernement entre incantations girondines et réflexes jacobins. Enfin, comment redécouper les régions sans avoir fixé leurs compétences ? Il est dommage que vous ayez refusé l'article premier A du Sénat. Il eût été mis fin à la cacophonie gouvernementale, sensible tant sur la clause de compétence générale que sur l'existence du département. Quant au fait de revoir les limites des régions avant de définir leur périmètre d'intervention ou leurs relations avec les autres collectivités territoriales, c'est un signe d'amateurisme sinon d'incompétence ! Pourquoi se focaliser sur la taille alors que toutes les études montrent que la puissance n'en dépend pas ? L'argument des économies d'échelle a fait long feu. En outre, vous allez confier aux régions un échelon stratégique, des compétences de gestion que les départements sont mieux à même d'assumer !

Le découpage est arbitraire, Le procédé qui consiste à créer un point de non-retour est anti-démocratique.

C'est pourquoi le droit d'option est essentiel.

Il n'en était pas question dans votre projet de loi, car vous pensiez supprimer les départements. Mais nous avons institué le droit d'option. Vous avez modifié notre texte pour instaurer un droit de blocage à deux cinquièmes.

Vous plaidez pour la taille critique d'environ 4 à 6 millions d'habitants, en refusant à l'Alsace de rester comme région mais en autorisant la Bretagne à rester dans ses limites avec moins de trois millions d'habitants...

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien !

M. Dominique de Legge.  - Depuis plus de vingt ans, les élus locaux de tout bord, y compris les deux ministres bretons en exercice ont réclamé une modification du périmètre. Le double langage à Rennes et à Paris est insupportable. La Bretagne devient la plus petite région de France, la plus périphérique, à cause des petits arrangements entre amis.

Le préalable à toute décentralisation réussie, c'est la réforme de l'État lui-même.

En la repoussant vous ajoutez de la confusion à la confusion, pour masquer vos échecs et vos divisions, en cherchant à faire illusion.

Le groupe UMP votera le texte de la commission spéciale du Sénat. (Applaudissements à droite ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

M. Yannick Botrel .  - Après l'échec de la CMP, nous parvenons au terme d'un marathon parlementaire riche et passionné. Cette ultime lecture du texte est pour nous formelle, le dernier mot revenant à l'Assemblée nationale.

Je commenterai donc le texte de l'Assemblée nationale.

Treize régions sont créées. Je salue le principe d'un redécoupage, qui, sauf certains ajustements, est accepté. Celui-ci ne fait pas que des heureux, mais aucune carte n'est parfaite.

À titre personnel j'aurais aimé une région Bretagne avec cinq départements. Toutefois, ce découpage ne pose pas de gros problèmes et correspond même aux nouveaux enjeux. Le texte permet de mieux garantir l'expression des territoires ruraux. La Lozère aura ainsi deux représentants, le Cantal ou l'Ariège en auront quatre dans les nouveaux conseils. C'est un signal très important adressé à la France des territoires, dans le respect des règles constitutionnelles. Le droit d'option, mesure intéressante, pourra s'exercer entre janvier 2016 et mars 2019. Il faudra un vote concordant des trois collectivités concernées, à la majorité des trois cinquièmes. Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial, le Sénat a contribué à l'y inscrire. Le temps nous montrera si les modalités retenues sont suffisamment souples : je suis circonspect sur ce point.

Le Gouvernement a écouté les associations d'élus, ce qui a conduit à l'examen de trois lois au lieu d'une : loi Maptam, loi NOTRe et celle-ci. Nous poursuivons ainsi le cheminement lancé en 1982, conformément à l'engagement de campagne du président de la République. Je ne comprends pas les critiques sur l'ordre d'examen. Eût-il été différent que les critiques auraient été les mêmes ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Henri Tandonnet .  - Après l'échec de la CMP, notre commission spéciale a rétabli la position du Sénat. Nos divergences demeurent. Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas écouté nos propositions sur le droit d'option. Le groupe UDI-UC avait déposé un amendement, facteur de souplesse. Cette mesure aurait été utile en Picardie par exemple.

À l'évidence, les territoires n'ont pas été écoutés. Si l'on veut réaliser des économies, encore faut-il un minimum d'affectio societatis ! Alors qu'il aurait fallu raisonner en termes de bassins de vie, ce texte n'est ni rassembleur, ni porteur de dynamisme.

Nous discutons de la carte sans connaître les compétences comme si l'on faisait à quelqu'un un costume sans connaître ses mensurations. Les conflits entre les régions et les métropoles vont rapidement poindre. Quels seront les chefs-lieux ? Aucune étude d'impact n'a été réalisée. Faut-il concentrer l'activité sur les villes les plus denses ou concevoir les chefs-lieux comme un instrument de rééquilibrage du territoire ? Je ne comprends pas la logique de ce texte.

J'espère que l'Assemblée nationale revisitera les modalités du droit d'option, comme l'annonce M. Kaltenbach, mais pour l'instant, elle s'y refuse. Le groupe UDI-UC votera le texte de la commission spéciale. (Applaudissements au centre et au banc des commissions)

Mme Catherine Troendlé .  Monsieur le ministre, si nous parlions à nouveau des ambitions de l'Alsace ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Avec plaisir !

Mme Catherine Troendlé.  - En octobre, une manifestation a mobilisé 12 000 à 15 000 personnes pour un conseil d'Alsace unique. Une pétition a récolté 60 000 signatures, les conseils municipaux ont voté des centaines de motions et les élus des trois assemblées ont voté à la quasi-unanimité en faveur de leur fusion. La commission spéciale du Sénat nous soutient. Grâce à notre coopération transfrontalière très dynamique, nous ne sommes pas repliés sur nous. Vous doutez que l'Alsace ait la taille critique mais elle a le dynamisme économique.

Le Premier ministre n'a pas tenu sa promesse de tenir compte de la parole du Sénat ! Les représentants des territoires sont ignorés. Quant à la CMP, expédiée en sept minutes, ce fut un simulacre ! Le Gouvernement passe en force et veut mettre l'Alsace à genoux : fermeture de Fessenheim, fin du droit d'option des frontaliers, modification du statut des entreprises suisses installées en Alsace, report de la liaison Rhin-Rhône...

Malgré tout, l'Alsace est toujours debout et ne pliera pas ! Jamais ! Tout ce que nous demandons, c'est un droit à l'expérimentation, pour contribuer aux objectifs du Gouvernement : améliorer la gouvernance, et l'efficacité des politiques. Rendre l'Alsace plus compétitive, c'est accroître les richesses qu'elle partage déjà en contribuant aux fonds de péréquation au bénéfice d'autres territoires. Pourquoi le président de la République ne nous écoute-t-il pas ? Nous avons le sentiment d'être méprisés. Circulez, il n'y a rien à voir ! Pourtant, l'Alsace n'a jamais déçu la France... (Applaudissements à droite)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Cette réforme est mal-née. La population n'y a pas été associée, l'avis des collectivités n'a pas été pris en compte. Souvenez-vous de l'opposition du regretté Christian Bourquin... Nul doute que si Georges Frêche vivait encore, cette réforme n'aurait jamais vu le jour. (MM. Jacques Mézard et Alain Bertrand applaudissent)

Les conseils régionaux ont 30 ans. Ils trouvent leur équilibre, leur identité. Dommage de les perturber. Vous sous-estimez le risque futur de conflit entre régions et métropoles.

Cette réforme a été mal faite, car elle est faite pour Bruxelles - ou plutôt pour ce que l'on croit que Bruxelles attend de nous - et non pour les habitants ! Toutefois, si nous agissons avec modestie, nous pourrons la redresser. Ne cédons pas au symptôme de la grenouille qui voulait être plus grosse que le boeuf, ne cherchons pas ce nouveau graal du big is beautiful.

Nous devons privilégier la proximité : comment gérer 422 lycées, 597 collèges et 5 000 circuits scolaires depuis Toulouse ou Montpellier? Au jacobinisme national ne doit pas succéder le jacobinisme régional. Le temps est venu du girondinisme régional ! Soyons pragmatiques et modestes. À ce prix, nous corrigerons les effets d'une réforme mal née. (Applaudissements au centre et sur les bancs du RDSE)

M. André Reichardt .  - Victor Hugo, le plus illustre de nos prédécesseurs, disait que l'Alsace était une terre particulière, à la rencontre des mondes latin et germanique. C'est la République sur le Rhin, et la promesse de l'Europe comme destin. Ceux qui veulent rayer l'Alsace de la carte attentent non seulement à l'Alsace mais à la France !

La France est la réunion de provinces qui se sont unies au fil de l'histoire, par les conquêtes et par les armes, par les mariages ou par les charmes, et qui ont fini par s'aimer. L'Alsace c'est la porte sur l'Allemagne et la Mitteleuropa. Voilà pourquoi les gouvernements n'ont jamais cherché à dissoudre l'Alsace. L'Alsace est trop petite ? Elle est par sa taille parmi les grandes régions d'Europe ! Jean Tirole me l'a dit, cette réforme n'est pas pertinente.

Et nous ne débattons des compétences que demain !

Le problème n'est pas la décentralisation mais son insuffisance. En Europe, le budget moyen par habitant des régions est de 2 500 euros ; en France, il est de 400 ! Benjamin Constant, député de Strasbourg, disait déjà que la variété, c'est la vie ; l'uniformité, c'est la mort.

Cette réforme Canada Dry n'est qu'un semblant de décentralisation.

Le Gouvernement, fidèle à son tripatouillage géographique, nous a pris de haut. Le Premier ministre nous a accusés de nous replier sur nous-mêmes alors que nous sommes une des premières régions exportatrices, accueillant investisseurs et étudiants étrangers. L'Alsace est ouverte et rayonnante.

Le Gouvernement est resté sourd à tous nos arguments Rarement aurons-nous autant vu une majorité croire que la démocratie consiste à s'écouter parler pour se convaincre d'avoir raison ? !

Mais patiemment nous attendrons une nouvelle majorité. Les majorités passent, l'Alsace, elle, n'entend pas passer. D'autant plus attachée à son histoire qu'elle n'hésite jamais à s'ouvrir aux autres, elle est dotée d'une vertu précieuse en politique : la patience. (Applaudissements des bancs du RDSE aux bancs UMP)

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien !

M. Ronan Dantec .  - Les péripéties de l'examen de ce texte en disent long sur la difficulté à traiter ce sujet. Nous le savons tous : il aurait fallu examiner les choses dans l'ordre, les compétences d'abord, la carte ensuite.

Nous sommes partisans d'une décentralisation différenciée, afin que les collectivités territoriales soient adaptées au vécu des habitants. Tel était le sens de nos amendements. Le texte est inacceptable. Le droit d'option est inapplicable. Le Gouvernement avait indiqué sa volonté de souplesse, mais l'Assemblée nationale est revenue en arrière et a réinstauré un droit de veto aux deux cinquièmes de la région de départ. Les écologistes proposent de le remplacer par un avis de la région de départ. Si cet amendement n'est pas adopté, nous proposerons de rétablir la majorité simple.

Certaines de nos propositions paraissent de prime abord originales, elles nous valent même des quolibets, mais elles font leur chemin, ainsi des schémas régionaux prescriptifs...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Attention...

M. Ronan Dantec.  - ... ou du suffrage universel direct dans les intercommunalités. Il faut faire confiance aux territoires ! Le cas alsacien dévoile le manque de méthode du Gouvernement. Entre autoritarisme en Alsace, et faiblesse en Bretagne à cause des barons socialistes, le Gouvernement oscille.

M. Guy-Dominique Kennel.  - Très bien !

M. Ronan Dantec.  - Malgré les affinités évidentes entre la région nantaise et les Pays-de-la-Loire, sur les plans économique, universitaire et culturels, les partisans de l'immobilisme l'ont emporté.

Le Gouvernement ne peut trancher ici et céder là...

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Ronan Dantec.  - L'État n'est pas seul responsable. Que de postures de la part des élus de l'ouest, qui réclamaient une Bretagne historique. Mais chacun la définit à son aise. Les élus de l'ouest ont privilégié la posture. Ils souhaitaient le statu quo, ils l'ont eu. Nous aurions préféré une Bretagne à cinq départements.

Une réforme territoriale ne peut réussir qu'avec le consensus des citoyens. Ce texte ne fait pas progresser la démocratie territoriale. Nos amendements ont été repoussés. Nous les présenterons à nouveau sur le projet de loi NOTRe.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Ah !

M. Ronan Dantec.  - En décembre 2015, se tiendra le sommet de Paris, crucial, sur le climat. Mais il sera concomitant avec les élections régionales. Les objectifs seront brouillés alors que les régions sont chefs de file. Il serait plus logique de repousser à janvier 2016 les élections régionales. Nous regrettons le déficit démocratique qui renforce la défiance de nos concitoyens alors que l'objectif était de renforcer la proximité ! C'est un rendez-vous manqué. Devant tant d'incohérences, le groupe écologiste réserve encore son vote. (Applaudissements sur les bancs écologistes, UMP et plusieurs bancs au centre)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER A

M. René-Paul Savary .  - J'ai tenu à être présent cet après-midi pour dire tout le mal que je pense de cette réforme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - C'est bien !

M. René-Paul Savary.  - Cet article rappelle ce que sont les bases de notre démocratie depuis des lustres. Elles ont fait leurs preuves. Vous les remettez en cause sans la moindre clarification ni la moindre économie. On est en droit de s'interroger...

Les départements subsistent, mais ils ont été déconsidérés, leur personnel est démotivé. Quelle est la valeur ajoutée de confier les collèges aux régions ? Avec les dépenses liées au RSA, les départements seront bientôt exsangues, certains seront même en déficit de fonctionnement dès l'année prochaine. Et il n'y a rien de satisfaisant dans la loi NOTRe.

Des régions stratégiques, je suis pour. Pourquoi donc ne pas leur transférer la politique de l'emploi ? Quant au seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités, il ne tiendra pas, c'est évident. Il faut rétablir les bases de notre organisation territoriale. Je voterai cet article.

L'article premier A est adopté.

ARTICLE PREMIER

L'amendement n°11 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Savary, Mme Férat et M. Détraigne.

I. - Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - Champagne-Ardenne, Lorraine et Picardie ;

II. - En conséquence, alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - Nord-Pas-de-Calais ;

M. René-Paul Savary.  - Comme les Alsaciens, les Marnais ne plieront pas. Châlons-en-Champagne, perd déjà les 1 045 militaires du 1er Rama, 3 000 personnes sont touchées ; et il est clair que la préfecture de région sera touchée par la réorganisation. Encore des emplois en moins.

On nous dit que les métropoles vont tirer tout le monde vers le haut... Dans le TGV-est, sur 100 voyageurs, 90 vont à Paris, 6 à Metz et Nancy, 4 seulement vont à Strasbourg.

M. André Reichardt.  - Eh oui !

M. René-Paul Savary.  - N'allez pas nous faire croire que Strasbourg nous tirera vers le haut !

Le Sénat, grâce à M. Tandonnet, avait trouvé une juste solution pour le droit d'option des départements. Vous en avez fait fi !

M. le président.  - Concluez !

M. René-Paul Savary.  - Les élus d'Alsace, du Nord-Pas-de-Calais, veulent une région adaptée à leur bassin de vie. Reste le grand espace picard, champenois et lorrain, qu'il faut réunir, sous le regard des trois métropoles de Lille, Strasbourg et Paris. Nous voulons positiver, face aux difficultés. (M. André Reichardt applaudit)

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : le Sénat s'est prononcé contre en deuxième lecture.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Philippe Kaltenbach.  - C'est un ensemble bien hétéroclite que propose M. Savary. Je regrette que l'amendement n°11 n'ait pas été défendu : il proposait à juste titre la réunion de l'Alsace à la région Champagne-Lorraine.

Mme Éliane Assassi.  - Si les socialistes défendent les amendements de la droite... Cela me rappelle le collectif !

M. Philippe Kaltenbach.  - Il vous arrive aussi de voter avec la droite, madame Assassi ! (Exclamations à droite) Il suffit de lire l'exposé des motifs de l'amendement, on y qualifie de « fausse bonne idée » et de « mauvais signal pour l'Europe » celle de donner à l'Alsace la facilité d'exprimer son particularisme... Nous voterons contre l'amendement n°4.

M. Ronan Dantec.  - On accuse l'Alsace de vouloir se replier sur elle-même. En réalité, cette carte témoigne d'un repli franco-français. (M. Guy-Dominique Kennel applaudit) Nous vivons en Europe ! L'avenir de l'Alsace, c'est de coopérer avec sa voisine d'outre-Rhin.

Nous sommes pour une collectivité unique d'Alsace. (On approuve à droite) mais historiquement pour la reconstitution de l'ancien comté de Toulouse. Il faut des réponses qui correspondent à la diversité des territoires. (Mme Catherine Troendlé applaudit)

M. René-Paul Savary.  - Le modèle alsacien vaut aussi en Nord-Pas-de-Calais : de grandes métropoles exercent leur attraction sur une petite région. En revanche, la Picardie, Champagne-Ardenne, la Lorraine ont des profils similaires et des partenariats communs : densité de population, pôles de compétitivité sur les énergies renouvelables, la transformation des matières, les agroressources, le développement durable. Nous sommes sous le rayonnement de trois métropoles, Lille, Paris, Strasbourg. En Alsace, on se déplace sur de courtes distances et les transports en commun sont pleins ; chez nous, les distances sont longues et les transports difficiles à remplir... D'un côté les recettes, de l'autre les dépenses...

Les Alsaciens ne veulent pas de nous, ni les élus du Nord-Pas-de-Calais des Picards, mais nous, nous sommes rassembleurs !

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

L'article premier bis demeure supprimé.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéas 7 et 8

Rédiger ainsi ces alinéas :

« I.  -  Un département et la région d'accueil limitrophe peuvent demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région précitée. La demande de modification est inscrite à l'ordre du jour du conseil départemental, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l'initiative d'au moins 10 % de leurs membres.

« Avant les délibérations du département et de la région d'accueil limitrophe, le projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région sur le territoire de laquelle se trouve ce département. Son avis est réputé favorable s'il ne s'est pas prononcé à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification, par le président du conseil départemental, de l'inscription à l'ordre du jour de la délibération visant à la modification des limites départementales. » 

III.  -  Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Alinéa 16

Après le mot :

métropolitaine

supprimer la fin de cet alinéa.

M. Ronan Dantec.  - C'est le bon sens : quand les gens veulent s'unir, on ne s'y oppose pas, même s'il est légitime de demander l'avis de la famille... Nous remettons les choses dans l'ordre, en prévoyant que le détachement d'un département est d'abord soumis pour avis à la région de départ.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéas 3 et 12

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 7, première phrase

Supprimer les mots :

des trois cinquièmes

III.  -  Alinéa 16

Après le mot :

« métropolitaine »

supprimer la fin de cet alinéa.

M. Ronan Dantec.  - Amendement de repli qui devrait réunir une large majorité.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Mézard.

Alinéas 5 à 10

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

2° L'article L. 4122-1-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4122-1-1.  - I.  -  Un département et une région, lorsqu'ils sont  limitrophes, peuvent demander, par délibérations concordantes à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à  inclure le département dans le territoire de la région concernée. La demande de modification est inscrite à l'ordre du jour du conseil général, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l'initiative d'au moins 10 % de leurs membres.

« II.  -  Ce projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région dont le département demande à être détaché. Son avis est réputé favorable s'il ne s'est pas prononcé à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification des délibérations du conseil régional et du conseil départemental intéressés.

« III.  -  La modification des limites territoriales des régions concernées est décidée par décret en Conseil d'État. » ;

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement a été voté par le Sénat en juillet à une large majorité. Les sénatoriales intervenues depuis devraient encore la conforter. Le texte de l'Assemblée nationale supprime de fait le droit d'option : comment obtenir l'accord aux trois cinquièmes de toutes les collectivités concernées ? Inutile de prétendre qu'on laisse un minimum de liberté aux départements... Qu'un département vote, à la majorité qualifiée, son rattachement à l'autre région, et que la région d'accueil l'accepte à la même majorité, cela devrait suffire ! On éviterait ainsi des réunions forcées - des catastrophes. Mais le Gouvernement s'entête...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission spéciale estime légitime que la région de départ s'exprime sur un sujet d'une telle importance. Elle est revenue au texte du Sénat qui avait proposé que la région de départ puisse s'opposer au départ d'un département à la majorité des trois cinquièmes : c'est plus souple que la version de l'Assemblée nationale, qui exige un accord général aux trois cinquièmes. Nous ne désespérons pas de convaincre nos collègues députés.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le sujet est très délicat. J'étais favorable à un assouplissement. Il a eu lieu, puisque l'exigence de trois consultations référendaires a été supprimée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - C'est vrai !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Une majorité qualifiée des trois cinquièmes, ce n'est pas si élevé. Pour une région donnée, le départ d'un département sera une amputation difficile à vivre - nous savons tous à quelle région et à quel département nous pensons. Il est normal qu'elle donne son accord, à une majorité qualifiée. Il y aurait, à défaut, une forme de tutelle. Le texte de l'Assemblée nationale paraît équilibré.

M. Ronan Dantec.  - L'avenir de la Loire-Atlantique n'est pas lié au droit d'option. Le désaccord des élus de l'ouest porte sur la taille des régions ! Je me bats depuis longtemps pour la réunification de la Bretagne. C'est ailleurs que le droit d'option trouvera vraiment à s'appliquer. Que le poids politique de la Loire-Atlantique ne l'en empêche pas.

Le Gouvernement laisse clairement entendre qu'il demandera à l'Assemblée nationale de revenir sur notre vote. Adoptons donc mon amendement de repli, pour limiter la casse.

M. Philippe Kaltenbach.  - Le droit d'option, selon le groupe socialiste, doit être aussi souple que possible. Nous avions défendu la majorité simple. Mais nous soutiendrons la position de compromis de la commission spéciale, nous serons plus forts en CMP.

M. Yannick Botrel.  - Mes collègues prêchent, en ma personne, un convaincu... M. Dantec a raison de dire qu'il faut s'extraire du débat breton. Le droit d'option, tel qu'il est conçu, ne sera pas opérationnel, hélas : on trouvera toujours une majorité pour voter contre. À titre personnel, je suis favorable à l'amendement. Faisons sagement confiance à la démocratie territoriale.

M. Jacques Mézard.  - Quel aveu, monsieur le ministre ! Contrairement à ce que vous dîtes, ce droit d'option ne concerne pas que la Loire-Atlantique...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Pas du tout !

M. Jacques Mézard.  - ... même si vous vous souciez surtout des grands élus de l'ouest. Je pense au Gard, à la Lozère, au Cantal, que l'on coupe de leur basin de vie naturel. Exiger une majorité des trois cinquièmes, c'est tout bloquer - même si certaines régions seront ravies de se débarrasser des pauvres... On sait très bien qui bloque le droit d'option. Ce n'est pas ainsi que l'on écrit la loi de la République.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le droit d'option concerne évidemment tout le territoire de la République, même si les départements concernés, dont ceux que vous avez cités, se comptent sur les doigts des deux mains, et encore...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Trois cinquièmes qui s'opposent, c'est autre chose que trois cinquièmes qui acceptent. Le Sénat avait recherché un compromis avec l'Assemblée nationale, qui n'a pas eu lieu. Ne changeons pas de position en dernière lecture ! Il y va de la cohérence de notre propos.

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien !

L'amendement n°2 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s3 et 9.

L'article 3 est adopté.

L'article 3 bis demeure supprimé.

L'article 6 est adopté.

L'article 6 bis demeure supprimé.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Mézard.

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 338 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque section départementale compte au moins cinq conseillers régionaux. »

II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 338-1 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Si, après répartition des sièges en application de l'article L. 338 et du présent article, ont été élus moins de cinq conseillers régionaux issus des sections départementales correspondant à un département, des sièges supplémentaires sont ajoutés à l'effectif du conseil régional afin d'atteindre le seuil de cinq conseillers régionaux au titre du ou des départements concernés.

« Le nombre total ainsi majoré des sièges du conseil régional est réparti selon les règles prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas de l'article L. 338.

« Les sièges supplémentaires résultant de cette nouvelle répartition sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires, dans l'ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »

M. Jacques Mézard.  - Je suis tenace. Je demande encore une fois au Sénat de confirmer son vote de juillet, exprimé par scrutin public, à 334 voix contre une. Je remercie au rapporteur de s'être battu pour améliorer la représentation des petits départements. Mais je persiste à demander au moins cinq conseillers régionaux par département. L'argument constitutionnel que l'on nous oppose est fallacieux. Dans le Cantal, il y a une liste de six candidats par section, il peut dont y avoir six élus ; et c'est le cas dans presque la totalité des départements.

Ce que vous voulez, c'est la sous-représentation des petits départements. Nous ne pouvons l'accepter. Il serait bon qu'un jour les élus commandent...

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Mézard.

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 338 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque section départementale compte au moins quatre conseillers régionaux. »

II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 338-1 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Si, après répartition des sièges en application de l'article L. 338 et du présent article, ont été élus moins de quatre conseillers régionaux issus des sections départementales correspondant à un département, des sièges supplémentaires sont ajoutés à l'effectif du conseil régional afin d'atteindre le seuil de quatre conseillers régionaux au titre du ou des départements concernés.

« Le nombre total ainsi majoré des sièges du conseil régional est réparti selon les règles prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas de l'article L. 338.

« Les sièges supplémentaires résultant de cette nouvelle répartition sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires, dans l'ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »

M. Jacques Mézard.  - Amendement de repli. Le seuil de quatre représentants doit concerner l'ensemble des départements. On ne peut accepter qu'un seul département de France, la Lozère, soit marginalisé ! C'est sans doute ainsi que vous récompensez la fidélité de M. Bertrand, qui n'a jamais manqué au Gouvernement... Mais nous avons l'habitude de ces trahisons...

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par MM. Bertrand et Mézard.

Alinéas 5 à 7

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si, après la répartition des sièges prévue au premier alinéa, chaque département ne compte pas au moins deux conseillers régionaux, un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la ou aux sections départementales de cette liste afin que chaque département dispose de quatre sièges au moins.

« Le ou les sièges ainsi réattribués correspondent au dernier siège ou aux derniers sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional et répartis entre les sections départementales en application du premier alinéa, sous réserve du cas où les départements prélevés seraient attributaires de moins de cinq sièges.

M. Alain Bertrand.  - La chose est grave. Il y a un accord, on va sauver tout le monde, il ne restera que la Lozère - des gueux, des bouseux qu'on connaît à peine... C'est s'en prendre aux plus faibles, c'est contraire à l'esprit républicain, contraire à l'équité ! Le Conseil constitutionnel a validé le conseiller territorial et le traitement particulier qui allait avec. On voit bien ce qui se passe, les petits arrangements trouvés avec le groupe socialiste sont scandaleux, déshonorants pour les parlementaires qui les acceptent ! Monsieur Kaltenbach, je ne vais m'improviser docteur en organisation de la métropole parisienne... La Lozère, ce n'est pas une sous-république de sous-citoyens. Je voterai ces amendements. Revenons à la République du bon sens, pas celle des élus en plastique, mais celle qui a les pieds sur terre.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par MM. Bertrand et Mézard.

I.  -  Alinéa 5

Remplacer (deux fois) le mot :

deux

par le mot :

trois

II.  -  Alinéa 7

Remplacer les mots :

d'un seul ou de deux

par les mots :

d'au moins trois

M. Alain Bertrand.  - Amendement de repli.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Ni le président Hyest ni moi-même ne sommes en plastique ni antirépublicains. Mais la commission spéciale ne saurait se départir de son raisonnement juridique. Le critère démographique ne suffit pas, c'est vrai. Mais nous ne pouvons nous exposer à une censure certaine du Conseil constitutionnel. (MM. Alain Bertrand et Jacques Mézard le nient) Avec le nouveau découpage cantonal, il n'est plus possible d'avoir au moins cinq élus par département. Nous avons recherché une solution de compromis. Nos services et ceux du Gouvernement y ont travaillé. Sur ce point-là au moins, nous avons trouvé un accord avec l'Assemblée nationale. Ne prenons pas le risque de tout perdre.

M. Alain Bertrand.  - Et la Lozère ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Dès le début, le Sénat a attiré notre attention sur la représentation des départements les moins peuplés. L'Assemblée nationale a prévu que les départements de moins de 100 000 habitants auraient au moins deux représentants, ceux de 100 000 habitants et plus, au moins quatre. Ces règles respectent le tunnel de plus ou moins 20 %. Avis défavorable à tous les amendements.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il est étonnant que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État fassent la loi - où le premier a-t-il trouvé dans la Constitution la règle des 20 % ? - et plus encore que l'on anticipe leurs décisions. Sur la loi créant le conseiller territorial, le Conseil constitutionnel avait chipoté à la marge mais admis qu'une représentation minimale soit garantie à chaque département.

N'oublions pas non plus que le projet de loi NOTRe confère aux régions des pouvoirs considérables d'aménagement. Ces amendements constituent un minimum.

M. Jacques Mézard.  - J'essaie d'être cartésien. Les « petits départements » peuvent avoir autant d'élus que de candidats sur une liste. C'est le cas dans le mien, six candidats sur la liste de section, six élus possibles. Je défie quiconque de me prouver le contraire. D'après un membre éminent du groupe socialiste, le Cantal aurait cinq élus dans la plupart des cas. Et vous prétendez que le Conseil constitutionnel est opposé à ce que l'on fixe là le minimum !

Il a fallu batailler pour arriver à quatre. À l'origine, un seul représentant était garanti à chaque département, cela n'avait aucun sens - sinon envoyer un message d'humiliation aux petits départements - qui en ont suffisamment reçus depuis deux ans...

M. Alain Bertrand.  - Avec sa décision sur les quinze représentants, le Conseil constitutionnel a dit qu'on pouvait faire un traitement particulier aux territoires à faible population. Quatre conseillers, cela ne représentera que 2 % du conseil régional d'une grande région. Vous dites à la Lozère : vous n'aurez pas votre dû.

La caste des constitutionnalistes m'oppose la Constitution. La Déclaration des droits de l'homme ne fait-elle pas partie de ce qu'elle appelle le bloc de constitutionnalité ? En Lozère, depuis que l'école publique existe, nous avons appris à lire ! Et je ne vois pas pourquoi nous serions moins égaux que les autres. Ce n'est pas une question de droite, de gauche, de Constitution, c'est une question d'équité républicaine. Je vous appelle à voter ces amendements. Quatre représentants, ce n'est pas grand-chose...

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Ce débat est très important. Je veux interroger notre rapporteur. Sur le fond, il faut envoyer un message de ras-le-bol du terrorisme de la loi du quantitatif (Applaudissements sur les bancs du RDSE), de la prime au plus grand, alors que la grande dimension tue la dimension humaine, tout en ne réglant pas les problèmes qu'elle est censée régler et en en créant de nouveaux.

On a compris en matière économique les vertus du petit, avec les PME, mais, en matière de territoire, on en est resté à la loi du grand nombre. Si les très grandes métropoles étaient capables de régler tous les problèmes, on applaudirait. Mais on voit bien qu'elles ajoutent des problèmes aux problèmes.

Ces amendements sortent de la loi du quantitatif pour aller vers le statutaire, la dignité : tu es un département, tu as tel droit. La République ne dit pas qu'un territoire doit être égal à un autre. Le « un égale un », c'est pour les citoyens. Je suis très sensible à ce que notre réflexion sénatoriale reconnaisse au territoire un statut qui lui permette de revendiquer une juste dignité représentative. On voit bien que le département est mis en cause, comme les petites communes : la loi rampante du quantitatif altère les structures à dimension humaine. On n'est plus dirigé par des hommes mais par des procédures. On demande aux fonctionnaires de vérifier la conformité à des procédures plutôt que d'utiliser leur bon sens pour apprécier les situations concrètes.

Voilà pourquoi je suis tenté de voter ces amendements. Mais j'ai entendu le rapporteur à propos de l'accord avec l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas de craindre le Conseil constitutionnel. N'ayons pas peur de l'affronter ou alors donnons-lui tous les pouvoirs. En revanche, il ne faudrait pas qu'en rompant un accord avec l'Assemblée nationale nous nous retrouvions avec une formule plus mauvaise que celle que nous avons obtenue. Pour cette raison, je m'abstiendrai sur cet amendement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'accord avec l'Assemblée nationale porte sur le texte que nous vous présentons ce soir. Depuis 2003, l'élection régionale se fait à l'échelle de la région. Chaque électeur doit être traité de la même manière, d'où l'obligation de respecter le tunnel de 20 %.

M. Alain Bertrand.  - Mais non !

L'amendement n°5 est adopté et devient l'article 7.

Les amendements n°s6, 7 et 8 n'ont plus d'objet.

ARTICLE 12

M. Ronan Dantec .  - La conférence sur le climat va coïncider avec les élections régionales. Je rentre de Lima, d'une journée coprésidée par le ministre péruvien et M. Fabius et centrée sur l'engagement des acteurs non-étatiques, notamment des collectivités territoriales, les régions en particulier.

Si les responsables des régions françaises décident, dans les semaines qui précèdent les élections, de mobiliser leurs moyens pour s'engager dans la réduction des gaz à effet de serre...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - Qu'est-ce que cela a à voir avec le sujet ?

M. Ronan Dantec.  - ... de mobiliser les acteurs de leur territoire, y a-t-il un risque que l'on considère que cette action soit intégrée dans leurs comptes de campagne ? Ne nous privons pas d'une telle mobilisation pour cause de calendrier électoral !

De votre réponse, monsieur le ministre, dépend l'engagement des régions françaises pour la Conférence elle-même. Il ne faudrait pas que la dynamique actuelle soit cassée par ce problème de calendrier.

M. André Vallini, secrétaire d'État .  - La question était d'abord de savoir si, pratiquement, on parviendrait à organiser en même temps les élections régionales et la Conférence. De ce point de vue, il n'y a pas de souci à avoir : les autorités de la République seront mobilisées pour les deux évènements en même temps.

À votre question précise, je répondrai qu'il suffira pour les présidents de région de résister à la tentation d'afficher en grand leur photo, en gras leur nom, dans les mois qui précèdent les élections, afin de promouvoir non les élus sortants, mais l'action de la collectivité elle-même. (M. Ronan Dantec manifeste son affliction)

L'article 12 est adopté.

L'article 12 bis A demeure supprimé.

ARTICLE 13 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au dernier alinéa du I de l'article 11 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, les mots : « 28 février » sont remplacés par les mots : « 1er mars ».

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - À l'été 2014, il est apparu que le calendrier d'application de la loi sur les métropoles devait être desserré. Le processus de consultation et de concertation a été ensuite réaménagé. Le calendrier initial de la loi sur les métropoles semble aujourd'hui tenable. Seul un accord du Sénat permettrait à l'Assemblée nationale de revenir sur ce calendrier.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale.  - C'est un faux amendement de suppression. Ou bien le texte de la commission a un sens, ou bien il n'en a pas. On a eu le même cas sous la présidence de Jean-Pierre Sueur et le Sénat s'y était opposé.

Le Sénat a supprimé l'article 13. On lui demande de se déjuger. L'Assemblée nationale considère que le Sénat... Eh bien non ! La révision constitutionnelle de 2008 veut dire quelque chose. Je comprends, monsieur le ministre, que vous essayez d'arranger la situation. Mais quelle méthode ! On voit bien que le décalage d'un jour n'a aucune signification, que cet amendement n'est qu'un procédé. Son adoption aurait pour effet de nier l'apport important de la révision constitutionnelle de 2008.

Quelle est la solution ? Déposez un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, celle-ci peut accepter le texte du Sénat sans l'article 13. Nous l'avons dit aux députés : nous avons supprimé l'article 13 en première et en deuxième lecture.

Voter un tel amendement, ce serait renoncer largement au pouvoir d'établissement d'un texte par les commissions. (Nombreuses marques d'approbation)

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 13 demeure supprimé.

Interventions sur l'ensemble

M. René-Paul Savary .  - Avec le droit d'option, qui est établi par ce texte, un département picard, comme l'Aisne, peut choisir de rallier Champagne-Ardenne. Ce serait logique puisqu'il partage le bassin de vie et d'emploi de tous le Bassin marnais. C'est une amélioration sensible, qui m'amène à voter ce texte.

Reste l'important, qui est de définir les compétences dévolues aux nouvelles régions et surtout les moyens qui seront attribués à chaque niveau pour construire son action.

M. Claude Kern .  - Je réaffirme la position de la majorité des Alsaciens. Je dénonce un déni de démocratie quand 58 % des Alsaciens ont voté oui lors du référendum de 2013, même si la participation était, certes, insuffisante à l'époque. Je dénonce le gâchis souligné par Jacques Mézard, d'une réforme réalisée en hâte, sans véritable concertation avec des collectivités territoriales concernées.

Monsieur le ministre, pourquoi vous obstinez-vous à refuser à une région de mettre en place une expérimentation intéressante et innovante ? Pourquoi vous obstinez-vous à créer une mégarégion incohérente et incapable de porter le moindre projet ? Donnez une chance au bon sens ! Les Alsaciens ne demandent pas leur autonomie mais une ouverture, ils veulent une région Alsace solide et forte, pour le développement économique de la France.

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien !

M. Ronan Dantec .  - Le groupe écologiste est très déçu. Il votera contre. C'est quand la prochaine loi ? Puisque l'on est au milieu du gué, quand ira-t-on jusqu'au bout ? L'État ne tranche pas entre la reconnaissance du rôle d'avenir des territoires forts, et la peur persistante de ces territoires, de l'Alsace à la Bretagne. Cela crée de l'anxiété. Les citoyens ne sont pas dupes de la faiblesse du projet. Je n'ai jamais pensé que cette loi n'était que de la poudre aux yeux. J'étais très allant, même si l'on eût mieux fait de débattre d'abord des compétences. Hélas, on a raté l'occasion d'associer les citoyens, qui s'intéressaient pourtant à ce débat, dont ils discutaient durant les repas de famille. Et l'on se retrouve avec une réforme technocratique. C'est une grande déception.

J'en ai une autre : c'était l'occasion de renforcer la démocratie territoriale ; nous avons fait des propositions. Je ne jette pas la pierre au Gouvernement sur ce point. Nous nous sommes heurtés à un mur, à la frilosité du Sénat. Certains grands élus territoriaux ont aussi peur de contre-pouvoirs.

Monsieur le ministre, votre réponse sur la présence des élus régionaux à la conférence sur le climat m'inquiète : les élus du monde entier seront là, sauf les Français.

M. André Reichardt .  - Je suis totalement hostile aux grandes régions. Je voterai ce projet de loi dans la rédaction du Sénat, qui fait de l'Alsace une région à part entière. Il convient d'envoyer un message clair à l'Assemblée nationale et au Gouvernement : celui de la diversité, du droit à l'expérimentation en matière d'aménagement du territoire, de l'efficacité. L'Assemblée nationale doit se rendre compte que le Sénat, renouvelé, porte la représentativité des territoires, que ceux-ci ont droit à une diversité, une expérimentation dans notre République.

Les conseillers régionaux alsaciens seront gênés par cette loi. La totalité des parlementaires alsaciens, la très grande majorité des Alsaciens ne veulent pas de cette grande région. Ils traînent des pieds. Quand l'alternance se produira, ils n'auront de cesse de revenir sur ce texte. Quel dommage que de perdre ainsi du temps à une démarche institutionnelle, alors que les problèmes du chômage, de la résorption des déficits devraient mobiliser toutes les énergies. Écoutez les Alsaciens, monsieur le ministre, je vous en conjure : ils considèrent que leur région est un poste avancé sur le Rhin en Europe et peuvent y jouer tout le rôle que la France attend. Monsieur le ministre, faites comprendre à vos collègues du Gouvernement, à la majorité de l'Assemblée nationale, que le sort qu'elle nous réserve n'est pas le bon. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Aucune logique, sinon de convenance ; méconnaissance de la géographie et de l'histoire de la France ; définition du contenant avant celle du contenu ; incapacité à prouver que ce charcutage produira des économies, pour ne rien dire du développement économique prétendument attendu. Les institutions régionales seront paralysées pendant des années au moment où il fallait les mobiliser pour lutter contre la crise. C'est donc avec un triste réalisme et la mort dans l'âme que je soutiendrai le texte issu des travaux du Sénat.

M. Philippe Kaltenbach .  - Que de mots durs, alors que nous sommes parvenus à un consensus sur quelques points forts : des régions plus fortes, avec une véritable compétence économique, selon les conclusions du rapport Raffarin-Krattinger. Le débat était mal engagé, il n'a pas été empêché, le Sénat a joué complétement son rôle et je m'en réjouis car nous sommes là pour cela. Le texte a été largement amélioré au fil des débats. Je remercie le président Hyest et le rapporteur, le Gouvernement, les ministre Cazeneuve, Lebranchu, Vallini pour leur écoute.

Ce texte est quasiment abouti : grandes régions, calendrier, prise en compte de revendications des départements les plus petits, droit d'option. Sur ces quatre points, il faudra encore convaincre l'Assemblée, mais ce consensus demeure.

Le groupe socialiste s'abstiendra en raison de notre désaccord sur deux régions, Grand-Est et Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon. Nous sommes d'accord sur 85 % de la carte. Nous voulons cette cohérence. Ce n'est pas un vote de défiance à l'égard du Gouvernement. Espérons que les députés reviendront à une carte plus conforme à nos idées, à treize régions.

M. Jacques Mézard .  - Unanimement, le groupe du RDSE votera le texte de la commission. Ce n'est pas qu'il nous enthousiasme, quels qu'aient été les efforts du président Hyest et du rapporteur Buffet pour faire évoluer un texte dont nous connaissons tous les vices initiaux. Monsieur Kaltenbach, votre explication de vote est loin de toute réalité. Bonheur général, consensus, dites-vous, et vous vous abstenez ! On est dans l'humour, pas dans le législatif ! Cet après-midi, s'est exprimée une défiance très forte à l'encontre de ce projet de loi. Le Sénat a montré qu'il était prêt à faire oeuvre constructive. De l'autre côté, il n'a reçu qu'une suite de veto, pratiquement sur tout. (Marques d'approbation à droite)

Les conséquences de ce découpage à la hache sur un coin de table seront catastrophiques pour bon nombre de régions. Eh oui, l'alternance entraînera une reprise du texte. C'est le devenir, à chaque alternance, de ces textes conçus par des technocrates : on reprend à zéro à chaque alternance, c'est catastrophique pour notre image auprès des citoyens.

Pour des raisons que j'ignore, le président de la République a voulu passer en force. Il en a la traduction catastrophique au Parlement et dans l'opinion. Moi qui ai voté pour lui, je suis le premier à le déplorer.

M. Alain Bertrand .  - Avec les grandes régions, c'est la recherche de capitales régionales, loin des petits départements, ruraux, hyper ruraux. On ne fait pas une région avec deux métropoles. Comme le dit M. Raffarin, on continue à tout concentrer et on veut croire que par un coup de baguette magique on réglera ainsi les problèmes plus facilement. C'est toute la région qui doit traiter ce problème. Frêchiste, j'ai une pensée émue pour Christian Bourquin et Georges Frêche.

J'entends M. Vallini sur l'efficacité, l'action économique, mais j'entends aussi les Alsaciens. Vous allez casser quelque chose qui marche, la dynamique montpelliéraine, même si M. Saurel, le nouveau maire, pense le contraire. Il y a une dynamique méditerranéenne, de Perpignan à Nîmes. Nous avons trois millions d'habitants, une façade face à l'Afrique, un rayonnement réel, des ports importants. Georges Frêche ne serait pas content s'il était parmi nous ce soir.

Votre réforme, je le dis à MM. Vallini, Valls, Hollande, était justifiée, dans son esprit, pour ces régions qui n'auront pas la taille critique. Mais il eût fallu reconnaître les propositions faites ici et accepter la carte à quinze régions. Treize, quatorze ou quinze, l'esprit est le même.

À la demande du groupe UMP, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 76 :

Nombre de votants3 38
Nombre de suffrages exprimés21 3
Pour l'adoption17 3
Contre   40

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)