Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Nous avons achevé, vendredi dernier, au terme de plus de soixante-dix heures et de dix jours de débats, l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Nous avons ainsi travaillé, comme je l'avais souhaité dans mon allocution inaugurale du 21 octobre, « sans excès de lenteur ni de vitesse » pour bâtir un texte qui exprime la position du Sénat dans le dialogue qui va maintenant pouvoir s'ouvrir avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Ce résultat remarquable, nous le devons tout d'abord à la commission des lois, à ses rapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck -dont je sais qu'il aurait bien voulu être parmi nous pendant ces longs débats et pour qui nous formons des voeux de prompt rétablissement-, à son président, Philippe Bas, et à tous ses membres qui ont oeuvré pour soumettre à nos délibérations un texte fruit d'un large consensus et des réflexions menées par notre assemblée sur un sujet au coeur de sa raison d'être, la représentation des collectivités territoriales.

Merci également à tous ceux d'entre vous, nombreux, élus d'expérience, qui êtes intervenus, porteurs de votre connaissance irremplaçable du terrain.

Merci également au Gouvernement, à vous, madame la ministre, et à vous, monsieur le ministre, pour votre présence tout au long de cette discussion devant une assemblée passionnée et exigeante dès lors que sont en cause les collectivités territoriales.

Il y a eu des moments de tension, des moments de déception. Pour autant, dans l'ensemble, nos échanges ont montré la volonté de construire un texte.

Pour faire écho aux propos de Jean-Jacques Hyest, qui a fait vendredi soir la synthèse de nos travaux, je dirai que, loin d'avoir « détricoté » le projet de loi, comme je l'ai parfois lu dans la presse, le Sénat l'a au contraire « retricoté », ordonné et enrichi.

J'avais exprimé le souhait, le 21 octobre, que nous imaginions ensemble de nouveaux modes de votation afin de nous retrouver régulièrement en nombre pour manifester nos choix sur des textes importants. Nos collègues Alain Richard et Roger Karoutchi ont bien fait progresser les choses lors de la réunion du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat qui s'est tenue ce matin.

Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République est incontestablement un texte important. La Conférence des présidents a donc décidé de faire une première application des dispositions de l'instruction générale du Bureau qui permettent d'organiser des scrutins publics en forme solennelle, en salle des Conférences. Une seule délégation de vote sera autorisée par sénateur, conformément aux dispositions de la loi organique.

Interventions sur l'ensemble

M. Michel Mercier .  - Monsieur le rapporteur, mes premiers mots seront pour vous. Merci d'avoir tenu une ligne claire, affirmée par la commission des lois dès le départ ; merci pour le travail que vous avez accompli. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs CRC) M. Vandierendonck, votre co-rapporteur, regrettera de n'avoir pu être parmi nous, surtout lorsqu'il verra notre vote.

Le texte amendé par le Sénat est plus clair, plus cohérent que celui du Gouvernement, mais laisse un goût d'inachevé. Le Sénat a en effet supprimé la clause de compétence générale pour la région et le département. Monsieur le ministre, à force de réintroduire par petits bouts la loi de 2010, que vous aviez commencé par détricoter, vous mettrez le temps d'un quinquennat à la rétablir dans son entier et l'on aura perdu cinq ans. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Michel Mercier.  - Le Sénat a rendu votre système territorial plus cohérent : la région est confirmée dans son rôle économique ; les moyens d'assurer cette compétence lui sont donnés, grâce notamment à ses nouvelles prérogatives en matière d'emploi.

Les schémas de développement économique clarifient ces nouvelles compétences ; leur caractère prescriptif a été affirmé. Nous aurions certes pu supprimer certains sous-schémas, touristique par exemple, mais voilà néanmoins un progrès.

S'agissant des départements, le Sénat a fait le choix de la clarté. Les électeurs sont convoqués le 22 mars pour un scrutin improbable.

Mme Nicole Bricq.  - Et pourtant il s'appliquera !

M. Michel Mercier.  - Vous êtes bien la seule à le soutenir, je dois vous en féliciter.

On ne saurait convoquer les électeurs pour un scrutin départemental et ensuite supprimer le département. Le Sénat a joué son rôle mais les atermoiements du Gouvernement ont nui à la cohérence du débat.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous oubliez les volte-face sarkozystes !

M. Michel Mercier.  - S'agissant de la métropole de Paris, il fallait trouver un compromis, ce qui ne rend pas les choses plus claires mais représente un moindre mal. Le Sénat a su le dégager.

Mme Joissains, membre de notre groupe, regrette que la construction de la métropole d'Aix-Marseille ne donne pas lieu à concertation : 113 maires sur 119 en contestent le périmètre, la gouvernance et les compétences. Pour progresser, monsieur le ministre, il faut d'abord rechercher l'accord local. Ici, il fait défaut.

Mme Sophie Joissains.  - Très bien ! (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)

M. Michel Mercier.  - Un mot sur l'intercommunalité. Faut-il instaurer un seuil de population ? (« Non ! » sur de nombreux bancs au centre et à droite) Les travaux du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) montrent qu'un tel seuil n'a pas de sens. L'on parle de « territoire vécu » ; qu'est-ce qui fait la vie d'un territoire ? Certainement pas un seuil de population.

Sur l'intercommunalité et les départements, les pistes que nous avons proposées prospéreront, nous l'espérons, au cours de la navette. C'est dans cet esprit que la majorité du groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

M. Bruno Retailleau .  - Ce texte est important, pour le Sénat, pour les Français aussi. Je remercie le président Larcher d'avoir prévu un mode de votation qui correspond à une exigence démocratique et de rénovation du Sénat.

L'UMP votera ce texte qui n'est plus celui du Gouvernement. Arrivé à l'envers, il a été remis à l'endroit. À l'envers, dis-je, car les collectivités territoriales ne sont pas responsables de 2 000 milliards d'euros de la dette française ! (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC) Les collectivités territoriales prendront leur part de l'effort mais elles ne peuvent être accusées : elles sont soumises à la règle d'or qui interdit de financer le fonctionnement par l'emprunt.

Le texte gouvernemental était dépourvu de ligne, de cap, de cohérence. Que de volte-face, de tête-à-queue ! Sur tous les bancs, les mêmes reproches : le Gouvernement voulait affirmer une volonté réformatrice en découpant de grandes régions mais ne proposait rien sur le fond. Le fond, ce sont des questions graves : crise démocratique, économique, fractures territoriales... Sur tout cela, le projet du Gouvernement est muet.

Je remercie la commission des lois, son président et le rapporteur, pour le travail accompli. Le choix du Sénat est clair. D'abord, c'est celui de la proximité. Nous avons dit oui aux grandes régions. Mais cela appelait le maintien des départements, dans leur double vocation de solidarité sociale et territoriale. Nous avons refusé d'opposer le rural à l'urbain : nous n'avons pas voulu que la région se fasse au détriment de l'intercommunalité et des métropoles. Des régions fortes, oui ; obèses, non ! Les régions doivent rester des collectivités territoriales de projet, sans s'empêtrer dans le quotidien, les routes, les collèges, les transports scolaires...

M. Jean-Claude Gaudin.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - Sur un tel sujet, nous attendions d'un gouvernement de gauche qu'il poursuivît l'oeuvre de Gaston Defferre.

M. Didier Guillaume.  - Vous avez voté contre les lois de 1982 !

M. Bruno Retailleau.  - Nous connaissons bien la tendance jacobine de notre pays, sa passion de l'unité. Mais celle-ci ne peut se faire que dans la diversité. « La France a eu besoin de la centralisation pour se faire, elle a aujourd'hui besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire ». Ce mot de François Mitterrand, c'est le Sénat qui l'a repris à son compte !

Aucune réforme territoriale n'a de sens sans réforme de l'État et sans une véritable décentralisation.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Exact ! (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

M. Bruno Retailleau.  - Il fallait confier aux régions plus de compétences dans le domaine de l'économie et de l'emploi : nous l'avons fait, en évitant le jacobinisme régional. Votre projet de schéma, sorte de gosplan régional, ne pouvait fonctionner. Nous avons remplacé conformité par compatibilité, par souci de souplesse.

Pourquoi passer tous les territoires sous la même toise ? Pourquoi nier la composition française qu'est notre pays, pour reprendre les mots de Mona Ozouf ?

En s'opposant au seuil de 20 000 habitants, pour les intercommunalités, le Sénat a fait oeuvre utile. Nos concitoyens reprochent aux politiques leur éloignement du terrain. Nous, sénateurs, avons de celui-ci une « connaissance charnelle », pour parler comme Péguy. Nous gardons comme ligne d'horizon l'intérêt général, celui de la France.

Le Premier ministre nous a dit la main sur le coeur vouloir obtenir un consensus. Le Sénat a fait son travail. Au Gouvernement et à l'Assemblée nationale de faire le leur. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

M. Michel Delebarre .  - Comme vous, monsieur le président, j'aurai une pensée pour M. Vandierendonck, co-rapporteur, toujours souffrant mais qui suit nos débats. Je sais qu'il aurait eu à coeur de participer à celui-ci.

L'examen de ce texte aura connu de nombreuses vicissitudes. D'aucuns regretteront des reculades ; ce serait dommage : il fallait des revirements pour bâtir le meilleur système possible. Mes prédécesseurs à cette tribune se sont un peu éloignés de ce texte ; ce fut à l'image de nos débats : sur soixante-dix heures de discussions, quelques-unes seulement ont été vraiment consacrées au texte dans sa lettre.

Personne ne remet plus en cause le rôle moteur des régions en matière économique. La réforme renforce leurs compétences en la matière : aide à l'investissement, emploi... Communes et départements pourront néanmoins continuer à agir.

En matière d'aménagement de territoire, le SRADDT sera facteur de clarté, en favorisant la concertation. Le volet littoral, introduit à l'initiative de notre groupe, est une autre avancée, les actions territorialisées de lutte contre le chômage sont rendues possibles. Les régions se voient ainsi reconnaitre la responsabilité d'élaborer une carte des dispositifs de formation supérieure et de recherche.

Le Sénat a adopté, avec quelques ajustements, l'amendement du Gouvernement sur le Grand Paris et amélioré le texte sur la métropole Aix-Marseille-Provence. Tout cela va dans le bon sens.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Très bien !

M. Michel Delebarre.  - Le département est préservé dans son rôle de solidarité avec les plus fragiles et de soutien technique aux communes. Il est ainsi remis au coeur de la solidarité territoriale.

Le Gouvernement a fait preuve d'ouverture en acceptant de rendre aux départements la gestion des collèges ; le Sénat y ajoute la voirie. Cela ne méconnait nullement la vocation motrice des régions en matière de développement économique. La navette fera peut-être avancer le débat. Le groupe socialiste a montré sa capacité à être force de proposition, sur la compétence tourisme notamment. L'articulation des niveaux régional et départemental est la meilleure solution ; de même en matière de transports. Sur ces deux points, l'opposition entre collectivités territoriales était stérile.

Le groupe socialiste a eu le souci du respect des élus locaux, en proposant de déroger au seuil de 15 000 habitants qui avait sa faveur. Nous avons besoin d'intercommunalités fortes pour mener des politiques publiques adaptées aux besoins des habitants. Le seuil des 5 000 a pourtant été conservé. Small is beautiful, pensent certains qui voudraient revenir à l'émiettement multiséculaire. Comment proposer des services publics de qualité, surtout en zone rurale, sans regroupement des services ?

Certains points restent à approfondir ; nous y reviendrons au cours de la deuxième lecture. Le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Ronan Dantec .  - Nous voici à la conclusion de ce marathon : reprenons notre souffle, mesurons le chemin parcouru. À vol d'oiseau, malgré tous ces kilomètres parcourus, nous ne sommes pas loin du point de départ...

En ce début d'année marqué par un moment de barbarie, ce débat devait affirmer des lignes cohérentes pour l'avenir de nos territoires. Il n'a pas permis de dégager des lignes claires. Les objectifs des écologistes étaient, eux, très clairs : assurer un meilleur équilibre des territoires, ce qui passe par des régions fortes, à même d'imposer une redistribution entre les plus riches et les plus fragiles de ses propres territoires ; renforcer la démocratie locale et régionale, ce qui suppose une réforme en profondeur du millefeuille.

J'avais déjà pris acte du maintien des départements, personne n'ayant envisagé de reprendre leurs attributions. Toutefois, détricotage et raccommodage ont rarement fait de beaux habits neufs. Les habitudes l'ont emporté, comme l'on préfère les vieux vêtements, plus confortables même s'ils sont rapiécés. Nous avons conservé tous les niveaux de collectivités, au risque d'effrayer les citoyens qui trouveront cet accoutrement bien obsolète. En effet, la défiance manifestée à l'égard de notre système est grande. Nous avons tous le même diagnostic et les mêmes principes mais nos réponses divergent. Que n'a-t-on entendu sur les départements censés être le dernier rempart contre une bureaucratie envahissante ! Ces quinze jours de débat doivent être un signal d'alerte pour trouver une architecture efficace. Les élus régionaux doivent aussi entendre la défiance de nos concitoyens.

L'idée d'un bicamérisme régional n'était pas si extraordinaire.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - C'est vrai !

M. Ronan Dantec.  - Elle a été repoussée, c'est dommage. Laissons place à l'expérimentation ! À notre sens, l'agrandissement des régions doit aller de pair avec une division par deux du nombre de départements. D'où l'intérêt, à nos yeux, de la proposition savoyarde

Des grandes intercommunalités sont nécessaires, mais elles doivent correspondre aux bassins de vie et leurs instances être élues démocratiquement. Le débat est resté bloqué sur le principe « touche pas à ma commune », c'est dommage là-aussi.

Quelques avancées démocratiques ont été rendues possibles grâce à des amendements de notre groupe : droits de l'opposition dans les petites communes, droits à l'adaptation réglementaire élargis, droits culturels des régions.

Nous pensions voter contre ce texte à rebours de nos conceptions. Mais les schémas prescriptifs, même fragilisés, ont été maintenus, ce qui est un message utile envoyé à l'Assemblée nationale. Les dispositions relatives aux métropoles de Paris et Marseille nous conviennent aussi.

Le débat sur l'architecture territoriale ne doit pas perdre de vue que les collectivités sont les lieux de l'action publique, au service des citoyens. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Christian Favier .  - Je salue à mon tour le travail et la disponibilité du rapporteur, Jean-Jacques Hyest. L'organisation des débats a été perturbée par des délais trop brefs et par la longue coupure entre la discussion générale et celle des articles. Le droit d'amendements a néanmoins été exercé librement.

Nous avons déjà dit combien la restructuration de nos collectivités territoriales est difficile dans le contexte d'austérité que nous vivons. Ce texte s'inscrit en second lieu dans la droite ligne du rapport Balladur, qui préconisait l'évaporation des départements. Une logique de métropolisation et de régionalisation est en marche.

M. François Patriat.  - C'est très bien, ça !

M. Christian Favier.  - Après avoir réduit les ressources et contraint les dépenses des départements, vous les soumettez à des chefs. Nous affirmons, à l'inverse, l'utilité de toutes les collectivités territoriales, communes, départements, régions, qui doivent pouvoir mener des projets partagés et agir quand l'intérêt de leur territoire est en jeu. La clause de compétence générale reste consubstantielle aux droits et libertés locales comme au principe de subsidiarité. L'heure n'est pas à la caporalisation des collectivités locales. L'heure est à la coopération, pour mieux répondre aux attentes de la population.

Aucun jeu politicien, aucun marchandage ne nous a animés mais une certaine idée de notre organisation territoriale. Nous avons défendu les amendements que nous croyions utiles ; sans nous faire d'illusions sur certaines alliances de circonstance, pour défendre les prérogatives de telle ou telle collectivité qui est à l'origine de l'intercommunalité contrainte, qui voulait réduire encore plus le nombre des régions, fusionner les départements, créer le conseiller territorial, réduire le nombre d'élus locaux ? Autant de propositions que nous avons toujours combattues, défendant une décentralisation au service de nos concitoyens et de la démocratie locale.

Nous nous félicitons que certaines propositions du Gouvernement, notamment celles aboutissant à dévitaliser les départements, aient été rejetées.

Le département est-il pour autant à l'abri ? Le dépôt par le Gouvernement d'amendements tendant à rétablir le texte d'origine, comme les déclarations récentes du président de la République, nous font craindre le pire.

Avec de super régions, jamais les départements n'ont été aussi utiles !

La baisse des dépenses est devenue l'alpha et l'oméga de toute réforme territoriale. L'exemple grec montre pourtant où conduit l'austérité. Les nouvelles régions, fortement intégrées, seront des monstres technocratiques et bureaucratiques, coupés de la population et des dynamiques territoriales.

L'essentiel des travers de ce projet de loi demeurent. Nos inquiétudes restent fortes pour les personnels. Cependant, nous ne souhaitons pas voter contre un texte qui rend aux départements des compétences que le Gouvernement persiste à vouloir leur ôter. Des avancées ont aussi été obtenues sur la métropole du Grand Paris : suppressions du PLU métropolitain, attribution de la CFE aux territoires.

Le groupe CRC s'abstiendra donc, afin que les députés entendent nos préoccupations. Les premières mobilisations en défense des départements et des communes ont été utiles, amplifions le mouvement ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mézard .  - Merci, monsieur le président. Par sa présence en nombre cet après-midi, le Sénat montre qu'il est bien le représentant des collectivités territoriales. (Applaudissements des bancs RDSE aux bancs UMP)

Merci aux co-rapporteurs : à Jean-Jacques Hyest, qui a tenu le choc de la séance, et à René Vandierendonck, dont la sagesse et l'expérience nous ont manqué.

Le Sénat, en ne rendant pas copie blanche, a rempli son rôle constitutionnel au cours de ce débat, en rééquilibrant le texte du Gouvernement. Comment ne pas rappeler les incohérences entre les projets de loi successifs ? D'abord, la loi Maptam, où les compétences économiques des régions se carambolaient avec celles des métropoles. Puis la loi sur le binôme, que nous avons combattue et dont on se rend compte sur le terrain qu'elle trouve peu d'adeptes. Puis la loi NOTRe. Aucun texte sur les finances locales. (M. Charles Revet le déplore)

Quatre mois après avoir fait l'éloge des conseils généraux à Tulle lors de ses voeux pour 2014, le président de la République annonçait la disparition des départements. (On s'exclame à droite) Mardi dernier, à l'Élysée, il a dit qu'ils étaient maintenus « pour un temps »... Nous demandons de la clarté. Votre projet, nous le subodorons, c'est la suppression des départements -qui peut se comprendre là où existent des métropoles-, de grandes régions, le regroupement des communes -là aussi, cela peut se discuter, mais cela doit être dit clairement ! Cessez de faire un pas en avant, deux pas en arrière !

L'exposé des motifs de ce projet de loi mentionnait la suppression des départements en 2020. Depuis se sont succédé des déclarations ambiguës. Et le Gouvernement a déposé des amendements pour revenir à son texte, ce qui peut se concevoir, mais sans souci du travail du Sénat.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Je vais vous parler franchement et vous dire ce que j'ai sur le coeur. In fine, je pense que le Gouvernement se contentera d'« abandonner » les collèges aux départements, pour montrer que chacun a fait un effort, avant les élections départementales. Sur la voirie, il n'évoluera guère. Pourtant, s'il y a quelque chose qui est près du terrain, c'est bien la voirie départementale ! Peut-être certaines routes importantes seraient-elles mieux gérées à un autre échelon...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - On peut en discuter.

M. Jacques Mézard.  - Certes. Mais le Gouvernement veut en fait transférer de nouvelles ressources aux grandes régions : les recettes de la CVAE ! De grâce, dites-le ! (On renchérit à droite)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est la vérité !

M. Jacques Mézard.  - L'immense majorité d'entre nous sommes favorables au développement de l'intercommunalité, qui est le seul moyen de préserver le bloc communal. Mais le seuil de 20 000 habitants est totalement arbitraire ! (Applaudissements des bancs RDSE aux bancs UMP ; M. Jean-Pierre Raffarin renchérit)

À Paris, en Ile-de-France, soit. Mais ailleurs, ce seuil ne correspond à aucune réalité de terrain ! Il n'a de sens que si vous voulez supprimer les départements -mais alors, il faudrait encore le rehausser.

Que de schémas, d'usines à gaz. Les collectivités ont besoin de liberté ! (Applaudissements sur les mêmes bancs)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique.  - La loi Macron !

M. Jacques Mézard.  - Vous savez mon attachement à la IIIe République. Gambetta disait, dans le discours de Belleville : « Par cette institution du Sénat bien comprise, la démocratie est souveraine et maîtresse de la France ». Dans cet esprit, la très grande majorité du RDSE votera le texte du Sénat. (Applaudissements des bancs RDSE aux bancs UMP)

M. Philippe Adnot .  - En trois minutes, j'irai à l'essentiel. Merci à la commission des lois, à son président, au rapporteur Jean-Jacques Hyest grâce à qui le texte que nous sommes appelés à voter, s'il n'est pas parfait, sauvegarde l'essentiel.

Merci pour les communes, pour les entrepreneurs dont les carnets de commande étaient menacés, pour les départements dont les compétences sont préservées. Sur la clause de compétence générale, le principe de réalité finira par nous donner raison.

Espérons que les députés ouvriront les yeux sur les dangers du transfert des routes aux régions. Au moment du transfert des routes aux départements, l'État a transféré 350 personnes au conseil général de l'Aube. Il y en a aujourd'hui 35 de moins, pour une meilleure efficacité, preuve de nos efforts de rationalisation ! Si l'on confie les routes aux régions, qui sera l'autorité responsable ? Pas le préfet du département ni la DDE... Cela coûtera fort cher !

Il serait bon que les versions de l'Assemblée nationale et du Sénat fussent assez proches. Faute de quoi, craignons l'exaspération de nos concitoyens.

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin sur l'ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce scrutin sera ouvert dans quelques instants. Je vous rappelle qu'il aura lieu en Salle des Conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l'instruction générale du Bureau. Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

La séance, suspendue à 15 h 50, reprend à 17 heures.

Scrutin public solennel

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°84 sur l'ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 203
Pour l'adoption 192
Contre 11

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Merci aux secrétaires d'avoir participé à cette première ; ce scrutin s'est bien déroulé, dans un délai plus bref que d'ordinaire.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'était très long !

M. le président.  - La Conférence des présidents en tirera les enseignements.

Interventions du Gouvernement

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - À mon tour d'avoir une pensée pour René Vandierendonck, qui a suivi nos débats sur internet. Il reviendra en deuxième lecture nous apporter sa sagesse et son expérience. Merci à la commission des lois, à son président Philippe Bas et à son rapporteur Jean-Jacques Hyest, qui est resté au banc de la commission du début à la fin de nos échanges et qui a produit un énorme travail. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Nos débats ont été utiles et constructifs ; le Sénat, loin de détricoter le texte du Gouvernement, a apporté sa vision des choses. Nous nous sommes retrouvés sur de nombreux points, comme la clause de compétence générale ou le transfert des transports ; sur les collèges, le Gouvernement a fait un pas vers vous.

J'entends dire que les élections départementales seront difficiles parce que les compétences ne sont pas fixées. (Marques d'approbation à droite) Et si nous renversions la perspective ? Ces élections seront l'occasion d'un débat dans chaque département, dans chaque canton, auquel les sénateurs prendront part. Nous reviendrons ici en deuxième lecture, enrichis des débats que nous aurons eu sur le terrain... (Mouvements divers à droite ; applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - À mon tour de saluer la performance impressionnante de Jean-Jacques Hyest, qui n'a jamais quitté le banc de la commission et a répondu avec une grande précision à chaque amendement.

M. Éric Doligé.  - Nous devrions l'envoyer à l'Assemblée nationale mettre un peu d'ordre !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - À l'issue des débats, le Gouvernement se rend à l'Assemblée nationale avec un texte qui n'a pas beaucoup changé, qui a ses équilibres -même s'ils ne sont pas nécessairement ceux du Gouvernement. J'ai rencontré pendant deux jours des représentants des départements très ruraux, leur première demande, c'est une demande de solidarité et de péréquation.

M. Alain Fouché.  - L'État se désengage...

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Je salue la grande qualité de nos débats. Sur Paris, sur Marseille, il y a une recherche, même si les choses sont compliquées... Nous nous retrouverons en deuxième lecture, avec une volonté partagée, je le crois : celle de la solidarité entre les territoires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Même si c'est difficile, il faut avancer !