Transition énergétique (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

TITRE III

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable .  - Le titre III est important : les transports représentent 35 % de la consommation d'énergie et 27 % des émissions de gaz de serre. Je me réjouis qu'il ait été délégué à la commission du développement durable. Le choix de la commission spéciale, comme à l'Assemblée nationale, aurait privé nombre de nos collègues de participer à nos travaux, au Sénat le nombre des membres d'une telle commission étant limité à 37.

En tout, nous sommes saisis de 83 articles. M. Nègre a mené un important travail, avec 55 heures d'audition et plus de 180 personnes auditionnées. Ce texte aura été véritablement co-écrit par les deux commissions, pour reprendre la formule du président Larcher.

Une table ronde a même été organisée sur la question des nouvelles motorisations Diesel.

Nous avons été guidés par le pragmatisme, le sens de l'intérêt général et le sens de responsabilité. Merci au chef de file du groupe socialiste dans notre commission, M. Filleul, de son esprit constructif. Nombre d'amendements ont été adoptés à l'unanimité.

Nous avons suivi l'Assemblée nationale sur la définition des véhicules propres ; nous avons introduit à l'article 13 un dispositif d'identification des véhicules propres, que le gouvernement a repris à son compte, et c'est tant mieux ; nous avons fait évoluer la définition du covoiturage. Nous avons également allégé ou supprimé des contraintes inutiles, comme l'écodiagnostic ou l'obligation faite aux entreprises de réaliser des plans de mobilité pour leurs salariés, que nous n'avons conservée que pour celles de plus de 250 salariés.

Mme Ségolène Royal, ministre .  - Titre important que celui-ci. Je salue l'excellent travail de la commission. Toutes les mégalopoles sont confrontées à la nécessité de développer des transports propres. Le transport routier représente 15 % des émissions de particules et 56 % des émissions d'oxyde d'azote. C'est un sujet majeur de santé publique mais aussi un enjeu économique et industriel. Nos entreprises sont bien placées pour partir à la conquête du marché mondial. Le dernier objectif est de réduire notre dépendance aux hydrocarbures.

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 9 A

M. le président.  - Amendement n°286 rectifié, présenté par M. Madec et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 9A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L'article L. 1231-1-14 devient l'article L. 1231-14 ;

2° Le dernier alinéa de l'article L. 1241-1 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le syndicat assure les missions et y développe les services mentionnés à l'article L. 1231-8.

« Le syndicat peut délivrer un label "autopartage" aux véhicules affectés à cette activité. À cet effet, il fixe les caractéristiques techniques des véhicules au regard, notamment, des objectifs de réduction de la pollution et des gaz à effet de serre qu'il détermine et les conditions d'usage de ces véhicules auxquelles est subordonnée la délivrance du label.

« Il peut également organiser des services publics de transport de marchandises et de logistique urbaine, d'autopartage et de location de bicyclettes selon les modalités définies aux articles L. 1231-1, L. 1231-14 et L. 1231-16 sous réserve de l'inexistence de tels services publics et de l'accord des communes et établissements publics de coopération intercommunale sur le ressort territorial desquels le service est envisagé. Quand de tels services existent, le syndicat est saisi pour avis en cas de développement ou de renouvellement desdits services.

« Le syndicat peut, seul ou conjointement avec des collectivités territoriales ou groupement de collectivités intéressées, en cas d'inexistence, d'insuffisance ou d'inadaptation de l'offre privée, mettre à disposition du public des plates-formes dématérialisées facilitant la rencontre des offres et demandes de covoiturage. Il peut créer un signe distinctif des véhicules utilisés dans le cadre d'un covoiturage. Dans ce cas, il définit au préalable les conditions d'attribution du signe distinctif. »

M. Jean-Jacques Filleul.  - Je salue Mme Geneviève Jean, dont l'élection a été annulée par le Conseil constitutionnel. Elle avait fourni un important travail au sein de notre commission.

Le contrat Vélib' doit être renouvelé en février 2017 mais le Stif n'est pas en mesure de le gérer et la ville de Paris n'a pas la compétence... Pour remédier à cette difficulté, il est proposé de la lui redonner.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. Nous venons de clarifier les compétences des autorités organisatrices de transport dans la loi Maptam. Cela étant, le Stif n'est pas demandeur ; il n'aurait pas les moyens de gérer Vélib' ni Autolib'. Comme le contrat arrive à échéance, ne prenons pas le risque d'interrompre la location du service. À titre personnel, sagesse.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Il ne revient pas au législateur de trancher les discussions entre la région et la ville. Sagesse.

Mme Chantal Jouanno.  - Ces discussions sont parfois difficiles, en effet. Le vrai sujet est d'avoir un service de Vélib' et d'Autolib' à l'échelle du Stif. Il ne faut pas empêcher cette évolution.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Merci au rapporteur de sa compréhension. La ville étudiera la possibilité d'élargir ces services quand la métropole sera créée.

Mme Chantal Jouanno.  - À l'échelle de la région...

L'amendement n°286 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 9 A

M. le président.  - Amendement n°370 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

I. - Au début de cet article, insérer les mots :

À titre expérimental pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, renouvelable une fois,

II. - Remplacer les mots :

des expérimentations sont soutenues et valorisées

par les mots :

une collectivité territoriale peut mettre en oeuvre des expérimentations

III. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

M. Jean-Claude Requier.  - La rédaction de cet article est trop abstraite. Il revient aux collectivités territoriales qui le souhaitent de mettre en place des expérimentations de logistique urbaine non polluante dans le cadre du « dernier kilomètre de livraison » qui, essentiellement routier, est le parcours le plus polluant : 20 % des émissions de CO2 et 30 % des émissions d'oxyde d'azote.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Notre collègue Requier parle d'or. Cependant, les expérimentations sont déjà possibles. Paris a signé une charte en septembre 2013 pour créer des espaces de logistique urbaine. Cet amendement les soutient moralement, le faut-il ? Avis défavorable.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - L'idée est bonne. Des innovations technologiques existent, comme l'embarquement à bord des camions de petits véhicules électriques pour faire les derniers kilomètres. L'amendement prévoit en son III un décret, qui restreindrait ces possibilités d'expérimentation. Mieux vaut s'en passer, et j'accepterai cet amendement d'appui.

M. Jean-Claude Requier.  - D'accord.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°370 rectifié bis.

M. Hervé Poher.  - Il faudrait ajouter « et leurs groupements » après les collectivités.

L'amendement n°370 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 9 A est adopté.

ARTICLE 9 B

Mme Évelyne Didier .  - Développer les transports collectifs propres est un objectif partagé, qui suppose de renforcer l'action de l'État. Cependant, le projet de loi Macron va à rebours en permettant à des entreprises de transport routier de personnes d'assurer des services réguliers non urbains. Elles entreront en concurrence avec les TER sans régler les problèmes de desserte de certains territoires. On peut douter en outre que tous leurs véhicules seront à la norme Euro 6.

La transition énergétique impose qu'on rompe avec la politique d'austérité. Les financements existent, mais l'abandon de l'écotaxe et la privatisation des concessions autoroutières les a taris. J'espère que le groupe de travail mis en place pour mettre un terme à la rente autoroutière aboutira. La transition énergétique et la croissance verte ne doit pas s'arrêter au seuil de Bercy.

M. Jean Desessard.  - Joli !

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable .  - Je défends, moi, l'ouverture à la concurrence. Maire de terrain, je suis pragmatique. On constate tous les jours une baisse de qualité des services de la SNCF. Chaque jour, j'entends des gens s'en plaindre.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Je veux bien sauver le soldat SNCF...

M. Charles Revet.  - ... mais qu'il fournisse des efforts.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Une ouverture maîtrisée, les yeux ouverts, permet d'améliorer le service. C'est ce qui se passe en Allemagne et en Grande-Bretagne. Si les services de la SNCF sont de qualité, ils résisteront à tout. (Exclamations ironiques sur les bancs CRC)

M. le président.  - Amendement n°861 rectifié bis, présenté par MM. Cornano et Antiste, Mme Claireaux, MM. Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Patient et Vergoz et Mme Jourda.

Alinéa 2

1° Après le mot :

périurbaine

insérer les mots :

et insulaire

2° Après les mots :

et peu polluantes

insérer les mots :

encourage le report modal,

M. Jacques Cornano.  - Il faut encourager le report modal sur tout le territoire, métropolitain et ultramarin. Cela va de soi, mais cela va mieux en le disant. En Guadeloupe, les habitants des îles du sud sont pénalisés ; la double insularité crée des inégalités en matière de mobilité. J'ajoute que le développement d'une liaison maritime entre Basse-Terre et Pointe-à-Pitre présenterait des gains environnementaux immédiats et incomparables.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Rassurez-vous, nulle vision hexagonale dans ce projet de loi. Le report modal figure à l'alinéa 4. Retrait ?

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Le rapporteur a raison, mais il n'est pas inutile de mettre en valeur les outre-mer qui représentent 80 % de la biodiversité. Les questions de biodiversité et les problèmes des petites îles seront centraux à la Conférence de Paris sur le climat. Lutter contre la pollution par les transports est une façon de protéger la biodiversité.

L'amendement n°861 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°204 rectifié quater, présenté par MM. Pointereau, Mouiller, Guené et Lefèvre, Mme Cayeux, MM. Perrin et Raison, Mme Lamure, MM. B. Fournier et Trillard, Mme Troendlé, MM. Vogel, Houel et Pinton, Mme Gatel et MM. Cornu, Vaspart, Mayet, Doligé et Dallier.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

par des facilités de circulation et de stationnement,

M. Philippe Mouiller.  - Supprimons l'exigence de mise en oeuvre de « facilités de circulation et de stationnement » destinées à encourager le développement de véhicules sobres mentionnée à l'alinéa 3. Les collectivités territoriales qui souhaiteraient recourir à ce type de dispositif pourront toujours le faire sur le fondement des dispositions prévues à l'alinéa 23 de l'article 9.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Je me permets de vous renvoyer à l'alinéa 3 : il s'agit d'encourager une politique industrielle nationale. La présence de l'adverbe « notamment » indique qu'il n'y a là rien d'impérieux. Le maire que je suis applique ces dispositions, nous avons un leader du véhicule propre, Renault, pour ne pas le citer. Faciliter la circulation et le stationnement des véhicules propres, c'est le soutenir. Avis défavorable.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Même avis. Ces facilités de circulation et de stationnement sont un élément clé du choix du consommateur, avec le bonus sur les véhicules propres. Certaines collectivités territoriales offrent déjà un stationnement gratuit aux véhicules propres.

M. Philippe Mouiller.  - D'accord pour adresser un message.

L'amendement n°204 rectifié quater est retiré.

L'amendement n°687 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°268, présenté par M. Nègre.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il veille, par des péages adaptés, à répartir de manière équilibrée les flux de circulation entre les différentes traversées routières alpines.

M. Louis Nègre.  - Pas moins de 85 % des flux de fret entre la France et l'Italie sont routiers. En 2011, 2,7 millions de poids lourds ont traversé les Alpes françaises, pour moitié par Vintimille, soit 7 400 camions par jour. Et le trafic continue d'augmenter, source de pollution dans les vallées alpines et sur la Côte d'Azur. D'où cet amendement pour rééquilibrer le prix des péages afin de ne pas orienter les flux vers certains passages - les tarifs de l'A8 sont bien moindres que sur les autres axes.

Je reprends mon rôle de rapporteur, l'avis de la commission est de sagesse.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Je partage votre préoccupation. Cependant, la loi, générale, n'a pas à régler un problème particulier, si aigu soit-il. Les tunnels frontaliers, comme Fréjus et le Mont-Blanc, sont sous convention internationale avec l'Italie ; il n'y a pas de péage à Vintimille ; les autres traversées alpines font l'objet de restrictions de circulation pour les plus gros poids lourds.

Réduire les péages au Mont-Blanc et au Fréjus empêcherait de couvrir le coût des infrastructures. Les vallées de l'Arve et de la Maurienne sont déjà très polluées. Sagesse, mais un retrait serait préférable. Je m'engage à y travailler.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - La solution n'est pas de baisser le coût du passage au Mont-Blanc ou d'augmenter celui de Vintimille, mais de procéder à une remise à plat générale. Pour la transition énergétique, il existe une solution plus volontariste : dans l'attente de l'autoroute ferroviaire Lyon-Turin, c'est le report modal et notamment le développement d'autoroutes maritimes.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - D'accord.

L'amendement n°268 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Revet, Bizet, Portelli, Trillard et Houel et Mme Hummel.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Lorsque les marchés publics impliquent pour leur réalisation que des opérations de transport de marchandises soient exécutées, la préférence, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, se fait au profit des offres qui favorisent l'utilisation du transport ferroviaire, du transport fluvial ou de tout mode de transport non polluant.

M. Charles Revet.  - Les grands opérateurs, un jour, devront se mettre en ordre de marche pour assurer leur mission de service public. Rapporteur de la loi sur les grands ports maritimes en 2009, je préconisais une meilleure articulation entre l'acheminement et l'activité du port et la réalisation d'un accès direct Seine-port par une chatière. Rien ne s'est fait. C'est vrai aussi pour le ferroviaire. Le port d'Anvers, à lui seul, fait mieux que tous les grands ports maritimes français...

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Avis favorable, cet amendement va dans le sens de la prise en compte future de l'empreinte écologique des produits. Avis d'autant plus favorable que l'article 9 A encourage le transport fluvial et maritime et cet article de même en son alinéa 5.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Il est déjà possible de tenir compte du bilan carbone dans la procédure de marchés publics. Cet amendement présente un fort risque de contentieux : compte tenu de la complexité du circuit des transports, les marchés publics pourront être facilement contestés. Peut-être faut-il remplacer la formule rigide « se fait » par « peut se faire » pour éliminer ce risque...

M. Charles Revet.  - D'accord.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°20 rectifié bis.

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Avis favorable toujours. Dans le droit actuel, les entreprises doivent déjà indiquer les émissions de gaz à effet de serre pour le transport de marchandises. Or il semblerait qu'on ne sache pas encore bien calculer les émissions, nous sommes dans un flou artistique. Votre ministère pourrait-il se pencher sur la question ?

Mme Évelyne Didier.  - Je soutiendrai cet amendement. Je me réjouis de voir M. Revet défendre le report modal, ce que nous faisons au groupe CRC depuis des années. J'ai été étonnée que le rapporteur, et non le gouvernement, réponde à mon intervention sur l'article...

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable.  - Nous sommes des élus libres, la parole est libre, le Sénat est une assemblée libre. Si vous ne voulez pas de réponse, mieux aurait valu ne pas poser de question...

L'amendement n°20 rectifié bis est adopté.

L'article 9 B, modifié, est adopté.

La séance est suspendue à midi trente.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.