Renseignement(Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

ARTICLE PREMIER (Suite)

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par M. Raffarin, au nom de la commission des affaires étrangères.

Alinéa 40, deuxième phrase

Remplacer le mot :

des

par le mot :

trois

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - La commission des affaires étrangères voulait exprimer sa profonde inquiétude face à la multitude croissante des personnalités déléguées pour agir au nom du Premier ministre. À propos du renseignement, on a d'abord parlé de huit délégués : véritable officine au sein du cabinet du Premier ministre ! Auprès des ministres, il y aurait eu d'autres délégataires, avec des délégations tout aussi précises. J'ai confiance dans l'appareil d'État, d'autant que les procédures sont ici encadrées. Mais certaines techniques de renseignement sont devenues bon marché. Nous ne souhaitions pas voir se développer une nomenklatura d'experts privés formés un ou deux ans auprès du Gouvernement.

Heureuse nouvelle, la commission des lois a laissé au Premier ministre le choix du nombre des délégués, et rendu la délégation plus précise. Les délégués devront être habilités au secret de la défense nationale. Deuxième satisfaction : l'amendement n°177 du Gouvernement, selon lequel chaque ministre ne pourra déléguer sa compétence qu'à des collaborateurs directs, habilités au secret défense. Enfin, le Premier ministre a confirmé que sa propre compétence ne serait déléguée qu'à des collaborateurs directs.

Des garanties sont ainsi apportées qu'on a là un bon encadrement des responsabilités. Dans ces conditions, j'ai le bonheur de retirer cet amendement.

L'amendement n°36 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par Mme Goulet.

Alinéa 40, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

« Ces derniers adressent au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts, établies dans les conditions prévues aux quatre premiers alinéas du I et aux II et III de l'article 4 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, conformément à l'article 11 de ladite loi.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement assujettit ces collaborateurs délégués à l'obligation de déclaration de patrimoine et de déclaration d'intérêts telle qu'elle est prévue à l'article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Est-il satisfait, comme le laisse entendre M. Raffarin ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'inspiration de cet amendement est géniale, (Mme Nathalie Goulet apprécie, sous les félicitations de ses collègues) et je regrette que vous ne soyez pas membre de la commission des lois... qui vous a satisfaite (Sourires) puisque les membres des cabinets ministériels sont déjà assujettis à ces obligations.

L'amendement n°32 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°93, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

I. - Alinéa 45

Après la référence :

L. 811-3,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

le délai prévu à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 821 - 3 est ramené à une heure.

II. - Alinéa 46

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Même en cas d'urgence absolue, nous voulons un avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement qui aurait alors une heure pour rendre sa décision. Ne supprimons pas cette garantie essentielle. Actuellement, en cas d'urgence absolue, la CNCIS peut rendre sa décision en quarante-cinq minutes.

Mme la présidente.  - Amendement n°50, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 45

Après la référence :

l'article L. 811-3

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

l'un des membres de la commission de contrôle des techniques de renseignement mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 831-1, ou des magistrats spécialement délégués par lui mentionnés à l'article L. 832-5, statue par tout moyen dans un délai maximal de deux heures. Si l'urgence n'est pas constatée, la demande est traitée conformément aux articles L. 821-1 à L. 821-4. 

M. Jean-Pierre Bosino.  - La CNCTR doit être à même de remplir sa mission, y compris dans l'urgence. Aujourd'hui, la CNCIS peut rendre un avis jour et nuit, dans un délai de deux heures. Encore faut-il des moyens humains. Il ne devrait pas être possible de déroger à l'avis de l'autorité de contrôle.

Mme la présidente.  - Amendement n°135 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'article L. 821-6 est alors applicable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je salue la clarification opérée en commission mais je propose d'apporter des garanties procédurales supplémentaires en précisant que la procédure d'urgence ne fait pas obstacle à ce que la CNCTR puisse se prononcer posteriori, y compris sur le recours à cette procédure.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°93. Le dispositif voté en commission apporte de plus grandes garanties, puisqu'un contrôle est immédiatement possible. Un avis qu'il serait impossible de rendre à temps serait réputé rendu. Même avis sur l'amendement n°50.

Nul besoin d'ajouter une référence à l'article L. 821-6 du code de la sécurité intérieure, cher président Sueur, vous êtes complètement satisfait par le droit. Ajouter cette référence à chaque fois signifierait qu'elle s'applique seulement quand on y renvoie explicitement. Retrait ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Dans certaines circonstances, par exemple lorsqu'un attentat se prépare, il faut agir vite, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de la CNCTR. Celle-ci recevra les éléments utiles dans les 24 heures et pourra exercer sans attendre ses prérogatives. Avis défavorable à tous les amendements.

L'amendement n°93 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°50.

L'amendement n°135 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°186, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 47, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

y compris lorsqu'ils sont utilisés au titre du I de l'article L. 852-1

L'amendement rédactionnel n°186, accepté par la commission, est adopté.

L'amendement n°136 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°137 rectifié bis, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 821-5-2. - Les techniques du recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre ne peuvent être mises en oeuvre à l'encontre d'un parlementaire d'un magistrat, d'un avocat ou d'un journaliste ou concerner leurs véhicules, bureaux ou domiciles que sur autorisation motivée du Premier ministre prise après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement réunie en formation plénière.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'Assemblée nationale a souhaité protéger les magistrats, avocats, journalistes et parlementaires, par deux amendements dont la commission des lois a supprimé le premier. Il nous paraît plus protecteur de le rétablir en prévoyant explicitement que les techniques de renseignement ne peuvent être mise en oeuvre à leur encontre que sur autorisation motivée du Premier ministre prise avis de la commission de contrôle réunie en formation plénière.

On nous dit que cet amendement est satisfait. Nous voulons bien le retirer, à condition que l'on nous dise par quelles dispositions du texte il l'est. Il faut que les choses soient dites clairement.

Mme la présidente.  - Amendement n°94, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 49, première phrase

Après le mot :

parlementaire

insérer les mots :

, un médecin

Mme Esther Benbassa.  - Nous ajoutons les médecins aux professions à l'encontre desquelles les techniques de recueil de renseignements ne peuvent être mises en oeuvre que sur autorisation motivée du Premier ministre.

L'amendement n°13 rectifié ter n'est pas défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Oui, monsieur le président Sueur, lorsqu'une technique est mise en oeuvre à l'encontre des journalistes, avocats, parlementaires ou magistrats, la commission devra obligatoirement se prononcer en formation plénière. Les procédures d'urgence opérationnelle et absolue sont-elles applicables ? Non, les articles L 821-5 et L 821-5-1 ne sont pas applicables. Enfin, l'alinéa 40 dispose explicitement que l'autorisation doit être motivée - motivations substantielles, dont les termes sont fixés par la loi.

L'amendement n°137 rectifié bis peut donc être retiré.

Avis défavorable à l'amendement n°94, il faut mettre des bornes aux professions protégées. Chirurgiens et sages-femmes sont aussi soumis au secret médical, et tout salarié l'est au secret professionnel. Dans tous les cas, l'autorisation de recourir à des techniques de renseignement devra veiller à leur proportionnalité. La borne sera nécessairement placée plus haut pour les médecins, point n'est besoin de le préciser.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ce ne sont pas les professionnels qui sont protégés, mais les secrets dont ils sont détenteurs, utiles à la démocratie et à l'État de droit : secret des sources, secret de l'enquête, secret de la défense nationale. Le Gouvernement, très attentif, a déposé à l'Assemblée nationale un amendement qui prévoit que l'avis de la Commission devra être émis en formation plénière ; les procédures d'urgence ne seront pas applicables à ces professions. La CNCTR veillera au respect des principes de nécessité et de proportionnalité. L'amendement n°137 rectifié bis rétablit une disposition que le Gouvernement avait soutenue à l'Assemblée nationale mais les explications du rapporteur nous amènent à nous en remettre à la sagesse.

Dans le cadre des procédures judiciaires, les médecins sont effectivement inclus dans la liste des professions protégées ; mais il s'agit ici de police administrative, donc d'informations qui n'ont pas vocation à circuler, du moins entre les parties. Il est vrai que le Conseil d'État exige qu'il n'y ait pas de disproportion entre les prérogatives de l'autorité judiciaire et celles de la police administrative. Sagesse, donc, sur l'amendement n°94.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci à Mme la garde de sceaux et à M. le rapporteur pour leur effort de pédagogie. Nous voulions des certitudes, qui fussent énoncées en séance publique. Vous avez clairement montré que le projet de loi fixe déjà les trois garanties prévues par notre amendement ; nous le retirons.

L'amendement n°137 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°94 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°80 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier.

Alinéa 49, deuxième et dernière phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Les articles L. 821-5 et L. 821-5-1 ne sont pas applicables.

M. Jacques Mézard.  - L'objet est de rendre les procédures d'urgence inapplicables aux parlementaires, avocats, magistrats et journalistes. Il est envisageable de distinguer entre ces quatre catégories. De telles procédures à l'encontre des parlementaires, ou des avocats, qui prêtent serment, cela me choque. Les journalistes, eux, ne sont pas soumis à un code de déontologie.

Nos engagements internationaux garantissent le secret professionnel de ces personnes, comme l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le secret est inhérent à l'exercice de ces professions, comme d'un mandat parlementaire. Je suis heureux que Mme la garde des sceaux soit ici pour les défendre comme elle sut faire à l'occasion du projet de loi Macron.

Mme la présidente.  - Amendement n°138 rectifié, présenté par M. Raynal et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 49, dernière phrase

Remplacer les mots :

raisons sérieuses

par les mots :

indices graves et concordants permettant

M. Claude Raynal.  - Amendement rédactionnel...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Non !

M. Claude Raynal.  - ...qui s'aligne sur le droit applicable au fichage policier.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois a énormément délibéré. Ces professions et fonctions concourent naturellement à l''exercice des libertés publiques. Mais l'amendement n°80 empêcherait de recourir aux procédures d'urgence, même quand il y a des raisons sérieuses de croire qu'une personne appartenant à une de ces professions agit aux ordres d'une puissance étrangère ou dans le cadre d'un groupe terroriste. C'est très inquiétant ! Il vaut mieux que les services de renseignement puissent alors exercer leur mission. Les intérêts publics, eux aussi, doivent être protégés. Retrait de l'amendement n°80 rectifié.

L'expression « indices graves et concordants » appartient au vocabulaire du code pénal : il s'agit des indices d'un crime ou d'un délit commis. Or, ici, le crime ou le délit n'a pas encore eu lieu puisqu'il s'agit de le prévenir. « Raisons sérieuses » est plus adapté. Retrait de l'amendement n°138 rectifié ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Monsieur le président Mézard, vous me cherchez querelle au sujet du projet de loi Macron, mais vous ne pouvez ignorer qu'un travail préparatoire important est accompli, et que vous n'avez pas de grief à faire à la Chancellerie.

M. Jacques Mézard.  - Bien au contraire !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Vous êtes d'autant moins fondé à me chercher querelle que le Gouvernement est favorable à votre amendement, conforme à l'esprit de ceux qu'il a déposés à l'Assemblée nationale et à ce que le Sénat a voté hier soir.

Avis défavorable à l'amendement n°138 rectifié car la formule que vous proposez reprend la terminologie classique quand un crime ou un délit a été commis.

M. Jacques Mézard.  - Je ne cherchais aucunement querelle à Mme la Garde des Sceaux, sachant qu'elle défend avec conviction les libertés publiques, ce dont je suis heureux pour elle comme pour la démocratie.

Merci de son avis favorable à mon amendement. Qu'un parlementaire ou un avocat soit aux ordres d'une puissance étrangère, c'est bien hypothétique ! À moins que l'on ne pense aux groupes d'amitié ?... Certes, il y a eu des problèmes pendant la Grande Guerre : le président Clemenceau, censuré, n'a pas hésité à poursuivre des parlementaires de son propre camp. De là à autoriser le Gouvernement à employer des techniques de renseignement contre des parlementaires sur de simples supputations, ce serait une dérive.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis.  - La commission des affaires étrangères a beaucoup réfléchi à la question. Songeons qu'inscrire dans la loi des protections pour certaines professions, c'est adresser un message à des puissances étrangères, qui sauraient qu'il y a là une faille... Je ne vois pas qu'on installe une balise ou un IMSI-catcher pour surveiller un journaliste ou un parlementaire sur de faibles soupçons. Ces professions sont protégées, c'est d'ailleurs le droit commun, mais une procédure doit pouvoir s'appliquer en cas d'urgence.

L'amendement n°138 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Sénat a adopté en première lecture un projet de loi relatif au secret des sources des journalistes. Il semble que la discussion s'attarde à l'Assemblée nationale. Quand le Gouvernement compte-t-il l'inscrire à l'ordre du jour ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le texte, adopté en conseil des ministres en mars 2013, a été transmis à l'Assemblée nationale. Il est vrai que les choses tardent : le Gouvernement n'a pas l'initiative de son inscription à l'ordre du jour.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La Constitution lui donne pourtant quelques pouvoirs en la matière !

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°80 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°196 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 155
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°75 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

Après l'alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas où la mise en oeuvre de techniques de recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre concerne un avocat, la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement doit informer et auditionner le bâtonnier du barreau du ressort dans lequel exerce ce dernier et obtenir l'autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris.

M. Jacques Mézard.  - Les parlementaires sont soumis au bureau de leur assemblée. Il existe une autre tradition, plus que séculaire, pour les avocats : les actions judiciaires doivent être portées à la connaissance du bâtonnier.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Actions judiciaires, justement !

M. Jacques Mézard.  - Cela doit valoir pour l'usage de techniques qui sont encore plus intrusives. Ce principe est inhérent à la manière dont fonctionne la défense dans notre pays. Notre assemblée, dont la sagesse est proverbiale, fera ensuite ce qui lui semble bon.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je suis, comme le président Mézard, attaché à l'épopée révolutionnaire, notamment aux lois des 16 et 24 août 1792. La légitimité nationale l'a alors emporté sur le principe dynastique, puis la légitimité démocratique a conforté la légitimité nationale. Ces lois ont mis fin aux Parlements d'Ancien Régime en défendant aux juges d'entraver une action publique devenue légitime... Cette tradition court encore ; ce principe a même été constitutionnalisé. Un acte de puissance publique, sauf s'il constitue un crime ou un délit, ne saurait être contrôlé par un juge judiciaire. Pourquoi vouloir importer les mécanismes de l'État de droit américain, dont nous avons vu les errements avec le Patriot Act ?

L'autorisation du président du TGI en cette matière est tout simplement mais radicalement inconstitutionnelle : il jette le trouble sur la séparation entre juridictions administratives et juridictions judiciaires, un principe solidement établi depuis la Révolution française.

La comparaison avec les actions judiciaires ne vaut pas : il s'agit ici d'une procédure administrative visant à prévenir un délit ou un crime, non à poursuivre des auteurs. J'ajoute que le bâtonnier n'est pas lui-même soumis au secret de la défense nationale. Comment pourrait-il valablement rendre un avis éclairé ? Cet amendement fait obstacle à la réalisation des objectifs de prévention d'actes terroristes que poursuit le projet de loi.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Je connais les préoccupations du président Mézard. Demander l'autorisation du président du TGI est inconcevable en cette matière. Quant à l'information du bâtonnier... Le débat a été entamé à l'Assemblée nationale, l'idée est venue qu'un bâtonnier honoraire siège à la CNCTR, ce qui n'est pas choquant... Ce débat n'a guère mûri. Aura-t-il le temps de mûrir avant la CMP ?

Nous avons le souci du parallélisme entre les prérogatives de l'ordre judiciaire et celles de l'ordre administratif. En matière de police administrative, comme c'est le cas ici, il n'y a pas lieu d'informer le bâtonnier, qui n'est pas habilité secret défense. Un bâtonnier honoraire siégeant à la CNCTR pourrait l'être...

M. Jacques Mézard.  - Je rectifie cet amendement en supprimant la référence au président du tribunal de grande instance de Paris. Je maintiens le reste.

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°75 rectifié bis.

M. Jacques Mézard.  - On donne de plus en plus de pouvoir à la police administrative. Certes, les hauts fonctionnaires qui en ont la charge ont le souci de l'État, d'autant qu'ils viennent tous de la même école nationale...

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Républicaine !

M. Jacques Mézard.  - ... et d'administration. Prenons garde : à force de lâcher sur les principes, point par point, nous finissons par menacer les libertés que vous prétendez protéger. Violation du secret professionnel, du secret de l'instruction, écoute d'avocats par ricochet... C'est devenu monnaie courante.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Surtout en matière judiciaire !

M. Jacques Mézard.  - Mais que voulez-vous : le limier fait son métier, il cherche.... Pour trouver, il est prêt à tout.

Parce qu'il n'est pas habilité secret défense, le bâtonnier n'aurait pas à être informé de mesures intrusives ? Le secret est inhérent à la profession d'avocat.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°75 rectifié bis.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - De même. Cet amendement ne correspond pas à l'esprit du texte. Soit le bâtonnier n'est pas informé, soit il l'est utilement ; la seule hypothèse est la présence d'un bâtonnier honoraire à la CNCTR...

M. Jean-Jacques Hyest.  - On peut imaginer cette hypothèse ; le bâtonnier devrait alors être habilité secret défense et participer aux délibérations. Il aurait alors accès aux motifs de la surveillance : ce n'est plus seulement de l'information.

On peut toujours se faire peur... Croyez-vous vraiment qu'un ministre de la République demanderait une autorisation de surveillance d'un membre d'une profession protégée, que la CNCTR y donnerait un avis favorable, que le Premier ministre lui-même... Cela créerait un immense scandale. La vraie question est : croit-on vraiment au contrôle de la CNCTR ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Si le président en est Paul Bismuth, on ne sait jamais !

L'amendement n°75 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°51, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

I.  -  Alinéa 56

Après les mots :

sous l'autorité

insérer les mots :

de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et

II.  -  Alinéa 57

1° Avant les mots :

Le Premier ministre

insérer les mots :

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et

2° Remplacer le mot :

organise

par le mot :

organisent

3° Compléter cet alinéa par les mots :

au sein des locaux de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

Mme Cécile Cukierman.  - Jean-Marie Delarue a qualifié la CNCTR de colosse aux pieds d'argile dès lors qu'elle n'aurait pas un accès direct aux données de connexion. La commission des lois a donc réécrit les alinéas qui traitent de ce sujet. Cet amendement complète le dispositif.  

Mme la présidente.  - Amendement n°139 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'alinéa 57

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il garantit à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement un accès direct, complet et permanent aux renseignements collectés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le présent amendement garantit l'accès effectif de la CNCTR à l'ensemble des données.

La centralisation des données offre aux yeux de certains toutes les garanties d'efficacité du contrôle. Le ministre de l'intérieur a fait valoir que la variété et la complexité des techniques rendait sans doute difficile une centralisation en un seul lieu de l'ensemble des données, comme cela se fait aujourd'hui sous l'autorité du GIC. Nous comprenons la difficulté. Mais il est absolument nécessaire que la CNCTR doit avoir un accès direct, complet et permanent aux données collectées, c'est-à-dire sans intermédiaire, exhaustif et 24 h sur 24 h. Les trois termes doivent figurer impérativement dans le texte.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°51.

La commission, monsieur Sueur, a doté la CNCTR de presque tous les pouvoirs que vous voulez lui donner, mais à l'alinéa 118 -  à l'exception de l'accès « complet ». Je m'engage à y ajouter ce troisième terme. Retrait ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je vous fais confiance.

L'amendement n°139 rectifié est retiré.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis défavorable à l'amendement n°51.

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°52 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéas 59 à 62

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 822-2.  -  I.  -  Les renseignements collectés par la mise en oeuvre d'une technique de recueil de renseignement autorisée en application du chapitre Ier du présent titre sont détruits à l'issue d'une durée de trente jours à compter de leur recueil et dans un délai maximal de trois mois après leur première exploitation.

Mme Éliane Assassi.  - L'unification des délais de conservation des données collectées est un sujet essentiel. En fonction de considérations techniques, on peut être tenté d'instaurer des régimes de conservation des données différents. Or les renseignements collectés restent de même nature : privée. La loi doit être claire sur ce point, sans renvoyer au décret, comme c'était prévu initialement.

Mme la présidente.  - Amendement n°72 rectifié bis, présenté par M. Hyest.

I. - Alinéa 60

Remplacer le mot :

Trente 

par le mot :

Dix 

II. - Alinéa 61

Remplacer les mots :

Six mois

par les mots :

Quatre-vingt-dix jours

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le Gouvernement entendait renvoyer au décret la question du délai de conservation des données. Pourtant, ce n'est pas une mince affaire. Le Gouvernement voulait trente jours dans la loi de 1991, le législateur l'a abaissé à dix jours. Rebelote lors de l'examen de la loi du 13 novembre 2014.

Le système fonctionne avec dix jours depuis 1991, et très bien ! Les moyens des services de renseignement ont augmenté ! Pourquoi allonger le délai ? Les restrictions d'utilisation sont des garanties offertes aux citoyens. Et une donnée qui n'est pas rapidement traitée se périme. L'étude d'impact n'éclaire pas les choix faits par le Gouvernement. De plus, le point de départ du délai doit être le recueil des données, non leur exploitation -  la deuxième solution aurait été scandaleuse, il est incroyable qu'on ait même osé la proposer. Je le répète : les délais de conservation sont le plus sûr moyen de protéger les libertés. Le Sénat s'honorerait à rester constant.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°141 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement est devenu identique car M. Hyest a modifié sa position. Je me souviens de la loi de 1991 et de celle sur le terrorisme, co-rapportée par Jean-Jacques Hyest et Alain Richard. Nous serons attentifs aux explications du ministre. Nous nous plaçons dans l'état d'esprit de parlementaires désireux d'aboutir en commission mixte paritaire...

Mme la présidente.  - Amendement n°142 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 60

Remplacer le mot :

Trente

par le mot :

Vingt

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement de repli.

Mme la présidente.  - Amendement n°55, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéas 60, 61 et 62

Remplacer les mots :

de leur recueil

par les mots :

de la première exploitation et dans un délai maximal de trois mois après leur recueil

Mme Michelle Demessine.  - Le caractère exceptionnel de ces mesures de surveillance justifie des délais particulièrement courts de conservation des données. Si les services doivent pouvoir travailler efficacement, les citoyens doivent avoir cette garantie. La question du point de départ du délai est également cruciale. Un renseignement non traité rapidement est vite périmé - en ces matières la réactivité est primordiale ; une conservation des données sans exploitation ne sert à rien et fait craindre un détournement de leur usage.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°52 rectifié.

Tout le monde s'accorde pour restreindre le plus possible la durée de conservation des données. Ce délai doit en outre courir à compter du recueil des données, c'est entendu et primordial s'agissant de procédures dérogatoires portant atteinte aux libertés. Si l'exploitation des données tarde, le bien-fondé lui-même de la demande est mis en cause.

Cela étant dit, qui peut dire quel est le délai idéal ? L'avis du Gouvernement sera utile sur les amendements nos72 rectifié bis, 141 rectifié et 142 rectifié.

Avis défavorable à l'amendement n°55.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La question est très importante. Certains considèrent que la durée de conservation des données est une composante du respect de la vie privée. Soutenir que plus le délai est court, mieux celle-ci est protégée se heurte toutefois à des questions concrètes qui touchent au travail opérationnel des services.

Nous sommes confrontés à des terroristes déterminés, qui n'agissent seuls qu'en apparence. Leurs complices - ce fut le cas dans l'entourage de Coulibaly - ne sont pas toujours conscients de ce qu'ils font, par exemple, lorsqu'ils volent une voiture ou achètent des armes. Les interceptions de sécurité requièrent parfois de recourir à des traducteurs et il peut être nécessaire d'y revenir si des informations recueillies ultérieurement le nécessitent.

Limiter excessivement les délais fait courir aux services le risque d'importantes pertes en ligne. Le Conseil d'État, en acceptant le délai de trente jours, a concilié les principes et la réalité. (M. Jean-Jacques Hyest le conteste) Notre position est claire : trente jours à compter du recueil des données. Les choses ont beaucoup évolué depuis 1991, la menace a grandi. Si l'on restreint ce délai, nous prenons des risques importants.

Il en va de même pour la conservation des données de connexion, des images et des fichiers : quatre ans semble une position équilibrée.

M. Roger Karoutchi.  - Il est rare que je prenne la parole pour soutenir le Gouvernement... Depuis janvier, nous sommes dans une situation d'exception. Monsieur le président Hyest, la situation est très différente de celle de 1991 et même de celle de novembre dernier. On ne peut écouter les responsables de droite et de gauche nous dire que nous sommes en guerre et nous résoudre à nous priver de données potentiellement utiles onze jours après leur recueil...

Le Conseil d'État a accepté le délai de trente jours. Nous portons une vraie responsabilité politique. Et si un attentat survient quinze jours après le recueil, on en blâmera les services ? Soit nous sommes mobilisés et leur faisons confiance, soit l'on se drape dans la protection de la République. Mais quelle République ? Qui la menace le plus ? Les services qui ont besoin de trente jours ou les terroristes ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La menace est en effet élevée, et le Conseil d'État s'est prononcé. Le délai de trente jours figurait dans la version initiale du projet de loi.

Mme Nathalie Goulet.  - Je soutiendrai le Gouvernement sur ce point. Faire courir le délai à compter du recueil nous prémunit contre toute perte de temps en ligne.

Nous savons qu'il n'existe pas vraiment de loups solitaires. Conserver les données un temps raisonnable est une nécessité, d'autant qu'il faut souvent traduire des propos tenus dans des langues rares. Je voterai le délai de trente jours.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Sans vouloir ouvrir la polémique, le texte initial renvoyait à un décret en Conseil d'État...

Ne mélangeons pas la durée de l'autorisation et l'exploitation des données, une personne peut très bien être écoutée durant quatre mois ! Et puis, désolé, mais s'agissant des derniers événements, ce sont les enquêtes judiciaires qui ont révélé les faits posteriori, pas le travail des services de renseignement.

La DCRI a gagné, je retire mon amendement...

L'amendement n°72 rectifié bis est retiré.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le texte initial prévoyait une durée maximale d'un mois, et renvoyait au décret l'abaissement de ce délai. Ce sont les députés qui ont souhaité tout inscrire dans la loi.

La DCRI a été remplacée par la DGSI qui a pour fonction de protéger les libertés républicaines auxquelles des individus violents voudraient porter atteinte. Le débat n'est pas DGSI versus libertés.

Ensuite, messieurs Sueur et Hyest, la France peut être frappée de nouveau. Elle peut l'être à tout moment. Que se passera-t-il ? Le réflexe sera pavlovien : on publiera mécaniquement des articles sur les failles des services du Renseignement - ce sont souvent les mêmes qui dénoncent leurs pouvoirs.

Le délai de trente jours est le seul efficace pour prévenir des actes terroristes. Tout ce que je vis en tant que ministre de l'intérieur tous les jours m'en convainc. Je dois la vérité au Parlement.

M. Gaëtan Gorce.  - Sans revenir sur le cas particulier dont nous discutons, je veux souligner les causes du malaise qui me prend. Soit nous discutons sereinement d'une loi préparée de longue date, soit cette loi est nourrie - ce qui n'a rien de choquant - par un contexte qui peut conduire à prendre des mesures d'exception. Auquel cas, il faut suivre le Gouvernement. Qu'il le dise clairement au lieu de nous mettre en porte-à-faux : nous voterons alors un texte resserré dans le temps - deux ou trois ans - pour faire face à une menace particulière.

J'ajoute un argument : que les services aient besoin de plus de latitudes se comprend, mais renforçons le contrôle en amont. J'avais proposé de le faire par l'intermédiaire de la délégation parlementaire au renseignement, cela a été refusé ; je proposerai tout à l'heure d'accroître les pouvoirs de la Cnil. Disant cela, monsieur Karoutchi, je ne mets nullement en cause l'esprit républicain de nos services de renseignement, mais ce ne sont pas des services comme les autres. Des pouvoirs supplémentaires oui, mais avec des garanties plus fortes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ce texte n'a pas été dicté par les évènements de janvier et l'émotion, il est le fruit d'un long travail engagé par Jean-Marc Ayrault. Pour autant, pouvons-nous ignorer ces circonstances particulières ?

Des garanties supplémentaires ? C'est exactement ce que nous faisons : création de la CNCTR, un contrôle juridictionnel avec une possible intervention du juge pénal, l'attribution de pouvoirs de contrôle renforcé à la délégation parlementaire au renseignement.

Monsieur Gorce, vous avez tellement raison que tout ce que vous demandez, nous l'avons fait.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Sans mettre en cause la pertinence de ces services ni le dévouement et l'éthique de l'immense majorité de leurs agents, on en a vu certains, dans le passé, tenter d'échapper au contrôle. Les techniques seront aussi utilisées pour la prévention des violences collectives. Faut-il conserver les données collectées aussi longtemps dans ce cas ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 35.

M. Michel Boutant.  - Nous avons tous le sentiment que quelque chose d'important est en train de se jouer. Avec MM. Sueur, Gorce et quelques autres, je suis signataire de l'amendement n°141 rectifié, strictement identique à l'amendement n°72 rectifié bis que M. Hyest a retiré.

Les parlementaires que nous sommes n'ont pas les mêmes moyens que les ministres de l'intérieur ou de la défense d'apprécier la situation nationale et internationale. Je suis sensible aux arguments qu'ils ont avancés.

À titre personnel, j'étais prêt à accepter les délais demandés par M. le ministre. Durant la suspension, nous n'avons pas pu aboutir à une rédaction consensuelle. Puisque tel est le cas, nous ne pouvons pas maintenir l'amendement n°141 rectifié, ni l'amendement n°142 rectifié.

Nous ferons confiance au ministre Cazeneuve comme aux services alors que Daech ne cesse de s'étendre et de recruter.

L'amendement n°141 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°142 rectifié.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je ne comprends pas ce que nous faisons. Nous venons d'autoriser une exploitation de données, durant trente jours, à titre préventif, au nom de la sécurité nationale. S'il manque des moyens à nos services, qu'on le dise !

L'amendement n°52 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°54, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 63

Supprimer cet alinéa.

Mme Cécile Cukierman.  - La durée de conservation des données chiffrées serait laissée à la libre appréciation des services si elle dépend de leur exploitation. Il ne faut pas prévoir pour elles un régime dérogatoire.

L'amendement n°54, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°140 rectifié, présenté par M. Raynal et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 64

Remplacer les mots :

des éléments de cyberattaque

par les mots :

des éléments relatifs aux infractions constitutives d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'expression cyberattaque n'est pas à proprement parler une notion juridique...

M. Jean-Jacques Hyest.  - En effet !

M. Jean-Pierre Sueur.  - De ce fait, il faut reprendre l'expression du chapitre III, titre II du livre III du code pénal intitulé : « atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données. »

Loin d'être une simple précision sémantique, ce changement encadrera l'action des services tout en garantissant les droits fondamentaux des individus.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable, la notion de cyberattaque est plus large.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°140 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dommage !

Mme la présidente.  - Amendement n°143 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 64

Remplacer les mots :

au-delà des durées mentionnées au présent I

par les mots :

pendant dix ans

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'espère avoir plus de succès avec cet amendement qui concerne les éléments chiffrés ou contenant des éléments de cyberattaque -  puisque ce néologisme s'est désormais introduit dans la loi... S'il faut des délais partout, pourquoi n'en faudrait-il pas dans ce sens ? Le Conseil constitutionnel pourrait s'y pencher, sans bienveillance. Fixons un délai, dont personne ne soutiendra qu'il n'est pas raisonnable, après notre débat sur les amendements précédents, de dix ans.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Précision importante : il ne s'agit pas de données personnelles, mais de codes chiffrés. Elles sont utiles aux scientifiques, pour déjouer de futures cyberattaques, sans que leur conservation présente d'inconvénient pour personne. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. Les données serviront à la cryptanalyse, c'est-à-dire à casser des codes, non à surveiller les personnes concernées. Parfois, dix ans ne suffisent pas. Elles sont conservées en cas de stricte nécessité, pour des raisons techniques. Monsieur Sueur, ces données ne touchant pas aux personnes, la question de la constitutionnalité de leur conservation ne se pose pas.

M. Roger Karoutchi.  - J'aurais voté le délai de dix jours si nos services avaient les moyens de traiter rapidement les données. Monsieur le ministre, qui sont les « personnes concernées » ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Je me suis mal exprimé. Si ces données sont conservées, c'est en raison des renseignements qu'elles fournissent non sur des personnes, mais sur des codes.

L'amendement n°143 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°144 rectifié bis, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéas 67 et 68

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 822-3.  -  Les données ne peuvent être collectées, transcrites ou extraites à d'autres fins que celles mentionnées à l'article L. 811-3. Les données ne présentant aucun lien direct avec la personne visée par la mesure et les finalités mentionnées à l'article L. 811-3 ne peuvent donner lieu à aucune extraction ou transcription.

« Les transcriptions ou extractions doivent être détruites, sous l'autorité du Premier ministre, dès que leur conservation n'est plus indispensable à la réalisation de ces finalités.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement, comme tous ceux que le groupe socialiste défend, préserve les garanties offertes par les articles L. 242-5 et L. 242-7 du code de la sécurité intérieure.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Retrait ? Une enquête de police administrative révèle des éléments qui n'étaient pas recherchés mais justifient une exploitation dans la lutte contre le terrorisme. Tout simplement, parce qu'elles sont graves.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La collecte de renseignements lors d'une enquête administrative n'est pas forcément ciblée sur un individu, contrairement à l'enquête judiciaire. De fait, le but est de prévenir des troubles à l'ordre public. Pourquoi faudrait-il détruire des données qui y participent ?

M. Gaëtan Gorce.  - Les propos du ministre sont frappés au coin du bon sens. Cependant, ils éclairent un point mort de la loi : des fichiers vont être constitués, et exploités à d'autres fins que celles qui avaient motivé le recueil des données. Or, en l'état actuel du texte, l'exploitation de ces fichiers ne fait l'objet d'aucun contrôle.

Je déposerai un amendement pour y remédier.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Les données ne peuvent être collectées et exploitées qu'aux fins déterminées par le texte. Si elles révèlent qu'il est nécessaire d'employer une technique de renseignement à l'égard d'une autre personne que celle pour laquelle l'autorisation initiale avait été délivrée, alors il faudra solliciter une nouvelle autorisation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Depuis le début de l'examen de ce texte, nous disons tous, et le Gouvernement le premier, que les recherches autorisées devront avoir un objet ciblé, précisé à des fins énumérées limitativement. C'est notre vision de ce texte, et cet amendement ne fait que la renforcer.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Quelle est la signification de cet amendement ? Il empêchera de transcrire des informations sur un citoyen dont on aurait découvert qu'il se livrait à des comportements suspects. Ces informations sont précieuses pour la police administrative.

Pour démontrer ma bonne foi, je donnerai un avis favorable à votre amendement à condition de supprimer la deuxième phrase du premier alinéa.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Navré, le texte de la commission des lois, aux alinéas 67 et 68, correspond exactement à la rédaction proposée par M. le ministre. Ai-je mal compris ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Non, vous avez parfaitement compris... Je dois maintenir mon avis favorable à l'amendement n°144 rectifié bis à moins que M. Sueur ne le retire...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mon amendement apportait une précision : la destruction des données doit se faire sous l'autorité du Premier ministre. Il faut l'ajouter dans le texte de la commission des lois.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le Premier ministre est déjà mentionné à l'alinéa 56. Ne dupliquons pas la rédaction.

L'amendement n°144 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°145 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 69

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 822-4.  -  Les procès-verbaux de la destruction des données collectées, transcriptions ou extractions mentionnées à l'article L. 822-3 sont tenus à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement clarifie la répartition des attributions respectives du Premier ministre et de la CNCTR, qui sont définis par les articles L. 822-3 et L. 222-4 : le Premier ministre, autorité hiérarchique, organise les conditions de transcription et de destruction des données, la CNCTR exerce sur la légalité de ces opérations un contrôle a posteriori. On comprendrait mal qu'il en soit autrement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La version de la commission des lois est plus complète : elle fait référence aux agents habilités. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°145 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°95, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

I. - Alinéa 79

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Un député et un sénateur désignés conjointement par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat, dont au moins un appartient à un groupe ne soutenant pas le Gouvernement, après chaque législature de l'Assemblée ou renouvellement partiel du Sénat ;

II. - En conséquence, alinéa 78

Remplacer le mot :

neuf

par le mot :

sept

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement limite le nombre des parlementaires, qui représentent actuellement près de la moitié de la CNCTR, à deux. De surcroît, cette représentation doit être pluraliste.

Mme la présidente.  - Amendement n°146 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I.  -  Alinéa 79

Remplacer les mots :

Deux députés et deux sénateurs

par les mots :

Trois députés et trois sénateurs

II.  -  Alinéas 80 et 81

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

III.  -  En conséquence, alinéa 78

Remplacer le mot :

neuf

par le mot :

treize

IV.  -  Alinéa 85

Remplacer les mots :

moitié tous les trois ans

par les mots :

tiers tous les deux ans

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est proposé de rétablir la composition telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale.

L'amendement n°115 rectifié n'est pas défendu, non plus que les amendements nos86 rectifié et 81 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°96, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'alinéa 82

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 5° Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de respect des droits et libertés, nommée sur proposition du Défenseur des droits.

« Le représentant mentionné au 5° exerce son activité à titre bénévole.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement et le suivant élargissent et diversifient la composition du collège de la CNCTR en y incluant une personne nommée par le Défenseur des droits et une autre par la Cnil.

Mme la présidente.  - Amendement n°97, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'alinéa 82

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 5° Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière des traitements automatisés et de protection des données personnelles, nommée sur proposition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Le représentant mentionné au 5° exerce son activité à titre bénévole.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à tous les amendements. La commission préfère son texte à celui de l'Assemblée nationale.

Madame Benbassa, nous préférons que les parlementaires soient désignés par les assemblées elles-mêmes. La procédure est plus démocratique.

La CNCTR ne sera pas composée de techniciens, même si elle en comptera, car il s'agit de droit. Ne déplaçons pas son centre de gravité en ignorant les missions qui sont les siennes. Revoir ce texte de l'Assemblée nationale serait créer une commission pléthorique. Ne pensez pas que les conseillers d'État et autres magistrats vont se précipiter pour y siéger. Il sera également difficile de trouver des parlementaires pour y siéger, vu notre emploi du temps chargé.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Mêmes avis, à l'exception de l'amendement n°146 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°95 n'est pas adopté.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°146 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°197 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 126
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°96 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°97.

Mme la présidente.  - Amendement n°98, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'alinéa 82

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La composition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement respecte une représentation équilibrée de chaque sexe. L'écart entre chaque sexe ne peut être supérieur à un. Un décret fixe les conditions dans lesquelles est appliquée cette parité.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement rétablit une disposition supprimée par la commission des lois du Sénat, en faveur de la parité, à laquelle les écologistes sont très attachés. Dur d'accepter les femmes !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Que nul ne doute de l'attachement de la commission à la mixité.

Mme Éliane Assassi.  - À la parité ! Ce n'est pas pareil !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Mais nos institutions, à commencer par le Parlement, ne sont pas encore paritaires. Peut-il alors désigner paritairement les membres d'une autre institution ? Comment faire le calcul, étant donné que la Cour de Cassation et le Conseil d'État désigneront aussi des membres ? L'équation sera impossible... Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Malgré mon estime pour M. le président de la commission des lois, son argumentation est celle d'un conservateur manchois (Sourires). Des assemblées parlementaires non paritaires ne pourraient désigner paritairement leurs représentants dans d'autres institutions ? Mieux vaudrait, à l'inverse, garantir la parité au Sénat...

Mme Esther Benbassa.  - Nous ne demandons pas la charité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tel n'est pas mon propos. Je veux dire que je suis d'autant plus heureux de donner un avis favorable à l'amendement de Mme Benbassa que c'est la première fois...

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Sans doute la dernière !

Mme Esther Benbassa.  - Merci de vos propos monsieur le ministre. Monsieur Bas, voilà des années que l'on entend les mêmes arguments. Il n'y a qu'une femme sur dix parmi les professeurs d'université. On nous dit que c'est difficile d'en recruter à cause de leurs grossesses... Assez ! Nous ne demandons pas la charité, mais l'égalité ! Le Sénat se porterait mieux s'il y avait plus de sénatrices.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est vrai !

Mme Éliane Assassi.  - La proportionnelle y remédierait !

Mme Nathalie Goulet.  - Sénateur plutôt que sénatrice, je soutiens néanmoins l'amendement et l'argument du ministre !

Mme Michèle André.  - Lorsque le Haut Conseil des finances publiques a été créé, un débat de même nature a eu lieu. Aujourd'hui, il est constitué à parité d'hommes et de femmes et son président m'a dit combien il appréciait cet équilibre. De même, la nomination paritaire de nos représentants à la BPI n'a pas posé problème. Je voterai cet amendement.

M. Gaëtan Gorce.  - La charité, madame Benbassa, est un beau sentiment ! Nous le savons à la Charité-sur-Loire qui est aussi une belle ville, de laquelle je m'honore d'être le maire. (Sourires)

Mme Colette Mélot.  - Je voterai cet amendement, car les femmes doivent faire entendre leur voix, et le fait que les assemblées ne soient pas paritaires ne pose pas problème.

L'amendement n°98 est adopté.

L'amendement n°113 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°147 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 98, deuxième phrase

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

six

M. Jean-Pierre Sueur.   - Amendement de conséquence.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Qui tombe, par conséquent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En effet.

L'amendement n°147 rectifié est retiré, ainsi que les amendements nos148 rectifié et 57.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°179, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 114

Après le mot :

formulée

supprimer la fin de cet alinéa.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Cet amendement améliore la rédaction du délit d'entrave à l'action de la CNCTR en supprimant l'obligation faite aux services de fournir le contenu des transcriptions ou extractions sous une forme directement accessible, car des données chiffrées peuvent ne pas être lisibles immédiatement. Cette rédaction est plus proche de celle de la loi du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable, bien sûr, car des données non exploitables ne servent à rien ! La commission s'est opposée à cet amendement qui autoriserait des manoeuvres dilatoires.

L'amendement n°179 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°211, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 118

Après le mot :

permanent

insérer le mot :

, complet

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est l'annonce de cet amendement qui a permis, tout à l'heure, de sortir d'une discussion difficile.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Sagesse.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est important de préciser que l'accès de la Commission aux données sera complet.

L'amendement n°211 est adopté.

L'amendement n°149 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°150 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'alinéa 122

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Peut avoir connaissance des données décryptées issues de la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement, ainsi que des conditions de production de ces données.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le sujet est important. L'existence de la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement, désormais mutualisée entre les services de renseignement, a longtemps été niée. Je salue l'évolution du Gouvernement. Le 12 mai, devant les commissions des lois et des affaires étrangères, M. le ministre de la défense a dit que le CNCTR pourrait avoir connaissance des données décryptées issues de cette plateforme. Nous attendons confirmation de ces propos en séance publique. Cet amendement et le suivant n'ont pas d'autre objet ; ce sont des amendements d'appel, car la loi n'a pas à énumérer les dispositifs existants.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois partage votre souhait d'obtenir plus d'informations du Gouvernement sur cette plateforme.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le ministre de la défense a fait état dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale, de l'existence de cette plateforme créée en 1999, outil de déchiffrement et non de surveillance.

Le code de la sécurité intérieure fait référence au déchiffrement, mais il parait exclu d'inscrire la plateforme dans la loi. Les membres de la CNCTR auront accès aux données déchiffrées.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Acte est donnée de ces déclarations, nous retirons les amendements.

Les amendements nos150 rectifié et 151 rectifié sont retirés.

M. Gaëtan Gorce.  - Sur quelle base juridique cette plateforme a-t-elle été créée ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Il n'est pas besoin d'une base juridique pour créer un service administratif, qui n'a pas pour fin la surveillance.

Mme la présidente.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par MM. Malhuret et Commeinhes, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, Delattre, Falco et Fouché, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lenoir et de Legge, Mme Morhet-Richaud, MM. Bignon et Milon, Mmes N. Goulet et Cayeux, MM. Vial, Laufoaulu, Cadic et Kern, Mmes Imbert et Deroche et MM. Dériot, Carle et Gremillet.

Après l'alinéa 123

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 833-3-...  -  I.  -  La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement réalise l'agrément des dispositifs mettant en oeuvre les techniques de renseignement prévues aux chapitres Ier à III du titre V, afin de vérifier leur conformité aux restrictions techniques imposées par les dispositions du présent livre.

« II.  -  Seuls les modèles de dispositifs agréés par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement peuvent être utilisés pour les finalités prévues aux chapitres Ier à III du titre V.

« III.  -  Les I et II entrent en vigueur un an après la promulgation de la loi n°       du        relative au renseignement.

M. Claude Malhuret.  - L'Anssi n'est pas une autorité administrative indépendante mais un service du Premier ministre. La CNCTR doit avoir connaissance des caractéristiques techniques et du paramétrage des dispositifs d'interception, sans quoi tous les discours sur l'efficacité et l'indépendance de la CNCTR ne seront que paroles en l'air.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La CNCTR n'a pas vocation à agréer le matériel, sa mission est plus délicate et moins technique : apprécier la légalité et l'opportunité du recours aux techniques de renseignement. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°23 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°184, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 126

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 130

Supprimer les mots :

, y compris dans le cadre du II de l'article L. 854-1,

III. - Alinéa 131

Supprimer cet alinéa.

IV. - Alinéa 133

Supprimer cet alinéa.

L'amendement de coordination n°184, accepté par la commission, est adopté.

L'amendement n°85 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°191, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

I. - Alinéa 145

Après le mot :

communiquées

insérer les mots :

par le Premier ministre

II. - Alinéa 149

Compléter cet alinéa par les mots :

et des fichiers intéressant la sûreté de l'État

III. - Alinéa 155

1° Remplacer les mots :

en premier et dernier ressort, des contentieux résultant de

par les mots :

dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant

2° Remplacer le mot :

certains

par le mot :

les

3° Supprimer la troisième occurrence du mot :

et

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Amendement de précision.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°191 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié quater, présenté par Mme Morin-Desailly, M. L. Hervé, Mme Goy-Chavent et MM. Roche, Bignon et Kern.

Après l'alinéa 141

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - d'utilisation des dispositions des articles L. 821-5-2, L. 852-1, L. 853-1, L. 853-2 et L. 854-1 ;

M. Claude Kern.  - Cet amendement ajoute, aux informations qui devront figurer dans le rapport public de la CNCTR, le nombre d'utilisations des techniques de recueil de renseignement par les services, à l'encontre d'un magistrat, un avocat, un parlementaire ou un journaliste ; le nombre d'utilisations des dispositions techniques d'interceptions de sécurité ; le nombre d'utilisations des dispositifs techniques de sonorisation de certains lieux et véhicules et de captation d'images et de données informatiques et le nombre d'utilisation des mesures de surveillance internationale.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La divulgation de certaines informations, concernant des techniques rarement utilisées, serait dangereuse. Retrait ?

L'amendement n°14 rectifié quater est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°172, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 143

Supprimer cet alinéa.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le Gouvernement ne peut que partager l'objectif de transparence qui sous-tend cette disposition, en permettant que les citoyens soient informés le plus largement possible des modalités de mise en oeuvre de la présente loi. Toutefois, rendre publiques les statistiques par techniques de recueil serait inapproprié, le croisement des données sur des nombres pouvant être faibles pouvant révéler des techniques d'enquêtes privilégiées. Il est donc préférable de s'en tenir au nombre de demandes et d'avis, de réclamations, de recommandations et de leurs suites, d'observations ainsi que d'utilisation des procédures d'urgence.

Un sous-amendement du président Raffarin à l'amendement n°205 de la commission des lois permet de faire avancer cette question.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des affaires étrangères a examiné de près cette question, et je sais le président Raffarin sensible à la préoccupation du Gouvernement. Pour que ce dialogue constructif se poursuive, il serait bon de l'entendre.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis.  - Merci. Il est vrai que les statistiques figurent aujourd'hui dans le rapport de la CNCIS, et contribuent à dissiper des fantasmes. Je comprends cependant les préoccupations du Gouvernement. Si la commission des lois acceptait notre sous-amendement n°208 à l'article 13, nous pourrions trouver un terrain d'entente.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je devrais réunir la commission mais je vais prendre sur moi en passant d'un avis de sagesse à un avis favorable.

L'amendement n°172 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°152 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 147

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans le respect du secret de la défense nationale, la commission peut faire appel, en tant que de besoin, à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et au Défenseur des droits.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vu la technicité des dossiers qui lui seront soumis, la CNCTR aura besoin de membres disponibles et assidus, et le cas échéant de solliciter la Cnil, l'Arcep et le Défenseur des droits. Peut-être cela va-t-il de soi ?

Mme la présidente.  - Amendement n°58, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 147

1° Après les mots :

des postes

insérer les mots :

, la Commission nationale de l'informatique et des libertés et l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information

2° Remplacer les mots :

de celle-ci

par les mots :

de celles-ci

Mme Cécile Cukierman.  - Quelle que soit la compétence des membres de la CNCTR, ils ne pourront disposer de toute l'expertise nécessaire à l'examen de dossiers particulièrement complexes. La Cnil n'ayant pas de pouvoir de contrôle sur les nouveaux fichiers, elle doit, ainsi que l'Arcep, pouvoir conseiller la CNCTR.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Que la CNCTR puisse solliciter l'avis technique de l'Arcep, sur une question d'ordre général, cela se conçoit. Mais l'amendement n°152 rectifié y ajoute la Cnil et le Défenseur des droits. « Faire appel », en outre, ne signifie pas « consulter ». Comment la CNCTR pourrait-elle « faire appel » à ces autres autorités sans violer le secret de la défense nationale ?

Surtout, quelle expertise la Cnil et le Défenseur des droits pourraient-ils apporter à la CNCTR, qui n'a jamais à se prononcer sur des fichiers ? Le Défenseur des droits n'a vocation à se prononcer, ni sur des cas individuels, ni sur des mesures de surveillance d'ordre général motivées par l'intérêt public.

Avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement n°58.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Rien n'interdira à la CNCTR de consulter d'autres autorités, même sans base législative. En son sein siégera d'ailleurs une personnalité qualifiée nommée par l'Arcep. En revanche, on ne pourrait envisager que la CNCTR ait à répondre aux demandes formulées par ces autorités, comme l'amendement n°58 le laisse entendre. Avis défavorable à celui-ci, retrait de l'amendement n°152 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis perplexe, car la position du rapporteur n'est pas exactement celle de Mme la ministre. Si nous remplacions le verbe « faire appel » par le verbe « consulter », M. le rapporteur accepterait-il notre amendement ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je dois dire sans enthousiasme que la commission des lois s'en remettrait à la sagesse. Dans notre droit, le verbe « faire appel », s'agissant des relations entre autorités administratives indépendantes, implique une gestion conjointe des dossiers, ce qui impliquerait, en l'espèce, une violation du secret de la défense nationale. La rectification, qui ôterait le venin de l'amendement, le priverait de toute portée juridique : je ne vais donc pas jusqu'à donner un avis favorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. le rapporteur a rejoint Mme la ministre, que je remercie pour ses propos, car la Cnil est une institution de la République, vis-à-vis de laquelle la défiance n'est pas de mise.

L'amendement n°152 rectifié est retiré.

Mme Cécile Cukierman.  - La réponse de Mme la ministre se fondait sur l'exposé des motifs de notre amendement plus que sur son dispositif. Est-ce un refus de fond ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - C'est une marque de respect à l'égard des parlementaires que de prendre en compte l'exposé des motifs des amendements, d'autant que les discussions parlementaires éclaireront l'application de la loi par la CNCTR, qui ne manquera pas de rechercher l'intention du législateur.

La CNCTR pourra consulter qui elle veut, sans base législative, d'autant que votre amendement juxtaposera deux autorités administratives indépendantes et une agence sans personnalité juridique.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 20 h 15.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

M. le président.  - Amendement n°167, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 150

Avant les mots :

Le Conseil d'État

insérer les mots :

Sous réserve des dispositions particulières prévues par l'article L. 854 - 1,

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Amendement de coordination.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°167 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié ter, présenté par MM. Hyest, Bignon, Bizet et Bonhomme, Mme Bouchart, MM. Bouchet, Buffet et Calvet, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Chasseing, Chatillon, Cornu, Dallier et Danesi, Mmes Deroche, Deromedi, di Folco, Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Falco, B. Fournier, Frassa et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grosperrin, Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré et Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Lenoir et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mme Mélot, M. Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Morisset, Nachbar, Nougein, Paul, Pellevat, Pierre, Pillet, Pointereau, Reichardt, Revet, Saugey, Sido, Vasselle, Retailleau et Gremillet.

Alinéa 152

Après le mot :

et

insérer les mots :

, hormis pour une requête présentée en référé,

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le projet de loi institue un recours administratif préalable obligatoire auprès de la CNCTR avant toute saisine du Conseil d'État par un particulier. Si cette condition de recevabilité se justifie pour les requêtes au fond, elle n'est pas pertinente pour celles présentées en référé. Dans ce dernier cas, la condition d'urgence doit justifier en contrepartie de permettre la saisine directe du Conseil d'État.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement avait envisagé une demande de retrait, puis un avis de sagesse... Selon la jurisprudence du Conseil d'État, en cas de référé-suspension, le Conseil d'État siégerait même si la CNCTR avait été saisie. Mais cela va mieux en le disant. Il reviendra au justiciable de prouver qu'il a bien saisi la CNCTR. Avis favorable.

L'amendement n°53 rectifié ter est adopté.

M. Claude Malhuret.  - Avec le vote sur l'article premier, nous terminons le débat sur les principales mesures de ce texte. Entre vous et moi, monsieur le ministre de l'intérieur, ce fut un dialogue de sourds... Nous nous rejoignons sur la nécessité de renforcer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Pour le reste, nous nous opposons. Vous niez que ce texte ouvre la voie à une surveillance de masse, je l'affirme. Vous contestez que les métadonnées constituent une intrusion dans la vie privée, je les juge ultra-personnelles. Vous jugez le texte plus protecteur que le Freedom Act, je prétends qu'au moment où les Américains ferment leurs boîtes noires, nous ouvrons les nôtres. Vous excipez des garanties apportées par la CNCTR, je dis qu'elle ne sera qu'une chambre d'enregistrement qui ne pourra pas même contrôler les logiciels ni agréer le matériel utilisé... Nous ne sommes d'accord sur rien. C'était ma dernière intervention, je ne vous importunerai plus, puisqu'il semble que j'ai été importun.

Madame la garde des Sceaux, si je ne m'adresse pas à vous, c'est que c'est surtout avec M. le ministre de l'intérieur que j'ai, disons, discuté, et que votre position risque d'être plus proche de la mienne que de la sienne.

Je ne voterai pas cet article, je ne voterai pas ce texte. Mais ne vous en faites pas, le contexte émotionnel du moment fera que vous trouverez une majorité. J'ai dit, cela ne vous a pas plu, que déployer des moyens sécuritaires disproportionnés, c'était faire un cadeau au terrorisme, comme les USA l'ont fait après le 11 septembre 2001. Un terrorisme dont le but est de nous faire rompre avec un équilibre longuement construit dans l'histoire entre les nécessités de la sécurité et les exigences de la liberté.

J'espère, monsieur le ministre, qu'il ne se trouvera pas d'ici quelques années un Snowden français pour révéler des écarts que vous n'avez pas souhaités. L'avenir dira qui, de vous ou moi, a raison.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié sexies, présenté par M. Gorce, Mme S. Robert, MM. Leconte, Raynal, Duran, Desplan et Aubey, Mmes Monier et Jourda, M. Tourenne, Mme Claireaux, MM. Poher, Cabanel et Durain, Mmes Lienemann et N. Goulet et MM. Assouline et Malhuret.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 822-1 du code de la sécurité intérieure, tel qu'il résulte de l'article 1er, il est inséré un article L. 822-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 822-1-....  -  Les fichiers constitués dans le cadre de la mise en oeuvre d'une technique de recueil du renseignement autorisée en application du présent livre font l'objet d'un contrôle effectué par la Commission nationale de l'informatique et des libertés siégeant en formation restreinte selon des modalités adaptées fixées par décret en Conseil d'État. 

« Cette formation est constituée à partir des membres nommés au titre des  3° à 5° du I de l'article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et spécialement habilités.

« Ce contrôle porte sur la conformité de ces traitements aux dispositions de la loi n° 78 - 17 du 6 janvier 1978 précitée, s'agissant des catégories de données collectées, leur durée de conservation, leurs destinataires et les transferts dont ces données peuvent éventuellement faire l'objet. 

« Ces contrôles visent à s'assurer du respect des règles relatives à la protection des données personnelles. Ils ne peuvent en aucun cas conduire à un contrôle de l'activité des services de renseignement.

« Leur résultat n'est communiqué qu'au ministre responsable du traitement ayant fait l'objet du contrôle ainsi qu'au Premier ministre selon des modalités sécurisées. »

M. Gaëtan Gorce.  - Les craintes exprimées ici pourraient être levées si nous renforcions le contrôle sur les fichiers de renseignement.

La loi de 1978 prévoit un dispositif spécifique. Un décret peut y pourvoir facilement. Seuls les fichiers de la DGSE et de la DGSI sont, aujourd'hui, ainsi encadrés. Mais il ne saurait y avoir respect des règles sans moyens de le contrôler. C'est ce qui manque encore - la déontologie des fonctionnaires n'est pas en cause. Sauf autre solution, la Cnil a été créée pour cela, elle a les compétences et le savoir-faire - le contrôle de la CNCTR ne porte que sur les techniques et les données. L'adoption de cet amendement conditionnera mon vote sur le texte.

L'amendement n°5 rectifié quater n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°99.

M. le président.  - Amendement n°153 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme S. Robert et M. Desplan.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le IV de l'article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :

1° Les mots : « dispositions du présent article » sont remplacés par les mots : « modalités de contrôles prévues au deuxième alinéa du présent IV » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La conformité des traitements mis en oeuvre dans ce cadre est contrôlée par un ou plusieurs membres de la Commission désignés par le président parmi les membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'État, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes. Le contrôle est effectué dans des conditions permettant d'en assurer la confidentialité. Les conclusions du contrôle sont remises au seul ministre compétent. Les conditions de mise en oeuvre de cette procédure sont précisées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

M. Gaëtan Gorce.  - Même esprit et même objet.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous en avons déjà débattu. Il y a des règles : purge des fichiers, accès possible de la CNCTR à toutes données, refus de transmettre les informations utiles à la CNCTR assimilé à un délit d'entrave...

Tous ces amendements ont en commun d'introduire la Cnil dans le processus de contrôle. Or les deux autorités administratives indépendantes ont des missions différentes. Certains membres de la Cnil peuvent être habilités secret défense, mais il ne faut pas confondre habilitation et besoin d'avoir accès à tous les secrets... Le contrôle de la Cnil sur l'activité des services spécialisés n'est pas opportun, et fait courir un risque de conflit.

Restons-en au cadre fixé par le texte de la commission. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ce sujet vous tient à coeur, je le sais. Votre démarche n'est pas contestataire, mais constructive et je veux être le plus précis possible.

Les services de renseignement mettent en oeuvre des traitements de données à caractère personnel, dont les fichiers de souveraineté énumérés dans le décret du 15 mai 2007. Comme tous les fichiers, ceux-ci sont soumis aux dispositions de la loi de 1978.

Le projet de loi n'enlève rien aux prérogatives de la Cnil, qui exerce aujourd'hui un contrôle réel. Les actes réglementaires qui créent ou modifient les fichiers de souveraineté sont pris sur son avis. Elle met en outre en oeuvre un droit d'accès indirect, en vérifiant si le requérant est enregistré sur un fichier de souveraineté. Ce mécanisme préserve l'intégrité des fichiers de renseignement tout en permettant un contrôle par sondage. Il permet un contrôle des fichiers de renseignement énumérés par le décret de 2007 et garantit que ces fichiers sont mis en oeuvre dans le respect de la protection des données personnelles et des textes auxquels ils sont soumis.

Le projet de loi ne réduit en rien ces prérogatives mais renforce le contrôle sur les données recueillies dans le cadre du renseignement.

En outre, ce projet de loi confie à la CNCTR des pouvoirs sans précédent, puisqu'elle se prononcera sur toute demande d'autorisation de mise en oeuvre des techniques de renseignement, et aura un accès permanent et direct aux registres recensant le recueil, la transcription et l'extraction des informations. En réponse aux propos du président de la CNCIS, je m'engage à ce que ces données soient effectivement accessibles. La CNCTR pourra également solliciter du Premier ministre tous les éléments qu'elle jugera utiles. En cas de manquement aux obligations légales, elle pourra recommander la cessation de toute mesure de surveillance et l'effacement des données ; à défaut, elle pourra saisir le Conseil d'État. Ce dernier peut faire cesser toute surveillance, indemniser la personne lésée et saisir le procureur si une infraction pénale est caractérisée. Selon le texte actuel, il deviendra juge du contentieux de l'article 44 de la loi informatique et libertés. Le principe du contradictoire est aménagé de sorte que le Conseil d'État exerce pleinement son contrôle. La formation de jugement aura accès aux fichiers, objets du litige et pourra informer le requérant des manquements manifestes aux règles fixées par la loi de 1978.

Pourquoi ne pas aller plus loin ? Parce que ces fichiers sont bâtis sur les règles du cloisonnement et de la traçabilité. Le juge judiciaire lui-même n'a pas accès à leur contenu classifié. L'articulation entre le contrôle de la Cnil et celui de la CNCTR sera approfondie par une mission confiée à l'Inspection générale des services de renseignement.

M. Gaëtan Gorce.  - Merci de la précision de votre réponse, plus satisfaisante que celle de M. Bas. Concurrence des contrôles, disait-il ; je comprends dans vos propos que les contrôles sont distincts. Je salue votre volonté d'apporter toute les garanties nécessaires. Je donne acte au Gouvernement des efforts qu'il a faits, et qui ne sont pas minces. Ce texte fait l'objet, monsieur le ministre, de faux procès...

Mais avec l'affaire Snowden, nous avons appris à nous méfier des situations qui paraissent satisfaisantes... L'implication de la Cnil me paraît un pas en avant et n'entravera pas l'activité des services. La CNCTR ne pourra contrôler ces fichiers que dans la limite de ses attributions, qui ne couvrent pas les informations recueillies par ailleurs. Les risques de conflits ne me paraissent pas avérés, compte tenu du professionnalisme des agents. Au surplus, les contrôles de la Cnil ne sont ni systématiques ni permanents. Je ne vois pas ce qui fait sérieusement obstacle à cet amendement. La mission confiée à l'inspection est une bonne initiative, le débat rebondira. Mais il serait utile de franchir le pas dès aujourd'hui.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je remercie aussi le ministre de ses explications, mais la commission compétente pour contrôler les fichiers doit être associée au dispositif. La Cnil dispose tout de même de 189 ETP et de 19 millions de crédits de paiement quand la CNCIS, elle, n'a qu'un budget de 580 000 euros et 6 ETP... Je ne sais d'ailleurs ce qu'il en sera pour la CNCTR ; le ministre peut-il nous éclairer sur ce point ?

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°29 rectifié sexies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°198 :

Nombre de votants 308
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l'adoption   46
Contre 260

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°153 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article premier bis A est adopté.

L'article premier bis demeure supprimé.

M. le président.  - Les articles 2 et 3 ont déjà été examinés.

L'article 3 bis A est adopté.

ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°189, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Supprimer les mots :

et des services désignés par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 811-4

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Il convient de limiter la dérogation apportée par l'article L. 855-1 à la publicité des actes administratifs. L'amendement propose de revenir au texte ayant reçu l'avis favorable du Conseil d'État, qui limite le champ d'application de cette disposition aux seuls services spécialisés de renseignement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission avait émis un avis défavorable, mais à titre personnel, compte tenu des explications du ministre, je m'en remets à la sagesse de notre assemblée.

L'amendement n°189 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°198, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, dans le respect du secret de la défense nationale

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Dans le cadre de la procédure dite des lanceurs d'alerte, la CNCTR devra également respecter le secret de la défense nationale lorsqu'elle décidera de saisir le procureur de la République.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°198 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°199 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 17, première phrase

Remplacer les mots :

spécialisés de renseignement désignés par le décret prévu à l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée

par les mots :

mentionnés à l'article L. 811-2

II.  -  Alinéa 23

Après le mot :

décret

insérer les mots :

en Conseil d'État

L'amendement rédactionnel n°199 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°200, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 855-4-1.  -  Les agents des services spécialisés de renseignement sont pénalement responsables de leurs actes dans les conditions définies au titre II du livre Ier du code pénal.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement précise les conditions de la responsabilité pénale des agents des services de renseignement.

L'amendement n°200, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°173 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les services mentionnés au premier alinéa peuvent transmettre aux agents habilités des services de l'État, à ses établissements publics ou aux organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale, les informations strictement utiles à l'accomplissement de leur mission, lorsque la transmission de ces informations participe directement à l'une des finalités prévues à l'article L. 811-3 du présent code.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Les services de renseignement doivent pouvoir transmettre certaines informations aux services de l'État, à ses établissements publics ou aux organismes de protection sociale, lorsqu'elles sont strictement utiles à l'accomplissement de leur mission et participent directement aux finalités prévues par le projet de loi.

Ces transmissions sont particulièrement utiles. Notamment, la transmission à certains organismes sociaux d'informations relatives à la présence d'un ressortissant national sur un terrain de combat terroriste permet de suspendre le versement de prestations sociales indues, lesquelles sont susceptibles de participer directement au financement d'actions terroristes.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous suivons le Gouvernement.

L'amendement n°173 rectifié est adopté.

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°187, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre Ier du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 694-... ainsi rédigé :

« Art. 694-...  -  Si une demande d'entraide émanant d'une autorité judiciaire étrangère concerne des faits commis hors du territoire national susceptibles d'être en lien avec les missions réalisées, aux fins de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation prévus à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, par un service spécialisé de renseignement prévu à l'article L. 811-2 du même code, le procureur de la République saisi de cette demande, ou avisé en application de l'article 694-1 du présent code, la transmet au procureur général qui en saisit le garde des sceaux, ministre de la justice, et donne, le cas échéant, avis de cette transmission au juge d'instruction.

« Le ministre de la justice en informe le ministre de la responsabilité duquel relève le service spécialisé de renseignement concerné et recueille son avis.

« Dans le délai d'un mois, ce dernier fait connaître au garde des sceaux, ministre de la justice si l'exécution de la demande d'entraide est de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels de la Nation.

« Le garde des sceaux, ministre de la justice informe, s'il y a lieu, l'autorité requérante de ce qu'il ne peut être donné suite, totalement ou partiellement, à sa demande. Cette décision est notifiée à l'autorité judiciaire initialement saisie et fait obstacle à l'exécution de la demande d'entraide ou au retour des pièces d'exécution. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cet amendement permet que les autorités judiciaires soient informées par les autorités compétentes des conditions dans lesquelles un agent d'un service de renseignement est intervenu afin que, le cas échéant, il ne soit pas donné suite à une demande d'entraide pénale internationale qui risquerait de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. M. le Premier ministre Raffarin connaît bien le problème.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°187 est adopté ; l'article additionnel est inséré.

ARTICLE 4

Mme Cécile Cukierman .  - Cet article est relatif au contentieux entre les actes de renseignement, confié au Conseil d'État. Le rapport est clair : l'évolution de techniques de plus en plus intrusives a des corollaires : un contrôle effectif et l'ouverture de voies de recours.

Or ces garanties sont dérisoires : le Premier ministre pourra passer outre à l'avis de la CNCTR. La procédure contentieuse devant le Conseil d'État sera entachée par le secret : personne ne saura vraiment si un IMSI-catcher a été posé dans son entourage ou si un algorithme l'a pris dans ses filets. Le requérant formera un recours en demeurant dans la plus totale ignorance. Le droit au procès équitable est ainsi menacé, les services pourront présenter au juge administratif des documents secrets. Bientôt les gens s'autocensureront pour préserver leur vie privée. Le panoptique de Jeremy Bentham, repris par Michel Foucault, prend corps...

Le président Bas a invoqué Tocqueville. Aurait-il voté ce texte, lui qui redoutait le « despotisme doux » d'un État qui, vis-à-vis des citoyens, « se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort » ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il l'aurait écrit !

Mme Cécile Cukierman.  - On est loin avec ce texte du Livre noir des libertés publiques publié par le parti socialiste alors dirigé par Martine Aubry, un livre qui entendait dénoncer la société de surveillance façon Sarkozy. « L'histoire de France nous a habitués à ce que des pouvoirs de droite, conservateurs par réflexe, autoritaires par habitude, s'en prennent aux libertés. (...) Quand c'est au tour d'une majorité élue par la gauche d'y céder avec le zèle des convertis et le soutien de la droite, le désastre est bien plus grand. Combattre la loi sur le renseignement, ce n'est pas seulement refuser la surveillance généralisée. C'est aussi sauver la République comme espérance et exigence démocratiques. » Voilà ce qu'on peut lire dans un article de Médiapart...

Pour notre part, nous ne baissons pas les armes, et restons fidèles à nos valeurs. Une inquiétude supplémentaire : les hébergeurs menacent de quitter la France. Avez-vous des informations, monsieur le ministre ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre .  - Nous les avons tous rencontrés. Leurs déclarations sont aux antipodes des vôtres.

J'ai déjà démontré que ce texte n'instaurait en rien une surveillance généralisée ; si vous avez la preuve du contraire, apportez-la. En attendant, répéter une contrevérité ne fait pas une vérité.

Nous renforçons l'autorité administrative indépendante de contrôle ; nous renforçons les techniques de surveillance des terroristes, oui, mais les techniques ciblées seulement. J'ai répondu en 14 pages aux remarques de la CNCDH. Nos principes constitutionnels sont confortés. Il n'y a pas ici les défenseurs de la sécurité contre les promoteurs du laxisme ; il n'y a pas non plus les défenseurs des libertés publiques d'un côté, le Gouvernement qui les menace de l'autre. Les choses sont plus compliquées. La rigueur intellectuelle impose un regard plus nuancé.

Mme Esther Benbassa .  - L'article 4, qui n'a guère fait parler de lui, est pourtant fondamental. Le Conseil d'État aurait une compétence exclusive pour connaître du contentieux relatif au renseignement. Selon le rapporteur, l'article 66 de la Constitution n'aurait pas vocation à s'appliquer ici. Pourtant, depuis 1999, le juge judiciaire est compétent en cas d'atteinte grave aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux en plus de sa compétence traditionnelle sur les mesures privatives de liberté. Les perquisitions de nuit, les visites domiciliaires, les fouilles de véhicules, sont ainsi soumis à son contrôle.

Des violations aussi graves des libertés individuelles que l'atteinte à la vie privée ou au domicile telles que prévues par ce texte doivent, selon nous, relever du juge judiciaire.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Pour compléter ma réponse à Mme Cukierman, les hébergeurs, comme OVH se sont félicités de l'adoption de l'amendement n°437 à l'Assemblée nationale. Je vous transmettrai les documents.

Mme Cécile Cukierman.  - Merci.

L'amendement n°112 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié ter, présenté par MM. Hyest, Allizard, G. Bailly, Béchu, Bignon, Bizet et Bonhomme, Mme Bouchart, MM. Bouchet, Bouvard, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi, Darnaud et Dassault, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois et Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa et Frogier, Mme Garriaud-Maylam, MM. J. Gautier, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grosperrin, Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré et Husson, Mme Imbert, M. Joyandet, Mme Kammermann, MM. Karoutchi et Kennel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud et MM. Morisset, Mouiller, Nachbar, Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Pellevat, Pierre, Pillet, Pointereau, Portelli, Reichardt, Revet, Saugey, Savary, Sido, Trillard, Vasselle, Vendegou, Vogel, Retailleau et Gremillet.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il est saisi d'une requête concernant la mise en oeuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, le Conseil d'État peut, à la demande de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision contestée si les moyens invoqués ou susceptibles d'être relevés d'office paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de la décision contestée. » ;

M. Jean-Jacques Hyest.  - La saisine du Conseil d'État par la CNCTR a été facilitée puisqu'elle relève désormais de son président, en cas d'avis défavorable de la CNCTR à la mise en oeuvre d'une technique de renseignement ou de suites insuffisantes données à une recommandation à ce sujet ; elle peut aussi être demandée par une minorité d'un tiers des membres de la CNCTR.

Dans une logique de sécurité juridique et de respect de la légalité, cet amendement permet au Conseil d'État de prononcer le sursis à exécution d'une décision de mise en oeuvre d'une technique de renseignement. Cette procédure exceptionnelle serait réservée aux cas où l'illégalité apparaîtrait dès le stade de l'introduction de la requête.

L'initiative de cette procédure serait uniquement à la disposition de la CNCTR et non d'un simple requérant car elle seule dispose d'éléments suffisants pour apprécier la situation. Il appartiendrait alors au Conseil d'État de décider ou non, avant toute décision au fond, de suspendre l'exécution de cette décision.

M. le président.  - Amendement n°201, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

I. - Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et des fichiers intéressant la sûreté de l'État

II. - Alinéa 19

Supprimer les mots :

une donnée ou

III. - Alinéa 22

1° Au début de cet alinéa, insérer la référence :

Art. L. 773-8. -

2° Seconde phrase

Remplacer le mot :

personnelles

par les mots :

à caractère personnel

3° Compléter cet alinéa par les mots et deux phrases ainsi rédigées :

, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut également indemniser le requérant.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Amendement de précision.

M. le président.  - Amendement n°168, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et de l'article L. 854 - 1 du code de la sécurité intérieure

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Cet amendement préserve le régime spécifique de contrôle juridictionnel prévu par l'article sur les mesures de surveillance internationale.

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Raffarin, au nom de la commission des affaires étrangères.

Alinéa 11, première et deuxième phrases

Remplacer les mots :

et leur rapporteur public sont habilités ès qualités au secret de la défense nationale. Les agents

par les mots :

, leur rapporteur public et les agents

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis.  - Il s'agit de soumettre les membres des formations de jugement et leur rapporteur public à la procédure d'habilitation de droit commun au secret de la défense nationale, afin de leur permettre d'accéder aux informations et aux documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission. En effet, la loi ne fixe ni la composition de ces formations de jugement, ni le nombre, ni la procédure de nomination, ni la durée des fonctions de leurs membres. Une habilitation ès qualités présenterait un risque tant pour la protection des informations que pour les personnes dépositaires des secrets qui peuvent être vulnérables ; il est préférable de recourir pour ce qui les concerne à la procédure d'habilitation de droit commun.

Je veux rappeler l'importance du secret défense et de la procédure d'habilitation. Devinant cependant l'avis de la commission des lois et du Gouvernement, je retire l'amendement.

L'amendement n°37 est retiré.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - C'est une grande frustration !

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 20

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale, elle informe le requérant ou la juridiction de renvoi qu'une illégalité a été commise et peut condamner l'État à indemniser le préjudice subi.

Mme Esther Benbassa.  - Au regard de la complexité de la procédure, il n'y a pas lieu de limiter l'indemnisation aux seuls cas où elle aurait été préalablement demandée.

M. le président.  - Amendement n°162 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 20, seconde phrase

Supprimer les mots :

Saisie de conclusions en ce sens lors d'une requête concernant la mise en oeuvre d'une technique de renseignement ou ultérieurement,

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'est pas nécessaire d'encadrer le pouvoir d'appréciation du juge administratif suprême. Selon les cas d'espèce qui lui seront soumis, il mesurera l'étendue du préjudice et il lui sera loisible d'évaluer l'éventuelle réparation ; si bien qu'il doit pouvoir librement décider de la condamnation de l'État à indemniser le requérant, indépendamment de conclusions en ce sens lors d'une requête.

M. le président.  - Amendement n°176, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 22

Compléter cet alinéa par les mots et deux phrases ainsi rédigées :

, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut également indemniser le requérant.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Si la commission des lois maintient son amendement n°201, le Gouvernement peut retirer celui-ci.

L'amendement n°176 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°107, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement de renseignements qui ont été irrégulièrement collectés. »

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable aux amendements nos22 rectifié ter, 168 ; avis défavorable aux amendements nos106, 162 rectifié et 107.

M. Jean-Pierre Sueur et Mme Esther Benbassa.  - Pourquoi ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous prenons ces amendements très au sérieux, car il s'agit de la qualité du contrôle juridictionnel.

Les techniques de surveillance, nous en sommes tous conscients, sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée, à la protection du domicile et des correspondances, principes de notre droit civil qui fait également partie de nos engagements internationaux. D'où l'importance du contrôle juridictionnel.

Certains amendements le fragilisent en fait. Ainsi l'amendement n°22 rectifié ter n'autoriserait que la CNCTR à saisir le Conseil d'État d'une demande de sursis à exécution, or le projet de loi est plus large, qui ouvre à tout requérant la faculté de saisir la CNCTR. Retrait ?

L'amendement n°106 est contraire au droit commun, avis défavorable : il n'appartient pas au juge de déterminer le montant de l'indemnité. Autant que possible, nous nous en sommes tenus au droit commun. J'espérais d'ailleurs un débat sur les procédures d'habilitation en secret défense... (M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis sourit)

Quant à l'amendement n°107, il exprime une position de principe respectable, mais les éléments recueillis par la police administrative n'ont pas valeur de preuve. Un recours préjudiciel est ouvert, devant le Conseil d'État, pour vérifier qu'une technique de renseignement a été mise en oeuvre légalement. Avis défavorable.

Retrait de l'amendement n°162 rectifié, pour les mêmes raisons.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Si le juge des référés peut procéder au sursis à exécution, je retire mon amendement.

L'amendement n°22 rectifié ter est retiré.

L'amendement n°201 est adopté.

L'amendement n°168 est adopté.

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

L'amendement n°162 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°107 n'est pas adopté.

Mme Cécile Cukierman.  - Nul narcissisme de notre part, monsieur le ministre, et nulle volonté de distinguer les défenseurs des libertés publiques des autres, mais force est de constater des divergences sur la manière de les protéger. Ce que nous craignons, c'est que la surveillance conduise les Français à modifier leurs comportements. Les hébergeurs, je le confirme, avaient exprimé leurs inquiétudes, et ils n'ont été satisfaits qu'a minima, comme ils le disent eux-mêmes. OVH a déclaré que la loi n'était pas bonne pour notre pays. La mainmise de l'État est anxiogène, nous ne pouvons l'ignorer. Nous voterons contre l'article 4.

L'article 4, modifié, est adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°202, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, les articles L. 871-5 et L. 871-6 tels qu'ils résultent de l'article 5 et l'article L. 871-7 tel qu'il résulte du 6° du II bis de l'article 2 de la présente loi

II.  -  Alinéa 11

Remplacer la référence :

L. 861-1

par la référence :

L. 811-5

III.  -  Alinéa 15

Remplacer les mots :

«, dans le respect du secret de la défense nationale, les dispositions du présent livre »

par les mots :

« l'application, dans le respect du secret de la défense nationale, des dispositions du présent livre »

L'amendement rédactionnel n°202, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Leconte.

Alinéas 6 et 8

Remplacer les mots :

sans délai

par les mots :

dans un délai de soixante-douze heures

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement important concerne le cryptage. L'article L. 871-1 du code de la sécurité intérieure dispose actuellement « Les personnes physiques ou morales qui fournissent des prestations de cryptologie visant à assurer une fonction de confidentialité sont tenues de remettre aux agents autorisés dans les conditions prévues à l'article L. 242-1, sur leur demande, les conventions permettant le déchiffrement des données transformées au moyen des prestations qu'elles ont fournies. Les agents autorisés peuvent demander aux fournisseurs de prestations susmentionnés de mettre eux-mêmes en oeuvre ces conventions, sauf si ceux-ci démontrent qu'ils ne sont pas en mesure de satisfaire à ces réquisitions. »

Or, le projet de loi prévoyait que les fournisseurs de prestations de cryptologie remettent « sans délai » les conventions permettant le déchiffrement des données. Le présent amendement instaure un délai de 72 heures, afin de ne pas mettre à mal la sécurité industrielle. Faute de quoi, les fournisseurs devraient décrypter au fil de l'eau pour être prêts à communiquer les données sollicitées en cas de demande.

Ne prenons pas le risque de perdre notre maîtrise technique dans ce domaine.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je ne savais pas moi-même avant d'être rapporteur de ce projet de loi que nos services de renseignement recourent aux services de sociétés privées spécialisées dans le cryptage et le décryptage, depuis que les progrès de l'informatique les empêchent d'accomplir eux-mêmes ces tâches, ainsi qu'ils le faisaient naguère. Le code de la sécurité intérieure fixe des conditions strictes.

Les conventions de déchiffrement, c'est le mode d'emploi pour décrypter des données. Alors qu'un attentat se préparerait, nos services devraient attendre 72 heures ? Non, les prestataires doivent jouer le jeu.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Un délai de 72 heures n'oblige pas à attendre toujours 72 heures. J'ai entendu M. Leconte, qui craint qu'en mettant la pression sur les sociétés, on les conduise à décrypter au fil de l'eau. Le Gouvernement partage cette préoccupation : avis favorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Les entreprises font aussi partie des intérêts de la nation, et doivent être protégées. Merci au Gouvernement d'avoir accepté cet amendement important.

L'amendement n°82 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 7

Mme Cécile Cukierman .  - Nous attendons des éclaircissements sur cet article. Quels genres de révélations, de lanceurs d'alerte sont-ils susceptibles d'être punis ? Toute affaire impliquant le pouvoir d'État deviendrait impossible...

Aux États-Unis, en Allemagne, l'affaire Snowden a suscité des investigations, jusqu'au Parlement. En France, c'est l'omerta.

Ce texte marque l'avènement de l'ère du soupçon généralisé. Un amendement gouvernemental au projet de loi relatif au dialogue social, finalement retiré, permettrait aux agents du Pôle emploi de « fliquer » les chômeurs, pour traquer d'éventuels fraudeurs...

Ce projet de loi pose la dernière pierre de la « société punitive », imaginée par M. Foucault, dans son cours au Collège de France de 1972-1973, où l'individu est suivi dans toutes ses démarches, pour voir s'il est normal ou anormal. Ce recul de notre démocratie donne raison à ceux qui sèment la terreur.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°203, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

I. - Alinéas 17 et 30

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéas 18 et 31

Remplacer la référence :

et L. 871-6

par les références :

, L. 871-6 et L. 871-7

III. - Après l'alinéa 40

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 897-2. - Pour l'application des dispositions énumérées à l'article L. 897-1 :

« - À l'article L. 871-6 :

« a) Les mots : « des services ou organismes placés sous l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des communications électroniques ou des exploitants de réseaux ou fournisseurs de services de télécommunications » sont remplacés par les mots : « des organismes chargés de l'exploitation d'un service public de télécommunications » ;

« b) Les mots : « par des agents qualifiés de ces services, organismes, exploitants ou fournisseurs dans leurs installations respectives » sont remplacés par les mots : « par des agents qualifiés de ces organismes ».

IV. - Alinéas 45 et 46

Remplacer la référence :

L. 861-2

par la référence :

L. 871-5

L'amendement de coordination n°203, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°210, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 21 et 34

Supprimer ces alinéas.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ces deux alinéas, identiques, prévoient que pour l'application de la loi en Polynésie française et en Nouvelle Calédonie, l'autorisation de mise en oeuvre des techniques de renseignement peut également être donnée par le Premier ministre, sur proposition écrite et motivée du ministre chargé de l'outre-mer.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois n'en a pas délibéré. Avis favorable à titre personnel.

L'amendement n°210 est adopté

L'article 8, modifié, est adopté.

L'article 8 bis est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°108, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement supprime l'obligation pour les opérateurs de transport routier de recueillir l'identité des passagers transportés et de conserver cette information pendant une durée d'un an. Ce fichage a encore moins sa place dans le code monétaire et financier.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cette disposition est utile à Tracfin pour améliorer l'efficacité du renseignement. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Seuls sont concernés les transports de longue distance et les informations ne peuvent être conservés qu'un an. Avis défavorable.

L'amendement n°108 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

L'article 9 bis est adopté.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article 10 accorde une immunité pénale à nos agents de renseignement pour des faits commis à l'étranger. N'ayant guère d'illusion sur le sort de notre amendement, je le retire.

L'amendement n°62 est retiré.

L'article 10 est adopté.

L'article 11 demeure supprimé.

L'amendement n°31 n'est pas défendu.

ARTICLE 11 BIS

Mme Éliane Assassi .  - Quelle sera l'utilité de ce nouveau fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes, qui s'ajoute au fichier Traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) et à Cristina ?

La pression pesant sur les personnes fichées, obligées de se présenter régulièrement dans les commissariats ou les gendarmeries, sera lourde et stigmatisante, insupportable pour des personnes fragiles psychiquement qui auraient rompu avec leurs liens antérieurs. La consultation de ce fichier devrait en outre être limitée, non pas à tous les détenteurs d'un pouvoir exécutif, mais aux seuls maires et présidents d'intercommunalité. C'est une réponse inadaptée et illusoire à la menace terroriste.

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il s'agit en effet de créer un fichier des auteurs d'infractions terroristes et de les assujettir à des mesures de sûreté. Une mesure de sûreté n'est pas une peine. Et pourtant, le texte de l'Assemblée nationale instituait une différence de traitement injustifiée entre les personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi et les condamnés à venir. En nous inspirant du fichier des auteurs d'infractions sexuelles, nous avons préféré que l'inscription au fichier soit automatique dans tous les cas ; en revanche, le juge aura le pouvoir de lever cette inscription, pour les condamnés passés ou futurs.

Quant aux personnes exonérées de responsabilité pénale, il n'est pas justifié de renoncer à leur égard à une mesure de sûreté, de surveillance, qui n'est pas une peine.

Avis défavorable à l'amendement n°63.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ni les conditions d'inscription, ni les délais ne sont ceux du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), madame Assassi.

Puisque vous faites référence au TAJ et à Cristina, c'est que vous reconnaissez leur utilité. (Mme Éliane Assassi le conteste) Mais ils n'ont pas la même destination que le fichier des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) : celui-ci a été conçu pour identifier et localiser à tout moment les personnes condamnées pour faits de terrorisme. Avis défavorable.

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°163 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'ignore pas qu'une disposition similaire figure dans les dispositions relatives au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes. Mais il n'est pas justifié d'assimiler une personne atteinte de maladie psychique à un terroriste en puissance. Les associations qui défendent ces personnes, leurs familles, sont très sensibles sur ce point.

L'alinéa 16 du même article ne renvoie-t-il pas aux personnes malades psychiquement et ayant déjà été condamnées ? Dans ce cas, il se suffirait à lui-même.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous en avons parlé lors de l'examen de la réforme pénale. Les troubles psychiques sont plutôt des facteurs d'allègement, non d'aggravation de peine. Or la jurisprudence ne va pas toujours dans ce sens.

Ces personnes peuvent être placées dans un fichier de surveillance car, je le redis, il ne s'agit pas d'une peine mais de faciliter la recherche d'une personne.

Madame Assassi, les données du fichier national des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) sont conservées dix ans, cinq ans pour les mineurs. Cette durée et de soixante-dix ans pour le FIJAISV.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je le retire donc : les personnes victimes de troubles mentaux ne seront pas injustement stigmatisées.

M. Jean-Jacques Hyest.  - On ne va pas récrire à tout moment le code de procédure pénale.

L'amendement n°163 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°164 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 23

Remplacer les mots :

, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction

par les mots :

sur décision de la juridiction

M. Jean-Pierre Sueur.  - Par un amendement présenté par le rapporteur, la commission des lois a renversé le principe du dispositif adopté par l'Assemblée nationale en prévoyant, exception faite des infractions à l'interdiction de sortie du territoire, une inscription automatique, sauf décision contraire de la juridiction ou du procureur de la République.

Nous souhaitons rétablir le principe selon lequel l'inscription d'une personne nécessite une décision expresse de la juridiction ou du procureur de la République, surtout s'agissant de condamnations, même non encore définitives.

Le rapporteur a distingué tout à l'heure le stock et le flux. Le réalisme commande de prévoir une inscription automatique pour le stock des personnes condamnées. Pour celles qui le seront, une décision expresse est nécessaire. Chaque fois que l'on met en oeuvre une disposition nouvelle on est confronté à ce genre de situation.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement avait émis un avis favorable, en dépit de la difficulté soulevée par le président Bas : la différence de traitement entre les personnes condamnées et celles qui le seront. La logique qu'il promeut mérite d'être approfondie, car l'on pourrait ainsi réexaminer la situation des personnes déjà condamnées qui sont au nombre de 1 700. La réflexion doit se poursuivre. Sagesse sur cet amendement.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°164 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°199 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 139
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. - Il est minuit ; je vous propose de prolonger la séance jusqu'à la fin de ce texte. (Assentiment) Dans l'immédiat, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

La séance, suspendue à minuit cinq, reprend à minuit dix.

M. le président.  - Amendement n°109, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéas 46 et 47

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Si une personne réside à l'étranger, elle doit adresser les justificatifs prévus au 1°, 2° et 4° par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du service gestionnaire. Elle n'est pas astreinte à l'obligation prévue au 3°.

Mme Esther Benbassa.  - Pour les Français résidant à l'étranger, le système de déclaration au consulat tous les trois mois peut être extrêmement lourd. Pourquoi, en outre, astreindre les personnes résidant à l'étranger qui veulent se déplacer dans un autre pays étranger, à déclarer ces informations à l'autorité française ? A fortiori si elles sont étrangères !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Vous avez néanmoins attiré mon attention sur la différence de traitement et les problèmes de distance auxquels sont confrontés les Français résidant à l'étranger. Nous verrons d'ici la CMP quelles mesures pratiques prendre pour y remédier.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je remercie Mme Benbassa pour cet amendement et la garde des Sceaux pour son propos. Une réponse devra être apportée avant la CMP. La distance que les Français résidant à l'étranger doivent parcourir jusqu'au consulat le plus proche est banalement de plusieurs centaines de kilomètres, quand ce n'est pas de deux ou trois mille.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je donne acte à Mme Benbassa et M. Leconte de la réalité du problème qu'ils soulèvent. J'espère que nous pourrons le résoudre en CMP.

L'amendement n°109 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°204, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 65, première phrase

Après les mots :

code pénal

insérer les mots :

ou à l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°204 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°214, présenté par M. Bas.

I Alinéa 72

 Rédiger ainsi cet alinéa :

 Les maires et les présidents des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales sont également destinataires,  par l'intermédiaire des  représentants de l'État dans le département, des informations contenues dans le fichier pour les décisions administratives mentionnées au 3°.

II Alinéa 66

Remplacer le mot :

préfets

par les mots :

représentants de l'État dans le département 

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement reprend l'amendement n°73 que M. Mézard n'a pu défendre ce soir. Il restreint aux maires et présidents des collectivités territoriales, l'accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs des infractions terroristes.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°214 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'alinéa 74

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République peut également procéder d'office.

Mme Esther Benbassa.  - Au regard de l'importance des contraintes qui peuvent peser sur les personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes, le procureur de la République doit pouvoir demander l'effacement ou la rectification des données.

M. Philippe Bas, rapporteur.  Défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°111 est adopté.

L'amendement n°77 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 84

Compléter cet alinéa par les mots :

, dans le seul but de contrôler les obligations prévues au présent article

Mme Esther Benbassa.  - Vu le nombre de personnes ayant accès au fichier des personnes recherchées, et les durées de conservation des données, il semble important de réserver l'accès à ses données aux seuls fonctionnaires concernés par les déplacements internationaux. Une recommandation formulée par la CNIL.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Sagesse.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le sujet a été soulevé par la Cnil, mais compte-tenu de la dangerosité potentielle de ces personnes, le Conseil d'État a considéré qu'il était souhaitable de maintenir telles quelles les conditions de consultation. Avis défavorable.

L'amendement n°110 n'est pas adopté.

L'article 11 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°71 rectifié ter, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre III du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 234-... ainsi rédigé :

« Art. L. 234-...  -  Dans la stricte limite de leurs attributions et pour les seuls besoins liés à la protection des intérêts mentionnés aux 4° et 5° de l'article L. 811-3, peuvent avoir accès aux traitements automatisés de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours et à l'exclusion de celles relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes, les agents individuellement désignés et habilités des services de police et de gendarmerie nationales dont la mission principale est le renseignement. Peuvent également y avoir accès, pour la seule finalité de prévention du terrorisme, les agents individuellement désignés et habilités du service de renseignement du ministère de la défense chargé d'assurer la sécurité des personnels, des informations, du matériel et des installations sensibles.

« Un décret en Conseil d'État détermine les services concernés ainsi que les modalités et les finalités de l'accès aux traitements automatisés mentionnés au présent article. »

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Cet amendement répond à un impératif opérationnel majeur pour les services. La DPSD doit pouvoir s'assurer de l'absence de toute menace de développement de visées terroristes au sein des forces armées.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°71 rectifié ter est adopté ;l'article additionnel est inséré.

L'article 12 demeure supprimé.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°205, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

a) Le 3° est ainsi modifié :

- les mots : « désignés par décret » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure » ;

- sont ajoutés les mots : « et des services autorisés par le décret en Conseil d'État mentionné à l'article L. 811-4 du même code, à recourir à certaines techniques mentionnées au titre V du livre VIII dudit code, concernant leurs activités de renseignement » ;

II.  -  Alinéa 16

Remplacer les mots :

visées au titre IV

par les mots :

mentionnées au titre V du livre VIII

III.  -  Après l'alinéa 18

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du II de l'article L. 222-1, les mots : « au I de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 811-2 du présent code » ;

2° Au 2° de l'article L. 234-2, les mots : « au I de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 811-2 ».

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Amendement de coordination.

M. le président.  - Sous-amendement n°208 à l'amendement n° 205 de M. Bas , au nom de la commission des lois, présenté par M. Raffarin, au nom de la commission des affaires étrangères.

Amendement n° 205, après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. - Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi qu'une présentation par technique et par finalité des éléments statistiques figurant dans son rapport d'activité mentionné à l'article L. 833 - 4 du code de la sécurité intérieure

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Les finalités des interventions sont un volet majeur du texte, avec les techniques utilisées. Si le rapport d'activités de la CNCTR ne détaillera pas les actions menées par finalité, la délégation parlementaire au renseignement doit, elle, disposer de ces informations.

M. Philippe Bas.  - Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous sommes conscients de l'utilité de ces informations comme des risques que présente leur analyse a posteriori. La délégation parlementaire au renseignement doit y avoir accès, non des personnes aux intérêts plus contestables. Avis favorable au sous-amendement comme à l'amendement.

Le sous-amendement n°208 est adopté.

L'amendement n°205, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

L'amendement n°33 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°165 rectifié, présenté par Mme M. André et M. de Montgolfier.

Après l'article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 decies ainsi rédigé :

« Art. 6 decies.  -  Le président et le rapporteur général des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, ainsi que les rapporteurs spéciaux de ces commissions qui suivent et contrôlent les crédits des services spécialisés de renseignement, sont autorisés ès qualités à recevoir communication des informations et éléments d'appréciation mentionnés au IV de l'article 6 nonies et relevant de leurs domaines d'attribution, que le Gouvernement décide de leur transmettre.

« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister, dans ces domaines d'attribution, le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux, mentionnés à l'alinéa précédent, des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances doivent être habilités, dans les conditions définies pour l'application de l'article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d'appréciation. »

Mme Michèle André.  - Le rapporteur général et moi-même souhaitons une meilleure articulation des travaux des commissions des finances et de la délégation parlementaire au renseignement. La Lolf donne mission aux présidents, rapporteurs généraux et rapporteurs spéciaux des commissions des finances de contrôler l'usage qui est fait des deniers publics. Les informations protégées par le secret de la défense nationale doivent aussi pouvoir leur être transmises, si le Gouvernement en décide ainsi.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cette idée nous a semblé intéressante. Il arrive qu'à la demande du président, du rapporteur général ou des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, des documents budgétaires classifiés leur soient remis. On s'aperçoit d'ailleurs quelquefois qu'ils ont été classifiés un peu vite... Il ne s'agit pas de rendre automatique une telle transmission, mais seulement possible, à l'initiative du Gouvernement. Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le président de la commission des finances et le rapporteur général disposent d'un pouvoir de contrôle sur pièce et sur place. L'action du Gouvernement et de l'administration est ainsi entièrement sous le contrôle du Parlement.

L'habilitation au secret de la défense nationale n'est pas fondée es qualités. La délégation parlementaire au renseignement, qui représente les deux assemblées, est plus indiquée pour connaître de telles informations. Retrait ?

Mme Michèle André.  - Il s'agit de permettre aux rapporteurs spéciaux de travailler sur des documents non rendus publics. Cela n'engage pas le Gouvernement, qui n'est tenu à rien.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis. - Je suivrai le Gouvernement. Il paraît problématique d'étendre cette faculté aux rapporteurs spéciaux sans l'étendre aussi aux rapporteurs pour avis des autres commissions. Dans une telle extension, la délégation parlementaire au renseignement perdrait sa raison d'être. N'élargissons pas exagérément le périmètre de communication des informations classifiées.

L'amendement n°165 rectifié est adopté ; l'article additionnel est inséré.

L'article 13 bis est adopté.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°212, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et la référence : « l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58 - 1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires » est remplacée par la référence : « l'article L. 811 - 2 du code de la sécurité intérieure »

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Coordination.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois ne l'a pas examiné, mais avis favorable.

L'amendement n°212 est adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°213, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 1

Après les mots :

Les articles 3 bis A,

insérer les mots :

3 ter,

L'amendement de coordination n°213, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

L'amendement n°65 n'est pas défendu.

L'article 15 bis est adopté.

L'article 15 ter est adopté.

ARTICLE 16

M. le président.  - Amendement n°170, présenté par le Gouvernement.

Après la référence :

9

insérer la référence :

, 10

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'article 10, qui crée une excuse pénale pour certaines actions informatiques qui ne sont pas dans le champ de compétences de la CNCTR, peut entrer en vigueur immédiatement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°170 est adopté.

L'article 16, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°206, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fera l'objet, après évaluation de son application par la délégation parlementaire au renseignement, d'un nouvel examen par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Ce texte est d'une très grande importance pour nos institutions et la protection des Français. À l'instar de ce qui a été fait pour la loi Bioéthique de 1994, cet amendement impose une évaluation de la loi par la délégation parlementaire au renseignement, ainsi qu'un nouvel examen par le Parlement dans un délai de cinq ans. Cela s'impose d'autant plus que, comme en matière de bioéthique, on est confronté à une évolution très rapide des techniques.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis très favorable ; ce texte porte en effet sur des principes fondamentaux de notre société. Il est de bonne politique d'évaluer les effets d'une loi qui inquiète autant que celle-ci.

L'amendement n°206 est adopté ;l'article additionnel est inséré.

Nomination du président de la commission de contrôle des techniques de renseignement (Procédure accélérée)

M. le président.  - Nous passons à l'examen de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (Procédure accélérée).

L'article unique n'a fait l'objet d'aucun amendement. Il sera mis aux voix par scrutin public le mardi 9 juin 2015.

Interventions finales

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - J'ai eu plaisir à prendre part à ce débat important, où chacun s'est efforcé de trouver des positions consensuelles, qui concilient l'efficacité de nos services de renseignement au service des intérêts fondamentaux de la nation, et la protection des libertés des Français. Le Sénat a défini, au nouvel article premier, un véritable cahier des charges de la légalité de la mise en oeuvre des techniques de renseignement, qui autorisera un contrôle rigoureux de leur proportionnalité par la CNCTR et le Conseil d'État. Les finalités du recours à ces techniques ont été précisées. La communauté du renseignement a été mieux définie. Sans que l'administration pénitentiaire puisse faire elle-même usage de ces techniques, elle pourra signaler des détenus aux services de renseignement.

Les procédures d'autorisation ont été renforcées, sans créer une bureaucratie autour du Premier ministre. Les délais de conservation des données ont été encadrés : les données de connexion par exemple pourront être conservées trois ans et non cinq.

Quant à la CNCTR, elle devient grâce à nos votes une véritable autorité administrative indépendante, dont le président sera, aux termes de la proposition de loi organique, nommé après avis des commissions parlementaires compétentes. Un délit d'entrave aux missions de la CNCTR a été créé.

Surtout, le contrôle du Conseil d'État, qui pouvait apparaître comme un leurre, devient effectif, puisque trois seulement des neuf membres de la CNCTR pourront le saisir. Le Conseil d'État se prononcera régulièrement sur de telles affaires, ce qui donne tout son sens au principe de légalité. Le Conseil pourra aussi prononcer le sursis à exécution.

Je veux aussi souligner le travail accompli par le Sénat sur les algorithmes, qui exclut toute surveillance de masse au profit d'une seule surveillance ciblée. Quant aux personnes situées dans l'entourage des personnes surveillées, il ne pourra être fait usage à leur encontre des techniques de renseignement qu'après l'avis exprès de la formation plénière de la CNCTR.

Enfin, je suis heureux que le Sénat ait adopté ce dernier amendement, pour que ce texte fasse l'objet d'un réexamen dans cinq ans.

Ce projet de loi, tel que modifié par le Sénat, est un texte profondément républicain, dans la tradition de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. (Applaudissements)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux .  - La qualité des débats, jamais démentie, a monté l'importance que vous attachez à juste raison à ce texte, qui touche à la sécurité des Français face aux nouvelles menaces mais aussi au respect des libertés individuelles et publiques. Nous nous serons efforcés de trouver le meilleur équilibre ; le travail se poursuivra d'ici la CMP. (Applaudissements)

Prochaine séance, mardi 9 juin 2015, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit cinquante-cinq.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques