Loi de finances rectificative pour 2015

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Sitôt terminé l'examen du projet de loi de finances pour 2016, nous voici réunis pour discuter du projet de loi de finances rectificative. Il n'est pas un simple texte balai.

Alors que la COP21 poursuit ses travaux, le Gouvernement propose une réforme importante de la fiscalité écologique. Il entend d'abord donner de la visibilité au prix du carbone et fixe celui de la tonne pour 2017 à 30,5 euros, conformément à la trajectoire fixée par la loi de transition énergétique. Ensuite, le dispositif de financement du service public de l'électricité est sécurisé au regard du droit européen. À compter de 2017, la contribution carbone énergie financera la dynamique des charges du service public de l'électricité et le développement des énergies renouvelables. À cela, s'ajoute un alignement progressif de la TICPE du diesel sur celle de l'essence.

Quelles sont les incidences de cette réforme ? La dynamique de hausse automatique annuelle de l'ancienne CSPE prendra fin en 2017.

La contribution carbone augmentera en 2016, comme prévu par la loi de finances 2014 ; son rendement en 2017 financera la stabilisation de la TICFE. Au total, les prélèvements n'augmenteront pas.

Deuxième volet, une mise en conformité avec le droit européen avec un ciblage du dispositif ISF-PME sur les PME jeunes et innovantes et une adaptation du régime d'imposition des sociétés mères et filiales. Dans les deux cas, ces adaptations techniques ne pèseront pas sur les finances publiques.

Troisième volet, la fiscalité agricole avec notamment un aménagement de la déduction pour aléas (DPA) et du régime d'imposition forfaitaire, dispositifs largement discutés avec les organisations syndicales.

Enfin, la surtaxe sur les terrains à bâtir créée par la majorité précédente est réformée. Si nous l'avions déjà retravaillée, elle s'est révélée disproportionnée pour sa première année d'application et insuffisamment incitative.

Le volet budgétaire de ce texte se décline avec un plan d'économies complémentaire de 4 milliards d'euros lancé en cours d'année - qui s'ajoutent aux 4,5 milliards de baisse des dépenses sous norme, hors charge de la dette et pensions, prévue en loi de finances initiale - et de crédits dégagés pour la sécurité des Français, 800 millions avec le décret du mois d'avril et une mise en réserve complémentaire de crédits. Les objectifs de dépenses de l'État baissent de 700 millions au total, une diminution sans doute sans précédent. Preuve que l'on peut simultanément réduire la dépense et mobiliser en urgence de l'argent public pour répondre à une situation exceptionnelle. Les redéploiements ont été entièrement financés par des économies.

Des Cassandre nous annonçaient une chute des recettes. Il n'en a rien été, nous avons enregistré 830 millions de TVA en plus ainsi que 200 millions sur les successions ; les recettes supplémentaires ont permis d'apurer la dette de l'État envers la sécurité sociale. Au total, nous sommes parvenus à réduire le déficit de 12,3 milliards par rapport à 2014, 1,1 milliard d'euros de moins que prévu en loi de finances initiale.

Ce texte, n'en déplaise à certains, constate une amélioration de la situation des finances publiques tout au long de l'année 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - L'adoption de ce collectif marquera la fin de notre marathon budgétaire. Le texte est passé à l'Assemblée nationale de 47 à 110 articles, cette inflation nuit au travail parlementaire...

Plus que jamais, la loi de finances rectificative fait figure de voiture-balai. Cette année, nous atteignons les limites de son examen croisé avec la loi de finances initiale - voir la réforme de la fiscalité écologique, les questions d'éligibilité au FCTVA ou la fiscalité agricole. En 2015, la croissance aura été en France de seulement 1 % contre 1,5 % dans la zone euro ; le taux de chômage est à 10,6 %, le plus élevé depuis 1997. La réduction du déficit effectif se limite à 0,1 point du PIB, le solde structurel baisse de 0,4 %, soit moins que prévu dans nos engagements européens. La dette atteindra 96,3 % du PIB, 0,7 % de plus qu'en 2014.

Seules des économies de constatation ont permis d'afficher une trajectoire maîtrisée sur les dépenses avec 7,1 milliards d'euros ouverts en décret d'avance et en collectif ou redéployés. Les arbitrages de la loi de finances initiale ne sont pas respectés. Cette année encore, 8 % des crédits sont mis en réserve.

Ce collectif comporte une importante réforme de la fiscalité écologique. Dès l'examen de la loi de transition énergétique, le Sénat avait demandé une rebudgétisation de la CSPE.

On peut d'ailleurs s'interroger sur la constitutionnalité de cette taxe qui n'est pas votée par le Parlement. Ne voulant pas être réduit au rôle de comptable de décisions prises par d'autres, notre commission proposera au Sénat d'en fixer le plafond et la répartition.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - La commission présentera d'autres amendements pour mieux orienter l'ISF-PME et adapter la taxe sur les bureaux sur laquelle les députés ont pris des décisions que nous ne jugeons pas pertinentes.

Nous reviendrons aussi sur d'autres modifications intervenues à l'Assemblée nationale que nous n'approuvons pas, telles celles assujettissant les commerces établis avant 1960 à la Tascom, qui pénaliserait le commerce traditionnel de centre-ville ; ou encore des allégements fiscaux inopportuns.

Ce projet de loi de finances rectificative apparaît sans vraies lignes directrices. Nous n'avons pas ménagé nos efforts pour l'améliorer. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - La CSPE, créée en 2003 sous un autre nom d'ailleurs, est devenue un véritable fourre-tout, finançant la péréquation comme le médiateur de l'énergie. Son tarif - 22,5 euros/KWh - a explosé et les contentieux sont légion : plus de 55 000 devant la Commission de régulation de l'énergie (CRE), plus de 14 000 devant les tribunaux, sans parler des observations de Bruxelles.

Sa réforme était attendue depuis longtemps. Avec la budgétisation, son architecture est revue pour consolider son assise juridique, son assiette est élargie notamment pour financer le développement des énergies renouvelables. Dont acte, mais il n'est pas acceptable que ses modifications interviennent dans une loi de finances rectificative : son produit est supérieur à celui de l'ISF ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, le confirme) Surtout, le Parlement doit avoir son mot à dire : à lui de fixer un plafond pour les dépenses de soutien aux énergies renouvelables et de chiffrer les capacités de production. Sans quoi, nous serions conduits à tenir un simple rôle de comptable. L'autorité du Parlement doit être réaffirmée.

La contribution carbone rapportera davantage que ce qui est annoncé : 755 millions d'euros en 2017 et 1,6 milliard en 2018. Or la loi de transition énergétique prévoit sa neutralité ; nous proposerons que celle-ci soit respectée.

Les industries électro-intensives devraient payer 43 millions de plus avec la sécurisation juridique du dispositif. Soyons-y attentifs comme à l'alignement de la fiscalité sur l'essence et le diesel qui inquiète nos constructeurs.

Pour finir, je note, avec gourmandise, que le Gouvernement, d'ordinaire agacé par les initiatives agricoles du Sénat, reprend finalement ses propositions. Merci, monsieur le ministre ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances .  - Hier soir, en Conférence des présidents, le président Larcher a fait remarquer combien la commission des finances avait bien organisé les débats sur la loi de finances. Je me demande comment nous pourrions en faire de même pour le collectif au regard des délais qui nous sont laissés pour l'examiner.

Je veux d'abord souligner la qualité du pilotage des finances publiques par le Gouvernement. Ce projet de loi de finances rectificative témoigne qu'il est possible simultanément de baisser les prélèvements sur les entreprises et les ménages, de maîtriser la dépense publique et d'améliorer la situation budgétaire. Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,9 % à 44,5 % du PIB, la part de la dépense publique dans le PIB a baissé. Le programme d'économies est mis en oeuvre pour 18,6 milliards en 2015.

L'État atteint ses objectifs budgétaires tant en valeur qu'en volume. Le déficit s'établit à 3,8 %, contre 4,1 % en loi de finances initiale. Les dépenses publiques s'établissent à 55,8 % du PIB, contre 57,5 % en loi de finances initiale.

Finalement les dépenses de l'État baissent de 2 milliards, la loi de programmation militaire tenue. Dans le même temps, des marges de manoeuvre sont dégagées pour les entreprises et pour le pouvoir d'achat des ménages avec une baisse de l'impôt sur le revenu pour les foyers modestes. La lutte contre la fraude fiscale porte ses fruits et rapporte plus que prévu.

Enfin, le Gouvernement engage une réforme du service public de l'électricité et avance sur le chemin de la révision des valeurs locatives. Je vous invite à voter le collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Difficile d'examiner le jeudi un texte adopté le mercredi à l'Assemblée nationale, et qui a triplé de volume... Ce projet de loi porte mal son nom : s'il est rectificatif pour 2015, il est modificatif pour 2016. Il faudra, un jour, éclaircir ce mystère qui consiste à repousser un collectif des dispositions qui devraient figurer dans la loi de finances...

Une remarque liminaire sur l'exécution budgétaire en 2015. Elle est respectée. Il n'y a pas lieu de s'en enthousiasmer quand la trajectoire a été modifiée trois fois.

Pour autant, la réduction du déficit n'est que d'un milliard d'euros et notre pays connait un taux de chômage de 10,6 %... La France, en retard par rapport au reste de l'Europe, n'a respecté sa trajectoire que par des redéploiements de crédits et grâce à des taux d'intérêt bas. Il y a là un signal d'alerte dont il faut tenir compte : et si les taux d'intérêt remontent ?

Ce texte représente un budget bis. M. Lenoir a bien résumé les choses sur la fiscalité écologique. J'ajoute que nous sommes tous d'accord sur la transition écologique, moins sur son rythme. Nous proposerons aussi d'amodier les dispositifs ISF-PME et PEA-PME pour mobiliser davantage l'épargne vers l'économie.

Le groupe UDI-UC fera des propositions pour améliorer ce collectif. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Éric Bocquet .  - Né dans la tourmente des attentats, ce collectif entend résoudre des problèmes de fond par des mécanismes dont nous avons déjà éprouvé l'inefficacité : je pense à l'ISF-PME, qui bénéficie à quelques initiés. Un vrai budget de gauche privilégierait une juste allocation, à moindre coût du crédit bancaire, non le financement par les marchés...

Le volet sur la fiscalité écologique avec la création d'un nouveau compte spécial est significatif : aussitôt qu'on crée des taxes, on ménage des exceptions pour des groupes de pression - en l'occurrence, les électro-intensifs - qui minent le consentement à l'impôt. Les exceptions ressortent de la logique « pollueur-non payeur ». Et Bercy est prompt à se saisir des fonds de roulement qui viendraient à se constituer... La voie fiscale n'est pas la bonne. Il faudrait vraiment remettre à plat tous les instruments destinés à financer la transition écologique ; créer par exemple un livret d'épargne ad hoc défiscalisé serait sans doute efficace.

Le groupe CRC déterminera sa position sur ce texte en fonction des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. André Gattolin .  - « Pour résoudre la crise climatique, je vous le dis franchement : les bons sentiments, les déclarations d'intention ne suffiront pas, nous sommes au bord d'un point de rupture. » Ces propos ne sont pas ceux d'un écologiste exalté assigné à résidence mais ceux du président de la République, en ouverture de la COP21.

Ces mots appellent une inflexion majeure de notre modèle de développement, dont nous attendons, année après année, la traduction législative et en particulier fiscale. Or le Gouvernement a exclu la fiscalité écologique du projet de loi de finances pour la mettre dans un projet de loi de finances rectificative, que nous examinons à la va-vite.

Que contient-il ? Le prix de la tonne de carbone est fixé -  mais pour 2017 seulement ! Alors que le Gouvernement prône, à longueur de débat budgétaire, la nécessité d'offrir aux entreprises une visibilité de long terme sur la fiscalité, il joue cette fois l'effet de surprise, alors que le principe même de la contribution climat-énergie consiste à jouer le long terme.

Ce texte pérennise et accroît les exceptions au principe d'universalité de la contribution climat-énergie. Alors que les particuliers seront touchés par la hausse de la contribution, l'aviation reste épargnée et les entreprises électro-intensives gagnent une nouvelle exonération. On nous parle de la valeur incitative du prix du carbone mais en quoi votre projet de loi incite-t-il l'aviation et l'industrie électro-intensive, grosses productrices de carbone, à modifier leurs investissements pour que le coût corresponde aux dommages ?

Je concède que les mutations sont rarement simples mais on a bien dû fermer les manufactures de fiacres quand est arrivée l'automobile à moteur. Et nos externalités négatives ne se limitent pas au crottin sur la chaussée.

Nous avons assez dénoncé le défaut de démocratie lors de la nucléarisation de la France pour ne pas nous féliciter de la budgétisation de la contribution au service public de l'électricité. Il était temps que le Parlement puisse se prononcer sur la politique énergétique. À un moment où l'EPR bénéficie d'un crédit open bar, nous veillerons à ce que cela ne se traduise pas par une entrave au développement des énergies renouvelables, des transports collectifs, de l'agriculture biologique, où le besoin d'investissement et de financement est considérable. La fiscalité écologique devrait y contribuer mais elle semble ne servir qu'à financer les baisses de charges consenties sans condition à toutes les entreprises. La « profonde mutation » appelée par le président de la République risque fort de devoir attendre.

Avant de s'engager dans une guerre qualifiée de totale contre le terrorisme islamique, il convient de prendre un soin irréprochable et dans la durée des blessés du 13 Novembre. Car l'oubli guette. Je salue l'exonération de droits de mutation des indemnités perçues par les victimes d'actes de terrorisme, signe de la solidarité nationale. Cependant, ne peut-on pas, enfin, leur épargner la violence des méandres administratifs en créant un guichet unique ?

Enfin, notre rapporteur général veut à tout prix supprimer l'article 30 quater qui opère une régularisation nécessaire et urgente du statut fiscal de la presse en ligne. Des sites ont subi un redressement disproportionné...

M. Richard Yung.  - Revoici Médiapart...

M. André Gattolin.  - ...alors qu'ils n'ont pas fait l'objet de relance du fisc.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - C'est faux, je vous le démontrerai !

M. Jean-Claude Requier .  - Le déficit de l'État, à 73,3 milliards, est revu à la baisse par rapport à la loi de finances initiale de 1,1 milliard.

La France profite de la baisse du prix du pétrole et des taux d'intérêts. Pour l'instant, nous échappons à la déflation, n'en déplaise aux éternels pessimistes.

Le déficit sera de 3,8 %. Nos engagements européens sont tenus et l'objectif de 3 % semble atteignable en 2017. Le taux de prélèvements obligatoires diminue de 44,9 % à 44,6 % du PIB. Toutefois, attention à ne pas relâcher les efforts. La conjonction macro-économique pourrait se dégrader.

Vu le nombre de dispositions fiscales, il vaudrait mieux appeler ce texte collectif fiscal. Le RDSE regrette la ponction de 150 millions sur le fond de réseau des calamités agricoles. Nous déposons un amendement. Cela dit, l'essentiel du groupe RDSE approuve la politique budgétaire du Gouvernement et apprécie la rigueur du professeur de mathématiques du Lorrain Eckert. (On s'en désole à droite)

Nous ferons des propositions pour renforcer la couverture numérique du territoire, préciser le cadre juridique du dispositif ISF-PME. Notre vote dépendra de l'évolution des débats. (Applaudissements)

M. Richard Yung .  - J'entends une longue litanie de plaintes. Ce texte comporterait trop d'articles ? Trop de dispositions ajoutées à l'Assemblée nationale ? Mais n'est-ce pas le rôle du Parlement que de discuter ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Nous voulons pouvoir examiner les amendements !

M. Richard Yung.  - La fiscalité écologique ? Vous réclamez sa reprise en main depuis longtemps. Le Gouvernement le fait, de quoi vous plaignez-vous ? Le ministre a parlé de Cassandre. Je rappelle que ses prédictions étaient justes mais que sa malédiction était que personne ne la croirait.

M. Philippe Dallier.  - C'est comme l'inversion de la courbe du chômage ! (Rires à droite)

M. Richard Yung.  - Il est vrai que la croissance traîne un peu...

M. Philippe Dallier.  - Elle ne se décrète pas !

M. Richard Yung.  - ...à cause des rigidités. Mais je constate que la croissance allemande n'est pas très forte non plus. Espérons que cela sera passager. Le Haut Conseil des finances publiques a validé les hypothèses macro-économiques. Le cap budgétaire sera tenu. Ne le déplorez pas monsieur Capo-Canellas ! Sur les recettes, le vrai retard, c'est les rentrées de TVA.

Le taux de prélèvements obligatoires se réduit de 0,3 %. C'est peu mais significatif. Pour la première fois depuis dix ans, le mouvement s'inverse.

Le déploiement du PEA-PME devrait apporter des fonds propres aux entreprises et sera réorienté. Nicole Bricq avait déjà amélioré le soutien public aux exportations. Avec le transfert de la gestion des garanties publiques de la Coface à Bpifrance et la mise en place d'une garantie directe de l'État aux entreprises, les aides à l'export vont gagner en lisibilité et en efficacité.

De façon non surprenante, le groupe socialiste soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général  - Tous ses articles ?

M. Jean-François Husson .  - Le projet de loi de finances rectificative est devenu au fil du quinquennat une auberge espagnole budgétaire. Le Gouvernement a déposé tant d'amendements à l'Assemblée nationale que le texte a triplé de volume. Difficile pour nous de l'examiner du jour au lendemain. À cette inflation d'articles...

M. Albéric de Montgolfier.  - Open bar !

M. Jean-François Husson.  - ...s'ajoute l'enchevêtrement du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative.

Je me félicite toutefois que le Gouvernement ait repris à son compte plusieurs de nos propositions, comme sur la majoration de la taxe foncière dans les zones tendues. Quoique, j'aurais apprécié qu'il n'en profite pas pour tirer la couverture à lui, oubliant les droits d'auteur (Sourires) Reste qu'un patchwork de mesures ne fait pas une politique cohérente.

Prenons la fiscalité écologique. Que de contradictions entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative ! Président de la commission d'enquête sur le coût de la pollution de l'air, je sais la part de la dieselisation du parc automobile dans les émissions de gaz à effet de serre et de particules fines. À mon sens, il faut préserver une fiscalité différenciée selon ces types de carburant.

D'une manière générale, cette réforme de la fiscalité écologiste vient bien tard. J'ose espérer que ce n'est pas à dessein, en notant qu'elle contredit la promesse du président de la République de ménager une pause fiscale : 4 milliards de hausse pour la contribution climat énergie, 1 milliard de plus pour la facture énergétique... Tous les Français seront touchés. Résultat, les prélèvements obligatoires ne baissent guère et la France reste sur la deuxième marche du podium, juste après le Danemark.

Le déficit s'élève à 3,8 % du PIB, loin de la promesse de retour à l'équilibre faite en 2012 par le président de la République. L'Allemagne, elle, y est parvenue depuis longtemps. Notre dette se rapprochera dangereusement du seuil de 100 % de la richesse nationale. Nous sommes en queue de la zone euro ; seule l'Espagne fait pire.

Nous ne pouvons voter ce texte en l'état, mais nous soutiendrons les amendements de la commission des finances.

M. Maurice Vincent .  - Pour la première fois depuis longtemps, le solde budgétaire de l'État s'améliore, et de plus d'un milliard ! Pourtant, ce collectif tient compte des conséquences des attentats et des enjeux climatiques. Alors que la COP21 se réunit, que la loi de transition énergétique avait fixé des objectifs ambitieux, ce texte donne une visibilité aux acteurs économiques en fixant le prix de la tonne de carbone à 30,5 euros. De même, la convergence se poursuit entre la fiscalité sur le diesel et celle sur l'essence.

La CSPE est rendue plus transparente et durable, grâce à la création d'un compte d'affectation spéciale notamment. Il manquait 5 milliards pour financer EDF. Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a d'ailleurs salué une bonne réforme.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Elle donne un droit de regard au Parlement.

M. Maurice Vincent.  - Ce projet de loi de finances rectificative est dans la continuité du plan de soutien à l'élevage. Le micro-régime en cas de bénéfices inférieurs à 92 000 euros est bienvenu.

Le groupe socialiste et républicain votera ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Bouvard .  - Le collectif de fin d'année permet d'esquisser un premier bilan de l'exécution de la loi de finances initiale.

Cette année a été marquée par les attentats, et les dépenses de sécurité et les Opex ont augmenté. Mais la sécurité n'est pas la seule responsable de la dérive de 0,1 % par rapport à nos engagements européens. Les plafonds des missions ont été relevés de 1 170 millions, et il a fallu aussi un milliard de crédits supplémentaires. Il faudra comprendre cette évolution lors de la loi de règlement.

La sous-budgétisation des dépenses, qui oblige à multiplier les décrets de réserve et d'avance, nuit à la sincérité des inscriptions budgétaires initiales. Tout en saluant la qualité des équipes de France Trésor qui savent tirer parti des taux d'intérêt bas, ces opérations ne sont qu'un dangereux anesthésiant. D'autant que les marges dégagées sont utilisées pour financer de nouvelles dépenses ou des postes insuffisamment dotés. Ayons-en conscience : une hausse d'un point des taux coûterait 2,4 milliards la première année, 40 milliards d'euros sur cinq ans !

La gravité de la situation ne peut pas tout justifier. J'observe aussi des reports de crédits, discrets mais réels, supérieurs à 3 %. Ne renouons pas avec ces pratiques hasardeuses d'avant la Lolf. Je salue toutefois la transcription dans la loi de finances de la contribution au service public de l'électricité ; cela met fin à une anomalie démocratique. De même la création d'un compte d'affectation spéciale est bienvenue.

Je me réjouis aussi que le Gouvernement ait suivi nos préconisations sur le financement des exportations. Il faudra que le Parlement puisse étendre son contrôle sur la Caisse des dépôts et consignations en conséquence du transfert des missions de la Coface à la BPI.

Je voterai ce projet de loi de finances rectificative tel que modifié par la commission des finances.

Mme Fabienne Keller .  - Tandis que les négociations de la COP21 entrent dans la dernière ligne droite, ce collectif aborde la fiscalité écologique par le petit bout de la lorgnette. Ainsi, alors que Mme Royal annonçait une convergence rapide de la fiscalité du gazole et de l'essence, le projet de loi de finances rectificative se borne à une réduction limitée de 10 % de la fiscalité sur l'essence contenant de l'éthanol...

Seule la cohérence permettrait l'adhésion de nos concitoyens en cette période de ras-le-bol fiscal. Je salue toutefois la réforme de la CSPE et du compte d'affectation spéciale. Quel sera toutefois le prix de rachat du photovoltaïque et des énergies renouvelables dans dix ans ? Est-ce un hasard si la hausse de la CSPE sera suspendue en 2017 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - C'est mal connaître le sujet que de faire de telles insinuations !

Mme Fabienne Keller.  - À l'heure de la COP21, je tenais à rappeler la nécessité de prendre des engagements clairs pour la planète et de les tenir. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État .  - Ceux qui n'ont rien à reprocher sur le fond font des reproches sur la forme : trop tard, trop rapide, trop long...

Ce texte a été déposé le 13 novembre à l'Assemblée nationale. Tout y était : CSPE, taxe foncière sur les zones tendues, fiscalité agricole... Je précise d'ailleurs à ce sujet que le Gouvernement ne s'est pas contenté de reprendre les propositions du Sénat. Nous avons aussi suivi les travaux de Marc Le Fur à l'Assemblée nationale, un dangereux gauchiste. (Rires à droite) Nous avons beaucoup écouté le monde agricole.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis.  - Nous aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - J'ai apprécié votre discours équilibré sur la contribution au service public de l'électricité, monsieur le président. Les exonérations des électro-intensifs étaient dans le viseur de la Commission européenne. La négociation a été longue.

Madame Keller, la convergence fiscale entre l'essence et le gazole est-elle la seule voie ? L'essence est-elle sans défaut ? Ne pollue-t-elle pas ? Ne faut-il pas plutôt réduire les émissions de carbone et de particules fines dans leur ensemble ?

M. Husson a déploré les hausses de la contribution climat énergie et de la CSPE. Cette hausse a toujours été prévue ! Cependant, à partir de 2017, nous la financerons par la hausse du prix de la tonne de carbone. C'est un choix que nous faisons pour éviter de faire porter tous les efforts sur la seule facture d'électricité.

Baisse des émissions de particules, réforme de la CSPE, le Gouvernement a une approche globale, tout en évitant toute réforme brutale qui pénaliserait nos constructeurs automobiles ou les électro-intensifs.

Chacun a reconnu que la situation budgétaire s'améliore, quitte à dire que ce n'était pas assez. Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,9 % en 2014 à 44,6 %. Mais 0,3 % c'est peu, dites-vous. C'est quand même 6 milliards d'euros !

Vous déplorez aussi des économies de constatation, liées au prix du pétrole ou aux taux d'intérêt. On ne peut nous reprocher de nous laisser anesthésier par des taux d'intérêt bas : nous avons retenu des hypothèses très prudentes : celle de taux à 2,4 % alors qu'ils sont aujourd'hui inférieurs à 1 %. La facilité aurait été de prévoir 1 % ; nous préférons nous préparer pour le cas de hausses brutales. De là des gains que vous appelez les économies de constatation.

Finalement, je n'ai entendu aucune objection de fond contre cette loi de finances rectificative. C'est la seule que nous vous présentons cette année alors qu'en trois ans la majorité précédente avait pris pas moins de onze lois de finances rectificatives.

« La crise de 2008 n'explique pas tout » ? Nous aussi, nous avons dû faire face à de graves crises de sécurité.

Rendez-vous pour la discussion des quelque 300 amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Elle aura lieu demain matin.