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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Saisine du Conseil constitutionnel

CMP (Demande de constitution)

Engagement de la procédure accélérée

Décision du Conseil constitutionnel

Question prioritaire de constitutionnalité

Dépôt de documents

Liberté de création, architecture et patrimoine (Suite)

Explications de vote

M. Robert Navarro

Mme Mireille Jouve

Mme Colette Mélot

M. Philippe Bonnecarrère

M. Patrick Abate

M. David Assouline

Mme Marie-Christine Blandin

Scrutin public solennel sur le projet de loi

Intervention du Gouvernement

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

Questions d'actualité

Projet de loi travail (I)

Mme Annie David

M. Manuel Valls, Premier ministre

Prise en charge du RSA par l'État

M. Pierre Camani

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique agricole commune et zones intermédiaires

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Tafta et agriculture

M. Alain Vasselle

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Essais cliniques

M. Gilbert Barbier

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Statut de la Chine au sein de l'OMC

M. André Gattolin

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Allocation personnalisée d'autonomie (APA)

Mme Catherine Génisson

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Projet de loi Travail (II)

M. Alain Houpert

M. Manuel Valls, Premier ministre

Insécurité à Mayotte

M. Abdourahamane Soilihi

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Loi Macron

Mme Nicole Bricq

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Situation des salariés rémunérés par le CESU en cas d'arrêt pour maladie (Question orale avec débat)

M. Jean Desessard

M. Philippe Esnol

Mme Pascale Gruny

M. Olivier Cigolotti

M. Dominique Watrin

Mme Anne Emery-Dumas

M. Cyril Pellevat

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

M. Jean Desessard

Accueil des réfugiés

M. François-Noël Buffet, au nom du groupe Les Républicains

M. Jean-François Rapin

Mme Valérie Létard

M. Christian Favier

M. Jean-Yves Leconte

Mme Esther Benbassa

M. Stéphane Ravier

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Jacques Bigot

M. Philippe Bas

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Ordre du jour du mercredi 2 mars 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 1er mars 2016

70e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, Mme Valérie Létard, M. Jackie Pierre.

La séance est ouverte à 15 h 15.

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 18 février 2016, publié sur le site internet du Sénat, est adopté.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu'il a été saisi le 19 février 2016, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative au droit des étrangers en France.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - J'ai reçu de M. le Premier ministre les demandes de constitution de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l'outre-mer dans son environnement régional, déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 22 juillet 2015.

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 19 février 2016, quatre décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la répartition des sièges de conseillers communautaires entre les communes membres de la métropole d'Aix-Marseille-Provence (n°2015-521/528 QPC) ; l'allocation de reconnaissance III (n°2015-522 QPC) ; la police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l'état d'urgence (n°2016-535 QPC) ; les perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence (n°2016-536 QPC).

Question prioritaire de constitutionnalité

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 février, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 145 4 et 715 du code de procédure pénale et les articles 35 et 39 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire (Personnes détenues : droit de visite, vie familiale et recours effectif) (2016-543 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Dépôt de documents

M. le président.  - J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi n°2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ; le rapport sur l'éligibilité à l'aide à l'équipement des foyers dégrevés de la contribution à l'audiovisuel public et ne recevant les services de télévision en clair que par la voie satellitaire sans abonnement ; la contre-expertise de l'évaluation socio-économique du projet de contournement Est de Rouen-liaison A28-A13, accompagnée de l'avis du commissariat général à l'investissement ; la contre-expertise de l'évaluation socio-économique du projet de ligne 15 Est du « Grand Paris Express », accompagnée de l'avis du commissariat général à l'investissement.

Acte est donné du dépôt de ces documents qui ont été transmis à la commission des lois pour le premier, à celles de la culture, des affaires économiques et du développement durable pour le deuxième et à celles des finances, des affaires économiques et du développement durable pour les deux derniers.

Liberté de création, architecture et patrimoine (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

Explications de vote

M. Robert Navarro .  - Dans ce texte, comme dans tous ceux qui touchent à des sujets très divers, il y a du bon et du mauvais. Je soulignerai ces points positifs puisque je le voterai.

Pas un seul article dans le projet de loi gouvernemental sur le patrimoine immatériel. Je viens d'un territoire où il se vit pourtant au quotidien : la langue occitane, la gastronomie, la corrida, les joutes sétoises ou encore le poulain de Pézenas. Ce qui est vrai dans l'Hérault l'est dans toute la France. Il y a de quoi se réjouir que le Sénat l'ait introduit dans le texte. La France respectera ainsi la Convention du 17 octobre 2003 de l'Unesco.

Nous avons trouvé un point d'équilibre sur le sujet hautement sensible des éoliennes : l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France sur les installations visibles depuis un espace protégé participera de leur acceptation par les habitants.

Autre point positif, le renforcement du mécénat dans nos territoires : les collectivités pourront autoriser les entreprises à déduire de leur cotisation foncière une fraction de leurs dons à des actions culturelles.

Reste une question que le Sénat n'a pas su régler : la taxation de l'informatique dans le nuage. Passons sur le pataquès de la suppression de la copie privée sur les stockages classiques. Étendre la redevance pour copie privée ruinerait le cloud français. Les scandales sur la protection des données personnelles aux États-Unis constituent un moment favorable pour renforcer nos entreprises. Si la loi peut taxer les services français, les services informatiques peuvent être rendus partout. Comme les nuages de Tchernobyl, ils ne s'arrêtent pas à la frontière : cessons de croire que nous pourrions l'y arrêter.

Mme Mireille Jouve .  - Un an après l'assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo et les saccages de l'oeuvre d'Anish Kapoor, un mois après l'agression de Combo, l'auteur de CoeXisT, ce projet de loi est l'occasion de clamer haut et fort notre attachement à la liberté de création.

Nos politiques culturelles doivent garantir la diversité de la création, veiller au respect de la liberté de diffusion et élargir l'accès à l'art dans les territoires et auprès des publics qui en sont éloignés - entre autres, les jeunes et les handicapés.

Le groupe RDSE, pour défendre l'exception culturelle française, a fait voter un amendement supprimant la possibilité pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'accorder une dérogation aux seuils en matière de diffusion de titres francophones des radios. Notre volonté d'inscrire dans la loi la notion de politique de service public en faveur de la création artistique n'a malheureusement pas trouvé un écho favorable.

Le texte fixe des règles de partage et de transparence des rémunérations dans le secteur culturel. Nous les avons renforcées avec un amendement rendant public les bénéficiaires des aides accordées au titre des 25 % de la rémunération pour copie privée.

Toutefois, le groupe RDSE regrette la mise en place obligatoire des commissions culture dans les conférences territoriales de l'administration publique aux dépens de la souplesse.

À titre personnel, je déplore les dispositions relatives à l'archéologie préventive. Le rapport de Martine Faure soulignait que les dysfonctionnements actuels sont liés à l'absence d'outils de régulation efficaces. Il aurait fallu entériner la distinction entre l'Inrap et les services archéologiques des collectivités territoriales d'une part et les acteurs privés d'autre part. Notre commission a préféré consacrer les acteurs privés qui bénéficient du crédit impôt recherche, elle qui entend pourtant lutter contre la concurrence déloyale.

La réforme des abords des 43 000 monuments historiques emporte notre soutien : seul l'État peut garantir la protection du patrimoine au-delà des intérêts locaux. Idem pour le nouveau régime des sites patrimoniaux protégés, même si nous aurions apprécié une appellation plus attractive.

Les collectivités territoriales ne doivent pas être laissées en première ligne. Fort heureusement, les plans de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, soumis à l'avis de la commission régionale et à l'approbation du préfet, ont remplacé les PLU patrimoniaux. Nous nous réjouissons, en outre, que la commission régionale du patrimoine et de l'architecture soit présidée par un élu.

Sur l'architecture, les avis sont partagés au sein de mon groupe.

Pour ma part, je crois bon de susciter un désir d'architecture. Rendre le recours à l'architecte presque banal favorisera des constructions plus harmonieuses. Notre amendement rendant obligatoire l'affichage du nom de l'auteur du projet architectural en même temps que l'affichage des autorisations d'urbanisme sur le terrain préviendra certaines dérives sans engendrer de coûts. Le rétablissement du seuil de recours obligatoire à l'architecte en dessous de 150 m2 pour les particuliers est une bonne chose eu égard à la complexité actuelle des modes de calcul. La version médiane que nous avons trouvée pour les lotissements répondra bien à l'exigence de qualité architecturale qu'aux préoccupations de certains professionnels qui craignaient d'être marginalisés.

Le groupe RDSE votera ce texte à l'unanimité mais je resterai vigilante sur l'archéologie préventive. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Grâce au travail approfondi et minutieux de nos rapporteurs, nous pouvons adopter ce texte, dont le parcours fut chaotique, dans la sérénité.

Le Sénat lui a apporté une véritable valeur ajoutée. Le rapporteur Leleux a apporté des améliorations sur le mécénat, le médiateur de la musique, l'enseignement artistique et les conservatoires. Il a supprimé l'extension aux webradios du régime de licence légale que les députés avaient adopté sans étude d'impact. Il s'est montré attentif aux demandes des musées et des fondations sur les droits légués. Nous avons étoffé le sujet de la rémunération pour copie privée, soulevé par l'Assemblée nationale, afin de prendre en compte l'essor du numérique et de garantir une juste rémunération des photographes et des plasticiens.

Notre rapporteur a osé poser une question sur laquelle le texte demeurait muet : les ressources des chaînes de télévision. Elles sont minées par la diminution des abonnements et des recettes publicitaires. La dynamique que nous avons enclenchée n'a plus qu'à être poursuivie.

Sur l'architecture, le Sénat a privilégié une approche pluridisciplinaire sur les projets de lotissement. D'une manière générale, la recherche de la qualité architecturale doit s'accompagner d'une maîtrise des coûts en ces temps où collectivités et particuliers sont durement éprouvés par la crise.

Plutôt que de rejeter la périlleuse réforme du patrimoine, nos rapporteurs ont cherché à l'amender en ayant constamment à l'esprit la protection du patrimoine et des collectivités territoriales. Représentants des territoires, nous avons préféré les « sites patrimoniaux protégés » aux « cités historiques » et garantit une unité de protection du patrimoine en refusant le PLU patrimonial et en renforçant le rôle de la nouvelle commission nationale du patrimoine et de l'architecture ainsi que celui de l'Etat.

En matière d'archéologie préventive, nous avons évité la mise à l'écart des acteurs privés au profit de l'Inrap. L'objectif de qualité scientifique des fouilles, louable, ne doit pas nous conduire à priver les aménageurs de leur capacité à choisir entre opérateurs publics et privés. Le débat se poursuivra en deuxième lecture.

Ce texte, qui devait porter l'ambition du président Hollande pour la culture, succède à trois années de baisse des dotations aux collectivités territoriales.

M. Alain Gournac.  - Très bien !

Mme Colette Mélot.  - C'est d'abord un texte d'affichage. (Marques d'approbation à droite.)

M. François Bonhomme.  - En effet !

Mme Colette Mélot.  - Néanmoins, le groupe Les Républicains le votera pour ne pas laisser les professionnels plus longtemps dans l'attente et marquer son attachement à la protection du patrimoine. (Vifs applaudissements à droite.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements au centre.) Ce texte est paradoxal. Il se voulait une grande loi culturelle, il déroule des mesures techniques. Il brandit le grand principe de la liberté de création à l'article premier pour l'affaiblir par un article 2 qui multiplie les objectifs de la politique culturelle sans les hiérarchiser. Il se voulait décentralisateur mais prend le chemin inverse...

Trop large, sans colonne vertébrale, ce texte montre que la technique ne peut pas tout. C'est son péché originel : il manque d'une vision de la culture en 2016.

Où est donc la lueur d'espoir ? Dans le travail de la présidente de la commission, des rapporteurs, du Sénat tout entier en séance et, madame la ministre, dans votre esprit d'ouverture et vos appels répétés à poursuivre la coopération en deuxième lecture.

Le groupe UDI-UC, par ses valeurs, par la diversité des femmes et des hommes qui l'animent, accorde beaucoup d'importance à un projet culturel pour la France. Nous voterons donc ce texte.

S'il ne nous appartient pas de juger si le remaniement ministériel a été une réussite, nous serons attentifs, madame la ministre, à votre attitude à l'avenir, que nous espérons conforme à celle que vous avez eue pendant cette discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Patrick Abate .  - Après un examen éprouvant, voici le vote. Dans son intervention en discussion générale, M. Pierre Laurent avait lancé un appel à l'audace. C'était bien le moins pour ce texte attendu par le monde de la culture. Malheureusement, son appel n'a pas été suivi d'effets.

Sur l'archéologie préventive, le droit des artistes et l'architecture, ce texte était perfectible. Le groupe CRC a fait son possible : seulement cinq de ses amendements ont été retenus sur cent. Le Gouvernement est resté au milieu du gué. Exit la modification du 1 %, les dispositions sur les webradios, le CIR, les concours d'architecture... Bienvenue, en revanche, à la ségrégation de certains artistes, à l'incitation au travail clandestin des amateurs, à la concentration des industries culturelles...

Le Sénat a littéralement réécrit l'article 20 pour ouvrir grand les vannes de l'archéologie préventive aux opérateurs privés, faisant fi de leurs pratiques douteuses confinant au dumping social...

Autre élément révélateur : le sort réservé au médiateur de la musique. Au nom du sacro-saint principe de respect du secret des affaires, il a été réduit à un fantoche sans âme.

Les déclarations de bonnes intentions sur l'exception culturelle, la diversité, la production indépendante n'ont pas résisté à l'épreuve de l'élaboration de la loi.

Un dernier mot sur les architectes des bâtiments de France. Élus locaux, nous avons tous eu maille à partir avec l'un d'entre eux un peu tatillon (Marques de surprise et d'approbation au centre et à droite). Il n'est pas juste de mener contre eux une bataille à peine dissimulée. Ces 120 personnes qui ont à leur charge la protection de 44 000 monuments se sont montrés très utiles ! (M. Alain Fouché en doute.) Nous regrettons que tous nos amendements pour faciliter leur dialogue avec les élus locaux aient été supprimés.

Nous aurions pu défricher ensemble un chemin étroit entre l'individu consommateur, jamais assez flatté, et l'individu créateur, jamais assez bon marché ; le chemin qui mène à l'individu citoyen qui s'émancipe, apprend et développe son esprit critique. Plus concrètement, il aurait fallu prendre le parti d'un service public de la culture et des arts renforcés défendant les créateurs, protégeant le patrimoine et promouvant le bien-vivre ensemble. (Marques d'ironie à droite) Cela exigerait des moyens.

Nous comptons sur la navette pour rétablir les équilibres mis à mal au Sénat. Pour l'heure, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et marques d'ironie à droite)

M. David Assouline .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Le débat a été riche et constructif. Cette loi était très attendue dans une France marquée par les attaques terroristes, la remise en cause de la laïcité et la fragilisation du tissu social par le chômage de masse. Notre culture, dans ce qu'elle a de plus magnifique, dans ses valeurs universelles qui ont infusé à travers les siècles et les territoires, est la première cible des terroristes, des extrémistes et des intolérants. Mais elle est aussi le premier antidote à la barbarie et à la haine. Rendons-lui sa force de protestation, d'utopie, de communion et de joie. (Marques d'ironie à droite.) La culture n'est pas un supplément d'âme, c'est notre âme ! Nous pouvons redonner du sens à la politique grâce à la culture, par elle.

Grace à vous, madame la ministre, ce texte affirme nettement la place de la culture et de l'art dans notre République, protège notre patrimoine et prend pleinement le virage du numérique. La libre création et la libre programmation des oeuvres et spectacles sont un bien commun de la nation.

À cet article premier, ambitieux, nous sommes fiers d'avoir adjoint un article premier bis qui affirme la liberté de diffusion. Dans une économie menacée par la concentration et l'uniformisation, la diffusion de la création est de moins en moins diverse, quel que soit le secteur considéré. Face à ce risque de négation de la création, il nous faut plus que jamais protéger la diversité. Nous avons fait adopter 44 amendements constituant autant d'avancées sur la protection du spectacle vivant, les écoles d'architecture ou encore la possibilité pour les EPCI de subventionner les petites salles de cinéma.

Malheureusement, le Sénat a fait marche arrière sur l'archéologie préventive, cédant à une conception libérale de ce secteur. C'est pourquoi nous nous abstiendrons (On feint de s'en étonner à droite) en espérant que notre vote pourra être favorable en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Ce projet de loi a été marqué par des contrastes saisissants entre le bon bilan de nos discussions et la maltraitance de l'ordre du jour. (Approbations sur plusieurs bancs)

Nos rapporteurs se sont montrés attentifs, même si les avis sont demeurés divergents sur des points sensibles. Vous-même, madame la ministre, avez sans délai maîtrisé la mécanique des amendements et fait preuve d'ouverture. L'échange et la pédagogie ont été de mise.

Cependant, jamais un texte n'aura été si malmené : cinq coupures ont haché nos échanges, sans parler de la fin de mission signifiée à Fleur Pellerin...

Sur le fond, ce texte est aussi plein de contrastes. Nous saluons les avancées sur les oeuvres confisquées pendant la guerre, sujet exhumé par Corinne Bouchoux ainsi que sur les droits des photographes.

L'agrément du ministère de la culture sur les directeurs des structures labellisés, entorse au principe de la libre administration des collectivités territoriales, a été retiré, nous nous en réjouissons.

En revanche, de vieux relents anti-éolienne ont ressurgi à propos de la protection du patrimoine que nous défendons tous ici. Et de détricoter les lois biodiversité et transition énergétique.

M. Jean Bizet.  - Vous tuez les oiseaux ! Vous saccagez le paysage !

Mme Marie-Christine Blandin.  - En l'état, le texte sonnerait le glas de la filière éolienne.

Au nom des moulins à eau, que personne ne veut détruire, vous bousculez les médiations en cours que M. Jérôme Bignon soutient pourtant. J'espère que la navette apportera plus de nuances au débat... Le bien commun ne se scinde pas : nous pouvons défendre les roues à aube et la qualité piscicole des rivières, le paysage et la part renouvelable dans l'énergie.

Pour l'audiovisuel public, nous apprécions que soit réévaluée la part pertinente de production interne et mis au débat de meilleurs retours financiers aux chaînes contributives des productions externes mais le retour de balancier ne doit pas à l'inverse condamner la diversité des créateurs.

Nous nous félicitions de la reconnaissance apportée aux activités des architectes paysagistes qui entendaient il y a peu encore leurs oreilles siffler ici même.

Le dépôt légal des livres numériques améliorera la protection des auteurs et de leur travail.

Grâce au Parlement, le texte se dégage désormais du dialogue étroit entre le ministère et certaines professions dans lequel il était initialement enfermé. La culture est d'abord l'affaire des habitants ; c'est elle qui leur donne le goût des autres et la capacité de faire humanité. Mais compte tenu des coups de canif que le texte a subi, nous le laisserons poursuivre la navette sans lui apporter notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; M. David Assouline applaudit également)

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance reprend à 16 h 30.

Scrutin public solennel sur le projet de loi

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n° 170 sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 204
Pour l'adoption 174
Contre 30

Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la création, à l'architecture et au patrimoine.

Intervention du Gouvernement

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication .  - Je remercie chaleureusement la présidente Catherine Morin-Desailly, les rapporteurs et tous les participants à nos débats, très constructifs. Merci pour l'accueil chaleureux que vous m'avez réservé.

Le projet de loi a été fort enrichi par la Haute Assemblée : le principe de la liberté de création, « pépite brillante » selon M. Leleux, a été affirmé. Cette liberté de créer s'inscrit dans un corpus juridique qui punit aussi l'incitation à la haine et à la violence pour lutter contre le rétrécissement des possibles et de l'imaginaire. L'articulation entre l'État et les collectivités territoriales dans les politiques culturelles sera approfondi au cours de la navette.

Autres acquis : les conditions d'emploi des artistes du spectacle vivant ou la protection des abords des monuments historiques et celles des espaces protégés.

Nos débats ont démontré l'attachement de notre pays à l'architecture, les amendements Robert et Assouline constituent des avancées utiles.

D'autres dispositions ont suscité des désaccords. Sur l'archéologie préventive en particulier, souhaitons qu'un consensus soit trouvé d'ici à la deuxième lecture.

Si le budget de la culture a été mis à contribution en début du mandat, je suis fière de mettre en oeuvre un budget en hausse de 2,7 % cette année.

Le débat se poursuivra d'ici au 21 mars, date fixée ce matin par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale ; continuons d'oeuvrer ensemble pour enrichir ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance suspendue à 16 h 40, reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Comme la dernière fois, au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Projet de loi travail (I)

Mme Annie David .  - M. le Premier ministre, vous avez annoncé le report de deux semaines de la présentation du projet de loi travail au Conseil des ministres. C'est son retrait que nous demandons, comme le font les 850 000 signataires de la pétition « Loi Travail, non merci ! », les syndicats, les mouvements de jeunes, de nombreuses personnalités d'une gauche progressiste et sociale.

Après la loi Macron, vous détricotez les droits des salariés : 60 heures de travail hebdomadaire, hiérarchie des normes bouleversées, fractionnement des temps de repos. Écoutez vos concitoyens, leurs souffrances. Écoutez nos jeunes qui décrivent derrière le hashtag #OnVautMieuxQueCa ce que la précarité leur fait subir. Écoutez-les ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Un projet de loi a été préparé par le ministre du travail. Le texte en a été transmis au Conseil d'État. Il devait être présenté en Conseil des ministres le 9 mars. Nous avons considéré que nous pourrions nous donner quelques jours supplémentaires pour le parfaire. Je recevrai de façon bilatérale les organisations patronales et syndicales la semaine prochaine ; puis, en séance plénière, je leur communiquerai à toutes le résultat d'ensemble de ces entretiens. Cela fera l'objet d'une lettre rectificative au Conseil d'État de sorte que le texte soit adopté en Conseil des ministres le 24 mars. Les imperfections seront corrigées, de manière à lever certaines incompréhensions, à dénoncer les inexactitudes qui ont pu être colportées. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sera saisie début avril afin que les députés puissent se prononcer en séance publique après les vacances parlementaires d'avril.

Le dialogue avec les partenaires sociaux est ouvert sur ce texte, qui procède de déjà très longues réflexions, après les lois Macron et Rebsamen, le rapport Combrexelle, le rapport Badinter, le vote du principe du compte personnalisé d'activité... Des avancées sur la médecine du travail, le détachement, ont déjà été rendues possibles. Il faut continuer à réformer pour donner plus de liberté et de souplesse aux entreprises, qui hésitent à embaucher à cause de la rigidité des procédures prud'homales.

Assez de caricatures sur le retour au XIXe siècle, il s'agit d'améliorer le fonctionnement du marché du travail : plus de liberté pour les entrepreneurs, plus de protection pour les salariés, dans un monde qui, au-delà de l'ubérisation, a beaucoup changé. Pas de retrait donc, mais des améliorations.

Redonner de l'espoir à tous, c'est le sens de ce projet de loi, dont le pays a besoin, et que je mènerai par conséquent à son terme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du RDSE et au centre)

Mme Annie David.  - Pourquoi n'avoir pas commencé par la concertation ? Oui, le code du travail a besoin d?être modernisé, ne serait-ce que du fait de la révolution numérique, mais pas au seul bénéfice des actionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur quelques bancs socialistes)

Prise en charge du RSA par l'État

M. Pierre Camani .  - Le RSA, fils du RMI de M. Rocard, contribue à accompagner les exclus dans leur parcours d'insertion. Il ne souffre aucune inégalité. Confié aux départements en 2004, son coût n'a jamais été intégralement compensé par l'État. Le département que je préside est ainsi dans l'impasse budgétaire malgré des ratios de gestion positifs. En effet, la progression du RSA est responsable d'une forte croissance de notre reste à charge : de 2 millions d'euros en 2008, il est passé à 22 millions d'euros en 2015 sur une dépense totale de 52,7 millions. Malgré les mesures de 2013, la dégradation s'accélère.

Les annonces de recentralisation du Premier ministre de jeudi dernier sont un signe encourageant.

Voix à droite - On verra le résultat !

M. Pierre Camani.  - Quid de la péréquation (Exclamations à droite) dans la mise en oeuvre de cette réforme ?

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Le 22 juillet dernier, j'avais annoncé la mise en place d'un groupe de travail avec l'ADF qui a proposé la recentralisation du RSA.

Nous devons éviter les polémiques qui tendent à faire croire que les chômeurs seraient responsables de cette situation financière du RSA. Le Gouvernement réaffirme avec force que la solidarité est l'essence même du pacte républicain. Nous avons d'ailleurs revalorisé de 10 % sur cinq ans le RSA pour garantir la dignité de nos concitoyens les plus pauvres et la fusion avec la prime pour l'emploi a amélioré l'incitation à la reprise d'activité. Christophe Sirugue doit rédiger une étude sur la revalorisation des minimas sociaux.

Nous proposons aux départements que l'État reprenne à sa charge le RSA, développant la péréquation horizontale. L'État prendrait à sa charge l'intégralité de la croissance des dépenses entre 2016 et 2017. En contrepartie, le département augmenterait ses efforts sur l'insertion. Si l'ADF approuve cette piste, le Gouvernement continuera, attentif aux échanges, à chercher une réponse pour ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Politique agricole commune et zones intermédiaires

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La France a fait le choix de faire converger les aides en versant une dotation complémentaire progressive en fonction de la taille de l'exploitation.

Cette réforme a des conséquences désastreuses pour les zones agricoles intermédiaires à faible production situées dans un croissant qui va de la Lorraine au Poitou. Les aides de la PAC y étant déjà inférieures - moins 26 euros par hectare pour la grande culture ou 49 euros à l'hectare pour l'élevage bovin. Ce système unique en Europe aggrave les inégalités. Sera-t-elle revue ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser M. Le Foll, actuellement au salon de l'agriculture (Exclamations ironiques à droite)

Les zones intermédiaires doivent être aidées. La réforme de la PAC a majoré l'aide aux premiers hectares, de manière progressive. M. Le Foll a obtenu de l'Union européenne que les exploitations agricoles puissent s'organiser de manière sociétaire. Dans ces zones de polyculture, l'élevage est en danger et devra être aidé. En Lorraine, une expérimentation est en cours. M. Le Foll a plaidé auprès de l'Union européenne pour des mesures agro-environnementales adaptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Anne-Catherine Loisier.  - La profession attend encore le bilan à mi-parcours de ce dispositif européen dont on mesure aujourd'hui les effets désastreux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Tafta et agriculture

M. Alain Vasselle .  - Ma question s'adressait à M. Le Foll... Monsieur le secrétaire d'État Fekl, je ne sais si vous étiez au salon de l'agriculture ce week-end, vous y auriez constaté l'inquiétude des agriculteurs, liée notamment au Tafta en cours de négociation. L'agriculture ne saurait être la variable d'ajustement de ces négociations. D'où la résolution de Mme Primas, adoptée par la commission des affaires économiques le 16 décembre, et la proposition de loi de M. Lenoir restée sans suite.

Que fait le Gouvernement pour répondre à l'appel au secours de toute une profession ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Merci pour votre question. Le sujet est fondamental et je sais pour avoir été auditionné à de nombreuses reprises par les organes de votre Haute Assemblée que vous y avez travaillé en profondeur.

Avec M. Le Foll, fidèles à notre diplomatie des terroirs, nous sommes attentifs à la reconnaissance de nos appellations géographiques, vins, productions laitières, charcutières, ainsi qu'à notre modèle alimentaire, car nous ne voulons en aucun cas voir arriver dans nos assiettes du poulet chloré ou du boeuf aux hormones. (Applaudissements à gauche)

Nous sommes aussi attentifs à ce que nos marchés et nos filières ne soient pas déstabilisés. Je vous le dis avec fermeté. Il n'y aura pas d'accord si nous n'obtenons pas gain de cause sur ces points. (Applaudissements à gauche ainsi que sur plusieurs bancs à droite et au centre)

M. Alain Vasselle.  - Mais serez-vous seulement soutenu par nos partenaires européens ?

Essais cliniques

M. Gilbert Barbier .  - En janvier dernier, un patient est mort et cinq autres ont été hospitalisés suite à un essai clinique, laissant apparaître des failles : le laboratoire n'a pas suffisamment pris en compte l'état de santé du premier patient avant de poursuivre ses tests et a tardé à informer les pouvoirs publics des conséquences de ceux-ci - plus de quatre jours ! L'ANSM semble se retrancher derrière le secret médical. Madame la ministre, pouvez-vous éclaircir les zones d'ombre et détailler des mesures pour qu'un tel accident ne se reproduise plus ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Cet accident gravissime nous oblige à une transparence complète. C'est pourquoi, outre l'enquête judiciaire, deux enquêtes administratives ont été lancées, sous l'égide de l'ANSM et de l'Igas.

D'après son rapport d'étape, l'Igas ne trouve pas d'explication au décès, mais fait état de manquements graves de la part du centre de tests. J'ai, par conséquent, pris une instruction demandant aux ARS de rappeler à tous les centres leurs obligations d'information. L'ANSM a réuni un comité d'experts, selon lequel les essais précliniques répondaient aux normes en vigueur.

Toute la vérité doit être connue ; je tiendrai cet engagement.

M. Gilbert Barbier.  - L'isoméride, le sang contaminé, Diane 35, la dépakine, tous ces scandales amènent nos concitoyens à douter de l'action des pouvoirs publics. Avec Yves Daudigny, nous cherchons à y voir plus clair... mais nos concitoyens ont besoin de plus de transparence.

Statut de la Chine au sein de l'OMC

M. André Gattolin .  - La Chine déverse à prix cassé des millions de tonnes d'acier, déséquilibrant le marché. Parallèlement, elle réclame le statut d'économie de marché pour éviter les législations anti-dumping. La Commission européenne qui mène, seule, les négociations a un discours très prudent tandis que les États membres font preuve d'un silence étonnant pour éviter les mesures de rétorsion.

Porterez-vous l'inscription de ce sujet lors du prochain Conseil européen ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologistes et communiste républicain et citoyen)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Vous avez raison : la transparence est indispensable. La Chine a adhéré à l'OMC en 2001 et réclame aujourd'hui de passer du statut d'économie en transition à celui d'économie des marchés.

Comme vous le souhaitez, la France a demandé des études d'impact sur les effets de la suppression des législations anti-dumping. La France réclame le respect du principe de réciprocité et porte cette problématique au niveau européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

M. André Gattolin.  - Selon la Commission européenne, entre 73 000 et 188 000 emplois seraient menacés ; ils seraient vingt fois plus, selon une étude américaine...

Allocation personnalisée d'autonomie (APA)

Mme Catherine Génisson .  - La loi d'adaptation au vieillissement du 28 décembre 2015 est une grande loi, qui a rassemblé largement, grâce aux deux rapporteurs, MM. Labazée et Roche. Elle réforme notamment l'APA, pour que les personnes âgées puissent rester dans leur cadre de vie habituel, et en modifie le calcul en conséquence. Les plafonds nationaux des plans d'aide et barèmes seront ainsi modifiés, pour tenir compte des projets de vie des bénéficiaires et faciliter le travail des aidants. Les dispositions entrent en vigueur ce jour-même. Pouvez-vous nous éclairer sur les textes d'application que vous comptez prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - L'application de la loi sur le vieillissement devant se faire avant le1er juillet 2016, le décret a été pris ce dimanche même. Cette loi est une avancée. Auparavant l'importance du reste à charge conduisait de nombreuses personnes à renoncer à l'APA.

Les améliorations apportées exonèrent de participation financière les personnes ayant moins de 800 euros de revenu et 600 000 bénéficiaires de l'APA verront leur revenu augmenter. L'État finance entièrement, soit pour 375 millions d'euros, la revalorisation de l'APA.

Le décret facilite en outre le quotidien des personnes âgées et de leurs aidants. Nous sommes ainsi au rendez-vous du défi démographique et humain qui nous est posé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Projet de loi Travail (II)

M. Alain Houpert .  - La situation économique de notre pays nous place dans les quatre plus mauvais pays européens. Vous témoigniez, avec votre projet de loi, d'une vraie prise de conscience, reconnaissant l'erreur des 35 heures. La promesse que vous faisiez, il y a peu, sur les ondes d'aller jusqu'au bout, n'aura duré que quatre jours. La gauche conservatrice et les syndicats l'ont emporté.

L'un de vos ministres interrogé ce week-end par le Journal du Dimanche disait que « La France a l'habitude de projets lancés sur des enjeux réels, mais qui, mal emmanchés, finissent dans la crispation et l'omerta politique. »

Assisterons-nous à une reculade de plus, consistant à annoncer une réforme que vous prendrez soin, d'abord, de vider de son contenu ? Si la loi Macron se résume à trois bus, deux dimanches et une attaque en règle contre les notaires, la loi El Khomry se résumera-t-elle à un compte twitter ? (Applaudissements à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Je vois que vous lisez les journaux ! Vous pouvez dire que la citation que vous faites est d'Emmanuel Macron. Il a eu raison d'insister sur le fait que nous n'avons pas tout essayé. Le chômage touche 3,5 millions de personnes, soit 10 % de la population active. Il frappe 24 % des jeunes. Sa durée moyenne, qui ne cesse d'augmenter, est aujourd'hui de 540 jours. Cela fait trente ans que le chômage est supérieur à 8 %. Plutôt que de s'accuser les uns les autres, il faut agir.

Le différentiel avec l'Allemagne s'est joué sur la compétitivité prix, d'où les recommandations du rapport Gallois. Puis la formation et l'apprentissage. Nous répondons enfin sur la souplesse du marché du travail qu'attendent toutes les entreprises, y compris les petites - qui n'ont pas d'actionnaires, madame David ! Le texte comporte aussi de nouvelles garanties pour les salariés, tel le compte personnel d'activité.

Vous parlez de reculade alors que je ne fais que me donner quelques jours de plus pour le passage en conseil des ministres, respectant à quelques jours près le calendrier parlementaire !

Ceux qui demandent le retrait et ceux qui se réjouissaient d'une reculade montrent bien l'étendue des conservatismes.

Monsieur le sénateur, jugez le texte qui sortira du conseil des ministres, ne vous en tenez pas à des bruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Houpert.  - Vous faites ainsi l'aveu de l'échec de votre politique. (Sa voix est couverte par le brouhaha à gauche)

Insécurité à Mayotte

M. Abdourahamane Soilihi .  - Il ne se passe pas un jour à Mayotte sans acte de violence.

Un collectif de citoyens indignés s'est créé et vous a adressé une pétition. Les Mahorais réclament des mesures d'urgence. Depuis 2014, l'insécurité explose : les agressions physiques ont augmenté de 50 % ! Un sous-préfet a même été cambriolé récemment ! (Murmures) Les forces de police manquent de moyens. Le sentiment d'insécurité se développe.

Que compte faire le Gouvernement pour rétablir l'ordre ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le Gouvernement est conscient du niveau de la délinquance à Mayotte : une mission conjointe de l'inspection générale de la police et de celle de la gendarmerie est en cours pour évaluer l'organisation des forces de sécurité, l'implication des collectivités territoriales dans la prévention, notamment de la délinquance des mineurs, et les moyens humains et matériels. Le rapport sera remis dans quelques jours et servira de base à l'action du Gouvernement.

M. Cazeneuve a déjà annoncé la création d'un peloton d'intervention de trente gendarmes, qui sera déployé dès cet été à Mayotte.

M. Abdourahamane Soilihi.  - De rapports d'inspection en annonces, les habitants ne voient pas les effets de l'action du Gouvernement. Je demande un effort particulier pour démanteler des réseaux et traduire les criminels en justice. (Applaudissements à droite)

Loi Macron

Mme Nicole Bricq .  - Monsieur Macron, vous portez un intérêt particulier à l'application de la loi qui porte votre nom, et avez rencontré à cette fin, ce matin, les commissions spéciales chargées du suivi de l'application des mesures qu'elle contient. Ma question porte sur les professions réglementées. Vous nous avez dit avoir un gros document à votre disposition sur ce point : faites savoir son contenu aux Français !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Question spontanée ! (On ironise à droite)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - Tous les parlementaires le recevront. 60 % des mesures étaient d'application directe, 40 % nécessitent un décret ; 75 des 85 décrets ont été pris ou le seront avant fin mars. Les dix autres ont été différés car dépendent d'autres ministères, d'autres textes restant à prendre ou de l'avis de la Commission européenne.

Les tarifs des notaires n'avaient pas été modifiés depuis des lustres. La loi améliore leur transparence et ils baissent de 2,5 % pour les huissiers et les notaires. Les notaires pourront consentir une remise de 10 % de leurs tarifs pour les biens de plus de 150 000 euros ; leurs frais seront plafonnés à 10 % pour les petits biens, ce qui facilitera les transactions. Les choses devraient aussi être facilitées pour les édifices ruraux.

Nous restons vigilants sur la pérennité des offices. La libre installation, rendue possible par la détention de la carte ad hoc, sera effective en mai.

M. le président.  - Permettez-moi de vous indiquer que nous avons dépassé les 300 000 abonnés sur le site du Sénat. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 45.

Situation des salariés rémunérés par le CESU en cas d'arrêt pour maladie (Question orale avec débat)

M. Jean Desessard , auteur de la question.  - Le chèque emploi service, devenu CESU en 2006, a fêté ses vingt ans en décembre 2014. Le principe est simple et présente plusieurs avantages.

L'employeur peut adhérer et déclarer en ligne ses salariés. Le Centre national du chèque emploi service universel (CNCESU) effectue ensuite le calcul et le prélèvement des cotisations et adresse une attestation d'emploi au salarié qui dispense l'employeur d'établir une fiche de paie.

L'employeur bénéficie aussi d'un avantage fiscal de 6 000 euros par an, relevé à 20 000 euros pour les personnes invalides à plus de 80 %.

Le salarié, lui, est assuré de bénéficier d'une couverture collective ; il cotise pour l'assurance maladie ou retraite, l'assurance chômage, ce qui permet d'être couvert en toutes circonstances. Le CESU a ainsi non seulement simplifié les modalités d'emploi à domicile, mais aussi fait reculer la non-déclaration des salariés.

En 2014, 1 944 672 particuliers employeurs ont eu recours au CESU, employant 961 310 salariés, et 2,23 milliards d'euros de cotisations sociales ont été recouvrés à ce titre.

Reste que des améliorations peuvent y être apportées.

Lorsqu'un salarié « classique », qui travaille dans une entreprise privée, tombe malade, les démarches sont simples. Il récupère un arrêt de travail auprès de son médecin, il fournit les volets 1 et 2 à sa caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et le volet 3 à son employeur dans un délai de 48 heures. Celui-ci se charge ensuite d'envoyer une attestation de salaire à la CPAM qu'il télécharge en ligne.

Le salarié CESU, en revanche, qui est rémunéré par plusieurs employeurs différents - un jardinier ou un professeur à domicile peuvent en avoir une dizaine - doit s'assurer que chacun signe l'attestation de salaire, laquelle doit être téléchargée sur le site de l'assurance maladie, et la remettent à la CPAM ; si un seul document manque, les indemnités ne sont pas versées.

Or les employeurs à domicile peuvent être des personnes âgées, sans accès internet, ce qui rend les démarches difficiles. Cette situation est incompréhensible et désavantage très fortement les salariés rémunérés CESU par rapport aux salariés « classiques » du privé. À la précarité, aux horaires compliqués, aux soucis de déplacement, viennent ainsi s'ajouter des difficultés supplémentaires pour être indemnisés en cas de maladie et cela n'est pas acceptable.

Et pourtant, une solution simple existe, le dispositif du CESU collectant déjà toutes les informations en ligne, un échange d'informations entre celui-ci et les CPAM serait de bon sens, et participerait du choc de simplification voulu par le Gouvernement depuis 2012.

Voici les deux feuilles à remplir (L'orateur brandit des documents) qu'il suffirait de relier informatiquement, afin que tous les salariés puissent être traités sur un même pied d'égalité face à la maladie.

Vous le voyez, c'est simple. (Applaudissements)

M. Philippe Esnol .  - Le CESU, très simple, a formidablement rempli sa mission, cela a été dit justement par M. Desessard, mais un point reste à améliorer, qu'il a opportunément soulevé. Allons au bout de la logique, levons cet obstacle.

Cette multiplicité d'activités que l'on a regroupée sous la dénomination « services à la personne » a la particularité d'être dominée par la relation d'emploi direct, c'est-à-dire par l'existence de particuliers employeurs.

Les évolutions sociales et démographiques poussent la demande de ces « services à la personne » à la hausse. Les gouvernements successifs, percevant les opportunités d'emploi non délocalisables, ont ainsi soutenu le dispositif CESU, rendu toujours plus simple pour les employeurs, un peu moins pour les salariés.

En cas de maladie, cela a été dit, un seul document manquant empêche tout versement d'indemnité. C'est pourquoi le groupe RDSE soutient la piste proposée par M. Desessard. Il importe, madame la Secrétaire d'État, de lever cette dernière difficulté. Car la lutte contre le travail au noir et donc la protection des salariés étaient aussi, précisément, l'objet d'un tel dispositif. Le CESU devrait être pour les salariés l'assurance de bénéficier d'une couverture sociale : il est impératif de leur garantir les mêmes droits qu'aux autres et non des droits sociaux au rabais !

Mais le problème se situe peut-être ailleurs : force est de constater que « la révolution des services à la personne » annoncée n'a pas eu lieu. Depuis 2010, le fléchissement de la demande ne cesse de s'accentuer. En 2015, le nombre moyen d'heures déclarées par employeur mais aussi le nombre d'employeurs ont encore diminué. Seul le secteur des personnes âgées de 70 ans, qui sont aussi les dernières à bénéficier de l'exonération des cotisations patronales, est encore en croissance.

Il s?agit donc de solvabiliser la demande, alors que le pouvoir d'achat des ménages et que les finances des collectivités territoriales sont sous tension. L'augmentation du travail au noir est à craindre, de même que la fragilisation des salariés.

Le dispositif n'est en outre pas parvenu à faire des services à la personne un véritable métier, les confinant le plus souvent à la précarisation, au temps partiel subi, à l'éloignement de la formation. Pourtant les besoins restent immenses ! Incroyable mais vrai : alors que nous connaissons un taux de chômage record, les entreprises de services à la personne qui se sont développées ces dernières années peinent à recruter, faute de collaborateurs qualifiés !

Accélérer la mise en place de formations qualifiantes pour ces métiers serait un bon moyen de redynamiser le secteur. (Applaudissements au centre ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

Mme Pascale Gruny .  - Nos échanges offrent une formidable opportunité de progresser dans la simplification. Le CESU, dispositif résolument ambitieux dès l'origine, a été mis en place par le « plan Borloo » et la loi du 26 juillet 2005.

Le défi semble relevé puisque 10 ans après sa création, les services au domicile ne se sont jamais aussi bien portés.

Les facteurs explicatifs sont nombreux : nous vivons mieux, plus longtemps, l'économie de services et le travail féminin se sont développés, la demande de soutien à l'autonomie, à la dépendance, au handicap s'est accrue.

Le CESU illustre la croissance de la demande de services à domicile. Facilitant la contractualisation entre offreurs et demandeurs de services, il concerne 922 000 bénéficiaires et 720 000 salariés.

À sa façon, le CESU fixe un cadre clair et intelligible, sans oublier de délimiter les conditions d'exercice de l'activité.

Le problème a été clairement posé par la question de M. Desessard. Près de 400 000 employeurs de salariés utilisateurs du CESU sont en situation de dépendance, 223 000 ont une fragilité reconnue. Des ajustements doivent être apportés, car le versement d'indemnités maladie est rendu plus difficile que pour les salariés ordinaires, ce qui exige une intervention du législateur.

Comme pour la déclaration sociale nominative, qui voit le jour dans les entreprises, l'administration dispose des informations utiles à l'indemnisation des salariés employés par CESU en situation d'arrêt maladie.

Nous ne pouvons qu'abonder dans le sens de la simplification des procédures pour nos concitoyens et nos entreprises. (Applaudissements à droite)

M. Olivier Cigolotti .  - Mesure phare de la loi du 26 juillet 2005, le CESU existe sous deux formes : CESU préfinancé, très utilisé pour les services à la personne au domicile et la garde d'enfants hors domicile, et le CESU déclaratif, ex-CESU bancaire. Le CNCESU assurant la gestion du dispositif, les démarches des salariés, mais aussi celles des employeurs en sont facilitées.

Les atouts du chèque emploi service universel sont indéniables : facilité d'utilisation pour l'employeur, sécurité d'utilisation, larges possibilités de cofinancement et bien évidemment les nombreux avantages fiscaux et sociaux.

Néanmoins, comme le souligne notre collègue Jean Desessard, plusieurs éléments sont à améliorer pour faciliter les démarches du salarié notamment dans le cadre d'un arrêt de travail.

Un mot sur la médecine du travail : si le salarié à temps plein bénéficie d'une visite et de contrôles médicaux réguliers, ce n'est pas le cas du salarié à temps partiel. La plupart des employeurs ignorent même qu'ils sont tenus de prendre en charge la visite médicale d'embauche, et n'ayant pas souscrit de convention spécifique, ne s'estiment pas tenus, à tort, de participer au suivi médical de leurs employés, au détriment de la santé de ceux-ci.

En cas d'arrêt maladie de plus de trente jours, le salarié devra obtenir du médecin du travail l'autorisation de reprendre son activité. L'obtention des indemnités est bien plus complexe pour le salarié CESU que pour le salarié en CDD ou en CDI, alors que toutes les informations utiles sont disponibles sous format numérique.

Le code de la sécurité sociale prévoit pourtant que tout salarié en arrêt maladie perçoit des indemnités journalières. La situation des personnes employées par CESU doit impérativement être clarifiée.

Je regrette que les choses n'aient pas évolué aussi rapidement que nous aurions pu l'espérer, après la réponse faite à M. Desessard il y a un an par le Gouvernement, qui estimait sa proposition pertinente. Pourtant les services de l'assurance maladie et l'URSSAF devaient étudier la question !

En effet, le montant de l'indemnité journalière dépendant du salaire en cours et des trois derniers salaires, les salariés CESU ne sont pas ou peu indemnisés si leur arrêt de travail a lieu pendant leurs congés ou après ceux-ci, dans la mesure où ils ne perçoivent pas de rémunérations pendant leurs congés.

Ils seraient en outre bon de dissiper le flou juridique sur l'obligation - ou non - pour les particuliers employeurs de proposer une complémentaire santé à leurs salariés. Il ne semble pas que cela soit dans l'esprit de la loi, mais il importe de mieux communiquer à ce sujet (Applaudissements au centre ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

M. Dominique Watrin .  - M. Jean Desessard soulève un vrai problème alors que le CESU vise à faciliter les démarches des employeurs et salariés, l'indemnisation des salariés malades s'apparente souvent pour ces derniers à un vrai parcours du combattant. Lorsqu'on connaît la situation de ces salariés, il s'agit à l'évidence d'une double peine, les poussant à renoncer à percevoir leurs indemnités, ce qui est inadmissible. Il y a urgence à agir, madame la ministre, pour simplifier leurs démarches et garantir la prise en charge des arrêts maladies des salariés en CESU.

La question est en réalité plus large ; j'avais interpellé le Gouvernement, en posant une question orale, le 1er décembre 2015 sur le retard de versement des indemnités journalières et des prestations de prévoyance qui pénalise fortement les salariés des aides à domicile.

Il est indispensable que le Gouvernement intervienne pour sécuriser ces travailleurs dont 98 % sont des femmes. Il s'agit de faire jouer le principe de subrogation par lequel l'employeur peut être compensé par la sécurité sociale du salaire qu'il maintient au salarié. Les retards ont un double effet : un décalage de plusieurs mois des versements, et une incitation forte à ne prendre d'arrêt maladie qu'en tout dernier recours.

En décembre, la secrétaire d'État chargée des droits des femmes m'avait annoncé que la suppression d'une déclaration raccourcirait les délais, et que des négociations auraient lieu entre les partenaires sociaux de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services d'aide à domicile sur la généralisation de la subrogation. Où en sommes-nous, madame la ministre ? Quels sont les points de blocage ? Dans la convention collective des services à domicile, les frais kilométriques sont remboursés quatre fois moins et la majoration de la rémunération pour les dimanches et jour fériés y est seulement de 10 %, au lieu de 40 % dans le secteur associatif ?

De plus, les salariés CESU ne touchent leurs indemnités en cas d'arrêt maladie que le quatrième jour. Le Gouvernement doit revoir le dispositif.

Selon l'INSEE, au quatrième trimestre 2014, la masse salariale versée par les employeurs de salariés à domicile a diminué de 0,9 % par rapport au troisième trimestre.

L'emploi à domicile diminue au profit du travail noir ou gris, en raison du contexte économique notamment. Le travail non déclaré est d'abord un risque pour les salariés... Il y avait encore beaucoup à faire pour promouvoir l'emploi à domicile. Les femmes précaires méritent notre reconnaissance, un statut et l'amélioration de leur condition. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne Emery-Dumas .  - M. Desessard soulève une vraie question, plus large que celle de l'assurance-maladie de ces salariés.

Le CESU a démontré son intérêt en matière de normalisation et de simplification des relations de travail entre particuliers employeurs et leurs salariés. Il a permis d'améliorer les conditions de travail des aides ménagères ou auxiliaires de vie, notamment. Les salariés à la personne cumulent souvent cinq, six ou davantage d'employeurs, et leurs horaires varient d'une semaine sur l'autre. L'indemnisation d'un arrêt maladie est ainsi, cela a été dit, rendue difficile et complexe.

Le CNCESU disposant de toutes les informations utiles, leur partage avec les CPAM s'impose, comme le recommande notre collègue Desessard, et conformément à la simplification appelée de ses voeux par le Gouvernement...

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Anne Emery-Dumas.  - En réponse à une question parlementaire, le ministre du budget a répondu en 2008 que l'Acoss étudiait la possibilité de l'émission d'un document unique en cas de multi-employeurs. Où en est cette idée, madame la ministre ?

Les articles R. 4624-20 et suivants du code du travail relatifs à la médecine du travail, sont d'application difficile en cas d'employeurs multiples. L'intégration dans les cotisations employeurs globalisées par le CESU de la cotisation à la médecine du travail permettrait de simplifier et d'améliorer la prise en charge de la santé au travail pour les salariés rémunérés par ce titre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

M. Cyril Pellevat .  - Le CESU, déclaratif ou préfinancé, est un dispositif dont l'intérêt n'est plus à démontrer : pratique, simple, il permet de rémunérer des services à domicile et la garde d'enfants à l'extérieur du domicile par un million d'employeurs et un demi-million de salariés, le CESU répond à un réel besoin.

Mais le dispositif peut être amélioré ; en cas d'arrêt maladie, les salariés CESU doivent faire signer une attestation à chacun de leur employeur ; si un seul document manque, pas d'indemnisation.

Mieux vaudrait en effet, comme le propose M. Desessard, un échange direct entre le CNCESU et l'administration.

Un mot enfin sur les travailleurs frontaliers confrontés au problème de la double affiliation, par la CMU en France et l'AMA en Suisse, pris en otage d'un système complexe. J'ai déjà alerté Mme Touraine sur leur situation. Il est à présent urgent que le Gouvernement agisse sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean Desessard et Mme Patricia Schillinger applaudissent également)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Avant de répondre à la question de M. Desessard, j'évoquerai la situation d'ensemble de l'emploi à domicile.

Le CESU est apprécié pour sa simplicité : un million d'employeurs l'utilisent, 500 000 salariés en bénéficient. D'abord CES, puis CESU, ce dispositif a été étendu, depuis le 1er janvier 2014, sous forme dématérialisée, aux départements d'outre-mer. Il est un facteur de simplification, même si des progrès restent à faire. La simplification est une priorité du Gouvernement.

La déclaration sociale nominative, unique et dématérialisée, qui sera généralisée d'ici le 1er juillet 2017, est un grand pas. Elle recense l'ensemble des droits du salarié ; elle remplace l'attestation de salaire, permettant de raccourcir les délais de traitement des pensions et indemnités.

La modernisation du CESU a été annoncée lors du dernier comité interministériel pour la modernisation de l'action publique.

De plus, les salariés CESU pourront se voir verser leur indemnité de congés payés au moment où ils les prennent, à la place de la majoration de salaire de 10 %.

Le Gouvernement a créé un nouveau diplôme d'État pour les métiers d'accompagnement de personne en situation de handicap, d'auxiliaire de vie sociale et d'aide médico-psychologique. Ces métiers et leurs compétences seront ainsi reconnus.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a remplacé l'attestation d'emploi par le document valant bulletin de paie, pour faciliter l'usage des déclarations émises par le CNCESU face aux tiers.

S'agissant du retard de versement des indemnités journalières, le Gouvernement souhaite que les partenaires sociaux parviennent à un compromis ; monsieur Watrin, vous savez que la négociation sociale prend du temps...

M. Dominique Watrin.  - Elle est bloquée !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - J'en viens à votre question, monsieur Desessard. Le Gouvernement souhaite aussi simplifier les demandes des salariés CESU en cas d'arrêt maladie, sans pour autant accroître les charges déclaratives des particuliers employeurs. L'envoi des données relatives au revenu aux CPAM par le CNCESU est une piste intéressante, envisageable, souhaitable, même s'il faut encore évaluer son impact et déterminer le calendrier de mise en place.

La CPAM a en effet besoin de connaître les données suivantes : le dernier jour travaillé, le salaire de référence et l'existence éventuelle d'une subrogation. Cette réforme que nous soutenons tous pourrait être mise en place à la mi-2017. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Jean Desessard .  - Merci d'abord à tous les collègues ici présents, de tous les groupes qu'ils représentent, qui ont exprimé leur soutien à ma proposition. Oui, il faut élargir la question, monsieur Watrin. En effet, Les salariés à temps partiel n'ont pas toujours les mêmes droits que les autres. Oui, monsieur Cigolotti, l'accès à la médecine du travail doit être facilité. Je pourrais vous citer tous et toutes.

Madame la ministre, vous avez rappelé les mesures de simplification déjà prises par le Gouvernement. C'est de bonne guerre...

Je me réjouis que vous estimiez que l'échange d'informations entre le CNCESU et les CPAM était envisageable, souhaitable, selon vos propres termes, à la mi-2017. Mais Mme Emery-Dumas l'a remarqué, la question a été posée dès 2008...Et déjà, il était question de réfléchir, d'envisager...

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Je n'y suis pour rien, je n'étais pas là !!!

M. Jean Desessard.  - Mais pourquoi ne pas presser le pas ? J'aurais préféré un calendrier plus rapide, symbole d'une dynamique, d'une volonté. Le Sénat a donné l'impulsion. La réflexion appelle l'inertie. Pourquoi attendre mi-2017 ? Pourquoi pas dès fin 2016 ? Ne reportons pas à demain les bonnes mesures qui peuvent être prises dès maintenant. (Applaudissements sur tous les bancs)

La séance est suspendue à 18 h 45.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Accueil des réfugiés

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés.

M. François-Noël Buffet, au nom du groupe Les Républicains .  - En 2015, un million de migrants venus de Syrie, d'Irak, d'Érythrée, d'Afghanistan sont arrivés en Europe ; ils sont déjà plus de 110 000 en 2016, dont 58 000 sont déjà passés en Grèce - après 855 000 en 2015, dont 500 000 via Lesbos.

Tous cherchaient en Europe l'Eldorado promis par des mafias. Ils veulent le plus souvent rejoindre le nord de l'Europe, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

En septembre 2015, la France s'est engagée à recevoir 30 000 migrants en deux ans ; en même temps, les moyens de Frontex étaient renforcés et des hotspots devaient être créés en Italie et en Grèce. À Champagne-sur-Seine et à Lesbos avec la commission des lois, j'ai pu constater les premiers effets de cette politique européenne.

La procédure de relocalisation consiste d'abord à accueillir les migrants dans des hotspots, sous la supervision du Haut Commissariat pour les réfugiés et d'autres institutions et associations, pour faire le tri, dirai-je trivialement, entre ceux qui relèvent de l'asile et les migrants économiques. Ces derniers reçoivent un laissez-passer pour retourner avant un mois dans leur pays - avant six mois pour ce qui est des Syriens. En fait, tous restent, prennent la route des Balkans et sont bientôt en Allemagne ou à Calais - où la population des migrants est passée de 2 000 à 6 000 personnes en six mois.

Tout en reconnaissant les efforts du Gouvernement, je dois constater que les difficultés demeurent. À l'échelle européenne, les relations se tendent, en Macédoine notamment, et la Belgique a fermé sa frontière. La partie sud de la jungle de Calais doit être démantelée, mais la situation est également difficile à Grande-Synthe.

Les réseaux mafieux sévissent. On compte beaucoup de mineurs isolés parmi les migrants, sachant que 10 000 enfants auraient disparu. Quant aux no border, ils font un contre-travail pour inciter les migrants à ne pas recourir au dispositif de l'accueil et même à ne pas bénéficier de l'asile.

Nous avons toujours été en retard sur les évènements. N'eût-il pas fallu créer les hotspots dans les pays voisins plutôt qu'en Europe, afin de barrer la route aux passeurs voyous ?

L'Union européenne doit les financer pour garantir des standards d'accueil élevés. Nous sommes tous d'accord sur ce point. La France doit plaider pour une politique migratoire à longue vue en Europe. Chacun ne peut pas se défausser sur ses voisins.

À Calais, tous nos services doivent être mobilisés face aux mafias et aux agitateurs. Il est peut-être temps, enfin, de revoir les accords du Touquet avec les Britanniques, afin qu'ils prennent leur part de la charge.

Sans polémiquer, j'estime que nous avons besoin d'une réponse politique plus forte, accueillante à l'égard de ceux qui le méritent, mais également ferme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe UDI-UC et du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-François Rapin .  - Élu du Nord, je me tiendrai aussi éloigné de toute polémique pour rechercher des solutions au développement du camp de migrants à Calais et Grande-Synthe. En visite sur place, nous avons pu constater les difficultés humanitaires, l'action des associations, les dégâts causés par les activistes, mais aussi le fait que nos services sont débordés. Le dispositif des conteneurs au Centre d'accueil provisoire, le CAP comme nous disons, se déploie certes et le démantèlement de la jungle se poursuit. Mais l'État doit intensifier ses efforts pour faire respecter la loi.

L'identification des migrants est indispensable. La procédure biométrique mise en place à Calais est une première étape ; je rejoins les propositions d'identification par photographie ou prise d'empreintes lors de l'entrée sur le territoire.

Les passeurs désinforment les migrants leur faisant croire que, s'ils se mettent dans les mains de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ils n'arriveront jamais en Angleterre. Il faut contrecarrer ce discours.

Le maire de Grande-Synthe se sent un peu seul et se plaint de l'absence de l'Etat - alors que de nouveaux migrants pourraient arriver dans ce camp où je ne mettrais pas mon chien.

Xavier Bertrand a écrit au président de la République et à M. Cameron pour solliciter une réelle prise en compte des enjeux économiques et sociétaux de cette crise migratoire lors du prochain sommet franco-britannique qui se tiendra à Amiens ce jeudi. Calais souffre d'un chômage endémique, le trafic trans-Manche est perturbé, la restauration et l'hôtellerie souffrent, le développement du port est affecté.

Ne négligeons pas l'attractivité économique du littoral de la Manche et de la mer du Nord. Je ne voudrais pas que la côte entre Ouistreham et la frontière belge devienne un mur de la Manche ! (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur quelques bancs socialistes)

Mme Valérie Létard .  - L'afflux de réfugiés en Europe s'inscrit dans le contexte international du conflit syrien et de la menace de Daech en Irak, en Syrie et désormais aussi en Libye. L'instabilité politique et les luttes de pouvoir embrasent le Proche-Orient et les millions de Syriens et d'Irakiens fuyant les zones de conflit menacent l'équilibre du Liban, de la Jordanie et de la Turquie. L'Afrique n'est pas épargnée non plus par l'islamisme radical.

Face à ces crises, l'Europe semble désemparée, et les États membres prennent des initiatives en ordre dispersé. Sur onze hotspots prévus, trois seulement sont opérationnels. Où en est-on, monsieur le ministre ?

Le dispositif de relocalisation entre lentement en puissance. 94 relocalisés à Lesbos en janvier, très loin de 450 prévus. En 2015, l'Ofpra et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) ont vu leurs moyens augmenter, afin de traiter 77 130 demandes d'asile, un chiffre en hausse de 22 %. De nouveaux moyens seront nécessaires cette année.

L'appel que vous avez lancé aux collectivités territoriales afin qu'elles participent à l'accueil des réfugiés, a été entendu : 1 680 logements ont été ouverts, soit 5 200 places. Mais peu ont été réellement utilisées. Les collectivités territoriales se préparaient à intégrer des familles de réfugiés et on leur demande d'héberger en urgence des migrants de Calais, ce qui est tout autre chose. Il leur est difficile d'expliquer cela aux administrés.

Beaucoup de migrants veulent rejoindre le Royaume-Uni. N'est-ce pas une raison pour que ce pays prenne sa part de l'effort ?

M. Alain Néri.  - Et toute l'Union européenne !

Mme Valérie Létard.  - Où en est le démantèlement de la jungle de Calais ? Est-il vrai que 20 % des migrants en disparaissent sans laisser de traces ?

Nous nous satisfaisons du travail accompli aujourd'hui par le ministère, mais l'État et les collectivités territoriales doivent dorénavant collaborer en amont. Si un fonds de 50 millions d'euros a été créé pour la réhabilitation de logements, les autres frais restent à la charge des collectivités. Les élus demandent que l'aide européenne de 6 000 euros par migrant puisse être perçue directement par les communes, comme en Allemagne.

Face à la tragédie de la guerre et de l'exil, on ne peut se satisfaire d'une réponse compassionnelle. Calais fait aujourd'hui face à de graves difficultés économiques s'ajoutant à une situation déjà difficile. Évitons de concentrer la misère, montrons que l'État et les territoires, ensemble, maîtrisent la situation, se donnent les moyens de respecter la Convention de Genève, sans opposer la souffrance des Français à celle des étrangers. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également)

M. Christian Favier .  - « Réfugiés : l'Europe se désintègre » titrait Le Monde ce week-end. La Belgique rétablit des contrôles à sa frontière avec la France, Athènes rappelle son ambassadeur à Vienne qui ferme ses frontières comme d'autres pays des Balkans.

Selon le droit international, un réfugié est une personne qui se situe hors de son pays de nationalité ou de résidence habituelle, et qui ne peut y retourner parce que sa vie y est sérieusement menacée. Il y a souvent bien peu de sens à faire le tri entre « bons » réfugiés et « mauvais » migrants, comme on s'y acharne aujourd'hui dans les hotspots grecs : les migrations économiques peuvent être tout aussi légitimes lorsqu'elles proviennent de pays où l'esclavage existe toujours, comme la Mauritanie. Alexis Tsipras a menacé de refuser tout accord européen pour que la Grèce ne supporte plus seule le fardeau européen et ne devienne pas un entrepôt d'êtres humains. La France a le devoir de lui apporter son soutien. Le programme de relocalisation doit être revu et rendu effectif : aujourd'hui, seules quelques centaines de personnes ont été relocalisées, sur 80 000 demandeurs d'asile en 2015.

Personne ne quitte son pays de gaieté de coeur, qu'on en soit chassé par la guerre ou la misère et l'exploitation économique.

L'asile relève de l'État, mais aussi, pratiquement, des collectivités territoriales. Celles-ci attendent de l'État un soutien plus important. Avant même le démantèlement de la jungle de Calais, où vivent 326 mineurs étrangers isolés, le Val-de-Marne en accueillait déjà beaucoup. Pourtant, sur les 47 personnes hébergées dans le cadre de la relocalisation, il ne se trouvait qu'une famille syrienne de cinq personnes.

Si l'État peine à relocaliser les réfugiés, c'est que ceux-ci ne veulent pas rester dans notre pays, dont l'image a été ternie par la propagation des slogans du Front national.

L'Union européenne porte sa part de responsabilité dans le chaos qui règne en Syrie et en Libye ; il est de notre devoir d'accueillir les réfugiés avec dignité et humanité. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Yves Leconte .  - Il ne s'agit pas ce soir de politique migratoire, mais de personnes qui fuient la mort, et ont besoin de protection. Parler de « seuil de tolérance », c'est imaginer qu'on pourrait tolérer l'horreur, les camps de la mort. Quand 10 000 enfants auraient disparu l'an dernier selon Europol, il nous faut réfléchir différemment.

L'Europe est terrassée par la peur. Peuplée de 500 millions d'habitants, elle a reçu un million de migrants -  c'est bien peu, en comparaison de la Jordanie, du Liban, de la Turquie, qui en ont accueilli chacun 2 millions, avec respectivement 8 millions, 6 millions ou 80 millions d'habitants.

Le droit d'asile est individuel et ne saurait être abordé en termes de nationalité. Chacun sait que la coopération est indispensable ; et pourtant, on constate partout le repli national. Il faut dire clairement à l'Europe centrale ce que nous attendons d'elle. Il est étonnant, compte tenu de ce que ces pays ont vécu, que le pacte de Varsovie se reconstitue sur cette base-là ! Nous devons aussi être plus clairs avec la Turquie, et non pas lui demander un jour d'ouvrir ses frontières pour remédier aux bombardements russes et le lendemain de garder tous les réfugiés.

La situation en Grèce a de quoi inquiéter : 8 000 migrants bloqués à la frontière de Macédoine, militarisation.... De même en Macédoine avec la Serbie.

La France s'est engagée à recevoir 30 000 réfugiés. Bien peu souhaitent venir ici, il y a de quoi s'interroger... Mais je salue l'action de l'Ofpra. Aidons d'autres pays qui ne disposent pas des mêmes moyens.

J'espère que le sommet prochain illustrera l'entente de l'Union européenne et de la Turquie contre les passeurs - mais la Turquie n'est pas aujourd'hui un pays sûr. Que l'Europe ne perde pas son âme.

Une identification unique dès la Turquie serait un gage de sécurité et d'efficacité. Il faut aussi revoir l'organisation d'Eurodac. Enfin, les demandes de relocalisation doivent pouvoir être enregistrées depuis les pays voisins - sans que cela revienne à créer des camps européens hors de nos frontières.

Souhaitons que la France et l'Allemagne prennent l'initiative pour que l'Europe ne se perde pas. Elle est à la croisée des chemins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi qu'au centre)

Mme Esther Benbassa .  - La guerre civile syrienne, l'aggravation de la crise en Libye, la situation désastreuse en Érythrée ont jeté sur les mers et les routes des millions de réfugiés qui recherchent en Europe un havre de paix et de sécurité. Face à cette situation inédite, le Conseil européen décidait en septembre 2015 d'une procédure de relocalisation de 160 000 personnes en deux ans, la France s'engageant à en accueillir 30 000. C'était un pas vers plus de solidarité.

Qu'en est-il aujourd'hui ? La mise en place est laborieuse. Au 10 février, 218 personnes avaient été transférées de Grèce vers d'autres États membres, 279 d'Italie, la France en avait accueilli... 135. On est loin de la marée humaine annoncée ! La relocalisation ne concerne que Syriens, Érythréens et Libyens ; 40 % des arrivants ne relèvent pas de cette procédure, beaucoup d'autres y renoncent, de peur de se voir imposer un pays de destination et d'être envoyés loin de leurs proches. À ce rythme, il faudra des dizaines d'années pour relocaliser les 160 000 personnes prévues !

Il est heureux qu'Angela Merkel continue de nous donner une leçon d'humanité. Quel contraste avec les propos de notre Premier ministre ! Rien de très nouveau, quand on sait quel sort la France fit dans l'entre-deux-guerres aux Juifs fuyant les persécutions nazies ou aux républicains espagnols... Claironnant les principes des droits humains, nous ne nous y tenons guère... À la longue, les égoïsmes nationaux risquent de faire craquer l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Stéphane Ravier .  - Sous le vocable « réfugiés » se cache une forte disparité d'individus. Si quelques-uns fuient la guerre, beaucoup sont des migrants économiques. Ces 10 000 migrants quotidiens sont pour la plupart de jeunes hommes, ayant quitté leur famille au lieu de la défendre les armes à la main, ainsi que leur pays. Ne fait par Verdun qui veut...

M. Alain Néri.  - Non, parlez de ce que vous connaissez !

M. Stéphane Ravier.  - Nos compatriotes sont une nouvelle fois exclus de ce débat. Le Gouvernement excipe de la tradition centenaire d'asile de la France, depuis 1793... sortez vos mouchoirs.

Mme Éliane Assassi.  - Ne vous en déplaise !

M. Stéphane Ravier.  - Nous n'avons pas les moyens de notre générosité. Cette manne de main d'oeuvre bon marché, il est vrai, réjouit le Medef... Il n'y a pas que les passeurs qui profitent des migrations !

M. Christian Favier.  - Le FN !

M. Stéphane Ravier.  - Les attentats de novembre nous ont montré les dangers de notre politique. J'ajoute que vous privez les pays d'origine de leurs forces vives. Le seul débat qui vaille porte non sur l'accueil mais sur le retour de ces populations dans leur pays d'origine.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Déjà peu lisible - euphémisme ! - pour l'observateur moyen, la politique migratoire européenne, ou plutôt son absence, qui est en train de virer au « sauve-qui-peut », prend un air surréel vu de Grèce, où la « mission sénatoriale chargée du suivi du dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés » de la commission des lois vient de se rendre. Lesbos, île de 70 000 habitants à quelques milles des côtes turques, a accueilli 500 000 migrants et enterré leurs morts.

L'Union européenne a traité cette situation inouïe avec les procédures de routine. Les migrants en situation irrégulière sont ainsi expulsables. La question des hotspots réglée, l'intendance est censée suivre. Encore faudrait-il que le flux se calme et que les déboutés du droit d'asile soient effectivement renvoyés. Or ces deux conditions ne sont nullement remplies. Ainsi, en France, qui a plus de moyens que la Grèce, 26 700 demandes d'asiles ont été acceptées, 53 200 refusées pour 17 000 reconduites.

En 2014, la Grèce a accueilli un million de migrants... Elle ne peut faire face ! Une fois inscrits, enregistrés, tous prennent les ferries pour Athènes puis font route vers l'Allemagne, la Suède, la Grande-Bretagne, seule la durée de leur sauf-conduit distinguant les déboutés (deux mois) des réfugiés (six mois).

Surréel aussi le plan de relocalisation, obsolète avant de naître. Dès 2015, un procès en sorcellerie était intenté à la Grèce, écrasée par les exigences de la troïka, qui avec ses dix millions habitants a fait face, seule, pour un coût estimé à 600 millions d'euros ! Le maire de Mytilène, 28 000 habitants nous l'a dit : il s'est senti très seul et même humilié par les inspections de la « commission permanente de contrôle de la mise en oeuvre des règles de Schengen » en novembre 2015.

Pour l'heure, je suis accablé de constater que le seul chef d'État à avoir le courage d'appeler la Grèce pour l'aider à ne pas sombrer dans le chaos, comme elle vient de le faire il y a quelques jours encore, c'est Angela Merkel. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit et applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Pour beaucoup de Français, la crise migratoire, c'est d'abord la vision insoutenable de la jungle de Calais. Je m'y suis rendu il y a quelques semaines avec la délégation aux droits des femmes. Jamais, même dans les camps de réfugiés de Syrie, de Jordanie, de Turquie ou d'Irak, je n'ai vu une telle misère, une telle saleté ! Cette situation n'avait que trop duré. Son démantèlement est bienvenu, mais il est indispensable d'assurer le suivi des personnes concernées afin qu'elles ne se retrouvent pas bientôt à la rue, en proie aux réseaux de trafiquants. Quelles mesures prenez-vous pour les mineurs isolés, monsieur le ministre ?

L'insertion des réfugiés est cruciale. L'année dernière, j'avais fait état du retard de la France, où les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler pendant l'instruction de leur demande, par rapport à la Suède, à l'Allemagne ou aux États-Unis. Il faut lever un tabou qui empêche les demandeurs de vivre dignement - on alimente l'économie clandestine.

Les réfugiés, dans le monde, se comptent aujourd'hui par millions. Ils forment le quart de la population de certains pays, avec les risques d'explosion économique et sociale qui en résultent. Je sais que vous n'êtes pas en charge, monsieur le ministre, de la coopération et du développement, mais j'insiste : nous devons aider ces pays, à commencer par le Liban et la Jordanie.

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Il faut de nouveaux accords de Bretton Woods.

Où en est-on de la procédure d'attribution de visas en Irak ? Les délais se sont allongés. La coopération entre Frontex et l'Otan est en progrès, mais il faut aller plus loin. Où en est l'accord avec la Turquie contre les passeurs ? Qu'est-il prévu pour améliorer la communication entre la police grecque et Frontex ?

Ne laissons pas les égoïsmes triompher dans notre patrie des droits de l'homme qui doit redevenir un leader en Europe sur cette question. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

M. Jacques Bigot .  - À une exception près, nous avons eu un débat de qualité : monsieur le ministre, la Représentation nationale a conscience de la difficulté du problème mais aussi de la nécessité de le régler, sur le fondement de la solidarité. Même en Allemagne, on oublie trop vite l'image de cet enfant mort sur une plage de la Méditerranée...Il est vrai que les populations souffrent du chômage et des difficultés économiques...

La solidarité doit être européenne, d'abord. L'Europe est-elle capable de construire une politique commune, alors que des États refusent de s'engager et que la Grèce et l'Italie sont laissées seules aux avant-postes ?

Comme les communes face à l'accueil des gens du voyage, chacun souhaite que les réfugiés s'installent...chez le voisin.

En Allemagne, la chancelière s'est dite prête à accueillir des réfugiés, s'attirant des difficultés ; en France, le Gouvernement veut en accueillir, mais les réfugiés ne sont pas très intéressés.

La solidarité est aussi locale, territoriale. En Alsace, nous pouvons rappeler que des Alsaciens ont été heureux d'être accueillis en Dordogne ou dans le Limousin en 1939... Mais les générations concernées vieillissent. Les maires volontaires, qui cherchent à convaincre leur population, malgré elle, doivent être soutenus par l'État.

Oui, l'État doit être présent car certains maires ne sont pas loin de partager les idées xénophobes, les propos démagogiques d'une partie de la population...

Parlons enfin de la solidarité des territoires face à l'accueil des mineurs étrangers isolés. Nous devons les accueillir, ils sont souvent les victimes de réseaux de trafics d'êtres humains, que leur famille restée au pays a payé cher en échange de promesses fallacieuses. Nous avons besoin de plus de solidarité. (Applaudissements sur la plupart des bancs à gauche)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le problème auquel l'Europe est confronté, sans précédent dans notre histoire récente, ne se règlera pas par des incantations, moins encore par des imprécations.

Nous n'avons pas à nous seuls la clé des conflits qui déchirent le Proche-Orient et qui sont à l'origine d'une partie des migrations actuelles. Une partie seulement, toutefois, car beaucoup sont des migrants de la misère. Sur le million de personnes entrées en Europe l'an dernier, plus de la moitié seraient venues pour des raisons économiques. Bref, nous devons faire face à un cumul de migrations.

Face à ces flux, les pays les plus allants sont dépassés ; les retours vers les pays d'origine sont inexistants. Les Balkans sont au bord du chaos.

La commission des lois du Sénat a mis en place dès le mois de septembre une mission de suivi du dispositif européen de relocalisation. Je tiens à remercier François-Noël Buffet et à le féliciter pour la qualité de son travail...

M. Bruno Retailleau et Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Très bien !

M. Philippe Bas.  - Nous nous sommes rendus en Grèce, avec des membres de tous les groupes politiques représentés à la commission des lois. Nous avons apprécié la qualité et le dévouement des agents de l'OFII, de l'Ofpra, de la DGSI, des policiers détachées auprès de Frontex, l'engagement des ONG françaises. Leur travail n'est nullement en cause. Ils évaluent avec professionnalisme les demandes d'asile. Mais le système actuel connaît des limites inhérentes à la situation. Il donne de bonnes chances aux demandeurs d'asile authentiques - écartant ceux dont on pourrait soupçonner d'être sensible aux thèses djihadistes  - d'être accueillis et intégrés. Mais il ne concerne que la partie émergée du phénomène.

La Turquie ne respecte pas ses engagements, en dépit des crédits importants qu'elle a reçus de l'Europe. La Grèce est débordée. L'aide qu'elle reçoit ne lui permet pas d'enregistrer tous les migrants. L'appel d'air de l'Allemagne a joué un rôle très négatif, amplifiant le phénomène, le dénaturant en attirant des migrants économiques.

L'espace Schengen est en train de voler en éclats sous nos yeux. De nouvelles frontières sont érigées en son sein : la Belgique rétablit unilatéralement des contrôles, le ministère de l'intérieur a fait à cet égard les remarques qui s'imposaient.

L'Européen que je suis souhaite que l'Europe cesse de reculer, que la France et l'Allemagne surmontent leurs divisions pour mettre en oeuvre rapidement une politique susceptible d'entrainer l'ensemble de leurs partenaires. Un sursaut est indispensable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Merci au groupe Les Républicains d'avoir demandé ce débat. J'ai entendu bien des chiffres, bien des propos. Cela me rappelle la difficulté de l'exercice ministériel, tant l'information a du mal à passer...

J'y vois l'effet, pour une part, considérable sans doute, de ma difficulté à transmettre certains messages - et, très accessoirement, de la mauvaise foi de certains.... (Sourires)

La crise migratoire est sans précédent. En 2014, 174 000 réfugiés en migrants économiques irréguliers entraient en Europe par la Grèce ou l'Italie.

En 2015, ils étaient plus d'un million. Sur les deux premiers mois de 2016, les tentatives d'entrée en France depuis l'Italie ont bondi de 63 % et 60 000 migrants ont déjà tenté de débarquer en Grèce, et cela malgré l'hiver. Il est à craindre que les chiffres de l'année entière soient encore plus élevés que ceux de 2015.

Cela résulte en effet des désordres du monde, qui poussent des hommes à quitter un pays où ils voudraient vivre et développer leurs talents. Tant que la situation actuelle en Syrie et en Irak perdurera, tant qu'une solution politique nationale n'aura pas été trouvée en Libye, où opèrent des organisations criminelles qui représentent un grand danger pour l'Europe, se livrant au trafic des êtres humains, au trafic d'armes, sans oublier Daech, cela continuera. (M. Alain Néri applaudit)

Avant d'accuser l'attitude de la France, avec une sévérité qui m'a paru excessive, compte tenu des initiatives qu'elle n'a cessé de prendre, pour prévenir cette crise et y faire face, rappelons la chronologie des faits.

Dès le 31 août 2014, avant même l'éclatement de la crise migratoire, j'entamais une tournée des capitales européennes pour proposer un agenda précis. Je plaidais d'abord pour un renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne, sans quoi on ne pourrait bientôt éviter une fermeture désordonnée des frontières intérieures, à laquelle nous assistons aujourd'hui.

Ensuite j'appelais à transformer Frontex en une véritable agence constituée d'un corps de garde-côtes et d'un autre de garde-frontières et dotée de moyens accrus, me heurtant, lors du premier conseil Justice et affaires intérieures consacré à cette question, au scepticisme général. L'identification des migrants et l'organisation de la reconduite des déboutés du droit d'asile me paraissaient aussi indispensables à la soutenabilité de l'accueil des réfugiés. Enfin, je proposais des centres de maintien et de retour en lien avec le HCR. Eh bien, c'est sur la base de la proposition française que Mme Mogherini a été mandatée pour négocier des conventions de retours sans guère de résultats pour le moment, je regrette de devoir le dire.

La France a toujours proposé à l'Allemagne de faire ces propositions conjointes. Malgré un parfait accord entre nos deux pays, l'Union européenne a mis 18 mois pour prendre la décision de les mettre en oeuvre, 10 ans à approuver le PNR...Elle ne devra pas attendre autant pour les appliquer !

N'imputez pas ces difficultés à la France ou au couple franco-allemand seul : c'est le système européen tel qu'il fonctionne qui est en cause. L'Allemagne n'a pas été seule à aider les Grecs, monsieur Collombat.

Thomas de Maizière et moi sommes allés ensemble, il y a quinze jours, proposer à la Grèce l'aide de nos deux pays. Une mission du ministère de l'intérieur a été envoyée sur place.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Les Grecs l'ont très mal pris !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Quand je vous entends dire que les grecs auraient accueilli un million de personnes, je dois rectifier : les réfugiés entrés en Grèce sont aujourd'hui en Allemagne.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La Grèce dit qu'il y en a un million sur son sol.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ce n'est pas vrai. L'Allemagne assume sa responsabilité, car par ses initiatives, elle a pu contribuer aux conditions de survenance de cette situation.

Je me suis rendu, tout de suite après la Grèce, en Turquie. Qu'y ai-je vu ? Le HCR, le programme alimentaire mondial, l'Unicef ont dit que trois millions de réfugiés syriens étaient aujourd'hui sur le sol turc, dont 300 000 à 500 000 dans des camps de réfugiés dont les standards sont supérieurs, selon ces agences des Nations unies, à ceux du HCR. Les Turcs ont aussi agrandi leurs écoles pour scolariser 300 000 enfants syriens, qui apprennent leur propre langue, grâce à des enseignants également venus de Syrie. Nous demandons aujourd'hui à la Turquie d'accueillir encore plus de migrants, grâce aux trois milliards d'euros alloués, mais nous ne pouvons lui demander de faire ce que nous sommes incapables de faire...

M. Jean-Yves Leconte.  - Tout à fait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Rien ne serait pire que de confondre les persécutés par les barbares de Daech et les quelques bourreaux qui pourraient se fondre parmi eux. Pour éviter une telle confusion, nous devons prendre de nouvelles dispositions : à l'entrée dans l'Union européenne, le système d'information de Schengen doit être interrogé avec efficacité, ce qui suppose que tous les États membres le renseignent de la même façon, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ce système d'information doit être connecté aux autres fichiers, Eurodac notamment. Une task force de lutte contre les faux documents doit être mise en place, contre l'usine à faux papiers constituée par Daech à partir des centaines de passeports vierges récupérés en Irak et en Syrie.

Contre ceux qui provoquent les peurs les plus instinctives, dont nous avons eu un exemple éloquent tout à l'heure, (M. Stéphane Ravier sourit) nous avons cette responsabilité.

À Calais, 6 000 personnes vivaient dans la jungle fin 2015. Voyant le nombre augmenter, nous avons ouvert 102 centres d'accueil et d'orientation, accueilli 3 000 personnes -  un échec selon le grand journal du soir  - dont 85 % ont fait une demande d'asile en France et 15 %, en moyenne, se sont évaporé.

Aujourd'hui, il n'y a plus que 3 800 migrants dans le froid et la boue à Calais. Contre 3 000 naguère, il n'y en a plus que 800 à Grande-Synthe.

Non pas parce que le ministre de l'intérieur survolant en hélicoptère, a ordonné aux forces de l'ordre de disperser ces gens, mais parce que les travailleurs sociaux de la direction de la cohésion sociale, de l'OFII, de l'OFPRA, les bénévoles des associations, ont fait leur travail.

Maintenir des hommes, des femmes, des enfants dans la boue de la jungle ne correspond pas à un idéal humanitaire. Il faut, au contraire, les accompagner, leur donner un hébergement et un accès à la langue française. Il convient de ne pas se contenter de postures. Je ne comprends pas la logique qui consiste à envoyer des artistes et des intellectuels à Calais expliquant que la jungle est indigne... et empêcher les travailleurs sociaux de travailler, en caillassant des policiers qui les protègent. Les agents de l'OFII et de l'OFPRA ne sont pas des brutes !

Madame Létard, monsieur Rapin, la ville de Calais n'est pas seule : nous mettons en place un centre d'accueil de jour, des bungalows accueillant 1 500 personnes ; nous négocions un investissement britannique de près de 60 millions d'euros. Je peux entendre que l'État pourrait en faire plus, mais pas qu'il ne fait rien. Ce n'était pas le cas lorsque Sangatte a été fermé, et que des migrants ont été répartis sur toute la côte septentrionale de notre pays... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Christine Prunaud applaudit aussi)

À l'époque, maire de Cherbourg, devant faire face seul, je ne me suis pas répandu sur toutes les antennes. Vous le savez, la maire de Calais, le nouveau président du Conseil départemental et le Gouvernement travaillent dans un climat excellent.

Nous avons fait voter une loi sur l'asile faisant passer de 24 à 9 mois la durée de la procédure d'asile. Cela ne peut se faire sans moyens. Il faudra augmenter les effectifs de l'OFII et de l'OFPRA, les places en CADA, en hébergements d'urgence, les moyens de certaines associations. A Paris, nous ne pouvons faire autrement que vider des squats ; nous le faisons en ouvrant des hébergements d'urgence.

Cela nécessite un vrai parcours de l'hébergement d'urgence vers le logement à long terme. Lorsque je demande aux maires d'identifier des logements, c'est à la fin de ce parcours. Mais pour les migrants de Calais, je demande des locaux très différents. Sans parcours de résidence complet, l'accueil des réfugiés est impossible.

La pression migratoire va se poursuivre et les pays européens devront être à la hauteur. Pour accueillir ceux qui doivent l'être, il faut organiser et maîtriser les choses. Là aussi, il faut se départir de certaines postures. Organiser des contrôles aux frontières, c'est faire preuve de la lucidité qui rend possible la générosité.

Il y a toujours des activistes qui n'ont pas intérêt à ce que les problèmes soient réglés... (M. Jean-François Rapin fait signe qu'ils y ont un intérêt financier) C'est la condition de leur prospérité. Les postures nous font du mal et les manipulations font croire que rien n'est possible. Face au Front national, il y a pourtant urgence à montrer qu'en unissant nos forces, nous pouvons venir en aide à ceux qui sont dans la détresse.

Merci d'avoir voulu ce débat qui nous a permis d'échanger en toute franchise sur cette question difficile, au coeur de l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit aussi)

Prochaine séance, demain, mercredi 2 mars 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 5.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mercredi 2 mars 2016

Séance publique

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président M. Jean-Pierre Caffet, vice-président Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente Secrétaires : M. François Fortassin - Mme  Colette MÉLOT

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

1. Débat sur la situation financière des départements

2. Débat sur « Le trentième anniversaire du baccalauréat professionnel »

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs

Rapport de M. François Bonhomme, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 381, 2015 - 2016).

Texte de la commission (n° 382, 2015-2016).

4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat

Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 383, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 384, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 170 sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :204

Pour :174

Contre :30

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 129

Contre : 3 - MM. René Danesi, Jacques Genest, Jackie Pierre

Abstentions : 9 - MM. Alain Fouché, Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, MM. Alain Marc, Philippe Mouiller, Cyril Pellevat, Cédric Perrin, Michel Vaspart, Alain Vasselle

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, MM. Gérard Longuet, Didier Robert

Groupe socialiste et républicain (110)

Abstentions : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 27

Contre : 8 - MM. Olivier Cadic, Michel Canevet, Vincent Delahaye, Daniel Dubois, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Chantal Jouanno, MM. Claude Kern, Christian Namy

Abstentions : 7 - Mme Annick Billon, MM. Olivier Cigolotti, Jean-Léonce Dupont, Jean-Jacques Lasserre, Mmes Valérie Létard, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-Claude Luche

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Abstentions : 9

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Vincent Placé, membre du Gouvernement

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 1 - M. Robert Navarro

Abstentions : 4

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Alex Türk