Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Comme la dernière fois, au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat en ces jours de tensions politique et sociale : le respect des uns et des autres.

Rejet des boues rouges

Mme Mireille Jouve .  - Madame la ministre de l'environnement, 20 millions de tonnes de boues rouges ont été déversées durant trente ans dans une zone devenue en 2012 le parc naturel des Calanques. Malgré un moratoire prononcé en 1995, il a fallu attendre 2014 pour que l'usine Alteo de Gardanne investisse 27 millions d'euros - financés à moitié par des fonds publics - pour fabriquer un filtre qui sépare rejets solides et liquides. Mais l'aluminier peut, grâce à une décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 décembre dernier, continuer de déverser des rejets liquides dans la Méditerranée pendant six ans. Tout ce qui est limpide n'est pas forcément sain : l'eau contient un mélange d'alumine, de fer et d'arsenic supérieurs aux normes. Comment peut-on expliquer, demande le professeur Augier, qu'on dresse un procès-verbal à un promeneur qui cueille une fleur et laisse une industrie déverser en mer une eau de rinçage toxique ?

Et c'est maintenant l'envol d'une poussière toxique depuis le site de stockage à sec qui inquiète les riverains, dès lors que le mistral se lève. Le 9 mars, une fuite de canalisation a entraîné la formation d'un nuage avec de la soude au-dessus de la Gardanne. Je suis attachée à l'emploi mais parlons aussi de celui des pêcheurs. N'aurait-il pas mieux valu reconvertir le site plutôt que de prolonger artificiellement la vie d'une entreprise vétuste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RDSE ; Mme Chantal Jouanno applaudit aussi)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - L'usine de Gardanne fournit une alumine de qualité depuis 1894, dont on a besoin pour produire des produits quotidiens comme les écrans plasma et les smartphones.

Elle produit des boues rouges depuis des dizaines d'années, avec l'accord de l'État, mais celui-ci a désormais obtenu que les rejets soient divisés par 20 à 100. Les comités d'experts, le parc des Calanques ont approuvé cette solution qui a le mérite de sauver 400 emplois, sans compter les emplois indirects. Un comité permanent suivra le phénomène et l'évolution des technologies.

Il n'y a pas lieu de polémiquer. Si nous avions accepté la fermeture, c'eût été une délocalisation vers un autre pays méditerranéen avec des rejets encore plus massifs. La décision du Gouvernement est équilibrée.

M. Jean Bizet.  - Que dit Mme Royal ?

Avenir d'EDF

M. Ronan Dantec .  - Depuis des mois, l'inquiétude est grande sur la situation d'EDF, endettée à hauteur de 37 milliards d'euros, et dont la capitalisation boursière a chuté de 150 milliards d'euros en sept ans.

Il faut sauver le service public de l'électricité, et pour cela en finir avec les investissements aventureux - je pense aux 23 milliards de la folie nucléaire en Angleterre - et se lancer dans les énergies renouvelables. Aucune banque privée n'accepterait de tels risques. Le seul fait que la CGT EDF, peu suspecte d'activisme écologiste, dénonce le projet de Hinkley Point, devrait vous alerter.

Il est urgent de définir une programmation pluriannuelle de l'énergie cohérente avec les objectifs de la loi de transition énergétique, ce qui implique la fermeture d'une vingtaine de centrales nucléaires. EDF pourrait ainsi intégrer dans son bilan la prolongation de la durée d'amortissement des autres réacteurs, ce qui améliorerait son résultat et, par contrecoup, sa note financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; Mme Catherine Génisson et M. François Marc applaudissent aussi)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - Le problème d'EDF n'est pas le projet de Hinkley Point. Il est lié aux décisions prises il y a dix ans et à la loi Nome, qui a ouvert le marché à des prix non régulés. En 2014, 20 % du chiffre d'affaires d'EDF était exposé à des prix non régulés ; aujourd'hui, c'est 65 %.

M. Jean Desessard.  - Eh oui !

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Les prix ont baissé de 50 à 26 euros par MW/h, tandis que le coût de production de l'électricité est de 33 euros. Le marché fonctionne mal, car il dépend du prix du charbon, qui baisse à cause de la surproduction dans des pays qui ont fait ce choix en contradiction avec les décisions communes, prises pour protéger l'environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

La réponse passe par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), vous avez raison, qui respectera la loi transition énergétique.

M. Alain Fouché.  - Et les éoliennes, combien ça coûte ?

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Il faut ensuite partager les efforts. L'État actionnaire, qui prélevait trop de dividendes (M. Roland Courteau le confirme), a commencé à les convertir en actions. L'entreprise doit procéder à des cessions et pratiquer la modération salariale. Enfin, le prix du charbon doit être régulé. C'est ainsi que nous pourrons investir dans les énergies renouvelables, tout en poursuivant l'entretien indispensable de notre parc nucléaire. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Ronan Dantec.  - Merci de nous indiquer que la PPE respectera la loi transition énergétique. Nous soutiendrons vos efforts pour réguler le prix du charbon. Mais il faut dire rapidement à EDF combien de réacteurs elle devra fermer.

Projet de loi Travail

Mme Éliane Assassi .  - Alors que des centaines de milliers de salariés, de retraités, d'étudiants, de jeunes manifestent contre votre projet de loi et la casse de notre droit du travail, pourquoi vous entêtez-vous dans cette impasse libérale, madame la ministre du travail ?

Nous ne voulons pas que chaque entreprise se dote de son propre code du travail. La loi doit rester la même pour tous. Qui peut croire, en outre, que faciliter le licenciement créera des emplois ? Est-ce de la naïveté ou de l'hypocrisie ? Alors que nos entreprises sont championnes du versement de dividendes, il est temps de cesser les cadeaux à M. Gattaz. La jeunesse se mobilise. (Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se lèvent et brandissent des affichettes sur lesquelles il est inscrit : « Retrait de la loi Travail », sous les exclamations ironiques de la droite)

Quand retirez-vous ce projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. le président.  - Vous pouvez ranger le décor...

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Je veux saluer l'engagement de Mme El Khomri ; elle défend cette loi avec beaucoup de courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

À chaque fois, les mêmes caricatures, les mêmes approches binaires. Les uns nous reprochent de ne pas aller assez loin, les autres disent le contraire... Ce débat témoigne d'abord d'un profond désaccord, qui traverse les partis politiques comme les partenaires sociaux, sur la nature du dialogue social. Il faut l'assumer. Oui, nous avons souhaité que la négociation ait lieu désormais prioritairement au sein de l'entreprise et de la branche...

Mme Nicole Bricq.  - C'est bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - ...en prévoyant des dispositions pour les salariés des petites boîtes, des PME, où n'existe pas de représentation syndicale.

J'aurais aimé, ensuite, entendre vos propositions contre le chômage de masse que nous connaissons depuis des années. Il touche d'abord les moins qualifiés, les habitants des quartiers populaires, les femmes : c'est la fameuse dualité du monde du travail. Près de 90 % des premières embauches se font en CDD. En procédant à des assouplissements, nous ne voulons pas faciliter le licenciement, mais l'embauche ! (M. Pierre Laurent s'exclame) Aucun patron ne veut licencier. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, « Très bien ! » à droite) Drôle de façon de défendre la démocratie que de me couper la parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et quelques bancs à droite)

Ce texte comporte en outre de grandes avancées sociales : le compte personnel d'activité, véritable sécurité sociale professionnelle, et la garantie jeunes, qui peut être considérée comme une forme de revenu minimum universel. Alors, assez de caricatures !

Nous avons levé les motifs d'inquiétude, et la porte de mes ministres reste ouverte aux associations de jeunesse et aux syndicats qui, pour certains, continuent de s'opposer au texte. C'est un projet de loi pour nos entreprises, pour nos salariés et pour la jeunesse de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et de nombreux bancs des groupes RDSE et UDI-UC)

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le Premier ministre, vous vous enfermez dans le dogmatisme. Vous n'entendez pas la jeunesse, qui demande le retrait de ce texte. (Mme Hermeline Malherbe s'exclame) Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen quitteront cet hémicycle pour la rejoindre dans la rue, après cette séance de questions au Gouvernement. (Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se lèvent et applaudissent)

Révision constitutionnelle (I)

M. Martial Bourquin .  - Monsieur le Premier ministre, face à la gravité des attentats, le président de la République a trouvé les mots justes devant le Congrès : face à la terreur, la France doit être grande et forte. Le président de la République a proposé des mesures dont l'état d'urgence, que nous avons voté. L'unité nationale a malheureusement été éphémère.

M. Alain Gournac.  - La faute à qui ?

M. François Grosdidier.  - À Mme Taubira !

M. Martial Bourquin.  - Alors qu'un consensus s'était dégagé à l'Assemblée nationale sur le projet de révision constitutionnelle, le Sénat ne l'a pas suivie, je le regrette profondément. Quelle image donnons-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; exclamations à droite) Ce n'est pas un camp qui a perdu, c'est la France ! (Même mouvement)

M. Philippe Dallier.  - Ce n'est guère convaincant.

M. Martial Bourquin.  - Comment allez-vous, monsieur le Premier ministre, continuer à protéger les Français contre le terrorisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; huées à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Vous le savez, le président de la République a pris acte de l'impossibilité du Sénat et de l'Assemblée nationale de trouver un accord en décidant de clore le débat constitutionnel. À Versailles, trois jours après les attentats particulièrement meurtriers, quand les choses pouvaient basculer, il avait su trouver les voies de l'unité nationale. Nous avons alors donné l'image d'une nation rassemblée face au terrorisme, et l'état d'urgence, voté unanimement par le Parlement, nous a permis de déjouer des projets d'attentats : celui qui se fomentait à Argenteuil était massif et imminent, comme l'a indiqué le procureur Molins. Nous avons tous soutenu l'intensification de nos frappes contre l'État islamique au Levant.

Nous ne sommes pas parvenus à conserver cette unité, je le regrette profondément. Nous n'avons pas su nous hausser à la hauteur des événements, c'est une responsabilité partagée. Je regrette que le Sénat ait adopté un texte...

M. François Grosdidier.  - ...conforme aux paroles du président de la République !

M. le président.  - Laissez parler M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - ...que le Sénat, disais-je, ait adopté un texte aussi éloigné de celui de l'Assemblée nationale, où les députés avaient su mettre de côté leurs clivages partisans, et où la gauche avait tendu la main à la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

M. Gilbert Bouchet.  - Ici, c'est le Sénat !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - La déchéance de nationalité pour les terroristes est tellement évidente... Comment expliquerez-vous que Salah Abdeslam ne soit pas déchu de la nationalité française ?

M. Philippe Bas.  - Il n'aurait pas pu l'être, de toute façon...

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - L'essentiel, cependant, c'est que l'unité demeure dans la lutte contre le terrorisme. Depuis le début du quinquennat, nous augmentons les moyens de la police et de la gendarmerie, ce qui n'avait pas été fait précédemment. Ceux des services de renseignement, alors que vous aviez mis à mal les renseignements généraux. Ceux de la justice, des douanes. Nous renforçons notre arsenal juridique, avec deux lois antiterroristes, la loi Renseignement, le projet de loi de procédure pénale. Et cela, grâce à la majorité de l'Assemblée nationale car même si le travail de votre commission des lois est respectable, je rappelle que ce sont les députés qui ont le dernier mot sur les lois autres que constitutionnelles. C'est bien notre politique qui assure la protection des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Prix des médicaments anticancéreux

Mme Françoise Férat .  - Monsieur le Premier ministre, je suis choquée par vos propos. « Tous unis derrière les propositions du président de la République », nous disiez-vous. Vous les avez largement modifiées sous pression de votre majorité, le Sénat y a été fidèle ! Ne faites pas porter au Sénat la responsabilité de vos propres manquements ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

J'en viens à ma question, qui s'adresse à Mme Touraine. Il y a quelques jours, des cancérologues ont alerté l'opinion sur le prix trop élevé et croissant des médicaments anticancéreux, alors que les coûts de recherche et développement baissent. Tous nos concitoyens doivent pourtant bénéficier de l'innovation thérapeutique. Les prix varient selon les pays, en fonction du marché, et nos efforts de régulation restent vains. Combien de temps pourrons-nous encore protéger les patients ? Que comptez-vous faire concrètement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Veuillez excuser l'absence de Marisol Touraine, en déplacement.

La liste « en sus », liste des médicaments facturables en sus des prestations d'hospitalisation, regroupe des médicaments innovants et couteux ne pouvant être financés sur le budget classique de l'hôpital et qui font l'objet d'un financement spécifique, afin que les patients puissent y avoir accès. Elle ne concerne en aucun cas le remboursement aux patients : le médicament radié de la liste reste prescriptible et pris en charge. Et je vous rassure, madame la sénatrice, le Gouvernement, contrairement au précédent, (Mouvements de protestations à droite) n'a aucunement l'intention de toucher à cette liste. Il continuera à protéger les patients, comme il l'a fait, en particulier, avec l'hépatite C, mais aussi pour l'ensemble des cancers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)

Révision constitutionnelle (II)

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, le président de la République, après quatre mois de tergiversations, a enterré hier la réforme constitutionnelle. Le Sénat, lui, n'a jamais varié : son texte est la transposition conforme des engagements du président de la République à Versailles. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. Cédric Perrin.  - C'est la gauche elle-même qui s'est éloignée de la parole présidentielle, c'est votre garde des sceaux qui a claqué la porte, avant que ne soit élaboré ce bricolage absurde sur la déchéance de nationalité, qui n'avait qu'un seul objectif : trouver une majorité de circonstance, évidemment introuvable, puisque vous aviez dû brandir le 49-3 pour contourner votre propre majorité et faire adopter une loi Macron anémiée, avant que ne soit vidé de sa substance le projet de Mme El Khomri ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs au centre)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - On peut analyser les lignes de force dans chaque assemblée, je le ferai avec plaisir. Le président de la République a mené des consultations, immédiatement après les attentats, dès le samedi 13 et le dimanche 14 novembre, avec des responsables de l'opposition. C'est sur leur proposition qu'il a choisi de retenir une mesure qui est d'ailleurs conforme à notre tradition républicaine. Nous n'avons pas cherché une majorité de circonstance, mais une majorité des trois cinquièmes. Je précise, madame Férat, que le groupe UDI a voté le texte à l'Assemblée nationale, avec l'accord du président Lagarde. Le retrait de la réforme conduira à cette situation que seuls les Français naturalisés pourront être déchus de leur nationalité : drôle de conception de l'efficacité ! Quant à la majorité sénatoriale, dont vous faites partie, elle a clairement privilégié l'unité au sein de son propre camp contre l'unité nationale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations à droite)

M. Cédric Perrin.  - Souvenez-vous : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Dois-je citer tous ceux qui, à gauche, ont dénoncé la déchéance de nationalité, de Christian Paul jusqu'au groupe CRC du Sénat, en passant par les écologistes ? Jusqu'à Malek Boutih qui appelait à reconnaître avec honnêteté : « le problème politique est venu de notre camp »...Le vôtre, monsieur le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Il n'est pas encore sénateur...êtes-vous pour des parlementaires godillots ?

Emploi

Mme Corinne Féret .  - Madame la ministre du travail, ne le nions pas, après une forte décrue en janvier, les récentes statistiques du chômage, celles de février, ne sont pas bonnes ; mais il faut les relativiser après des hausses et des baisses successives depuis neuf mois. Cela ne doit pas cacher une reprise réelle de l'activité...

M. Philippe Dallier.  - Avec des baguettes magiques ! (Rires et exclamations à droite)

Mme Corinne Féret.  - Cette reprise est le fruit des efforts du Gouvernement : pacte de responsabilité, formation en accord avec les régions et j'en passe. Les résultats sont là : nous en sommes à la cent-millième embauche en moins de deux mois. On peut espérer attendre un million d'embauches en fin d'année, en ligne avec les attentes du Gouvernement. (Murmures croissants à droite)

Cette bataille pour l'emploi est celle de tous... (Huées à droite)

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Corinne Féret.  - Il faut soutenir l'emploi !

M. le président.  - C'est fini ! (Applaudissements à droite)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Depuis des mois, les alternances de baisses et de hausses montrent que la reprise de l'activité, réelle, n'est pas suffisante par rapport à notre croissance démographique. C'est une invitation à intensifier notre action. (Exclamations à droite)

Pour que cela change, il faut prendre des mesures conjoncturelles, comme le Gouvernement l'a fait pour faciliter la création d'emplois dans les PME. On a enregistré 130 000 embauches dans les PME, dont 80 % provenaient de TPE, là où se trouve l'emploi de demain, et 70 % en CDI. Le plan 500 000 formations va dans le même sens. Le Premier ministre vient de signer une convention avec l'ARF et le président Richert, pour l'apprentissage, le développement économique et la formation.

Il faut aussi des mesures structurelles, comme la réforme que je porte.

M. Alain Gournac.  - Il n'y a plus rien dedans !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Aujourd'hui, neuf embauches sur dix se font en CDD. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Renouvellement des rames intercités

M. Claude Kern .  - Je salue la présence de nombreux entrepreneurs en tribune, dans le cadre de la première Journée des entreprises au Sénat. (Applaudissements chaleureux sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains)

Le Gouvernement a tranché en faveur de l'appel d'offres pour le renouvellement des trains Intercités au lieu d'appliquer les contrats-cadres existants.

Cette décision provoque les plus vives inquiétudes pour les salariés d'Alstom-Transport des sites d'Ornans, du Creusot, de Tarbes, de Villeurbanne, de Belfort et de Reichshoffen. Et pour cause ! Elle entraîne l'arrêt de la production sur ces sites en 2017 : vous mettez ainsi en péril les emplois de milliers de salariés d'Alstom et de ses partenaires. Pour un Gouvernement qui se dit soucieux de l'emploi, les bras m'en tombent...

Gouverner, c'est prendre des décisions difficiles et agir avec pragmatisme.

Le risque juridique, limité selon les juristes, mais invoqué par Alain Vidalies dans la lettre qu'il a adressée aux parlementaires, pèse-t-il plus que la détresse des salariés d'Alstom ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - La meilleure façon pour Alstom de répondre à ses problèmes de compétitivité est de gagner de nouveaux marchés et de se déprendre de sa dépendance à la commande publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain ; MM. Jean-Pierre Raffarin et Henri de Raincourt applaudissent aussi, suivis par plusieurs autres Sénateurs du groupe Les Républicains)

Accélérer la modernisation de notre appareil productif est la priorité. Nous avons justement créé de nouveaux volumes de production, et assaini la situation financière du groupe en le désendettant.

Pour les commandes en cours, nous avons privilégié les contrats existants, car gouverner, c'est aussi respecter le droit...

M. François Grosdidier.  - Sauf sur la déchéance de nationalité.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - La commande Alstom-SNCF porte justement sur 34 rames, pour 510 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Claude Kern.  - Je note que vous faites le choix d'une prudence excessive en sacrifiant un fleuron de notre industrie...

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Nationalisez ! (Sourires sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Claude Kern.  - C'est dommage !

Entreprises

Mme Élisabeth Lamure .  - L'actualité du Sénat, c'est aussi la Journée des entreprises. Depuis ce matin, 200 entrepreneurs nous délivrent leurs messages, leurs attentes ; nous les écoutons comme nous le faisons dans nos territoires, depuis un an, avec la délégation du Sénat aux entreprises.

Ils attendaient beaucoup du projet de loi « Noé » (nouvelles opportunités économiques) ; après avoir été déçus de son retrait brutal par le Gouvernement, ils éprouvent la même déception par rapport au projet de Mme El Khomri, alors qu'ils ne cessent de nous rappeler ce qui les entrave : les normes, les charges, les seuils, les contraintes administratives. Vous le savez, monsieur Macron, vous qui lancez avec constance des ballons d'essai pour tenter de « libérer » notre économie ; hélas, le Gouvernement ne vous suit pas toujours, provoquant la déception.

Qu'en sera-t-il du projet de loi Sapin ? Nous espérons qu'il n'apportera pas de nouvelles contraintes. La croissance repart, mais la France reste à la traîne, et le chômage est dévastateur.

Que répondez-vous, monsieur Macron, à tous ceux qui vous disent « laissez-nous travailler » ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - Vaste question... Aider les entrepreneurs, c'est d'abord les aider à créer, à prendre des risques et les accompagner dans leur parcours depuis la micro-entreprise. C'est pourquoi il faut lisser les seuils fiscaux, simplifier. Nous doublons le plafond des micro-entreprises à cette fin et offrons un droit d'option entre régime fiscal réel ou au forfait. C'est aussi le but du projet de loi Travail : la négociation sur l'organisation du temps de travail au sein de l'entreprise donnera plus de souplesse et de flexibilité. Nous ajoutons ainsi un système offensif au système défensif de la loi Croissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Élisabeth Lamure.  - Il suffirait de lever quelques freins, que tout le monde connaît, pour faire des entreprises françaises les championnes du monde. Elles attendent des réponses. Vous qui êtes à la manoeuvre depuis quatre ans, monsieur Macron, allez-vous leur répondre - du moins à celles qui espèrent encore... (Applaudissements au centre et à droite)

Carte d'identification professionnelle des salariés du BTP

M. Rachel Mazuir .  - Madame la ministre du travail, nous avons signé récemment la convention de lutte contre le travail illégal. Les mesures qu'elle comporte sont efficaces : outre la déclaration obligatoire et le renforcement des contrôles, en cours, des agents de l'État, la création d'une carte professionnelle est soumise à l'autorisation de la Cnil.

Dans quels délais pourra-t-elle entrer en vigueur ? À la demande de la France, mais aussi de l'Allemagne, la Commission européenne a décidé de renforcer les dispositions prises dès 1996 sur les travailleurs détachés. Le recours aux travailleurs détachés ne devrait pas dépasser 24 mois ; mais rien sur les charges sociales, qui restent celles du pays d'origine. Quelles évolutions vous paraissent possibles à court terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Nous ne luttons pas contre les travailleurs détachés, la France est le troisième pays à en envoyer, mais contre la fraude. L'enjeu, c'est la protection des travailleurs contre l'érosion de notre modèle social, la concurrence déloyale, et pour le respect de leur dignité dans l'espace européen.

En accord avec les représentants de la profession du BTP, j'ai décidé de mettre en place cette carte professionnelle, qui, avec un flash code, permet d'identifier la situation des travailleurs. Elle sera effective fin 2016...

M. Marc Daunis.  - Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Ce sera très utile à l'inspection du travail. Nous sommes aussi passés de 600 à 1 600 contrôles par mois.

Dans la loi Travail, la prestation de services internationale de tels travailleurs pourra être suspendue en l'absence d'une déclaration de détachement.

Le 8 mars dernier, la Commission européenne a annoncé une révision ciblée de la directive 2/96. C'est bien, la France veut notamment aller plus loin en interdisant le détachement en cascade de travailleurs et les entreprises boîtes aux lettres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe RDSE)

Part du budget de l'État consacrée aux collectivités territoriales

M. Charles Guené .  - 5,2 milliards d'euros aujourd'hui, 9 milliards à la fin de l'année, et 12,5 milliards en 2017 si les choses restent en l'état : oui, les collectivités territoriales ont donné, au prix d'une chute de l'investissement public de quelque 10 % en 2014, puis en 2015...

Elles s'étonnent que l'on attende en plus de leur part des manifestations de contentement, et qu'on leur prête des cris d'« orfraies », volatile qui possède une vue perçante, même par temps couvert ; mais c'est sans effort que les collectivités ont remarqué le rapport direct entre leur contribution et la baisse du déficit public... (Marques d'approbation à droite) On susurre que le chef de l'État s'en serait ému, qu'il aurait envisagé un report ou un étalement. Cette fuite, organisée ou non a causé une certaine cacophonie ministérielle... Une solution serait trouvée, dit-on, pour le Congrès des maires.

Or les votes des budgets des communes interviennent en avril avant de disposer des informations utiles. Les maires devront fixer leur fiscalité avant. Cette attente est insoutenable. Ce calcul politicien n'est pas digne et exige de la responsabilité au plus haut niveau de l'État. Cette décision sera-t-elle communiquée en temps utile, c'est-à-dire avant le 15 avril ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Le Gouvernement s'est engagé dans une baisse de la dépense publique...

M. François Baroin.  - Un ralentissement de la hausse ! (On renchérit à droite)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Rassurez-vous, cela va bien se passer... Nous pourrons en parler, monsieur Baroin...

M. François Baroin.  - Sûrement pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Si nous voulons baisser les dépenses publiques, qui sont constituées, grosso modo, pour moitié des dépenses sociales, pour un quart de celles de l'État, pour un quart de celles des collectivités territoriales, tous les acteurs publics devront faire des efforts. Nonobstant les baisses de dotation de l'État, les recettes des collectivités territoriales n'ont cessé d'augmenter...

M. François Grosdidier.  - Comme les dépenses obligatoires !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - J'ai proposé à nos communes de faire ensemble une analyse objective de la situation des finances publiques. (M. Gérard Collomb s'exclame)

Je m'interroge sur le montant faramineux des baisses des dépenses réclamées ici ou là. Quels en seraient les effets sur les finances locales ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations sur plusieurs bancs à droite)

M. Charles Guené.  - Vous ne m'avez pas rassuré. Votre attitude démontre que vous n'êtes pas à l'écoute des élus, ni des Français.

(Applaudissements sur les bancs au centre et à droite)

Situation d'Areva

M. Jean-Paul Emorine .  - La réorganisation de la filière nucléaire française passe par une étape importante : pour sauver Areva qui connaît des pertes à hauteur de 7 milliards d'euros en deux ans, l'État actionnaire a imaginé que la division réacteurs, Areva-NP, serait reprise par EDF, pour un coût de 2,5 milliards d'euros ! Or l'État, actionnaire majoritaire des deux groupes - 85 % pour EDF, 86 % pour Areva - est prêt à apporter 1 ou 2 milliards dans cette opération !

La recapitalisation d'Areva, clef du sauvetage du groupe, à hauteur de plusieurs milliards d'euros, a été annoncée en janvier. C'est dire la dimension de ce qui s'apparente pour beaucoup à un scandale industriel d'État.

La fragilité financière d'EDF, qui n'a pas su sortir du modèle du monopole pour s'adapter à la concurrence, explique que, selon les propres syndicats d'EDF, la « maison » n'a plus les moyens de reprendre son ancien fournisseur.

Monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur la stratégie de l'État actionnaire, dont vous avez-vous-même dénoncé « la vision court-termiste », et qui privilégie la paix sociale. Que comptez-vous faire définitivement ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - Si l'État actionnaire avait eu une vision court-termiste, nous aurions continué à cacher les problèmes, comme cela s'est fait jusqu'alors, (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain) à jouer avec Areva contre EDF. Nous avons décidé, nous, une réorganisation de la filière, mais ses résultats ne se verront pas sous cette mandature...

Fukushima et le basculement des marchés mondiaux, le désalignement d'EDF et Areva, de périlleux investissements à l'étranger lui ont coûté cher.

Nous engageons Areva à se diversifier - dans les voies où elle dispose d'un vrai savoir-faire - ; nous organisons un plan d'économies en diminuant les effectifs et les coûts, et amorçons sa recapitalisation. Bref, nous menons une véritable stratégie de long terme, qui réduira les risques et donnera à l'entreprise et à la filière nucléaire des perspectives internationales et nationales (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain).

M. Jean-Paul Emorine.  - Une stratégie avec un État actionnaire à 85 % ? L'occasion vous est donnée de créer un leader mondial de l'énergie nucléaire avec le pôle nucléaire de Bourgogne...

M. Jean-Paul Emorine.  - Seuls les investisseurs privés peuvent faire de notre filière nucléaire un acteur mondial. Vous avez préféré faire payer les erreurs d'Areva aux contribuables français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président. - Je rappelle que les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu mardi 5 avril et seront retransmises sur Public sénat et sur le site internet du Sénat.

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 16 h 25.