Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Nous excusons volontiers le Premier ministre, en route vers la Nouvelle-Calédonie ; j'y étais moi-même la semaine du 22 février, et lui souhaite le meilleur pour ce déplacement important.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Situation d'EDF

M. Jean-Pierre Bosino .  - Les mesures annoncées par l'État et EDF le 22 avril inquiètent. Comment l'État financera-t-il la recapitalisation de 3 milliards d'euros ? En privatisant des aéroports ? Comment l'entreprise dégagera-t-elle de nouvelles marges ? En privatisant le réseau de transport d'électricité ! C'est une logique de privatisation d'un bien de la nation qui est engagée, alors que le souci de rendement à court terme des investisseurs privés est incompatible avec les enjeux d'approvisionnement et de sécurité énergétique.

Autre inquiétude : le plan d'économie d'1 milliard d'euros annoncé par la direction. Les salariés sont très inquiets des conséquences sociales. La sécurité, notamment le grand carénage, et la transition énergétique appellent pourtant des investissements massifs.

La seule stratégie du président d'EDF est financière et commerciale, plutôt hasardeuse alors que les indicateurs sont au rouge.

La filière énergétique, d'Areva à EDF, a besoin d'une stratégie industrielle de long terme qui préserve les savoir-faire en préparant l'avenir.

La priorité d'EDF est d'assurer le service public en fournissant une énergie de qualité et compétitive, conformément à la mission qui lui a été confiée il y a soixante-dix ans.

Que compte faire l'État, actionnaire à 85 % d'EDF ? Allez-vous enfin renoncer aux privatisations incompatibles avec le service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - (Exclamations enthousiastes à droite, où l'on crie « En marche ! ») Je souscris pleinement à votre vision d'EDF comme une entreprise forte, au coeur de notre stratégie énergétique et nucléaire. C'est le choix qui a présidé à la stratégie du Gouvernement : refonder la filière en cohérence, en rapprochant les activités réacteur d'Areva et d'EDF, en décidant de recapitaliser.

Quel est le problème d'EDF ? Une ouverture au marché de ses prix, à la suite des décisions prises il y a dix et six ans, avec la loi Nome, et un effondrement du cours du mégawattheure, de 50 à 26 euros. Face à ce problème, nous avons une stratégie d'effort partagé. Pour l'entreprise, un plan d'économies, légitime et faisable, qui sera négocié avec le corps social de l'entreprise en préservant les compétences et les règles de sûreté. En ouvrant le capital de RTE - et non en privatisant - elle pourra travailler autour d'un projet industriel.

La logique de l'État, actionnaire majoritaire, est tout sauf court-termiste. Pour la première fois, l'État a renoncé à ses dividendes - 20 milliards d'euros - pour les deux années à venir et décidé de réinjecter au moins 3 milliards dans l'entreprise. C'est bien une stratégie de long terme, responsable : accompagner le projet industriel d'EDF, investir dans le parc, dans l'entretien, dans les nouvelles centrales, dans le renouvelable et les projets à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Bosino.  - Je ne suis pas du tout convaincu (On fait mine de s'en désoler à droite). Vous exigez le rachat d'Areva, qui aurait dû être recapitalisée, et refusez les 20 millions d'euros absolument nécessaires à l'ASN. Votre stratégie n'est pas industrielle, mais purement financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Lutte contre le chômage

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Madame le ministre du travail, chacun imagine et partage la satisfaction des 60 000 personnes qui ont retrouvé un emploi le mois dernier (Exclamations à droite). Nous nous en réjouissons tous, mais n'oublions pas les autres. L'emploi reste la première préoccupation des Français. Les mesures conjoncturelles engagées par le Gouvernement commencent à porter leurs fruits. Cette baisse spectaculaire du mois de mars n'est pas le fruit du hasard mais de la politique menée depuis 2012.

La situation des jeunes s'améliore : 36 000 jeunes de moins de 25 ans ont trouvé un emploi. Avec l'aide embauche, les PME retrouvent de l'air. Les conventions avec les régions permettront de proposer 500 000 formations aux demandeurs d'emploi dans les métiers d'avenir.

À présent, des réformes structurelles doivent accompagner la reprise, améliorer la compétitivité des entreprises tout en créant de nouveaux droits pour les salariés et en favorisant le dialogue social.

M. le président.  - Votre question ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Tel est l'objectif de la loi ambitieuse que vous portez, madame la ministre. Pouvez-vous nous exposer la cohérence globale de ces mesures volontaristes... ? (Huées à droite, couvrant la voix de l'oratrice ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - En effet, le nombre de demandeurs d'emplois en catégorie A, sans aucune activité, a diminué de 60 000 en mars, dans toutes les classes d'âge.

M. Philippe Dallier.  - Et les autres catégories ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Aucun triomphalisme de notre part, mais une satisfaction profonde et sincère (Vives exclamations à droite). Quand les chiffres sont mauvais, on nous taxe d'incompétence; quand ils sont bons, de manipulation. Quel cynisme que de s'accommoder d'un chômage élevé pour en faire un argument électoral ! (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

Notre politique doit être à la fois conjoncturelle et structurelle. Grâce au CICE et au pacte de responsabilité, les entreprises ont investi, retrouvé leurs marges, créé 100 000 emplois dans le secteur concurrentiel en 2015. S'y ajoute le plan exceptionnel de 500 000 actions de formation, l'aide embauche PME...

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le projet de loi Travail, dont l'Assemblée nationale entamera bientôt l'examen, réformera notre marché du travail, améliorera notre compétitivité, donnera de la souplesse aux entreprises tout en octroyant de nouveaux droits aux salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

Suppression des classes bilingues en province

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC). La commission de la culture aurait aimé interrogé Mme Vallaud-Belkacem sur l'enseignement des langues vivantes dans le contexte de la réforme du collège. Votre agenda ne vous l'a pas permis - non plus que de répondre aux nombreuses questions écrites des parlementaires...

Vous dites votre stratégie en faveur des langues vivantes ambitieuse, mais la suppression des sections européennes et de la majorité des classes bi-langues à la rentrée prochaine est incompréhensible pour les parents, les enseignants, les élèves.

Ces sections, prétendument élitistes, sont un facteur de mixité dans les établissements. Vous les supprimez au nom de l'égalité. L'égalité, ce n'est pas offrir moins à tous mais à chacun la voie de sa réussite ! (Vifs applaudissements au centre et à droite)

Votre réforme, comme celle des rythmes scolaires, accroit les inégalités territoriales. Toutes les classes bi-langues restent ouvertes à Paris, quand 95 % de celles de l'académie de Caen ferment ! (On le déplore vivement au centre et à droite) Curieuse conception de l'égalité...

L'enseignement d'une seconde langue vivante dès la cinquième ne compensera pas cette perte de maîtrise. L'apprentissage des langues autres que l'anglais sera fragilisé, la diversité linguistique menacée. Renoncez donc à détruire ce qui a fait ses preuves ! Que fera le Gouvernement pour résorber les inégalités engendrées par cette réforme ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Madame la sénatrice, je me demande en vous écoutant si nous vivons bien dans le même pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; huées au centre et à droite) À croire que tout allait dans le meilleur des mondes jusque-là concernant l'apprentissage des langues vivantes !

M. François Grosdidier.  - Vous êtes là depuis quatre ans !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Les collégiens français sont les plus mauvais en langue vivante car l'enseignement est trop tardif, sauf pour les 15 % qui bénéficient des classes bi-langues. Le Gouvernement a voulu donner à tous les élèves les mêmes chances de réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, vives exclamations au centre et à droite)

Mme Catherine Troendlé.  - C'est faux !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - J'assume cette orientation. La réforme du collège met fin aux dispositifs dits de contournement, comme les classes bi-langues, mais préserve et développe ceux de continuité avec l'enseignement précoce dès la cinquième, voire la sixième, d'une seconde langue vivante.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Ces dispositifs seront mis en place sur tout le territoire, tant à Paris qu'à Amiens ou Strasbourg. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, huées à droite et au centre).

Débordements à la place de la République

M. Pierre Charon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur - qui a raison d'être absent. Les Français assistent depuis plusieurs semaines à des scènes surréalistes de violences urbaines. À Nantes, le centre est devenu le rendez-vous hebdomadaire des casseurs, avides d'y trouver des boutiques à piller.

À Paris, la place de la République, récemment rénovée à prix d'or, est envahie par le mouvement Nuit Debout - qu'il faudrait plutôt appeler « Au lit le jour ». Tags, arrachage des dalles, baraquements sauvages, saccage des commerces, musique à tue-tête jusqu'à l'aube, incendie des voitures de police : c'est devenu une jungle ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Occupation du théâtre de l'Odéon, de la Comédie française, assaut du lycée Jean-Jaurès par 150 migrants, organisé par l'extrême gauche...

Mme Éliane Assassi.  - Vous mélangez tout !

M. Pierre Charon.  - Il y a trois ans, pourtant, vous n'aviez pas la même clémence avec des manifestations pacifiques, n'entrainant aucune dégradation, avec les Veilleurs qui n'avaient pour arme qu'une bougie ! Ce laxisme sélectif déshonore l'autorité républicaine.

M. Alain Néri.  - Affligeant !

M. Pierre Charon.  - Monsieur le ministre, quand donnerez-vous enfin des ordres à la police pour assurer le maintien de l'ordre public ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je m'étonne qu'un sénateur de Paris ignore que 73 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue depuis le début du mouvement Nuit Debout. Les incidents de vendredi dernier ont donné lieu à treize interpellations ; neuf personnes ont été placées en contrôle judiciaire et seront poursuivies avec fermeté. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Certains demandent la suspension du mouvement Nuit Debout au nom de l'état d'urgence - mais ce dernier ne permet pas de s'abstraire de l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Fouché.  - Ce n'est pas la question !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Le 19 février, le Conseil constitutionnel a rappelé que l'état d'urgence doit concilier prévention des atteintes à l'ordre publique et respect des droits et liberté - dont celle de manifester. Le juge administratif veille à ce que les mesures soient adaptées, nécessaires et proportionnées. C'est, s'il prenait le risque d'être condamné, que l'État serait affaibli ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain).

M. Pierre Charon.  - Monsieur le ministre... (Vives exclamations à gauche) vous êtes comme les fraises d'hiver, hors-sol !

Hyper-ruralité

M. Alain Bertrand .  - Ma question s'adresse à M. Baylet. (« Ah ! » à droite) Les villes, la ruralité souffrent depuis la crise. Si le Gouvernement a pris des mesures - augmentation de la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), fonds spécial d'investissement -, la Révision générale des politiques publiques (RGPP) puis la Modernisation de l'action publique (MAP) ont frappé beaucoup plus durement les petites collectivités, de même que le rabot des dotations. S'y ajoute la crise agricole.

Il est urgent de prendre des mesures en faveur des petites centralités, surtout lorsqu'elles ne coûtent pas cher. Je vous propose ainsi de démétropoliser et de délocaliser, de cesser de tout entasser dans les grandes villes. L'hyper-ruralité a des avantages en termes de coûts et de qualité de vie. Pourquoi certains des 248 centres d'appel français ne s'installeraient-ils pas à Gap, à Aurillac, à Cahors, à Ajaccio, grâce à des mesures ciblées ? Idem pour des petites unités d'enseignement supérieur et de recherche.

M. le président.  - Veuillez poser votre question.

M. Alain Bertrand.  - Démétropolisez, c'est efficace et pas cher ! Quand commençons-nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Jean-Louis Carrère applaudit aussi)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Je connais et partage votre passion pour l'hyper-ruralité, et votre excellent rapport. (« Ah ! » à droite) N'opposons pas ruralité, métropoles, périurbain : tous contribuent à un aménagement du territoire harmonieux. En 2015, le Gouvernement a tenu deux comités interministériels aux ruralités (CIR), adopté 67 mesures. Le 20 mai aura lieu un nouveau CIR. Preuve que la ruralité est bien une de nos priorités.

Les premiers résultats de cette politique se font sentir sur le terrain : les maisons de services au public, qui seront mille en fin d'année, dont 500 ouvertes avec la Poste, ce qui garantit la présence postale sur ces territoires. Avec Mme Touraine, nous avons lancé la politique des maisons de santé, pour une offre de santé de proximité : elles seront mille à la fin de l'année. Avec M. Macron (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), nous oeuvrons à la résorption des zones blanches et au développement du numérique, y compris dans la ruralité.

Je suis prêt à étudier vos propositions. Soyez certains que le Gouvernement oeuvre fort et vrai pour la ruralité. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Conflits d'intérêts

Mme Leila Aïchi .  - Le Bureau du Sénat a décidé courageusement de transmettre le dossier du professeur Aubier à la justice. Les faux témoignages devant les représentations nationales doivent être punis. En mentant devant notre commission d'enquête, ce professeur a minimisé l'enjeu de la pollution de l'air, menti aux Français, et tenté d'influencer les politiques publiques au service d'intérêts privés. La démocratie ne saurait être fondée sur le mensonge. Je salue le plan de prévention des conflits d'intérêts de Martin Hirsch à l'AP-HP.

Que compte faire le Gouvernement pour lutter contre les conflits d'intérêts ? (Nombreux applaudissements)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Comme vous, j'ai été choquée par le comportement inadmissible de ce médecin qui a omis de mentionner devant la commission d'enquête, qui l'auditionnait sous serment, qu'il était rémunéré par un acteur du secteur.

L'AP-HP étudie de son côté le lancement d'une procédure. Sa direction a élaboré un guide de prévention des conflits d'intérêts. Le Gouvernement a créé une base recensant les rémunérations des médecins par l'industrie pharmaceutique.

La loi de modernisation du système de santé a renforcé le cadre législatif, grâce notamment aux apports du Sénat. Il est souhaitable d'aller au-delà des industries pharmaceutiques car des médecins peuvent travailler avec d'autres industries, ce qui est le cas du professeur Aubier.

Le Gouvernement est décidé à lutter contre les conflits d'intérêts qui jettent le discrédit sur la déontologie médicale et les médecins d'excellence de notre pays. (Applaudissements à gauche)

Mme Leila Aïchi.  - Nous resterons vigilants. J'en profite pour saluer le courage des lanceurs d'alerte. Il faut les protéger et sanctionner les menteurs. (Applaudissements)

Intermittents du spectacle

Mme Maryvonne Blondin .  - Madame la ministre de la culture, la nuit dernière, les partenaires sociaux du spectacle vivant sont arrivés à un accord.

M. Philippe Dallier.   - Aux frais de l'État !

Mme Maryvonne Blondin.  - Je les félicite : la méthode du président de la République, à savoir donner la primeur au dialogue, était bonne.

M. Jean Bizet.  - Qui va payer ?

M. Philippe Dallier.  - C'est nous !

Mme Maryvonne Blondin.  - Dès 2014, il avait été prévu que la réforme du régime d'indemnisation serait élaborée par les acteurs sociaux. C'est aussi le contenu des accords qui nous réjouit, en particulier le retour à une date anniversaire, et non glissante, pour le calcul des droits ou la neutralisation des baisses d'indemnisation après des congés maternité.

Comment le Gouvernement soutiendra-t-il cet accord ?

M. Jean Bizet.  - Avec nos sous !

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication .  - C'est un accord historique. Il n'y a pas de création sans créateurs ni artistes, ni techniciens du spectacle. Le régime repose sur la solidarité interprofessionnelle. Pour la première fois, nous avons fait confiance aux partenaires sociaux - ils l'ont méritée !

Cela fera 80 à 110 millions d'euros d'économies - ce n'est pas rien.

Retour à la date anniversaire, meilleure prise en compte des heures d'enseignement artistique, les mesures positives sont nombreuses : les employeurs ont accepté une majoration de cotisations.

Un plan d'action d'accompagnement sera lancé avec une dotation de 90 millions.

M. Philippe Dallier.  - Nous y voilà...

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Maintenant, il faut rendre les théâtres aux spectateurs, comme c'est déjà le cas à la Comédie française. Que le spectacle puisse reprendre partout. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Notre-Dame-des-Landes

M. Joël Guerriau .  - Pour la première fois dans l'histoire républicaine, l'État impose aux élus locaux d'organiser une consultation sur un projet d'intérêt local, Notre-Dame-des-Landes, alors que tous les recours sont épuisés. Les arrêtés de démarrage des travaux ont été publiés.

Et la signature de l'État ? Et la force des 154 décisions de justice ? Vous piétinez 50 ans de décisions prises par les gouvernements et les collectivités territoriales.

En cas de vote négatif, abrogerez-vous la déclaration d'utilité publique de 2008 ? Dans le cas contraire, vous engagerez-vous une nouvelle fois à faire évacuer la zone ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - L'ordonnance publiée vendredi dernier, permise par la loi Croissance et activité, a reçu l'aval du Conseil national de la transition écologique présidé par M. Alain Richard. On ouvre ainsi la voie à une consultation d'un nouveau genre, le 26 juin, en Loire-Atlantique, territoire couvert par les enquêtes publiques. Celles-ci ne sont nullement remises en cause. (Exclamations à droite) Un dossier présentera aux électeurs tous les éléments du programme.

Le Gouvernement appelle toutes les forces démocratiques à se mobiliser pour que cette consultation soit un succès. Il est triste que vous y trouviez à redire.

M. Joël Guerriau.  - La loi Macron n'autorise de telles consultations que sur les projets à venir. Vous mettez en place une situation infernale : tous les projets d'ampleur pourront ainsi être contestés après que la justice aura tranché. Vous organisez le désordre et l'insécurité juridique ! (Vifs applaudissements au centre et à droite ; vives exclamations à gauche)

Enseignement des langues et cultures d'origine

M. Alain Dufaut .  - Un magazine a récemment mis en ligne une vidéo « Les enfants à l'école de l'islam », tournée dans une salle municipale d'Avignon, mise à disposition dans le cadre de l'enseignement des cultures d'origine.

Ce dispositif, issu de la directive du 25 juillet 1977 et d'accords bilatéraux avec des pays de l'Union européenne, du Maghreb et du Proche-Orient, consiste en enseignements dispensés par des professeurs formés et rémunérés par leurs États respectifs, en complément du temps scolaire.

Destiné, à l'origine, à préparer le retour au pays des enfants de travailleurs migrants, il est aujourd'hui détourné de son objectif, puisqu'il s'adresse à des enfants des deuxième et troisième générations qui n'ont pas vocation à retourner dans leur pays d'origine. En outre, il n'est pas contrôlé et la vidéo mentionnée jette un doute sur la qualité des enseignements.

Que compte faire le Gouvernement contre ce détournement ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La politique du Gouvernement pour les langues vivantes vise à favoriser une plus grande précocité d'apprentissage et une diversification des langues enseignées. À la rentrée, 1 200 écoles primaires de plus proposeront l'enseignement d'une langue étrangère autre que l'anglais.

Le dispositif ESLLO doit être revu. Le Gouvernement a engagé des négociations pays par pays, pour revoir les conventions. Dès la rentrée, de nouvelles conventions avec le Maroc et le Portugal entreront en vigueur, avec un renforcement des contrôles sur les programmes et sur les équipes pédagogiques qui pourront faire l'objet d?inspections. Nous nous donnons jusqu'à 2018 pour revoir les conventions avec tous les autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Fonds de soutien à l'investissement local

M. Jacques-Bernard Magner .  - Le Gouvernement a lancé un nouveau dispositif pour encourager l'investissement public local, Fonds de soutien à l'investissement local, doté d'un milliard d'euros. Le 15 janvier 2016, le Premier ministre a écrit aux préfets pour présenter ce dispositif. Cette circulaire précise que la loi n'interdit pas le cumul des subventions. Les préfets ont-ils le pouvoir d'interpréter ces textes pour interdire le cumul avec la Dotation d'équipement des territoires ruraux, comme c'est le cas en Auvergne ? Les maires m'ont fait part de leur incompréhension et certains envisagent de renoncer à leur investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Il est réconfortant qu'une politique mise en place rencontre le succès. C'est le cas du fonds de soutien à l'investissement local, déconcentré auprès des préfets pour être plus rapide et plus efficace. Il est partagé en 500 millions d'euros pour de grandes priorités, 300 millions d'euros pour la revitalisation des centres-bourgs et 200 millions supplémentaires pour la DETR : il appartient aux préfets de le répartir ensuite.

Il n'y a aucune interdiction à cumuler avec la DETR. Je l'ai indiqué aux préfets. Les difficultés dans votre région sont maintenant aplanies. Bravo pour votre implication personnelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain ainsi que du RDSE)

Prisons

M. Michel Raison .  - Plus de 68 000 personnes sont détenues dans les prisons françaises, qui ne comptent que 58 500 places. Le nombre de matelas au sol a augmenté de moitié en un an, la France est souvent mise à l'index par les juridictions européennes, le nombre de suicides est deux fois plus élevé que dans la moyenne européenne. Et pourtant, votre Gouvernement a annulé, dès son arrivée en 2012, la création de 24 000 places prévues pour 2017, il n'en a créé que 1 325. Mme Taubira a fermé des établissements parfaitement aux normes. Allez-vous créer enfin non des places nouvelles mais des places supplémentaires ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Ma réponse tient en trois lettres : oui. Oui, il faut construire des prisons. Combien ? Reparlons-en fin septembre. Chacun avance des chiffres, j'ai reçu 25 courriers de parlementaires, de M. Retailleau, de M. Béchu, de M. Baroin...

Nous fermerons Clairvaux, mais ouvrirons une autre prison, il le faut. À Agen hier, j'ai accueilli les 788 élèves qui se préparent aux métiers de l'administration pénitentiaire. C'est un record depuis 1958. L'an prochain, nous recruterons 2 500 fonctionnaires. Nous fermerons des établissements vétustes mais en ouvriront ailleurs - dont un de 520 places dans votre département, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Raison.  - Cela n'excuse pas ce que vous n'avez pas fait.

Comptes publics

M. Éric Doligé .  - Selon le président de la République, la France va mieux. Pourtant 85 % des Français sont insatisfaits par votre politique.

Oui, le chômage a baissé de 60 000 le mois dernier, grâce à des radiations, des formations, etc. Au total, restent plus de trois millions de chômeurs de catégorie A.

Que dire des déficits ? Le Gouvernement ne cesse d'annoncer des mesures non financées : 11 milliards déjà de dépenses nouvelles, pour beaucoup reportées après 2017.

N'est-il pas temps de cesser ces promesses électorales ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Fallait-il renoncer au plan de formation des chômeurs ? Au plan de soutien à l'agriculture ? À la revalorisation des bas salaires de la fonction publique ?

M. Philippe Dallier.  - Pas seulement les bas salaires...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - En additionnant les mesures annoncées pour 2016, 2017 ou 2018, vous additionnez des carottes et des navets...

Comment ces mesures seront-elles financées ? Comment l'ont été les mesures en faveur de la défense ou de la sécurité l'an dernier ? Par des économies nouvelles. Le déficit final a été de 3,5 % et non de 3,8%, soit 6 milliards de mieux que prévu. Faites-nous confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Éric Doligé.  - La plupart des mesures concernent l'après 2017. Les économies prévues ne sont pas précisées. Ne cherchez pas M. Macron : il est en route pour Orléans et la fête de Jeanne d'Arc. (Sourires)

Traité transatlantique

M. David Rachline .  - M. le Premier ministre n'est pas là. La semaine dernière, il a trouvé en Mme Merkel une alliée de poids pour défendre le Tafta, que le Front national critique depuis le début, récemment rejoint par M. Cambadélis, pour en dénoncer tant sur le fond, imprégné d'idéologie mondialiste déracinée, que sur la forme, opacité totale des négociations. Nous aurons été le premier lanceur d'alerte sur ce risque majeur sur tous les plans, tant sur le plan commercial que sur les plans sanitaire et judiciaire.

Malheureusement, le Gouvernement français n'est pas partie prenante dans cette négociation mais un simple observateur des agissements de la Commission européenne. Ce traité est le fruit de la déconstruction idéologique des nations prônée par les instances européennes et soutenu depuis toujours aussi bien par la gauche que par la droite.

Ma question est simple : quand la France demandera-t-elle à la Commission européenne de quitter ces négociations ? Quelles sont les lignes rouges ?

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - La France n'est pas l'ennemie du libre-échange. Vous êtes bien contents lorsque l'économie française connaît des succès à l'extérieur qui créent des emplois à l'intérieur. Mais il faut être exigeant dans les instances de l'Union européenne. Dans ce bon accord qu'est celui avec le Canada, nous retrouvons l'accès aux marchés publics, le respect des indications géographiques, la protection des agriculteurs, une procédure de règlement des différends respectueuse des États. Avec les États-Unis le compte n'y est pas, disons-le. La France n'acceptera pas un accord au rabais. Elle veut une négociation en toute transparence dans le respect de nos valeurs et de nos traditions.

Nous ne décidons pas, dites-vous ? C'est le Parlement qui se prononcera in fine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. David Rachline.  - Je me réjouis de ces paroles, dont j'espère qu'elles ne sont pas destinées seulement à gagner du temps. Nous ne pouvons pas faire confiance à la Commission européenne. J'espère que cette ratification sera soumise à la seule vraie souveraineté, celle de la nation exprimée par référendum et que, contrairement à 2005, la voix du peuple ne sera pas bafouée.

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 20.