Reconquête de la biodiversité (Deuxième lecture - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Discussion générale (Suite)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État .  - Cette discussion générale a été très riche. J'ai pu constater, monsieur le rapporteur, combien votre travail a été apprécié. J'ai hâte d'éprouver à mon tour votre sens de la synthèse et votre pragmatisme. J'apprécie que vous ayez salué le pas vers le Sénat fait par l'Assemblée nationale - que le Sénat fasse lui aussi un pas et la CMP sera conclusive.

Monsieur Pillet, votre travail sur le préjudice écologique a montré une fois de plus la qualité de la commission des lois du Sénat. Vous êtes parvenus à une base très intéressante - à quelques ajustements près bien sûr.

Monsieur Maurey, les très substantiels changements par rapport au texte gouvernemental prouvent la vivacité de la démocratie parlementaire. Je partage votre souci de prendre en compte les réalités économiques, de simplifier et de tenir compte des réalités du terrain.

Monsieur Requier, préserver l'existant en préparant l'avenir est un bon principe - étant bien entendu que préserver n'est pas mettre sous cloche. Vous voulez faire confiance à la science, vous avez raison : elle nous aidera aussi à reconquérir la biodiversité. L'écologie n'est pas un retour en arrière ; nous pouvons nous appuyer sur le génie humain, préparer l'avenir.

Madame Didier, vous nous avez fait part de vos inquiétudes ; j'espère que, comme les réponses qui vous ont été faites en témoignent, elles seront démenties. L'AFB, vous l'avez dit, ce sont des hommes et des femmes passionnés ; sans eux, cette agence ne servira à rien. J'ai souhaité rencontrer les agents des quatre organismes qui fusionnent ; j'ai ainsi pu mieux comprendre les enjeux, notamment le quasi-statut, sur lequel les premiers éléments du décret ont été transmis aux syndicats.

En ce qui concerne les plafonds d'emplois, je ne doute pas que les engagements du président de la République soient suivis d'effets.

Monsieur Filleul, vous avez avec raison parlé de l'importance de faire connaître les enjeux, qui sont moins compris que ceux du changement climatique. Je m'emploierai dans l'année qui vient à faire de la pédagogie. Le travail de Montlouis-sur-Loire est en effet formidable. La fermaculture est passionnante et vous pouvez compter sur moi pour la promouvoir.

Monsieur Dantec, vous avez cité les chiffres sur la disparition des passereaux, signe que la biodiversité est bien à reconquérir. Vous avez raison de pointer l'inconséquence de ceux qui s'inquiètent pour les lions et les orangs-outans mais oublient les espèces menacées ici, comme les ours des Pyrénées. La solution de l'Assemblée nationale sur l'huile de palme permet de travailler avec les pays concernés pour éviter la déforestation et développer des filières qui permettent aux petits producteurs de vivre. Beaucoup en effet se sont sortis de la misère grâce à l'huile de palme.

Monsieur Pointereau, je vous rassure : la préservation de la biodiversité, ce n'est pas la mise sous cloche de la nature. Sortons de ce faux débat. Même dans les réserves, le développement économique est possible, voire profite de la biodiversité.

Le développement durable a deux jambes, dites-vous. J'en vois une troisième, si je puis dire, la question sociale. Le monde de l'entreprise a maintenant compris qu'économie et écologie vont de pair. Celle-ci crée de l'activité, de l'emploi non délocalisable. Je suis fermement opposée aux caricatures. Non, les agriculteurs ne sont pas responsables de tous nos maux, vous avez raison. Ils peuvent au contraire être des alliés dans la reconquête de la biodiversité, que leur disparition à fait reculer, à Ouessant par exemple. Le choix du système agricole en 1945 correspondait aux enjeux de l'époque, après des années de restrictions, de disettes. La question environnementale, en revanche, était ignorée. La société tout entière a fait ce choix, dont il n'est pas question de rendre les agriculteurs responsables. Désormais, nous sommes tous d'accord pour dire que ce modèle doit évoluer.

Madame Jouanno, je ne connaissais pas les tardigrades ; merci de me les avoir fait découvrir ! Vous avez raison : nous devons nous mettre d'accord sur des principes de base. La disposition du principe de non-régression apporte de la confusion. Vous parlez de terrains sur lesquels les débats ne se faisaient pas selon un critère droite-gauche. Au Gouvernement aussi, nous avons eu de vifs débats, comme sur les néonicotinoïdes : le ministère de l'environnement et de l'agriculture n'étaient pas d'accord au départ, mais ont fini par trouver un compromis. Si nos deux ministères sont parvenus à s'accorder, tout est possible !

Madame Primas, je jugerai des propositions en fonction de leur qualité et non de leur origine. C'est une évidence qu'il faut parfois rappeler. Évidemment, il y a des lobbys, des deux côtés. Cela ne me pose pas de problème que les groupes d'intérêts défendent leurs intérêts, dès lors qu'après les avoir écoutés, les parlementaires et le gouvernement s'élèvent au niveau de l'intérêt général. Oui, le travail de l'Anses est crucial.

Oui, madame Bonnefoy, c'est vrai, l'écologiste que je suis n'imaginait pas que cet accord de Paris soit signé par 175 pays : il y a eu tant d'échecs avant cette COP21... Quand on ne s'occupe pas d'écologie, vous avez raison de le rappeler, cela coûte à la société. L'accumulation des contraintes est souvent la conséquence de pratiques déraisonnables, c'est vrai. Votre travail sur l'action de groupe environnementale nous a permis d'intégrer ce dispositif dans le texte sur la justice du XXIe siècle.

Monsieur Gremillet, vous êtes inquiet face à l'amoncellement de nouvelles contraintes ; j'en suis complètement d'accord, les entreprises et les agriculteurs ont besoin de visibilité pour l'avenir. Il est insupportable de voir arriver de nouvelles normes avant même que soient amortis les lourds investissements que l'on a consentis. J'y suis attentive, car des lois belles en théorie peuvent se révéler catastrophiques en pratique. Avec le triptyque éviter, réduire, compenser, nous pouvons anticiper les mauvaises surprises. Enfin, je ne vois pas dans cette loi de manques d'égards pour la science, bien au contraire.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par MM. Mézard, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 3

Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :

« 2° Les mots : « sites et paysages » sont remplacés par les mots : « sites, les paysages diurnes et nocturnes » ;

M. Jean-Claude Requier.  - Il s'agit d'un amendement commun avec l'UDI et, une fois n'est pas coutume, les écologistes. (Rires)

L'alternance entre le jour et la nuit conditionne de nombreuses fonctions physiologiques. La pollution lumineuse la met en cause, alors que 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés vivent partiellement ou totalement la nuit. Cet amendement précise que les paysages tant diurnes que nocturnes font partie du patrimoine commun de la nation.

M. le président.  - Amendement identique n°158 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Cigolotti et Guerriau, Mme Billon et MM. Roche et Capo-Canellas.

Mme Chantal Jouanno.  - C'est le même. Il faut avancer par rapport à 1976 : on n'avait pas alors les mêmes connaissances.

M. le président.  - Amendement identique n°218, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

M. Ronan Dantec.  - Il est essentiel de protéger la diversité qui réside dans le fait que 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés voient la nuit. Pourquoi l'avoir supprimé ? C'est une position de principe, qui n'engage aucune réglementation supplémentaire.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - La commission a le même avis défavorable qu'en première lecture. Elle ne voit pas très bien (Sourires) ce qu'est un « paysage nocturne ». La loi est là pour régler la vie en commun.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - À moi, la notion de « paysage nocturne » me paraît très claire (Sourires). De fait, la pollution lumineuse engendre des troubles pour les oiseaux migrateurs, les chauves-souris, les rapaces nocturnes... Avis favorable.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Le groupe socialiste votera cet amendement.

M. Daniel Dubois.  - Les feux rouges sur les éoliennes que l'on installe à tour de bras seront-ils pris en compte ?

Je ne voterai pas ces amendements.

M. Gérard Bailly.  - Un maire m'a montré la lettre d'un administré lui demandant d'arrêter l'éclairage public parce qu'il gênait son poisson rouge !

Mme Chantal Jouanno.  - Caricature !

M. Gérard Bailly.   - J'habite en pleine campagne ; hormis sous la pleine lune, je ne vois ni site, ni paysage ! Arrêtez avec ces bêtises ! (Rires et applaudissements à droite. Mme Jouanno marque son exaspération) Ce sont les voitures qui gênent : allez-vous fermer des routes la nuit ? Cessez de faire passer les animaux avant les hommes. (Applaudissements sur certains bancs à droite et au centre)

Les amendements identiques nos119, 158 rectifié et 218 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Après le mot : « végétales », sont insérés les mots : « , les sols » ;

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement réintroduit la mention des sols parmi les éléments constitutifs du patrimoine commun de la nation, pour tenir compte de leurs fonctions écologiques, économiques et sociales, alors qu'ils sont de plus en plus dégradés par l'érosion, l'épuisement des substances nutritives, l'acidification, la salinisation, le tassement et la pollution chimique. 

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable comme en première lecture. Le mot géodiversité comprend le sol : ce serait un pléonasme de le répéter.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Même avis. Si vous protégez la diversité végétale et animale, vous protégez les sols.

L'amendement n°120 est retiré.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 6

Rétablir le 1° bis dans la rédaction suivante :

1° bis Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Elles prennent en compte les valeurs intrinsèques ainsi que les différentes valeurs d'usage de la biodiversité reconnues par la société. » ;

M. Jean-Claude Requier.  - L'article L. 110-1-I du code de l'environnement exclut les valeurs d'usage. C'est un tort.

M. le président.  - Amendement identique n°156, présenté par MM. Carrère et Bérit-Débat, Mme D. Michel, M. Courteau, Mme Bataille, MM. Cabanel et Camani, Mme Cartron, MM. Labazée, Raynal, Vaugrenard, Montaugé, Lorgeoux et Lalande et Mme Génisson.

M. Jean-Louis Carrère.  - La biodiversité comme fin en soi a sa valeur ; mais elle est aussi un patrimoine et il faut reconnaître les valeurs d'usage, ignorées par la loi de 1976.

Mme la ministre dit ne pas confondre respect de la biodiversité et mise sous cloche. Prenons-la au mot ! Tous les ruraux doivent comprendre qu'on a pensé à eux en votant ce texte. Les usages, c'est la vie !

M. le président.  - Amendement identique n°259 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Billon et MM. Bonnecarrère, D. Dubois, Gabouty, Guerriau, Médevielle, Roche et Tandonnet.

M. Daniel Dubois.  - Je vis en milieu rural, j'y suis né et je partage là-dessus le point de vue de M. Carrère, qui a parfaitement défendu nos amendements identiques.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - L'Assemblée nationale a repris un apport du Sénat ; je ne vois pas ce que cet ajout apporterait. Ce genre de débats n'est pas utile, sachant que votre volonté est satisfaite. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Même avis : le texte dit bien que la société peut retirer des avantages de son interaction avec la nature. Il y aurait un risque à dresser une liste non exhaustive.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Vous savez quelle est la richesse territoriale de notre pays : ses provinces, ses savoir-faire... bien dignes de ce pays des 365 fromages, comme disait le général de Gaulle. La chasse fait partie de ces savoir-faire. Ne jetons pas ce legs des ruraux.

M. Dantec -  à moins que ce soit Mme Blandin - me demande si je considère que l'usage de crucifier les chouettes doit être préservé. Non, bien sûr. Le frelon asiatique fait partie de la biodiversité, et pourtant nous ne souhaitons pas sa prolifération.

Mme Marie-Christine Blandin.  - La biodiversité est un patrimoine dynamique. C'est la nature qui entre en interaction avec la culture. Mais M. Bignon l'a dit : le texte vous satisfait. J'ai été sensible à ce qu'a dit M. Carrère - pour le contrer. Il nous fait l'éloge de la valeur d'usage par les ruraux... Mais voyons, en ville, on mange aussi du miel, des légumes, on s'habille avec du lin, on isole nos maisons avec du chanvre...

Une voix à droite.  - Ils font autre chose avec le chanvre...

M. Jean-Louis Carrère.  - Je suis surpris par certains arguments. Si l'amendement est satisfait, cela prouve qu'il n'est pas dénué de tout fondement... Comment ne pas reconnaître les valeurs d'usage que sont la chasse, la pêche mais aussi la cueillette, la randonnée, l'alimentation, l'énergie ?

Les amendements identiques nos122, 156 et 259 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°123 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 8

Supprimer le mot :

significatives

M. Jean-Claude Requier.  - L'article 2 précise le principe de prévention. La commission du développement durable, en la restreignant aux atteintes « significatives », a mené à une régression.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Le juge a l'habitude de faire ce genre de tri : « de minimis non curat praetor ». Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Le juge doit pouvoir statuer lui-même : si l'atteinte est minime, il ne s'en saisira pas. Toutes les atteintes sont concernées.

L'amendement n°123 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si les atteintes à la biodiversité ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, le projet de travaux ou d'ouvrage ou la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification à l'origine de ces atteintes doit être révisé.

Mme Évelyne Didier.  - Nous proposons d'aller plus loin dans la définition du principe « éviter, réduire, compenser ». Si la compensation ne suffit pas, le projet doit être révisé, et non nécessairement abandonné.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable. À quels cas pensez-vous ? Cet article du code de l'environnement énonce les grands principes, sans détailler leur interprétation. Dans certains cas, un projet devra être abandonné, tout simplement...

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - C'est l'application même du principe « éviter, réduire, compenser » que de réviser un projet si nécessaire. Sagesse cependant.

Mme Évelyne Didier.  - Nous tracions une piste pour ne pas laisser entendre qu'on serait face à une alternative, ne rien faire ou abandonner le projet.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Si je ne peux pas compenser, personne ne m'empêchera de réviser mon projet ! Les travaux parlementaires lèveront tout doute.

L'amendement n°46 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Filleul et Mme Bonnefoy.

Alinéa 9

Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :

2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité ; »

M. Jean-Jacques Filleul.  - L'absence de perte nette de biodiversité, voire de tendre vers un gain, est un objectif important, il implique la compensation intégrale de la biodiversité détruite. Nous rétablissons la précision supprimée par la commission.

M. le président.  - Amendement identique n°159 rectifié, présenté par Mme Jouanno et MM. Cigolotti, Guerriau, Roche et Capo-Canellas.

Mme Chantal Jouanno.  - Cet amendement inscrit dans la loi l'objectif même du texte, qui doit figurer à l'article 110-1. On peut même tendre vers un gain de biodiversité. Si ce principe d'absence de perte nette n'est pas posé, on ouvre la voie à des régressions, ce qui ferait perdre tout sens à ce projet de loi.

M. le président.  - Amendement identique n°219, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

M. Ronan Dantec.  - On voit bien que des fractures politiques subsistent... Cet amendement sécurise en fait l'aménagement. Le rejeter, c'est dire aux défenseurs de l'environnement : « mobilisez-vous contre les projets ». Nous donnons des garanties pour apaiser la société. Le consensus scientifique est que la biodiversité s'effondre en France (marques de dénégation à droite), il faut trouver un compromis dynamique qui aille contre l'exacerbation des conflits ; c'est le sens de cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 9

Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :

2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de la biodiversité ; »

M. Jean-Claude Requier.  - C'est une voie intermédiaire... Une solution de synthèse... radicale ! (Sourires)

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable. Pendant des années, on n'a ni évité, ni réduit, ni compensé.

C'est vrai aujourd'hui encore des services de l'État : président d'une commission locale de l'eau, j'ai été saisi d'un projet de construction d'une station d'épuration au bord du lit mineur du fleuve. Jamais le maître d'ouvrage délégué, à savoir les services de l'équipement de l'État, ne m'a dit quelles alternatives avaient été étudiées, et le plan de compensation était lamentable... L'introduction de la séquence « éviter, réduire, compenser » est donc d'une importance capitale. La première question que l'on doit se poser, c'est : comment parvenir à un gain de biodiversité ? Sinon, comment éviter une perte ? Mais comment mesurer une « perte nette » ? Mystère... Je ne suis pas contre l'idée de faire de la pédagogie, mais vu la façon dont la loi est appliquée... Nous verrons dans cinquante ans, pour l'instant c'est de la littérature...

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras... Il faut faire prendre en compte l'enjeu, nous ne pouvons plus perdre de biodiversité, nous y avons trop peu prêté attention. Je vais regarder avec attention les projets, l'exemple que vous avez cité est cruel... Mais il m'amène à une conclusion opposée à la vôtre, monsieur le rapporteur.

Effectivement, tout ne se résoudra pas en un instant. Raison de plus pour fixer des objectifs clairs, montrer où on veut aller. C'est le sens de l'article 2. Le problème du calcul de la « perte nette » se pose aussi pour ce qu'on « évite » ou « réduit »... Avis favorable.

Mme Sophie Primas.  - Nous ne vivons pas dans le même monde... Dans les Yvelines, chaque projet se heurte aux résistances des services de l'État. Au nom de l'oedicnème criard, qu'on trouve pourtant partout, on ne peut plus rien faire dans la vallée de la Seine... On fait toutes sortes de mesures, c'est très bien... Je ne voterai pas cet amendement, qui n'apporte rien.

M. Gérard Bailly.  - Je pourrais moi aussi vous citer bien des exemples, comme celui d'un champ de panneaux voltaïques qu'il a fallu réduire de 13 à 7 hectares pour protéger les papillons, qui n'y avaient pas été aperçus depuis quarante ans... Même chose pour installer une scierie. Tant de projets sont freinés, et en attendant les emplois ne sont pas là. À la campagne, on ne peut plus rien faire, nous sommes paralysés... Et la compensation, cela existe - elle a même financé la collégiale de Dole. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Rapin.  - Pour un lotissement à Calais, on m'a demandé 150 % de compensation... Rendez-vous dans cinq ans, on verra les effets délétères d'un dogme comme celui-ci. Les communes ne pourront pas construire ni atteindre les objectifs de logements sociaux, elles seront pénalisées. J'ai interrogé plusieurs fois le ministère du logement, sans obtenir de réponse. La double peine, non merci !

M. François Grosdidier.  - Il y aurait ici plus de praticiens qu'à l'Assemblée nationale... On voit le décalage entre théorie et réalité de terrain. Je suis favorable à la reconquête de la biodiversité, ne serait-ce que pour des raisons platement anthropocentrées : c'est le premier gisement de la pharmacopée. Mais l'application zélée de la réglementation par les services de l'État, où la décentralisation n'est qu'un leurre, montre chaque jour son absurdité. On m'a parlé de simulateurs de vol de Rafale aménagés pour les personnes à mobilité réduite... Je suis tenté de voter les amendements, mais on ne peut nier ces réalités. (Applaudissements à droite)

M. Michel Raison.  - Lorsque les acteurs de la nature que sont les agriculteurs subissent les mêmes blocages, M. Grosdidier se sent moins concerné... (Sourires)

Il faut protéger la biodiversité, non la reconquérir, car elle n'a pas été détruite en France. Évitons les expressions apocalyptiques.

M. Ronan Dantec.  - La reconquête de la biodiversité, c'est l'apocalypse... Voilà qui donne le ton... Je sens bien l'envie des uns ou des autres de supprimer les Dreal... Monsieur le rapporteur, si l'on attend cinquante ans, il n'y aura plus de biodiversité ! Pourquoi y a-t-il des blocages ? Parce qu'il n'y a pas de stratégie de reconquête. S'il existait par exemple une trame verte et bleue opérationnelle, la compensation serait beaucoup plus facile. Refuser la stratégie et se plaindre des difficultés de la compensation, c'est aller à l'affrontement. Veut-on continuer à aménager comme si la régression massive de la biodiversité n'était pas la réalité ?

Mme Chantal Jouanno.  - Le recul de la biodiversité est incontestable. L'objectif de 2010 a été complètement manqué... La dégradation se poursuit...

Revenons au texte : c'est seulement à un coût économique acceptable que les actions de prévention et de correction doivent être prises en compte. Les excès de zèle peuvent exister mais ce n'est pas sur eux que doit s'appuyer notre action de législateur. Il s'agit ici de principes généraux, impossibles à mesurer, mais que nul ne récuse. Notre amendement s'y insère parfaitement.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - La France a pris des engagements en 2010 avec les objectifs d'Aichi. Nous le disions tout à l'heure, il faut faire confiance à la science. Il est établi que 165 hectares de sols sont artificialisés chaque jour, que 9 % des mammifères sont menacés en métropole, 19 % des reptiles, 27 % des oiseaux nicheurs, et même une espèce de flore sur deux à Mayotte...

Nous devons fixer une direction. L'AFB sera là pour aider les maîtres d'ouvrage, une loi n'étant bonne que si elle peut être appliquée.

Les amendements identiques nos82, 159 rectifié et 219 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°124.

M. le président.  - Amendement n°179 rectifié bis, présenté par MM. D. Dubois, Canevet, L. Hervé, Marseille, Luche et Longeot et Mme Doineau.

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

M. Daniel Dubois.  - Défini de manière extrêmement large et peu précise, le principe de solidarité écologique ouvre la boîte de Pandore des recours contre les projets locaux. On risque la mise sous cloche des territoires ruraux, et on fait fi de l'action de l'homme pour la biodiversité.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 11

Supprimer le mot :

directement

M. Jean-Jacques Filleul.  - Avec le principe de solidarité écologique, il s'agit au contraire d'avoir une vision plus globale de la biodiversité. Le faire remonter au niveau législatif est important. Si les territoires indirectement concernés ne sont pas mentionnés, les territoires directement concernés ne doivent pas l'être non plus.

M. le président.  - Amendement identique n°121, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

M. Jean-Claude Requier.  - Défendu.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°179 rectifié bis, afin de ne pas nuire à la sécurité des projets. La commission a restreint l'application du principe de solidarité écologique aux territoires directement concernés. L'élargir serait peu réaliste. Cherchera-t-on à savoir si le projet de Notre-Dame-des-Landes a un impact en baie de Somme ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°179 rectifié bis, il convient au contraire de renforcer le principe de solidarité écologique, qui existe déjà dans des bassins versants et les parcs nationaux et n'équivaut nullement à une mise sous cloche, enclenchant au contraire des dynamiques de développement économique.

Avis favorable aux amendements nos83 et 121, un territoire en aval d'un cours d'eau peut être affecté par un aménagement.

M. Daniel Dubois.  - Le rapporteur a raison, il est très difficile de mesurer l'impact de l'homme sur la biodiversité, raison de plus pour supprimer le principe de solidarité écologique. Si la main de l'homme n'avait pas créé des intailles en Haute Somme pour récolter de la tourbe, la baie de Somme ne se caractériserait pas par une telle biodiversité ! S'il fallait creuser ainsi aujourd'hui, quel bureau d'ingénierie pourrait évaluer l'impact du projet ?

Idem pour les autoroutes, que les écologistes voyaient comme une catastrophe : raisonnablement entretenus, leurs abords deviennent des réserves extraordinaires de biodiversité.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Nous voterons contre l'amendement n°179 rectifié bis. Non, le principe de solidarité écologique ne nie pas l'apport de l'homme. L'écologie, c'est la science de la maison, la solidarité écologique nous concerne...

L'amendement n°179 rectifié bis n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos83 et 121 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°160 rectifié, présenté par Mme Jouanno et MM. Cigolotti, Guerriau et Capo-Canellas.

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 9° Le principe de non régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante. »

Mme Chantal Jouanno.  - Le principe de non régression dans le domaine environnemental est largement répandu en droit international comme en droit anglo-saxon. Il exclut tout recul.

M. le président.  - Amendement identique n°220, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

M. Ronan Dantec.  - Il y a un vrai débat politique à ouvrir sur les voies de la reconquête, encore faut-il s'entendre sur le principe de non-régression.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable. En première lecture, les députés avaient demandé un rapport sur l'impact de l'introduction en droit français du principe de non-régression, qui me paraissait utile car ce principe se répand en droit international. De là à l'inscrire dans la loi, la transition est un peu brutale... Aucune étude d'impact ne nous éclaire, un rapport serait utile.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Avis favorable. La réflexion a eu lieu, il est temps de passer aux actes.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Je souscris aux explications du rapporteur. La suppression du rapport nous revient en boomerang. Je suis dubitatif sur l'impact du principe de non-régression. Nous figerions en mai 2016 toute évolution en fonction de notre connaissance du moment ? Nous avions cru qu'une espèce, la sarcelle d'été, avait disparu car son habitat avait changé... On a failli interdire sa chasse. Deux ans après, elle réapparaissait. Avec ce principe, on n'aurait pas pu revenir sur une telle interdiction. Ce principe devrait au moins être lié à l'évolution des écosystèmes et de nos connaissances.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - L'idée même de ce principe ne figure pas dans le texte initial. Le rapport, proposé par un député de l'opposition, a été adopté ; il devait bénéficier de l'appui de Mme Royal. J'ai été mandaté pour donner un avis défavorable ; je ne peux pas proposer de sous-amendement, mais il est dommage de ne pas aller dans cette direction.

Les amendements nos160 rectifié et 220 ne sont pas adoptés.

M. Daniel Dubois.  - La loi Alur gèle 80 % des projets sur les terrains à bâtir dans les territoires ruraux. Vous finirez par mettre les territoires ruraux sous cloche, ils deviendront des réserves d'indiens...

M. Ronan Dantec.  - L'article ayant perdu une bonne part de sa substance, nous voterons contre.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 2 BIS

M. Bruno Retailleau .  - Nous en venons au préjudice écologique, que le Sénat avait unanimement voté dans le cadre de ma proposition de loi. La notion est ici consacrée dans le code civil, cette constitution de la société civile. C'est l'aboutissement d'une construction jurisprudentielle qui s'est achevée en 2012 lorsque la Cour de cassation s'est prononcée sur l'affaire Erika. Le 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel avait lui aussi admis une action en responsabilité concernant des dommages à l'environnement. Merci aux rapporteurs pour le travail accompli. Le texte a fait l'objet d'un vote unanime de la commission des lois...

Le préjudice personnel du code civil de Portalis n'était plus applicable : la nature n'est pas une personne. Dans le droit de la réparation, le juge peut choisir entre réparation en nature - préférable pour l'environnement - ou en argent ; et il ne peut indiquer une affectation. Ici, la réparation en nature est préférable, et elle est affectée. Hugo disait : il faut faire entrer le droit dans la loi. Faisons ainsi entrer la jurisprudence foisonnante dans la loi. Attachés à la liberté d'entreprendre, nous le sommes aussi à la responsabilité et à l'établissement d'un cadre stable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°182 rectifié quater, présenté par MM. D. Dubois, Détraigne, Bonnecarrère, Canevet, Guerriau, Marseille et Gabouty, Mme Gatel, MM. L. Hervé et Longeot, Mme Doineau et M. Cigolotti.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 1386-19.  -  Toute personne qui cause un préjudice écologique grave et durable est tenue de le réparer.

M. Daniel Dubois.  - Je partage les propos de Bruno Retailleau. Mais qu'est-ce qu'un dommage anormal ? Je préfère mentionner un préjudice « grave et durable ».

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable. Cette notion est moins solide juridiquement que celle de dommage anormal, appliquée par le juge depuis le XIXe siècle.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Même avis. Cette rédaction de la commission des lois correspond aux recommandations du groupe de travail présidé par le professeur Jégouzo.

M. Bruno Retailleau.  - Il ne s'agit pas de préjudices anodins. La notion de préjudice anormal a été dégagée par la Cour de cassation dès 1844 : c'est la traduction de la gravité en langage juridique.

L'amendement n°182 rectifié quater est retiré.

L'amendement n°200 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°79 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Cardoux et Doligé, Mme Di Folco et MM. Chaize, Bizet et Houel.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 1386-...  -  Le présent titre ne s'applique pas aux dommages causés à l'environnement ou à la menace imminente de tels dommages résultant d'activités entrant dans le champ d'intervention d'une convention internationale visée aux annexes IV et V de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. »

M. Alain Vasselle.  - Amendement de précision. Les dommages environnementaux couverts par des régimes de réparation spéciaux résultant de conventions internationales ne relèvent pas du présent régime.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable : cet amendement est satisfait dans certains cas, dangereux dans d'autres, lorsque le régime spécial ne prévoit de réparation que pour les préjudices personnels.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°79 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°69 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°77 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Doligé, Mme Di Folco, MM. G. Bailly, Chaize, Bizet et Houel et Mme Duchêne.

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 1386-20.  -  La réparation du préjudice écologique s'effectue en nature.

M. Alain Vasselle.  - Texte même.

M. le président.  - Amendement n°163 rectifié, présenté par Mme Jouanno et MM. Cigolotti, Guerriau, Capo-Canellas et Marseille.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, dans les conditions prévues à l'article L. 110-1 du code de l'environnement

Mme Chantal Jouanno.  - La réparation du préjudice écologique doit s'effectuer par priorité en nature.

M. le président.  - Amendement identique n°221, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

M. Ronan Dantec.  - La référence à l'article L. 110-1 est importante, car il faut d'abord réduire le dommage puis, si cela n'est pas possible, compenser.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - L'amendement n°77 rectifié ne prévoit pas de plan B dans le cas où la réparation en nature ne serait pas possible. Défavorable, comme aux amendements identiques nos163 rectifié et 221 car la référence n'est pas pertinente.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Même avis sur l'amendement n°77 rectifié. Quant à la référence à l'article L. 110-1, elle est beaucoup trop large : défavorable également aux amendements nos163 rectifié et 221.

L'amendement n°77 rectifié est retiré, ainsi que les amendements nos163 rectifié et 221.

M. le président.  - Amendement n°162 rectifié, présenté par Mme Jouanno et MM. Cigolotti, Guerriau, Capo-Canellas et Marseille.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

peut allouer

par le mot :

alloue

Mme Chantal Jouanno.  - On ne peut constater une impossibilité de réparation et ne pas en tirer la conséquence.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis favorable. Madame Jouanno, vous contribuez à l'écriture du code civil : je vous félicite. (Sourires)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Avis favorable, cela dissipe toute ambiguïté.

L'amendement n°162 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°138 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard et Requier.

Alinéa 8

Après les mots :

réparation de l'environnement,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

à l'État, à l'Agence française pour la biodiversité, aux collectivités territoriales et à leurs groupements dont le territoire est concerné, aux établissements publics qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement.

M. Jean-Claude Requier.  - Le préjudice écologique pur est une grande avancée. Cependant les dommages et intérêts ne doivent pas être versés aux associations, ni aux fondations, mais à l'État, aux collectivités locales, à l'Agence de la biodiversité ou aux établissements publics concernés.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable. Pourquoi écarter une association agréée ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - La liste actuelle me semble claire et efficace. Avis défavorable, l'enjeu réside uniquement dans la capacité ou non de conduire la réparation.

L'amendement n°138 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°161 rectifié, présenté par Mme Jouanno et MM. Cigolotti, Guerriau, Roche et Tandonnet.

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1386-21.  -  L'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir.

Mme Chantal Jouanno.  - Je me suis appuyée sur les travaux du juriste Laurent Neyret pour ces amendements. Toute liste des personnes habilitées à engager une action en réparation du préjudice écologique risquerait de se périmer et de comporter des lacunes.

Je crois préférable de conserver la pureté du code civil et de laisser au juge la faculté d'apprécier l'intérêt à agir du requérant.

M. le président.  - Amendement identique n°222, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

M. Ronan Dantec.  - Notre formulation est connue en droit et elle est plus sûre qu'une liste discutable.

M. le président.  - Sous-amendement n°315 à l'amendement n° 161 rectifié de Mme Jouanno, présenté par le Gouvernement.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Il est utile de laisser au juge la possibilité d'ouvrir l'action à des personnes qu'il estime avoir intérêt à agir. Mais soyons attentifs à la sécurité juridique : une liste qui pourrait guider le juge serait plus sécurisante. Je vous présente donc un sous-amendement de compromis !

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Il ne prémunit pas contre le risque de laisser des personnes sans intérêt à agir entamer des procédures. Autant ne rien écrire : le juge gardera la possibilité, comme dans le cas de l'Erika, de dire souverainement qui a intérêt à agir. À titre personnel, car ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission, avis défavorable, comme aux amendements nos161 rectifié et 222. Vous créez un système totalement ouvert...

Le préjudice écologique est une nouveauté importante, il faut avancer pas à pas.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Le débat en commission a été long. Le groupe socialiste et républicain suivra le rapporteur.

M. Bruno Retailleau.  - Le groupe Les Républicains fera de même. Les travaux du professeur Neyret sont excellents. Toutefois, il s'agit ici d'un préjudice objectif et collectif. Il est donc légitime de réserver l'action à l'État, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics, à l'AFB et aux associations agréées. Votre solution, madame la ministre, cumule les inconvénients.

Les amendements identiques nos161 rectifié et 222 sont retirés.

Le sous-amendement n°315 n'a plus d'objet.

L'amendement n°68 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Cardoux et Doligé, Mme Di Folco et MM. Chaize, Bizet et Houel.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 1386-...  -  Si une procédure administrative est déjà en cours tendant à la réparation du même préjudice que celui pour lequel l'action en réparation est engagée, le juge statue sur la recevabilité de cette demande et sursoit à statuer sur le fond jusqu'au terme de la procédure administrative.

M. Alain Vasselle.  - Défendu.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission a supprimé cette précision à bon escient. Les procédures administratives recouvrent un champ très large. Le juge peut, dans le droit commun de la procédure civile, décider de surseoir à statuer.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°76 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°78 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Cardoux et Doligé, Mme Di Folco, MM. Chaize, Bizet et Houel et Mme Duchêne.

Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 1386-23.  -  L'action en réparation intentée sur le fondement du présent titre est irrecevable dès lors que le dommage fait ou a fait l'objet d'une procédure devant l'autorité compétente sur le fondement du code de l'environnement. » ;

M. Alain Vasselle.  - Défendu.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Je comprends la crainte des auteurs qu'une entreprise ait à réparer deux fois un préjudice, comme cela a pu arriver dans le passé. Mais elle est infondée : le juge tient compte des indemnisations déjà consenties. Retrait ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Les travaux de la commission des lois ont montré l'inutilité de ces dispositions. L'amendement va trop loin, jusqu'à l'impossibilité de saisir le juge judiciaire. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Alain Vasselle.  - La double pénalité a pu exister dans le passé mais cela ne se produit plus.

L'amendement n°78 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°164 rectifié, présenté par Mme Jouanno et MM. Cigolotti, Guerriau, Capo-Canellas et Marseille.

Alinéa 14

Remplacer les mots :

dommage éventuellement subi

par les mots :

préjudice écologique

Mme Chantal Jouanno.  - Cet amendement rédactionnel précise que c'est un préjudice qui est réparé et non pas un dommage.

M. le président.  - Amendement identique n°223 rectifié, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

M. Ronan Dantec.  - Défendu.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis favorable puisque ces amendements ont été rectifiés à ma demande.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Mon avis était défavorable avant la rectification, mais je prends exemple sur votre rapporteur : avis favorable.

Les amendements nos223 rectifié et 164 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par MM. Antiste et Cornano, Mme Claireaux, M. Desplan, Mme Jourda et MM. Karam, S. Larcher, J. Gillot et Patient.

Après l'alinéa 14

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. 1386-...  -  Lorsque l'auteur du dommage a commis intentionnellement une faute générant un dommage non négligeable, notamment lorsque celle-ci a engendré un gain ou une économie pour son auteur, le juge peut le condamner au paiement d'une amende civile.

« Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l'auteur ou aux profits qu'il en aura retirés.

« L'amende ne peut être supérieure à deux millions d'euros ou au décuple du montant du profit ou de l'économie réalisée.

« Toutefois, si le responsable est une personne morale, elle peut être portée à 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxe le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel la faute a été commise.

M. Jacques Cornano.  - Je propose une amende civile pour sanctionner la « faute lucrative » grave, c'est-à-dire les situations dans lesquelles une personne physique ou morale décide sciemment d'infliger un préjudice à l'environnement parce que le bénéfice financier qui en découle, comparativement aux éventuels frais de réparation, demeure incitatif.

M. le président.  - Amendement n°224, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Après l'alinéa 14

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. 1386-...  -  Lorsque l'auteur du dommage a commis intentionnellement une faute, le juge peut le condamner au paiement d'une amende civile.

« Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l'auteur ou aux profits qu'il en aura retirés.

« L'amende ne peut être supérieure au décuple du montant du profit ou de l'économie réalisée.

« Toutefois, si le responsable est une personne morale, elle peut être portée à 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxe le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel la faute a été commise.

M. Ronan Dantec.  - Même objet. Il faut sanctionner la faute lucrative.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Avec la réparation intégrale, le responsable paye plus qu'avec une amende civile ! En outre, comment appliquer le principe non bis in idem dans ce cas ? Retrait.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - L'action pénale a toute sa place en cas de faute intentionnelle grave et ces amendements apporteraient de la confusion à cet égard. Défavorable.

Les amendements nos32 rectifié et 224 sont retirés, ainsi que l'amendement n°165 rectifié.

M. Ronan Dantec.  - En ce qui nous concerne, nous voterons l'article.

M. Retailleau et moi avons une histoire commune, celle du naufrage de l'Erika sur les côtes de Vendée. Cela l'a marqué, comme moi, ce qui n'enlève rien à nos divergences. N'oublions pas pour autant la perte de diversité banale, à laquelle nous ne réagissons pas de la même manière, alors que ses effets sont plus graves encore. C'est dommage.

M. Bruno Retailleau.  - C'est en effet une avancée importante. Merci aux rapporteurs et à Alain Anziani. Je suis heureux que ce soit le Sénat qui ait pris l'initiative d'inscrire le préjudice environnemental dans le code civil. Si l'on compare avec le texte de l'Assemblée nationale, on voit que le Sénat joue tout son rôle pour améliorer la loi. Rassurons ceux qui se sont inquiétés : la rédaction actuelle écarte tout risque de banalisation. Le préjudice écologique se caractérise par un dommage anormal, ce qui inclut la gravité. Nous avons veillé à une bonne articulation avec le régime de police administrative. Par-delà les divergences politiques, nous savons tous que la nature est un bien commun que nous devons préserver.

M. François Grosdidier.  - J'aimerais que nous parvenions plus souvent à transcender nos clivages. Je souffre lorsque j'entends des membres de ma famille politique remettre en cause notre héritage : la charte de l'environnement. Je me revendique de droite ; c'est-à-dire attaché à la liberté et à son corollaire, la responsabilité - le principe pollueur-payeur en l'espèce. Je me revendique aussi conservateur, je veux léguer à mes enfants ce que j'ai reçu, au moins. (Mmes Évelyne Didier, Nicole Bonnefoy et M. Joël Labbé applaudissent)

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLE 3 TER

M. le président.  - Amendement n°279 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les modalités de saisie ou de versement des données sont fixées par décret, pris après concertation avec les organisations représentatives des maîtres d'ouvrage, des bureaux d'études concernés et des associations contribuant ou susceptibles de contribuer à l'inventaire du patrimoine naturel.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Cet amendement rédactionnel clarifie au plan juridique la procédure pour fixer les modalités de saisie ou de versement des données.

L'objectif est bien de consulter l'ensemble des parties prenantes, pour fixer des modalités identiques, équitables et applicables à l'ensemble des maîtres d'ouvrage, avant de rédiger le décret. Nous remplaçons le terme « collecte » par les termes « saisie ou versement » ; la collecte désigne les modalités d'acquisition de données sur le terrain, ce qui n'est pas le propos de cet article.

M. le président.  - Amendement n°282, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Après les mots :

collectivités territoriales

insérer les mots :

, les associations ayant pour objet l'étude ou la protection de la nature et leurs fédérations, les associations naturalistes

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Cet amendement ajoute les associations ayant pour objet l'étude ou la protection de la nature et leurs fédérations, les associations naturalistes souvent très compétentes, aux côtés des collectivités et des fédérations de chasseurs et de pêcheurs.

Reconnaissons leur contribution et encourageons ainsi leurs actions en termes de connaissance de la biodiversité.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis favorable aux amendements nos279 rectifié et 282.

L'amendement n°279 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°282.

L'article 3 ter, ainsi modifié, est adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 40 amendements aujourd'hui ; il en reste 239.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 11 mai 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus