Liberté, indépendance et pluralisme des médias (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

Discussion générale

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication .  - Renforcement de la protection du secret des sources des journalistes et élargissement de leur droit d'opposition, chartes pour l'indépendance des rédactions, renforcement des pouvoirs du CSA... Les sujets dont traite ce texte sont importants, et pourtant votre commission de la culture estime que c'est une loi de circonstance... Pourtant, l'indépendance des journalistes face aux intérêts économiques est un objectif majeur... Le texte renforce la confiance du public envers les médias et contribue ainsi à un meilleur fonctionnement de la démocratie.

Votre commission des lois propose, elle, de remettre en cause les principes fondateurs de la loi de 1881, au risque de voir de grands groupes faire pression sur les médias.

L'Assemblée nationale a pourtant pris en compte plusieurs apports du Sénat après l'échec de la commission mixte paritaire : transmission obligatoire de la charte aux journalistes, élargissement du champ du droit d'opposition, unification du régime des lanceurs d'alerte, simplification de la compétence de la commission des droits d'auteur des journalistes en matière de validation des accords collectifs, rôle du Conseil supérieur des journalistes, extension aux chaînes parlementaires des comités pour l'indépendance des médias.

Les divergences demeurent fortes sur la protection du secret des sources, malgré l'unanimité à l'Assemblée nationale. La loi du 4 janvier 2010 n'est pas assez protectrice, journalistes et éditeurs le disent, et la chancellerie, le ministère de l'intérieur et le mien ont recherché un point d'équilibre, dans le respect des recommandations du Conseil d'État et de la jurisprudence de la CEDH. Le texte définit une liste d'infractions, parmi les plus graves, passibles de sept ans de prison, qui justifieraient la levée du secret des sources ; vous y préférez la notion plus floue de motif prépondérant d'intérêt public, comme vous refusez l'extension du secret des sources à toute la chaîne de l'information.

Vous avez placé l'intervention du juge de la liberté et de la détention sur le même plan que celle du juge d'instruction, alors que l'intervention du premier est un gage essentiel d'indépendance.

Je regretterais l'adoption de la question préalable. La lecture définitive à l'Assemblée nationale interviendra huit mois après le dépôt de la proposition de loi, on ne peut donc critiquer le recours à la procédure accélérée. La liberté de l'information eût justifié les mêmes échanges constructifs que la création et le patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe du RDSE)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture .  - Généralisation du droit d'opposition des journalistes, comité d'éthique, chartes de déontologie, ces mesures proposées dans l'urgence et sans étude d'impact n'étaient pourtant pas particulièrement attendues - les auditions de journalistes nous l'ont confirmé. Le Sénat, ne s'y opposant pas, a cependant eu le souci du bon fonctionnement des entreprises éditrices.

Le nouveau régime du secret des sources soulevait en revanche des difficultés juridiques insurmontables, qui ont conduit à l'échec de la CMP le 14 juin. Sur les points de désaccord, les députés ont, pour l'essentiel, rétabli leur texte.

L'article premier avait fait l'objet de vifs débats. « L'intime conviction professionnelle » est devenue « conviction professionnelle », sans égard pour le risque contentieux.

À l'article premier ter, les restrictions apportées aux actes d'enquêtes contraires au secret des sources ne permettent pas de concilier liberté d'informer et protection des intérêts fondamentaux de la nation. L'irresponsabilité pénale des journalistes en cas de délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée ou de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l'enquête, méconnaît les principes constitutionnels protégés à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Les députés ont rétabli leur dispositif à l'article 3 et confirmé, à l'article 5, que le constat par le CSA, sur plusieurs exercices, du non-respect des principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme interdirait le recours à la procédure de reconduction simplifiée des autorisations d'émettre - nous préférions que ces manquements fussent sanctionnés. Cette rédaction crée une incertitude pour les investisseurs et un préjudice si les manquements évoqués ne sont pas in fine considérés de nature à justifier une sanction.

Le refus quasi systématique des apports du Sénat n'est guère contrebalancé. La nocivité de certains dispositifs dans la rédaction de l'Assemblée nationale empêche tout compromis, exprime une défiance disproportionnée à l'égard des entreprises de médias et institue un contrôle tatillon de la part d'un régulateur qui ne fait plus l'unanimité.

La réflexion du Sénat sur ces sujets fondamentaux pour la démocratie se poursuivra. Elle devra être approfondie et concertée, que ce soit sur la concentration croissante du secteur et ses difficultés économiques, son adaptation au monde numérique et la précarisation du métier de journaliste. Mais nous ne pouvons accepter des mesures non évaluées qui ne résoudront rien et n'auront d'autre effet que d'alourdir les contraintes des entreprises. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Corinne Bouchoux .  - Je me faisais une joie de parler ici à la place de Mme Blandin sur de tels sujets. Hélas, il paraît qu'il n'y a plus lieu de débattre. Nous pouvions rêver mieux pour revaloriser le travail et l'image du Sénat -  qui ne sortira pas grandi de la lecture de certains des motifs de la motion...

La relation est incestueuse en France entre les éditeurs de presse et la commande publique. La précarité du métier de journaliste est un autre sujet de préoccupation. Le texte de l'Assemblée nationale n'est pas parfait, mais comporte des avancées. Plutôt que des chartes « maison », pourquoi ne pas appliquer la charte de Munich ? Sept milliardaires contrôlent en France 95 % de la production journalistique. Plus la frontière entre information et intérêts des actionnaires s'efface, plus la défiance des citoyens progresse... Et on leur dit : « Circulez, il n'y a rien à voir » ? En démocratie, l'indépendance des rédactions et des journalistes doit être sanctuarisée. Nous pouvions encore débattre. Mais les élections approchent...

Je veux attirer votre attention, madame le ministre, sur la précarité dans laquelle vivent les photographes, spoliés d'une juste rémunération. À lui seul, le sujet méritait un débat serein et constructif. Que les étudiants journalistes qui nous regardent sur internet sachent que ce n'est pas toujours comme cela ici et que le plus souvent, le Sénat travaille les textes au fond et dans la bonne humeur... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Mireille Jouve .  - Disons-le d'emblée, cette proposition de loi méritait mieux qu'un rejet en bloc en deuxième lecture. Un quart seulement des Français jugent les journalistes indépendants, et selon Reporters sans frontières, la France a dégringolé à la 45e place en matière de liberté de la presse...

Ce texte nécessaire comporte des mesures importantes, qui auraient justifié un débat mais rencontrent ici une opposition inattendue. Pourquoi réduire le droit d'opposition aux seuls actes contraires à la charte de déontologie des entreprises ? Et les journalistes de l'audiovisuel public peuvent déjà se fonder sur leur « conviction professionnelle »...

La protection du secret des sources a été renforcée par le vote unanime de la commission de la culture de l'Assemblée nationale. La loi du 4 janvier 2010, qui a inscrit le secret des sources dans la loi de 1881, recèle, selon tous les professionnels, des restrictions et des ambiguïtés fâcheuses : rappelez-vous l'affaire des fadettes d'un journaliste du Monde... Où était dans cette affaire « l'impératif prépondérant d'intérêt public » ? Les syndicats de journalistes sont opposés à la loi Dati. Et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme imposait d'évoluer, conformément aux promesses de campagne du président de la République.

Cette proposition de loi fait obstacle aux pressions des dirigeants sur la rédaction. Le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, pas moins sacré que le principe du suffrage universel. « Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre » disait Victor Hugo qui ajoutait, à destination de ses collègues : « Messieurs, vous avez le plus beau de tous les titres pour être les amis de la liberté de la presse, c'est que vous êtes les élus du suffrage universel. »

Il est regrettable de ne pas pouvoir débattre d'une question aussi importante. La majorité des membres du RDSE s'opposera à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

Mme Colette Mélot .  - Je regrette vivement, pour ma part, que le texte du Sénat n'ait pas été retenu par l'Assemblée nationale, afin de rendre moins contraignant le contrôle sur les entreprises de presse. La CMP a échoué. Nous avions pourtant fait des compromis. Mais le Gouvernement veut faire de cette loi un outil de communication sur son attachement à des valeurs auto-proclamées de gauche... L'idéologie a pris le pas sur la réalité.

La liberté d'informer serait-elle menacée au point qu'il faille légiférer en urgence ? Notre rapporteur a légitimement dénoncé cette précipitation et cette impréparation. Quand cesserons-nous de légiférer de cette façon ?

Ce texte censé garantir les libertés apporte de nouvelles contraintes aux entreprises de presse. Le groupe Les Républicains est tout particulièrement opposé à l'article premier, qui entravera leur fonctionnement normal. La suppression du qualificatif « intime » est cosmétique...

Le CSA disposera en outre d'un droit de regard proche du droit d'ingérence. La généralisation de la saisine des comités d'éthique fera se multiplier les contestations.

Quant à la protection du secret des sources, il faut la concilier avec des principes majeurs comme le secret de l'instruction ou la protection contre la dénonciation calomnieuse.

Les seules mesures utiles ne figuraient pas dans le texte initial, comme le rétablissement du financement du système d'annonces légales par la publicité pour les cessions de fonds de commerce. Pour le reste, que de contraintes qui empêcheront les entreprises de presse de faire face à la crise qu'elles connaissent et de se moderniser !

L'extension à tous les périodiques de l'aide publique réservée aux publications à faibles ressources publicitaires, décidée récemment, ne résout pas les problèmes structurels de financement de la presse, financement caractérisé aujourd'hui par le saupoudrage et le manque de cohérence.

Un nouveau débat serait stérile, nous voterons la question préalable. (Applaudissements à droite)

M. Patrick Abate .  - Est-il besoin de rappeler le contexte de ce débat - contexte sociétal et non politique ou électoral ? L'extrême concentration d'une presse française aux mains d'une douzaine de milliardaires ; les difficultés aigues de la presse écrite ; la révolution numérique ; la remise en cause de la neutralité du Net ; les conditions de travail des journalistes et les pressions dont ils font l'objet...

Hélas, les réponses apportées ici sont superficielles. La presse, « maison de verre », n'est pas un instrument commercial mais « un instrument de culture pour servir la cause du progrès humain », selon le Conseil national de la Résistance. Il n'est pas de valeurs auto-proclamées de gauche mais des valeurs tout court !

On confie au CSA des missions qu'il ne peut remplir qu'imparfaitement, alors que des structures journalistiques pourraient venir à son appui. Il faut surseoir aux chartes de déontologie « maison » qui sont au mieux superflues, au pire contre-productives ; mieux aurait valu se référer à la charte de Munich.

Les lanceurs d'alerte sont certes mieux protégés, mais devraient l'être bien mieux encore, comme portant assistance à société en danger ! On ne peut que se réjouir cependant que le délit de recel de violation du secret des affaires soit abrogé. Les articles 11 et 11 bis, bienvenus, suppriment des aides publiques qui n'ont pas lieu d'être. La numérotation logique des chaînes reçoit notre assentiment, de même que le dispositif « Charb ».

Il est dommage que la question préalable nous prive d'examiner un texte qu'enrichi nous aurions pu approuver. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline .  - « Une loi inutile et même néfaste, qui jette la suspicion sur les médias », disent Mme Mélot et d'autres. C'est méconnaître les enjeux.

Quant à moi, je me réjouis que ce soit bientôt la loi de la République, face à la crise de confiance dont souffre la presse. C'est ainsi que nous combattons l'irrationalité, la rumeur, la propagande trompeuse. Les citoyens doivent être sûrs que l'information est libre et pluraliste car la vérité n'est jamais monolithique. Loin de créer de la suspicion, ce texte vise à lever celle que nourrissent nos concitoyens à l'égard de l'information.

S'il fallait aller vite, c'est qu'affaires et controverses se multiplient, liées aux pressions d'actionnaires sur les journalistes. M. Bloche et moi-même avons donc décidé de déposer chacun une proposition de loi, et le débat a bien paru utile au Sénat en première lecture.

La concentration des médias peut être un atout compétitif. Mais en France, c'est entre les mains d'industriels et de financiers que se concentrent de manière inégalée les médias. Or une information libre, c'est celle qui n'a pas peur de déranger des intérêts particuliers, politiques, économiques ou financiers...

En 2009, j'ai proposé une loi sur les concentrations. Le sujet exige une discussion pointue et la recherche du consensus. C'était avant la révolution numérique... Il faudra donc remettre l'ouvrage sur le métier, encadrer sans affaiblir nos champions dans la compétition internationale. Mais on ne peut définir un seuil par amendement, au doigt mouillé...

En revanche, il faut dès à présent protéger l'indépendance des rédactions. Voilà pourquoi ce texte est nécessaire. J'entends dire que le Sénat n'a pas été entendu... Des divergences réelles ne demeurent que sur onze articles, et l'Assemblée nationale a intégré d'importants apports de notre assemblée. Sur le secret des sources, nous nous sommes heurtés à la position du rapporteur de la commission des lois et à sa volonté de revenir à la loi Dati, qui avait tant choqué. Sans secret des sources, il n'y a pourtant pas de liberté d'informer. N'aimez-vous pas tous voir une émission d'enquête qui gratte la surface, qui va au-delà de ce qu'on sait déjà ? Celle de ce soir, par exemple...

Il est bon que certains sujets soient mis sur la table à l'approche des élections de 2017. J'ai entendu Nicolas Sarkozy souhaiter que l'on supprime la « dérision et l'investigation racoleuse » dans les médias. Un patron d'un grand groupe est passé à l'acte... Si c'est cela que la droite prépare... Et je ne parle pas de la suppression du CSA ni de l'affaiblissement programmé du service public audiovisuel. Autant de propositions qui aggraveraient la situation. Ce texte renforce l'indépendance des journalistes ; vous nous trouverez face à vous si vous voulez le remettre en cause.

La « conviction professionnelle » d'un journaliste, on sait ce que c'est, et c'est plus précis qu'« une intime conviction ». Elle s'adossera sur la charte de déontologie, comme je l'avais proposé.

Je suis également heureux que Patrick Bloche ait souligné à l'Assemblée nationale que le CSA exercera son contrôle posteriori. Il n'y a pas, dès lors, d'accroissement disproportionnel de ses pouvoirs contrairement à ce que certains laissent entendre pour préparer sa suppression demain.

Le groupe socialiste se félicite que cette loi voit bientôt le jour. Merci, madame la ministre, d'avoir accompagné cette initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Cette proposition de loi est un déni de réalité, inutile d'en poursuivre l'examen. Nous avions recherché l'équilibre entre les objectifs éthiques et la soutenabilité économique, l'Assemblée nationale n'a pas voulu de nos propositions. Sur le secret des sources, qui ne figurait pas dans le texte initial, elle nous a même opposé une fin de non-recevoir. Elle est également revenue à son texte sur la « conviction professionnelle », les pouvoirs du CSA, la transparence du capital des entreprises de presse... Bref, c'était un dialogue de sourd.

Ce texte, excusez du peu, suscite la double opposition des journalistes et éditeurs. Proclamant dans son titre le principe de liberté, il multiplie les contraintes - ce n'est hélas pas une nouveauté, voyez la loi « création ».

Surtout, ce texte nie les réalités. Au-delà de la volonté de cliver idéologiquement, à quoi sert-il quand il est dépourvu d'une étude d'impact démontrant qu'il rendra la presse française plus forte et plus indépendante ? Quelques exemples matérialisant ces réalités. D'abord, le déficit de l'AFP sera passé de 4,9 millions en 2015 à 8,3 millions d'euros en 2016. Les dettes consolidées de l'agence s'élèvent à 71,6 millions d'euros. Madame la ministre, nous avions proposé des solutions à votre prédécesseur lors de l'examen de la loi tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Deuxième exemple, la fiscalité. Le commissaire européen M.  Moscovici, que le Sénat recevait ce matin, a annoncé la neutralité du support : la presse numérique bénéficiera désormais d'une TVA réduite. Quel impact pour la presse écrite, et notamment sur la presse d'information départementale ?

Enfin, la diffusion de la presse écrite. J'ai consulté le rapport de 2016 du Conseil supérieur des messageries de presse. La baisse de la diffusion s'accélère : moins 6,5 % en volume des ventes au numéro, un millier de fermetures de diffuseurs en 2015.

Nous sommes tous attachés à la liberté de la presse. J'entends le risque de prise de contrôle des médias par des groupes internationaux, le risque de concentration mais ils sont liés à la faiblesse structurelle de l'économie des médias en France, non à notre législation ! C'est cela le sujet sur lequel le Gouvernement devrait travailler ! (Applaudissements à droite et au centre).

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias (n° 802, 2015-2016).

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure .  - Le dépôt de cette motion et son adoption par la commission le 21 septembre dernier sont justifiés par plusieurs arguments.

D'abord, ce texte a été porté, dans l'urgence, par le président-rapporteur de la commission de la culture de l'Assemblée nationale. Le Sénat ne peut légiférer sereinement dans un temps aussi contraint, d'autant que ce texte de circonstance vise à sanctionner une entreprise de médias en particulier, au risque de jeter l'opprobre sur toutes ! Cette proposition de loi suscite une grande incompréhension. Nos interlocuteurs, peut-être ne rencontrons-nous pas les mêmes, nous disent leurs grandes difficultés structurelles. Les entreprises n'attendent pas davantage de régulation, mais mieux de régulation.

La proposition de loi étend à la presse écrite la loi de 1986 sur l'audiovisuel en l'absence totale de concertation et sans tenir compte des particularités de ce secteur.

L'engagement de la procédure accélérée au printemps dernier a rendu la recherche du compromis encore plus difficile : nous avons eu moins d'un mois ! La brièveté de la commission mixte paritaire le 14 juin - dix minutes à peine - a attesté du blocage sur l'article premier ter : mon homologue de l'Assemblée nationale ne voulait même pas discuter des autres articles... Je respecte sa volonté, mais que les choses soient dites !

Enfin, les nombreuses mesures rétablies à l'identique par l'Assemblée nationale sur la déontologie traduisent une défiance envers les entreprises. J'en veux pour preuve, monsieur Assouline, que la dénomination que vous proposiez de « comité de déontologie » a été écartée pour celle de « comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes dénomination ».

Ce texte témoigne d'une défiance envers la direction des entreprises de presse en instituant un mécanisme de contrôle abusivement élargi. Un contrôle ex ante par le CSA, qui dit ne pas en avoir les moyens, représenterait une atteinte disproportionnée à la liberté de communication.

La remise en cause de l'équilibre de la loi du 4 janvier 2010 sur le secret des sources est, de même, infondée et dangereuse. (M. David Assouline soupire)

On ne peut nous faire grief de ne vouloir poursuivre le travail sur ce sujet de préoccupation partagée. En tout état de cause, l'Assemblée nationale - qui a refusé le débat en CMP  - aurait eu le dernier mot... Que chacun assume en conscience.

M. David Assouline .  - Bref, la question préalable serait de droit si la CMP a échoué ? Heureusement pour le Sénat, nous n'en sommes pas là. Il y a toujours lieu de débattre, surtout devant une ministre qui a montré sa capacité d'écoute et d'ouverture à l'égard du Sénat à l'occasion de l'examen de la loi « Création ». Notre rôle est aussi d'éclairer le débat public, en allant plus au fond. Si nous avons achoppé sur l'article premier ter, c'est parce que M. Portelli de la commission des lois a imposé à la commission de la culture un diktat en utilisant des grands mots -  il fallait refuser ce texte qui comprenait des dispositions anticonstitutionnelles et mettait en danger la sécurité de l'État. Dommage qu'il ne soit pas dans l'hémicycle aujourd'hui....

Délai trop court ? Va-t-on voter une question préalable à chaque fois que la procédure accélérée est engagée ? Les deux propositions de loi ont été déposées le 2 et le 19 février 2016, la discussion en première lecture a débuté le 8 mars à l'Assemblée nationale. Six mois de navette, ce ne serait pas assez pour vous ? Demandons au citoyen ce qu'il en pense. Le temps s'accélère dans tous les domaines.

Absence de prise en compte des apports du Sénat ? Madame la rapporteure, je vais défendre votre bilan : vous avez obtenu, grâce à votre travail, des avancées significatives. Sur trente-et-un articles, quatorze restaient en discussion, onze sur le fond. Je ne les cite pas tous, ce serait trop long, mais le Sénat n'a pas été maltraité.

Nombreuses dispositions rétablies à l'identique par l'Assemblée en nouvelle lecture ? C'est normal, me semble-t-il, mais elle n'a pas tout ratiboisé.

Les arguments de la rapporteure sont surfaits et de circonstance. La vraie raison, c'est que ce débat dérange certains - je pense à l'ancien président qui souhaite être candidat de la droite. Quand certains s'en prennent aux journalistes, d'autres se préoccupent de protéger les journalistes des pressions éventuelles des propriétaires des médias. Certains sont du côté du manche ; nous, nous sommes du côté de la liberté, du pluralisme et de l'indépendance des médias !

Mme Audrey Azoulay, ministre .  - Crise de confiance, rumeurs, propagande, défiance généralisée envers nos institutions ; il était important que l'Assemblée nationale et le Sénat se penchent sur l'indépendance des médias. Je ne peux laisser dire que ce texte est de circonstance.

Les chartes existent déjà, les comités d'indépendance aussi, de même que le droit d'opposition des journalistes inscrit dans la loi en 2009... Mme Jouve a cité Victor Hugo à juste titre : démocratie, suffrage universel et liberté de la presse vont de pair.

Ce texte est cohérent avec la politique que nous avons menée durant cette législature. Nous avons renforcé l'indépendance de l'audiovisuel en matière de nomination, nous avons conforté les moyens du secteur qui ne sont plus budgétaires afin de ne pas dépendre du bon vouloir du Gouvernement, nous avons protégé les lanceurs d'alerte.

Ce texte poursuit ce travail dont nous sommes fiers et qui a été approuvé sur tous les bancs à l'Assemblée nationale.

À la demande de la commission de la culture, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°445 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 188
Contre 151

Le Sénat a adopté.