Action extérieure des collectivités territoriales et coopération des outre-mer (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional.

Discussion générale

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - Votre commission a adopté conforme cette proposition de loi qui renforce le rôle et les outils des collectivités ultramarines pour s'inscrire dans leur environnement régional.

Ce texte, dû à l'engagement de Serge Letchimy et que j'avais cosigné en tant que députée, constitue une belle évolution historique et conceptuelle. Les échanges des outre-mer ne peuvent plus se résumer à ceux qu'ils entretiennent avec l'Hexagone, dans un contexte de mondialisation et de régionalisation accélérées.

La France est représentée sur les trois océans ; grâce à ses collectivités d'outre-mer, elle a la chance de pouvoir rayonner dans toutes les régions du monde ; ces territoires démultiplient son influence. La coopération régionale rompt avec une logique contre-productive. La jeunesse ultramarine ne peut se résoudre à des horizons fermés.

Les collectivités d'outre-mer ont tout à y gagner ; 4 800 collectivités territoriales sont engagées dans des actions extérieures avec plus de 9 000 de leurs homologues de 146 pays, c'est une chance pour elles, qui peuvent ainsi définir leur action partenariale en fonction de leurs besoins. C'est d'autant plus vrai pour les collectivités ultramarines. Liées par une communauté de destins avec leurs voisins, elles peuvent regarder près d'elles, autour d'elles, et entreprendre des coopérations dans de nombreux domaines. Le projet de loi Égalité des territoires outre-mer y participera.

La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont des pouvoirs étendus pour la négociation ; les départements et régions d'outre-mer ont vu leurs compétences élargies par la loi de décembre 2000, au service de leur insertion dans leur environnement régional. Les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution - ce sont celles que vise la proposition de loi - peuvent conclure des accords bilatéraux ; mais cette possibilité est insuffisamment utilisée, parce que la procédure est trop complexe. Une nouvelle étape s'impose.

La coopération ne se décrète pas, elle se construit. Il y faut une volonté locale, elle est manifeste ; une volonté politique, elle est réelle ; un cadre juridique stabilisé : c'est l'objet de ce texte.

Ce texte précise d'abord les exceptions au principe d'interdiction de conclure une convention avec un État étranger. En ses articles 2 à 8, il étend le champ géographique de la coopération ; aux articles 9 à 12 bis, il donne au président de la collectivité, dans ses domaines de compétence, la possibilité d'élaborer un programme-cadre de coopération régionale après validation en amont par les autorités de la République. Aux articles 12 à 15, il donne un statut aux agents territoriaux affectés dans le réseau diplomatique et à l'article 16 leur confère les privilèges et immunité de la Convention de Vienne - l'avis de votre commission des affaires étrangères peut vous rassurer. Les prérogatives régaliennes de notre État unitaire ne sont pas mises en cause.

Agir de là où l'on se trouve, sans oublier où l'on est, pour construire ensemble où l'on va, ce sera aussi l'objectif du Livre blanc annoncé en août. Construisons la France ouverte, la coopération régionale nous renforce, démultiplie nos options, contribue à la marche vers l'égalité réelle : je me réjouis de votre vote conforme en commission, j'espère que vous le confirmerez ce soir. (Applaudissements à gauche)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi confirme le caractère inéluctable de la décentralisation, qui consiste à confier les bonnes compétences aux bons échelons et aux bons acteurs. Je rends hommage à Paul Vergès, grande figure qui a marqué la vie des outre-mer : nous avons tous été affectés par sa disparition.

La « diplomatie des territoires » concerne 4 800 collectivités territoriales françaises, 12 700 projets pour un total d'un milliard d'euros. L'enjeu est de taille. Nos territoires ultramarins sont aux avant-postes du rayonnement de la France sous toutes les latitudes. Cependant, pour que les collectivités régies par l'article 73  puissent exploiter leurs atouts, qui sont aussi ceux du pays, nous devons faire évoluer notre législation. Depuis la loi du 13 décembre 2000, elles peuvent signer des conventions internationales au nom de l'État, disposent de fonds, des concours du personnel diplomatique, mais elles demandent à ce que soient renforcés leurs outils de coopération régionale, et levées certaines difficultés. C'est l'objet de ce texte.

D'abord, les collectivités territoriales ne peuvent contracter d'accord avec des États ne disposant pas eux-mêmes de collectivités territoriales : l'article premier crée à cet effet des dérogations.

Les articles 2 à 8, étendent la notion de coopération régionale, pour que celle-ci puisse se développer dans un périmètre plus adapté.

Les articles 9 à 13 permettent aux présidents des collectivités ultramarines d'élaborer un programme-cadre de coopération régionale pour toute la durée de son mandat, avec l'accord préalable des autorités de la République.

Le régime indemnitaire des agents est réglé par les articles 13 à 15, et les privilèges diplomatiques des personnels engagés, par l'article 16 ; l'ambassadeur restera seul compétent pour proposer à l'État accréditaire les agents concernés.

La commission a adopté conforme cette proposition de loi qui préserve l'unité diplomatique de notre pays et ouvre de belles perspectives aux collectivités d'outre-mer. Et si ce texte est perfectible, nous nous sommes gardés de l'amender, par souhait d'aboutir rapidement - mieux eût valu l'inscrire plus tôt à notre ordre du jour. (Applaudissements)

Mme Gélita Hoarau .  - Les quatre anciennes colonies que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion n'ont longtemps échangé qu'avec la métropole et l'Union européenne - aujourd'hui encore, c'est la majorité des échanges. Pourtant, leurs voisins proches sont des pays émergents - en 2015, le taux de croissance du Mozambique était de 6,3 %, celui de l'Inde de 7,6 %, celui de Cuba de 4 %. Un nouvel équilibre mondial se dessine - et ces pays n'ont pas fini leur transition démographique.

La situation doit-elle rester figée dans des schémas coloniaux ? N'est-il pas temps de passer de la coopération économique à la diplomatie territoriale, d'une attitude défensive à une attitude offensive, dans la logique de la loi de 2000 qui a offert aux outre-mer la capacité juridique d'être activement présentes dans leur bassin géographique ; mais la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion ne peuvent pleinement participer.

Encore faut-il que les acquis ne soient pas remis en cause... Je pense à la relégation des élus réunionnais en février 2016 lors du 31e conseil des ministres des pays de la COI, à l'encontre des promesses de M. Fabius ; cette reculade compromet la parole de notre pays dans la région. La Réunion et Mayotte, jusqu'ici, pouvaient conclure des accords avec les pays de la COI mais pas avec l'Afrique du Sud, la Chine, l'Inde, l'Australie, avec lesquelles les échanges potentiels sont énormes. Ce texte va dans le bon sens en élargissant le champ de la coopération régionale.

Les outre-mer couperont ainsi le cordon économique avec la métropole, en achetant plus près, au bénéfice du pouvoir d'achat des habitants et du bilan carbone.

Un mot enfin des accords de partenariat entre l'Europe et ses anciennes colonies. Ils ont été ratifiés sans étude d'impact préalable ni concertation, et leur contenu reste, comme celui du Tafta, secret, alors que leurs conséquences sont catastrophiques. Nous demandons un moratoire ou des clauses de sauvegarde automatiques, et la participation des outre-mer aux délégations chargées de négocier ces accords.

Ce texte jette les bases d'un nouveau contrat économique entre la France et ses anciennes colonies, pour leur développement. Nous le voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Guillaume Arnell .  - Alors que l'article 52 de la Constitution définit clairement la responsabilité diplomatique de l'État, une diplomatie de proximité se développe depuis une dizaine d'années, fondée sur la coopération entre collectivités ; le dispositif, complexe, est insuffisamment utilisé.

Cette proposition de loi a l'ambition de donner davantage de liberté d'action aux collectivités territoriales d'outre-mer. Elles n'ont pas toujours les moyens de leur politique alors que les États voisins veulent régulièrement négocier avec les décisionnaires locaux ; l'État agit trop souvent de façon unilatérale et les outre-mer sont trop souvent vues comme un handicap plutôt qu'une richesse.

Vitrines avancées de la France, les outre-mer doivent être encore plus acteurs de leur développement, sortir de leur dépendance envers la métropole et l'Union européenne pour accéder de plain-pied au marché de 300 millions d'habitants de la grande Caraïbe. Malgré la binationalité de Saint-Martin, nous arrivons à coopérer efficacement avec la partie néerlandaise.

J'aurais souhaité que ce texte vise également les collectivités de l'article 74, mais il eût fallu une loi organique...

Les espaces de coopération sont agrandis par la nouvelle définition du voisinage : c'est une bonne chose. Il était important aussi de fixer le régime indemnitaire, le statut, les modalités de remboursement des frais des agents des collectivités ultramarines envoyés à l'étranger. Je doutais en revanche qu'il fût opportun de leur étendre les privilèges et immunités réservés aux agents diplomatiques de l'État, mais j'ai noté l'éclairage du président Raffarin.

Ce texte constitue une réelle avancée pour une meilleure intégration régionale, sans altérer le rayonnement de la France - au contraire. Le groupe RDSE le votera. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Bockel .  - Une coopération régionale moderne, efficace, pérenne et portée par les collectivités ultramarines : voilà l'objectif de ce texte.

La République est certes une et indivisible, mais cela ne doit pas conduire à ignorer les spécificités et les richesses de ses territoires, nombreuses en ce qui concerne les territoires ultramarins, les plus éloignés de la capitale. Le Sénat, représentant de tous les territoires, a toujours veillé à ce qu'elles soient prises en compte. La proposition de loi offre une opportunité historique de les reconnaître en matière de coopération - sans instituer une diplomatie parallèle.

Cette proposition de loi donne corps à cette réalité que la France ne se résume pas à la métropole ni à son administration parisienne, mais qu'elle est diverse et présente dans tous les océans. L'intégration régionale des territoires ultramarins dans un environnement dynamique sera renforcée.

Les collectivités pourront négocier des accords, en conformité avec le programme-cadre élaboré par le président de leur assemblée : elles seront maîtresses de leur destin. Le mécanisme est moderne, gagnant-gagnant, tout en étant constitutionnel puisque le caractère régalien de notre diplomatie est préservé. C'est une étape vers cette diplomatie pragmatique et moderne dont la France a besoin.

Cependant, plusieurs membres du groupe UDI-UC s'abstiendront ; les autres, dont les deux sénateurs polynésiens, voteront le texte. (Applaudissements)

Mme Corinne Bouchoux .  - Nous partageons tous l'objectif de ce texte : donner plus de moyens aux collectivités d'outre-mer de coopérer avec leurs voisins, pour mieux se développer.

Cela n'allait pas de soi. Les collectivités ultramarines portent ces revendications depuis longtemps. Marie-Christine Blandin se souvient qu'en 1999, à la Martinique, en pleine crise de la pêche et de la banane, elle avait constaté l'absurdité d'un cadre juridique interdisant aux outre-mer de nouer des relations commerciales directes avec leurs voisins immédiats. Il s'en est suivi la loi de 2000 ; mais en 2002 déjà Lionel Jospin disait à La Réunion qu'il fallait aller beaucoup plus loin. C'est dire combien ce texte est attendu. Les collectivités d'outre-mer sont aux avant-postes de la démocratie française et certains de leurs dirigeants aussi - je pense en particulier à Paul Vergès. Je salue Mme Hoarau.

Les territoires ultramarins ont tout leur rôle à jouer sur les enjeux environnementaux et climatiques. On l'a vu à la conférence régionale de l'Océan indien. Voyez aussi le programme Géothermie Caraïbes, prometteur. Les exemples innovants ne manquent pas. Nous nous réjouissons de ce texte, le groupe écologiste le votera à l'unanimité. (Applaudissements)

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

M. Félix Desplan .  - Depuis 25 ans, le législateur accompagne la volonté des collectivités de développer des partenariats à l'international, il s'agit aujourd'hui de lever des obstacles propres à la situation des outre-mer. Ce texte y pourvoit, sans contrarier l'unité de la diplomatie française : élargissement du voisinage, des compétences pour signer des accords, programme-cadre, statut des agents ; c'était nécessaire.

Les outre-mer sont à l'avant-garde de notre coopération extérieure. Or les échanges entre nos outre-mer et les pays voisins restent faibles. Les voisins de la Guadeloupe achètent moins de 3 % de ses exportations.... Les collectivités d'outre-mer ne sont-elles pas les mieux placées pour avoir une politique adaptée à leur espace régional ? Certainement, à condition que l'État et l'Union européenne agissent en synergie. La Réunion, Mayotte, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, c'est aussi la France ; c'est aussi l'Europe.

La commission des lois a adopté conforme mais je crains que cela ne soit qu'au prix de certaines maladresses de rédaction. Je présenterai deux amendements pour y remédier. Des modifications pourront être apportées lors de l'examen de la loi Égalité réelle.

Le groupe socialiste et républicain votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements à gauche)

M. Serge Larcher .  - Je salue mon ami Serge Letchimy, présent dans les tribunes. (Applaudissements) Cette proposition de loi, fruit de l'expérience locale, et concrétisation de la promesse du président de la République, jette les bases rigoureuses d'interventions accrues des outre-mer dans la diplomatie du pays. Les outre-mer sont des avant-postes de la France et de l'Europe dans tous les océans.

Pour eux, la coopération régionale est particulièrement importante. Les lois de 2000 et 2011 en ont posé les fondements, autorisant l'adhésion des collectivités ultramarines à des groupements régionaux. Aujourd'hui, une soixantaine d'actions de ce type sont conduites, dont 33 en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Elles répondent aux intérêts de tous, y compris les pays voisins et l'Union européenne, en traitant de sujets aussi divers que les transports, la sécurité civile, la culture ou le sport.

La coopération régionale est un axe fort de la décentralisation. Partout, elle a permis de résoudre des problèmes communs, d'exploiter le potentiel de certaines zones. Elle contribue à la diversification et à l'internationalisation de nos économies, donc à la création d'emplois stables à forte valeur ajoutée.

Hélas, les obstacles restent nombreux, d'ordre institutionnel, économique ou culturel : le rapporteur les a rappelés. S'y ajoutent des freins juridiques et matériels, que lève cette proposition de loi.

Elle élargit la notion de voisinage, autorise chaque collectivité d'outre-mer à établir un programme-cadre de coopération régionale, formalise la passation de partenariat avec des institutions financières, accorde un statut aux agents locaux envoyés à l'étranger.

C'est le moyen d'exploiter des gisements de croissance et de resserrer les liens entre les peuples. À la veille de Noël, (mouvements divers) ou presque (sourires) ce texte, c'est la bonne nouvelle... (Marques d'amusement et de joie sur divers bancs, tandis que l'on se récrie sur certains bancs à gauche) Votons-le conforme ! (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jean-Marie Bockel.  - Joyeux Noël ! (Sourires)

M. Georges Patient .  - Les territoires ultramarins disposent, en matière de coopération régionale, de compétences variables selon leur statut. Si elles étaient assurées par les collectivités relevant de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie, elles méritaient d'être clarifiées pour ce qui est des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution : c'est l'objet de ce texte.

La Guyane pourra ainsi mener des relations conventionnelles avec un nombre plus grand de pays, adhérer à la commission économique pour l'Amérique latine et des Caraïbes, resserrer ses relations, non seulement avec ses plus proches voisins, le Brésil et le Surinam, mais aussi avec l'ensemble de l'Amérique du Sud. Le ministre des affaires étrangères a pris acte de la demande guyanaise qui a été transmise à l'ambassade de France au Chili. J'ai donc retiré mes amendements visant à remplacer les mots « au voisinage de la Guyane » par les mots « en Amérique du Sud » car la Guyane a des échanges avec l'ensemble du continent sud-américain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme la présidente. - Merci !

M. Georges Patient.  - La Guyane pourra aussi, fort opportunément, adhérer à une banque régionale de développement, alors qu'elle a réclamé la réadhésion de la France à la Banque caribéenne de développement. Une date a-t-elle été arrêtée ?

De manière très novatrice, le texte autorise les présidents d'associations locales à élaborer un programme-cadre de coopération régionale, ce qui renforcera leur crédibilité vis-à-vis de leurs voisins ; M. Letchimy a raison d'utiliser le terme de tèbè, qui signifie en créole « inutile, sans pouvoir ». (Sourires)

Ce texte nous fait passer « du cloisonnement colonial au développement corégional », pour reprendre les termes évocateurs du récent rapport de notre collègue député, Jean-Jacques Vlody, sur l'insertion des départements et régions d'outre-mer dans leur environnement géographique.

La coopération régionale est l'un des principaux leviers d'une croissance durable pour nos territoires, à condition que soient valorisés nos atouts.

Je voterai ce texte. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. Félix Desplan.  - Mes amendements seront retirés, afin que le texte puisse être voté conforme. (Applaudissements)

ARTICLE PREMIER

M. Antoine Karam .  - Ce texte est une avancée conséquente. Président de région pendant dix-huit ans, je peux témoigner des embuscades et des obstacles que nous avons rencontrés pendant des décennies. Des formes de coopération régionale ont certes émergé, mais les obstacles restent nombreux.

Avec ce texte, la République comprend que l'émancipation et le développement des outre-mer passent par la coopération régionale, et notamment les échanges commerciaux - inhibés par les normes européennes, nous l'avons dit hier. Cette proposition de loi nous donne l'espoir de mobiliser la jeunesse et les énergies, déjà en action en Guyane, et que ne manquent pas de constater chacun de nos visiteurs. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jacques Cornano .  - Cette proposition de loi conforte la diplomatie économique territoriale, à laquelle la loi de 2000 a ouvert la voie. Elle traduit l'engagement pris en mai 2015 par le président de la République lors de son déplacement aux Antilles.

La coopération régionale offre de réelles opportunités, notamment pour répondre à l'aspiration des jeunes à s'engager pour l'intérêt général. Sans compter l'enjeu économique : la Guadeloupe réalise 3,3 % de ses échanges commerciaux avec son environnement régional. Son commerce avec les membres du Cariforum est de 109 millions d'euros.

Pour le développement durable, les initiatives fleurissent : on veut faire de Marie-Galante une île à énergie positive. Le projet de géothermie à la Dominique et à Montserrat offrira également un bel exemple des exportations des savoir-faire de nos territoires au service de la coopération territoriale. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Maurice Antiste .  - L'unanimité, sur ce texte, s'explique par la qualité du travail de Serge Letchimy. Avec dix-sept articles seulement, cette proposition de loi est d'une importance cruciale, pour créer des dynamiques de coopération dans des domaines hétéroclites, mais ciblés, échanges d'étudiants économiques, « exportation » de nos compétences, entraide d'urgence comme nous le faisons déjà en Haïti... Les opportunités sont nombreuses.

Plus de cinq mille collectivités territoriales, en France, s'investissent dans la coopération décentralisée qui représente 30 millions d'euros. En termes de finances, d'emplois, de consommation, ce texte ne peut qu'être bénéfique aux outre-mer.

Enfin, je me félicite que Mme la ministre ait annoncé un texte semblable pour les collectivités régies par l'article 74. Les outre-mer sont en effet très divers. Je voterai évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements)

L'article premier est adopté.

Mme la présidente. - Belle unanimité !

ARTICLE 2

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 2 BIS

M. Maurice Antiste .  - L'espace Caraïbes, formé de 38 pays et territoires, s'étend sur plus de 5,2 millions de km2, soit dix fois la France métropolitaine ; sa population s'élève à près de 250 millions d'habitants. Est-il normal qu'une collectivité comme la Martinique ne puisse conventionner avec le Brésil, malgré son immense marché de 200 millions d'habitants et sa richesse en matières premières ? C'est tout l'intérêt de ce texte. Grace aux articles 2 à 4, le champ géographique de la coopération régionale outre-mer sera élargi au continent américain pour les collectivités territoriales de la zone Caraïbe (Guadeloupe, Guyane, Martinique), et aux « territoires ou États du continent africain » (Afrique du Sud, Mozambique, etc...) mais aussi aux autres continents voisins de l'océan indien comme les territoires asiatique (Inde, Chine, etc...) ou océaniens (Australie) pour La Réunion et Mayotte.

Mais l'obligation d'obtenir un visa nous pénalise. Les arrêtés de juillet 2011 ont certes simplifié les choses, et le Pacifique est devenu une zone presque entièrement ouverte à la libre circulation, pour ce qui est des courts séjours de tourisme. Ce fut utile lors des Jeux pacifiques à Nouméa en 2011. Je milite pour que cet assouplissement se poursuive, en faveur du développement des échanges touristiques, économiques et en matière de formation, conformément à l'esprit de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLE 3

L'amendement n°6 rectifié bis est retiré.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 4 BIS

L'amendement n°7 est retiré.

Mme Gélita Hoarau.  - Le groupe CRC s'abstiendra.

L'article 4 bis est adopté.

ARTICLE 5

Les amendements nos1 rectifié bis et 2 rectifié bis sont retirés.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

L'article 6 est adopté.

Les articles 6 bis, 7, 8, 8 bis, 9, 9 bis, 10, 10 bis, 11, 11 bis, 12, 12 bis, 12 ter et 13 sont adoptés.

ARTICLE 13 BIS

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Nos outre-mer permettent à la France de rayonner dans tous les océans, y compris l'océan Indien, où se trouve près du tiers de la population mondiale, riche en ressources minérales et halieutiques.

La France y est représentée au travers de trois collectivités : Mayotte, La Réunion, et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), lesquelles participent à la coopération régionale, en matière de recherche et d'observation des conditions atmosphériques.

Les organisations régionales sont nombreuses et diverses, rendant la coopération régionale complexe, dans une insécurité juridique provoquée par la revendication de souveraineté de certains pays sur d'autres et l'immigration clandestine qui résulte de cette situation.

Il est fort regrettable que Mayotte ne soit pas membre de la Commission de l'océan Indien, organisation intergouvernementale de coopération créée en 1982, réunissant Madagascar, l'île Maurice, les Seychelles, les Comores et La Réunion. Les Mahorais ne doivent plus être les victimes des jeux diplomatiques.

L'Assemblée nationale a enrichi ce texte d'un article 13 bis visant à conférer au département de Mayotte les mêmes pouvoirs que ceux reconnus aux régions et collectivités uniques d'outre-mer en matière de représentation.

Je ne peux que souscrire aux avancées proposées par ce texte, tout en soulignant le coût qu'entraînera le régime notamment indemnitaire s'appliquant aux agents publics qui le représenteront pour ce département en grande difficulté. (Applaudissements à gauche)

L'article 13 bis est adopté, de même que les articles 14, 15 et 16.

L'article 17 demeure supprimé.

Interventions sur l'ensemble

M. Michel Magras .  - Je félicite Serge Letchimy pour cette heureuse initiative. Il est difficile pour les outre-mer de s'inscrire dans leur environnement régional s'ils ne sont pas habilités à négocier et à signer des accords avec leurs voisins, dans les domaines visés par ce texte, mais aussi dans ceux du numérique et de la sécurité au sens large, dans ces territoires soumis aux aléas climatiques.

Provenant d'une collectivité qui dispose déjà de cette faculté, je sais qu'il n'est nullement question de mettre en cause l'unité de notre diplomatie.

Le groupe Les Républicains soutient sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements)

M. Jacques Gillot .  - La Guadeloupe est aujourd'hui confrontée à une monstruosité politique : deux collectivités sur un même territoire. Si les deux ne sont pas d'accord, comment nos voisins comprendront-ils notre politique ?

Mme la ministre pourrait rappeler qu'elles peuvent se réunir en Congrès pour approuver l'accord-cadre avec l'État d'une seule voix. (Applaudissements à gauche)

M. Félix Desplan .  - Chef d'un établissement scolaire, j'ai eu par le passé l'occasion de coopérer avec des pays voisins. Dès l'école primaire, les élèves devraient pouvoir choisir une deuxième langue étrangère, pour faciliter les échanges régionaux. Faites-vous notre porte-voix auprès du ministère de l'éducation nationale, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi qu'au centre)

Mme Lana Tetuanui .  - Le texte est important, même si beaucoup reste à faire. Il nous donne des outils nécessaires à notre développement. Tous les sénateurs UDI-UC présents ce soir le voteront. (Applaudissements ; des sénateurs se lèvent pour voter)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Mme la présidente.  - C'est l'unanimité. (Applaudissements debout)

Mme Ericka Bareigts, ministre .  - Je salue cette belle unanimité. La coconstruction du texte, M. Letchimy le sait, a été difficile, mais elle est couronnée de succès ce soir. J'ai été fière d'être au banc du Gouvernement pour ce moment historique.

Nous nous retrouverons bientôt pour débattre du projet de loi Égalité outre-mer ; des amendements pourront être déposés.

Un rapport vient aussi de m'être remis par Jean-Jacques Vlody, avec beaucoup de très belles propositions qui vous permettront encore d'avancer, pas à pas. (Applaudissements à gauche, au centre et sur quelques bancs à droite)