Établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage .  - L'année 2017 est un tournant pour l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui est au service des politiques de l'emploi et de la formation depuis 1946, y compris dans des périodes difficiles, comme celle de la reconstruction ou, plus récemment, celle de la montée du chômage. Ses compétences, son expertise, son rôle fondamental pour l'égalité d'accès à la formation sur l'ensemble du territoire sont reconnus.

La décentralisation et l'ouverture à la concurrence l'ont mise en difficulté, incitant le Gouvernement à la soutenir : c'est le sens de l'ordonnance du 10 novembre 2016 que ce projet de loi ratifie.

Il s'agit de répondre à la déstabilisation causée par le transfert de la compétence formation à la région, qui a asséché les ressources procédant de l'État, mais également de faire respecter le droit de la concurrence, qui l'a fortement affectée. L'AFPA a subi des pertes importantes de marchés, vu son chiffre d'affaires chuter de façon significative et, à partir de 2009, fait face à de graves difficultés financières, menaçant son existence même et la laissant au bord du défaut de paiement.

Il s'agit aussi de répondre aux impératifs juridiques : cette structure assure en effet à la fois des missions de service public et des activités concurrentielles. La création d'un EPIC résout cette difficulté.

Le Gouvernement a accompagné depuis 2012 la transformation de l'AFPA : sur proposition de M. Sapin, alors ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; sous le Gouvernement Ayrault, il a affirmé sa volonté de développer un projet pérenne conforté par la loi Rebsamen du 17 août 2015 qui crée l'EPIC. L'ordonnance du 10 novembre 2016 est l'aboutissement de ce processus de transformation concerté avec les acteurs de la formation mais aussi les instances européennes.

Les missions de service public financées par l'État à hauteur de 110 millions d'euros, dans la loi de finances initiale pour 2017, sont clairement délimitées : certification, réponse aux besoins de formations dans la logique du développement économique de notre territoire, incubateur de nouveaux métiers, expertise et veille, appui aux professionnels.

Les autres activités sont menées dans le cadre de deux filiales soumises à la concurrence et qui relèvent du droit des sociétés. Il s'agit d'une mission de service public concurrentiel de formation pour les demandeurs d'emploi, et d'une autre destinée aux salariés. Une convention collective créera une Unité économique et sociale (UES), dotée d'un comité d'entreprise commun à l'établissement et à ses filiales.

La gouvernance quadripartite associera l'État, les collectivités, les partenaires sociaux et des personnalités qualifiées. L'établissement sera dirigé par un directeur général, nommé après avis du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.

La première directrice générale a été nommée en conseil des ministres le 7 décembre dernier et a pris ses fonctions au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur du statut d'établissement public.

L'ordonnance règle la question du patrimoine immobilier de l'AFPA en organisant les conditions du transfert vers l'EPIC, lors de sa création, de biens de l'État utilisés, jusqu'à présent.

L'ordonnance organise aussi le transfert vers l'EPIC de 116 sites au 1er janvier 2017, jusque-là concédés par l'État à l'AFPA. L'EPIC sera mieux inscrit dans les territoires. L'ordonnance est équilibrée et conforme au droit européen. L'EPIC a été créé le 1er janvier. Beaucoup reste à faire pour que l'établissement réussisse pleinement sa transformation.

À sa nouvelle direction de bâtir un projet de développement site par site et au niveau national.

Le Gouvernement n'a pas choisi la voie de la facilité...

M. Jean Desessard.  - Non...

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - ... mais une ambition stratégique forte au service d'un acteur historique de la formation. Nous faisons confiance à l'expertise de ses salariés ; une nouvelle période s'ouvre pour le nouvel établissement, marquée par l'exigence de servir tous les publics et les territoires, en se tournant vers l'avenir.

Je salue enfin le travail exigeant et sans concession du rapporteur, M. Michel Forissier. Ce texte a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)

M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Ce texte devait clore une longue incertitude sur l'avenir de l'AFPA, principal opérateur de la formation professionnelle en France, qui accompagne les mutations de l'économie de notre pays depuis la Libération, en ratifiant l'ordonnance du 10 novembre 2016 transformant l'AFPA en EPIC.

La nouvelle agence reste toutefois confrontée aux mêmes difficultés qui ont mis l'AFPA au bord de la faillite en 2012.

J'ai acquis au cours de mon travail la conviction que l'inaction aurait tué l'AFPA, victime de l'entrée en 2008 de la formation dans le champ concurrentiel et de la décentralisation, avec pour conséquence un déclin marqué de son activité entre 2007 et 2014, avec une chute de 25 % de son chiffre d'affaires, une baisse de 36 % des demandeurs d'emploi accompagnés et une part de marché des commandes de formation des conseils régionaux passée de 42 % en 2010 à 25 % en 2016.

Le plan de redressement adopté en 2012 n'a pas arrêté les pertes, qui ont atteint 152 millions d'euros en 2015, contre 80 millions en 2012. Opérateur de service public et organisme de formation, l'AFPA, association hybride, ne pouvait répondre aux contraintes juridiques qu'en devenant EPIC. Ce sera un Service d'intérêt économique général (SIEG).

Respecter la réglementation communautaire en matière d'aides d'État et de SIEG, tout en assurant le transfert à l'Agence des biens jusqu'à présent mis à la disposition de l'AFPA par l'État : tel était l'objectif poursuivi par l'ordonnance du 10 novembre 2016. Elle offre de solides garanties en la matière.

La ligne de crête est étroite, mais le Gouvernement a trouvé un équilibre satisfaisant. Il est essentiel de définir une méthodologie incontestable pour définir les coûts à facturer aux filiales en compensation de la mise à disposition des formateurs. Un désengagement de l'État condamnerait l'Agence mais une subvention trop élevée constituerait une distorsion de concurrence.

Les filiales devront développer une offre pédagogique adaptée aux demandes des prescripteurs : outil numérique, modernisation des formations, prise en compte des TPE-PME, pilotage de l'activité par les résultats plutôt que par le chiffre d'affaires.

L'ordonnance règle aussi l'imbroglio juridique de l'immobilier : une mise à disposition par l'État dans des conditions très avantageuses posait problème. La loi du 5 mars 2014 permettait aux régions de reprendre la propriété des sites mais une seule a fait ce choix.

La solution retenue a été la dévolution du patrimoine, malheureusement mal entretenu ; il convient par conséquent d'évaluer les besoins de rénovation et de mises aux normes, mais surtout de rationaliser les implantations. La mise en place de plateaux techniques mutualisés au niveau régional est bienvenue. Reste à régler le contentieux immobilier avec certaines collectivités.

Bref, cette réforme est une condition nécessaire, mais non suffisante...

M. Jean Desessard.  - Absolument !

M. Michel Forissier, rapporteur.  - Nous faisons confiance à la nouvelle direction et aux autorités de tutelle pour ouvrir une nouvelle page de l'histoire de l'AFPA. La commission vous demande d'adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite, ainsi que sur la plupart des bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Dominique Watrin .  - Le groupe CRC s'est abstenu sur l'article 22 de la loi Rebsamen de 2015 habilitant le Gouvernement à prendre cette ordonnance. Nous confirmons cette abstention sur le présent projet.

L'AFPA est un opérateur historique dont l'ambition initiale, datant de la Libération, au service de la formation de chaque salarié et de chaque demandeur d'emploi, afin de lui permettre d'acquérir une qualification diplômante, est toujours d'actualité. C'est un droit des salariés, correspondant à ce que nous réclamons avec notre groupe : la mise en place d'une sécurité d'emploi et de formation, afin que les salariés puissent évoluer, se former, monter en qualification ou se réorienter professionnellement.

Derrière le choix de l'organisation - marchandisation ou non du secteur - c'est le choix d'un modèle social qui se dessine.

Nous saluons le travail du rapporteur, ainsi que les quelques avancées de l'ordonnance. La précédente majorité avait voulu couler l'AFPA. Un exemple : la sécurisation de la dévolution des parts immobilières à l'AFPA, dont la pérennité est cependant loin d'être assurée. La décentralisation de la commande publique de la formation est l'un des principaux dangers. La droite voulait plus de régionalisation, plus de filialisation.

Le Gouvernement a dû reculer face aux demandes de Bruxelles relatives aux possibles distorsions de concurrence. Les missions publiques ne seront subventionnées qu'à hauteur de 110 millions d'euros.

Autre problème, une interprétation très restrictive de la notion de publics éloignés de l'emploi, qui exclut les chômeurs de longue durée. Les régions resteront maîtresses du pilotage.

L'État n'est pas allé au bout de la logique d'appartenance au service public de l'emploi, aux côtés de Pôle Emploi. Sans le plan « 500 000 formations », le solde national des formations financées par les régions aurait été négatif.

Les suppressions de postes se poursuivent, menaçant la pérennité de la structure. Nous assumons nos positions contre une libéralisation fructueuse pour les sociétés de formation privées.

Notre abstention sera un encouragement au Gouvernement à poursuivre la consultation des membres du personnel qui ont voté constamment contre ce plan et ont posé des questions qui demeurent malheureusement sans réponses.

Mme Hermeline Malherbe .  - Nous sommes donc appelés à nous prononcer sur la transformation de l'AFPA, dont l'histoire est longue, riche et parfois tumultueuse, en agence via le statut d'EPIC. Cette histoire a failli s'achever en 2010, à la suite, diront certains, de la décentralisation de 2004, mais aussi, selon d'autres, du transfert du financement des formations assurées par l'association.

Cette décentralisation aurait pu être mieux accompagnée par le Gouvernement de l'époque et mieux anticipée par I'AFPA.

Certains évoqueront aussi la décision du Conseil de la concurrence en 2008, qui place l'AFPA, comme tout opérateur de la formation professionnelle, dans le champ concurrentiel.

Depuis, elle a perdu de nombreuses parts de marché, dégradant ses fondamentaux budgétaires et financiers, aggravant son déficit. On peut se demander si le Gouvernement de l'époque, en le laissant filer, souhaitait vraiment conserver l'AFPA. Il a fallu un acte politique fort du nouveau Gouvernement pour inverser la tendance.

L'ordonnance du 10 novembre dernier concrétise le processus de refondation de l'AFPA, qui conserve son sigle en se transformant en agence.

Le rapporteur a souligné la complexité des questions juridiques résolues par ce texte. L'AFPA garde ses missions traditionnelles. Elle doit créer deux filiales, l'une pour les demandeurs d'emploi, l'autre pour les salariés. Parmi ses nouvelles missions, elle devra évaluer les besoins des bassins d'emplois et mettre à jour les titres professionnels. L'ordonnance clarifie aussi les questions patrimoniales.

Le groupe RDSE votera ce texte, premier pas vers une indispensable stratégie d'ensemble de la formation professionnelle, qui doit être adaptée à la demande locale, desservir tous les publics et prendre en compte les métiers émergents.

Les chiffres du deuxième semestre 2016 sont encourageants : le plan « 500 000 formations » porte ses fruits, puisque deux tiers des stagiaires trouvent un emploi dans les six mois qui suivent leur formation.

Le Compte personnel de formation (CPF) récemment créé contribue à notre développement économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Je salue le rapport très documenté de M. Forissier, même si mon appréciation sera plus sévère.

Diverses structures de formation professionnelle ont été mises en place dès les années trente, puis ont resurgi dans l'après-guerre. L'AFPA, créée en 1946, pour répondre aux défis de la reconstruction dans l'industrie, en particulier dans le BTP, a concentré son action sur les publics privés d'emploi. Elle était financée par l'État - jusqu'à 1,2 milliard d'euros en 1998.

Son activité a été fortement perturbée par la décentralisation et par l'ouverture à la concurrence.

Après quelques années de grandes difficultés, un processus de refondation a été engagé. La solution trouvée est la transformation de l'AFPA en EPIC, cadre mieux adapté aux contraintes mais insuffisamment pérenne. La capacité de l'AFPA à assurer une gestion équilibrée reste sujette à caution.

La dette fiscale et sociale qui s'élève à 80 millions d'euros n'a fait l'objet que d'un moratoire. Parc vétuste, charges trop lourdes : comment imaginer un nouveau départ ? L'activité est déconcentrée, le pilotage centralisé.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est le problème français en général !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Une plus forte décentralisation aurait pu être envisagée, par le biais d'un EPIC régional, ou d'un établissement centralisé avec des filiales dans chaque région.

Reconnaissant le caractère indispensable de la transformation de l'association en EPIC mais mesurant la très grande fragilité de cette évolution en raison des incertitudes et des inquiétudes que j'ai évoquées, mon groupe ne s'opposera pas à cette ordonnance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit aussi)

M. Jean Desessard .  - Comme notre rapporteur, je constate que le Gouvernement a respecté l'objet et les délais fixés par l'ordonnance : transformer l'AFPA en EPIC, préciser ses missions, régler les conditions de transfert de son patrimoine immobilier. Ainsi 116 sites d'une valeur estimée à 410 millions d'euros, ont été transférés gratuitement à l'EPIC.

Nous saluons l'effort, qui s'imposait. L'AFPA ne respectait pas les règles européennes, sa situation financière se dégradait. La mort annoncée est évitée. Mais il reste les travaux de désamiantage et de mise aux normes, qui coûteront des dizaines de milliers d'euros. Reste aussi le contentieux avec France Domaine.

L'État n'est pas autorisé à financer l'Agence au-delà des 110 millions d'euros annuels, chiffre qui devra certainement être revu à la baisse.

Le doute s'installe. Comment préserver le service public de la formation professionnelle ? Quelques pistes : lancer l'appel d'offres national sur les formations rares et émergentes, accorder une dotation de service public à l'AFPA pour pérenniser ses activités.

L'AFPA devra rationaliser son patrimoine, réintégrer les formations les plus rémunératrices, développer les relations avec les régions.

Le défi est immense. Si je conçois que le Gouvernement respecte les objectifs fixés par l'ordonnance, avec cette réforme, je ne crois pas que le montage envisagé suffise à garantir de manière pérenne un service public de formation professionnelle de qualité. Oui, il est nécessaire, mais pas suffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)

Mme Nicole Bricq .  - L'AFPA, en plus du double choc évoqué par plusieurs d'entre vous, a vu le montant de sa dotation de l'État chuter de 575 millions d'euros en 2007 à 74 millions en 2011, ce qui représente en réalité un triple choc, l'ayant conduite au bord de la cessation de paiement en 2011.

L'AFPA doit trouver sa place dans la refondation - le terme utilisé à juste titre par M. Watrin en commission - de la formation professionnelle.

Ses financements sont devenus aléatoires, désormais dépendants des appels d'offres des régions et le droit européen la contraint fortement.

À cela se sont ajoutés les transferts du personnel chargé d'orienter les demandeurs d'emploi à Pôle Emploi portés par Mme Morano, qui ont affaibli l'association, sans renforcer Pôle Emploi. En y injectant dès le début du quinquennat 220 millions d'euros, le Gouvernement a apporté un bol d'air à l'AFPA, dans un processus qui se concrétise avec cette ordonnance.

L'urgence conjoncturelle a été traitée par le plan du Gouvernement sur la formation professionnelle ; l'urgence structurelle tient à la révolution numérique, à l'écrasement de la chaîne hiérarchique, aux allers-retours des travailleurs entre le salariat et en-dehors de celui-ci, au développement des plateformes de services, à la mobilité, tous facteurs qui entraînent en même temps des mouvements de destructions, mais aussi de créations d'emplois.

Cela suscite des inquiétudes qui sont peu entendues dans cette campagne électorale. Il faut engager un accompagnement de la formation tout au long de l'AFPA.

L'ordonnance règle quelques problèmes, mais l'AFPA doit développer son activité. La formation professionnelle doit être une priorité principielle du futur quinquennat. Ne remettons pas en cause les jalons posés par le Gouvernement, à savoir le Compte personnel de formation et le Compte personnel d'activité des personnes peu qualifiées. Les efforts doivent s'intensifier en direction des chômeurs, dont moins de 20 % sont en formation.

L'efficience des sommes consacrées à la formation professionnelle - plus de 30 milliards - pose question. La question du paritarisme, notamment, appelle une révolution. Le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, M. Pierre Méhaignerie, en dresse en 2011 un bilan mitigé de la présidence Sarkozy-Fillon. Je le dis sans polémiquer. (Exclamations ironiques à droite) M. Pierre Méhaignerie constatait : « La Gouvernance n'est pas assurée s'il y a plusieurs pilotes dans l'avion ». Ce matin, le Sénat a écouté doctement M. Didier Migaud. Je vous conseille de vous référer au schéma illustratif du rapport qui porte sur la formation professionnelle. 192 organismes collecteurs, 77 000 prestataires de formations. Comment voulez-vous que cela marche ?

M. Jean Desessard.  - Il y a eu une réforme.

Mme Nicole Bricq.  - Oui en 2014, mais elle ne suffit pas. La refondation du système doit reposer sur trois principes : un accès universel à la formation avec une obligation d'assiduité, un accès diversifié à des formations courtes pour la maîtrise d'une technique et longues pour les reconversions professionnelles, un système transparent assorti d'une évaluation en termes de résultats, en termes de retour à l'emploi ou de progression salariale.

Si nous ne menons pas cette réforme de la formation professionnelle, ce sera une faute très lourde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yves Daudigny.  - Excellente réflexion !

Mme Catherine Procaccia .  - Ce projet de loi s'inscrit dans la logique de décentralisation et de rationalisation de la formation professionnelle, antérieurement déployée lors de la réforme de 2004. En 2008, rapporteur de la loi réformant le service public de l'emploi, j'ai demandé un rapport au Gouvernement pour faire le point sur l'éventuel transfert des activités de l'AFPA à Pôle emploi.

Il devenait nécessaire de rationaliser ces services pour éviter aux chômeurs et aux personnes en quête d'emploi un parcours du combattant. À cela s'ajoutaient les craintes du Conseil de la concurrence au sujet des activités de formation. Enfin, on ne pouvait ignorer la question immobilière. La dévolution envisagée s'est heurtée à la censure du Conseil constitutionnel.

Sur le plan européen, l'opération risquait d'apparaître comme une aide de l'État.

En 2014, le Gouvernement a tenté de se conformer à cet avis en mettant en place un mécanisme de transfert, mais rien n'a abouti.

J'étais aussi rapporteur de la loi Rebsamen sur le dialogue social qui proposait de transformer l'AFPA en EPIC. Des assurances nous avaient été données sur la solidité du dispositif dont j'espère qu'il sera l'ultime épisode de ce feuilleton.

Notre majorité, en soumettant l'AFPA à un régime concurrentiel, aurait été à l'origine de ses difficultés financières, ai-je entendu. C'est faux. Gouvernement après gouvernement, nous avons toujours tenté de sauver l'AFPA. Les difficultés financières s'expliquent plutôt par des politiques financières et des choix de gestion inadaptés, comme l'a bien montré la Cour des comptes dans son enquête sur l'AFPA publiée au premier semestre 2013. Preuve en est le système de subventions aux régions, déséquilibré, ou encore les conflits récurrents avec les représentants syndicaux sur les plans sociaux proposés.

L'organisation territoriale de l'AFPA n'a pas non plus évolué. Une absence d'étude de marché l'a empêchée d'anticiper la période de transition qu'elle allait traverser. La Cour des comptes a aussi souligné l'évolution trop lente des effectifs, le manque de mobilité des personnels, des problèmes de facturation, qui ont concouru à une dégradation des comptes. Tout cela a peu à voir avec l'action de l'État.

Cependant, l'AFPA reste un outil puissant pour faciliter le retour des stagiaires demandeurs d'emploi sur le marché du travail. La moitié des stagiaires demandeurs d'emploi qui obtiennent de l'AFPA un titre professionnel occupent un emploi six mois après la fin de leur formation.

En lui accordant un statut plus conforme au marché concurrentiel, nous espérons renforcer l'AFPA et lui permettre de mieux tirer parti de ses compétences.

J'espère que c'est la dernière fois que nous aurons à légiférer sur le statut de l'AFPA. (Applaudissements)

M. Michel Forissier, rapporteur .  - Quand le Gouvernement propose un texte, je me demande toujours ce que j'aurais fait si j'avais été ministre. En l'occurrence, la même chose.

M. Watrin a évoqué le Conseil national de la Résistance. C'est une époque où communistes et gaullistes marchaient main dans la main pour sauver la France. Nous sommes dans un cas de figure comparable.

Tous les ingrédients sont là pour résoudre le problème de la formation professionnelle. Évitons de tout faire peser sur l'AFPA. Quand un métier sans formation diplômante suffira, il faudra bien adapter l'offre de l'AFPA.

On me dit qu'il serait honteux d'avoir des exigences en matière de performance. Je ne le crois pas. J'en ai eu l'expérience pour la cuisine centrale de ma ville de Meyzieu. Nous n'avons pas eu peur de la concurrence et c'est le service public qui a gagné : nous avons réussi, en faisant de la production interne, à développer un service public de qualité. Nous ne pouvons pas repartir avec une AFPA qui fonctionnerait comme à ses débuts. Regardez l'outil numérique : c'est un outil ouvert vers l'avenir. Prenons modèle.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État .  - Nous avons créé les conditions d'une transformation de l'AFPA. Aux acteurs de réinventer l'outil. Plusieurs d'entre vous ont mentionné la transformation profonde des métiers. Une nouvelle directrice a été nommée en Conseil des ministres, le 7 décembre. Le conseil d'administration devrait bientôt se réunir, dans l'organisation quadripartite que vous avez évoquée. J'espère qu'il saura réussir cette transformation.

Monsieur Watrin, deux informations consultations ont été lancées auprès du personnel, l'une du 26 juin au 28 octobre, l'autre à partir du 18 novembre. Les salariés connaissent parfaitement les difficultés que suscitera l'adaptation de l'AFPA aux nouveaux enjeux. Ils tiennent tout comme nous à cet outil et ont accompagné la préparation du projet.

L'un des représentants syndicaux de l'AFPA qualifiait cette transformation de « chance et d'opportunité à saisir » ; preuve que le personnel de l'AFPA y est pleinement engagé.

Madame Malherbe, vous plaidez pour une stratégie plus proche des bassins d'emplois, envisageant des solutions innovantes. Je ne peux qu'approuver.

Monsieur Gabouty, le transfert des compétences aux régions a effectivement eu des effets sur l'AFPA. Vous regrettez que nous n'ayons pas décentralisé davantage. Nous avons besoin d'un outil de formation national. Les 13 régions ne font pas la France et il faut harmoniser les enjeux.

De par leur compétence, les régions auraient pu définir les missions de service public qu'elles souhaitaient voir dévolues à l'échelon régional. Elles ne l'ont pas fait. Dont acte, mais c'est une grande déception.

La loi laissait aussi la possibilité aux régions de reprendre des sites d'implantation de l'AFPA pour construire un projet stratégique inscrit dans un territoire pour répondre aux demandes particulières de leurs habitants. En 2015, une seule l'a fait, la Basse-Normandie ; et seule la région Bourgogne-Franche-Comté a saisi cette opportunité en 2016. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Monsieur Desessard, j'espère vous rassurer sur les aspects financiers : la compensation versée par l'État étant votée par le Parlement, elle n'a pas vocation à diminuer, au contraire. Pour ce qui est de la transformation des métiers, il faut les anticiper. Cela fait partie de l'une des missions de service public de l'AFPA définies par l'ordonnance, celle d'« incubateur ». Les formations relèvent de la concurrence et du marché. Vous avez mentionné la loi Sapin 2. Anticiper les métiers à dix ans ou vingt ans et faire de la prospective n'entrent pas forcément dans la compétence des régions.

Madame Bricq, votre propos était riche.

M. Jean Desessard.  - Vous n'avez pas dit « bavard » ! (Sourires)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Vous avez indiqué la nécessité d'apporter une réponse à la hauteur des besoins de formation des chômeurs de notre pays. Seul un chômeur sur dix bénéficie d'une formation à l'issue de sa période de chômage. C'est intolérable. La formation facilite le retour à l'emploi. Une formation de base ne suffit pas lorsqu'il s'agit de la transition énergétique. D'où notre plan 500 000 formations qui continuera jusqu'en juin 2017. Les partenaires sociaux et les présidents des conseils régionaux souhaitaient évaluer l'efficacité de ce plan. Nous leur offrons une période de six mois supplémentaires pour cela, au terme de laquelle nous espérons pérenniser ce plan.

Nous aurons sans doute l'occasion de reparler du rapport de la Cour des comptes. 75 organismes de formation et peu de contrôle : cela pose problème. Le décret porté par la loi du 5 mars 2014 devait servir de point d'appui. On mentionne souvent les 30 milliards d'euros de la formation professionnelle : cela inclut les 13 milliards de crédits pour la formation, mais n'oublions pas tous les crédits annexes.

Je vous remercie de la qualité de vos interventions et de l'intérêt que vous manifestez pour ces questions. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°97 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 279
Pour l'adoption 279
Contre     0

Le Sénat a adopté.