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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Choc de simplification pour les entreprises

Mme Élisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises

M. Olivier Cadic

Mme Patricia Morhet-Richaud

M. Dominique Watrin

Mme Hermeline Malherbe

M. Joël Labbé

Mme Nicole Bricq

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Martial Bourquin

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Saisine du Conseil constitutionnel

Questions d'actualité

Victimes de la pollution

Mme Leila Aïchi

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Hommage à une délégation moldave

Questions d'actualité (Suite)

Cristallerie d'Arques

M. Dominique Watrin

M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie

Cybersécurité

M. Rachel Mazuir

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur

Rassemblement sur le site de Bure

M. Christian Namy

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur

Politique extérieure

M. Jean-Pierre Raffarin

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Terres agricoles et viticulture

Mme Hermeline Malherbe

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Grippe aviaire

M. Jean-Louis Carrère

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Conséquences du Brexit

M. Olivier Cadic

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Justice

M. Philippe Bas

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Plan de lutte contre les violences faites aux enfants

Mme Michelle Meunier

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes

Politique de santé

M. Alain Milon

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Politique économique

M. Jean-Claude Lenoir

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Saisine du Conseil constitutionnel

Compétences eau et assainissement des communautés de communes

Discussion générale

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

M. Jean Louis Masson

M. Bernard Vera

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Sophie Joissains

M. Jean Desessard

M. Jean-Pierre Sueur

M. Alain Joyandet

M. Philippe Bonnecarrère

M. Daniel Laurent

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Michel Savin

M. Yves Daudigny

M. Jean Desessard

M. Mathieu Darnaud, rapporteur

M. Pierre-Yves Collombat

M. Daniel Gremillet

M. Alain Vasselle

M. Alain Houpert

Mme Marie-France Beaufils

M. Marc Laménie

M. Bernard Delcros

M. René Danesi

ARTICLES ADDITIONNELS

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur

M. Marc Laménie

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Michel Baylet, ministre

Ajournement du Sénat




SÉANCE

du jeudi 23 février 2017

60e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

Secrétaires : Mme Valérie Létard, Mme Catherine Tasca.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Choc de simplification pour les entreprises

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises .  - La délégation aux entreprises, qui sillonne le territoire depuis deux ans, veut se faire l'écho des centaines d'entrepreneurs qu'elle a rencontrés depuis sa création en dénonçant le poids de l'administratif qui pèse sur les entreprises et, en particulier, sur les PME, moins armées pour y faire face. Excès de normes, maquis de règles, rigidité et instabilité ont un coût estimé à 60 milliards d'euros par l'OCDE, sans parler des emplois perdus, qui minore notre compétitivité et notre attractivité. Sur le critère du poids de la réglementation, la France est classée 115e sur 138 États par le Forum économique mondial.

La France a-t-elle pris la mesure de l'enjeu ? En mars 2013, le président de la République annonçait un choc de simplification : qu'en est-il quatre ans plus tard ? Notre délégation a confié à Olivier Cadic et à moi-même un rapport sur ce sujet. Après nous être rendus en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas, nous avons entendu à Paris des représentants des entreprises, les institutions chargées de la simplification, à commencer par le secrétaire d'État Jean-Vincent Placé - comment interpréter sa désaffection aujourd'hui ? - ainsi que des universitaires et des think tanks.

La volonté affichée en haut lieu a-t-elle donné des résultats ? L'inflation législative ne date certes pas d'hier mais elle s'accélère. Le volume des projets de loi augmente : le nombre d'articles qu'ils contiennent double en moyenne à l'issue de la navette parlementaire. On a tôt fait d'accuser les parlementaires quand le Gouvernement est comptable du cinquième de cette dérive à laquelle il contribue également par le recours aux ordonnances. L'Union des industries chimiques nous a transmis une courbe frappante retraçant l'évolution des normes d'hygiène, de santé et de sécurité. Il serait intéressant d'appliquer le même exercice à la fiscalité et au droit du travail. La France resserre encore un peu plus cet étau administratif en surtransposant les directives aux dépens de nos entreprises.

Le Gouvernement s'enorgueillit d'avoir lancé le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, créé un secrétaire d'État dédié ainsi qu'un Conseil de la simplification pour les entreprises et d'avoir pris 463 mesures de simplification. L'élan initial est pourtant rapidement retombé : le comité chargé d'expertiser les études d'impact du Gouvernement, annoncé le 10 juin 2015, n'a pas vu le jour. Une semaine après, Thierry Mandon changeait de portefeuille, et trois ministres se seront succédé à ce poste depuis. Quant au Conseil de la simplification, notre rapport classe ses recommandations en plusieurs catégories : anecdotiques, anti-Kafka, sans-papiers, sécurisantes, usurpées, à effet boomerang... La politique de simplification ne convainc pas. Du reste, 43 % des mesures prises ne sont pas effectives. Selon le Gouvernement, elle se traduirait par 5 milliards d'euros d'économies potentielles pour les entreprises. Ce chiffrage, invérifiable, ne tient pas compte du flux d'obligations nouvelles : pénibilité, compte personnel formation, transition énergétique. Plus qu'un choc de simplification, c'est un choc de réglementation.

Or il est possible de réussir. Les pays du Nord, l'Union européenne sous l'impulsion de Jean-Claude Juncker, y ont réussi. Là où la politique de simplification fonctionne, elle est un objectif politique, souvent transpartisan. Elle obéit à une méthodologie rigoureuse et repose sur des objectifs et le suivi d'indicateurs. Surtout, des résultats chiffrés et vérifiés sont obtenus. L'Allemagne a ainsi allégé le coût de la bureaucratie pour ses entreprises de 14 milliards d'euros entre 2006 et 2011. Enfin, la réduction du stock de règles s'articule souvent avec une régulation du flux de normes, grâce à une règle de compensation entre création et suppression de normes. Dans tous ces pays, un organe indépendant contrôle la qualité des études d'impact, sur lesquelles repose le pilotage de la simplification pour les entreprises. Chacun de ces organes est doté d'un collège de quelques membres experts issus du monde économique, sans mandat politique ni fonction administrative. Il rend un avis sur les projets de loi ou de règlement.

Le Sénat a proposé des mesures générales telles que le « one-in, two-out » et la fin de la surtransposition des directives. Il a adopté des mesures très attendues par les entreprises, malheureusement balayées d'un revers de main par le Gouvernement : la diminution des délais de paiement à 30 jours fin de mois ou encore la transformation du CICE en allégement de charges. La majorité sénatoriale a été force de propositions mais je laisse le soin à M. Cadic de présenter notre rapport. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Olivier Cadic .  - (L'orateur, pour illustrer son propos, demande la projection d'une présentation PowerPoint sur les écrans de la salle des séances) La simplification en France est comme la Pénélope d'Homère, elle travaille beaucoup sans produire beaucoup de résultats. (Murmures) Tel Ulysse, notre délégation propose une odyssée, en quatre étapes, pour simplifier la vie des entreprises et augmenter notre efficacité.

À l'étranger, la simplification est un processus méthodique ; chez nous, elle tient plutôt du mirage politique. Ses acteurs s'épuisent à vouloir vider la mer avec une petite cuillère.

Depuis la loi organique de 2009, les études d'impact doivent accompagner les projets de loi ; propositions de loi et amendements y échappent. Celles qui sont rendues sont de qualité inégale, trop formelles et souvent réalisées à la dernière minute. Et notre pays continue de légiférer pour un oui ou un non, ce qui rend fous les entrepreneurs.

Interrogeons-nous sur nos méthodes. Quelle entreprise peut fonctionner sans service qualité ? Créons-en un pour la règle de droit sous la houlette du Premier ministre. Sa première mission sera de chiffrer le poids administratif. On nous rétorque que cela coûtera trois millions d'euros, ce sera toujours moins que le coût de la complexité. Nous pourrons ensuite arrêter des objectifs de réduction nette de la charge bureaucratique en élaborant un plan de réformes globales en début de mandat. Préparer - exécuter - contrôler - ajuster : voilà le cercle vertueux.

Deuxième proposition : alléger le stock de normes. Il faut élaguer le droit en vigueur - nous avons deux siècles d'activité législative derrière nous ! Nos raffineries sont-elles plus sûres grâce au cadre plus contraignant qui les enserre ? Non : elles sont l'objet de 26 % des accidents en Europe alors qu'elles ne représentent que 10 % du parc.

Troisième axe : concevoir une régulation au service des entreprises. Passons à un système où tout est autorisé, sauf ce qui est interdit. Il libérera l'administration comme les entreprises.

Quatrième préconisation : mieux légiférer. Prenons le temps d'associer les entreprises à l'élaboration de la loi. Test PME obligatoire, expérimentations en amont, étude d'impact fournie pour les projets de loi comme pour les propositions de loi et les ordonnances, contrôle par un Conseil de la simplification rendu indépendant, débat d'orientation préalable avant d'entamer l'examen d'un texte, mise à jour de l'étude d'impact après la première lecture, contrôle de la loi et de ses déclinaisons réglementaires, bref, nous devons revoir en profondeur notre façon de faire la loi.

La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent, aurait dit Albert Einstein. Changeons notre façon de faire de la politique. (Applaudissements sur les bancs au centre et à droite)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Le 28 mars 2013, le président de la République lançait le programme du choc de simplification. Un premier projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises était voté le 20 décembre 2014. Un Français sur quatre estime complexes ses relations avec l'administration, le problème ne se limite pas aux entreprises mais parlons d'elles. PME et TPE sont les plus touchées. Une réduction de 25 % de la charge administrative se traduirait par 15 milliards d'euros d'économies pour les entreprises. Les Français ne demandent qu'à entreprendre - voyez le succès du statut d'auto-entrepreneur.

Depuis juin 2014, un secrétaire d'État est dédié à ce chantier de la simplification. Les mesures adoptées sont variées : réduction du nombre de commissions locales d'aménagement, simplification du code du commerce, suppression de certains régimes de déclaration préalable ou d'autorisation imposés aux entreprises, transposition de deux directives européennes sur les marchés publics... Compte tenu de l'immensité de la tâche, cela paraît bien timide d'autant que seules 56 % des mesures sont aujourd'hui effectives.

Lors du déplacement de la délégation dans mon département des Hautes-Alpes, nous avons mesuré combien la complexité et l'instabilité normative sont des griefs récurrents contre l'État. Un dirigeant de PME disait qu'il lui faudrait un ETP pour suivre l'évolution de la réglementation. Celle-ci est souvent inadaptée, notamment au caractère saisonnier de l'économie locale. Dans les Hautes-Alpes comme ailleurs, le compte pénibilité et le prélèvement à la source inquiètent les entrepreneurs. Ils ne sont pas les seules victimes puisque les salariés auraient un meilleur salaire si le coût de la réglementation était moindre. Pour un pas en avant de simplification, nous en faisons deux en arrière de complexité. Quelque 400 000 normes applicables, 10 500 lois et 127 000 décrets en vigueur, notre stock doit être allégé. Inspirons-nous de l'Italie où l'émission d'une norme entraîne la suppression d'une autre et utilisons le numérique : une déclaration fiscale unique et dématérialisée regroupant les impôts, la TVA, la formation continue, les déclarations de CVAE et CFE, et la déclaration sur les dividendes et intérêts serait une vraie mesure de simplification Ainsi l'administration pourrait se concentrer sur le rescrit, qui garantit l'adaptation de la norme aux réalités du terrain.

Faisons en sorte que ce choc de simplification ne reste pas une formule et qu'il devienne une réalité pour tous les Français. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Dominique Watrin .  - La simplification de la vie des entreprises constitue une question récurrente de cette législature, déclinée au fil des débats et des secteurs. Elle résoudrait à elle seule tous les maux qui affectent notre économie. Et pourtant, pour faire moins de normes, on en fait plus : ANI, loi Macron, loi Travail...

Nous sommes soumis à l'exigence de produire la meilleure norme possible car si la norme contraint certains acteurs, elle en protège d'autres - c'est le cas du droit du travail.

Nous ne nions pas les difficultés quotidiennes auxquelles les entreprises sont confrontées. À notre sens, elles sont exacerbées par la continuation de la RGPP : moins de fonctionnaires, cela signifie moins d'accompagnement des PME. Et l'on comprend mieux le sens de la règle selon laquelle le silence de l'administration dans les deux mois vaut acceptation. Derrière le leitmotiv de la simplification se cache une volonté de dérégulation, de déréglementation, voire de moins d'État.

Or, d'après un intéressant rapport de notre commission des lois, la situation des entreprises françaises n'est pas préoccupante du point de vue de la réglementation. Selon le sondage réalisé par KPMG en octobre 2016, seuls 8 % des chefs d'entreprise pensent que la simplification des procédures administratives pourrait avoir un impact sur leur activité. En revanche, la plupart s'inquiètent de leur accès au crédit. Au minimum, une consultation du système bancaire devrait être menée pour lever les freins ; c'est un minimum car ce dont nous avons besoin est d'une réforme bancaire, d'une modification de la politique de la BCE et d'une révision des critères de prêts. Il faudrait aussi encadrer la sous-traitance et mieux contrôler les circuits de l'aide publique. Le pouvoir d'achat de nos concitoyens doit être augmenté pour le bien de nos petites entreprises.

Vous l'aurez compris, le groupe CRC partage une partie du diagnostic de Mme Lamure, mais non ses solutions. Pour nous, inflation législative se conjugue avec libéralisme économique ; il entraîne une inflation de pans entiers du droit : droit boursier, droit de la concurrence, droit de l'énergie. Ce débat n'est pas neutre politiquement. Espérons qu'il aura eu un mérite : démontrer que l'évaluation qualitative doit l'emporter sur une évaluation comptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Hermeline Malherbe .  - La simplification réduit la charge administrative, il y va de l'équité entre les entreprises. C'est un enjeu de croissance, de développement et, donc, d'emploi. Plus de simplification, c'est plus d'initiative, d'activité et d'emploi, avait déclaré le président de la République en 2013.

Comment libérer les entreprises des contraintes administratives tout en préservant un environnement juridique stable et sécurisé ? La question est posée depuis 1983, date à laquelle était créée une commission sur la simplification des démarches administratives des entreprises. Le bilan de ce quinquennat, disent certains, est médiocre. Je dirai plutôt qu'il est loin d'être optimal et que beaucoup reste à faire.

Je me réjouis que François Hollande ait pris ce sujet à bras-le-corps au début de son quinquennat, pour tous et pas seulement pour les entreprises.

Surtout, en quatre ans, nous avons fait évoluer les mentalités ; c'est essentiel. Au sein du Conseil de la simplification, une vraie collaboration s'est nouée entre les acteurs : représentants des PME, parlementaires et experts. Il est devenu une véritable « fabrique à simplifier », qui a produit 433 mesures pour les entreprises, dont le programme « Dites-le nous une fois », qui a engendré 4 milliards d'euros d'économies pour les entreprises, les marchés publics simplifiés - même si j'en connais un qui s'est éternisé - le guichet unique pour les entreprises ou encore la déclaration sociale unique. Et 40 nouvelles mesures ont été proposées cet automne encore. Il conviendra d'évaluer ces mesures. L'envoi en une fois de toutes les demandes administratives simplifiera aussi la vie des entreprises ; les missions des chambres consulaires doivent être citées, elles ont été oubliées par les autres orateurs.

Le groupe RDSE estime que la simplification va dans le bon sens, même s'il reste beaucoup à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Joël Labbé .  - La lourdeur de notre administration est souvent moquée, et parfois avec raison, mais c'est de l'accumulation des normes sans souci de cohérence dont il est question. La simplification est au coeur de l'action du Gouvernement depuis 2013. Malheureusement, la saisine du Conseil de la simplification est encore trop complexe ; une proposition de loi pour la simplifier est encore en navette.

Nous sommes, au groupe écologiste, très attachés aux nouvelles formes de démocratie. Le site participatif « Faire simple » a recueilli plus de 4 000 contributions, 19 000 Français y sont inscrits.

Le principe instauré par la loi du 12 novembre 2013 selon lequel le silence de l'administration vaut approbation est à saluer pourvu que ce ne soit pas une façon de tirer les conséquences de la baisse du nombre de fonctionnaires.

Le dernier train des 415 mesures de simplification, selon l'expression de Jean-Vincent Placé, occasionnera 5 milliards d'euros d'économies pour les entreprises.

Saluons les efforts de l'État à l'égard des TPE-PME, qui représentent 99 % de notre tissu économique. Leur accès aux marchés publics doit être facilité : elles n'accèdent pour l'heure qu'à 50 % d'entre eux en volume et 30 % en valeur. Les normes agricoles et alimentaires sont identiques pour les petits ateliers et les grandes usines.

Mme Nicole Bricq.  - C'est vrai.

M. Joël Labbé.  - Cela freine l'ancrage territorial de l'alimentation, un sujet dont nous reparlerons ! La cuisine-usine de l'agroalimentaire et la petite cantine locale ne doivent pas être soumises aux mêmes règles.

La France est en bonne voie vers la simplification. Nous partions de loin ! Poursuivons sans renoncer à nos principes fondamentaux et aux contrôles nécessaires. J'espère que ces efforts seront poursuivis lors de la prochaine législature. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)

Mme Nicole Bricq .  - Depuis vingt ans, tous les gouvernements ont affiché leur volonté de simplification ; ce quinquennat en a fait une priorité. En 2013, François Hollande mobilisait préfets et directeurs d'administration centrale. Le 17 juillet 2013, le Gouvernement dévoilait les 200 premières mesures de son programme de simplification. Le Conseil de la simplification était créé le 8 janvier 2014, et un ministère voyait le jour : c'est un saut qualitatif.

Certes, seuls 56 % des mesures de simplification sont effectives mais, pour siéger au sein du Conseil de la simplification, je sais l'énergie titanesque qu'il faut déployer pour obtenir une décision. Monsieur Cadic, j'ignore si nous vidons la mer avec une petite cuillère ou une grande louche ; je sais, en revanche, qu'il y faut de la volonté !

Le Parlement a été saisi par l'exécutif. La loi de simplification des entreprises de 2014 a apporté des améliorations, de même que la loi dite Macron avec la réforme des prud'hommes ou encore la loi Travail.

Je veux insister sur le rôle de l'expérimentation. La loi Grandguillaume repose sur ce principe, pour lutter efficacement contre le chômage de longue durée. La clarification du bulletin de paie a fait l'objet d'une expérimentation dont les résultats devraient être généralisés au 1er janvier 2018. Il faut pérenniser France Expérimentation lancé par Emmanuel Macron, lorsqu'il était à Bercy, et le secrétaire d'État à la simplification, qui n'assiste pas à nos débats pour une bonne raison - il est au Vietnam. Le cadre réglementaire national n'étant pas toujours adapté, il faut faciliter l'expérimentation locale en ouvrant des dérogations. Si elles se révèlent positives, généralisons-les.

La question essentielle est la gouvernance de la simplification. Rendre indépendant le Conseil de l'expérimentation ? Le Sénat vient de dénoncer l'agenciarisation de la politique de l'État. La simplification mérite, en tout cas, un ministre de plein exercice et une administration dédiée.

Nous avons une réforme culturelle à mener et vous savez comme moi que ce sont les plus difficiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Je me félicite que nous débattions sur une base aussi sérieuse et riche - je parle du rapport Lamure-Cadic - et je déplore l'absence de notre ami Jean-Vincent Placé.

La France est toujours dans le top 10 des économies mondiales, mais pour combien de temps ? Le Forum économique mondial la classe aussi dans le top 30 des pays où le poids administratif est le plus lourd. Ce n'est pas anodin, car cela détermine les décisions de localisation de la production. On connaît les maux dont nous souffrons : instabilité réglementaire, arbitrages sans étude d'impact, surtransposition des directives européennes.

D'aucuns diraient que l'enfer, c'est les normes. Distinguons plutôt la bonne norme de la mauvaise. Ce sont souvent les conditions d'application qui sont kafkaïennes. Philippe Lentschener, dans Marque France, relève qu'une norme peut être aussi un standard de qualité, celle du point sellier Hermès, par exemple. Or notre pays est réputé pour son amour des gestes, son savoir-faire. Normer, c'est aussi garantir la fiabilité d'une procédure.

Cela dit, trop de créateurs, d'entrepreneurs dans notre pays doivent jongler avec des normes qui ne sont pas dans leur coeur de métier. Les entreprises du CAC 40 ont des armadas d'avocats, pas les petites, qui sont les vrais gisements d'emplois.

Le Gouvernement - qui aime l'entreprise, dit-il - prétendait déployer l'artillerie lourde. Nous allions voir ce que nous allions voir ! Eh bien, nous n'avons pas vu grand-chose... Certes, Guillaume Poitrinal et Laurent Grandguillaume ont fait un assez bon travail et des propositions de bon sens. Mais l'optimisme de la volonté cher à M. Placé ne suffit pas... Sur le site du ministère dédié à la simplification, M. Guérin, menuisier dans le Morbihan, écrit : « Je n'en peux plus des nouvelles complications administratives qui nous sont imposées sans explication et surtout sans interlocuteurs compétents et joignables ! Tout semble fait pour que toutes ces tâches administratives et juridiques ne puissent être réalisées par notre secrétaire mais confiées à des logiciels coûteux ou à des cabinets comptables qui se créent des rentes et grèvent les budgets des PME comme la mienne... Quelle énorme déception cette soi-disant simplification ! »

Mettons-nous à sa place. À quoi bon la règle « silence vaut acceptation » quand on ignore s'il ne s'agit pas de l'une des 1 200 procédures qui y dérogent ? Que vaut le choc de simplification, quand on impose le compte pénibilité et le prélèvement à la source ?

Alors que la mandature s'achève, il faudrait prolonger la réflexion de façon transpartisane, comme l'avaient fait MM. Lambert et Migaud à propos de la procédure budgétaire, et finalement... simplifier la simplification.

Pour cela, l'évaluation et le contrôle parlementaires doivent être musclés. En 2008, j'ai vu des parlementaires refuser de s'en donner les moyens... La simplification doit aussi devenir une hygiène de vie. Pourquoi pas un haut fonctionnaire dédié à la simplification dans chaque administration, comme il existe des hauts fonctionnaires de défense ? Des normes à durée limitée pourraient être utiles, de même qu'une nouvelle méthode de transposition des directives, immédiate et littérale dans une partie temporaire du code, plus approfondie ensuite.

Orientons l'administration enfin, vers le service aux clients en recyclant en front office les gains de productivité liés à la dématérialisation, plutôt que de lui assigner pour seules tâches de surveiller et punir, comme aurait dit Foucault.

Si nous y parvenons, tout en préservant notre tradition d'excellence, la France deviendra créatrice de valeur comme jamais ! C'est une mission ardue, mais passionnante. C'est le serment que nous pouvons faire aujourd'hui, à l'aube d'une nouvelle législature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Martial Bourquin .  - Le choc de simplification annoncé par le président de la République en 2013 est l'un des chantiers prioritaires du quinquennat. Il est en outre très attendu par les chefs d'entreprise, petites ou grandes. Les dirigeants de TPE-PME disent qu'il leur manque trois heures dix-huit par jour pour accomplir leurs missions, dont la moitié pour des tâches administratives.

Or les TPE-PME représentent 38 % du chiffre d'affaires global, 49 % de la valeur ajoutée et 43 % de l'investissement dans notre pays.

La Commission européenne estime pour sa part qu'une baisse de 25 % des charges administratives augmenterait le PIB européen de 0,8 % à court terme et 1,4 % à long terme.

Quittons les lunettes de l'idéologie : quand les choses vont dans la bonne direction, réjouissons-en nous ensemble ! La déclaration sociale nominative (DSN) à elle seule économise 3,7 millions d'euros par an aux entreprises, en remplaçant 24 déclarations. La suppression de l'annexe aux comptes annuels concerne 3,7 millions de micro-entreprises, la généralisation des états simplifiés 170 000. Zéro charges nouvelles pour les enquêtes statistiques, c'est le principe qui a été imposé. Le titre emploi service, encore, a considérablement réduit la charge administrative et les coûts liés à l'embauche des entreprises jusqu'à 19 salariés.

Autre exemple : les marchés publics simplifiés, auxquels les entreprises candidatent en fournissant seulement un numéro Siret... Depuis le décret du 26 septembre 2014, elles sont dispensées de fournir les documents que le pouvoir adjudicateur peut obtenir directement grâce à un système électronique : deux heures gagnées en moyenne par marché. Le seuil de mise en concurrence de 25 000 euros est un premier pas, nous proposions 40 000 euros, nos voisins sont à 60 000.

Il faut aussi éviter toute surtransposition, lutter contre le cancer - je pèse mes mots - des délais de paiement, qui privent les PME de 13 milliards d'euros par an. Quant à la fiscalité, beaucoup de chefs d'entreprise saluent la création du CICE.

Nous devons créer des écosystèmes productifs, pour restaurer un socle industriel puissant et rendre notre économie apte à faire face à la mondialisation. Il reste du travail à accomplir, mais les choses avancent, car le Gouvernement a pris les choses en main. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics .  - Veuillez excuser Jean-Vincent Placé, en route vers le Vietnam. Ne voyez dans son absence aucune frilosité : il regrette de ne pouvoir être parmi vous.

M. Bourquin l'a dit, il reste du travail, mais beaucoup a été fait : facturation électronique, déclaration en ligne, télépaiement, DSN, Dites-le nous une fois, dématérialisation, principe selon lequel silence vaut accord, chèque emploi service universel (CESU)... pour ne parler que de ce qui me concerne !

Des économies pour les entreprises, ce sont des économies pour l'administration aussi, sans compter que la simplification peut aussi profiter - M. Watrin l'a dit - à nos concitoyens. Nous avons tous passé des après-midi à refaire nos déclarations d'impôts... Ce n'est plus ainsi.

Jean-Vincent Placé a souvent eu l'occasion d'échanger avec votre délégation. Le Gouvernement a toujours conçu la simplification comme un mouvement perpétuel en faveur de la compétitivité de notre pays. Simplifier, ce n'est pas déréguler. Ce n'est pas porter atteinte à la santé, à la sécurité, à l'environnement. C'est démêler les noeuds dans lesquels sont trop souvent pris les acteurs économiques. Ceux-ci participent aux travaux du Gouvernement. Le Conseil de la simplification pour les entreprises, créé en 2014, associe chefs d'entreprise, experts, élus et hauts fonctionnaires.

Notre méthode de travail, réaliste, pragmatique et concrète, est également caractérisée par la transparence - chaque proposition mise en oeuvre est évaluée - et le chiffrage : EY estime les gains produits à 5 milliards, dont 3,5 milliards pour la DSN, qui me tient particulièrement à coeur. Cette mesure n'est ni de gauche ni de droite : mise en oeuvre avant l'arrivée au pouvoir de la présente majorité, elle lui survivra... D'aucuns critiquent son inachèvement ; nous en sommes à la phase 3. Quelque 1,3 million d'entreprises y sont déjà reliées. C'est une véritable révolution. Le chiffrage que j'indique a été réalisé par un cabinet indépendant, selon des standards européens.

Vous avez évoqué la question du flux de nouvelles normes. Le constat est partagé ; les amendements parlementaires n'y sont pas étrangers... C'est sans doute le volet le plus difficile. Député, rapporteur général du budget, puis secrétaire d'État, j'ai vu la tentation de créer des dispositifs nouveaux et donc, le plus souvent, de la complexité. Un atelier a été créé pour évaluer l'impact des textes portés par le Gouvernement sur les entreprises, qui a permis d'avancer sur les enquêtes publiques par exemple.

Près de 460 mesures ont déjà été annoncées pour les seules entreprises. Certaines sont législatives, d'autres réglementaires, d'autres encore résultent de l'adaptation des processus de gestion. C'est considérable. En vrac : clarification des règles de propriété intellectuelle grâce à un guide de bonnes pratiques, simplification du droit des marchés publics, charte de non-rétroactivité fiscale de 2014, nouveaux rescrits tel le rescrit de branche, titre emploi service entreprise, DSN, simplification de l'embauche des apprentis appelés à effectuer des travaux dangereux... En matière fiscale, le moment déclaratif unique, la centralisation du paiement de la Tascom - 400 imprimés en moins -, la fin de la déclaration spécifique d'une dizaine de crédits d'impôt, la télédéclaration d'impôt sur les sociétés dès le 1er janvier et la possibilité de demander dès cette date le bénéfice du CICE. Nous avons également étendu le télérèglement en matière douanière, qui concerne désormais aussi la TSVR - ancienne taxe à l'essieu - et simplifié les régimes dits de suspension de droits et de taxes.

Les petites entreprises, poumons économiques de la France, sont souvent les plus exposées à la complexité, aussi avons-nous allégé leurs obligations financières et comptables : depuis avril 2014, un million de micro-entreprises, c'est-à-dire de moins de dix salariés, n'ont plus à établir l'annexe aux comptes annuels, et celles de moins de 50 salariés peuvent se contenter d'états simplifiés : 1,1 million d'heures de travail en moins ! Nous avons aussi travaillé à la réduction des enquêtes statistiques. Le Gouvernement s'est aussi attaché à améliorer la sécurité juridique des PME, grâce au rescrit ; la Direction de la législation fiscale publie désormais ses instructions à échéance fixe afin de faciliter la veille des entreprises. Autre exemple encore, méconnu malheureusement : le simulateur en ligne des coûts d'embauche développé par notre administration.

Nous continuons à travailler dans cette direction, particulièrement dans le domaine de l'innovation - les lauréats de France Expérimentation seront présentés le mois prochain.

Simplifier, sécuriser, faciliter : voilà les trois principes qui nous guident. C'est un exercice difficile, mais indispensable pour développer notre tissu productif, accroître le rayonnement international de nos entreprises et renforcer l'attractivité de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu'il a été saisi le 23 février 2017, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.

Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.

La séance est suspendue à 11 h 35.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Cette séance de questions est la dernière avant la suspension de nos travaux en séance plénière.

Avant de la commencer, je voudrais remercier l'ensemble des sénateurs pour leur présence en nombre à nos séances de questions, durant lesquelles nous avons toujours veillé au respect mutuel. Je remercie également le Premier ministre, actuellement en déplacement en Chine, le ministre chargé des relations avec le Parlement, l'ensemble des ministres, ainsi que les membres des cabinets ministériels, en particulier les conseillers parlementaires, grâce auxquels le dialogue républicain entre l'exécutif et notre Haute Assemblée a pu se nouer de manière fructueuse.

Les travaux en séance plénière seront suspendus à l'issue de l'après-midi. Pourtant, le Sénat va continuer à travailler dans les groupes, commissions permanentes, délégations, commissions d'enquête, missions d'information, groupes de travail ou d'études, sans oublier les débats préalables aux réunions du Conseil européen. Nous nous retrouverons début juillet dans la même composition. Cela n'arrivera pas à tout le monde ! (Rires)

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que le temps pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.

Victimes de la pollution

Mme Leila Aïchi .  - La multiplication des pics de pollution me conduit à vous interroger sur l'action du Gouvernement contre la pollution de l'air, préoccupation centrale des Français. Les instances européennes ont condamné la France pour son inaction. Le Sénat a évalué à 101,3 milliards d'euros par an le coût de ce fléau. La souffrance humaine est immense : 50 000 décès prématurés par an ; 950 000 bronchites aiguës ; AVC ; conséquences sanitaires. Rien n'est fait pour venir en aide aux victimes. Cette injustice sanitaire est aussi sociale.

À défaut de sanctionner les pollueurs, l'État aidera-t-il les victimes ? Quid du Secrétariat général d'aide aux victimes créé la semaine dernière ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et au centre)

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat .  - Ce problème est pris à bras-le-corps par le Gouvernement et le Parlement. Le Sénat a voté les dispositions sur le transport propre dans la loi sur la transition énergétique. Le rapprochement entre la fiscalité du gazole et celle de l'essence est en cours. L'interdiction des néonicotinoïdes a été votée.

Puisque nous sommes dans la dernière séance de la session, je félicite le Sénat pour les avancées législatives que nous avons réalisées ensemble : loi de transition énergétique, loi sur la biodiversité, ratification de l'accord de Paris. (On ironise à droite) Je suis convaincue que, grâce à cet accord entre nous, ces avancées sont irréversibles. C'est l'excellence environnementale de la France qui se joue. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

Mme Leila Aïchi.  - N'attendons plus cinquante ans comme pour l'amiante, ni trente ans comme pour l'hormone de croissance, ni vingt ans comme pour les victimes des essais nucléaires. N'attendons plus, soyons en marche ! (Rires)

Hommage à une délégation moldave

M. le président.  - À titre tout à fait exceptionnel, je saisis cette occasion pour rendre hommage à une délégation du Parlement moldave présente dans notre tribune. (Mmes et MMles sénateurs se lèvent et applaudissent)

Questions d'actualité (Suite)

Cristallerie d'Arques

M. Dominique Watrin .  - Arques, la première entreprise industrielle du Pas-de-Calais avec plus de 5 000 salariés, a failli disparaître en décembre 2015. Reprise par le groupe américain PHP, elle a reçu le soutien des banques qui ont effacé l'essentiel de son passif de dettes. L'espoir est revenu en 2016 où l'on a cru à la fin des départs volontaires. Un plan d'investissement massif a été lancé grâce à un consortium alliant un fonds souverain russe et la Caisse des dépôts et consignations, pour 250 millions d'euros. Emmanuel Macron et François Hollande se sont rendus sur le site. (On ironise à droite)

Nous voici à nouveau dans une mauvaise passe. Le fonds souverain russe rechigne à verser 50 millions d'euros et le propriétaire américain ne veut pas non plus payer. Pourquoi ne pas avoir fait entrer l'État, par la Caisse des dépôts et consignations, au capital ? Quels moyens l'État mettra-t-il en oeuvre pour aider Arques ? Il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie .  - Cette belle entreprise est un fleuron de notre industrie. Monsieur Watrin, vous avez rappelé la mobilisation de l'État. Des efforts ont pu être engagés, des contrats signés, comme avec Ikea. Les résultats du groupe sont toutefois préoccupants. Le Gouvernement est en contact avec ses dirigeants. Des propositions d'accompagnement ont été faites.

Un nouveau directeur général, Tristan Borne, a été nommé. Nous avons exprimé le souhait de le rencontrer pour évoquer la situation financière. Nous restons vigilants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Cybersécurité

M. Rachel Mazuir .  - Nos concitoyens ont découvert les cyberattaques qui ont frappé les États-Unis pendant son élection présidentielle. Le système électoral de plusieurs États a été attaqué, tout comme le compte mail du directeur de la campagne démocrate ; des fausses informations ont été publiées sur les réseaux sociaux et abondamment reprises. On connaît la réponse du président Obama : des sanctions ont été prises et 35 diplomates russes ont été expulsés, sans d'ailleurs que Moscou réagisse très vigoureusement.

On connaît moins les attaques des hackers contre les entreprises. Le directeur de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) déclare que, si l'on devine l'origine des attaques, celle-ci est difficile à prouver. Aujourd'hui, certains candidats en France se plaignent d'attaques similaires ; je ne suis d'ailleurs pas sûr que le pluriel s'impose... (On feint de s'en offusquer, à droite). Monsieur le ministre, pourriez-vous nous rassurer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Je vous rassure. L'élection présidentielle est sous le contrôle du Conseil constitutionnel. La sécurisation des bureaux de vote sera assurée par le plan Vigipirate. L'Anssi évalue en ce moment même la sécurité électronique. Le risque est faible pour les remontées électorales.

La principale question est celle des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. L'Anssi est à disposition de tous les partis pour faire un audit et une mise à niveau de sécurité.

Tous nos services de renseignement, en cette période chargée pour eux, sont aussi mobilisés : il y va de l'indépendance de notre pays et de sa capacité à décider souverainement de son avenir.

Rassemblement sur le site de Bure

M. Christian Namy .  - La loi Bataille de 1991 a fixé les orientations de recherche à mener sur la gestion des déchets radioactifs issus du retraitement. Le stockage en couche géologique profonde est la solution retenue et l'Andra en a la responsabilité. Depuis seize ans, l'Agence exploite un laboratoire souterrain, implanté à 490 mètres de profondeur en Meuse et Haute-Marne. En 2006, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire et après un débat public, le Parlement a entériné le choix du stockage en couche géologique profonde.

Or, depuis plusieurs mois, l'Andra est confrontée à des manifestants de plus en plus violents. Confirmez-vous le soutien du Gouvernement à ce projet et son engagement à défendre les riverains face à ces violences ? (Applaudissements au centre)

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Un certain nombre d'individus appartenant à la mouvance écologiste radicale contestent avec violence le projet Cigéo et veulent transformer le site en ZAD. Une procédure judiciaire pour occupation illégale a été lancée. Une cinquantaine d'individus ont commis des dégradations sur le bâtiment Ecotèque de Bure. Les forces de sécurité ont mené un travail fin et remarquable. Un gendarme mobile blessé et deux personnes placées en garde à vue : ces violences sont inacceptables. Je les condamne avec fermeté.

Il n'y aura pas de ZAD à Bure car les lois de la République y seront respectées. (Marques d'approbation à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Politique extérieure

M. Jean-Pierre Raffarin .  - Ce quinquennat s'achève dans une situation internationale complexe, confuse et dangereuse.

Des progrès ont été accomplis en matière de défense et de sécurité ces dernières années. Mais mesurons la situation : nous sommes au bord de la rupture. Il faudra un milliard d'euros pour payer les soldats de Sentinelle, sans compter le financement du matériel pour les forces de l'armée. Les défis sont nombreux, les impasses aussi.

La France semble impuissante dans un monde troublé. La situation au Levant semble inextricable. Nous sommes partis fleur au fusil contre Daech et Bachar al Assad, et voici que celui-ci est à la table des négociations et pas nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Nous avons trop suivi les États-Unis et oublié l'essentiel : les frontières de la Méditerranée et le Maghreb. Que faisons-nous pour aider la Tunisie ? Revenons à nos priorités : l'indépendance de la France, pour la paix. (Vifs applaudissements prolongés à droite)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Depuis le début du quinquennat, la diplomatie française est engagée et respectée. (On ironise sur les bancs du groupe Les Républicains) La voix indépendante de la France compte dans le monde. Le Mali et la Centrafrique seraient tombés aux mains des terroristes (applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) sans action de la France. Elle est le premier partenaire des États-Unis contre Daech. (Mêmes mouvements)

Seule une solution négociée pourra ramener la paix en Syrie. Nous renouvelons notre soutien à l'émissaire de l'ONU, Staffan de Mistura. Nous voulons défendre la solution à deux États, Israël et Palestine. Nous avons respecté nos engagements militaires.

La voix de la France, c'est la voix de toute la représentation internationale. Chacun devrait en être fier.

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Terres agricoles et viticulture

Mme Hermeline Malherbe .  - Les agriculteurs, à commencer par les viticulteurs de mon département, sont inquiets. L'accès au foncier est rendu de plus en plus difficile pour les jeunes agriculteurs. La récente proposition de loi contre l'accaparement des terres donne de nouvelles possibilités aux Safer. L'artificialisation des terres agricoles et l'étalement urbain représentent une menace réelle. Des dispositions existent pourtant, comme les PAEN, mis en oeuvre dans les Pyrénées-Orientales mais globalement sous-utilisés.

Les transferts des droits de plantations, possibles y compris pour les appellations d'origine contrôlée (AOC) et les indications géographiques protégées (IGP), fragilisent les vignerons et déstabilisent les zones viticoles. Certains arrachent des vignes et les replantent ailleurs, bénéficiant des aides tout en pillant les potentiels de production, sans parler du préjudice sanitaire et environnemental.

Que compte faire le Gouvernement contre cette pratique néfaste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RSDE)

M. Christian Cambon.  - Rien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Veuillez excuser Stéphane Le Foll.

Le Gouvernement agit. La loi d'avenir pour l'agriculture de 2014 a renforcé les outils de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Nous avons aussi renforcé le rôle des Safer. Le Sénat a adopté ce volet renforcé à l'unanimité ; malheureusement 70 députés Les Républicains, dont MM. Jacob et Le Maire, ont saisi le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain). On ne peut que regretter ce manque de cohérence...

Nulle politique efficace sans accompagnement des élus locaux qui délivrent les permis de construire. Il faut une vision partagée.

La majorité précédente, en accord avec l'Allemagne, avait acté la fin des régulations des plantations de vignes. (Protestations à droite) Nous les avons sauvées, avec la réforme de la PAC de 2013.

Enfin, les professionnels du Cognac seront reçus demain par le ministre de l'agriculture. (On ironise à droite)

Vous le voyez, la maîtrise du foncier et les préoccupations des agriculteurs et des vignerons sont au coeur de l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Hermeline Malherbe.  - Merci. Je salue l'excellent travail mené avec Xavier Beulin, président de la FNSEA, à cet égard. (MM. Jean-Claude Lenoir et Jean-Pierre Sueur applaudissent)

Grippe aviaire

M. Jean-Louis Carrère .  - Le ministre de l'agriculture était dans les Landes mardi, je le remercie de son travail et de sa disponibilité. Il faut rassurer. Les agriculteurs sont en déshérence. Ils n'ont pas même perçu 30 % des compensations que l'Europe devait leur verser pour l'épisode de 2016 ! Ils ont besoin d'être rassurés, sur les volumes et sur les dates.

Le ministre doit élaborer un pacte avec la filière pour apporter des correctifs à la biosécurité - il y va de sa pérennité. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur les pistes qu'il entend négocier avec le Comité interprofessionnel du foie gras (Cifog) pour sauver cette filière d'excellence ? (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci d'avoir salué le travail et l'engagement de M. Le Foll. La crise est très grave. Il faut d'abord stabiliser la contamination. Les services de l'État ont étendu la zone d'abattage préventif dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques. Sur quinze jours, tous les palmipèdes seront abattus, et les mouvements sont interdits jusqu'à nouvel ordre. Il n'y a pas d'autre stratégie possible ; la vaccination n'est en effet pas une solution.

La remise en place des palmipèdes n'interviendra que fin mai, mais celle des gallinacés est déjà possible dans les zones stables.

Les premiers versements des compensations aux éleveurs concernés par les abattages viendront en mars. Les pertes économiques de revenus seront indemnisées au printemps. Le reste dû suite à la crise de 2016 devrait être débloqué fin avril. Pour l'aval, le Gouvernement prolongera son dispositif de soutien en trésorerie.

La filière doit se moderniser pour se pérenniser. Une réflexion est engagée avec les professionnels ; le pacte portera sur l'organisation des flux et les mesures de confinement nécessaires pour éviter le contact avec les oiseaux migrateurs. Le Gouvernement veillera à préserver la diversité des situations et des modèles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Conséquences du Brexit

M. Olivier Cadic .  - Depuis l'annonce du Brexit, il y a huit mois, les 300 000 ressortissants français et plus largement les trois millions de citoyens européens résidant au Royaume-Uni n'ont reçu aucune assurance sur leur statut, dans un climat anxiogène et sur fond de xénophobie décomplexée, nourrie par les atermoiements de Theresa May. Les Européens ne se sentent plus bienvenus. Exemple, le questionnaire à remplir pour devenir résident permanent est passé de 12 à 85 pages : s'il est jugé incomplet, vous recevrez une invitation à quitter le territoire. Les employeurs ne prennent plus le risque d'offrir un CDI aux ressortissants de l'Union européenne.

Lundi, j'étais aux côtés de milliers de manifestants devant Westminster à l'appel du mouvement TheThreeMillion : ils refusent de servir de monnaie d'échange lors des futures transactions.

Vendredi, le Premier ministre a rencontré Theresa May... Qu'avez-vous fait pour que les droits des Européens établis au Royaume-Uni soient préservés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains ainsi que sur certains bancs du groupe RDSE)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - La Chambre des Communes s'est prononcée. La Chambre des Lords doit maintenant le faire pour que le gouvernement britannique soit autorisé à activer l'article 50 avant la fin mars, comme promis. C'est sur cette base que les négociations s'engageront sur la séparation du Royaume-Uni de l'Union européenne, sur les conséquences financières et les relations futures, économiques et commerciales, voire la participation à des politiques communes.

M. François Grosdidier.  - Répondez à la question !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - La première question - au coeur des discussions entre M. Cazeneuve et Mme May - sera celle du statut des 300 000 Français résidant au Royaume-Uni et des 150 000 Britanniques résidant en France. Ils ne peuvent être victimes d'un référendum que nous n'avons pas voulu et dont la responsabilité incombe aux seuls Britanniques. Nous ferons en sorte que les négociations se passent au mieux.

Et puisque c'est la dernière fois que je m'exprime devant vous, je tiens à remercier le président Larcher et le président Bizet pour notre bonne coopération sur les questions européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Merci.

M. Olivier Cadic.  - La détresse de nos compatriotes outre-manche n'est pas prise en compte. Soyons proactifs : accordons unilatéralement aux Britanniques installés dans des pays de l'Union le statut de citoyen européen à vie afin que le Royaume-Uni ne puisse plus utiliser nos ressortissants comme monnaie d'échange dans les négociations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

Justice

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Au terme de ce quinquennat, je veux dresser l'état des lieux du service public de la justice. La commission des lois enquête depuis six mois sur la situation de la justice française. Les indicateurs sont éloquents : le délai moyen de jugement pour les TGI est passé de sept à onze mois, celui des conseils des prud'hommes, de treize mois à seize mois et demi. Seule la moitié des condamnations reçoit un début d'exécution dans l'année qui suit la peine. (Mouvements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes cynique !

M. Philippe Bas.  - La politique pénale est un fiasco. Vous voulez vider les prisons. Seulement 1 000 décisions de contrainte pénale sont prononcées, sur 130 000 condamnations en 2016. N'est-ce pas un désaveu cinglant ?

La situation de nos prisons est catastrophique, inhumaine. Vous avez suspendu la loi de 2012 qui prévoyait des créations de places. Résultat, nos prisons sont surchargées ! N'est-il pas temps de dresser le constat d'échec de cette politique ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce n'est pas une question, c'est un meeting !

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Après ce violent réquisitoire, je plaiderai la cause du Gouvernement.

En 2016, le budget de la justice a augmenté de 4,2 %, en fonctionnement et en investissement. La justice est lente, car la société se judiciarise, mais aussi parce que l'on manque de magistrats. Depuis 2012, 2 282 magistrats ont été formés à l'ENM et 5 512 greffiers à Dijon. Le budget de la justice a augmenté de 14 % depuis 2012. La hausse avait été forte sous le gouvernement Jospin et s'était poursuivie, reconnaissons-le, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Mais la différence, c'est l'indépendance de la justice... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; vives protestations à droite, qui couvrent la voix du ministre) Depuis la loi du 27 juillet 2013, aucune instruction individuelle n'a été adressée au parquet. Ses membres ont tous été nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature - c'est une rupture avec le quinquennat précédent... exception faite de Michel Mercier. Et la révision constitutionnelle a été bloquée par la droite !

M. François Grosdidier.  - Vous avez cessé de construire des prisons !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - La justice est indépendante, souhaitons qu'elle le demeure après les élections... (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

Plan de lutte contre les violences faites aux enfants

Mme Michelle Meunier .  - Il y a un mois, à Saint-Herblain, le petit David est décédé à la suite des sévices infligés par sa mère et son compagnon. À Vitry, Oumar, 15 ans, est mort sous les coups de ceinturon de son beau-père. Le 6 février, à Aire-sur-la-Lys, c'était au tour du jeune Yanis. Depuis le début de l'année, cinq décès d'enfants par mort violente ont été médiatisés ; ces enfants avaient tous subi pendant des années des actes de violence et de maltraitance dans le cadre familial. Violence physique, sexuelle, psychologique, les conséquences sont graves pour les victimes. Le coût social se chiffre en milliards ! Il y a urgence, humaine et sociale, à apporter une réponse à ce problème majeur de santé publique.

Madame la ministre, vous avez su mettre en oeuvre un plan global contre les violences faites aux femmes et dit votre volonté d'en faire autant pour les enfants. Pouvez-vous nous en dire davantage ? (Applaudissements à gauche et sur certains bancs au centre ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également)

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes .  - Je profite de cette dernière séance pour remercier les sénatrices et sénateurs avec lesquels j'ai travaillé au cours de ces trois dernières années : Mme Michelle Meunier, MM. Gérard Roche, Georges Labazée, les deux présidentes de la délégation aux droits des femmes, le président Milon et Mme Cayeux.

Je me suis attachée à développer une politique globale de l'enfance mais aussi à mettre en place des mesures spécifiques en faveur de l'enfance en danger. La loi du 14 mars 2016, que vous avez portée avec Mme Dini, permet d'éviter les ruptures de parcours, de repérer et anticiper les difficultés, de décloisonner les services.

Je suis convaincue que la protection de l'enfance n'est pas qu'un sujet compassionnel : c'est un sujet éminemment politique, qui convoque la représentation de la famille, la liberté éducative, le rôle de l'école, les droits de l'enfant, l'éducation à la sexualité...

La protection de l'enfance engage la responsabilité de chacun. Voilà pourquoi nous avons défini, dans la loi Égalité et citoyenneté, l'autorité parentale « sans punition corporelle ». Je regrette que la majorité sénatoriale ait saisi le Conseil constitutionnel sur ce sujet : cela revient à dire à des parents que l'on défend leur droit à frapper leur enfant ! Il est difficile pour certains de faire la différence entre les sévices corporels et les punitions. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Je présenterai la semaine prochaine le premier plan interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

Politique de santé

M. Alain Milon .  - Dans le domaine des affaires sociales et de la santé, le bilan du quinquennat n'est guère satisfaisant. Le pouvoir d'achat des Français a baissé de 500 euros depuis 2012. Le nombre de travailleurs pauvres atteint 9 millions. Le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A a crû de 500 000 en cinq ans... (M. Jean-Louis Carrère s'exclame)

Le déficit de la sécurité sociale sera de 4 milliards d'euros en 2017. La seule amélioration est liée à la réforme du régime de retraite réalisée par vos prédécesseurs !

Vos réformes de la santé ont été dogmatiques et bureaucratiques. Le niveau de remboursement a baissé avec les contrats dits responsables ; le malaise à l'hôpital s'accroît ; en décourageant la médecine libérale, vous avez développé les déserts médicaux. La baisse des allocations familiales a été un coup porté aux familles.

Le pays n'a pas pris le virage du XXIe siècle. Il aurait pourtant suffi de s'inspirer de ce qui marche chez nos voisins ! La loi El Khomri a été un simulacre de réforme. Face à la désespérance, n'est-il pas temps de faire résonner vos paroles avec la réalité ? (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Veuillez excuser Mme Touraine, en déplacement à l'étranger. Monsieur le président Milon, j'ai beaucoup d'estime pour vous, mais je vous pensais capable de plus de modération.

M. Alain Gournac.  - La vérité blesse !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est fier d'avoir mené une vraie politique de gauche, fier d'avoir rétabli l'équilibre des comptes sociaux - je rappelle que le déficit était de plus de 17 milliards d'euros il y a cinq ans. (Exclamations à droite)

Nous sommes fiers de l'avoir fait tout en octroyant de nouveaux droits : 650 000 personnes ont pu partir à la retraite avant l'âge légal, 500 000 travailleurs ont déjà des points pénibilité. Nous sommes fiers que quatre millions de foyers aient bénéficié de la prime d'activité en 2016, que des dizaines de milliers de femmes bénéficient de la garantie des impayés de pension alimentaire.

Nous sommes fiers d'avoir amélioré l'accès aux soins grâce aux mille maisons de santé, à la généralisation du tiers payant, à la complémentaire santé pour tous les salariés. Nous sommes fiers d'avoir mis la prévention au premier plan, d'avoir mené une politique de redistribution envers les plus précaires...

M. Bruno Sido.  - Bref, ça va mieux !

M. Alain Gournac.  - C'est le paradis !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Oui, nous sommes fiers de notre bilan, qui a fait progresser la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. François Grosdidier.  - Si fiers que François Hollande ne se représente pas, que personne ne veut endosser le bilan !

M. Alain Milon.  - La modération doit se retrouver dans tous les propos, madame la ministre.

Le reste à charge dépasse les 3 000 euros pour des millions de patients...

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est fini ! (Brouhaha à gauche)

M. Alain Milon.  - Et que dire de la baisse de la natalité ? Moins 20 000 naissances, c'est dangereux. (Applaudissements à droite et au centre)

Politique économique

M. Jean-Claude Lenoir .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'heure du bilan a sonné. Pour apprécier l'efficacité et la pertinence de la politique menée depuis 2012, il faut regarder les résultats obtenus par nos partenaires de l'Union européenne. Pouvez-vous citer un seul chiffre qui montre que la France aurait fait mieux que ses voisins ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics .  - Chacun ses points de comparaisons. La croissance a augmenté de 4 points pendant cette législature, quatre fois plus que pendant le quinquennat précédent.

Le commerce extérieur s'est amélioré de 25 milliards d'euros, alors qu'il s'était dégradé de 32 milliards pendant le quinquennat précédent.

Le taux de marge des entreprises s'est redressé de 2 points, après avoir baissé de 3 points pendant le quinquennat précédent.

Entre 2012 et 2017, 150 000 emplois ont été créés ; 280 000 avaient disparu sous la présidence précédente. Le nombre de demandeurs d'emploi a crû de 500 000 - c'est trop ; il avait crû de 800 000 sous la présidence précédente.

La dette a augmenté de 6 points - contre 25 points au cours du précédent quinquennat.

Quant au déficit public, il s'est amélioré de 2,3 points alors que nous avions hérité d'un pays en faillite, comme vous le disiez vous-mêmes à l'époque... Le bilan est clair, précis, vérifiable.

M. Ladislas Poniatowski.  - Vous plaisantez !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - À titre exceptionnel, je me ferai le porte-parole du Gouvernement pour remercier le Sénat pour la qualité et la courtoisie qui a caractérisé nos débats. Je vous souhaite à tous de traverser cette période électorale dans la sérénité - ce qui n'empêche pas les convictions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Vous n'avez pas répondu à ma question, et faites l'impasse sur la grave crise de 2008-2010, qui a frappé tous les pays. Je vais vous y aider : 600 000 chômeurs de catégorie A supplémentaires, 1,2 million toutes catégories confondues ; un taux de chômage des jeunes de 25 %, contre 4,7 % en Allemagne.

La croissance française est à la traîne : 1 % contre 1,9 % en moyenne dans l'Union européenne. Attractivité des territoires ? Commerce extérieur ? La part de nos ventes à l'intérieur de la zone euro est passée de 17,9 % à 14 %.

La dette publique ? Elle représente 97,6 % du PIB national contre 83 % en Europe.

M. Jean-Louis Carrère.  - L'héritage...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Le déficit, enfin, est de 3,3 % en 2016 - personne ne croît aux prévisions pour 2017. Il est de 1,9 % en Europe. Au total, c'est une succession d'échecs ! Nous sommes nombreux à combattre votre action ; il est temps de réunir toutes celles et ceux qui veulent redresser la France ! (Vifs applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 20.

Saisine du Conseil constitutionnel

Mme la présidente.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu'il a été saisi le 23 février 2017, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.

Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.

Compétences eau et assainissement des communautés de communes

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.

Discussion générale

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte répond à une forte attente de nos territoires et de leurs élus, face aux transferts des compétences eau et assainissement, dont le régime a été modifié par la loi NOTRe. L'assainissement était auparavant une compétence optionnelle, l'un des sept groupes relevant du choix des communautés de communes, et l'eau une compétence facultative. La loi NOTRe, afin de renforcer l'intégration communautaire, a élargi le bloc des compétences obligatoires, imposant aux communautés de communes de les prendre en charge obligatoirement au 1er janvier 2020. Avant cette échéance, la loi NOTRe a prévu des mesures transitoires. Les communautés de communes existant à la date de publication de la loi auront jusqu'au 31 décembre 2017 pour se conformer aux nouvelles dispositions.

Lors des débats sur la loi NOTRe, MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck étaient opposés à la création de nouvelles compétences obligatoires pour les communautés de communes, introduite par un amendement du Gouvernement.

Notre assemblée avait classé l'eau et l'assainissement dans les compétences optionnelles. En matière territoriale, il faut faire preuve de pragmatisme. Les délais posent problème : ils sont trop courts et la gestion de l'eau est tributaire des conditions géographiques, et de la particularité physique des territoires que la loi ne peut pas anticiper. Les communes et leurs régies offrent déjà une eau de bonne qualité à bas coût.

Doit-on au nom du seul renforcement de l'intercommunalité mettre fin à ce qui se pratiquait avant. Comme le disait Churchill, « il n'y a rien de dangereux dans le changement, s'il est dans la bonne direction ! ». (Sourires) La loi NOTRe à cet égard ne va pas dans la bonne direction.

Le texte propose de maintenir la compétence eau et assainissement au rang des compétences optionnelles des communautés de communes, la commune était l'échelon territorial le plus adapté pour leur exercice.

Ce texte rappelle donc le principe de subsidiarité selon lequel, une compétence doit être exercée à l'échelon le plus pertinent.

Les communautés de communes doivent pouvoir choisir de procéder ou non au transfert de leurs compétences à l'intercommunalité. C'est une question de pragmatisme.

L'eau représente un enjeu de développement territorial. Serait-il judicieux de retirer à des syndicats compétents la gestion de l'eau pour la confier à une intercommunalité moins expérimentée ?

Le Sénat en adoptant ce texte fera preuve de sa vigilance habituelle s'agissant de l'adaptation de la loi NOTRe au sein des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois .  - L'Association des maires de France indique que la gestion de l'eau dépasse les frontières administratives. Elle nécessite un traitement d'autant plus particulier lorsqu'il s'agit des territoires ruraux où l'eau est un service essentiel et structurant. L'objectif de cette politique est de répondre aux inquiétudes des maires que nous avons rencontrés dans le cadre de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de la réforme territoriale, avec mes collègues Vandierendonck et Collombat.

À l'évidence, le transfert des compétences eau et assainissement vers l'intercommunalité est un souci majeur en termes de coûts. C'est aussi un problème pour les syndicats des eaux. Celui de la basse Ardèche assure à lui seul les services d'eau et d'assainissement de plusieurs intercommunalités.

Il est également essentiel de laisser l'initiative aux élus locaux, seuls aptes à juger de la situation.

Je veux dire avec force que là où les choses se passent naturellement, les transferts s'opèrent sans difficulté. Pour autant, il subsiste des cas lourds et nous devons leur porter une attention particulière. Voilà pourquoi le Sénat fait oeuvre utile avec cette proposition de loi.

Les structures intercommunales existantes recouvrent des territoires urbains et péri-ruraux qui rechignent à transférer les compétences eau et assainissement.

Il nous faut repenser aux communautés de communes ou communautés d'agglomération qui ont leur rôle à jouer dans ce problème de transfert de compétences.

L'application de la loi NOTRe ne doit pas contrarier les bonnes pratiques en oeuvre dans les territoires. Un transfert prématuré risquerait d'augmenter la facture pour les usagers.

Nous avons l'ardente obligation d'entendre la voix des territoires. Sans détricoter la loi NOTRe, nous pouvons l'adapter à la particularité de nos territoires. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - L'objet de cette proposition de loi dont je salue les auteurs renvoie à la question des compétences exercées par les EPCI à fiscalité propre. Les communautés de communes et les communautés d'agglomération ont obtenu de nouvelles compétences : en matière d'accueil des gens du voyage, du traitement des déchets et même au 1er janvier 2018, de la gestion des milieux aquatiques.

Le transfert des compétences eau et assainissement est prévu pour 2020.

Le texte propose de rendre ces compétences optionnelles pour les communautés de communes mais pas pour les communautés d'agglomération.

Le service public de l'eau se décline en deux missions : l'une obligatoire de distribution et production, l'autre facultative de transport et stockage. L'assainissement est soit collectif soit non collectif.

Un transfert de la compétence assainissement emporte celui de la gestion des eaux pluviales urbaines. Selon le dernier rapport publié par l'Observatoire national des services publics d'eau et assainissement, il existe 35 000 services d'eau et d'assainissement.

D'après le rapport annuel de la Cour des comptes, la commune reste organisatrice dans 60 % des cas. C'est dire l'atomisation de notre organisation locale.

Transférer les compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération favorisera la mutualisation.

Par définition, des regroupements faciliteront une approche plus globale de la gestion de l'eau. La gestion intercommunale constituera le trait d'union entre le petit cycle et le grand cycle de l'eau.

C'est aussi une mesure d'équité et de justice. L'accès à l'eau potable et à l'assainissement sont des services de première nécessité. La réforme territoriale assurera une cohérence à l'échelon intercommunal. C'est une avancée.

Le calendrier permet de se préparer dans de bonnes conditions. L'exercice obligatoire de ces compétences au 1er janvier 2020 ne se traduira pas du jour au lendemain pas l'harmonisation des tarifs, mais cela se fera dans un délai raisonnable. Des tarifs négociés pourront subsister. Ce n'est donc pas un big bang.

Quant aux syndicats de l'eau, certains subsisteront, d'autres non, dans un objectif de mutualisation. Il n'y a pas de disparition des outils existants.

Dans les syndicats recouvrant au moins trois EPCI à fiscalité propre, les intercommunalités se substitueront automatiquement aux communes membres. Les grands syndicats seront donc préservés. À mon sens, le modèle à suivre est d'ailleurs celui des syndicats départementaux. Je n'y suis pas parvenu en Tarn-et-Garonne, hélas, car un tarif de l'eau variant d'un village à l'autre, ce n'est guère équitable.

M. Alain Joyandet.  - Je ne vois pas pourquoi ! Et les impôts locaux ? Et les services publics ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Cela n'a rien à voir, nous parlons d'un service de première nécessité.

M. Alain Joyandet.  - Et le prix du Ricard ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Ironisez mais, en politique, après le temps de la discussion vient celui de l'action. Le Sénat a adopté la loi NOTRe après deux lectures le 16 juillet 2015 par 259 voix pour....

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pas par nous !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - ... dont la totalité du groupe socialiste et républicain. Les quatre premiers signataires de la proposition de loi l'ont tous votée. (On le conteste à droite et au centre) À vous entendre, personne n'a voté cette loi ! La réalité est tout autre. (MMRené Vandierendonck et Philippe Bonnecarrère applaudissent.) Pourquoi cette proposition de loi maintenant, le jour où l'on suspend les travaux parlementaires ? Pour des raisons purement électorales.

M. Jean Louis Masson.  - C'est vrai !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Le Sénat, ce qui n'est pas sa tradition, aime désormais à se conduire de manière originale.

M. Jean Bizet.  - Le Sénat prévoit l'avenir !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Le transfert des compétences eau et assainissement garantira un service public de qualité et une tarification plus juste, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi. (M. René Vandierendonck applaudit, de même que MM. Jean-Jacques Filleul, Jean Desessard et Philippe Bonnecarrère)

M. Jean Bizet.  - C'est bien dommage !

M. Jean Louis Masson .  - Ne nous voilons pas la face : la loi NOTRe et celles qui l'ont précédée ont pour seul but de faire disparaître commune et département au profit de grandes intercommunalités et de grandes régions.

M. Bruno Sido.  - Tout à fait !

M. Jean Louis Masson.  - Monsieur le ministre a dit quelques vérités. Oui, 49 sénateurs ont voté contre et j'en fais partie. Et ceux qui ont voté pour viennent nous dire, en toute fin de session parlementaire, que la loi NOTRe, tout compte fait, n'est pas très bonne...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Certains de ses aspects !

M. Jean Louis Masson.  - Qu'ils assument leurs responsabilités !

Mme Jacqueline Gourault.  - Très bien !

M. Jean Louis Masson.  - ... qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient ! Le but de ce texte est uniquement électoral.

M. Bruno Sido.  - Absolument pas !

M. Jean Bizet.  - Le Sénat travaille pour les communes.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Vous auriez dû lire le rapport.

M. Jean Louis Masson.  - Ce texte est une mascarade et vous verrez bientôt à quoi aboutissent ces gesticulations. Vous ne serez pas déçus du résultat des élections dans mon département, je vous le promets !

M. Bernard Vera .  - Les collectivités ont besoin de stabilité pour mettre en oeuvre les politiques publiques dont elles ont la charge. Ne les contraignons pas inutilement. Cette proposition de loi redonne de la souplesse aux communes dans le cadre de la construction intercommunale.

M. Bruno Sido.  - Très bien.

M. Bernard Vera.  - Nous ne nous méprenons pas sur son caractère d'affichage : le groupe Les Républicains trouve désormais de bon ton de s'afficher comme le défenseur des libertés locales. Certes, le Sénat avait fait bloc contre le transfert obligatoire de ces compétences dans la loi NOTRe. Pour autant, la logique de dévitalisation des communes et leur asphyxie financière ont été amorcées alors que François Fillon était Premier ministre, avec la loi du 16 décembre 2010. Il s'agissait alors de prévoir le rattachement des communes isolées, de supprimer les syndicats intercommunaux, jugés obsolètes, et de rationaliser le périmètre des EPCI en donnant des pouvoirs aux préfets qui vont à l'encontre de la décentralisation. Ce quinquennat devait marquer une rupture... et les lois Maptam et NOTRe ont renforcé cette politique d'effacement des communes.

Le groupe CRC est le seul groupe à avoir combattu toutes ces lois, qui organisent le transfert du service public au secteur privé, que le groupe Les Républicains a votées. Le programme porté par François Fillon témoigne de cette logique libérale : il promet une baisse de la dépense publique de 100 milliards d'euros, dont la moitié reposant sur les collectivités. Avec ce texte, dont le champ se réduit aux territoires ruraux, Les Républicains se positionnent dans la campagne pour les élections sénatoriales.

Redonner du pouvoir aux communes c'est leur donner les moyens d'exercer leurs compétences.

Mettons fin à la baisse des dotations.

Sur le fond, la commune doit effectivement rester compétente en matière d'eau et d'assainissement ; charge à elle de déléguer cette compétence. Le contrôle de la qualité de l'eau doit pouvoir être exercé au plus proche par nos concitoyens. Mieux vaut éviter de multiplier les transferts de compétences en cascade qui rendent illisibles l'action publique.

Les régies publiques ont fait leurs preuves. Du reste, nous observons un mouvement de retour à la maîtrise publique. Tout bouleversement institutionnel autoritaire aurait des conséquences défavorables pour les usagers. Faisons confiance aux élus locaux : conservons la liberté d'appréciation des communes.

Le CRC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, UDI-UC et Les Républicains)

M. Pierre-Yves Collombat .  - « Nous n'avons pas été bons sur la réforme territoriale », a dit Marylise Lebranchu. (Marques d'amusement) Ce texte constitue une énième rustine à la loi NOTRe, d'autres suivront. Le problème de fond demeure : que faut-il faire des lois NOTRe et Maptam au vu des résultats sur le terrain ? Les remettre à plat au risque d'accroître la confusion, ou perpétuer ce tombeau bureaucratique de la démocratie locale ?

Il est impératif d'arrêter la vampirisation des départements par les métropoles, de redonner aux départements les moyens d'assurer la solidarité territoriale, d'améliorer l'articulation entre communautés et syndicats. Enfin, il faudrait remettre à plat le fonctionnement des intercommunalités XXL avec leurs conseils pléthoriques, qui réservent les décisions à des cénacles choisis ou, pire, à la bureaucratie communautaire.

L'avenir n'est pas aux grandes structures, il est à la coopération volontaire, seule capable de faire émerger un idéal civique qui s'est perdu dans les sables de la modernisation libérale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, communiste républicain et citoyen ainsi que sur quelques bancs à droite et au centre)

Mme Sophie Joissains .  - Merci à François Zocchetto et Bruno Retailleau de faire entendre la voix des communes. Avant la loi NOTRe, le transfert des compétences eau et assainissement reposait sur le critère optionnel, le critère du choix. Il s'incarne dans notre Constitution à l'article 72-2 avec le principe de subsidiarité, superbement ignoré par les lois NOTRe et Maptam.

Là où les compétences eau et assainissement ont été déléguées au secteur privé, le prix de l'eau a considérablement augmenté. Pensons à nos agriculteurs. Rendre leur transfert obligatoire est le signe d'un esprit aveugle, monolithique et adepte de la rationalisation jacobine. Pourquoi détruire ce qui fonctionne pour construire de l'aléatoire ? Il aurait fallu écouter les maires et les élus municipaux, ce sont eux qui font vivre la démocratie pour être, et je reprends la formule de Bruno Retailleau, « à portée d'engueulade ».

Je regrette le champ restreint de cette proposition de loi, il aurait dû toucher toutes les communes quelles qu'elles soient, y compris les métropoles - celle de Paris, qui est au point mort, et celle de Marseille, en grande difficulté financière.

Je voterai évidemment ce texte, comme la majorité du groupe UDI-UC, contre la rigidité de la loi NOTRe. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean Desessard .  - Hier, la droite sénatoriale faisait au groupe écologiste un procès d'intention : on nous accusait de manoeuvre électorale en présentant un texte sur la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement. Que dire quand cette même droite électorale inscrit à l'ordre du jour en fin de session ce texte qui écarte le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes ? D'autant qu'en décembre dernier, un orateur, au nom de la droite sénatoriale, refusait de voter notre proposition de résolution sur l'eau au nom de la gestion de l'intercommunalité.

Si nous comprenons que la modification des compétences des communes préoccupe les élus locaux, il n'est pas opportun de revenir sur un an de débat parlementaire et le compromis politique noué alors par un rapporteur socialiste à l'Assemblée nationale et un rapporteur de droite au Sénat.

Surtout, le niveau de l'intercommunalité est le plus adapté pour gérer l'eau et l'assainissement. Devant la baisse constante des dotations de l'État, favorisons les mutualisations mais aussi la simplification - que la majorité sénatoriale appelait de ses voeux hier ! Les compétences eau et assainissement pèsent sur le budget des petites communes si bien qu'elles sont souvent obligées de les déléguer au privé. Conséquences, une augmentation des tarifs et une dépossession des élus de la maîtrise d'un service public fondamental.

Le groupe écologiste est attaché au compromis politique, auquel Les Républicains ont participé. À terme, il sera avantageux pour les élus et les usagers du service public de l'eau. (M. Jean-Jacques Filleul applaudit)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Soyons clairs. La loi NOTRe a été votée par la majorité du Sénat et de l'Assemblée nationale. Je l'ai votée et y suis attaché. Elle comporte des avancées importantes.

Je me souviens, monsieur Baylet, quand nous avions défendu la loi ATR.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Elle était bien celle-là !

M. Jean-Pierre Sueur.  - On nous disait pourtant déjà que nous tuerions les communes.

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'était l'intercommunalité volontaire.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les intercommunalités sont nécessaires, si elles sont au service des communes.

J'approuve l'idée, au fondement de la loi NOTRe, selon laquelle les structures territoriales doivent évoluer pour être à la hauteur des enjeux d'aujourd'hui. Les métropoles donnent la force nécessaire au monde urbain ; dans le monde rural, les petites et moyennes communes doivent elles aussi s'organiser.

Un compromis a été trouvé en CMP sur la loi NOTRe. Il faut s'en féliciter, car sinon le texte de l'Assemblée nationale aurait été voté. Ce n'est pas se dédire que d'affiner une loi que l'on a votée pour tenir compte de la réalité !

J'ai tout de suite pensé que le transfert des compétences eau et assainissement en 2018 était irréaliste. Par compromis, ce transfert a été repoussé à 2020. J'étais déjà persuadé qu'un nouveau report serait nécessaire. Nos collègues proposent une autre voie : rendre le transfert optionnel. Elle recueille notre accord. Nous qui parcourons chaque semaine les villes et villages de France, nous entendons ce que disent les élus !

Or, le 1er janvier dernier, de nouvelles communautés de communes ont vu le jour, qui comptent souvent trente à quarante communes, où la compétence eau est exercée tantôt en régie, tantôt en délégation de service public ou par le biais d'une société d'économie mixte, d'un syndicat dont les limites outrepassent quelquefois celles de l'intercommunalité...

M. Jean Desessard.  - Tout cela, vous le saviez il y a deux ans !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Comment, en deux ans, mener à bien toutes les études et procédures pour parvenir à un régime unique ? On n'y arrivera pas, sinon à marche forcée ; les sociétés qui disposent de moyens d'expertise imposeront leurs choix aux élus. Cela me rappelle le plan local d'urbanisme intercommunale : une bonne idée, mais qui demande du temps.

Nous ne renions pas cette loi, mais elle n'est pas un monument tel que nous ne puissions l'améliorer sur un point précis. Ce texte est une réponse positive à une situation de fait.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le groupe socialiste et républicain le votera, par pragmatisme et dans le souci d'écouter les élus locaux. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain et sur de nombreux bancs au centre et à droite)

M. Alain Joyandet .  - La loi NOTRe prévoit le transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités au 1er janvier 2020. Pour les communautés de communes et d'agglomération, ces compétences sont aujourd'hui optionnelles. Elles sont exercées par les communes à 73 % pour l'eau potable, 88 % pour l'assainissement collectif et 53 % pour l'assainissement non collectif, ce qui explique les inquiétudes des élus locaux qui craignent une hausse des coûts. Pourquoi le prix de l'eau ne différerait-il pas là où cette compétence est gérée différemment ?

Dans beaucoup de communes, ces services sont gérés avec frugalité, presque bénévolement par des élus et des agents communaux polyvalents ou à temps partiel. Les intercommunalités, elles, devront recruter.

Elles ne sont d'ailleurs pas toutes en mesure d'exercer ces compétences. Un transfert à marche forcée déstabilisera une organisation qui donne satisfaction. Que faites-vous du principe de subsidiarité inscrit à l'article 72 de la Constitution ?

Faisons confiance aux élus. Cette compétence doit rester optionnelle. C'était la position du Sénat lors de la loi NOTRe. C'est la CMP qui a adopté cette mesure, dans un texte de compromis qui provoque d'ailleurs des drames - je pense au seuil de 15 000 habitants pour les intercommunalités. Il est normal de corriger ces erreurs aujourd'hui, ce qui ne signifie pas renier la loi NOTRe.

Plus généralement, il nous faut veiller à ce que l'âme des territoires ne disparaisse pas dans des intercommunalités géantes. Les intercommunalités, je le rappelle, sont exclusivement au service des communes, non l'inverse. (Mme Sophie Joissains applaudit) L'essentiel est la proximité. Si le pouvoir vient d'en haut, la confiance vient d'en bas.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Alain Joyandet.  - De droite ou de gauche, nous avons trop malmené les communes ces dernières années, paralysé des initiatives. Les maires n'en peuvent plus ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Comment vous convaincre en trois minutes de ne pas voter ce texte ?

D'abord, c'est une question de crédibilité du législateur ; peut-il modifier une loi qu'il vient juste de voter ?

M. Jean Desessard.  - Bonne question !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Il est déjà revenu sur la compétence tourisme, il a tenté de le faire sur le transport scolaire...

Ensuite, la progression des compétences des intercommunalités ne doit rien au hasard. Elles doivent trouver leur place aux côtés des métropoles dans les grandes régions.

De plus, les élus locaux ont anticipé les transferts de compétences attendus en 2020. Ils se sont préparés. (M. Mathieu Darnaud, rapporteur, le conteste) Ne semons pas le doute !

M. Jean Desessard.  - Très juste !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Surtout, sous prétexte de sauver le soldat communal, il ne faut pas affaiblir son meilleur rempart... l'intercommunalité ! Une articulation harmonieuse entre intercommunalité et communes, tel est l'enjeu.

J'ajoute que les agences de l'eau seraient les premières à se réjouir du vote à venir ; elles préparent une recentralisation. (MM. Jean Desessard et Claude Kern applaudissent)

M. Daniel Laurent .  - Je me félicite de la discussion de ce texte. J'espère que l'amendement de M. Joyandet sera adopté. C'est faire preuve d'intelligence d'amender une loi si l'on constate qu'elle est inadéquate.

Je veux m'attarder sur la gestion des eaux pluviales urbaines. Une note de la Direction générale des collectivités locales du 13 juillet 2016 l'inclut dans la compétence assainissement. Le Conseil d'État en avait jugé ainsi le 4 décembre 2013, que la compétence assainissement soit optionnelle ou obligatoire. Cela me renforce dans mon soutien à ce texte : les collectivités ne sont pas prêtes. Il aurait aussi été judicieux d'attendre un retour d'expérience sur le transfert de la compétence Gemapi.

Ce transfert de compétence ne figurait pas dans la version initiale de la loi NOTRe. Il n'a fait l'objet ni d'une étude d'impact, ni d'une concertation. Nous étions nombreux à dire notre opposition, craignant que ce transfert à marche forcée ne désorganise les territoires et ne crée des inégalités territoriales. Plutôt que de faire confiance aux élus, le Gouvernement leur impose un modèle unique ! Les seuls effets seront une complexification administrative et des coûts accrus.

En Charente-Maritime, depuis 1952, un syndicat regroupe 463 communes sur 469. La mutualisation des ressources en eau, moyens techniques d'exploitation, ouvrages, la péréquation des prix permettent de faire jouer la solidarité et de satisfaire tous les usagers, des agriculteurs aux mareyeurs ostréicoles. La bonne échelle est celle des bassins versants hydrographiques pour les eaux de surface ou de bassins d'alimentation hydrogéologique pour les eaux souterraines. Il est rare que les périmètres administratifs leur correspondent.

Girondin, je sais qu'il faut faire confiance aux communes. Je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit aussi)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Michel Savin .  - Je ne peux accepter la poursuite du démantèlement des communes. Surtout, sénateur d'un département montagneux, je sais que ce transfert alourdira les coûts supportés par les usagers. Aujourd'hui, la gestion de l'eau est assurée par un employé communal, parfois même un élu... Si elle est transférée à l'intercommunalité, celle-ci devra recruter ! En outre, les intercommunalités de montagne sont beaucoup trop grandes. La gestion de l'eau obéit à une logique de bassin, non à une logique administrative. Les maires attendent cette loi.

M. Yves Daudigny .  - Ma position n'est pas dictée par un intérêt électoral immédiat, puisqu'il n'y aura pas d'élections sénatoriales dans l'Aisne cette année. Il faut tenir compte de la très grande diversité des territoires. Dans le sud de l'Aisne, un gros syndicat prélève de l'eau dans la Marne pour la redistribuer à 60 000 habitants. Ailleurs, beaucoup de petits et moyens syndicats exercent leurs missions en partie grâce au bénévolat. Transférer cette compétence aux intercommunalités ne fera qu'augmenter les prix.

La mutualisation sur une large échelle est peut-être une perspective d'avenir, mais elle doit rester optionnelle.

M. Michel Savin.  - Très bien.

M. Jean Desessard .  - Certes, mais vous saviez déjà cela lorsque vous avez voté la loi NOTRe... Pourquoi y revenir maintenant ?

M. Ladislas Poniatowski.  - On a le droit d'être intelligent.

M. Jean Desessard.  - L'intelligence a progressé très vite !

Ensuite, je ne comprends pas pourquoi le transfert à l'intercommunalité engendre des coûts. Celle-ci n'a qu'à reprendre le personnel des syndicats.

M. Michel Savin.  - Pas si simple.

M. Jean Bizet.  - Monsieur Desessard, faites-nous confiance !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur .  - Il est singulier d'entendre le ministre et certains dire que ce texte serait politique, sorti de nulle part juste avant les sénatoriales, alors que le Sénat a mis sur pied depuis deux ans une mission de suivi et de contrôle de la loi NOTRe. Tous les élus que nous avons rencontrés nous ont demandé d'agir. Ce texte intervient à la fin de la session parce qu'il nous a fallu rédiger notre rapport.

Prétendez-vous que toute loi serait immuable ? Doit-on alors renoncer à notre fonction de contrôle ? C'est un peu fort de café.

M. Pierre-Yves Collombat .  - À ce rythme, on sera encore plus intelligent en juillet... On ne cesse de revenir sur les textes, ce n'est pas infâmant. Sur le fond, les situations locales sont très différentes. L'argument du surcoût ne vaut pas.

Lorsque ma commune a rejoint la communauté d'agglomération qui exerce obligatoirement la compétence sur les ordures ménagères, la taxe a doublé. Laissons les communes s'organiser au mieux.

M. Daniel Gremillet .  - Notre posture n'est pas politique ni électorale mais d'écoute des territoires. Le débat n'est plus sur les intercommunalités. Simplement il faut corriger le tir sur certains points. Quel problème y a-t-il à laisser les acteurs s'organiser au mieux en fonction des besoins du terrain ?

La gestion de l'eau ne coûte quasiment rien grâce à l'action bénévole de milliers de gens dans les communes. Cette loi est une loi de bon sens, de proximité et de responsabilité. Elle est très attendue.

M. Jean Bizet.  - Très juste.

M. Alain Vasselle .  - Je n'étais pas encore redevenu sénateur lorsque la loi NOTRe a été votée. Les trois derniers orateurs ont fait preuve de sagesse. Le Sénat devrait les suivre. Deux remarques. Les périmètres des bassins versants ne coïncident pas toujours avec ceux des intercommunalités.

Dans le Morbihan, département de M. de Rohan, un syndicat départemental a été créé. Faudra-t-il le dissoudre ?

M. Alain Houpert .  - J'invite M. Desessard à traverser le périphérique. Dans une intercommunalité il y a les communes du centre et celles de périphérie. Ces dernières n'ont pas accès aux mêmes services. Notre rôle est d'ausculter les territoires, de revenir sur les aspérités de la loi NOTRe. La gestion de l'eau est souvent assurée sur la base du volontariat, par des conseillers municipaux, des bénévoles. En Côte-d'Or, Beaune est une commune riche ; les communes périphériques, plus pauvres, font preuve d'imagination, et sont efficaces à moindre coût.

Pour paraphraser un président de la République mort en fonction, arrêtons de faire des lois qui embêtent les Français !

Mme Marie-France Beaufils .  - L'essentiel est le volontariat. Mon intercommunalité regroupe des communes où l'eau est gérée tantôt en DSP, tantôt en régie. Le transfert obligatoire sera compliqué. Le plus simple serait de regrouper les communes qui ont choisi la régie et celles en délégation de service public. C'est angélique de croire que le transfert s'accompagnera d'une baisse des prix. Bien au contraire !

M. Alain Vasselle.  - Bien sûr !

M. Michel Savin.  - Pour le même service !

M. Marc Laménie .  - On peut revoir la loi NOTRe en fonction de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Les élus ruraux sont inquiets de la disparition des petits syndicats locaux, qui reposent souvent sur le volontariat et le bénévolat, avec efficacité. Qui connait mieux le réseau local que les fontainiers communaux et les élus ? L'intercommunalité n'est pas le bon échelon. Il faut privilégier la proximité.

M. Bernard Delcros .  - Une partie du débat est hors sujet. La question n'est plus loi NOTRe ou pas loi NOTRe, mais de l'utilité de certaines de ses dispositions.

En effet, madame Beaufils, mutualiser à l'échelle de l'intercommunalité ne s'accompagnera pas toujours d'une baisse de prix ou d'un meilleur service... Ce sont les élus qui savent déterminer le bon niveau dans un délai raisonnable. Je voterai ce texte.

M. René Danesi .  - La gestion de l'eau est tributaire des conditions géologiques et géographiques locales. Gare à l'uniformité au nom de l'idéologie ! Faisons aussi confiance aux élus locaux. Je voterai ce texte des deux mains, fort de mes 42 ans d'expérience en la matière.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié quinquies, présenté par MM. Joyandet, D. Laurent, Lemoyne, Milon, Raison, Longuet, Danesi, G. Bailly, Vial, Vasselle, de Legge et J.P. Fournier, Mmes Lopez et Deseyne, MM. Grand, Revet, Pierre et Grosdidier, Mme Primas, MM. Huré, Chaize et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Vogel, Masclet, B. Fournier, Chatillon, Charon, Houpert, Laménie, Doligé, Calvet, Leleux, Bouvard, A. Marc, Chasseing et Pellevat, Mme Giudicelli, M. Bizet, Mme Gruny et MM. de Raincourt, Dufaut et Gremillet.

I.  - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le II de l'article 66 de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abroge?.

II.  -  En conséquence, compléter l'intitulé de la proposition de loi par les mots :

et des communautés d'agglomération

M. Alain Joyandet.  - J'ai été dix-sept ans maire de Vesoul. Nous avions créé un district, avec des services publics qui ont fait la preuve de leur efficacité. Ce transfert ne posait donc aucun problème pour nous, mais il en va différemment des autres intercommunalités de mon département. L'élaboration d'un schéma directeur coûte 100 000 euros. C'est beaucoup trop. Si l'on ajoute à cela que l'on est en train de couper des communautés de communes pour les répartir entre de nouvelles intercommunalités, vous comprenez le malaise.

On ne peut tout décider depuis Paris ! Beaucoup de communautés d'agglomération rencontrent le même problème que les communautés de communes.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°2 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Bockel, Capo-Canellas, Cigolotti et Delcros, Mme Doineau, M. D. Dubois, Mmes Gatel et N. Goulet, M. L. Hervé, Mmes Joissains et Loisier et MM. Luche et Vanlerenberghe.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Le transfert de la compétence eau et assainissement est dû à la volonté sénatoriale de faire aboutir la CMP. Les gros EPCI ne sont plus une forme d'intercommunalité mais une supra-communalité ! Les transferts n'amoindrissent pas toujours les coûts. Auparavant, dans ma commune, il fallait un ou deux jours pour régler un problème ; désormais, il faudra attendre un mois...

Laissons à chacun la liberté d'apprécier quel échelon est le plus pertinent.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Castelli, Esnol, Fortassin, Guérini et Arnell, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le II de l'article 66 de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogé.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il n'y a pas de raison de traiter différemment les communautés de communes. La loi NOTRe en a créé de 50 communes et plus... Il faudra coller d'autres rustines à l'avenir.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Beaucoup ont souligné qu'il n'y a pas un modèle unique de communautés d'agglomération. Certaines sont très urbaines ; d'autres associent des territoires ruraux et urbains, et leur situation rejoint celle des communautés de communes.

Personnellement, j'étais pour la sagesse mais la commission des lois a émis un avis défavorable.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Monsieur Joyandet, on n'a rien imposé depuis Paris ! La loi a été votée à Paris, mais ce sont les commissions départementales de coopération intercommunale qui se sont prononcées sur le terrain, et les élus locaux y sont présents.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne voterons pas ces amendements. Il nous parait raisonnable d'apporter de la souplesse aux communautés de communes. En revanche, nous n'avons pas été assez vigilants dans la définition des communautés d'agglomération : on a parfois créé une agglomération avec une commune de dix mille habitants et soixante villages. Ce ne sont pas des instances urbaines : la notion de communauté d'agglomération est détournée. Ce sont en réalité de grosses communautés de communes. Je suis pour une organisation moderne et dynamique du monde rural comme de l'urbain, pas pour la confusion qui consiste à nommer agglomération ce qui n'en est pas.

M. Michel Savin.  - Je voterai ces amendements. Avec la création des grosses intercommunalités, le prix payé par l'abonné a fortement augmenté, pour un service identique ou moins bon. Lorsqu'une petite commune a un ou deux agents, ceux-ci s'acquittent de tâches multiples. Impossible de les transférer à l'agglomération en même temps que la compétence eau. Résultat, celle-ci est obligée d'embaucher. Loin d'être une économie, c'est un coût supplémentaire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien.

M. Alain Vasselle.  - Je voterai ces amendements sans hésitation.

Nous vivons une situation que nous risquons de revivre, comme l'a dit M. Collombat. La loi NOTRe est un compromis qui n'a fait que sauver les meubles et qui ne contente personne. Pour preuve, toutes ces propositions de loi qui reviennent dessus !

Les préfets eux-mêmes avaient déposé en CDCI des projets de création de syndicats départementaux. Ne dites pas aujourd'hui le contraire !

Il serait bon de revenir à l'esprit des lois Chevènement : les premières intercommunalités s'appuyaient sur le volontariat. On a abouti à un éloignement des services de proximité. Les décisions sont prises de manière technocratique au niveau national, contre la volonté de nos concitoyens et des élus locaux. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Gremillet.  - Je soutiens ces amendements. La réalité c'est que les maires doivent avancer à marche forcée, contrairement à l'esprit de la loi.

M. Ladislas Poniatowski.  - Bien sûr.

M. Daniel Gremillet.  - Face à ce constat, revenons aux réalités du terrain. Le périmètre des communautés d'agglomération a changé depuis le 1er janvier : dans certains départements, elles réunissent le tiers des communes ! Ces vastes espaces militent pour que la compétence soit optionnelle : c'est essentiel pour être en harmonie avec le terrain. (Applaudissements à droite et au centre)

Les amendements nos1 rectifié quinquies et 2 rectifié bis sont adoptés.

L'amendement n°6 rectifié devient sans objet.

L'article unique, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Longeot et Cigolotti, Mmes Billon, Gatel, Létard et Loisier et MM. Gabouty, Capo-Canellas, Kern, L. Hervé, Canevet, Roche et Vanlerenberghe.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au huitième alinéa de l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 3000 » est remplacé, deux fois, par le nombre : « 5000 ».

M. Jean-François Longeot.  - La loi NOTRe a prévu que les compétences eau et assainissement seraient transférées à titre obligatoire aux intercommunalités au 1er janvier 2020. Celles-ci devront équilibrer leurs budgets annexes de l'eau et de l'assainissement par les seules redevances des usagers. Afin d'éviter une augmentation excessive du prix, je propose de relever le seuil de 3 000 à 5 000 habitants pour les communes et les EPCI.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement de bon sens.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Amendement empreint de bon sens, auquel nous aurions pu être favorables dans un autre véhicule. En l'état, avis défavorable.

L'amendement n°4 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mme Joissains, MM. Capo-Canellas, Gabouty et Guerriau, Mme Doineau et M. Canevet.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article L. 5218-7 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la compétence visée au a) du 5° du I de l'article L. 5217-2 est déléguée au conseil de territoire, celui-ci peut la confier aux communes ou groupements de communes qui l'exerçaient antérieurement. »

Mme Sophie Joissains.  - Souvent, comme le disait M. Sueur, les métropoles ont une ville centre entourée d'une multitude de villages. Un tiers des habitants de la métropole Aix-Marseille Provence vivent en zone rurale. Sur les 118 maires, 115 ont voté contre la création de cette métropole aux compétences pléthoriques et déjà endettée. L'alléger de certaines compétences ferait respirer les communes. Dans un état de droit, il convient que chacun ait les mêmes droits, communautés de communes comme communautés d'agglomération.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Je comprends les motivations de Mme Joissains, mais si la métropole Aix-Marseille peut déléguer des compétences, c'est là l'exception. Avis défavorable.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Nous venons d'accepter que les communes puissent conserver la compétence tourisme. Là, nous sommes dans le cadre général : avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le trophée de la tératologie administrative revient incontestablement à la métropole Aix-Marseille. Si on peut la faire fonctionner, ce ne serait pas plus mal... Cessons de bricoler ! Je soutiens cet amendement.

L'amendement n°5 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. D. Dubois, Détraigne et Capo-Canellas, Mme Morin-Desailly, MM. Luche, Kern et Gabouty, Mme Doineau, MM. Longeot, L. Hervé, Canevet et Bockel, Mmes Billon et Loisier et M. Namy.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 6° du II de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « des eaux usées et, si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l'écoulement des eaux pluviales ou des pollutions apportées au milieu par le rejet des eaux pluviales, la collecte et le stockage de ces eaux ainsi que le traitement de ces pollutions dans les zones délimitées par la communauté en application des 3° et 4° de l'article L. 2224-10 ».

M. Michel Canevet.  - C'est par interprétation jurisprudentielle que la compétence eaux pluviales découle de la compétence assainissement. Président d'une collectivité rurale, j'ai le plus grand mal à intégrer la compétence, car aucune recette ne peut être mise en face... Il faudrait que les communautés puissent se l'approprier librement, en définissant charges et ressources. L'échéance est fixée au premier janvier 2018 : imaginez les difficultés !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Avis défavorable.

M. Alain Vasselle.  - Je voterai cet amendement. Alain Richard a toutefois souligné en commission que la compétence eaux pluviales risquait de devenir obligatoire pour les communautés de communes...

Nous nous retrouverions dans une situation inverse à celle recherchée. Il faudra y veiller lors de la navette.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne comprends pas comment le Conseil d'État est parvenu à cette jurisprudence. Ne sait-il pas que les réseaux d'assainissement sont depuis longtemps séparatifs ? Sans doute les conseillers ne sortent-ils guère de chez eux... Il faudrait plutôt rattacher les eaux pluviales à la compétence Gemapi - d'autant que le problème tient plutôt au ruissellement. On aurait des recettes, et peut-être une vraie politique de prévention des inondations. Je voterai cet amendement.

L'amendement n°7 est adopté et devient un article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur .  - Le groupe socialiste votera cette proposition de loi. Il n'a qu'un regret, le vote de l'amendement étendant les dispositions aux communautés d'agglomération, qui sont de deux types.

M. Daniel Gremillet.  - On est d'accord.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous avons eu tort de les appeler du même nom. L'Association des communautés de France comme l'association France Urbaine n'ont aucune objection au maintien du dispositif de la loi NOTRe.

Mme Marie-France Beaufils.  - Sauf si l'on écoute les élus !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pour le deuxième type, c'est différent. Lorsque la communauté d'agglomération compte une ville comme Privas, préfecture de 8 000 habitants, et 60 villages, il s'agit en réalité d'un pays rural. Nous comptons sur la navette pour préciser les choses à bon escient.

M. Daniel Gremillet.  - Très bien.

M. Yves Daudigny.  - Très bien.

M. Marc Laménie .  - Merci aux auteurs de la proposition de loi et au rapporteur pour son travail.

Nous traitons d'un sujet d'importance. Il faut valoriser le travail des élus de proximité dans la gestion du service public de l'eau et de l'assainissement. L'eau est un bien précieux. Je voterai cette proposition de loi avec conviction.

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi .  - Je me réjouis du vote qui s'annonce. L'examen de ce texte, qui dépasse les clivages politiques traditionnels, honore le Sénat. Il est du rôle du législateur de corriger la loi quand on s'aperçoit, à l'épreuve du terrain, qu'elle ne correspond pas aux attentes : le principe de réalité l'emporte.

Il existe des syndicats d'alimentation en eau potable de dimension départementale, preuve que les élus locaux se sont déjà largement pris en main.

La proposition de loi, ainsi modifiée, est adoptée.

M. Jean-Michel Baylet, ministre .  - La loi est votée, merci à ceux qui l'ont soutenue. C'est original, je suis tenu de remercier le sénateur Masson, c'est une première pour moi ; le sénateur Bonnecarrère, dont la position ne m'étonne pas, car c'est un élu remarquable qui a transformé Albi ; le sénateur Desessard. J'ai admiré le numéro d'équilibriste de Jean-Pierre Sueur, dont je connais le talent. Monsieur Vasselle, la loi autorise les syndicats départementaux, qui sont une excellente chose.

Je remercie le rapporteur Darnaud, qui a déclaré que la mauvaise foi était savoureuse, délicieuse. Mais comparez ce qui est comparable ! Cette proposition de loi a plus une visée électorale qu'une prospérité.

Madame la présidente, je vous remercie. J'apprécie toujours votre façon de présider.

Merci à l'ensemble des sénateurs, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel - le ministre des collectivités territoriales n'est-il pas plus que tout autre le ministre des sénateurs ? Merci pour le respect et l'esprit constructif que vous avez mis en oeuvre pour construire des textes bien ficelés dans l'intérêt général. (Applaudissements)

Ajournement du Sénat

Mme la présidente.  - Je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour. Dans ces conditions, le Sénat va suspendre ses travaux en séance publique, en laissant le soin à notre président de le convoquer s'il y avait nécessité.

Cette suspension ne concerne que nos travaux en séance publique. Durant cette période, notre assemblée poursuivra les divers travaux engagés au sein de ses commissions, délégations, missions d'information et commissions d'enquête. Le programme prévisionnel de ces travaux, qui vous a été communiqué le 13 février dernier, figure sur le site internet du Sénat.

La séance est levée à 18 h 45.

Marc Lebiez

Direction des comptes rendus