Réforme du droit des contrats (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 6

L'amendement n°28 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Au second alinéa de l'article 1145, les mots : « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des » sont remplacés par les mots : « par les » ;

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement rédactionnel précise que « la capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d'entre elles ». Avec cette rédaction, le Gouvernement entend apaiser les craintes de certains praticiens sur la portée du texte.

M. François Pillet, rapporteur.  - De nos échanges avec la Chancellerie, je croyais que notre rédaction lui convenait. Tel ne semble plus être le cas et le Gouvernement nous présente un amendement dont le champ est plus restrictif. La rédaction de la commission des lois est plus large, plus adaptée, plus ciselée. Toutefois, ce point n'est pas de nature à planter une écharde dans la relation que nous entretenons avec vous, madame la ministre. Sagesse positive.

L'amendement n°17 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.

I.  -  Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article 1128 du code civil est ainsi modifié :

1° Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Une cause licite dans l'obligation. »

II.  -  Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article 1162, les mots : « ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties » sont remplacés par les mots : « ni par son objet, ni par sa cause, que celle-ci ait été connue ou non de toutes les parties » ;

III.  -  Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 1167, il est inséré un article 1167-... ainsi rédigé :

« Art. 1167-...  -  Toute obligation doit avoir une cause et la cause du contrat elle-même doit être licite. La cause de l'obligation réside dans la contre-prestation, dans l'intérêt recherché ou dans le mobile déterminant entré dans le champ contractuel. Tous les autres mobiles relèvent de la cause du contrat. » ;

IV.  -  Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° L'article 1171 est abrogé.

Mme Colette Mélot.  - Le nouvel article 1128 du code civil supprime la référence à la cause et à l'objet du contrat, remplacés par la notion de « contenu du contrat ». Les nouveaux articles 1162 à 1171 du code civil déclinent cette notion, reprenant une partie des différentes fonctions que la jurisprudence avait assignées à la cause et à l'objet.

Il s'agit ainsi de concepts précis, définis par une abondante jurisprudence.

L'ordonnance les remplace par une notion floue et incertaine, celle de « contenu du contrat », qui ne manquera pas de générer un abondant contentieux.

Il convient donc de rétablir les notions d'objet et de cause à la place de celle de « contenu ». Le nouvel article 1162 du code civil doit également être modifié pour faire référence à l'objet et à la cause du contrat.

Mon amendement n°9 rectifié est défendu.

L'amendement n°29 rectifié est retiré.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'amendement n°10 rectifié rétablissant la notion de « cause » dans le droit des contrats. Séquence nostalgie... Tous ceux de ma génération peuvent le regretter, mais je dois avouer que je ne sais pas toujours en donner une définition exacte. En Amérique latine et au Liban, on s'est fortement inspiré de notre droit et on nous reproche aujourd'hui d'abandonner cette notion, mais le Gouvernement a décidé de valider l'évolution, voire la modernisation de notre droit.

En outre, comme l'article 1128 précise qu'un contrat doit avoir un contenu licite et certain, la jurisprudence n'en sera pas bouleversée. Comme je l'ai dit ce matin en commission, la cause est sortie côté jardin pour revenir côté cour.

Le Sénat était hostile à une telle réforme par ordonnance. Nous devons faire preuve de responsabilité et ne pas bouleverser cette réforme en vigueur depuis plus d'un an : les praticiens nous le reprocheraient. Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°10 rectifié ainsi qu'à l'amendement n°9 rectifié.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements nos10 rectifié et 9 rectifié sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Fouché, Lagourgue et Wattebled.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article 1164, les mots : « l'une des parties » sont remplacés par les mots : « le fournisseur de biens ou le prestataire de services » ;

Mme Colette Mélot.  - Afin d'éviter toute ambiguïté relative à l'identité du cocontractant qui peut se voir octroyer une prérogative de fixation unilatérale du prix, il convient de préciser que, dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par le fournisseur de biens ou le prestataire de services.

M. François Pillet, rapporteur.  - La logique du code civil est que c'est le débiteur qui fixe unilatéralement le prix. L'inverse est rare... Cet amendement a le mérite de clarifier notre volonté. Laissons les parties s'entendre librement. Retrait.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°11 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) À la première phrase, le mot : « créancier » est remplacé par les mots : « prestataire de services » ;

Mme Colette Mélot.  - Je persiste. Afin d'éviter toute ambiguïté relative à l'identité du créancier qui peut se voir octroyer une prérogative de fixation du prix dans les contrats de prestation de service, il convient de préciser que le prix peut être fixé par le prestataire de services.

M. François Pillet, rapporteur.  - Retrait pour les mêmes raisons.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°5 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'article 1166 est relatif à la qualité de la prestation, lorsqu'elle n'est pas déterminée ni déterminable dans le contrat. L'ordonnance introduit une nouvelle disposition inspirée des projets européens d'harmonisation du droit : en cas d'indétermination de la qualité de la prestation, celle-ci doit correspondre aux attentes légitimes « des parties ». La qualité de la prestation doit être appréciée au regard des attentes de toutes les parties au contrat et pas seulement celles du créancier.

La formulation adoptée par la commission instaure un déséquilibre en faveur du créancier. Il est donc proposé de revenir à la rédaction initiale du texte.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je ne comprends pas. Le débiteur connaît la nature de sa prestation. C'est bien au créancier qu'il appartient de préciser ses attentes. L'attente légitime est bien celle de celui qui commande son portrait à un peintre, non celle du peintre !

Le rapport remis au président de la République est clair : l'attente légitime quant à la qualité de la prestation est bien celle que le créancier peut espérer. Retrait ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je maintiens mon amendement.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par MM. de Belenet et Richard.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l'article 1183 du code civil est supprimée.

M. Arnaud de Belenet.  - Nous supprimons la phrase « La cause de la nullité doit avoir cessé », car cette notion est superfétatoire.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je me suis posé la même question mais, après réflexion, j'ai renoncé à modifier cet article.

Une action interpellative existe. Dans ce cas, la cause de la nullité doit avoir cessé. L'objectif est de protéger la partie qui pourrait se prévaloir de la nullité et d'éviter la forclusion. Il me paraît préférable d'en rester là. Retrait.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Pour une fois, je ne suivrai pas le rapporteur. L'article 1183 sécurise la transaction. L'exigence selon laquelle la cause de nullité doit avoir cessé peut être mal comprise dans certains cas. L'amendement lève l'ambiguïté et prend en compte l'article 1182. Avis favorable.

L'amendement n°30 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE 8

L'amendement n°31 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - La première phrase du premier alinéa de l'article 1195 du code civil est ainsi modifiée :

1° Les mots : « rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie » sont remplacés par les mots « prive de cause l'engagement d'une des parties » ;

2° Après les mots : « le risque », sont insérés les mots : « , de sorte que cette partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes si elle avait prévu ce changement de circonstances ».

Mme Colette Mélot.  - Le nouvel article 1195 du code civil introduit la théorie de l'imprévision qui permet de réviser les conditions contractuelles en cas de circonstances imprévisibles : c'est une bonne chose. Cependant, il faut l'encadrer strictement, car elle affaiblit la sécurité juridique du contrat : c'est l'objet de cet amendement.

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement réintroduit la notion de « cause »... Retrait. Je salue le travail de Mme Mélot et son accord pour retirer ses amendements -  en précisant que le retrait est souvent un signe de responsabilité.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°12 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La théorie de l'imprévision est une nouveauté importante de ce texte, elle vise à rétablir l'équité entre les contractants lorsque les conditions d'exécution du contrat ont changé de manière imprévisible et tout à fait indépendante de leur volonté. Cependant, la commission des lois en a changé la procédure, en prévoyant, en particulier, l'accord des deux parties pour recourir au juge : nous préférons la rédaction initiale de l'ordonnance.

En revanche, nous suivrons le rapporteur pour exclure du champ de l'imprévision les contrats portant sur les produits financiers.

M. le président.  - Amendement identique n°19, présenté par le Gouvernement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'article 1195 du code civil introduit la théorie de l'imprévision en France, théorie déjà appliquée dans beaucoup de pays et par le juge administratif. L'idée, c'est qu'en cas de circonstances imprévisibles, le contrat soit rétabli tel que voulu par les parties lorsqu'elles l'ont conclu. L'imprévision est très encadrée : il faut que les circonstances soient imprévisibles, qu'elles rendent l'exécution du contrat excessivement onéreuse et que la partie lésée n'ait pas accepté par avance de consentir à des modifications en cas de telles circonstances.

Votre commission s'alarme de ce que l'ordonnance fasse intervenir le juge à la demande d'une seule partie, plutôt que des deux parties. Mais l'intervention du juge est très encadrée par la procédure civile : il ne peut réviser le contrat d'office, le champ de son intervention est lié à la demande des parties. Votre commission a conditionné l'intervention du juge à la demande des deux parties : ce serait amoindrir la portée de l'imprévision et, dans les faits, la résolution judiciaire supplanterait la révision des contrats -  et la réforme même perdrait son intérêt. C'est pourquoi cet amendement revient à la rédaction initiale de l'ordonnance.

En revanche, le Gouvernement ne s'opposera pas à l'exclusion des instruments financiers, telle que proposée par la commission des lois.

M. François Pillet, rapporteur.  - Le Gouvernement me semble avoir excédé le champ de l'habilitation, qui portait ici sur la définition par les deux parties contractantes, des outils propres à régler les situations d'imprévision.

Ensuite, ces amendements modifient radicalement le rôle du juge qui est d'interpréter les contrats et de trancher les litiges, non de récrire les contrats. Le juge n'est ni sociologue, ni économiste, ni fiscaliste. Quand, par exemple, le juge administratif apprécie la notion d'acte normal de gestion, il fait toujours preuve de la plus grande prudence, car il entre alors dans ce qui est la décision de l'entreprise, donc sur un domaine de responsabilité qui n'est pas le sien et je crois qu'il ne faut pas que nous lui confions de rôle qui l'oblige à sortir de son rôle.

Troisième argument contre : cet article, tel que rédigé, ne renforcera pas notre attractivité juridique. Quand vous direz à des responsables d'entreprises anglo-saxonnes qu'en France non seulement l'imprévision change le contrat, mais aussi qu'un juge peut être saisi par l'autre partie et que ce juge, alors, peut refaire le contrat, je peux vous assurer... que le droit suisse l'emportera !

Quatrième argument contre, je puis vous assurer qu'une fois cette disposition prise, tous les contrats comporteront une clause par laquelle les parties y renonceront, puisqu'elle est supplétive - et la théorie de l'imprévision n'aura, dans les faits, aucune consistance.

L'accord des deux parties est nécessaire à la redéfinition du contrat, ou bien vous pouvez également être certain que, redéfini contre l'accord d'une partie, il ne sera jamais appliqué...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Veut-on introduire la notion d'imprévisibilité, ou pas ? Elle est utile, autrement c'est la loi du plus fort. Le juge ne fait pas n'importe quoi. Le consentement des deux parties n'est pas toujours possible : le plus fort n'a rien à y gagner !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je ne partage pas l'analyse du rapporteur et je crois que c'est plutôt l'obligation de l'accord des deux parties qui empêchera la saisine du juge et videra la réforme de son contenu. La possibilité pour une seule partie de saisir le juge, sera un puissant levier pour la négociation, dans le sens d'une riposte graduée. Du reste, si ce dispositif était aussi inefficace que le dit le rapporteur, il ne serait pas celui qu'ont choisi nos voisins allemands...

Mme Nathalie Goulet.  - Je soutiens la position du rapporteur, fidèle à l'esprit du droit des contrats exprimée par Philippe Malaurie... On ne voit pas très bien comment le juge récrirait les contrats, surtout quand on connaît la surcharge des tribunaux.

M. François Pillet, rapporteur.  - Le texte de la commission est déjà un grand progrès. Le juge pourra allouer des dommages et intérêts. Nous sommes hostiles à l'intervention du juge si une partie n'est pas d'accord.

Les amendements identiques nos2 rectifié et 19 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer le mot :

des

par les mots :

d'opérations sur les titres et contrats financiers mentionnés aux

M. François Pillet, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°32 est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article 1221, après les mots : « disproportion manifeste », sont insérés les mots : « et déraisonnable » ;

Mme Colette Mélot.  - L'article 1221 nouveau du code civil consacre le droit à l'exécution forcée en nature d'une obligation. Ce droit est cependant limité en cas d'impossibilité d'exécution ou de « disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ».

La proposition de la commission des lois de limiter la condition de disproportion manifeste au cas où le débiteur est de bonne foi va dans le bon sens. Nous l'encadrons davantage.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'adjectif « déraisonnable » est redondant. Retrait, sinon rejet.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

Mme Colette Mélot.  - Cet amendement visait à renforcer l'attractivité de la place de Paris. Retiré.

L'amendement n°6 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement partage votre objectif madame Mélot. L'article pose le principe du droit à l'exécution forcée en nature, avec des garde-fous lorsque l'exécution forcée est excessivement onéreuse pour le débiteur, sans que le créancier y ait intérêt. C'est le cas, par exemple, de l'obligation faite de détruire entièrement puis de reconstruire un édifice construit trop haut, aux frais du débiteur et sans que le créancier y ait un intérêt.

Ainsi encadré, le droit à l'exécution forcée en nature limite l'abus de droit. Votre commission y a ajouté la condition de la bonne foi du débiteur, ce n'est guère utile, puisque le principe commande à l'intégralité du contrat, c'est l'article 1104 - elle vaut pour les deux parties.

M. François Pillet, rapporteur.  - La commission a ajouté cette précision de la bonne foi pour que le débiteur ne soit pas tenté par ce que nous avons appelé une « faute lucrative ». Cependant, étant sensible à cet argument que la bonne foi court sur l'ensemble des relations contractuelles, je veux bien travailler à une meilleure rédaction dans la navette - mais je maintiens l'avis défavorable de la commission.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le texte de la commission des lois est déséquilibré en faveur du créancier. Nous rétablissons le texte du Gouvernement.

M. le président.  - Amendement identique n°21, présenté par le Gouvernement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'article 1223 introduit dans le code civil la faculté pour le créancier d'accepter une exécution non conforme de la prestation par le débiteur, moyennant une réduction proportionnelle du prix. Le créancier peut effectivement avoir intérêt à accepter cette exécution imparfaite en contrepartie d'une réduction du prix.

La rédaction de la commission ne permet pas de saisir ce nouveau mécanisme. Le créancier pourra décider unilatéralement de la réduction du prix dans la seule hypothèse où il n'aura pas encore payé.

M. François Pillet, rapporteur.  - La rédaction de la commission a le mérite de la clarté. Celle de l'ordonnance diffère complètement selon que le créancier a payé ou non le prix de l'obligation : s'il a déjà payé, il ne pourrait que « solliciter » la réduction alors que s'il n'a pas encore payé, il pourrait l'imposer. Il n'y a aucune justification à établir une différence dans le pouvoir de réduire le prix, à partir d'un critère qui ne l'explique pas. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos3 et 21 ne sont pas adoptés.

L'article 9 est adopté.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° L'article 1304-4 est complété par les mots : « ou n'a pas défailli » ;

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'article 1304-4 consacre la règle jurisprudentielle selon laquelle la partie dans l'intérêt de laquelle la condition a été stipulée, peut y renoncer tant que cette condition n'est pas accomplie. Je partage le souhait de la commission d'expliciter le sens du texte, ce que, du reste, les praticiens demandent. D'où cet amendement précisant l'hypothèse de la défaillance de la condition.

M. François Pillet, rapporteur.  - Cette précision ne semble pas utile mais si le Gouvernement y tient... Sagesse avec beaucoup de réserves.

L'amendement n°22 est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

ARTICLE 11

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'ordonnance a introduit dans le code civil la cession de dette. Faut-il exiger un écrit à peine de nullité de la cession ? Les praticiens ne le pensent pas, la sécurité juridique ne l'impose pas. Le principe du droit français est le consensualisme. Il vaut pour les instruments concurrents, telle la délégation.

M. François Pillet, rapporteur.  - Un écrit est imposé pour la cession de créance et la cession de contrat, mais non pour la cession de dette. La commission a souhaité harmoniser la procédure. On pourrait aussi envisager qu'il n'y ait aucun écrit dans les trois cas, comme le demandaient les praticiens auditionnés. Avis défavorable.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

L'article 12 est adopté.

ARTICLE 13

Mme Anne-Catherine Loisier .  - L'article 1343-3 du code civil autorise le paiement d'un contrat dans une monnaie autre que l'euro. Or une transaction effectuée hors du territoire américain tombe sous le coup du droit américain dès lors qu'elle est réalisée en dollars. N'y a-t-il pas là un risque ? Je vous renvoie au rapport de l'Assemblée nationale sur l'extraterritorialité du droit américain. La projection du droit européen est motivée par la défense d'intérêts politiques et économiques. Plusieurs entreprises européennes se sont vu infliger des amendes colossales. Comment appréhender ces pratiques extraterritoriales américaines ?

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Supprimer les mots :

s'il s'agit de procéder à une opération à caractère international ou

II.  -  Après le mot :

procède

insérer les mots :

d'une opération à caractère international ou

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je répondrai à Mme Loisier à la fin du débat. Pour éviter des interprétations restrictives, nous précisons la rédaction de l'article 1343-3 du droit civil.

M. François Pillet, rapporteur.  - La commission des lois avait ajusté sa rédaction pour tenir compte des suggestions du ministère de l'économie et des finances, elle accepte de la modifier à la demande de la Chancellerie. Avis favorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Cette disposition est extrêmement importante : Mme Loisier a rappelé le problème posé par les transactions en dollars, reste qu'il s'agit d'un instrument de souplesse dont nous avons besoin pour renforcer l'attractivité de la place de Paris. Combien y aura-t-il de transactions en monnaie étrangère sur le sol français ? C'est le prototype de la mesure excellente qui nécessite une évaluation rapide ; disons après dix-huit mois à deux ans d'application.

L'amendement n°24 est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Ce texte ne s'appliquera qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, l'article 9 est clair. Seules trois exceptions sont prévues, pour les actions dites interrogatives. La précision que la commission des lois propose me semble inutile. La Cour de Cassation se contente d'interpréter les règles anciennes non écrites à la lumière de la loi nouvelle. Restons-en aux règles fixées par les dispositions transitoires de l'ordonnance.

M. François Pillet, rapporteur.  - Nous sommes entièrement d'accord sur la portée de l'article 9. En revanche, pour protéger l'intention des parties au moment où elles ont conclu le contrat, le texte ne suffit pas. Plusieurs arrêts laissent penser que la Cour de Cassation, interprétant les règles anciennes au regard de la loi nouvelle, changerait leur portée : ceux du 16 novembre 2011, du 24 février 2017 et du 21 septembre 2017. Vous pensez que le texte suffit ; je crois qu'il faut ajouter une garantie. Retrait ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je maintiens l'amendement.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je comprends la préoccupation de Mme Loisier. Toutefois, la réforme dont nous parlons n'a pas vocation à résoudre cette difficulté ; elle vise à renforcer l'attractivité de la place de Paris. Madame Goulet, je suis ouverte à une évaluation de l'article 1343-3 du code civil.

Je remercie la commission des lois, et plus particulièrement le rapporteur Pillet, d'avoir compris le souci du Gouvernement de stabiliser le droit et salue son attitude constructive.

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 18 octobre 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 15.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus