Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat, le respect des uns et des autres, ainsi que le temps pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.

Prélèvement à la source

M. Thierry Carcenac .  - Le prélèvement à la source entrera en vigueur le 1er janvier 2019. C'est une excellente nouvelle car c'est une mesure de modernisation et de justice.

Quelques interrogations cependant : cette mise en place retiendra-t-elle les orientations du précédent gouvernement ? Qu'en est-il du coût pour les entreprises ? Pouvez-vous confirmer la division par deux de l'amende en cas d'erreur de l'employeur ? Enfin, l'année blanche sera-t-elle appliquée à tous les revenus, ce qui sera source de simplicité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Le prélèvement à la source sera bien appliqué au 1er janvier 2019 après un an de report. Je remercie les agents de la DGFiP qui ont permis sa mise en place dans les meilleures conditions.

Le rapport de l'IGF et du cabinet Lazard alertait sur les graves risques de défaillance en cas de mise en place au 1er janvier 2018.

Un crash-test grandeur nature a été conduit sur 600 entreprises à Toulouse. Le coût pour les entreprises sera de 300 millions et non d'un milliard comme l'a avancé un rapport sénatorial. Oui, nous allons diviser l'amende par deux, généraliser la déclaration sociale nominative (DSN) et réduire ce coût autant que possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Thierry Carcenac.  - Je m'associe aux remerciements que vous avez adressés aux agents des impôts pour leur professionnalisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Élus interdits d'entrée en Israël

Mme Esther Benbassa .  - Les autorités israéliennes ont annoncé qu'elles refusaient l'entrée sur leur territoire d'élus français dont sept parlementaires venus porter un message de paix et qui souhaitaient alerter sur la situation des prisonniers politiques palestiniens. Ils prévoyaient également de rencontrer l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri en détention administrative depuis quatre-vingt-quatre jours. Le motif invoqué est un supposé soutien de la délégation au mouvement international de « Boycott Désinvestissement Sanctions » (BDS) qui dénonce l'occupation en Cisjordanie. Or ce soutien n'est en rien une menace pour Israël et il relève de convictions personnelles. Ce voyage a été préparé en collaboration avec le consulat français de Jérusalem.

Que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette décision inique ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Les autorités israéliennes viennent effectivement d'annoncer leur refus d'accueillir une visite de parlementaires français pour rencontrer notamment Marouane Barghouti et Salah Hamouri. On peut le regretter, mais c'est une décision souveraine. Les parlementaires doivent pouvoir avoir accès aux personnes qu'ils souhaitent rencontrer lors de leurs déplacements. Le consulat est intervenu pour soutenir la délégation ; il est mobilisé au quotidien sur la situation de Salah Hamouri, à qui il a rendu visite. Nous sommes particulièrement concernés par sa situation et j'en ai fait part aux autorités israéliennes. Plus généralement, cela pose le problème du recours extensif de la détention administrative. Nous ne connaissons pas les griefs retenus contre Salah Hamouri et nous demandons que ses droits soient respectés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe CRCE) Nous espérons que sa libération pourra intervenir.

Nous continuerons à intervenir. La France reste mobilisée avec l'ouverture d'un lycée français à Ramallah, par exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Esther Benbassa.  - Par ce refus, le Gouvernement de Netanyahou confirme que les efforts pour la paix ne comptent pas parmi ses priorités. La France ne devrait pas rester silencieuse.

COP23

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Alors que la COP23 se tient à Bonn - notre collègue Jérôme Bignon y participe - pour définir les modalités d'application de l'accord de Paris sur le climat, l'engagement à limiter le réchauffement global est menacé par l'hypothèse d'un retrait américain et la difficulté technique à atteindre les objectifs fixés. Une simulation récente de l'ONU estime le réchauffement climatique à +3° à l'horizon 2100. Une telle hausse aurait des conséquences terribles sur notre territoire même - disparition de la Camargue, de l'estuaire actuel de la Gironde - ou encore outre-mer dans un territoire comme La Réunion.

Ne baissons pas les bras ! À La Réunion, des efforts sont entrepris pour prendre le virage de la transition énergétique. Que ferez-vous pour l'encourager, monsieur le Ministre ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser l'absence de M. Hulot, ministre d'État, qui se trouve justement à la COP23. Il y a urgence climatique et il faut agir pour la transition énergétique - une tribune de 15 000 scientifiques publiée hier dans Le Monde vient de sonner l'alarme.

La France d'outre-mer n'a pas besoin qu'on lui rappelle sa vulnérabilité au changement climatique. Le Premier ministre était aux Antilles récemment. L'avancée du trait de côte et la montée du niveau des mers sont des réalités vécues.

La France répond sur trois plans. D'abord par une action internationale, c'est la COP23, le pacte mondial pour l'environnement, le sommet du 12 décembre prochain qui devra examiner les pistes financières dans la perspective du retrait américain. Sur le plan national, ensuite, nous mettons en oeuvre un plan Climat, avec des mesures d'aides à la transition énergétique en particulier pour les ménages modestes, en matière d'habitat, de déplacements. La réponse, enfin, est également territoriale, d'où l'enveloppe d'urgence de 75 millions d'euros, les contrats de transition écologique et le développement des énergies renouvelables - y compris dans les territoires d'outre-mer, nous y travaillons avec Mme Girardin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Prières de rue

M. Philippe Pemezec .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains). Voilà huit mois, chaque vendredi, à Clichy-la-Garenne, que plusieurs centaines de musulmans font leur prière sur le trottoir, en face de la mairie. Depuis huit mois, ils refusent, sous des prétextes fallacieux, d'occuper le lieu de culte prévu à cet effet. Depuis huit mois, l'État ne fait rien, il a abandonné - et c'est une centaine d'élus qui, en chantant la Marseillaise, sont parvenus à contrer cet abandon de territoire.

Que va faire l'État pour faire respecter l'ordre républicain ? Pour l'heure, les élus se substituent aux forces de l'ordre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - L'une des salles de prière de Clichy-la-Garenne a été fermée le 22 mars sur décision de justice. Depuis, l'association gestionnaire organise la prière dans la rue. D'abord quotidiennement, puis à un rythme hebdomadaire. Personne ne peut s'en satisfaire. (À droite : « Ah ! »)

Le local prévu rue d'Estienne d'Orves doit être utilisé. On a parlé de tracts antisémites et appelant au meurtre, qui auraient été distribués pendant la prière ; les services de l'État n'ont pas d'éléments permettant de le confirmer. (On se récrie à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe CRCE.) J'invite ceux qui auraient ces documents à les transmettre à la police et à la justice.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Que font les services secrets ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Nous comptons aussi sur le maire de Clichy-la-Garenne pour remédier à cette situation. (On se récrie à nouveau à droite ; M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Que fait le préfet ?

M. Philippe Pemezec.  - Nous n'avons pas les mêmes informations. Clichy-la-Garenne compte deux églises, une synagogue et deux lieux de culte musulman. Nous n'avons pas non plus la même conception de l'ordre public. Nous sommes envahis par le fait religieux. J'en appelle à vous pour faire respecter la République, qui est une et indivisible ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC ; Mme Mireille Jouve applaudit aussi.)

Politique de la ville (I)

M. Olivier Henno .  - Depuis plusieurs mois, nous attendions que le président de la République et le Gouvernement nous donnent leur vision en matière de politique de la ville. Avant de démolir ou de pratiquer le rabot, il est en effet toujours plus pertinent de présenter sa vision, et d'en débattre. Or le président de la République vient, dans le Nord, d'annoncer un énième plan pour les quartiers, avec des mesures qui semblent tout droit sorties de « l'ancien monde ».

Comment comprendre la création d'emplois francs, quand les collectivités territoriales et les associations voient disparaître les contrats aidés ? Quant aux annonces en matière d'éducation, de culture, de lutte contre les discriminations, très attendues, elles laissent un goût de « trop peu »...

Quelle est votre vision en matière de sécurité, d'emploi, de logement ? Quelle concertation avec les territoires ? Il n'y a pas de fatalité dans la politique de la ville, le plan Borloo, il y a quelques années, montre qu'on peut transformer, métamorphoser les quartiers !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Eh oui ! On a eu des résultats à l'époque !

M. Olivier Henno.  - Quelles sont les intentions et la vision du Gouvernement dans les quartiers les plus fragiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Le président de la République s'est expliqué sur la politique de la ville. C'est un enjeu considérable. Ce que vivent certains quartiers est le résultat d'une politique qui date d'il y a cinquante ans au moins.

Nous avons décidé de confier une mission à Jean-Louis Borloo, car sur ce dossier qui est une priorité nationale, c'est le rassemblement qui prime. C'est pourquoi nous avons aussi nommé Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois, président de l'ANRU. Il faut rassembler toutes les sensibilités.

La République recule dans certains territoires, par certains comportements que nous ne pouvons tolérer quelle que soit notre sensibilité...

M. Philippe Pemezec.  - Merci Monsieur le Ministre !

M. Jacques Mézard, ministre.  - ... c'est le message du président de la République, qui réunira autour de lui les acteurs de la politique de la ville, tous les trois mois. C'est une vraie relance de la politique de la ville que nous souhaitons, telle qu'elle n'avait pas été envisagée depuis bien longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; exclamations sur quelques bancs du groupe SOCR)

Prévention des cancers de l'utérus

M. Michel Amiel .  - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale contient de nombreuses innovations. Je salue l'action de Mme la ministre pour prévenir les cancers. La prévention progresse. La mise en place d'une consultation pour les femmes de 25 ans, intégralement prise en charge par la sécurité sociale, est une très bonne chose pour dépister le cancer de l'utérus et identifier les patientes qui auront besoin d'un dépistage plus précoce d'autres cancers.

Cependant, l'âge de 25 ans est parfois trop tardif pour l'examen primaire. Les vaccins contre les infections à papillomavirus administré à des jeunes filles à partir de 11 ans ont démontré - au Royaume-Uni notamment - leur efficacité. Quid d'une consultation entre 11 et 14 ans pour aller plus loin encore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La prévention doit être une priorité, vous avez raison, et elle l'est. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale innove en ce sens, la consultation à 25 ans permettra d'identifier l'exposition au risque de cancer et de mobiliser les femmes pour le dépistage par frottis - car l'on sait que tous les cancers du col de l'utérus seraient évités si un frottis tous les trois ans était systématique.

La vaccination contre le virus HPV a montré ses bienfaits. Nous réfléchissons à assurer une couverture plus large de la population, pas seulement des jeunes filles.

M. Blanquer et moi-même réfléchissons en outre à une visite médicale à six ans pour prévenir les risques d'obésité. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur les bancs du groupe UC)

Soutien à l'agriculture biologique

M. Joël Labbé .  - J'interpelle le Gouvernement sur le soutien à l'agriculture biologique à l'heure où l'agriculture conventionnelle ne nourrit même pas les agriculteurs. Il est temps d'engager la transition vers une agriculture qui représente 6,5 % de la surface agricole utile, 7,3 % des exploitations et 10,8 % des emplois du secteur alors qu'elle ne perçoit que 3 % des aides de la PAC - qui elles-mêmes s'élèvent à 7,44 milliards d'euros par an.

L'État va se recentrer sur l'aide à la conversion, au détriment des aides au maintien, le ministre de l'agriculture estimant que c'est au marché de soutenir l'agriculture biologique. C'est inacceptable.

Alors que 200 millions d'euros vont être investis dans le paiement des services aux écosystèmes, le Gouvernement va-t-il soutenir le groupe parlementaire LaREM qui a voté un amendement pour l'aide au maintien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE).

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser M. Travert qui est en ce moment avec tous les acteurs de la filière.

L'action du Gouvernement vise à conforter la filière bio à travers des transferts du pilier I au pilier II de la PAC. Désormais, les conseils régionaux financeront les aides au maintien. Les agriculteurs bio bénéficieront aussi des aides de la PAC. Il convient de restructurer cette filière dont les agriculteurs ne parviennent pas à vendre leurs produits à un prix suffisant pour vivre. Notre ambition est d'atteindre, en 2022, 50 % de produits bio ou en circuit court pour la restauration scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Suicides au sein des forces de l'ordre

M. Henri Leroy .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Quarante-six policiers et sept gendarmes se sont donné la mort depuis le début de l'année. Un suicide par semaine depuis le début de l'année ; un suicide par jour la semaine dernière.

Les forces de l'ordre sont exsangues, tous les jours confrontées à la violence et à l'absence de respect de l'autorité, aux insultes et aux injures sur les réseaux sociaux. Elles ne supportent plus le manque de soutien, de moyens, de considération.

Votre réponse est convenue : plan de prévention des risques psychosociaux, recrutement de psychologues, réseau de référents. Ce n'est pas assez. Il est temps d'appliquer la loi pénale sur tout le territoire et de sortir de l'angélisme comme de l'impunité qui inspirent la mise en place d'une police de sécurité, du quotidien ou encore des travaux d'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - (On s'exclame sur les bancs du groupe Les Républicains.) C'est avec une grande émotion que nous avons appris la semaine dernière que six fonctionnaires de police et deux fonctionnaires de gendarmerie s'étaient donné la mort. J'assure leurs familles de notre soutien. Il est toujours difficile d'expliquer de tels gestes qui relèvent de l'intime, mais la dureté des tâches de ceux qui doivent maintenir l'ordre public et lutter contre le terrorisme, ne peut pas être éludée. Ils sont confrontés à une violence, à une désespérance qui engendre de la tension et du stress.

Des actions ont été mises en oeuvre : soutien psychologique aux agents assuré par 80 psychologues pour la police et 38 pour la gendarmerie, cellules de veille pour accompagner les agents dans les commissariats et les brigades. Nous avons demandé un rapport d'évaluation aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie et le ministre de l'intérieur recevra bientôt les syndicats. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR et UC).

M. Henri Leroy.  - Vous traitez les conséquences plutôt que les causes. Les forces de l'ordre retrouveront le moral lorsque la loi pénale sera appliquée, et qu'elles seront respectées ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains)

Politique de la ville (II)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - Des dizaines de milliards d'euros ont été consacrés aux quartiers depuis des décennies pour des résultats inexistants. On a acheté la paix sociale en saupoudrant de l'argent, mais les habitants des quartiers défavorisés ne voient pas de changements, ils sont désespérés.

La question requiert non des moyens mais une volonté : il faut redonner du sens à l'autorité, rétablir les valeurs de la République dès le plus jeune âge, être intransigeants sur leur respect.

Le président de la République a annoncé des mesures dérogatoires : emplois francs game and share : ces mesures de discrimination positive, inspirées des Anglo-saxons, sont des entorses à l'égalité républicaine, car notre République est une et indivisible. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Vous avez tort de dire que rien n'a été fait. Je fais moi-même un bilan sévère de l'action publique, mais beaucoup de travail a été réalisé.

M. Didier Guillaume.  - Bien sûr !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Il faut une volonté, vous avez raison, mais les mesures que nous prenons ne rompent pas l'égalité républicaine, comme vous le dites, puisqu'elles visent à rattraper le retard, à renforcer l'accès aux services publics de ces territoires - cela n'a rien à voir avec la discrimination positive, je vous renvoie au principal promoteur de cette motion. Il s'agit de ramener la République dans ces quartiers ce qui suppose de l'autorité, le président de la République l'a dit. La sécurité doit y régner comme ailleurs.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Quand la police pourra travailler sans se faire caillasser, que les enseignants et travailleurs sociaux voudront y rester, la République sera respectée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Apprentissage

M. Martin Lévrier .  - Madame la Ministre, vous venez de poser les jalons de la réforme de l'apprentissage promise par Emmanuel Macron. La France compte 7 % d'apprentis, l'Allemagne, 15 %. Les entreprises ne trouvent plus d'apprentis, les centres de formation d'apprentis (CFA) ont quantité de places libres - alors que 23 % des moins de 25 ans sont au chômage. La filière est méprisée par les familles et par le système. Pourtant, elle débouche dans 70 % des cas sur un emploi stable. Ce n'est pas un cursus de second rang mais une voie de réussite, qui complète l'Éducation nationale. Pour remettre en marche l'ascenseur social, l'apprentissage doit s'adapter aux besoins des jeunes et des entreprises.

Dans le cadre de la concertation engagée, comment construisez-vous un triptyque solide associant entreprises, CFA et régions, au service des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Je sais que vous êtes nombreux au Sénat, à commencer par le président Larcher, à vous intéresser à l'apprentissage. Mal vu et décrié, c'est pourtant une voie de réussite : 70 % des apprentis trouvent un emploi, pour moitié dans la même entreprise. Près de 1,3 million de jeunes ne sont ni en emploi ni à l'université ni en formation : c'est un immense gâchis humain, une perte d'opportunité économique, un risque pour notre cohésion sociale. Cette cause nous concerne tous.

La concertation a commencé vendredi dernier avec tous les partenaires. Elle sera pilotée par Sylvie Brunet, présidente de la section travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental. Les obstacles sont nombreux à chaque étape, pour les jeunes comme pour les entreprises, freinées par les réglementations. J'aurai l'honneur de vous présenter au printemps prochain un projet de loi de transformation de l'apprentissage. Il y va de l'avenir de notre jeunesse. Je vous remercie par avance de votre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

Politique de la ville (III)

M. Patrick Kanner .  - J'étais à Tourcoing ce matin pour entendre le discours du président de la République sur la politique de la ville : un discours de conviction, sincère. Pas question ici d'ancien ou de nouveau monde, il s'agit de créer les conditions d'un monde juste. Oui, il faut casser le cercle vicieux de l'assignation de fait à résidence, mettre fin aux ghettos. Emmanuel Macron a raison de dénoncer le poids croissant de l'islam radical dans ces quartiers, sans angélisme mais sans amalgames. Il n'a pas remis en cause l'action du gouvernement précédent : contrats de ville, nouvelle carte des zones prioritaires, ANRU 2, renforcement de la loi SRU, plan d'action contre la radicalisation, garantie jeunes, rétablissement des moyens du secteur associatif, amputés par la droite... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Marc-Philippe Daubresse. - Il faut parler de budgets !

M. Patrick Kanner. - ... testing anti-discriminations.

Mais où est la cohérence entre l'annonce de la création d'emplois francs et la baisse drastique des emplois aidés ? Entre l'annonce de moyens supplémentaires pour l'ANRU et le garrot imposé aux bailleurs sociaux ?

M. Philippe Dallier. - ça, c'est vrai !

M. Patrick Kanner. - Entre la sanctuarisation des crédits de la politique de la ville et la suppression de 46 millions d'euros au cours de l'été 2017 ? Les mots doivent être suivis d'actions. Les habitants de ces quartiers n'ont pas à justifier de leur appartenance à la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Je ne ferai ni le panégyrique ni la critique de votre action à la tête du ministère de la ville. Nous venons de rendre hommage à Clemenceau, sachons dépasser les clivages ! Vous avez raison de saluer les propos du président de la République : il a clairement exprimé la volonté de l'État de mener une action forte pour relancer la politique de la ville. Un plan sera présenté fin février ; il sera élaboré en concertation avec les collectivités locales, les associations, les conseils citoyens. Cette co-construction est indispensable.

Le périmètre compte désormais plus de 1 500 quartiers prioritaires. Ce découpage ne sera pas remis en cause. L'important, ce sont des mesures fortes, interministérielles, avec le concours des collectivités locales et de tous ceux qui ont compris que l'enjeu est national. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.