Fonctionnement des ordres des professions de santé (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé.

Discussion générale

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016 a habilité le Gouvernement, contre l'avis du Sénat, à prendre par ordonnances des dispositions relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé. Ce texte ratifie une des deux ordonnances prises sur ce fondement, celle du 27 avril 2017. S'appuyant sur les recommandations formulées par le Conseil d'État et la Cour des comptes, elle renforce les exigences d'indépendance, d'impartialité et de transparence des instances ordinales des professions de santé. En cela, elle contribuera à la nécessaire confiance des professionnels de santé envers leurs ordres.

Les ajouts apportés au texte à l'Assemblée nationale comme au Sénat sont l'écho des questions soulevées par l'ordonnance et sans doute aussi le signe d'une concertation insuffisante. Lors de l'examen en première lecture, la commission s'était interrogée sur la pertinence de certaines mesures faisant peser des charges de gestion excessives sur les ordres. L'application aux conseils nationaux des règles en matière de marchés publics, en particulier, m'a semblé quelque peu disproportionnée. Du reste, des ordres, tel celui des pharmaciens, se sont déjà engagés dans une démarche de responsabilité.

Après des échanges nourris avec l'Assemblée nationale, la CMP est parvenue à un texte commun. Est supprimée la possibilité de remplacement des pharmaciens d'officine en cas de « circonstances exceptionnelles » dont nous jugions les contours jugés trop flous. Est maintenue la possibilité pour les membres en cours de mandat du conseil national de l'ordre des pédicures-podologues d'être élus assesseurs à la chambre disciplinaire - il le fallait pour ne pas épuiser le vivier d'un ordre jeune. D'un commun accord, nous avons supprimé le caractère rétroactif de la présence de représentants de l'État au sein du conseil national de l'ordre des pharmaciens, afin d'éviter tout risque juridique.

Parce qu'il fallait parvenir à un accord afin de ne pas déstabiliser des ordres en cours de renouvellement, nous avons accepté de rétablir la soumission aux principes et règles des marchés publics des ordres des professionnels de santé à quelques réserves importantes près. Les règles ne seront pas plus strictes que pour les administrations et, en deçà d'un certain seuil, la mise en concurrence ne sera pas obligatoire. Leur application a été reportée à 2020, ce qui laisse le temps au Gouvernement d'engager un dialogue serein avec les ordres.

La commission des affaires sociales vous invite à adopter les conclusions de la CMP. Nous aurons l'occasion de revenir en janvier sur une autre ordonnance, celles relatives à l'accès partiel aux professionnels de santé, sur laquelle la CMP n'a pas abouti. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Cette ordonnance a pour objectif de renforcer l'indépendance et l'impartialité des juridictions ordinales, de faire évoluer les compétences des organes des ordres et de faire appliquer par leurs conseils nationaux la législation relative aux marchés publics. Elle s'inspire des recommandations du Conseil d'État, de la Cour des comptes mais aussi de l'IGAS. Elle comporte trois chapitres qui concernent le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale et enfin les dispositions transitoires et finales.

Sénat et Assemblée nationale ont trouvé un accord le 5 décembre dernier, ce dont je me réjouis. La CMP a supprimé l'article 3 bis qui interdisait le cumul des fonctions d'assesseur d'une instance disciplinaire et celles de président et de secrétaire général de l'organe de l'ordre. Elle a également réécrit l'article 4 introduit par un amendement gouvernemental au Sénat de manière que la présence des représentants du directeur général de l'offre de soins et du directeur général de la santé aux délibérations du conseil national de l'ordre des pharmaciens ne vaille que pour l'avenir. Enfin, la CMP n'a pas retenu l'article 4 bis : les règles des marchés publics s'appliqueront désormais aux ordres. Au terme de ce travail, l'appropriation du texte sera facilitée. Il compte désormais dix articles, contre un initialement ; certaines de ses mesures seront applicables sans distinction à tous les ordres. Pour que les ordres puissent s'adapter à ce nouvel environnement juridique, certaines mesures feront l'objet d'une application progressive, notamment le renouvellement des instances ordinales, la certification des comptes combinés et l'application des règles de marchés publics. Je remercie Corinne Imbert pour son implication dans la recherche d'une solution consensuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) La Cour des comptes, dans son rapport de 2017, avait émis un avis sévère sur l'ordre des chirurgiens-dentistes : défaut de représentativité et de renouvellement des instances dirigeantes, absence de contrôle sur son mode de fonctionnement, défense d'intérêts catégoriels qui ne lui incombe pas ou encore désordres graves dans les comptes et la gestion. Elle avait invité le législateur à introduire davantage de transparence, d'indépendance et d'impartialité dans les conseils nationaux des ordres des professions de santé. Sur ces trois points, nous ne pouvons que saluer les améliorations proposées par cette ordonnance.

Grâce au travail en bonne intelligence des deux rapporteurs, nous parvenons à un texte enfin stabilisé. Le projet de loi aurait pu être consensuel d'emblée, si des concertations en amont plus poussées avaient été menées.

Nous l'avions dit dès la première lecture, nous sommes conscients de la lourdeur des procédures et des surcoûts induits par le besoin de transparence. L'Assemblée et le Sénat, écoutant les remarques des professionnels, ont reporté à 2020 l'application des règles de marchés publics et de certification des comptes. Les ordres, qui sont financés par de l'argent privé, ne doivent pas se voir appliquer des dispositions plus contraignantes que les administrations ou les établissements publics ; la CMP y a veillé.

Quant à l'incompatibilité entre les fonctions d'assesseur d'une instance disciplinaire et celle de président ou de secrétaire général d'un conseil de l'ordre, je rejoins les positions défendues par l'Assemblée nationale : il faut distinguer autorités de poursuite et autorités de jugement. De même, les avancées en matière de règlement intérieur sont nécessaires.

Le groupe RDSE votera le texte de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Michel Amiel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Ce texte a fait l'objet d'un accord franc entre les deux assemblées. Grâce à ce texte, les ordres pourront évoluer avec un cadre juridique solide. Pour le législateur et le professionnel de santé que je suis, ce texte constitue une avancée certaine.

L'idée était de définir une meilleure gouvernance en s'appuyant sur les retentissants rapports de la Cour des comptes, qui titrait, en 2017, « L'Ordre national des chirurgiens-dentistes : retrouver le sens de ses missions de service public ».

Les ordres des professionnels de santé sont la cible de nombreuses attaques, parfois fondées, sur l'opacité de leur gestion. Leur encadrement est bienvenu. Le texte revoit la composition, les modalités de nomination des membres des ordres et leur régime indemnitaire. C'est essentiel : citoyens et professionnels de santé doivent pouvoir avoir confiance dans la manière dont les ordres gèrent leur patrimoine et dans l'impartialité des décisions que rendent leurs instances juridictionnelles.

L'instauration progressive de certaines mesures permettra que les ordres s'approprient le nouveau cadre de leur exercice. Le groupe LaREM, qui salue cette démarche pragmatique, votera le texte de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Cohen .  - N'est-il pas paradoxal de préserver des ordres qui datent d'un autre temps pour un Gouvernement qui prétend instaurer un nouveau monde ?

Le 12 mai 2016, l'Autorité de la concurrence a retoqué le code de déontologie des infirmiers préparé par leur ordre qui, d'après Marisol Touraine répondant à une question à l'Assemblée nationale en mai 2016, ne compte que 177 000 adhérents sur 640 000 professionnels. D'ailleurs, toutes les professions de santé n'ont pas d'ordre. Ainsi des orthophonistes.

Créés il y a dix ans sous Nicolas Sarkozy, les ordres se sont vu confier des missions auparavant dévolues aux structures publiques, dont l'enregistrement et la gestion des tableaux de démographie des professions. Ce transfert a permis de supprimer des postes dans l'administration.

Dès lors, les améliorations à la marge ne pourront résoudre le défaut premier de ce texte qui est l'obligation d'adhésion à un ordre professionnel dont la légitimité se fonde sur la menace de sanctions. Favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de membres dans l'ensemble des conseils est positif, mais pourquoi ne pas soumettre le conseil national de l'ordre à l'obligation de parité ? Conséquence du scandale du Mediator, les professionnels de santé devront rendre publics leurs liens avec les entreprises de produits de santé et les montants des conventions signées entre les acteurs du système de santé et les industriels devront être publiés à partir d'un seuil de dix euros, sur un portail dédié.

Cependant, cette ordonnance ne règle pas le problème de l'existence des ordres professionnels que plusieurs ministres ont déjà critiqués sans jamais les remettre en cause. Pourquoi faudrait-il payer pour adhérer à une instance ordinale afin d'exercer son métier ?

Nous voterons contre en appelant de nos voeux un décret qui supprimera ces ordres.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La première ordonnance sur l'accès partiel aux professions de santé n'a pas fait l'objet d'un accord en CMP. La deuxième, technique, a été adoptée conforme. La troisième, sur les ordres, a fait l'objet d'un accord après un certain nombre de concessions. D'abord, l'incompatibilité entre les fonctions d'assesseurs d'une instance disciplinaire et celle de président ou de secrétaire général d'un conseil de l'ordre. Ensuite, l'obligation d'élaborer un règlement intérieur. Enfin, l'application aux ordres de règles en matière de marché public sous réserve que les règles ne soient pas plus dures que celles appliquées aux administrations publiques.

Le groupe UC votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Yves Daudigny .  - L'attitude du groupe socialiste et républicain s'inscrit dans le prolongement de sa position sur la loi de modernisation de notre système de santé.

L'application des grands principes des marchés publics aux conseils nationaux avait suscité, dans un premier temps, certaines réticences. L'application des grands principes de liberté d'accès à la commande, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ne nous paraît pourtant pas discutable. Le compromis auquel est parvenue la commission mixte paritaire nous semble satisfaisant : responsabilisation des ordres et exigences de transparence sont conciliées.

Le groupe socialiste et républicain votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Joël Guerriau .  - Sujet sensible que cette ordonnance : la commission des affaires sociales s'était opposée à cette habilitation en octobre 2017. Elle s'était interrogée sur le choix du Gouvernement de présenter séparément l'ordonnance sur la composition des conseils ordinaux. Le Gouvernement avait invoqué des raisons de sécurité juridique.

Ce texte est désormais plus clair et plus équilibré : allègement des procédures et renforcement des moyens de contrôle afin d'améliorer la gestion des ordres et la transparence de leur fonctionnement interne. Les observations de la Cour des comptes, du Conseil d'État et de l'IGAS l'avaient rendu nécessaire. Des recours ont été déposés contre lui devant le juge administratif, sans doute dus à un manque de concertation.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte qui propose un équilibre raisonnable.

Mme Chantal Deseyne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous voici à l'ultime étape de la navette. Je félicite la rapporteure Corinne Imbert pour la qualité de son travail.

Ce texte vise, d'une part, à renforcer les conseils nationaux en leur donnant la possibilité d'ester en justice ou de se porter partie civile. D'autre part, il modifie leur condition de gestion en prévoyant la certification des comptes combinés au niveau national, les règles de marchés publics, la généralisation d'un règlement intérieur.

En première lecture, nous avons soutenu les mesures qui améliorent la transparence interne de ces instances ou qui renforcent les exigences d'impartialité. Néanmoins, nous nous étions interrogés sur la pertinence de certaines mesures, synonymes de lourdes charges de gestion pour les instances. Nous sommes parvenus à un équilibre.

Le groupe Les Républicains votera ce texte en espérant son application rapide afin de ne pas perturber le fonctionnement des ordres en cours de renouvellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

En conséquence, le projet de loi est définitivement adopté.

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 25.