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Table des matières



Réforme du droit des contrats (Deuxième lecture)

Discussion générale

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois

M. Jacques Bigot

M. Alain Marc

Mme Maryse Carrère

M. Arnaud de Belenet

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Anne-Catherine Loisier

Discussion des articles

ARTICLE 2

M. François Pillet, rapporteur

ARTICLE 8

ARTICLE 13

ARTICLE 15

Questions d'actualité

Ehpad (I)

Mme Laurence Cohen

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

CSG et pouvoir d'achat

Mme Corinne Féret

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Aides de l'État aux communes touchées par les inondations

Mme Colette Mélot

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Ehpad (II)

M. Alain Milon

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

CPAM et arrêts maladie

Mme Sonia de la Provôté

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Conseil des prud'hommes à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Surveillants pénitentiaires

M. Jean-Pierre Corbisez

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Ehpad (III)

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Notre-Dame-des-Landes et autorité de l'État

Mme Catherine Deroche

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Limitation de vitesse

Mme Michèle Vullien

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Agriculture dans les zones défavorisées (I)

Mme Françoise Laborde

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Centres-bourgs, taxe d'habitation et rôle des banques

M. Alain Chatillon

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Agriculture dans les zones défavorisées (II)

M. François Bonhomme

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Décès d'un ancien sénateur

Indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques

Discussion générale

Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi

M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

M. Claude Malhuret

M. Éric Gold

Mme Catherine Deroche

Mme Patricia Schillinger

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Marie Mizzon

M. Henri Cabanel

M. Victorin Lurel

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Victorin Lurel

M. Joël Labbé

Mme Catherine Conconne

Mme Nicole Bonnefoy

ARTICLE 2

M. Victorin Lurel

M. Joël Labbé

Mme Catherine Conconne

M. Olivier Jacquin

ARTICLE 3

M. Victorin Lurel

M. Joël Labbé

Mme Catherine Conconne

Mme Agnès Buzyn, ministre

ARTICLE 4

ARTICLE 5

ARTICLE 6

ARTICLE 7

M. Victorin Lurel

ARTICLE 8

M. Victorin Lurel

Mme Agnès Buzyn, ministre

ARTICLE 9

Explications de vote

M. Maurice Antiste

M. Guillaume Arnell

M. Patrick Kanner

M. Joël Labbé

M. Guillaume Gontard

Mme Nicole Bonnefoy

Mme Sophie Primas

Mme Catherine Conconne

Réforme de la caisse des Français de l'étranger

Discussion générale

M. Jean-Yves Leconte, auteur de la proposition de loi

M. Yves Daudigny, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

M. Guillaume Arnell

Mme Jacky Deromedi

M. Richard Yung

Mme Laurence Cohen

M. Olivier Henno

M. Claude Malhuret

Mme Claudine Lepage

M. Ronan Le Gleut

Mme Hélène Conway-Mouret

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Olivier Cadic

ARTICLE 22

Annexes

Ordre du jour du mardi 6 février 2018




SÉANCE

du jeudi 1er février 2018

50e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Annie Guillemot.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Réforme du droit des contrats (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Discussion générale

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - L'ordonnance, qu'il s'agit de ratifier par ce projet de loi, comporte l'une des réformes les plus importantes du code civil depuis sa création en 1804. Le long chemin qui a mené à sa publication a été marqué par des échanges nourris avec les praticiens et les parlementaires. Je salue le travail accompli par François Pillet qui a fait preuve d'un grand esprit d'ouverture et de responsabilité. De fait, le Sénat, première assemblée saisie de ce texte, a opportunément clarifié le sens de certaines dispositions de l'ordonnance sans en modifier l'esprit. L'Assemblée nationale n'a proposé que de rares mais utiles modifications. Ainsi de nombreux points ne sont plus en débat : consécration de la jurisprudence Baldus, qui exclut du champ de la réticence dolosive l'estimation de la valeur de la prestation, les règles relatives à la capacité des personnes morales ou aux conflits d'intérêts en matière de représentation ou encore la définition du préjudice réparable en cas de rupture fautive des négociations.

Par ses travaux nourris, votre commission des lois a également dégagé en première lecture des lignes d'interprétation claires sur l'articulation entre droit commun et droits spéciaux ou encore sur le caractère impératif ou supplétif des dispositions de l'ordonnance.

Cette deuxième lecture nous invite à trouver un ultime compromis. Un seul point de fond demeure en discussion - sur lequel le Gouvernement vous proposera un amendement - relatif aux prérogatives du juge en matière d'imprévision. Votre commission propose de limiter les pouvoirs du juge saisi par une seule des parties à la seule résolution du contrat, excluant qu'il puisse le réviser, au motif que cela porterait atteinte à la force obligatoire des contrats et à la liberté contractuelle. Or la possibilité ouverte par l'ordonnance a été strictement encadrée. D'aucuns craignent des incidences négatives sur l'attractivité de notre droit, ce à quoi le Gouvernement rappelle la nature supplétive de cet outil dont les effets seront limités dans les contrats internationaux. Surtout, la modification proposée par votre commission ôte à ce dispositif novateur son utilité et son efficacité. Il est peu probable que des parties qui ne seraient pas entendues sur les termes de la renégociation, voire sur la nécessité même de renégocier, confient in fine la révision de leur contrat à un juge. Au demeurant, il s'agira, pour ce dernier, non de faire le contrat, mais de l'adapter en restaurer l'équilibre initialement voulu par les parties. Il est des cas dans lesquels la résolution du contrat ne présente d'intérêt économique pour aucune des parties, notamment si des emplois sont menacés. Notre tradition juridique favorise la survie du contrat, nous l'adaptons aux évolutions économiques sans promouvoir un quelconque interventionnisme judiciaire. Du reste, l'ordonnance favorise les solutions extrajudiciaires. De la même manière que le maintien du contrat n'est pas toujours adapté, sa rupture n'est pas toujours souhaitable. Le Gouvernement est attaché à cette disposition essentielle à l'équilibre de l'ordonnance qui, de l'avis de tous, est parfaitement atteint grâce à la qualité de nos échanges, dont je remercie le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois .  - L'ordonnance du 10 février 2016, dont nous sommes saisis pour ratification, est entrée en vigueur le 1er octobre 2016, soit il y a plus de dix-huit mois. Le Sénat, s'il a marqué son opposition au recours à l'ordonnance pour modifier plus de 300 articles du code civil sur des points qui ne sont pas seulement techniques, a fait preuve de responsabilité en choisissant de ne pas engager une réforme de la réforme. Madame la Ministre, vous avez d'ailleurs salué ce choix à l'Assemblée nationale en ces termes : « Le Sénat a fait preuve de responsabilité en n'apportant au texte de l'ordonnance que de rares modifications au regard de son ampleur et en permettant, par les débats qui s'y sont déroulés, de résoudre d'éventuelles difficultés d'interprétation ».

Toutefois, il n'est guère satisfaisant de ratifier un texte dont les dispositions s'appliquent depuis un an et demi alors que presque huit mois se sont écoulés entre sa publication et son entrée en vigueur. La prochaine révision constitutionnelle nous permettra peut-être d'éviter à l'avenir que de tels régimes transitoires ne menacent la stabilité du droit.

Les députés, qui ont introduit dans les débats un seul sujet nouveau, celui du sort des sûretés en cas de cession de contrat et de cession de dette, ont validé nos interprétations expresses, grâce auxquelles ne subsistera aucune ambiguïté sur la volonté du législateur. Notre commission vous propose de retenir certaines modifications apportées par les députés et d'adopter des rédactions de compromis sur les points restant en discussion. Madame la garde des Sceaux, vous avez bien voulu saluer le dialogue fructueux qui s'est noué autour de ce texte et s'est poursuivi en deuxième lecture en commission puisque le Gouvernement a proposé un amendement comportant une définition du contrat d'adhésion proche de la nôtre. Nous vous invitons à le prolonger dans l'hémicycle sur les deux points restant en discussion : la révision judiciaire pour imprévision, l'application de la réforme aux contrats antérieurs. Nous en débattrons à l'occasion de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. Jacques Bigot .  - Ce texte, s'il est fondamental, ne réforme pas le droit des contrats de manière si massive puisqu'il codifie pour une grande part la jurisprudence, laquelle représente une source de droit essentielle dans ce domaine du droit qui est celui des contrats, si important dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Disparition de la notion de cause, adaptation à l'évolution de l'électronique, le code sera dorénavant plus clair.

L'entrée en vigueur de l'ordonnance, que nous avons à ratifier, nous empêche de modifier substantiellement le texte ; ce serait créer trois régimes distincts, selon la date de conclusion du contrat. Le principe de la force obligatoire du contrat, fondateur dans le code napoléonien, n'interdit pas des évolutions au nom de l'équité que recherche la jurisprudence ; je pense à l'inscription des notions de contrat d'adhésion ou de clause abusive inspirées des recommandations du Conseil de l'Europe en 1967. Limiter les pouvoirs du juge en cas d'imprévision à la résiliation du contrat n'est pas forcément dans l'intérêt des parties, lesquelles peuvent d'ailleurs ne pas le saisir. Quoi qu'il en soit, la possibilité pour le juge d'interpréter la volonté des parties existe depuis 1804. Elle est utilisée et le semble largement dans certains cas - aux yeux de certains, la jurisprudence a parfois forcé le trait. Nous suivrons donc l'amendement gouvernemental sur l'article 1195.

Hâtons-nous à présent de mettre fin à la navette parlementaire afin que les praticiens sachent où en est le code civil. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Marc .  - Le Sénat tout entier était opposé au recours à une ordonnance pour modifier le droit des contrats. Elle a été publiée le 1er octobre 2016. Notre rapporteur propose de la ratifier sans y apporter de modifications majeures pour éviter que ne se succèdent trois régimes juridiques distincts. Cette réforme nécessaire est attendue, elle semble largement approuvée. Moderniser notre droit des contrats, l'adapter aux réalités économiques, codifier la jurisprudence, garantir la sécurité juridique, tels en sont les objectifs.

En seconde lecture, notre commission n'est pas revenue sur les modifications apportées par l'Assemblée nationale - ainsi en matière de nullité pour réticence dolosive. Sur la révision pour imprévision toutefois, ainsi que sur l'application de la réforme aux contrats antérieurs, les députés ne nous ont pas suivis.

Le groupe Les Indépendants, qui salue le travail titanesque de notre rapporteur, votera le texte de la commission : le code civil doit refléter l'état réel du droit positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Ce texte est la queue de comète d'un long processus législatif et de débats doctrinaux plus anciens encore, les travaux du Professeur Catala ayant débuté en 2005.

Ce texte a donné lieu à l'affrontement de deux philosophies, en particulier sur l'intégration de la théorie de l'imprévision en droit civil. Pour le Sénat, la saisine du juge pour révision du contrat en cas d'imprévu majeur constitue une atteinte majeure à la liberté contractuelle. À notre sens, ce dispositif se heurte d'abord au manque de moyens des juridictions.

Sans mettre en cause le bien-fondé de la position du rapporteur, il nous semblerait malencontreux d'instiller de l'insécurité juridique en modifiant une ordonnance dont le but était précisément d'assurer la sécurité juridique.

Cette façon de légiférer est frustrante pour les parlementaires, elle l'est également pour le Gouvernement, qui doit anticiper l'effet contentieux d'une ordonnance substantiellement modifiée lors de sa ratification par le Parlement. Observons en tout cas que, contrairement aux idées reçues, cette procédure n'est pas moins longue que la procédure législative ordinaire. Il aurait fallu six ans, de 1986 à 1992, pour mener à son terme la dernière rénovation du code pénal, soit moins que cette réforme du droit des contrats, si l'on prend pour point de départ le temps nécessaire à l'adoption de de la loi d'habilitation déposée en 2013.

Le groupe RDSE soutiendra les amendements du Gouvernement tout en conservant un regard bienveillant sur le texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

M. Arnaud de Belenet .  - Le texte, fruit d'une quinzaine d'années de travaux, a été nourri par de nombreux rapports, des travaux académiques, des échanges avec les acteurs économiques mais aussi par les parlementaires. Il vise à codifier la jurisprudence et à renforcer l'attractivité de notre droit sans oublier de protéger les plus faibles. La consécration de l'annulation des clauses abusives, l'extension de la sanction de la violence en cas de dépendance, l'élargissement du champ de la réticence dolosive vont dans ce sens de même que l'introduction du régime de l'imprévision, dont les effets seront limités sur les contrats internationaux. À mon sens, le rôle accru du juge peut s'interpréter comme un renforcement de la volonté des parties.

Saluons le travail accompli. La commission des lois du Sénat, dans un esprit de responsabilité, a cherché en seconde lecture le compromis ; le Gouvernement s'est lui-même montré à l'écoute de nos travaux sur la définition du contrat d'adhésion.

Ce texte équilibré emprunte une voie médiane. Sa ratification s'impose.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je réitère mes félicitations à notre rapporteur pour son effort de synthèse et son choix de toucher le moins possible aux droits spécifiques résultant d'une ordonnance qui s'applique avant sa ratification - manière de mettre le Parlement devant le fait accompli.

Les ordonnances, qui auraient dû rester exceptionnelles et uniquement justifiées par l'urgence, sont devenues une habitude dont on ne pourrait se satisfaire. Le groupe CRCE, qui défend l'abrogation pure et simple de l'article 38 de la Constitution, considérerait que l'adoption de la proposition n°20 du président du Sénat sur la révision constitutionnelle constitue un grand pas en avant : un délai maximal de trois mois entre projet de loi d'habilitation et publication de l'ordonnance et un d'un an entre projet de loi de ratification et d'habilitation. Comme notre rapporteur, j'attends donc avec impatience cette révision constitutionnelle. Puisse-t-elle mettre un coup d'arrêt à la dérive consulaire de notre régime et la réduction du Parlement à une chambre d'enregistrement des volontés élyséennes. (Sourires)

Pour le reste, ce texte n'appelle pas de longs développements de ma part. Une fois n'est pas coutume, ma convergence de vue est totale avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement sur les deux points restant en discussion : la suppression du terme « économique » dans la définition de l'état de dépendance et l'extension des pouvoirs donnés au juge en cas d'imprévision. La définition par notre commission du contrat d'adhésion représente un progrès.

Selon Saint Matthieu, « Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée. » Je n'aurai donc qu'un mot : le groupe CRCE votera ce texte. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce texte illustre bien la contribution de la navette parlementaire à la qualité du droit et à son attractivité. Le dialogue avec la Chancellerie a été fructueux, notre assemblée a balisé utilement le terrain des discussions, sur des dispositions, il faut le dire, redoutablement techniques. Je remercie le rapporteur Pillet de m'avoir associée aux auditions pour le compte de la délégation aux entreprises.

Notre commission a fait un pas vers le Gouvernement sur la définition de l'état de dépendance, le Gouvernement en a fait un vers elle sur la caractérisation du contrat d'adhésion. Sur l'imprévision enfin, nous discuterons de l'amendement du Gouvernement dans un instant. Nos divergences ne paraissent pas insurmontables.

Le Sénat, comme le Gouvernement, veut renforcer la sécurité juridique et l'attractivité de notre pays. Nous attendons des éclaircissements de la part du ministre de l'économie et des finances sur le paiement d'une obligation de somme d'argent pouvant se faire en monnaie étrangère...

M. François Pillet, rapporteur.  - C'est fait !

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Enfin, il serait aventureux de donner au juge le pouvoir de reformuler un contrat en cas d'imprévu, compte tenu de la complexité croissante du droit économique. Si le Gouvernement tient à l'intervention du juge, qu'il en fasse une norme impérative.

La modernisation du droit des contrats appelle à présent celle du droit des sûretés, partiellement réalisée par l'ordonnance du 23 mars 2006. Quand sera mis à l'ordre du jour le projet déposé sur la table en octobre 2017 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je remercie chacune et chacun pour ses propos. La direction des affaires civiles et du Sceau travaille en ce moment sur les enjeux du cautionnement, nous y reviendrons bientôt.

À vous entendre, j'ai fini par céder sur l'application de l'ordonnance dans le temps. Il ne reste donc plus qu'un point de divergence, celui sur l'imprévision.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE 2

M. François Pillet, rapporteur .  - À l'article 1110 du code civil, l'on distingue les contrats de gré à gré et les contrats d'adhésion, catégories doctrinales. Il s'agissait par l'ordonnance de limiter les clauses abusives dans ces derniers. La doctrine et les praticiens s'en sont émus, de telles restrictions ressortissant du droit des contrats spéciaux. Nous n'avons toutefois pas souhaité y revenir. Le critère de négociabilité pour distinguer ces deux types de contrat, bien qu'imparfait, nous semble aussi satisfaisant que possible.

Je souhaiterais clarifier une interprétation. Un associé ultérieur ne peut pas renégocier un contrat de société ou un pacte d'actionnaires. Il doit en accepter les termes ; cela n'en fait pas pour autant un contrat d'adhésion qui se définit exclusivement par sa formation. L'adhésion ultérieure d'une nouvelle partie ne peut transformer un contrat de gré à gré en contrat d'adhésion. Ayant lu des interprétations contraires, je souhaitais faire cette mise au point.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 bis demeure supprimé.

L'article 4 est adopté, de même que les articles 5, 6 et 7.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement restaure l'article 1195 issu de l'ordonnance : il autorise une seule des parties à saisir le juge pour réviser le contrat en cas d'imprévision. Vous ne remettez pas en cause le principe de ce mécanisme, notre désaccord porte seulement sur l'ampleur des pouvoirs du juge. Pour éviter une atteinte disproportionnée à la force obligatoire du contrat, des garde-fous ont été instaurés : la révision du contrat n'est envisageable qu'en cas de changement de « circonstances imprévisibles » lors de la conclusion du contrat, ce qui exclut les événements que devait raisonnablement prendre en compte un débiteur normalement prudent ; ce changement de circonstances doit rendre l'exécution « excessivement onéreuse » pour l'une des parties, ce qui exclut le simple surcoût, que doivent supporter les contractants ; enfin la partie lésée ne doit pas avoir accepté dans le contrat d'en assumer le risque, ce qui signifie que les contrats par lesquels une partie prend à sa charge le risque d'imprévision demeurent valables.

Priorité est donnée à la renégociation, puisque le recours au juge n'est ouvert qu'en cas d'échec des procédures amiables. Surtout, la révision judiciaire pour imprévision ne s'applique que si les parties n'en ont pas convenu autrement.

Les inquiétudes que certains ont exprimées me semblent donc excessives. Les pouvoirs du juge sont, au surplus, encadrés par la procédure civile : il s'en tiendra aux demandes qui lui sont adressées.

Réduire les pouvoirs du juge comme vous entendez le faire serait regrettable. Mettre fin au contrat peut avoir des conséquences économiques non négligeables. Mieux vaut confier au juge la possibilité de corriger l'excessive onérosité du contrat qu'un changement de circonstances aurait occasionnée.

M. François Pillet, rapporteur.  - Le champ de notre désaccord est très restreint. Le Sénat accepte la révision en cas d'imprévision : si les parties confient au juge le soin d'adapter le contrat, le Sénat n'a rien à y redire. L'aspect consensuel du contrat n'est pas menacé ; le juge est alors arbitre, pas faiseur de contrat. Le Sénat accepte également qu'un cocontractant seul demande la résolution du contrat.

Ce que nous refusons, c'est qu'une seule des parties demande au juge de refaire le contrat ! Ce serait une atteinte disproportionnée aux principes généraux de notre droit des contrats.

La responsabilité du juge peut aussi être engagée par la suite, ce qui explique le peu d'empressement des magistrats que nous avons auditionnés à se voir confier cette nouvelle mission...

Surtout, ce texte ne sera jamais appliqué : pour peu que les parties se dotent d'un conseil un peu avisé, il sera systématiquement écarté lors de la rédaction du contrat ! À l'inverse, si vous retenez la rédaction du Sénat, cela donne une chance à cette possibilité de révision.

J'engage le Sénat à repousser l'amendement du Gouvernement. Je crois que nous pouvons, en poursuivant le débat, écarter cette dernière tête d'épingle qui nous sépare... (M. le président indique à l'orateur qu'il doit conclure.) Nous avons de l'imagination et j'ai toujours du plaisir à travailler avec les services de la Chancellerie...

M. Charles Revet.  - C'est important d'entendre le rapporteur, Monsieur le Président ! (Mme la ministre acquiesce.)

M. le président.  - Quand on dépasse d'une minute son temps de parole, après un premier dépassement de quarante secondes, mon rôle est de le signaler. Vous êtes à votre place, moi à la mienne. (Murmures)

M. Jacques Bigot.  - Très souvent, ce sont des entreprises qui seront mises en danger si un contrat, pour un cas d'imprévision, est appliqué sans modification. Sauf en Alsace-Moselle, le juge compétent sera le juge du tribunal de commerce.

Même si le contrat doit s'achever, le juge doit pouvoir déterminer les conditions de fin. Or vous supprimez la proposition selon laquelle le juge met fin au contrat « à une date déterminée ». Pour les contrats à exécution successive, c'est particulièrement malencontreux.

Votre position, Monsieur le rapporteur, met plus en danger les entreprises que les particuliers.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

Des I à III de l'article L. 211-1 du présent code

Par les mots :

De titres et contrats financiers ou d'opérations sur des titres et contrats financiers

M. François Pillet, rapporteur.  - Amendement de précision.

L'amendement n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

Les articles 8 bis, 9 et 12 sont successivement adoptés.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  L'article 1343-3 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 1343-3.  -  Le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros.

« Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'une opération à caractère international ou d'un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s'il intervient entre professionnels, lorsque l'usage d'une monnaie étrangère est communément admis pour l'opération concernée. »

II.  -  Après l'article L. 112-5 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 112-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-5-1.  -  Par dérogation au premier alinéa de l'article 1343-3 du code civil, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'un instrument financier à terme ou d'une opération de change au comptant. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'article 1343-3, issu de l'ordonnance, codifie le droit positif sur les monnaies de paiement des obligations. En droit, le paiement en France doit être fait en euros, à moins qu'il procède d'un jugement étranger. Or, en pratique, certaines transactions se font en devises, le plus souvent en dollars, comme notamment dans l'aéronautique ou la pâte à bois. En matière de crédit multidevises, le remboursement se fait dans la devise du tirage.

Cet amendement autorise le paiement en devises quand l'usage de monnaies étrangères est communément admis dans le secteur. Cela sécurise ces opérations, utilisées dans les affaires, afin de ne pas nuire à l'attractivité de notre système juridique.

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement complète opportunément le texte, dans un souci de compétitivité des entreprises françaises. Avis favorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet amendement va de soi si l'on entend perpétuer le système tel qu'il fonctionne. En revanche, si l'on entend faire de l'euro une monnaie de réserve, si l'on ne veut pas laisser nos entreprises sous le coup d'éventuelles poursuites de ce qu'on appelle la justice américaine, il ne faut pas céder à la facilité : persévérons, même si c'est dans l'erreur ! (Sourires)

L'amendement n°2 est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.

Alinéas 1 à 3

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

I. - La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018.

Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1195, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et l'article L. 112-5-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques postérieurs à son entrée en vigueur.

Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1352-4 et 1347-6 du code civil ont un caractère interprétatif.

... - La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

M. François Pillet, rapporteur.  - Nous sommes tous d'accord sur l'applicabilité de la loi. Amendement de précision pour éviter tout problème d'interprétation.

L'amendement n°4, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

La séance est suspendue à 11 h 40.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

J'appelle chacun de vous à donner un caractère paisible à nos échanges : le respect des uns et des autres ainsi que le temps pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.

Ehpad (I)

Mme Laurence Cohen .  - Après les 117 jours de grève à l'Ehpad des Opalines, les Ehpad de la France entière étaient dans la rue le 30 janvier à l'appel de toutes les organisations syndicales et des directeurs d'établissement pour protester contre un budget indigne qui affecte le personnel des Ehpad comme les personnes âgées.

À l'Assemblée nationale, Madame la Ministre de la santé, vous avez promis 50 millions d'euros supplémentaires pour 2018, soit une aide-soignante pour sept établissements. On est loin du compte ! Il faut un soignant pour un résident. En Suisse, ce taux est de 1,2 ... (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Martial Bourquin applaudit également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Je salue le travail quotidien des personnels des Ehpad. En 2050, il y aura dans notre pays 5 millions de personnes de plus de 85 ans contre 1,5 million actuellement. L'État assume cette évolution sociale. Nous augmentons de plus de 400 millions les crédits aux soins pour y faire face. Quelque 160 millions d'euros supplémentaires iront aux Ehpad dont 72 millions pour le recrutement de personnel et 10 millions pour les infirmières de nuit, 28 millions pour les Ehpad en difficulté - et 50 millions que j'ai annoncés pour des actions spécifiques dans les établissements qui en ont le plus besoin.

Le financement des Ehpad est complexe. L'État prend à sa charge la partie soins des services des Ehpad ; le département assure la partie dépendance via l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Il faut aller main dans la main, avec les professionnels, pour faire face. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Cohen.  - La réforme de la tarification pénalise les établissements publics. Deux départements, les Côtes d'Armor et le Val-de-Marne, ont refusé de l'appliquer. Un vrai service public pour l'autonomie : voilà la vraie réponse.

La perte d'autonomie, parce qu'elle fait partie intégrante de la vie, sera une réalité dont il faudra de plus en plus tenir compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

CSG et pouvoir d'achat

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ma question s'adresse au ministre de l'action et des comptes publics. L'arrivée des fiches de paie incite le Gouvernement à un exercice d'autosatisfaction sur une prétendue augmentation du pouvoir d'achat, alors que l'Insee indique, dans une étude récente, que le pouvoir d'achat des Français diminuerait de 0,7 point au 1etrimestre 2018 par rapport à fin 2017, et 0,3 % sur 2018 par rapport à l'an dernier. Les quelque 5,4 millions d'agents publics l'ont bien compris. Hausse de CSG non compensée, jour de carence pour les fonctionnaires, gel du point, report du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), hausse du gaz et de l'essence, des péages... Le malaise dans les prisons, les hôpitaux, les Ehpad, et ailleurs, est palpable. Et les retraités sont toujours plus nombreux à peiner à régler leurs factures, à faire réaliser des actes médicaux.

Que comptez-vous faire, Monsieur le Ministre, pour que le pouvoir d'achat de tous les Français augmente, et pas seulement celui des Français qui sont déjà aisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La hausse de CSG est compensée pour les fonctionnaires, et intégralement. Ainsi la Contribution exceptionnelle de solidarité (CES) est supprimée pour ceux qui la paient, c'est-à-dire les agents dont le traitement brut global est supérieur à l'indice 313. L'État a provisionné 300 millions d'euros à titre d'indemnisation compensatoire pour une compensation à l'euro près. Un décret du 31 décembre dernier a abaissé le taux des cotisations maladie pour les employeurs publics de 11,5 à 9,8 % afin de dégager des marges de manoeuvre pour les collectivités territoriales et hôpitaux.

Je salue les efforts de l'administration pour mettre à jour les logiciels de feuilles de paie.

La compensation, cependant, ne concerne pas la cotisation vieillesse qui a augmenté en 2010 et en 2013 pour converger avec la cotisation versée dans le secteur privé.

Augmentation du minimum vieillesse, de l'AAH, baisse de cotisations, dégrèvement de taxe d'habitation... De telles mesures compensent les hausses dont vous parlez, qui finiront par se traduire dans les statistiques- et le retour de la croissance viendra très probablement contrecarrer les résultats de l'étude que vous citez. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Mme Corinne Féret.  - Les fonctionnaires constateront que vous parlez de compensation, non pas de gain de pouvoir d'achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Aides de l'État aux communes touchées par les inondations

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Après le printemps 2016 qui a traumatisé plusieurs départements, 133 communes en Seine-et-Marne sont touchées actuellement par les inondations. Nicolas Hulot est venu constater les dégâts qui s'étendent aussi à l'Yonne et au Petit comme au Grand Morin... Des maisons, des écoles et des commerces sont sinistrés. Partout, c'est la désolation.

Il y a urgence à déclarer l'état de catastrophe naturelle. Les EPCI constatent la difficulté de mettre en oeuvre la compétence Gemapi. Sur place, la solidarité dans les communes est exemplaire. Mais chacun compte sur le soutien financier de l'État pour la réparation des infrastructures sinistrées. Quel sera-t-il ? L'État s'engage-t-il face à ces défis de la nature ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le secteur de Nemours et les bords du Loing n'ont heureusement pas revécu la situation d'il y a deux ans. Je vous garantis l'instruction des plus rapides des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les sinistrés.

Le Gouvernement s'engage à réunir la commission de reconnaissance d'état de catastrophe naturelle en procédure accélérée, avant même le constat de l'intégralité des dégâts. Au titre de la dotation de solidarité aux communes, 39 millions d'euros sont budgétés cette année, contre 26 millions l'an dernier, pour remettre infrastructures et voirie en état.

Ehpad (II)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La moyenne d'âge des résidents en Ehpad augmente, et avec elle les besoins de soins ; or les établissements manquent de crédits.

Le budget dépendance comporte une baisse du tarif dépendance pour les établissements publics. Dès juin 2017, je vous avais alerté sur la réforme tarifaire, introduite par le Gouvernement à l'article 58 de la loi Vieillissement et que le Parlement n'a pas pu examiner : elle fait perdre 200 millions d'euros aux établissements publics.

Que ferez-vous face à cette situation catastrophique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Les problèmes s'aggravent mais ont été anticipés par une augmentation de 400 millions des crédits pour les soins. Nous avons nommé un médiateur, Pierre Ricordeau, pour garantir un débat public serein.

Cette année, 160 millions d'euros supplémentaires seront débloqués dont 100 millions pour recruter du personnel. Un bonus sera aussi prévu l'an prochain pour encourager la prévention de la perte d'autonomie. Nous devons mieux accompagner la transformation des Ehpad. Une commission travaille au ministère sur la qualité de vie au travail.

M. Alain Milon.  - Nicolas Sarkozy avait proposé une réflexion sur la création du 5e risque. Mme Delaunay m'avait dit alors qu'on allait voir ce qu'on allait voir avec François Hollande. Nous avons vu : rien n'a été fait. À vous de jouer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

CPAM et arrêts maladie

Mme Sonia de la Provôté .  - La semaine dernière, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) a annoncé expérimenter la transmission aux employeurs du nombre et des motifs des arrêts de travail, ceci dans le but de prévenir l'absentéisme et de prendre les mesures propres à améliorer les conditions de travail. Cette expérimentation a lieu dans les entreprises de plus de 200 salariés, ce qui est présenté comme une condition suffisante pour rassurer les salariés sur l'anonymat des données.

Vous comprendrez, Madame la ministre, qu'on puisse s'inquiéter pour le secret médical et la protection des données de santé. Des garde-fous existent mais ils n'ont pas été mis en oeuvre - la CNIL, notamment, n'a pas été saisie ; le consentement du salarié n'est pas recueilli sur l'utilisation de ces données ; les données sont transmises à l'employeur sans passer par le médecin du travail ; enfin, les motifs ne sont pas clairement définis.

Il ne s'agit pas de faire le procès des employeurs ou de la CPAM, mais ne faut-il pas, Madame la Ministre, renforcer les garanties ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Dans le cadre de sa mission de prévention des risques professionnels, la CPAM peut mener de telles expérimentations. Les lombalgies, les troubles musculosquelettiques (TMS), les troubles psychosociologiques se multiplient, ce qui justifie la sensibilisation des entreprises à laquelle procède la CPAM à travers cette expérimentation auprès des grandes entreprises, pour les aider à prévenir les arrêts de travail. En l'espèce, le secret médical et l'anonymat des données de santé sont respectés. Seules les entreprises de plus de 200 salariés sont concernées - et cette expérimentation porte, en l'espèce, sur cinq entreprises.

Prévenir pour mieux guérir tout en préservant l'anonymat : nous approuvons cette mesure. Il s'agit de protéger et pas de dénoncer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Mme Sonia de la Provôté.  - Il y a un problème de transparence : les salariés auraient dû au moins être informés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Conseil des prud'hommes à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Jusqu'ici Mayotte bénéficiait d'un code du travail spécifique, avec une semaine de travail de 39 heures et un « tribunal du travail » en matière prud'homale. Mayotte passera au droit commun, mais la création d'un conseil des prud'hommes a été repoussée à 2017, puis à 2022. Ce report suscite une grogne des syndicats et organisations patronales ; en signe de protestation, ils ont décidé de ne pas désigner d'assesseur au tribunal du travail en remplacement de ceux dont les mandats ont expiré fin décembre.

Le président du tribunal des prud'hommes siège ainsi seul depuis le 1er janvier 2018 pour ne pas bloquer totalement la juridiction. Cette solution n'est pas satisfaisante et les Mahorais se sentent, une fois encore, laissés pour compte.

Madame la Ministre, que comptez-vous faire pour assurer la continuité du service public prud'homal à Mayotte dans les mêmes conditions que sur le reste du territoire ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Merci de me donner l'occasion de dire l'attention permanente que le Gouvernement porte aux outre-mer. Le report de la création d'un conseil des prud'hommes au 1er janvier 2022 est dû au fait que les conditions de sa création ne sont pour l'instant pas réunies. Il n'y aurait pas eu de conseil au 1er janvier 2018 et la présidente de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion aurait dû nommer un juge du tribunal de grande instance pour traiter le contentieux du travail.

Une commission interministérielle étudiera les solutions à trouver dans l'intervalle. D'ici là, j'engage les partenaires sociaux à renouer le dialogue, sans quoi je prendrais des mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - On voit avec cette réponse qu'il n'y a pas de déni de justice à Mayotte. Je vous sais gré de votre vigilance. (Mêmes mouvements)

Surveillants pénitentiaires

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Lundi 22 janvier, je me suis rendu au centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin pour discuter avec les fonctionnaires grévistes - avant d'être délogé comme eux. Je vous rassure, je vais bien : vos gendarmes ont été gentils. (Sourires)

Créées en 2015, les équipes locales d'appui et de contrôle (ELAC), qui vont devenir équipes locales de sécurité pénitentiaires (ELSP), assurent des missions à l'intérieur mais aussi à l'extérieur des établissements ; or les moyens dont elles disposent sont inadaptés. Le plan d'action de votre prédécesseur prévoyait de les doter d'armes lors de leurs missions à l'extérieur ; qu'en est-il aujourd'hui ?

Les articles 12-1 et 29 précisent les dispositifs des actions à l'extérieur de façon coluchéenne. On voit des discoboles lancer des smartphones ou de la drogue par-dessus les murs, or les ELAC n'ont aucun pouvoir à l'extérieur. C'est plutôt : « Excusez-moi de vous importuner, accepteriez-vous d'être fouillé ? ».

Allez-vous modifier la loi et surtout publier enfin les décrets d'application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette question a été soulevée par les surveillants pénitentiaires. En effet, les équipes locales de sécurité assurent une présence extérieure renforcée ; la création des ELSP assure en outre aux surveillants pénitentiaires des parcours de carrière plus variés, ce qui concourt à l'attractivité de leur métier.

Le protocole d'accord avec l'organisation syndicale la plus représentative prévoit davantage de moyens et d'équipements défensifs et offensifs. Nous avons convenu de dialoguer pour que ceux-ci soient fournis au plus vite, car le renforcement de la sécurité dans les établissements est la première demande des organisations représentatives des surveillants pénitentiaires.

Quant aux objets projetés depuis l'extérieur, ce sont très souvent des téléphones portables ; nous allons installer des brouilleurs dans tous les établissements pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Très bien.

Ehpad (III)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je veux vous interpeller sur la situation des Ehpad. Madame la Ministre de la santé, vous avez parlé d'anticipation. La situation n'est pas tenable sur le terrain. Les établissements ne peuvent attendre les rapports, les missions. Il leur faut des engagements clairs, inscrits sur le court, moyen et long terme.

Le sous-effectif génère un mal-être profond et un taux d'accident du travail inacceptable. Et vous voulez conditionner un bonus à un travail supplémentaire pour prévenir la dépendance ? Mais que faites-vous pour prévenir les risques professionnels pour les soignants ? Un plan d'urgence est indispensable !

Il faut plus de personnel dans les Ehpad, cela suppose de renouveler les emplois aidés, de s'engager sur un budget d'ampleur à moyen et long terme ! (Un certain brouhaha monte à droite et au centre.) C'est indispensable pour se projeter dans l'avenir, revenir à une situation normale et prendre soin de nos aînés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Vous parlez de manque d'anticipation ? (Rires puis applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)

J'aurais en effet aimé que cette situation soit anticipée. Dès notre arrivée, nous avons dégagé des moyens nécessaires pour les soins, augmenté les postes d'infirmières de nuit, équipé les Ehpad en outils de télémédecine. Nous avons proposé un plan d'action spécifique et sollicité l'Agence nationale d'appui à la performance pour restructurer certains établissements ; nous travaillons avec les conseils départementaux pour identifier les Ehpad en difficulté ; nous avons mis en place un comité de suivi de la réforme, nous travaillons sur la qualité de vie au travail, sur les évolutions de carrière, nous déployons des enquêtes de satisfaction.

Bref, nous avons, je crois, plus anticipé en huit mois que vous en cinq ans ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Républicains et RDSE)

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Je veux pour ma part rendre hommage à l'action du gouvernement précédent (Railleries à droite et au centre ; les exclamations couvrent la voix de l'oratrice.) : 700 millions d'euros pour accompagner le vieillissement de la société ! Faites-en autant ! Mais vous préférez rendre des milliards d'euros aux plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Notre-Dame-des-Landes et autorité de l'État

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je ne reviendrai pas sur le renoncement regrettable du Gouvernement concernant Notre-Dame-des-Landes mais sur le mécontentement des riverains de l'aéroport de Nantes-Atlantique et les évènements du week-end dernier. Des habitants en colère, s'estimant trahis pas l'État, ont déchiré leur carte d'électeur devant la ministre des transports ; la préfète de région venue constater le dégagement de la route des chicanes a reçu un accueil peu banal - véritable pantalonnade ! - et on l'a même vue trinquer avec les zadistes et le directeur général de la gendarmerie nationale !

Le plan B, l'agrandissement de Nantes-Atlantique, se heurte à nombre d'obstacles - d'ailleurs personne n'y croit. Les images récentes traduisent non pas un apaisement, mais bien une capitulation. Est-ce là votre conception de l'autorité de l'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le projet de Notre-Dame-des-Landes date de cinquante ans. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Bien des gouvernements auraient pu prendre une décision ; nous, nous avons pris nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) La décision annoncée le 17 janvier par le Premier ministre repose sur le principe du retour de l'État de droit (On se gausse sur les bancs du groupe Les Républicains.), que nous souhaitons obtenir de la manière la plus apaisée possible, sur la médiation avec l'ensemble des acteurs de la région, que nous écouterons s'ils ont une volonté de dialogue constructif, et sur un calendrier clair et respecté.

La RD 281, dite route des chicanes, obstruée depuis 2012, est en voie d'être dégagée...

M. Christophe Priou.  - C'est faux !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Les services du département ont commencé les travaux ; s'ils n'étaient pas poursuivis, l'État s'y substituerait, car l'État de droit doit être appliqué partout, et le sera à Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, exclamations à droite et au centre)

Mme Catherine Deroche.  - Cela, c'est le plan de communication du Gouvernement. Certes, la préfète a pu avancer sur quelques mètres, escortée par des escadrons de gendarmes mobiles et d'un hélicoptère, mais la ZAD est toujours occupée par des squats illégaux. La trêve hivernale est prétexte à retarder leur évacuation. Les Ligériens estiment avoir été sacrifiés au profit de ceux qui bafouent les lois de la République. Espérons seulement que cette capitulation ne fasse pas école ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur certains bancs du groupe SOCR)

Limitation de vitesse

Mme Michèle Vullien .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le Gouvernement a annoncé le 9 janvier la limitation à 80 km/heure sur le réseau secondaire à compter du 1er juillet.

Si je suis a priori plutôt favorable à cette mesure dont l'objectif est de réduire le nombre de morts sur les routes, la démarche est hâtive et fait abstraction des conclusions des Assises de la mobilité. La direction de la sécurité routière n'a d'ailleurs pas souhaité participer aux travaux des assises. C'est regrettable. Pourquoi ?

Pouvez-vous attendre les conclusions du groupe de travail sénatorial sur le sujet avant de confirmer votre décision ? Il est paradoxal que le Gouvernement ne respecte pas la ligne de conduite fixée par le président de la République qui a insisté sur l'importance de l'évaluation ex ante. Prenons date. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - J'avais parfaitement conscience, en l'annonçant, que la mesure me vaudrait une certaine impopularité et susciterait scepticisme, incompréhension, agacement, parfois colère.

Quelques chiffres, publiés aujourd'hui : 3 693 morts sur les routes en 2017, métropole et outre-mer - longtemps, on omettait de compter les outremers, je ne sais pourquoi - 77 476 blessés, dont près de 25 000 de blessés graves, à vie.

Dans le Rhône, 58 morts en 2017 - trois de moins qu'en 2016 - mais un nombre de blessés en hausse de 10 %, à 2 735. Le coût humain, individuel et familial, est considérable. Il y a aussi un coût collectif : on estime entre 32 à 40 milliards d'euros le préjudice annuel lié à la surmortalité. C'est énorme !

M. Simon Sutour.  - Cela n'a rien à voir !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Je refuse que l'on s'habitue à de tels chiffres, je ne crois pas à la fatalité. Mon objectif est de faire baisser le nombre de morts et de blessés.

Voix à gauche.  - Donnez plutôt des moyens pour les routes !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Oui, il faut entretenir les routes, mais 92 % des accidents sont d'origine humaine. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) La vitesse est systématiquement un facteur aggravant. (Mêmes mouvements)

M. Gérard Cornu.  - L'excès de vitesse ! (On renchérit à droite.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Nous élaborons un plan global qui sanctionnera plus lourdement la conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants, sans permis de conduire ou le téléphone portable au volant...

Je ne recherche pas la popularité ; tous les spécialistes indiquent que la vitesse est systématiquement un facteur aggravant sur ces routes, qui cumulent 55 % des accidents.

Je me félicite que le Sénat ait créé un groupe de travail ; la porte de Matignon vous est ouverte pour échanger.

Je me fixe une obligation non de moyens mais de résultat : réduire le nombre de morts et de blessés. Je me souviens des réactions quand, au début des années 2000, le président Chirac s'est engagé en la matière, au risque de l'impopularité. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire que ces mesures ont produit leur effet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Nassimah Dindar, MM. Olivier Cadic et Robert Del Picchia applaudissent également.)

Mme Michèle Vullien.  - Je suis plutôt favorable à cette mesure. Mes interrogations portaient sur la méthode.

Agriculture dans les zones défavorisées (I)

Mme Françoise Laborde .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) La profession agricole s'inquiète de la révision de la carte des zones défavorisées, que la Commission européenne demande d'ici mars.

Mon département représente 40 % des communes non classées de la région Occitanie, son potentiel agro-économique est parmi les plus faibles - il est au quatre-vingtième rang des départements en termes de revenu agricole.

Les zones défavorisées recouvrent des réalités physiques, économiques, sociales, humaines. Si le zonage proposé était maintenu, des départements comme la Haute-Garonne, le Gers, le Tarn-et-Garonne ou le Lot verront leur biodiversité bouleversée par la fin de l'activité des éleveurs et des jeunes agriculteurs. Pourtant, nos agriculteurs ont du talent et de la ténacité, comme l'a dit le président de la République. Leur manifestation en est la preuve.

Allez-vous écouter les propositions des professionnels qui demandent que l'on revoie les critères, notamment paysagers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je n'ignore rien des inquiétudes des agriculteurs sur les zones défavorisées simples, en particulier dans votre région.

Ce zonage a plus de quarante ans, et n'a jamais été revu. Sa pertinence fait débat au niveau européen depuis 2002 ; sa révision a été entamée depuis 2013, pour une entrée en vigueur en 2019, en France comme chez nos voisins. Les contraintes européennes interdisent tout arbitraire dans le zonage, tout report de l'échéance.

Les discussions entamées en 2016 avec les régions et les professionnels se poursuivent. Le premier cycle de travail avait abouti à une carte trop étendue, alors que les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) sont limités. Certains critères n'étaient pas justifiés, et budgétairement insoutenables.

Je reçois demain les représentants de votre région. Nous héritons d'un dossier ancien, dont il faut désormais sortir.

La cartographie sera connue mi-février ; en mars, nous transmettrons à la Commission européenne les mesures d'accompagnement prévues. Certaines communes entreront dans le dispositif, d'autres en sortiront. Nous analyserons les situations individuelles. Comptez sur moi pour toujours défendre les intérêts de nos agriculteurs à Bruxelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Mme Françoise Laborde.  - Merci pour ces précisions. Mais il y a la technique, et il y a l'humain...

Centres-bourgs, taxe d'habitation et rôle des banques

M. Alain Chatillon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les bourgs-centres sont en péril. Les GAFA pillent le commence - sans payer le moindre impôt. Il est temps de se mobiliser pour que la vie dans le monde rural soit digne, comme elle l'était naguère, et que nos concitoyens trouvent en centre-ville les services nécessaires.

La taxe d'habitation doit être remboursée à l'euro près. Comment ? Ne pourrait-on retenir une moyenne sur un territoire, pour ne pas pénaliser ceux qui ont fait des efforts pour réduire les impôts ?

Voilà dix ans que la Banque centrale européenne a attribué aux banques européennes 4 200 milliards d'euros pour garantir une inflation à 2 %. Beaucoup d'argent est resté ou revenu à la BCE. Mais dans quelles proportions les sommes restantes ont-elles été placées plutôt que réinjectées dans l'économie réelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur certains bancs du groupe RDSE ; Mme Maryvonne Blondin acquiesce.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Sur le premier point, vous trouverez des réponses dans le plan de MM. Mézard et Denormandie pour le développement des villes moyennes. Il faut accompagner les coeurs de ville qui font vivre les territoires, sans critères discriminants : on doit pouvoir trouver en centre-ville commerces et équipements.

Les deux autres sujets sont difficiles à articuler. Les banques françaises, sous l'attention particulière du Gouvernement, sont présentes aux côtés des entreprises. En 2017, le volume de prêts a augmenté de 5 %, ce qui contribue à la hausse de la croissance.

Quant à la compensation de la taxe d'habitation, nous appliquerons la technique du dégrèvement qui permettra un remboursement à l'euro près. Nous avons trois ans devant nous pour refonder la fiscalité locale sur des bases justes, grâce notamment au rapport de MM. Bur et Richard, avant l'extension de la mesure à tous, évoquée par le président de la République dans ses voeux aux Français.

Agriculture dans les zones défavorisées (II)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) J'associe Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres, à ma question.

Depuis mercredi, à Montauban, les agriculteurs d'Occitanie protestent contre la future carte des zones agricoles défavorisées qui exclut grand nombre de communes jusqu'ici éligibles. Or la fin de ces aides européennes marquerait la fin des exploitations familiales modestes qui contribuent au maintien de nos paysages et à la vie des petites communes.

Quelles garanties, quels engagements fermes et tangibles allez-vous prendre pour le maintien de ces aides vitales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Il fallait revoir ce zonage, vieux de quarante ans. Dès mon arrivée, j'ai bataillé à Bruxelles pour obtenir un délai supplémentaire et travailler sur la nouvelle cartographie, en totale concertation avec les professionnels du monde agricole.

Je ne peux laisser dire que nous allons mettre fin aux activités agricoles sur ces territoires. Je sais que la survie de certaines exploitations dépend de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels. Comme dans chaque révision de zonage, il y aura de nombreux entrants mais aussi des sortants. Ma responsabilité est de penser à la suite. Je recevrai demain les représentants des agriculteurs et des communes qui sortiront ; l'État prendra toute sa part dans leur accompagnement. Nous voulons une carte équitable et financièrement soutenable, qui préserve mieux l'élevage intensif en plaine ; et je défendrai auprès des autorités européennes les mesures d'accompagnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. François Bonhomme.  - Réponse technique et dilatoire ! Les 5 000 euros d'aide, c'est le reste à vivre de ces agriculteurs. Je sais bien que M. Le Foll vous a laissé en rase campagne... Mais vous condamnez les agriculteurs. La fin des aides leur serait fatale. La préfète de Loire-Atlantique est récemment allée à la rencontre des zadistes victorieux de Notre-Dame-des-Landes, qui se sont déculottés sur son passage : aveu d'impuissance de l'État... Je voudrais que l'État préfère le cul des vaches à celui des zadistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Claude Prouvoyeur, qui fut sénateur du Nord de 1983 à 1992.

Indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, à la demande du groupe socialiste et républicain.

Discussion générale

Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi .  - En 2012, j'ai eu l'honneur de rapporter la mission commune d'information sur les pesticides et leurs conséquences sur la santé. Nous avions, sous la présidence de Mme Primas, après avoir auditionné plus de 200 personnes et effectué de nombreux déplacements, publié un rapport comportant plus de 100 recommandations qui, fait suffisamment rare pour être souligné, avait été adopté à l'unanimité.

Depuis, certaines de nos préconisations ont été appliquées : suivi des pesticides après leur mise sur le marché, interdiction d'y recourir dans les collectivités et d'en vendre aux particuliers, introduction de la pharmacovigilance, création de l'action de groupe en matière environnementale, interdiction progressive des néonicotinoïdes ou encore interdiction des épandages aériens. Le travail collectif de notre assemblée a beaucoup contribué à ces progrès.

La prise de conscience sociétale a été amplifiée par la publication, en 2013, par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'Inserm, d'un rapport mettant en évidence des excès de risque liés à des expositions pour de nombreuses pathologies graves - cancers, troubles cognitifs, Parkinson et Alzheimer. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'Anses, s'est penchée en 2016 sur les expositions professionnelles aux pesticides, en dénonçant le « relatif silence » sur ces maladies professionnelles qui fait obstacle à leur reconnaissance. Le dernier rapport des inspections générales de l'environnement, de la santé et de l'agriculture, en décembre 2017, a complété le tableau de l'exposition aux pesticides, qui touche tous nos concitoyens et contamine les cours d'eau. Son coût : 120 milliards d'euros. Et d'appeler à un plan d'action rapide pour une sortie rapide des produits phytosanitaires.

En toute logique, j'attends du Gouvernement qu'il suive ces recommandations, d'autant que le ministre Hulot, en juillet dernier, a défini la santé environnementale comme une priorité et déploré la situation des agriculteurs exposés.

Cette proposition de loi vise avant tout à protéger les agriculteurs eux-mêmes, trop souvent montrés du doigt. La sous-déclaration et la sous-reconnaissance de ces maladies sont massives. D'après le rapport de 2016 de l'Anses, plus de 1 million de personnes sont professionnellement exposées en France aux pesticides. Pourtant, de 2002 à 2010, seuls 47 maladies professionnelles ont été reconnues.

L'association Phyto-Victimes, présente dans nos tribunes, a beaucoup contribué à cette proposition de loi. Son président, Paul François, un ancien agriculteur, n'a toujours pas obtenu réparation après quinze ans de procédure. Est-ce juste ? Certains salariés de la coopération agricole Nutréa-Triskalia, dont la rencontre nous a également profondément marqués, ont perdu leur travail et sont au bout de leurs droits au chômage. Hier, l'un d'entre eux, Claude Le Guyader, disait devant le tribunal de Rennes : « Ce qui est important, c'est que nous soyons reconnus ; de toute façon, notre vie est gâchée ». Est-ce juste qu'il en soit là après sept ans de combat judiciaire ? Je songe aussi aux épandages massifs de chlordécone et de paraquat en Guadeloupe et en Martinique. Ces produits ont une rémanence de 600 ans. Est-ce juste ?

Ce texte met un terme à cette injustice en facilitant la reconnaissance et l'indemnisation. Votons-le, au nom des victimes passées, présentes et à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE, RDSE et Les Indépendants)

M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Que l'utilisation massive des pesticides représente un enjeu majeur de santé publique, comme l'ont écrit les trois inspections générales dans leur rapport de décembre dernier, n'est pas un constat nouveau. Dès 2012, la mission commune d'information présidée par Mme Primas et rapportée par Mme Bonnefoy évoquait un état d'urgence sanitaire en demandant des mesures fortes et rapides, sous peine d'engager la responsabilité de l'État.

L'expertise collective de l'Inserm de 2013 a mis en jeu plusieurs niveaux de présomption sur le lien avec des maladies comme les hémopathies malignes, Parkinson et Alzheimer. Elle a insisté sur les risques que présente l'exposition pour le développement de l'enfant dans la période prénatale, périnatale et la petite enfance. Sur certains points fondamentaux donc, les connaissances scientifiques établies permettent de retenir un lien de causalité. Au sein du régime agricole, les quinze tableaux de maladies professionnelles liées à l'exposition aux pesticides sont là pour nous le rappeler.

Cette proposition de loi de justice sociale, que nous devons au monde agricole, s'inscrit dans l'histoire de notre protection sociale en allant au-delà de la réparation forfaitaire limitée aux professionnels. Elle intègre les victimes environnementales mais aussi les enfants atteints pour des expositions in utero. L'Anses s'est montrée, durant les auditions, très favorable à une meilleure équité dans la prise en charge, qui devrait être intégrale, comme c'est le cas pour les victimes de l'amiante et des essais nucléaires.

Les réserves sur la proposition de loi ont porté sur deux points. D'abord, la gouvernance du fonds et la procédure d'instruction, nous les avons précisées. Ensuite, le financement. Certains le voudraient entièrement étatique, les règles de la recevabilité financière nous empêchent, de toute façon, d'emprunter cette voie. Au vu de la capacité de négociations des intermédiaires et des profits des firmes productrices de phytopharmaceutiques - plus de 2 milliards d'euros chaque année, la taxe supplémentaire prévue constituera un montant d'amorçage raisonnable qui devra être abondé.

À l'article premier, nous avons prévu un arrêté ministériel pour fixer la liste des pathologies ouvrant droit à indemnisation. À l'article 2, concernant l'instruction, nous avons retenu le principe de la présomption de causalité. La jurisprudence récente dans le domaine de la santé reconnaît que le doute scientifique ne fait pas nécessairement obstacle à la preuve requise du demandeur dès lors que celui-ci fait valoir un faisceau d'indices concordants sur les dommages causés par le produit. Nous pourrions donc renvoyer à une commission médicale indépendante la mission d'examiner les circonstances des expositions et de statuer sur leur lien avec la pathologie, en nous inspirant des dispositions en vigueur pour le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA. À l'article 7, nous avons précisé que le produit de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques est affecté prioritairement à l'Anses pour financer la pharmacovigilance. À l'article 9, la commission des affaires sociales a renvoyé à un décret en Conseil d'État les modalités d'application de la loi et prévu que, dans une période transitoire, le projet d'indemnisation pourrait être proposé dans un délai maximal de douze mois, et non de neuf.

Certains insisteront sur la nécessité de renforcer l'encadrement des produits phytopharmaceutiques. Soit, mais cela n'épuise en rien le sujet de la réparation. Les connaissances scientifiques sont solides ; ne différons pas davantage le travail du législateur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE, Les Indépendants et RDSE ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Les scandales sanitaires sont une menace qui pèse lourdement sur notre démocratie, tant ils entament la confiance des Français. Vous souhaitez un fonds assurant une réparation intégrale des pathologies liées à l'exposition, professionnelle et environnementale, aux produits phytopharmaceutiques, financé exclusivement par une taxe sur ces produits.

L'intention est noble, mais nos connaissances sont insuffisantes sur les effets de ces produits ; la plupart des pathologies concernées pouvant avoir des causes multiples et vous renversez la charge de la preuve. Si tout le monde est exposé, la charge financière sera bientôt impossible à gérer. Vous prévoyez une indemnisation systématique sans reconnaissance préalable des responsabilités ; cela précisément, déresponsabiliserait les industriels.

Mieux vaut renforcer l'indemnisation dans le cadre de la branche AT-MP reposant sur les tableaux de maladies professionnelles et l'examen au cas par cas par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, les CRRMP. Pas moins de 700 pathologies ont été ainsi reconnues. Certes, les tableaux existants n'ont pas été actualisés, notamment après le rapport de 2013 de l'Inserm. Les décisions des CRRMP sont hétérogènes, leur information scientifique étant variable. Les tableaux seront mis à jour. Et le Gouvernement concentrera son action sur la prévention, la protection des populations - enfants, femmes enceintes - et l'effort de recherche.

Le rapport que l'IGAS, l'IGF et le Conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux nous ont remis cette semaine, propose un nouveau dispositif d'indemnisation. Nous devons prendre le temps d'analyser ses conclusions, sachant qu'est soulignée l'absence de certitudes scientifiques sur le lien de causalité entre exposition et maladie.

Le plan Santé au travail III prévoit des mesures de protection spécifiques. Quant aux mesures sur le chlordécone, elles interfèrent avec le plan Chlordécone...

M. Victorin Lurel.  - Un échec total !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Le chlordécone est interdit en Europe depuis 2007. J'attends de l'Anses qu'elle fasse connaître sa position mais j'ai toute confiance dans la logique de long terme qui structure le plan Chlordécone. Je m'attacherai à ce que mes services répondent très précisément aux inquiétudes sur le chlordécone et aux questions que vous m'avez adressées.

Soyons résolus mais préparés. Les travaux à venir doivent s'inscrire dans la feuille de route « Produits phytosanitaires » et le plan Écophyto. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Victorin Lurel.  - Désespérant !

M. Claude Malhuret .  - La protection de la santé des Français face aux produits phytopharmaceutiques est de première importance. Le rapport sénatorial de 2012 trouve dans cette proposition de loi une traduction concrète. La question dépasse largement les clivages partisans. Il y a, c'est un fait constaté dans le rapport, un manque flagrant de connaissances. Après cette alerte, le précédent Gouvernement a mis en place en 2014 un dispositif de pharmacovigilance.

Cette proposition de loi va plus loin en prévoyant une indemnisation intégrale par un fonds ad hoc pour les victimes des produits phytosanitaires. Comme le furent autrefois les victimes de l'amiante et des essais nucléaires, elles sont seules face aux tribunaux, nous devons les accompagner dans ce combat de tous les jours. C'est le cas de deux ex-salariés de la coopérative agricole Nutréa-Triskalia, atteints d'hypersensibilité aux produits chimiques à la suite de leur sur-exposition aux produits chimiques, déclarés inaptes au travail et finalement congédiés. En septembre 2014, le tribunal de Saint-Brieuc avait fait grand bruit en jugeant la coopérative coupable d'une faute inexcusable pour l'intoxication de ses employés en 2010. En décembre 2017, encore, le tribunal des prud'hommes de Lorient a déclaré leur licenciement sans cause réelle et sérieuse. En réaction, le commissaire européen à la santé, Vytenis Andriukaitis, a demandé la tenue d'un audit sur les pratiques des entreprises agroalimentaires bretonnes, au printemps 2018.

Cette proposition de loi répondra à ces cas ; elle mérite notre soutien. Nos débats ont été marqués par une relative unanimité ; et ce texte répond à une attente sur le terrain. Vos remarques, Madame la Ministre, doivent être entendues. Certes, le lien de causalité entre exposition et maladie est difficile à établir. Mais l'on peut faire confiance aux industriels et aux lobbies pour faire reculer les connaissances scientifiques ; voyez ce qu'il s'est passé pour le pharmaceutique tout court, inutile de revenir sur les récents scandales... Vous dites que les industriels seront déresponsabilisés mais l'État peut très bien se retourner contre les producteurs !

Si cette proposition de loi ne devait pas prospérer à l'Assemblée nationale, notre débat aura quand même marqué une étape, une vaguelette annonciatrice peut-être de la reconnaissance de l'immense scandale que constitue l'exposition aux produits phytopharmaceutiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, CRCE, SOCR et RDSE)

Mme Nicole Bonnefoy.  - Bravo !

M. Victorin Lurel.  - Très bien !

M. Éric Gold .  - Si les pesticides sont au coeur du développement agricole des cinquante dernières années, cela ne doit pas nous faire oublier leur raison d'être : ils sont conçus pour tuer. Leurs effets sur la santé et l'environnement sont bien connus. La France, premier consommateur européen et troisième mondial, a mis en place en 2014 un système de pharmacovigilance. C'est une bonne chose mais cela ne règle pas les problèmes des malades d'aujourd'hui et de demain. La Mutualité sociale agricole, la MSA, a reconnu, lors d'une audition à l'Assemblée nationale en 2017, que 2 % des maladies déclarées par les travailleurs agricoles ont bien une origine phytosanitaire. En 2016, 61 assurés se sont vus reconnaître une maladie professionnelle provoquée par l'utilisation de pesticides.

La proposition de loi défend d'abord les agriculteurs, premiers exposés. Deux pathologies sont inscrites dans le tableau des maladies agricoles, les associations dénombrent pas moins de 180 cas de pathologies déclarées aux produits phytopharmaceutiques. Les riverains des exploitations agricoles sont eux aussi en première ligne ; 14 millions de Français habitent dans les zones rurales. L'Inserm, en 2013, a évoqué des malformations congénitales, des leucémies, des tumeurs cérébrales chez les populations voisines des exploitations. En attendant le plan d'action du Gouvernement pour réduire l'utilisation des pesticides et une évolution du droit européen vers le retrait d'une substance aussitôt qu'une alternative existe, il faut agir pour les victimes. La prévention n'épuise pas le sujet de la réparation...

Le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants, SOCR et CRCE)

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'utilisation des produits phytopharmaceutiques est un enjeu majeur de santé publique, établi par le rapport de 2012 de la mission d'information commune sur les produits phytosanitaires.

Les exploitants et les salariés agricoles disposent déjà d'une dizaine de tableaux de maladies professionnelles concernant l'exposition aux produits phytosanitaires. Pour autant, le dispositif de réparation est insuffisant et forfaitaire. C'est pourquoi cette proposition de loi crée un fonds financé par une partie de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques votée en 2014 et affectée à l'Anses pour financer une disposition de pharmacovigilance.

Je m'interroge sur le financement, qui est bien insuffisant : la taxe rapporte 4 millions par an et doit financer essentiellement la pharmacovigilance, les besoins sont évalués à 10 millions. De plus, le texte définit un champ de personnes éligibles très large, même si est laissé aux ministres de la santé et de l'agriculture le soin d'arrêter la liste des maladies concernées. De plus, la MSA a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas gérer ce fonds, pas plus que la CNAM. Monsieur le rapporteur, vous proposez une présomption de causalité et une détermination des circonstances d'exposition par une commission médicale indépendante. La comparaison avec le FIVA ne peut pas être totale : le lien entre exposition à l'amiante et pathologies est facile à établir, le FIVA dépend de la branche AT-MP dont l'État réduit chaque année le financement pour la part qui lui revient.

L'IGAS a recommandé, fin 2016, un plan pour réduire la dépendance aux produits phytopharmaceutiques. Les entreprises orienteront leur recherche vers des alternatives. La MSA s'oriente vers la prévention.

Merci à l'auteure de la proposition de loi d'avoir attiré l'attention sur ce sujet majeur mais, pour les raisons évoquées, le groupe Les Républicains, à sa grande majorité, s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) La question des produits phytopharmaceutiques est à l'agenda politique national et européen depuis quelques années. L'interdiction des perturbateurs endocriniens et la reconduction de l'autorisation du glyphosate ont fait dernièrement la une des médias - à cet égard, je vous renvoie aux travaux que j'avais conduits à M. Alain Vasselle dans le cadre de la commission des affaires européennes. Agriculteurs, travailleurs saisonniers, stagiaires, familles et riverains, tous sont concernés par l'exposition aux produits phytosanitaires dont la France est la deuxième consommatrice en Union européenne avec 75 000 tonnes de pesticides vendus en 2014. L'Inserm a mis au jour des liens avec des pathologies graves, notamment in utero et pendant l'enfance.

C'est pourquoi il faut envisager des interdictions et réduire la dépendance de notre agriculture. Le Gouvernement a d'ores et déjà encadré plus strictement la commercialisation de produits et séparé le conseil de la vente.

Cette proposition de loi complète le dispositif en vigueur de réparation ; les procédures sont trop longues, le préjudice économique pour les victimes est ignoré. Notre groupe LaREM s'est abstenu sur ce texte d'appel, mieux vaut trouver une solution durable. Nous vous faisons confiance, Madame la Ministre, pour la trouver. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Claude Bérit-Débat.  - Attendre, toujours attendre !

Mme Laurence Cohen .  - Les pesticides sont, à juste titre, un sujet de préoccupation. Pendant des décennies, les industriels ont promis aux agriculteurs de meilleurs rendements sans risque pour la santé. Rien d'inscrit sur les bidons, les agriculteurs déambulaient sans masque dans les champs en plein épandage... Alors que l'interdiction du glyphosate cristallisait les tensions, un article du Monde diplomatique, en septembre 2017, intitulé « Des pratiques criminelles dans l'agroalimentaire », a relaté les pratiques graves du secteur. Nous n'y mettrons pas fin tant que nous ne sortirons pas de la logique de compétition sur les prix. En attendant l'interdiction des pesticides dans la filière agro-alimentaire que ma collègue Christine Prunaud vous a demandée par une question écrite du 21 décembre dernier, nous pensons qu'il faut indemniser les victimes.

Cette proposition de loi complète justement le dispositif de pharmacovigilance par un dispositif assurant une juste réparation aux victimes. Pensons aux salariés de l'agroalimentaire, aux milliers de travailleurs des usines de traitement du bois mais aussi à la population générale qui, Mme la ministre l'a reconnu, est elle aussi concernée.

Les critères de fonds d'indemnisation ne doivent pas être trop restrictifs. Si les demandes, comme vous le craignez, Madame la Ministre, sont trop importantes, il sera possible de taxer davantage les profits des industriels. Ne laissons pas les lobbies des pesticides répandre leur poison.

Pourquoi faire barrage à cette proposition de loi ? Souvenons-nous des victimes de l'amiante, bientôt il sera trop tard. Il y a eu une certaine unanimité au Sénat autour de cette proposition de loi. Votons-la. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR, RDSE et Les Indépendants)

M. Jean-Marie Mizzon .  - La proposition de loi que nous examinons nous concerne tous. Elle est des plus délicates à aborder, tant le sujet est douloureux. Les produits phytopharmaceutiques sont au service d'une agriculture intensive. Ils ont des effets sur ceux qui les manipulent, sur les riverains et l'environnement.

Quant aux conséquences sur les consommateurs, nous le verrons dans les années à venir. Que faire ? La mission commune d'information sénatoriale de 2012 a fait de très nombreuses propositions, dont un fonds d'indemnisation financé par une fraction de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques.

Mais la formule retenue n'est pas satisfaisante. Certes, le système d'indemnisation n'est toujours pas à la hauteur et repose uniquement sur la solidarité nationale sans pour autant garantir l'équité. Mais il n'est pas opportun de créer un fonds ad hoc. C'est pourquoi le groupe UC, en majorité, s'abstiendra. Au moins, cette proposition de loi a-t-elle le mérite d'inviter le Gouvernement à agir, et vite.

Les tableaux existants doivent être complétés plus rapidement pour recenser ces pathologies - sans oublier, outre les agriculteurs, les jardiniers, cantonniers, employés d'entreprises de produits phytopharmaceutiques. Un financement pérenne doit être mis en place, ainsi qu'une gouvernance efficace. Il serait juste que le financement repose partiellement sur tous les industriels.

C'est au Gouvernement d'agir, avec tous les moyens dont il dispose et le soutien du Parlement, en abordant la question dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous aviez beaucoup promis lors de la discussion du précédent, Madame la Ministre. Plus généralement, il est temps de revoir notre système de production agricole. Comment expliquer que ceux qui nourrissent les autres ne puissent pas vivre de leur travail ?

Les protections pour les usagers ne seront jamais suffisantes : il faut développer de nouveaux produits, plus naturels, plus sûrs ; être capables de changer le système, d'anticiper. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Guillaume Arnell applaudit aussi.)

M. Henri Cabanel .  - Il y a mille substances actives sur le marché. Avec 66 000 tonnes par an, la France est la championne européenne des phytopharmaceutiques. Être paysan, c'est s'exposer à une multitude de produits dangereux : entre 2013 et 2016, 236 maladies (soit 59 en moyenne par an) ont été recensées !

Comment en est-on arrivé là ? La crise agricole a incité les agriculteurs à favoriser des produits de synthèse. Avec un revenu annuel moyen de 13 500 euros, il faut réduire au maximum les coûts. Certes, il existe des équipements de protection, mais dans une cabine de tracteur, il peut faire 40 degrés... Comment mettre un masque et des gants dans ces conditions ?

Une solution pourrait être de choisir les produits pour le bien-être végétatif de la plante, ce qui réduirait les volumes. Les pouvoirs publics doivent obliger les fabricants à évoluer. Cette proposition de loi est un vrai pas en avant, mais nous devons repenser notre modèle agricole.

La viticulture, qui représente 8 % de notre production agricole, utilise 20 % des produits phytopharmaceutiques. Certains se sont lancés dans le bio : il faut les encourager ! Les cépages résistants ne requièrent aucun traitement. Jeter l'opprobre ne fera pas avancer les choses. Il faut inciter à l'évolution. Après tout, les agriculteurs sont les premières victimes.

Pour les victimes, le temps judiciaire est proche ; pour les industriels, c'est du temps gagné. N'oublions pas, enfin, qu'un agriculteur se suicide tous les trois jours. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et RDSE)

M. Victorin Lurel .  - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son engagement et son opiniâtreté. Le groupe socialiste et républicain a choisi de mettre à l'ordre du jour ce texte puissant et équilibré, qui va au-delà de la simple indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Ouvrir un droit à indemnisation, c'est reconnaître une faute, notamment celle d'avoir autorisé l'utilisation de produits dangereux, voire mortels. Des millions de nos compatriotes guadeloupéens et martiniquais ont vécu des tragédies, cruellement oubliées, comme en métropole. Chez nous en Guadeloupe et en Martinique, ce texte trouve un écho particulier, celui d'un véritable scandale d'État, car nous avons vécu la contamination volontaire au chlordécone pendant des décennies.

Les coupables, nous les connaissons, et la justice devra trancher. Nous avons déposé une class action à New York. Certes, depuis des années, la procédure est embourbée. Nous souhaitions que la responsabilité de l'État soit reconnue. Il a autorisé ces pesticides à la fin des années 1950 alors que leur toxicité était connue depuis vingt ans. En outre, il a commis la faute inexcusable d'accorder une dérogation exceptionnelle de trois ans. Puis, il a appuyé en 2008 et 2013 les demandes des industriels de lever les limites maximales déclenchant l'interdiction. Par son attentisme, il a négligé les inquiétudes de nos compatriotes. Les plans chlordécone I, II et III sont sous-dotés et sous-consommés. Il n'a nullement indemnisé les producteurs, pas plus que les malades. Il les ignore !

Cette proposition de loi, j'espère, sera votée par notre assemblée, par humanisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Oui, il faut agir. Le Gouvernement l'a compris. Aussi préparons-nous un plan sur les phytosanitaires pour réduire l'exposition à ces produits et la prise en charge des maladies. Les tableaux doivent absolument être mis à jour. Les comités régionaux de reconnaissance doivent être moins hétérogènes.

L'État est très attentif à ce que le plan chlordécone III tienne ses promesses. Des études sont en cours pour mieux identifier les effets à moyen et long termes. Il faut travailler sur les jardins familiaux. (M. Martin Lévrier applaudit.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Victorin Lurel .  - Je veux crier mon désespoir, ma désespérance : prétendre que les organochlorés ne peuvent figurer dans le périmètre de définition des phytopharmaceutiques m'étonne. Ils ne sont plus distribués, ils sont interdits, pourtant leur rémanence est de six siècles, ils sont cancérogènes et mutagènes ; désormais interdits, ils ne peuvent figurer dans le catalogue. L'État a autorisé la vente après 1976 de ces produits, alors que les États-Unis les avaient interdits ! Vous avez donné des dérogations à trois reprises.

Les malades sont désormais indemnisés. Je vis dans la zone contaminée d'où mon discours passionné. Le chlordécone et le paraquat appartiennent bien aux produits phytopharmaceutiques visés. On nous oppose l'article 40 : c'est à pleurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Joël Labbé .  - Je suis heureux que ce rapport soit enfin repris par cette proposition de loi. Vos propos m'ont déçu, Madame la Ministre. Prendre le temps ? Il y a déjà des malades ! Nous ne pouvons pas botter en touche. Bien sûr, la prévention doit être prioritaire. Mais il faut indemniser les malades. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Catherine Conconne .  - Le 26 décembre dernier, la presse antillaise a dénoncé une augmentation des seuils des résidus des chlordécones. Ce produit a été autorisé aux Antilles pendant vingt ans pour lutter contre le charançon du bananier.

Les études avaient pourtant montré que la rémanence est de l'ordre de 600 ans ! Le préjudice durera des générations.

Cette proposition de loi applique le principe du pollueur-payeur. Aussi la voterai-je avec plaisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, SOCR et CRCE)

Mme Nicole Bonnefoy .  - Madame la Ministre, vous reconnaissez que nous sommes tous exposés aux pesticides. Pourquoi, alors, attendre ? Créer un fonds n'exonérerait nullement les industriels. La puissance de leurs avocats est telle que c'est la lutte du pot de fer contre le pot de terre. Faire comme si, devant la justice, les industriels et les victimes étaient égaux, c'est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 4

Après le mot :

pathologie

insérer le mot :

directement

Mme Sophie Primas.  - Par cohérence avec l'alinéa 3, nous ajoutons le mot « directement » pour souligner le lien de cause à effet.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable car je n'approuve pas cette proposition de loi. Les risques ne sont pas assez connus. Et ce serait déresponsabilisant pour les industriels. Enfin, mieux vaut renforcer le système d'indemnisation existant et donner la priorité à la prévention.

M. Marc Laménie.  - Je me rallie à cet amendement. Il y va de la santé publique, et de la reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Il y a urgence après tant d'années ! Ne banalisons pas ces maladies professionnelles. Le groupe de travail a fait un rapport remarquable.

L'amendement n°8 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Sophie Primas.  - Un arrêté des ministres de la santé et de l'agriculture ne peut valablement établir une liste des pathologies sans avis préalable d'experts médicaux compétents sur le lien de causalité entre la pathologie et l'exposition aux produits phytopharmaceutiques.

Il relève de la compétence exclusive de la commission médicale du fonds, composée d'experts médicaux indépendants, de déterminer les pathologies directement occasionnées par l'exposition aux produits phytosanitaires.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Iacovelli, Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, MM. Duran et Vaugrenard, Mmes Espagnac, Taillé-Polian, Artigalas, Lepage et Féret, M. Manable, Mmes Monier et Conconne, MM. Roux et Daunis, Mme Harribey et MM. Assouline, Magner, Cabanel, Antiste, Marie et Daudigny.

Alinéa 5

Après le mot :

santé

insérer les mots :

, des outre-mer

M. Victorin Lurel.  - Face au mur de l'article 40, cet amendement associe le ministre en charge des outre-mer à la définition de la liste des pathologies qui ouvrent droit à l'indemnisation.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Ces deux amendements précisent le mode d'entrée dans le dispositif. La commission médicale qui statuera ne doit pas être celle qui dresse la liste des pathologies. Avis défavorable.

Faut-il associer le ministre en charge des outre-mer ? Les ministres de la santé et de l'agriculture sont compétents sur tout le territoire de la République. Toutefois, ce sujet étant particulier, sagesse.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Sophie Primas.  - Je retire mon amendement n°9 rectifié. Pourquoi ne pas associer aussi le ministre de la cohésion des territoires ?

L'amendement n°9 rectifié est retiré.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. Victorin Lurel .  - Cette proposition de loi déresponsabiliserait-elle les industriels ? L'article 6 prévoit une subrogation dans les droits. Vous remettez en cause les - peu nombreuses - études épidémiologiques, Madame la Ministre. Les professeurs Blanchet et Multigner, que vous connaissez, ont cependant établi un lien de causalité entre exposition au chlordécone et nombre de pathologies. Remettez-vous en cause ces études ? Je reconnais qu'il y a encore du travail, parce que l'État n'a pas mis assez de moyens.

M. Joël Labbé .  - Il serait logique de confier la gestion du fonds à la MSA, mais le conseil de gestion doit être transparent et compétent médicalement. Mais impliquer, à la demande du groupe Les Républicains, des représentants de l'industrie phytopharmaceutique créerait un conflit d'intérêts.

Mme Catherine Conconne .  - Je salue l'amélioration de l'expertise : la création d'une commission médicale sera très efficace, notamment pour rassurer les populations lutter contre l'impact des fake news et des préjugés qui ont sur nos mentalités un effet semblable à celui du chlordécone sur nos sols.

M. Olivier Jacquin .  - Madame la Ministre, je trouve vos propos désespérants pour les victimes. Agriculteur, j'ai utilisé ces produits phytosanitaires, fortement incité à cela par la puissance publique. Je me souviens de mon père, à qui l'on prétendait que ces produits étaient bons pour la santé, qu'il pouvait les toucher de sa main, sans protection. J'étais jeune, alors.

Par chance, ma sensibilité - vomissements, maux de tête - m'a conduit à me protéger très tôt. Dominique Marchal, présent dans nos tribunes, a été la première victime reconnue par la MSA, grâce à sa ténacité et à celle de son épouse, à la suite d'un combat infernal.

Nous avons besoin d'humanité et de justice dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et RDSE)

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Iacovelli, Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, MM. Duran et Vaugrenard, Mmes Espagnac, Taillé-Polian, Artigalas, Lepage et Féret, M. Manable, Mmes Monier et Conconne, MM. Roux et Daunis, Mme Harribey et MM. Assouline, Magner, Cabanel, Antiste, Marie et Daudigny.

Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer le mot :

décret

par les mots :

arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, des outre-mer et de l'agriculture

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Avis défavorable. Il faut un décret du Premier ministre, comportant éventuellement les signatures des ministres concernés et pourquoi pas celle du ministre des outre-mer, plutôt qu'un simple arrêté interministériel.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable. J'ai présidé l'Institut national du cancer ; j'ai travaillé sur le chlordécone, dont les effets à moyen et long termes sont difficiles à identifier. J'ai aussi été vice-présidente du Centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé, laquelle classe le chlordécone comme cancérogène possible...

M. Patrick Kanner.  - Vous êtes ministre maintenant !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Oui, mais d'un point de vue méthodologique, le travail est très complexe. Le niveau de preuve scientifique n'est pas suffisant pour affirmer le lien entre cancer et chlordécone. Je continuerai à me mobiliser pour en savoir plus.

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

Mme Laurence Cohen.  - Ce débat est très important. Votre prudence, Madame la Ministre, nous la partageons. Mais dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018, il n'y avait aucun crédit pour développer la prévention. Et les lobbies industriels ont des moyens financiers énormes et ils ont le temps pour eux, car les victimes sont rongées petit à petit par la maladie.

Vos arguments sont donc difficilement acceptables par le législateur, chargé de poser des cadres pour protéger les plus fragiles.

À cet égard, le témoignage de notre collègue m'a beaucoup touchée.

M. Guillaume Arnell.  - Nous connaissons vos compétences et votre engagement, Madame la Ministre. Mais nos populations ne comprendraient pas que nous ne nous opposions pas farouchement à de nouveaux délais.

Il y a de nombreux exemples de produits, de médicaments, qui d'abord ont laissé perplexes, avant de se révéler nocifs - beaucoup plus que de cas où l'absence de relation de cause à effet a pu être vérifiée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

L'amendement n°10 rectifié n'est pas défendu.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. Victorin Lurel .  - Attendre ? On a fait comme pour le sang contaminé et d'autres substances... Vous dites que c'est un cancérogène probable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Cancérogène possible !

M. Victorin Lurel.  - Oui. Alors pourquoi avoir abaissé les seuils de LMR ? Allons-nous vers un « génocide par empoisonnement », évoqué par certains ? Pourquoi être passé de 20 à 100 microgrammes dans les viandes rouges ? De 20 à 200 dans les viandes blanches et les oeufs ? Pourquoi l'État reste-t-il inerte ?

M. Joël Labbé .  - Je ne conteste pas l'expertise de Mme la ministre, mais il faut agir. Cela fait trop longtemps que l'on parle, reparle et que les malades attendent. Je pense à eux, à Paul François, aux victimes bretonnes de la société Triskalia. Même avec l'aide d'un comité de soutien, elles ne pourront pas faire reconnaitre leurs pathologies.

Insupportable ! Le secret industriel s'oppose d'ailleurs à cette reconnaissance puisqu'il empêche d'avoir accès à la formule de la molécule en cause. La commission médicale lèvera cette difficulté.

Mme Catherine Conconne .  - Madame la Ministre, vous êtes une professionnelle, je vous ai vu à l'oeuvre pour le dossier du CHU de Martinique. Vous êtes une femme ouverte, sérieuse, rigoureuse et pleine d'initiative. Nous comptons sur votre solidarité.

Cette proposition de loi simplifie les procédures pour les victimes. En introduisant la présomption de causalité, elle facilitera l'accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Buzyn, ministre .  - Vous avez raison, Monsieur Lurel. Mon ministère a déjà saisi la Commission européenne sur le niveau des seuils dont la hausse nous étonne. Et l'usage des denrées non issues des circuits de distribution contrôlés doit faire l'objet d'une plus forte communication, afin que la population ait accès à une nourriture saine.

Les amendements nos11 rectifié bis et 12 rectifié bis ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Iacovelli, Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, MM. Duran et Vaugrenard, Mmes Espagnac, Taillé-Polian, Artigalas, Lepage et Féret, M. Manable, Mmes Monier et Conconne, MM. Roux et Daunis, Mme Harribey et MM. Assouline, Magner, Cabanel, Antiste, Marie et Daudigny.

Alinéa 5, seconde phrase

Après le mot :

santé

insérer les mots :

, des outre-mer

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

La commission peut procéder ou diligenter à toute expertise et investigation utiles. Les informations échangées au sein de la commission médicale sont confidentielles.

Mme Sophie Primas.  - La commission médicale doit disposer de la possibilité de procéder ou faire procéder à toute expertise et investigation utiles à l'examen du lien direct entre l'exposition aux produits phytopharmaceutiques et la pathologie alléguée.

Les données échangées au sein de la commission médicale doivent rester confidentielles pour préserver le secret médical ainsi que le secret industriel et commercial.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Le rôle de la commission médicale sera de recevoir les dossiers et de disposer des moyens d'établir la réalité du lien de causalité, en faisant ou faisant faire toutes les investigations et expertises nécessaires. Toutefois, c'est déjà écrit dans la proposition de loi. Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Sophie Primas.  - La deuxième phrase du dispositif est-elle également inutile ?

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Les informations sont évidemment confidentielles. C'est le droit commun.

Mme Sophie Primas.  - Je préfère que le secret industriel soit aussi couvert. Je maintiens mon amendement.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Ce sera l'objet d'un autre amendement...

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié ter, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Iacovelli, Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, MM. Duran et Vaugrenard, Mmes Espagnac, Taillé-Polian, Artigalas, Lepage et Féret, M. Manable, Mmes Monier et Conconne, MM. Roux et Daunis, Mme Harribey et MM. Assouline, Magner, Cabanel, Antiste, Marie et Daudigny.

I.  -  Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Au sein du fonds, une commission scientifique indépendante se prononce sur l'existence d'un lien direct entre l'utilisation du chlorde?cone et du paraquat et son incidence sur la pollution des sols et des rivières de Guadeloupe et de Martinique. Sa composition est arrêtée par les ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et des outre-mer. Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de cette commission ne peut être pris en charge par une personne publique.

II.  -  Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

...  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une contribution additionnelle à la contribution mentionnée à l'article L. 136 - 7 - 1 du code de la sécurité sociale.

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Victorin Lurel.  - Nous demandons la création d'une commission scientifique indépendante, j'ose le dire, pour contourner l'article 40 de la Constitution. Les lieux de pollution seraient ainsi mieux identifiés.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Il est très clair que le chlordécone et le paraquat sont des produits phytopharmaceutiques. Qu'ils ne soient plus utilisés ne gêne en rien leur qualification pour d'éventuelles procédures. Mais il faut distinguer la causalité individuelle de la causalité collective. Le tabac est un facteur de cancer du poumon, c'est une certitude. Mais à l'échelle d'un individu, on ne peut pas prouver scientifiquement que c'est la consommation de tabac qui a provoqué le cancer du poumon. C'est toute la différence entre justice et science. La certitude juridique ne nécessite d'ailleurs pas la certitude scientifique : un faisceau d'indices concordants suffit.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Au bénéfice des observations du rapporteur, je retire mon amendement.

L'amendement n°5 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et du secret industriel et commercial

Mme Sophie Primas.  - Je demandais ceinture et bretelles, voilà les bretelles sur les informations relevant du secret industriel et commercial.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Avis favorable, même si le secret industriel et commercial est protégé par les dispositions communes.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°14 rectifié est adopté.

L'article 3, ainsi modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Paul, Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 1, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

selon le barème d'indemnisation forfaitaire fixé pour chaque chef de préjudice prévu par décret

Mme Jacky Deromedi.  - Le barème d'indemnisation forfaitaire fixé pour chaque chef de préjudice prévu par décret assure l'égalité entre les victimes quant au montant des indemnisations accordées par le fonds.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Les procédures d'indemnisation doivent être communes et cohérentes. La commission a retenu une logique similaire à celle du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, par souci de simplification. Retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°15 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Paul, Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'indemnisation à la charge du fonds est minorée en cas d'utilisation non conforme des produits.

Mme Jacky Deromedi.  - L'offre présentée par le fonds doit tenir compte de la faute de la victime en cas d'utilisation non conforme des produits phytopharmaceutiques.

Cet amendement incite les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques à respecter les conditions d'utilisation pour éviter l'aggravation de leur état de santé.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Comment prouvera-t-on l'utilisation non conforme ? Quels sont les critères à prendre en compte ? Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°16 rectifié est retiré.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Paul, Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Supprimer cet article.

Mme Jacky Deromedi.  - Défendu.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Si on adopte votre amendement, on crée une difficulté supplémentaire et fait même courir le risque d'être exorbitant du droit commun puisqu'on ne saurait aliéner le droit d'une victime d'ester en justice. Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°17 rectifié est retiré.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Paul, Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa une phrase ainsi rédigée :

Le recours subrogatoire du fonds se fait dans les délais et les conditions de droit commun.

Mme Jacky Deromedi.  - Cet amendement prévoit les délais et les conditions du recours subrogatoire du fonds, à savoir ceux fixés par le droit commun.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Les règles du code de la sécurité sociale, de droit commun, s'appliqueront. Retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°18 rectifié est retiré.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

M. Victorin Lurel .  - Je continue mon travail pédagogique auprès de la ministre.

On peut consommer sans danger 200 microgrammes dans les circuits contrôlés. Mais quid dans les jardins, ou pour les ignames venues du Costa Rica ? Les contrôles aux frontières des phytosanitaires sont défaillants, il faut bien le dire, et le plan Écophyto ne fonctionne pas. (Mme Sophie Primas se récrie.)

Les crédits du plan chlordécone III, pas toujours consommés, sont en baisse ; or il faut constamment actualiser la cartographie, en Guadeloupe par exemple, où 80 % des sols sont paraît-il non pollués. Mais on a abandonné la recherche parce qu'il n'y a plus de crédits. C'est un plan Marshall pour le hors-sol qu'il faudrait !

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Paul, Chatillon et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette affectation n'est pas mise en oeuvre chaque année lorsque le fonds est suffisamment abondé.

Mme Jacky Deromedi.  - L'affectation d'une fraction du produit de la taxe annuelle n'apparaît pas nécessaire lorsque le fonds est suffisamment abondé pour indemniser les victimes.

Cet amendement prévoit la modulation de la fraction selon les besoins financiers du fonds.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Ce dispositif est efficace. Il faut maintenir le financement, de 4 millions d'euros. Le Parlement a prévu 6 millions d'euros. Le delta de 2 millions d'euros est nécessaire pour amorcer le fonds. Dans le FIVA, ce sont les cotisations employeurs qui l'abondent. Cet amendement n'est pas cohérent avec la démarche entreprise. Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°19 rectifié est retiré.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. Victorin Lurel .  - Certains dossiers sont en cassation ou devant la Cour de justice de l'Union européenne. Or les délais sont extrêmement longs.

Je sais que la justice est indépendante, mais il n'y a pas de miracle : il faut que les procureurs agissent. En Guadeloupe, nous avons financé l'association SOS environnement ; voilà huit ans que la procédure est en cours ! Festina lente...

Quel signal envoyons-nous aux populations ? Le profit n'est pas plus important que l'homme. Communions ensemble à cette religion-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Buzyn, ministre .  - La cartographie des sols pollués sera révisée cette année. Je souhaite en outre que les seuils européens soient revus à la baisse dans les mois qui viennent, idéalement pour toutes les denrées alimentaires.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. Gremillet, de Legge, Pillet, Magras et Savary, Mme Eustache-Brinio, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Huré, Chaize, Rapin et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier et Paul, Mme Primas, MM. Chatillon, Poniatowski et B. Fournier, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Paccaud, Danesi et Pointereau.

Alinéa 1

Après le mot :

annuel

insérer le mot :

anonymisé

Mme Sophie Primas.  - Cet amendement prévoit l'anonymisation du rapport afin de préserver la confidentialité du nom des victimes ainsi que le secret médical et le secret industriel.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Les dispositions réglementaires garantissent déjà la protection des données personnelles. Le fonds est ouvert aux agriculteurs atteints d'une maladie professionnelle pour réparation intégrale et non forfaitaire comme dans le régime des ATMP, choisi par les partenaires sociaux. La réparation intégrale pourrait être intégrée dans les tableaux forfaitaires. Quid des personnes qui ne sont pas redevables de ces tableaux, comme les enfants exposés in utero ?

Retrait ou avis défavorable, même s'il pose de bonnes questions.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Explications de vote

M. Maurice Antiste .  - Je suis heureux de ce débat et de la prise de conscience de la ministre. Madame, je crois en vous et en votre sincérité. On vous sent touchée, mais je comprends qu'appartenant au Gouvernement, vous ne puissiez vous engager davantage.

En revanche, vous ne savez pas comment la psychose est en train de s'installer dans notre territoire. Ce sera bientôt pire que le scandale du sang contaminé : ce sera le scandale de la vie contaminée !

J'appelle le Gouvernement à en faire le sujet du siècle. Nous, ultramarins, nous nous tenons à votre disposition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR ; M. Joël Labbé applaudit également.)

M. Guillaume Arnell .  - Le groupe RDSE se réjouit de ce débat qui confirme l'intérêt croissant du groupe pour ces sujets. Nous voulons bousculer l'inertie des pouvoirs publics. Je suis heureux d'avoir plaidé la cause des populations d'outre-mer. La machine est relancée, nous en sommes heureux. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. Patrick Kanner .  - (M. Victorin Lurel applaudit.) Madame la Ministre, j'ai été à votre place. Je connais le malaise procuré par l'écart entre conviction personnelle et solidarité gouvernementale.

Nos débats ont été émouvants - je pense à l'intervention de M. Jacquin - mais aussi techniques, grâce à M. Lurel.

Cette proposition est juste, argumentée, financée. Elle répare. Madame la Ministre, vous avez tenu votre place, mais je vous incite à entendre la voix de la Haute Assemblée.

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi. N'ayons pas autant de difficultés qu'avec l'amiante. Faites évoluer la position du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Joël Labbé applaudit également.)

M. Joël Labbé .  - Madame la Ministre, j'insiste sur la force de cette proposition de loi fort à propos. Notre pays a pris le leadership de la lutte contre le dérèglement climatique et nous en sommes fiers. En Europe - j'étais il y a peu à une grande manifestation à Berlin - nous sommes montrés en exemple pour les décisions prises en matière environnementale - lutte contre le dérèglement climatique, interdiction des pesticides dans les jardins publics et des néo-nicotinoïdes... C'est une véritable fierté.

Madame la Ministre, si vous avez vu le nombre de voix recueilli par chaque amendement, vous devez changer d'avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Guillaume Gontard .  - Merci aux auteurs de cette proposition de loi. J'ai une grande déception et une incompréhension vis-à-vis de la position de la ministre.

Non, nous ne pouvons pas attendre. Les malades, ceux qui se sont intoxiqués pour nous nourrir, ne peuvent pas attendre. Les preuves sont là, il faut réparer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Nicole Bonnefoy .  - Merci à la commission des affaires sociales, au rapporteur et à tous ceux qui soutiennent un texte dont la cause est juste. C'est l'honneur du Sénat.

En 2012, nous avons été courageux, responsables, sérieux, au sein de la mission commune d'information. Nous avons favorisé des évolutions importantes, telles que l'arrêt des épandages aériens et l'usage des produits phytopharmaceutiques dans les espaces publics. J'espère que cette proposition de loi sera adoptée à l'Assemblée nationale et je compte sur la ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et RDSE)

Mme Sophie Primas .  - Je m'associe aux propos de Mme Bonnefoy et M. Labbé. Nous pouvons être satisfaits des suites du rapport que nous avons cosigné. Le texte s'inscrit en effet dans une longue histoire de rapports, à laquelle a participé aussi M. Tandonnet, qui a quitté le Sénat. J'ai une pensée pour Paul François, extrêmement courageux, qui se bat pour lui-même et pour les autres. Mme Procaccia a également publié un rapport, très sérieux, sur le chlordécone : nous nous en sommes inspirés.

Je rends hommage aux institutions dans lesquelles Mme la ministre a travaillé précédemment, tel l'Institut national du cancer (INCa), organe précieux pour faire avancer la recherche scientifique, ainsi qu'à l'Anses qui résiste aux lobbies.

Le groupe Les Républicains observera une abstention positive. Le Sénat a joué son rôle ; au Gouvernement de jouer le sien : aller chercher les financements. Ce n'est pas aux agriculteurs de payer. Ce serait une double peine !

Mme Catherine Conconne .  - Notre conscience et ceux que nous défendons ne comprendraient pas que nous n'adoptions pas ce texte.

Merci, Madame Bonnefoy, pour ce travail courageux. Il est toujours extrêmement difficile de s'atteler à cette tâche. La Martinique et la Guadeloupe ont été les seules à se voir imposer un produit maudit, le chlordécone, interdit depuis vingt ans mais qui ne sortira jamais de l'environnement. Même les oeufs bio des poules élevées dans le jardin des mamies de nos territoires, restent impropres à la consommation à cause de ces produits que les poules trouvent dans notre sol ! Il faut voter haut la main cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, RDSE, CRCE et UC)

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Je suis ému de ce vote. C'est ce que l'on attend du Sénat. Nous nous sommes posé la question de légiférer ; nous avons répondu oui. Il ne faut pas répondre trop tard. Et il n'était pas trop tôt. Le Sénat a empoigné, affronté cette question et il avance aujourd'hui d'un nouveau pas. Des points mériteront certes d'être précisés. Je compte à présent sur la ministre. Nous devons apporter une réponse rigoureuse et évolutive aux problèmes de nos concitoyens.

Merci à tous. Nous resterons vigilants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, UC et Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - J'ai bien entendu le signal du Sénat sur cet enjeu de santé publique majeur. Je redis la volonté du Gouvernement de protéger la santé de nos concitoyens et d'accompagner les agriculteurs.

Avec Stéphane Travert à l'occasion des États généraux de l'alimentation, avec Nicolas Hulot, nous avons commencé à travailler. Un plan sur les produits phytopharmaceutiques sera bientôt soumis à concertation. Les enjeux majeurs sont l'amélioration des connaissances scientifiques, l'identification de produits de substitution. Les questions de santé et d'environnement sont prioritaires. Nul ne peut faire le procès au Gouvernement de ne pas en avoir pris la mesure. La France a été pionnière sur le glyphosate, et continuera à être pionnière sur tous ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Réforme de la caisse des Français de l'étranger

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la réforme de la Caisse des Français de l'étranger.

Discussion générale

M. Jean-Yves Leconte, auteur de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi a été corédigée avec l'ensemble des groupes du Sénat. La Caisse des Français de l'étranger (CFE) a été créée en 1984, pour assurer la solidarité avec les Français hors de France. Elle assure des remboursements d'actes réalisés dans l'ensemble du monde. Ses comptes doivent être équilibrés. Or, depuis les années quatre-vingt, l'expatriation a changé. De plus en plus de Français sont employés en contrat local et de moins en moins sont détachés par leur entreprise française. Le dispositif construit dans les années quatre-vingt n'est donc plus adapté, et les régimes privés labellisés se multiplient. Les pays d'accueil ont aussi changé. Ils exigent de plus en plus l'affiliation à un régime obligatoire local. Dans l'Union européenne, le régime de la CFE a été jugé discriminatoire. La CFE est donc ouverte aux ressortissants européens. Cette proposition de loi considère qu'un nombre plus important d'adhérents serait un gage de robustesse.

Quel est l'état des lieux ?

L'offre tarifaire est très complexe - plus de 500 tarifs -, les frais de gestion sont très élevés et le droit scinde les familles - les conjoints ne peuvent, par exemple, pas être affiliés, cas fréquent chez les jeunes couples. Les règles sont trop rigides. L'âge moyen des assurés de la CFE augmente de façon alarmante. Cela pourrait mettre en péril son équilibre futur.

Je salue le travail de M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Yves Daudigny. Notre idée générale est d'unifier les modes de calcul des cotisations pour les répartir en fonction de leur âge et de la nature de leur foyer. Les autorités consulaires pourraient décider de leur accès à des droits s'ils n'ont pas les revenus suffisants.

Depuis deux ans, la CFE a fait le maximum pour se moderniser mais elle ne peut aller plus loin sans modification législative. La proposition de loi initiale prévoyait une réforme de la gouvernance ; mais ce point ne faisant pas consensus et une réforme de la représentation des Français de l'étranger étant envisagé, nous y avons renoncé.

Dès lors que nous donnons plus de pouvoir et de flexibilité au conseil d'administration de la CFE, il faudra réformer sa gouvernance. En lui donnant plus de flexibilité, la CFE répondra mieux aux besoins des Français de l'étranger.

Je remercie notre rapporteur et tous les collègues ayant participé à l'élaboration de cette proposition de loi. Nous aurons encore besoin de vous, Madame la Ministre, pour la retraite des Français nés hors de France et pour étendre le bénéfice de la CFE aux Français exerçant un volontariat international. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Yves Daudigny, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Pour les connaisseurs de la sécurité sociale, la CFE est un objet de curiosité. Jean-Yves Leconte a exposé les motifs de réforme ; je présenterai brièvement les apports de la commission.

Afin de bien saisir les enjeux de ce texte et ses conséquences concrètes pour nos compatriotes établis à l'étranger, j'ai entendu les représentants des deux principales associations des Français de l'étranger, nos collègues Claudine Lepage, pour Français du monde-Association démocratique des Français à l'étranger, et Ronan Le Gleut, pour l'Union des Français de l'étranger-Monde. J'ai constaté une grande convergence de vues sur la nécessité de revoir l'offre tarifaire de la Caisse et d'améliorer la lisibilité de ses prestations.

La commission des affaires sociales a confirmé ses objectifs, dont l'atteinte passe par une plus grande souplesse donnée à la gouvernance de la Caisse. Celle-ci mène actuellement des expérimentations tarifaires généralisables. On passe d'une logique de catégories d'adhérents à une logique de risques couverts : la commission en a tiré les conséquences dans la composition du conseil d'administration.

La commission des affaires sociales a procédé à quelques ajustements sur les modifications de la composition du conseil d'administration, donc les conditions d'éligibilité, la parité dans la composition des listes, mais a limité les modifications du droit en vigueur sur la gouvernance. Un consensus peut être trouvé sur tous ces points. M. Jean-Baptiste Lemoyne commence les consultations cette semaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Olivier Cadic et Mme Jacky Deromedi applaudissent également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Cette proposition de loi réforme en profondeur la CFE, qui reste la sécurité sociale des Français de l'étranger. Elle modifie le fonctionnement et la gouvernance de la CFE. Référence ancienne, celle-ci intervient toutefois dans un contexte de pleine évolution. Selon une enquête, les trois-quarts des Français de l'étranger estiment important de garder le lien avec la sécurité sociale, et la moitié déclare que la sécurité sociale à la française leur manque à l'étranger.

Pour les quelque 1,8 million de Français inscrits au registre des Français de l'étranger, la continuité est garantie d'abord par les conventions bilatérales conclues par la France ; la CFE est un deuxième outil, qui pallie l'insuffisance de la couverture locale ou s'y substitue en cas d'absence de convention.

Mais ses prestations sont critiquées, car son régime date d'une tout autre époque. L'offre de santé est de plus en plus complexe et de moins en moins lisible. Les cotisations sont considérées comme trop élevées pour une couverture trop limitée.

Une offre plus lisible, une tarification plus raisonnable : après quarante ans, la CFE doit se moderniser pour s'adapter au nouveau visage de l'expatriation. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui emporte notre total soutien dans la rédaction issue des travaux de votre commission.

M. Guillaume Arnell .  - Nous abordons l'examen de cette proposition de loi dans un contexte de réforme de la représentation des Français de l'étranger. Ce texte arrive d'ailleurs, peut-être, trop tôt...

Son premier volet concerne l'offre tarifaire, le second la gouvernance de la Caisse.

Il faudra bien un jour tirer les conséquences de la loi de 2013 qui a réduit le corps électoral du conseil d'administration de la Caisse. Outre son élargissement, il faudra supprimer un degré d'élection, mais ce n'est pas à l'ordre du jour...

En 2015, la proposition de loi de Jean-Yves Leconte sur ce sujet avait été rejetée au motif qu'il fallait attendre les conclusions de l'IGF et de l'IGAS. Le rapport promis a été remis depuis : plus rien ne s'oppose au règlement de cette question - sinon des enjeux de pouvoir...

La réforme de l'offre tarifaire est préconisée depuis 2015, à la suite du rapport des inspections générales qui appelait à rénover la politique commerciale de la Caisse. La CFE proposerait plus de 600 tarifs ! Dans un contexte concurrentiel, il est essentiel d'améliorer la lisibilité de ces grilles. Le rapport pointait en outre l'incompatibilité avec les règles européennes, l'adhésion à la CFE ne pouvant être réservée aux seuls Français.

Je salue l'initiative de nos collègues socialistes, qui ont voulu faire évoluer la base législative.

Créée en 1984, la CFE, devenue un acteur majeur de la protection sociale à l'étranger, couvre plus de 200 000 personnes à travers le monde. Il était temps que notre assemblée s'en préoccupe. Je salue l'état d'esprit qui a présidé au passage d'une logique de catégorie d'adhérents à une logique de risques couverts.

Dans l'attente d'une vraie réforme de la gouvernance de la CFE, le groupe RDSE apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM)

Mme Jacky Deromedi .  - Merci au sénateur Cantegrit, qui a présidé le conseil d'administration de la CFE depuis son origine jusqu'en 2015 avec compétence et esprit d'initiative. Le conseil d'administration a été renouvelé en 2015 ; la présidence est assurée par Alain-Pierre Mignon.

La CFE transpose les catégories et règles de gestion de la sécurité sociale, avec la complexité que cela comporte. Longtemps, elle a accompagné le développement de nos entreprises à l'international et pris en charge un nombre croissant d'expatriés. En termes de risques couverts, son apogée a été atteint en 2014. En 2015, l'audit de la CFE a révélé une baisse du nombre d'assurés et un manque d'attractivité vis-à-vis des jeunes. D'où une menace sur son équilibre qui l'a conduite à proposer des mesures nouvelles.

La Caisse a souhaité lancer une réforme des cotisations, selon une logique tarifaire assise sur l'âge et la composition de la famille de l'assuré. Elle propose d'offrir deux types de produits : FranceExpat santé, qui prend en charge les soins en France, sachant que 50 % des remboursements sont liés à des soins en France, et une réforme du dispositif tarifaire en fonction de l'âge et de la composition de la famille qui permettra de prendre en charge les soins dans le monde entier. JeunExpat Santé, lancé en juin 2017, en est la première étape. Le dispositif de catégorie aidée serait renforcé.

La Caisse souhaite améliorer les garanties offertes et l'accès en tiers payant ; elle mène en Thaïlande une expérimentation de prise en charge en tiers payant des frais hospitaliers sur une base forfaitaire, en lien avec un partenaire disposant d'un réseau de soins. La loi lui permettra de conclure des partenariats complémentaires avec des acteurs privés ; elle donnera aussi à la CFE une certaine latitude pour adapter ses offres tarifaires et ses garanties. C'est un acte de confiance envers le conseil d'administration de la Caisse, dont l'action restera sous contrôle des pouvoirs publics.

Je remercie Jean-Yves Leconte d'avoir obtenu l'inscription à l'ordre du jour de ce texte et salue le travail de MM. Frassa et Le Gleut, ainsi que celui du rapporteur : le texte de la commission est une oeuvre collective et transpartisane. J'espère que le Gouvernement le soutiendra. Nous aurons ainsi fait oeuvre utile. (Applaudissements)

M. Richard Yung .  - Le texte reçoit un soutien transversal, et le président nous demande d'être brefs - mais il me faut tout de même montrer à mes électeurs que je travaille. (Sourires)

En 2015, la proposition de loi réformant la gouvernance de la CFE n'avait pas été adoptée. Je souhaite que celle-ci le soit, car la CFE est un outil précieux. Les évolutions récentes, accentuées par la crise, se traduisent par une baisse du nombre de salariés en contrat d'expatriation - le public historique de la Caisse - et une hausse du nombre de personnes recrutées sous contrat de droit local.

Depuis 2016, un vent de réforme souffle sur la Caisse : élection au conseil d'administration, changement de direction, modernisation de l'offre commerciale...

Les modalités de fixation des cotisations ont ainsi été modifiées pour les rendre moins onéreuses. Au 31 décembre 2016, la Caisse ne comptait que 100 000 adhérents pour 2,5 millions de Français résidant à l'étranger ! L'équilibre financier est en conséquence menacé. Il est donc temps de rééquilibrer la pyramide des âges et d'unifier la grille tarifaire en fonction des tranches d'âge et de la composition familiale.

Le système de prise en charge a vieilli : un remboursement sur la base tarifaire de l'AP-HP. Ce peut être trop, ou pas assez. L'hôpital Cedars-Sinaï de New York ne pratique pas les mêmes tarifs... Nous proposons un remboursement sur la base des frais réels.

Je regrette que les dispositions relatives à la gouvernance aient disparu mais je comprends les raisons du rapporteur : nous attendrons donc que la réflexion sur la représentation non parlementaire des Français de l'étranger aboutisse.

Le groupe LaREM soutiendra cet excellent texte. (Applaudissements)

Mme Laurence Cohen .  - La Caisse des Français de l'étranger a été conçue comme un prolongement de la sécurité sociale pour les expatriés ayant vocation à revenir en France. Son modèle est aujourd'hui en crise en raison de la désaffection pour les contrats d'expatriation et l'augmentation des contrats locaux, aux salaires plus faibles.

Cette proposition de loi simplifie un régime qui s'est beaucoup complexifié depuis sa création : 600 tarifs, c'est illisible. La Caisse a souffert d'une dégradation de son image, tout en subissant la concurrence des caisses étrangères. L'adhésion est donc élargie aux citoyens européens et nous nous en félicitons.

Le mode de calcul des cotisations est unifié ; c'est indispensable mais la cotisation forfaitaire en fonction de l'âge et de la composition familiale, modulable en fonction des ressources pour les plus bas revenus, est-elle vraiment plus lisible ?

Concernant les prestations remboursées, les expatriés doivent pouvoir connaître le niveau de prise en charge avant toute intervention ou consultation.

Enfin, la parité dans les listes est bienvenue.

Nous soutenons les objectifs de la proposition de loi : revitaliser la CFE et améliorer le service rendu aux adhérents. (Applaudissements)

M. Olivier Henno .  - Cette réforme, loin d'être anodine, concerne 200 000 personnes. La Cour des comptes appelait dès 2010 à une réforme de la gouvernance de la Caisse, dans un contexte de concurrence avec les assureurs privés, avant que l'IGF et l'IGAS ne fassent des propositions concrètes en 2015.

L'unification du mode de calcul apporte une clarification bienvenue, qui permettra à la CFE de se maintenir dans la compétition mondiale.

Le volet gouvernance n'est pas moins important mais les modifications se limitent à des adaptations dans l'attente d'une réforme de plus grande ampleur.

Je salue le travail de M. Daudigny sur ce texte que le groupe UC votera. (Applaudissements)

M. Claude Malhuret .  - À cette heure, la concision est préférable à l'éloquence...

Ce texte répond à une sollicitation du conseil d'administration de la CFE, dans un contexte d'évolution rapide de l'expatriation et du marché de l'assurance. Les attentes des Français de l'étranger ont changé et l'offre de la Caisse était restée trop complexe et peu adaptée à la population des jeunes expatriés.

Cette proposition de loi dépoussière un système en déshérence. Le réformer n'est pas une mince affaire, mais nous devons entendre l'appel de nos concitoyens expatriés qui demandent une adaptation du droit français à leur situation. Le Sénat a toujours été à leur écoute.

C'est une mesure courageuse et nécessaire que de simplifier drastiquement l'offre tarifaire et de définir la couverture en termes de pourcentage du coût des soins dans le pays d'expatriation : ainsi, la CFE ne sera plus captive de normes françaises déconnectées des tarifs pratiqués à l'étranger.

Enfin, dans un souci de respect du droit européen, la proposition de loi supprime la condition de nationalité pour adhérer à la Caisse. Celle-ci pratiquait déjà une tolérance vis-à-vis des nouveaux adhérents étrangers.

Il faudra réformer la gouvernance de la Caisse pour prendre en compte la loi de 2013 ; je regrette simplement que la référence au vote électronique ait été supprimée : nous devons relever le défi de la révolution numérique !

Le groupe Les Indépendants salue cette initiative qui apporte un vent de modernité et sera profitable aux Français expatriés. (Applaudissements)

Mme Claudine Lepage .  - Je me réjouis que le Sénat examine de nouveau un texte relatif à la protection sociale des Français de l'étranger.

Ce texte comporte deux volets complémentaires et indispensables pour adapter la Caisse aux évolutions de l'expatriation.

En simplifiant l'offre tarifaire, en supprimant la condition de nationalité et en adaptant les remboursements au coût des soins, cette proposition de loi fait oeuvre utile. Je regrette toutefois le double degré pour l'élection du conseil d'administration, système anachronique alors qu'il n'y a plus que 90 membres de l'Assemblée des Français de l'étranger pour 443 conseillers consulaires, mais je comprends les arguments du rapporteur et compte en conséquence sur le Gouvernement pour que la modernisation de la Caisse se traduise ultérieurement dans sa gouvernance, à travers une réflexion sur la représentation des assurés dans le conseil d'administration. (Applaudissements)

M. Ronan Le Gleut .  - La CFE a 40 ans : le bel âge - le mien ! mais aussi celui des remises en question.

Le texte de la commission a amélioré la mouture initiale, obsolète. Merci à nos collègues socialistes de l'avoir inscrit à l'ordre du jour, merci au rapporteur qui m'a entendu au nom de l'Union des Français de l'étranger (UFE).

Je rends hommage à Jean-Pierre Cantegrit, qui a beaucoup fait pour le rayonnement de la Caisse en présidant pendant quarante ans son conseil d'administration.

Ce modèle, qui transpose notre sécurité sociale à l'étranger, a trouvé ses limites : recul de l'expatriation classique, faible attractivité vis-à-vis des jeunes, grille tarifaire inadaptée, modalités de prise en charge peu lisibles, difficultés pour offrir le tiers-payant... C'est dans ce contexte que les élections de 2015 ont porté Alain-Pierre Mignon, un chef d'entreprise dynamique, à sa tête.

La modernisation de la grille tarifaire est une réelle simplification qui renforcera l'attractivité et la lisibilité. La proposition de loi donne au conseil d'administration la faculté d'adapter le dispositif tarifaire et les modalités de prise en charge pour coller aux besoins. Cette souplesse reste placée sous le contrôle des pouvoirs publics. La Caisse pourra notamment conclure des accords de partenariat avec des assureurs complémentaires. Les Français de l'étranger sont les mieux placés pour faire du parangonnage : faisons-leur confiance pour s'adapter et garder une Caisse performante et efficace.

Ne perdons pas un temps précieux en navette : je compte sur une entrée en vigueur rapide de ce texte. (Applaudissements)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Nos trois millions de compatriotes installés hors de France ont les mêmes besoins que nous - dont celui d'une continuité de la protection sociale après l'expatriation. La Caisse, elle, ne compte que 190 000 adhérents et peine à répondre aux besoins des assurés les plus vulnérables. D'où la création d'un nouveau système d'offre tarifaire pour remplacer l'ancien, trop complexe.

La mobilité internationale attire principalement nos compatriotes jeunes, dont les moyens ne leur permettent pas toujours d'adhérer à la CFE et dont les conjoints étrangers ne pouvaient prétendre à ses prestations. La suppression de la condition de nationalité est, à cet égard, bienvenue.

La simplification permettra à la CFE de baisser ses coûts de gestion, qui représentent 12 % des cotisations maladie, contre 2,7 % pour la CNAM... Cette baisse pourra être répercutée sur les cotisations.

Nous avons également obtenu des mesures sociales : suppression du montant minimal pour les cotisations dues par les retraités, couverture intégrale pour la maternité, plafonnement de l'augmentation des cotisations à 50 % sur dix ans.

Les améliorations proposées rendront plus efficaces les modalités de couverture, notamment pour ceux ne bénéficiant pas d'une protection dans leur pays d'accueil. Je vous invite donc à voter ce texte. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier A est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Olivier Cadic .  - En 2015, j'avais voté contre la proposition de loi réformant la gouvernance de la CFE, estimant qu'il fallait attendre les conclusions de l'IGAS. Le texte que nous examinons aujourd'hui est arrivé à maturité. Je suis ravi que la CFE ait été impliquée dans sa rédaction et que son président soit satisfait. Je salue le travail du rapporteur qui a su améliorer le projet initial pour aboutir à un consensus.

La CFE a mis un point d'honneur à équilibrer ses comptes en toutes circonstances, dans un contexte très concurrentiel. Rendons hommage à son ancien président, Jean-Pierre Cantegrit. C'est un outil précieux pour les Français de l'étranger et les entreprises qui ont besoin de couverture sociale pour leurs collaborateurs expatriés, qui soutiennent notre commerce extérieur.

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3, 4, 5 et 6.

Les articles 7 à 20 demeurent supprimés.

L'article 21 est adopté.

ARTICLE 22

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Le Gouvernement lève le gage, cet article n'a plus lieu d'être.

L'article 22 est supprimé.

Les articles 23 A, 23, 24 et 25 sont adoptés.

La proposition de loi est adoptée.

M. le président.  - C'est l'unanimité. (Applaudissements)

Prochaine séance, mardi 6 février 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 10.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mardi 6 février 2018

Séance publique

À 14 h 30

1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (n°203, 2017-2018).

Rapport de Mme Muriel Jourda, fait au nom de la commission des lois (n°262, 2017-2018).

Avis de M. Philippe Pemezec, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n°256, 2017-2018).

Avis de M. Claude Kern, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°257, 2017-2018).

Avis de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°258, 2017-2018).

Texte de la commission (n°263, 2017-2018).

À 16 h 45

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 17 h 45 et le soir

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (n°203, 2017-2018).