SÉANCE

du mardi 20 mars 2018

66e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-président

Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Avenir des services de santé au travail interentreprises

M. Philippe Mouiller .  - Ma question porte sur les préoccupations exprimées par les représentants des Services de Santé au Travail Interentreprises (SSTI). 250 SSTI regroupant 15 000 collaborateurs assurent le suivi d'environ 15 millions de salariés, sur l'ensemble du territoire national.

Depuis le 1er janvier 2017, le cadre juridique de l'activité des services de santé s'est modernisé. Si les dispositions législatives et règlementaires aménagent le suivi individuel de l'état de santé des salariés, elles ne modifient pas les missions confiées aux services de santé au travail qui consistent notamment à mener des actions de prévention en entreprise, à assurer la surveillance de l'état de santé des salariés et à participer au suivi et à la traçabilité des expositions professionnelles ainsi qu'à la veille sanitaire.

Toutefois, les représentants des SSTI craignent que la pérennité de ceux-ci ne soit menacée, compte tenu de la disparition progressive des médecins du travail qui risque de s'accélérer dans les cinq prochaines années.

Ils constatent que l'ensemble des SSTI subissent une démographie médicale défavorable, plus ou moins forte selon l'attractivité géographique du service. La moyenne d'âge des médecins du travail est élevée : environ 57 ans.

Par ailleurs, les facultés de médecine ne sont plus en capacité d'assurer la spécialité « médecine du travail » avec le départ des enseignants qui ne sont pas remplacés. Ainsi, les facultés de médecine de Poitiers, Tours et Nantes n'ont plus d'enseignants.

De plus, le nombre de postes ouverts en médecine du travail est en baisse significative : 138 postes en 2017.

Paradoxalement, on constate également que tous les postes proposés en médecine du travail ne sont pas pourvus : à l'examen classant national 2017, 39 postes ne l'ont pas été.

Ne pensez-vous pas qu'il soit urgent d'ouvrir des postes d'enseignants dans les facultés de médecine afin de permettre aux étudiants en médecine de s'orienter vers cette spécialité, de valoriser la spécialité « médecine du travail » qui est délaissée par les étudiants en médecine et de faciliter l'intégration des collaborateurs médecins dans les services de santé en réduisant la durée de formation à deux ans au lieu de quatre actuellement ?

Merci de me préciser les mesures que vous entendez prendre afin de répondre aux préoccupations et aux attentes des représentants des SSTI et du monde du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Cette question touche à la mission, essentielle, des services de santé au travail. Comme vous l'avez dit, le dispositif connait des problèmes, notamment pour recruter des médecins. Il vient néanmoins de bénéficier d'un cadre rénové permettant aux services de santé au travail d'agir plus efficacement en faveur de la prévention des risques professionnels et du maintien en emploi et d'assurer pleinement leur mission de protection des salariés.

Cette évolution répondra, je l'espère, aux sujets que vous évoquez. Néanmoins, la démographie et l'attractivité peuvent être la pierre d'achoppement de cette réforme. Aujourd'hui, la baisse des effectifs est réelle, et elle n'est pas due à la diminution du budget. En 2007, la profession comptait plus de 6 000 médecins, et 4 800 en 2016. La perte d'attractivité est donc réelle et continue. En outre, la pyramide des âges laisse penser à une aggravation de la situation dans les années à venir.

C'est le tout le sens du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) d'août 2017 sur l'attractivité et la formation des professions de santé au travail. Les recommandations qu'il contient alimenteront notamment les travaux de la mission que j'ai confiée avec ma collègue Agnès Buzyn, ministre de la santé et des solidarités, en novembre dernier à la députée Charlotte Lecocq, à Henri Forest et à Bruno Dupuis sur l'évolution du système de prévention des risques professionnels, au sein duquel les services de santé au travail occupent une place centrale. Les conclusions de cette mission sont attendues pour la fin du mois de mai prochain. Évidemment, nous vous en rendrons compte. Nous devons en effet savoir comment donner plus d'attractivité au système de santé au travail. Ce métier est mal connu et peu valorisé. Il faut donc repartir de la base. Rendez-vous fin mai pour examiner les propositions de ce rapport.

M. Philippe Mouiller.  - Merci. Nous attendons avec impatience les conclusions de ce rapport. C'est un chantier important, et il convient de redéfinir les missions. D'autres professionnels de santé pourraient ainsi participer à la mission de prévention qui nous mobilise.

Avenir des contrats aidés

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Ma question porte sur l'avenir des contrats aidés, au regard du rapport de M. Jean-Marc Borello qu'il vous a remis le 19 janvier.

Certes, on peut reprocher aux contrats aidés de n'avoir pas suffisamment joué leur rôle en matière de qualification ou de professionnalisation, mais il ne faudrait pas tomber dans l'excès inverse et réserver le nouveau dispositif exclusivement aux employeurs susceptibles d'être les plus performants. Le risque serait de poser un niveau d'exigence tel qu'il priverait les petites structures, notamment associatives, du recours à ces nouveaux « parcours emploi compétence ».

Si on ne peut que soutenir l'objectif d'accroissement des compétences, il ne faudrait pas oublier l'utilité sociale des contrats aidés qui ont souvent été une véritable bouffée d'oxygène pour des personnes très éloignées de l'emploi et menacées de désocialisation. Ces contrats sont une occasion de reprendre confiance, de se sentir utile aux autres.

Cet aspect a d'ailleurs été très bien rappelé par nos collègues Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner, dans le rapport d'information sur les contrats aidés remis en février dernier.

Cette vocation des contrats aidés s'est principalement exprimée dans le cadre de missions confiées par des associations, sans doute moins apprenantes que des structures plus importantes, mais qui auront apporté une réelle plus-value en matière d'insertion sociale.

Ces contrats aidés, en offrant aux associations des coûts du travail supportables, leur ont aussi permis de pérenniser certaines de leurs actions qui bénéficient à nombre de nos concitoyens et concourent au maintien de la cohésion sociale.

Aussi, j'appelle à la plus grande vigilance quant à l'éventuel processus de sélection des employeurs qui pourrait découler de la mise en oeuvre de cette proposition du rapport Borello. Elle ne pourrait se concevoir sans un accompagnement renforcé des petites structures leur permettant de satisfaire au triptyque « employer, former, accompagner ».

Enfin, je souligne le décalage persistant entre l'ambition affichée par le Gouvernement de lutter contre le chômage et les moyens alloués dès lors que le nombre de contrats budgétés sur 2018 reste inférieur de 100 000 à celui de 2017 et que l'aide financière publique pour ces parcours serait réduite de 75 à 50 %.

Je souhaiterais donc interpeller Mme la ministre sur plusieurs points : quelles suites seront données à ce rapport ? Si réforme il y a, quels en seront le calendrier et la méthode ? Quelles mesures concrètes seront mises en oeuvre pour préserver la capacité des structures associatives à s'inscrire dans les dispositifs d'accompagnement à l'insertion professionnelle ? Quels moyens seront réellement investis en matière d'inclusion économique et sociale des personnes les plus éloignées de l'emploi ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Le rapport « Donnons-nous les moyens de l'inclusion » de Jean-Marc Borello, repose sur un principe que le Gouvernement partage pleinement : nul n'est inemployable. Tout part de là. En revanche, il faut prévoir des conditions spécifiques, des paliers, des étapes, pour ceux qui sont les plus vulnérables et les plus éloignés de l'emploi.

De nombreux dispositifs existent d'ores et déjà - les écoles de la deuxième chance, les entreprises adaptées... - et les contrats aidés que nous avons remplacés par les parcours emplois-compétences.

Comment permettre aux plus vulnérables de trouver le chemin du travail ? Il faut du travail, de l'accompagnement très personnalisé et de la formation pour développer des compétences de savoir-être et de savoir-faire. Nous avons donc réorienté les contrats aidés car nous avons constaté que seul un sur quatre débouchait sur un emploi pérenne. Notre but est de parvenir à un taux d'insertion satisfaisant.

Comment financer le secteur associatif ? Le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires donnera des moyens supplémentaires aux associations. En outre, une large concertation sur la vie associative est engagée sous l'égide du ministre de l'éducation nationale car l'utilité du secteur associatif n'est plus à démontrer. Mais on ne peut régler cette question par des emplois précaires.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Merci, Madame la Ministre.

Situation des jeunes majeurs étrangers dans les centres de formation d'apprentis

M. Michel Savin .  - Je vous interpelle aujourd'hui sur la situation des jeunes étrangers suivant des formations dans les CFA au sein de certaines chambres de commerce et d'industrie, dans la perspective des projets de loi relatifs à l'asile, à l'immigration et à la réforme de l'apprentissage.

En effet, bien que motivés, ces jeunes qui signent des contrats d'apprentissage avec des entreprises au sein de ces instituts de formation, ne disposent souvent que d'un niveau très faible en français.

Cela engendre des difficultés évidentes, complique le travail des équipes pédagogiques, et ralentit les enseignements. Mais surtout, cela oblige les CFA à mettre en place des cours de français pour lesquels ils n'ont pas de financements particuliers.

Une crainte supplémentaire est la mise en danger de ces jeunes, en incapacité de lire et de comprendre les consignes de sécurité, aussi bien en entreprises que dans les CFA face à des machines et équipements dangereux pour eux ou leurs collègues de travail.

De plus, de nombreux jeunes suivent ces cursus d'apprentissage dans l'espoir de voir leur situation administrative se régulariser, instrumentalisant donc leur parcours d'apprentissage.

Enfin, il convient de noter que certaines entreprises peu scrupuleuses pourraient utiliser ces réseaux pour avoir accès à une main-d'oeuvre peu chère et peu regardante sur les conditions de travail.

Il est donc important d'accompagner spécifiquement ces jeunes, qui, dans ces conditions, n'ont quasiment aucune chance d'être diplômés, tandis que ce détournement de l'apprentissage déstabilise le système.

Il n'est pas question de fermer ces voies d'apprentissage à ces jeunes étrangers, mais bien de les aider et de les protéger.

Aussi, comment comptez-vous accompagner les centres de formations qui se retrouvent aujourd'hui en difficulté ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Les ressortissants de l'Union européenne sont éligibles dans les conditions de droit commun : il n'y a donc pas de problème.

Les primo-migrants n'ont pas accès durant la première année à l'apprentissage et aux contrats en alternance, sauf les jeunes mineurs isolés qui bénéficient de l'aide sociale à l'enfance. Lorsque ces jeunes arrivent sur le sol national en situation régulière, ils peuvent être sous statut scolaire ou étudiant, suivre une première année de formation professionnelle et ensuite conclure un contrat d'apprentissage.

Votre question porte sur les prérequis : dans le cadre de la réforme de l'apprentissage, que je vous présenterai dans quelques mois, nous avons prévu que les CFA pourront proposer un dispositif de base pour les jeunes étrangers, mais aussi pour certains jeunes Français qui manquent de repères.

Le programme expérimental « Hébergement, orientation, et parcours vers l'emploi » (HOPE) est très prometteur. Ce dispositif bénéficie aux demandeurs d'asile, aux réfugiés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et offre une formation approfondie en français et un enseignement qualifiant. Il est financé par les branches professionnelles et il porte sur les métiers en tension, ce qui permet de déboucher presque systématiquement sur un emploi. Ce dispositif vertueux concerne 660 stagiaires et devrait passer à 1 000 places.

M. Michel Savin.  - N'oublions pas qu'il y a aussi beaucoup de majeurs dans ces formations, parfois en France depuis plusieurs années. Il faut prévoir une année préparatoire pour maîtriser le français et un soutien particulier aux CFA, financier et humain.

Moyens alloués aux missions locales

Mme Agnès Canayer .  - Ma question porte sur les missions locales. L'universalisation de la garantie jeunes a considérablement modifié les conditions d'exercice des actions d'accompagnement vers l'emploi et la formation des missions locales. L'accès à la garantie jeunes de tous les NEET, de 16 à 25 ans, impose de multiplier les actions et d'intensifier l'accompagnement global afin de responsabiliser les publics qui cumulent de nombreux freins à l'emploi.

Malheureusement, les contraintes administratives et financières qui pèsent sur les missions locales sont de plus en plus nombreuses. La multiplication des justificatifs à fournir pour obtenir les financements, notamment européens, l'évolution permanente et peu concertée des objectifs fixés par les financeurs, l'utilisation d'un outil numérique I-milo peu didactique entravent au quotidien l'action des missions locales.

Ces contraintes obligent les conseillers à passer plus de temps pour accomplir les missions administratives qu'à accompagner les jeunes ou encore à tisser les liens avec les employeurs.

À l'heure où les réformes engagées en matière d'apprentissage, d'orientation et de formation visent à mieux répondre aux besoins d'emplois des territoires, les missions locales veulent être des acteurs efficaces, notamment celle que je préside au Havre, dans la réussite de l'accès du plus grand nombre de jeunes à ces dispositifs.

Au moment où se dessine le plan d'investissement dans les compétences et les parcours d'accès à l'emploi, une bonne adéquation entre l'offre et la demande est nécessaire.

Cependant, force est de constater que les incertitudes pèsent tant sur le financement que la place réservée aux missions locales. Elles ont besoin pour remplir leurs missions que les conférences des financeurs soient installées sur tous les territoires, à commencer par la Normandie, pour donner de la lisibilité aux attentes de chacun.

De même un outil informatique partagé et interactif avec les partenaires de l'emploi, notamment Pôle emploi, et de la formation permettrait de mieux accompagner les jeunes.

Le Gouvernement va-t-il donner aux missions locales les moyens pour remplir efficacement leur mission ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Je suis d'accord avec vous : les missions locales sont un maillon important du service public de l'emploi. Je les connais bien, d'autant que j'ai dirigé une des trois premières missions locales.

Nous devons relever un défi majeur : 1,3 million de jeunes ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi et le problème s'aggrave au fil du temps.

Nous devons donner à ces jeunes une qualification et un métier car il s'agit d'un drame humain, d'une perte économique et d'un risque social majeur.

Le Plan Investissement Compétences, doté de 15 milliards d'euros, est principalement ciblé sur les jeunes et sur les demandeurs d'emploi de longue durée : l'ambition est de former d'ici cinq ans un million de jeunes. Ils devront intégrer les savoir-être et les savoir-faire de base.

Les missions locales ont été créées pour développer une vision pluridisciplinaire qui portait tant sur l'emploi que sur les formations, la santé et la justice. Le risque serait que ces missions ne deviennent que des gestionnaires des dispositifs. La garantie jeunes leur a permis de renouer avec leur mission initiale : cette garantie semble être bien partie avec de bons taux d'insertion. Mais les missions doivent aussi aider les jeunes à entrer dans les écoles de la deuxième chance, les centres de l'Epide et les CFA.

S'agissant des contributions au budget des missions locales, je vous rappelle que la contribution de l'État a été reconduite, pour un montant de 206 millions d'euros. Je regrette que le Sénat n'ait pas voté les crédits de ma mission... Cette contribution permettra en particulier de pérenniser les postes des référents justice au sein des missions locales.

Enfin, s'agissant des aspects opérationnels, les outils numériques sont indispensables et les relations avec Pôle emploi doivent s'améliorer. Enfin, les missions locales doivent aller à la rencontre des jeunes et ne pas attendre que ces derniers poussent leurs portes. Certaines missions vont sur le terrain et c'est une bonne chose.

L'État finance environ la moitié du budget des missions et les collectivités l'autre moitié, mais nous devons poursuivre l'effort pour plus d'efficacité.

Mme Agnès Canayer.  - Je vois que la ministre est aussi passionnée que moi par le sujet. Il est nécessaire de faire évoluer la place des missions locales.

Situation du tribunal de Thonon et de la cour d'appel de Chambéry

Mme le président.  - Je renouvelle mes remerciements à Mme Pénicaud pour sa présence ce matin et je souhaite la bienvenue à Mme Belloubet, garde des sceaux et ministre de la justice.

M. Cyril Pellevat .  - En février 2017, j'avais alerté le garde des Sceaux du précédent gouvernement sur la situation du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, et attiré son attention sur les faibles moyens financiers et humains de ce tribunal submergé par son activité.

En effet, c'est surtout en matière d'effectifs humains que la situation est difficile. Le tribunal de grande instance de Thonon est en tête des tribunaux les plus démunis de France. Le rythme y est intense : de dix à quinze audiences par semaine. L'activité judiciaire est foisonnante, la juridiction thononaise étant la plus chargée du ressort de la cour d'appel de Chambéry et le principal pourvoyeur des affaires criminelles aux assises et de la maison d'arrêt de Bonneville.

En 2017, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains rendait 7 557 décisions de justice, contre 5 695 en 2016. Le volume de l'activité contentieuse de ce tribunal est le plus important du département, supérieur à celui du tribunal de grande instance d'Annecy et c'est celui qui connaît la plus forte croissance démographique. Le supprimer est une hérésie. Le territoire de la Haute-Savoie est un des plus attractifs de France. La population a augmenté de plus de 20 % en moins de dix ans.

II conviendrait de donner à ce tribunal davantage de moyens, pour une justice plus rapide et efficace. Comme vous le savez, nous avons craint la suppression de la cour d'appel de Chambéry. Pour certains habitants de Haute-Savoie, la suppression de cette cour d'appel aurait représenté un trajet de plus de deux heures puisqu'ils auraient dû désormais se rendre à Grenoble.

Que ce soit pour le TGI de Thonon ou pour la cour d'appel de Chambéry, une suppression conduirait à un désert judiciaire que nous ne pouvons pas accepter.

Plus de 250 avocats des cinq barreaux des deux Savoies ont fait grève le 15 février et j'étais à leurs côtés. En Haute-Savoie, la mobilisation des avocats du barreau de Thonon-les-Bains, du Léman et du Genevois fut grande.

Et c'est désormais les quinze barreaux de la Conférence des Bâtonniers de Rhône-Alpes qui, représentés par Mme le Bâtonnier Laurence Joly, ont décidé la semaine dernière la grève des désignations pénales à compter de cette semaine et pour une durée indéterminée. Ces grèves sont la conséquence du fait qu'aucune concertation n'a vu le jour.

À plusieurs reprises, vous nous avez assurés, Madame la Ministre, qu'aucune juridiction ne fermerait. L'avant-projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, que j'ai pu me procurer, semble en effet maintenir l'ensemble des tribunaux de grande instance et des cours d'appel existants. Mais la Chancellerie ne parle plus de juridiction départementale ou de proximité.

L'article 54 du projet de loi de programmation précise qu'une liste de TGI fixée par décret se verront attribuer des contentieux au civil et au pénal dont la liste sera aussi fixée par décret, ce qui ne nous rassure pas.

La départementalisation reste d'actualité et ce sont les TGI qui seront dépouillés de leur contentieux au profit des TGI départementaux.

Et même si vous ne les fermez pas, permettez-moi d'espérer que votre objectif n'est pas de les dévitaliser. Si tel n'est pas le cas, comptez-vous augmenter les moyens humains et financiers de ces juridictions ou prendre d'autres dispositions en leur faveur ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Vous estimez que la situation du tribunal de Thonon est très dégradée. Afin d'assurer le financement des juridictions, une circulaire de localisation des emplois est élaborée chaque année à l'issue d'un dialogue avec les chefs de cours, au vu de l'activité des juridictions. S'agissant du TGI de Thonon-les-Bains, les effectifs de greffiers s'élèvent à 51 personnes, toutes catégories confondues, et ces effectifs sont aujourd'hui au complet, tout comme les trois postes d'encadrement. Le nombre de magistrats, fixé à 22, est également respecté avec 6 magistrats au parquet et 16 au siège. Ces chiffres tiennent compte de l'activité soutenue du tribunal.

En l'état du dernier projet de nomination qui a été diffusé le 19 février et sous réserve de l'avis du CSM, deux postes au parquet et un poste au piège pourraient devenir vacants au 1er septembre. Les chefs de cours disposeront toutefois de magistrats placés au parquet et de trois magistrats placés au siège qui pourront déléguer provisoirement au sein des juridictions de leur ressort.

Les services de la Chancellerie demeureront particulièrement attentifs à la situation du TGI de Thonon et aux effectifs de la cour d'appel de Chambéry lors de l'élaboration de la liste des postes qui seront offerts aux auditeurs de justice de la promotion de 2016 qui sortiront au 1er septembre 2018 et qui prendront leurs fonctions à cette date-là.

Concernant la situation des cours d'appel, le Premier ministre et moi-même avons présenté le 9 mars nos axes pour la réforme de la justice. Nous avons rappelé une nouvelle fois que nous ne fermerons aucun lieu de justice et aucune juridiction. La cour d'appel de Chambéry continuera donc à statuer en appel, comme elle l'a toujours fait depuis le traité de Turin de 1860. En outre, aucun tribunal d'instance ne fermera, dans un souci de justice de proximité.

Plusieurs phases de consultation et de concertation sont engagées dans le chantier de la justice, je le rappelle.

M. Cyril Pellevat.  - Merci de ces réponses. Vous nous garantissez les effectifs, mais ils doivent progresser comme le nombre d'affaires.

Fermeture de la maternité de Creil

Mme le président.  - Je souhaite la bienvenue à Mme Buzyn, ministre de la santé.

Mme Laurence Rossignol .  - Je voudrais parler de la fermeture de la maternité de Creil et de sa fusion avec celle de Senlis. Les centres hospitaliers de Senlis et de Creil ont fusionné pour n'en former qu'un mais ces deux centres comportent chacun une maternité qui, pour Creil, de niveau 3, assume 1 700 accouchements par an, tandis que celle de Senlis, de niveau 2, en assume 1 900. Le directeur du centre hospitalier a annoncé il y a quelque temps la fusion de ces deux maternités en un seul grand établissement. Je n'ai pas pour habitude de défendre toutes les maternités, mais il faut prendre en compte la géographie humaine : le bassin creillois est pauvre, difficile, jeune, où 40 % de la population n'y a pas de moyen de transport autonome. Il n'y a aucun moyen de transport entre les maternités de Creil et Senlis. La décision de fermeture de la maternité est grave d'un point de vue sanitaire car un suivi proche et durable assure une bonne prise en charge des parturientes et des enfants. Je m'étonne aussi de l'absence de cohérence des politiques publiques et du cloisonnement de chacun des ministères. À Creil, la politique de la ville est active. Or cette maternité a une fonction sanitaire mais aussi démographique : elle garantit la mixité et la proximité dans le bassin creillois. Il faut que la politique de la ville ait du sens. Comment investir dans cette politique et détruire en même temps ce qu'elle essaye de réparer ? J'ai demandé un rendez-vous avec votre cabinet pour plaider la cause de cette maternité. Il n'est pas justifié de la fermer car elle est bien au-delà du seuil de 1 200 accouchements généralement pris en compte. Entre Senlis et Creil, le choix n'est pas positif pour Creil.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Le Groupe hospitalier public de l'Oise (GHPSO), établissement bi-site du sud de l'Oise, et établissement support du GHT Oise sud, dispose en effet de deux maternités, une sur le site de Creil de niveau 3 et une sur le site de Senlis de niveau 2A.

Le niveau d'activité est le suivant en 2017 : sur le site de Creil, plus de 1 400 accouchements et à Senlis, plus de 1 700 accouchements.

L'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique et néonatalogie sur les sites de Creil et Senlis et de réanimation néonatale sur le site de Creil a été renouvelée le 23 août 2017, à compter du 20 avril 2018 pour cinq ans, soit jusqu'au 19 avril 2023.

Le sud de l'Oise, bénéficie de deux autres maternités : une maternité de niveau 2B au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon (CHICN) et une maternité de niveau 1 à la polyclinique St Côme à Compiègne.

Vous parlez de fermeture mais il s'agit en réalité d'un projet d'unification. Le projet d'unification de la maternité, actuellement proposée sur les deux sites de Creil et de Senlis, est porté par la communauté médicale de l'établissement, qui soutient sans réserve cette unification.

Le projet consisterait à opérer un regroupement en un lieu unique de la maternité, de la néonatalogie et des blocs obstétricaux sur le site de Senlis, afin de rationaliser la permanence des soins, de répondre aux problématiques de démographie médicale et de renforcer l'attractivité des services.

Le suivi obstétrical pré et postnatal des femmes resterait par contre organisé sur les deux sites et répondrait à votre souci de proximité.

Le développement de nouvelles techniques innovantes pour la prise en charge de la douleur serait également possible sur le site de Senlis, comme l'hypnose ou l'accouchement baignoire.

Ce projet s'inscrit dans l'actualisation du projet médical de l'établissement qui vient d'être adressé à l'ARS Hauts-de-France, laquelle doit prochainement procéder à son instruction.

À l'inverse, d'autres activités médicales pourraient être transférées à Creil. Il s'agit donc bien de rationnaliser l'offre de soins.

Mme Laurence Rossignol.  - Non, le sud de l'Oise n'a pas trois maternités. Le site de Compiègne est au nord. Vous évoquez une unification et non une fermeture : le vocabulaire est moins douloureux mais il s'agit bien d'un transfert de la maternité de Creil à Senlis. On ne pourra plus accoucher à Creil.

Vous ne répondez pas à la question de la cohérence de la politique de la ville avec celle menée ici. Je rappelle que 40 % de la population n'a pas de moyens de transport.

Je n'ai enfin pas reçu la même opinion de la communauté médicale qui, dites-vous, porte ce projet.

Ce n'est pas une bonne décision, ni au point de vue sanitaire, ni au point de vue social, ni pour les femmes et les enfants.

Reconnaissance des maladies des dockers

M. Yannick Vaugrenard .  - Depuis maintenant dix ans, les dockers demandent la reconnaissance de leurs cancers comme maladie professionnelle. En effet, le travail de manutention portuaire entraîne des expositions à toutes sortes de produits toxiques, notamment parce que les dockers déchargent des marchandises venues de pays dont les normes de sécurité ne sont pas les mêmes qu'en France. Ils se retrouvent donc en contact avec des polluants, comme la silice des ciments, le coke du pétrole, les phosphates, les bois traités ou encore les émanations du charbon... II en résulte que nombre d'entre eux développent plusieurs cancers simultanément : larynx, poumon, thyroïde, rein ou encore prostate.

Une étude réalisée en 2014 par des sociologues et des scientifiques, connue sous le nom de « rapport Escales », a démontré une surmortalité par cancers des dockers. Ainsi, 53 % d'entre eux travaillant au sein du grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire seraient atteints de cancers ou décédés prématurément, les pathologies cancéreuses étant à l'origine de 67 % des décès.

Les travaux d'un médecin ont par ailleurs établi que l'espérance de vie des dockers était de dix ans inférieure à la moyenne des Français.

En dépit de ce constat dramatique, leurs pathologies ne sont toujours pas reconnues comme maladie professionnelle. En 2014, le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Nantes a reconnu le caractère professionnel des cancers des dockers, estimant que la multi-exposition aux poussières et à des produits toxiques et cancérigènes avait eu « un rôle causal direct et essentiel dans la survenance de ces pathologies ». Cette décision avait donc constitué un précédent fondamental pour les victimes et leurs familles.

Malgré tout, en février 2017, la cour d'appel de Rennes est, de façon surprenante, revenue sur ce jugement, estimant que la preuve du lien entre les maladies et le métier de docker n'était pas rapportée.

Il n'est pas acceptable que les dockers et leurs familles soient ainsi laissés dans l'expectative et la non-prise en charge de leurs maladies. L'État doit prendre ses responsabilités et permettre aux dockers d'être justement indemnisés de maladies, qui à l'évidence ont une origine professionnelle. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet de santé publique majeur ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - L'ouverture de conteneurs et le déchargement de marchandises exposent potentiellement les dockers à des substances dangereuses. L'évaluation des risques par les employeurs est donc primordiale.

En 2016, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a élaboré avec l'assurance maladie un guide intitulé « Ouvrir et dépoter un conteneur en sécurité ». Cela suppose d'informer et de former les salariés à la prévention.

Toutefois, l'exposition à ces substances peut générer des maladies professionnelles, dont des cancers.

Le caractère professionnel des maladies peut être reconnu dans le cadre des tableaux des maladies professionnelles ; la victime bénéficie alors d'une présomption de causalité. Si le salarié ne remplit pas toutes les conditions du tableau ou que la maladie n'y figure pas, un système complémentaire reposant sur une expertise médicale collégiale permet de faire reconnaître le lien entre l'exposition professionnelle et la pathologie et d'ouvrir des droits à prise en charge par la branche AT-MP.

En outre, la pré-retraite amiante a été étendue aux dockers en 2000.

Enfin, les anciens dockers peuvent bénéficier d'un suivi post-professionnel pris en charge par l'assurance maladie afin de dépister d'éventuelles pathologies.

M. Yannick Vaugrenard.  - Je ne suis pas satisfait de votre réponse. Les dockers en retraite n'ont pas bénéficié des mesures de prévention.

Les démarches administratives pour obtenir une prise en charge sont extrêmement technocratiques.

Les dockers ont une espérance de vie inférieure de 10 % à la moyenne nationale.

Le Gouvernement doit faire appel de la décision du tribunal de Rennes. Faut-il que nous nous tournions vers la Cour de justice ou la Cour européenne des droits de l'homme ? À Saint-Nazaire, 63 % des dockers sont atteints de maladies dues aux expositions. Faisons preuve d'un peu d'humanisme !

Situation du centre hospitalier de Valenciennes

M. Éric Bocquet .  - Avec Mme Gréaume, nous avons rencontré des professionnels de santé, des syndicalistes, des patients du Valenciennois. Tous ont dénoncé l'état sanitaire alarmant du territoire : 31 % de surmortalité par rapport à la moyenne nationale ! Triste palmarès, dû au passé industriel et minier et à la situation économique. Les malades consultent tard et les spécialistes manquent.

Plutôt que des politiques d'austérité, il faudrait un plan de rattrapage sanitaire qui s'attaque aux inégalités socio-économiques et insiste sur la prévention.

L'hôpital public a un rôle central. Je salue l'implication et l'opiniâtreté des professionnels du centre hospitalier de Valenciennes, qui refusent tout fatalisme. Ils nous ont fait part de leur souffrance. Ils craignent des fermetures de lits, d'établissements, de services, comme les urgences de Denain : le management, obnubilé par la rentabilité, traque la moindre dépense inutile. Ils sont dans le désarroi face à la dégradation de la qualité des soins malgré leurs efforts. Bref, la situation appelle des moyens d'ampleur et un véritable plan de rattrapage.

Mme Agnès Buzyn, ministre .  - Nous devons gérer une baisse de la démographie médicale qui n'a pas été anticipée par les gouvernements successifs.

Établissement polyvalent de recours pour le Hainaut et de proximité pour le Valenciennois, le centre hospitalier de Valenciennes fait preuve d'une maîtrise médico-économique depuis plusieurs années. Les exercices 2016 et 2017 se sont clôturés en excédent.

Il bénéficie d'aides à l'investissement à hauteur de 10 millions d'euros, dont 800 000 euros pour la réorganisation de la psychiatrie.

Le nombre d'ETP a augmenté de 6 % pour le personnel paramédical et de 10 % pour le personnel médical.

Le nombre de lits de médecine et de chirurgie a augmenté, en hospitalisation et en ambulatoire ; il est stable en psychiatrie, en obstétrique ou en soins de longue durée.

Pour améliorer l'accès aux soins, pas de réponse miracle mais un panel de solutions. L'accès aux soins ne repose pas que sur l'installation mais sur la coordination entre les professionnels de santé d'un territoire.

Un programme d'investissement de 400 millions d'euros est en cours, ainsi que 200 millions d'euros d'aides conventionnelles pour les professionnels en zone sous-dense. Nous facilitons aussi le cumul emploi-retraite. Notre stratégie de transformation du système de santé viendra conforter nos actions. Qualité, pertinence, accès équitable aux soins sont nos boussoles.

M. Éric Bocquet.  - Il faut accélérer la cadence pour prendre en compte la situation particulière d'un arrondissement sinistré. La prévention commence à l'école - or la médecine scolaire manque de moyens. L'académie de Lille dispose de 80 postes, dont 40 ne sont pas pourvus !

Autre volet, la santé au travail, sur un territoire encore très industriel. Faute de revalorisation de la médecine du travail, trop peu attractive, on ne comptera plus que 2 500 médecins du travail en 2020, pour 17 millions de salariés ! J'y reviendrai dans une question écrite.

Déserts médicaux

M. Pierre Médevielle .  - Vous l'avez dit, Madame la Ministre : vos prédécesseurs n'ont pas anticipé la crise sanitaire. Les Pyrénéens étant têtus, je vous interpelle à nouveau sur ce sujet.

Le Gouvernement propose quatre axes de travail : redonner du temps médical au soignant, accompagner la révolution numérique, coordonner les professionnels de santé entre eux, enfin, favoriser la confiance et le dialogue au niveau de chaque territoire.

Mais ce plan ne répond pas à l'urgence. Plus de trois millions de personnes peinent à trouver un généraliste. Ces derniers ne peuvent répondre à la demande et sont épuisés par les cadences. La création des seules maisons de santé ne suffit pas.

À Saint-Gaudens, en Haute-Garonne, on comptait 28 généralistes pour 14 000 habitants en 2000 ; ils sont quinze aujourd'hui et seront huit en 2020...

L'installation équilibrée des généralistes sur l'ensemble du territoire protégerait les plus vulnérables, libérerait les établissements de soins et garantirait un égal accès aux soins. La régulation, qui n'est pas la coercition, a prouvé son efficacité dans le maillage territorial de plusieurs professions libérales ; les syndicats de généralistes y sont de moins en moins hostiles.

Face aux légitimes inquiétudes des professionnels de santé, des élus locaux et de la population, quelles mesures d'urgence entendez-vous mettre en oeuvre pour favoriser l'installation des médecins libéraux dans ces zones en souffrance ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La répartition inégale des professionnels de santé n'explique qu'en partie les disparités entre territoires : il y a aussi des disparités de pratique. La solution ne viendra pas d'une mesure unique comme le conventionnement territorial, qui n'a pas fonctionné en Allemagne ni au Canada, mais d'un ensemble d'outils innovants, souples, adaptés au niveau local.

Le niveau d'inégalité dans la répartition des médecins est semblable à ce qu'il était en 1983. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la répartition des médecins est aussi homogène que celle des pharmaciens, dont l'installation est pourtant régulée.

Le problème tient aux territoires où l'offre de soins est insuffisante pour répondre à la demande.

Nous accélérons les transferts de compétences, les délégations de tâches, la mise en réseau de l'offre, nous redonnons du temps médical aux médecins. Chaque territoire est différent. Notre plan s'appuie avant tout sur la coopération entre les professionnels de santé. Les ARS animent des réunions de concertation avec les élus locaux.

Plutôt que la coercition, adoptons une vision d'ensemble stratégique. Près de 84 postes d'assistants partagés ont été créés dans votre région et 70 sont attendus à compter de novembre 2018.

Il nous faut améliorer les parcours de prise en charge pour améliorer durablement notre système de santé.

M. Pierre Médevielle.  - La pluridisciplinarité a progressé, certes, mais cela ne suffit pas, et la vision de l'ARS reste par trop administrative. Les postes d'assistants partagés sont concentrés sur l'hôpital, c'est dommage...

Je sais que les médecins supportent mal les contraintes, mais déjà, les généralistes ne sont plus en mesure d'assurer les gardes... Si les pharmacies disparaissent à leur tour, quelle solution restera-t-il ? Elles se retrouvent déjà à dispenser des médicaments sans ordonnance, faute de médecins... Pensons aussi aux médecins retraités qui exercent, de 6 heures à 22 heures, -  trois dans mon département - et qui cotisent toujours !

Examen du permis de conduire dans le Val-de-Marne

Mme Catherine Procaccia .  - La longueur des délais pour la présentation à l'examen du permis de conduire est un fléau pour les auto-écoles et pour les jeunes du Val-de-Marne.

Depuis 2010, les professionnels du secteur s'inquiètent de cet allongement. Le préfet du Val-de-Marne avait alors fait appel à des inspecteurs d'autres départements pour débloquer la situation.

Les problèmes persistent malgré la réforme du permis de conduire. Le délai moyen entre la fin de la formation pratique et l'examen varie de quelques semaines d'attente à deux mois ; dans le Val-de-Marne, il peut dépasser les quatre mois !

Les professionnels déplorent aussi les dysfonctionnements du site Internet de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et l'absence d'interlocuteurs dédiés à la télé-procédure.

Cette situation pénalise les élèves, contraints de reprendre des leçons pour conserver leurs acquis.

Le permis de conduire est particulièrement important dans un département où les transports en commun sont insuffisants. Comment comptez-vous désengorger le passage de l'examen du permis de conduire dans le Val-de-Marne et favoriser durablement des délais raisonnables ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - En 2014, le délai moyen avait atteint 93 jours au plan national et 159 jours en région parisienne. Une réforme a donc été engagée : recentrage des activités des inspecteurs sur l'examen pratique, recours à la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police pour les épreuves théoriques, création d'un treizième examen à l'agenda des examinateurs, mise à disposition de trente-trois agents de La Poste - dont quatre dans le Val-de-Marne. La loi du 6 août 2015 a externalisé l'organisation de l'examen théorique.

Grâce à ces mesures, le délai d'attente moyen est passé de 93 jours en 2014 à 63 en 2017 au plan national et, dans le Val-de-Marne, de 159 à 85 jours - baisse des plus spectaculaires.

Cependant, le délai est reparti à la hausse l'été dernier en raison du départ d'agents et de la légère baisse du taux de réussite à l'examen. La Délégation à la sécurité routière soutient le département en lui apportant le concours d'inspecteurs d'autres départements, via la réserve nationale. Les anomalies initiales dans les téléprocédures ont été corrigées, la profession le reconnaît. La situation s'est donc nettement améliorée.

Mme Catherine Procaccia.  - Heureusement ! La moyenne est de 63 jours, contre 39 au niveau national, pour un département d'1,3 million d'habitants. Il manque des agents, et le recours à la réserve ne suffit pas. Au ministère de faire en sorte que la préfecture ait les moyens de résorber les retards !

Je me réjouis que les problèmes de téléprocédure aient été réglés depuis le dépôt de ma question, mais le Val-de-Marne ne doit plus être à la traîne. Ne compliquons pas encore la vie des habitants !

Élus municipaux en arrêt maladie

Mme Françoise Gatel .  - Jamais je n'aurais pensé poser une question aussi incongrue. Deux maires adjoints d'une commune du Morbihan sont sous la menace de poursuites de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) à cause d'un paiement d'indemnités journalières considéré comme indu : on leur demande de rembourser, pour l'un 8 000 euros, pour l'autre 15 000 euros, perçus au titre d'un arrêt de travail indemnisé, pendant lequel ils ont continué à exercer leur mandat. Malgré la maladie, ils ont en effet assumé leur fonction d'adjoint, qui ne constitue en rien un travail salarié. Il est d'ailleurs interdit à un salarié d'une collectivité d'en être élu...

La décision de la CPAM constitue une atteinte à la liberté de la fonction d'élu local et un coup porté à cet engagement à l'heure où il est peu valorisé. C'est une situation étonnante et très injuste.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La protection des élus face au risque maladie a été renforcée par la loi de financement de la sécurité sociale de décembre 2012 qui les affilie au régime général. L'indemnité journalière perçue au titre du mandat peut être cumulée avec celle qui est perçue au titre de l'activité professionnelle, mais il faut alors se soumettre à un contrôle et s'abstenir de toute activité non autorisée par le médecin. Si l'exercice du mandat électoral n'a pas été autorisé expressément, le remboursement peut être exigé.

Dans le Loir-et-Cher, j'ai eu connaissance de cette situation concernant un élu de Blois à qui la CPAM réclamait 30 000 euros... Ces élus, de bonne foi, se retrouvent coincés parce qu'ils se sont rendus à une réunion...

Ces situations résultent d'une méconnaissance des dispositions pourtant précisées dans le guide de l'élu local mis en ligne par l'Association des maires de France. Je transmettrai votre interpellation à la ministre de la santé.

Mme Françoise Gatel.  - Merci. Ce sujet a déjà fait l'objet d'une question écrite. Les services de l'État semblent embarrassés.

Vous l'avez dit, les élus ne savent pas que l'exercice de leur mandat doit être autorisé par le médecin, mais les médecins ne le savent pas non plus !

Dès lors qu'un salarié d'une collectivité ne peut être élu de celle-ci, pourquoi son activité d'élu fait-elle l'objet de cotisations sociales ? Il faudrait revaloriser l'engagement des élus locaux. (MM. Claude Kern et Pierre Médevielle approuvent.)

Refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en Charente

Mme Nicole Bonnefoy .  - Les arrêtés interministériels des 27 septembre et 24 octobre 2017 ont refusé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à près de soixante communes de Charente, malgré les mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Cette décision prive les sinistrés de la garantie et de l'indemnisation des dommages matériels.

L'état de catastrophe naturelle constate en théorie l'intensité anormale d'un agent naturel. En pratique, la procédure repose sur le modèle « Safran-Isba-Modcou » (SIM), développé par Météo France. L'examen des demandes se fonde essentiellement sur la comparaison entre les résultats de cette simulation et des critères fixés discrétionnairement, non sur des observations et des analyses in situ.

Or aucune disposition réglementaire ne met en oeuvre l'article L. 125-1 du code des assurances, situation dénoncée dans le rapport d'information du Sénat du 14 octobre 2009 qui demandait une traduction normative et une présentation accessible des critères et seuils retenus.

Le Conseil d'État a d'ailleurs annulé un arrêté de refus dans la mesure où l'administration fait application de critères non prévus par les textes et qui ne sont donc pas opposable aux administrés.

Les résultats du modèle utilisé ont conclu à l'absence d'intensité anormale de l'événement climatique de l'été 2016 en Charente, alors que la sécheresse avait été plus sévère que celles de 2003 et 2013 qui avaient, elles, donné lieu à une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle...

Je vous demande de réexaminer la situation de chacune de ces communes charentaises pour leur accorder le bénéfice de l'état de catastrophe au titre de 2016.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La commission interministérielle se prononce sur l'intensité anormale de l'agent naturel à l'origine des dégâts - et non sur l'ampleur de ces dégâts -, sur la base de deux critères.

L'un, géotechnique, mesuré par la sensibilité au phénomène de retrait-gonflement des sols, est rempli en l'espèce du fait du caractère argileux du sol charentais.

L'autre est climatologique. L'état de sécheresse des sols a été apprécié grâce à une analyse sur une longue période conduite par Météo France. Or l'intensité de l'épisode de sécheresse de 2016 n'a pas été jugée anormale. En tout, 970 communes se sont vu reconnaître l'état de catastrophe naturelle, sur 2 500 demandes.

La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, prévue aux articles L. 125-1 et suivants du code des assurances, n'a, il est vrai, pas donné lieu à dispositions réglementaires ; nous réfléchissons à une déclinaison du cadre législatif.

Enfin, les communes et les administrés sont systématiquement informés des motivations des décisions prises, publiées au Journal officiel. Nous travaillons à les rendre plus accessibles et nos services sont à la disposition des collectivités pour les accompagner dans la constitution des dossiers.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Je regrette la décision de ne pas revenir sur le dossier charentais, qui laisse de nombreux particuliers dans le désarroi. Ils attendaient une révision sur la base d'éléments plus concrets que des simulations. Constitués en association, ils poursuivent leur combat.

Déconstruction des barrages sur la Sélune

M. Jean Bizet .  - Le 14 novembre 2017, M. Nicolas Hulot a décidé d'engager la restauration de la biodiversité de la vallée de la Sélune. Cette annonce a mis un terme à plusieurs années d'incertitude : l'État a clarifié sa position vis-à-vis du respect de nos engagements européens, ce qui n'est pas neutre puisqu'il s'agit d'appliquer deux directives majeures - celle sur la circulation des poissons migrateurs, et par rapport aux élus. En reprenant les conclusions du conseil général de l'environnement et du développement durable, le Gouvernement a renoué le lien entre l'analyse de l'administration et la décision politique pour conduire un projet qui se veut exemplaire tant sur le plan environnemental qu'européen. A également été confirmé l'accompagnement financier de l'agence de l'eau Seine-Normandie pour les travaux d'arasement et de renaturation.

Pour autant, la presse locale se fait régulièrement l'écho de projets portés par Valorem et l'association « Écologie normande » qui troublent nos concitoyens. Leur caractère économiquement irréaliste nourrit la désinformation. Monsieur le Ministre, ces projets sont-ils crédibles ? Les cautionnez-vous ? J'en doute fort...

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement a décidé de restaurer la continuité écologique sur la vallée de la Sélune, dont le caractère est unique en Europe - M. Bizet le sait mieux que quiconque. L'objectif est d'ouvrir 90 km de cours d'eau à la reconquête de la biodiversité, laquelle se traduira par le retour naturel d'espèces aquatiques emblématiques comme le saumon de l'Atlantique ou l'anguille européenne. Cela nécessite l'arasement de deux barrages : celui de Vezins sera démantelé avant la fin de l'année 2019, puis viendra celui de la Roche-Qui-Boit. Ces ouvrages ne présentent pas de perspectives de production d'électricité dans des conditions économiquement rentables. Le projet Valorem n'a, ainsi, pas été retenu. Cette décision, qui ne met nullement en cause le soutien du Gouvernement à l'hydroélectricité, témoigne de notre volonté de concilier une politique ambitieuse de développement des énergies renouvelables avec une protection exigeante de la biodiversité.

M. Jean Bizet.  - Je vous remercie sincèrement pour la clarté de vos propos. La Sélune, deuxième rivière à saumons de France, se jette dans la baie du Mont-Saint-Michel, classée au patrimoine de l'Unesco. Il est bon que la reconquête de la biodiversité l'emporte largement sur des projets économiques non viables. J'en profite pour attirer votre attention sur la base de loisirs La Mazure, dédiée au tourisme social ; elle mériterait d'être reconvertie en base scientifique.

Chantier de la ligne 14

Mme Catherine Dumas .  - En dépit des nombreuses demandes du maire du XVIIe arrondissement, M. Geoffroy Boulard, la RATP a unilatéralement annoncé, le 18 décembre 2017, que le chantier de la future station « Porte de Clichy » sur la ligne 14 serait une nouvelle fois retardé, jusqu'à l'été 2020. C'est une perspective calamiteuse pour les usagers de la ligne 13, déjà saturée à plus de 25 % de ses capacités, ainsi que pour les habitants, les commerçants et les salariés du quartier Clichy-Batignolles. Et que dire des 9 000 professionnels et justiciables qui fréquenteront le nouveau palais de justice de Paris ? Des mesures compensatoires viables et efficaces doivent être prises rapidement pour éviter que les usagers et les riverains ne subissent une nouvelle fois la mauvaise coordination des travaux.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je vous prie d'excuser l'absence d'Élisabeth Borne. Les travaux de prolongement de la ligne 14 ont débuté mi-2014, pour une mise en service envisagée à l'été 2019.

Des venues d'eau à travers les parois moulées, provenant de la nappe phréatique, ont été constatées en juin et décembre 2016 sur le chantier de la future station « Porte de Clichy ». Après des opérations de colmatage et d'étanchéification ainsi que des actions de pompage, les travaux de creusement du tunnel ont redémarré fin juin 2017.

La RATP a travaillé à la réorganisation générale du chantier, elle a arrêté avec les entreprises des mesures d'accélération. Grâce à ces efforts, les effets de cet incident ont été limités. Cela explique les retards annoncés - la mise en service est dorénavant prévue à présent à l'été 2020.

La RATP a annoncé des mesures d'accompagnement : de nouvelles lignes de bus, comme celle reliant depuis octobre 2017 la gare Saint-Lazare à la porte de Clichy, le renfort des lignes existantes ou encore le prolongement du tramway T3, fin 2018, entre la porte de la Chapelle et la porte d'Asnières.

Mme Catherine Dumas.  - L'État doit s'engager à travers une opération d'intérêt national, ce sera le meilleur rempart pour prévenir un nouveau report de ce chantier que nous ne pouvons pas envisager.

Gestion des grands ports maritimes français

Mme Nathalie Delattre .  - Quel avenir pour les grands ports maritimes français ? Depuis la réforme portuaire d'octobre 2008, ce statut regroupe des ports à vocation internationale et des ports plutôt nationaux. Pour les seconds, le Premier ministre, lors des Assises de l'économie de la mer le 22 novembre 2017, s'est prononcé pour une plus grande implication des collectivités.

Les grands ports maritimes sont les derniers ports à conserver le statut d'établissements publics placés sous la responsabilité de l'État. Grâce à l'article 22 de la loi NOTRe, tous les autres ont été décentralisés. Dans un rapport du 8 mars 2016, la Cour des comptes a rappelé l'urgence qu'il y avait à trancher la question de la gestion des grands ports maritimes. Elle a montré que les difficultés financières du port de Bordeaux, éclaté sur sept sites, découlaient d'un manque de vision stratégique territorialisée.

Vecteur d'identité régionale, le port est aussi un outil d'aménagement territorial et de développement économique. En transférant la compétence portuaire à la région, l'État faciliterait l'intégration des partenaires économiques et industriels irriguant jusqu'à l'hinterland. Il y resterait un acteur central pour l'accomplissement des missions régaliennes liées à la sécurité maritime et au contrôle des flux, ainsi que pour sa compétence en matière de dragage, en particulier dans l'estuaire de la Gironde.

Le problème sera-t-il réglé dans le projet de loi relatif aux mobilités annoncé pour avril 2018 ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Vous avez rappelé l'engagement que le Premier ministre a réaffirmé en novembre dernier pour la compétitivité et l'attractivité de nos ports.

Cette stratégie passe par la transformation du modèle économique des ports mais aussi par la recherche de la complémentarité entre eux. Ce qui conduit à repenser leur gouvernance. Deux cas de figure se dessinent. En métropole, trois systèmes portuaires, parce qu'ils sont à vocation internationale, ont vocation à rester dans le giron de l'État : l'axe Seine - Le Havre, Rouen, Paris, Marseille et Dunkerque. L'avenir des autres grands ports maritimes, ceux de la grande façade atlantique par exemple, fera l'objet d'une concertation, en particulier celui de Bordeaux. Le projet de loi à venir apportera des précisions.

Mme Nathalie Delattre.  - Il y a urgence. La Cour des comptes, dans son bilan de 2017, a souligné que la réforme de 2008 n'avait pas porté ses fruits. L'État doit tenir ses engagements, notamment en matière de dragage qu'il ne finance qu'à 50 % - or, pour les ports de Nantes, Saint-Nazaire et Bordeaux, cela représente le tiers du budget.

Réintroduction de l'ours dans les Pyrénées béarnaises

Mme Denise Saint-Pé .  - La réintroduction d'ours dans les Pyrénées béarnaises suscite des inquiétudes légitimes. Les attaques de troupeaux, avec des pertes pouvant s'élever à 10 %, représentent un sérieux danger pour le pastoralisme, activité économique majeure et clé de voûte de l'organisation sociale et économique des montagnes dans le Haut-Béarn.

Le nombre d'animaux qui transhument dans le département des Pyrénées-Atlantiques représente la moitié du cheptel de l'ensemble des Pyrénées. Les troupeaux participent à l'entretien des espaces, la qualité des paysages et à la biodiversité.

Le Gouvernement peut-il revenir sur les raisons de ce projet ? Quelle sera la concertation avec les élus et les forces vives de ce territoire ? Quels moyens l'État mettra-t-il en oeuvre pour prévenir les dommages et indemniser les pertes ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - L'ours est une espèce strictement protégée sur les plans international, européen et français. Après l'expertise collective réalisée en 2013 par le Museum d'histoire naturelle, la France devait intervenir pour tenir ses engagements - vous savez combien la Commission européenne veille.

La concertation est effectivement au coeur de la stratégie de l'État. Nicolas Hulot a demandé au préfet des Pyrénées-Atlantiques de l'organiser pour identifier les mesures d'accompagnement nécessaires à la réintroduction de deux ours ; le préfet de l'Ariège, lui, engagera une concertation sur les besoins du pastoralisme sur la base de l'audit réalisé conjointement par le conseil général de l'environnement et du développement durable et le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. Les barèmes d'indemnisation des dommages dus aux grands prédateurs seront harmonisés pour mieux tenir compte des attaques d'ours. Madame la sénatrice, nous sommes preneurs de vos retours sur la concertation.

Mme Denise Saint-Pé.  - Cette concertation est nécessaire pour favoriser l'acceptabilité de ces mesures mais aussi pour informer et accompagner les éleveurs touchés par cette réintroduction. Nous serons vigilants.

Contrôles d'identité des passagers aériens

M. Jean-Yves Leconte .  - Ma question s'adressait au ministre de l'intérieur, elle a été renvoyée au ministre des transports. Air France, depuis le 22 janvier, ne contrôle plus l'identité de ses voyageurs à la porte d'embarquement pour les vols en France et à l'intérieur de l'espace Schengen. Idem pour ses filiales Hop ! et Transavia. Cette mesure inquiète, à juste titre, le syndicat des pilotes d'Air France dont le président a déclaré sur une antenne de radio : « avec cette mesure, vous pouvez avoir un passager dans l'avion qui a fait acheter son billet par quelqu'un d'autre pour de mauvaises raisons ». Pour sa part, Air France indique que les mesures de vérification ne sont plus justifiées dès lors que l'état d'urgence a été levé le 1er novembre 2017.

Or la France s'est équipée afin d'exploiter les données de réservation ou PNR pour « Passenger Name Record » ainsi que les données d'enregistrement ou API pour « Advanced Passenger Information ». Elle a également joué un rôle important pour obtenir la mise en place d'un PNR européen, auquel peuvent accéder les services de renseignement. Nous avons mis en place un PNR national. Si l'on ne procède plus au contrôle de l'identité des passagers, à quoi cela aura-t-il servi ? Tout individu pourra faire acheter son billet par un tiers et disposer d'une carte d'embarquement sous une autre identité que la sienne.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Cette question relève de la compétence conjointe des ministres de l'intérieur et des transports, je vous apporterai donc une réponse conjointe. La lutte contre le terrorisme est une priorité absolue. Elle passe notamment par le filtrage des personnes et des biens accédant aux zones de sécurité réglementées des aéroports. Le rétablissement de contrôle d'identité à l'embarquement, supprimé en 2012, rétabli en 2015 à l'occasion de la mise en place de l'état d'urgence, puis privé de base légale à l'arrivée à échéance de l'État d'urgence le 2 novembre dernier, nécessite un arrêté : il est actuellement soumis à ses signataires et s'appliquera dès sa publication au Journal officiel.

M. Jean-Yves Leconte.  - C'était indispensable car il y allait de crédibilité de la France, qui a beaucoup fait pour le PNR européen.

Avenir du fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ)

M. Jean-Yves Roux .  - Plus de quatre-vingts ans après la création du FACÉ, le renforcement et la sécurisation des lignes électriques nécessitent plus que jamais sa pérennisation. Or le montant des aides baisse de 4,5 % en 2018.

Notre commission des finances, dans son rapport du 15 février 2017 intitulé « le FACÉ : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural », suggère de faire évoluer la gouvernance et les missions du fonds et demande le maintien du montant des aides. Elle propose aussi d'élargir les aides au soutien de la transition énergétique en milieu rural, notamment pour la rénovation de l'éclairage électrique, le raccordement des énergies renouvelables ou l'installation de bornes électriques. Allez-vous réformer le FACÉ au service de l'investissement en milieu rural et de la transition énergétique en particulier ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Lors de l'examen du budget, j'ai rappelé l'attachement du Gouvernement au FACÉ, outil d'égalité des territoires. Nous partageons les conclusions du rapport sénatorial. Le Gouvernement est favorable à ce que le FACÉ accompagne les territoires dans la transition énergétique. Des financements de projets de stockage et de réseaux intelligents sont envisageables.

Quant à ses crédits, chaque année depuis la transformation du fonds en compte d'affectation spéciale en 2012, leur consommation est inférieure aux autorisations d'engagement votées, ce qui s'explique en partie par le caractère pluriannuel des projets. D'où des reports de crédits d'une année sur l'autre. Pour 2018, le niveau des crédits à 350 millions d'euros demeure supérieur à la moyenne de la consommation observée en 2013, 2016 et 2017, soit 350 millions d'euros. Cela limitera les reports de crédits et encouragera la décroissance du solde positif de la trésorerie. Nous en reparlerons lors de l'examen du budget de l'an prochain.

M. Jean-Yves Roux.  - Il y a une véritable réflexion à mener sur les moyens de la transition énergétique dans les milieux ruraux et les critères d'intervention du FACÉ.

Téléphonie fixe et téléphonie mobile

M. Jean-Marc Boyer .  - La qualité des réseaux de téléphone fixe et téléphone mobile est plus qu'inadmissible dans le Puy-de-Dôme. Une commune n'a pas eu de téléphone fixe durant deux mois début 2018. Imaginez la situation de personnes isolées et en téléassistance ! Les coupures de téléphone fixe et de téléphone mobile sont quotidiennes. Le débit Internet est constamment instable et peu performant ; l'ADSL de qualité souvent médiocre. En novembre dernier, l'Internet a été coupé durant dix jours. C'est le quotidien des habitants de Vernines, Saint-Sandoux, Orcival, Aydat et, plus largement, de la couronne clermontoise. Les sites touristiques ne sont pas épargnés : Vulcania ou encore le Panoramique des Dômes qui attend son classement à l'Unesco. Le 14 janvier 2018, la signature d'un accord historique a été annoncée afin d'accélérer la couverture numérique des territoires. Nous l'attendons avec impatience. Comment ce plan sera-t-il mis en oeuvre ? La 4G sera-t-elle disponible dans le Puy-de-Dôme en 2020 ? Quand la start-up Nation inclura-t-elle notre département ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - L'accès au numérique est une priorité partout : le 14 décembre dernier, à Cahors, le Premier ministre a annoncé sa feuille de route. Une enveloppe de 3,3 milliards d'euros a été alimentée pour accompagner le déploiement des réseaux d'initiative publique, conformément aux priorités du président de la République et du Gouvernement.

Dans votre territoire, un contrat de partenariat a été signé en 2013 pour vingt-quatre ans avec Orange. Des subventions de l'État de 41,7 millions d'euros sur un total de 57,4 millions d'euros ont été débloquées pour raccorder 342 locaux en fibre optique.

Saint-Sandoux a bénéficié des premiers déploiements de fibre optique. Viendra le tour d'Aydat en en 2019 au plus tard. Vernines et Orcival auront accès fin 2018 à un guichet de cohésion numérique des territoires pour accompagner le déploiement d'un débit d'au moins 8 mégabits.

Les dégradations et coupures du réseau cuivre ont conduit Jacques Mézard à recevoir le président-directeur général d'Orange pour lui rappeler ses obligations de service.

M. Jean-Marc Boyer.  - Merci de votre réponse. J'espère que le message est bien passé. Ces problèmes concernent particulièrement le Puy-de-Dôme, où vous étiez en visite avec le président de la République il y a peu.

Continuité de service dans les abattoirs

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Merci au ministre de l'agriculture d'être présent pour répondre en personne à cette question importante. Ne faut-il pas encourager la continuité de service le week-end dans les abattoirs de certains départements ? Cela évitera aux éleveurs d'avoir à transporter leurs bêtes, au mépris du bien-être animal, dans des départements voisins pour un coût supplémentaire qui va parfois jusqu'à la perte sèche de l'animal mourant durant le trajet.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Nous mettrons prochainement en place des mesures de renforcement des contrôles et d'accompagnement des éleveurs et vétérinaires, conformément aux conclusions des États généraux de l'alimentation. Il est de la responsabilité des professionnels d'assurer la continuité du service ; de celle de l'État de pratiquer les contrôles nécessaires. L'État a pleinement conscience des difficultés : des abattages d'urgence sont parfois nécessaires. Un groupe de travail réfléchit avec les professionnels à la transportabilité des animaux et leur bien-être, le Conseil général de l'alimentation se penche sur le processus d'abattage, un travail est engagé dans le cadre du grand plan d'investissement pour investir dans les abattoirs de proximité.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Si beaucoup de nos concitoyens se détournent de la consommation de viande, c'est sans doute en partie aussi par souci du bien-être animal et de l'éthique de l'abattage. Je vous remercie de prendre en compte, simultanément, la situation financière difficile des éleveurs.

Ventes sauvages de fruits et légumes

Mme Brigitte Micouleau .  - Les ventes sauvages de fruits et légumes se multiplient. Depuis près de six ans maintenant, fleurissent aux quatre coins de la grande agglomération toulousaine, mais également ailleurs en Occitanie, des petites installations sommaires de ventes sauvages de fruits et légumes à des prix imbattables, 1 euro le kilo de tomates ou d'oranges, 1,60 euro les deux melons par exemple. Quelle traçabilité des produits, quel respect des règles d'hygiène et de concurrence, quid des conditions de travail ou du paiement des différentes taxes ?

Ne serait-ce qu'au regard de la durée maximale d'installation, les ventes en question ne respectent pas les règles posées du code de commerce. Pour autant, les professionnels de la filière de vente de fruits et légumes constatent amèrement que ces ventes sauvages continuent de prospérer. En 2017, en Occitanie, seulement cinquante stands de vente au déballage ont été contrôlés, pour sept procédures contentieuses engagées et deux procès-verbaux administratifs dressés.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer les contrôles et aboutir à des sanctions dissuasives ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Déclaration préalable devant le maire, deux mois maximum dans le même arrondissement, règles d'hygiène strictes... Le code de commerce encadre précisément ces pratiques. Près de 500 contrôles sont réalisés annuellement par les services régionaux de l'alimentation pour le faire respecter. La prochaine campagne estivale démarre bientôt. Comptez sur notre vigilance pour protéger nos producteurs et nos commerçants.

Un comité mixte franco-espagnol sur les fruits et légumes favorise en outre le calibrage des importations de fruits et légumes traversant les Pyrénées et mieux réguler les flux de fruits et légumes entre nos deux pays, ainsi que l'offre présente sur les étals : il fonctionne plutôt bien, son efficacité est avérée pour limiter les ventes sauvages et protéger les consommateurs.

Mme Brigitte Micouleau.  - Les professionnels restent très inquiets. En Haute-Garonne, deux marchands spécialisés dans les ventes sauvages ont déjà été identifiés. La législation pourrait évoluer. La filière fruits et légumes souhaite la création d'un groupe de travail dédié, qui réunirait représentants des professionnels, des pouvoirs publics locaux et nationaux, des élus et des parlementaires.

Accompagnants des élèves handicapés dans l'enseignement agricole public

Mme Élisabeth Doineau .  - Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont les garants d'une inclusion scolaire bienveillante pour l'enfant. Malheureusement, les auxiliaires de vie scolaire doivent composer avec la précarité de leur fonction - des contrats souvent à durée déterminée ou à temps partiel - ce qui peut nuire à la relation de confiance qui doit se nouer avec l'enfant.

Cette précarité prend également la forme d'une différence de traitement entre le personnel sous statut AESH dans l'enseignement agricole public et ceux employés dans l'éducation nationale.

Selon le syndicat national de l'enseignement technique agricole public, un différentiel de rémunération de près de 25 % existerait au détriment des premiers. Le salaire s'établit en effet sur le nombre de semaines de présence réelle du jeune accompagné.

Ainsi, pour une trentaine d'heures de travail par semaine, un accompagnant peut se retrouver avec une rémunération d'à peine 800 euros, inférieure au seuil de pauvreté.

Développer la reconnaissance du métier d'AESH participe à une plus grande reconnaissance des personnes atteintes de handicap et notamment des enfants. Une lettre de près de 9 000 auxiliaires et parents d'enfants handicapés à Jean-Michel Blanquer réclame la création d'un vrai corps de métier. Mme Cluzel a dit fin 2017 vouloir basculer vers une vraie professionnalisation et promis le recrutement de 11 200 accompagnants en 2018. Où en est-on ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Rendre l'école inclusive est une vraie priorité du Gouvernement et de mon ministère pour ce qui est de l'enseignement agricole. La place de l'Internet et la pédagogie adaptée en fait un environnement propice à ce type d'accompagnement, plus fréquent dans l'éducation nationale.

Quelque 1 600 élèves en situation de handicap ont bénéficié d'une aide humaine à la rentrée en 2016, soit 475 ETP d'accompagnement : 300 contrats aidés et 175 sous statut d'AESH.

Le décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des AESH permet aux établissements de répartir leur travail sur une durée de 39 à 45 semaines. Ce décret s'applique aux AESH du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Dans le cadre de leur autonomie et pour faire face à des besoins en forte croissance, certains établissements peuvent déroger aux dispositions du décret. Des instructions ont été passées aux directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt pour rectifier ces situations et je suivrai de près l'évolution de ce dossier qui ne peut rester en l'état.

Enfin, lors du comité interministériel du handicap qui s'est tenu le 20 septembre 2017, je me suis engagé à améliorer la qualité de l'accompagnement et de l'inclusion du jeune dans sa scolarité par une meilleure professionnalisation de l'aide humaine aux élèves en situation de handicap et par une transformation de 20 % des contrats aidés en contrats AESH chaque année sur cinq ans.

Mme Élisabeth Doineau.  - Merci de votre réponse. J'en profite pour relayer les revendications de l'intersyndicale des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole représentant plus de 80 % de la profession, qui s'émeut de l'absence d'avancée quant à leur statut.

Un projet de création de corps interministériel à gestion ministérielle est en discussion depuis des mois, qui fragiliserait leur position. L'intersyndicale demande que les mesures du Parcours professionnel carrières et rémunération (PPCR) soient intégrées par décret à leur statut actuel. Ils regrettent l'absence d'avancées en la matière. Je vous transmets le courrier que j'ai reçu sur ce sujet.

Suppression de classes en milieu rural

M. Olivier Paccaud .  - « Les territoires en particulier les plus ruraux ne peuvent plus être la variable d'ajustement d'économies. C'est pourquoi il n'y aura plus de fermeture de classes dans les écoles primaires ». Ainsi parlait le président de la République, ici même au Sénat, le 17 juillet, dans le cadre de la Conférence des territoires.

« Il n'y a aucun endroit en France où on ferme une classe quand il y a une augmentation du nombre d'élèves ». Ainsi parlait le ministre de l'Éducation nationale le 14 mars sur le plateau de France 2.

Des milliers de parents, d'enseignants, d'élus ruraux ont cru ces paroles présidentielle et ministérielle. Ils sont aujourd'hui en colère car on leur a menti. Une logique mathématique commande de diminuer la taille des classes en zone urbaine, mais, inversée, de maintenir leur caractère pléthorique, quand on ne les ferme pas, en zone rurale.

Est-il cohérent, et surtout républicain, d'avoir d'un côté des classes de 12 élèves et de l'autre des classes de 20, 22, 25 élèves à double, triple ou quadruple niveaux ? Pis, est-il cohérent de fermer des classes là où les effectifs sont stables ou augmentent comme dans l'Oise à Abbecourt, Saint-Sulpice, Villers--Sépulcre, Cauvigny, Saint-Félix ?

La ruralité se sent oubliée, négligée, méprisée.

J'ai proposé au président de la République voici un mois via une lettre ouverte cosignée par une cinquantaine d'élus ruraux l'expérimentation de CP dédoublés en zone rurale à revitaliser.

J'attends toujours sa réponse. Peut-être pourrez-vous me la donner ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Ruralité méprisée, outragée, dites-vous. Mais bientôt libérée, rassurez-vous ! À la prochaine rentrée, dans le premier degré, il y aura 32 657 élèves de moins mais 3 881 emplois de professeurs des écoles en plus. Or 1 400 postes auraient dû être supprimés. Le ratio de professeurs pour 100 élèves sera de 5,55 à la rentrée 2018, contre 5,46 en 2017 et 5,20 en 2012.

Dans l'Oise, il y aura ainsi 618 élèves en moins, mais 55 emplois en plus, portant le ratio d'encadrement de 5,50 à la rentrée 2017 à 5,61 à la rentrée 2018, soit plus que la moyenne nationale.

Concentrer l'effort à la racine des difficultés : voilà notre stratégie et les moyens sont accrus en conséquence. Les territoires ruraux n'en sont nullement tenus à l'écart, les services de l'éducation nationale veillent particulièrement à éviter les fermetures d'écoles. Cela n'exclut nullement les fermetures de classes, selon des critères objectivés, tels que la constitution d'un regroupement pédagogique intercommunal, la mise en oeuvre d'un projet territorial en cours de réalisation, l'incapacité à maintenir des conditions d'enseignement minimales pour les élèves.

Les situations sont examinées au cas par cas dans les différentes instances de concertation locale. Le sénateur Alain Duran a été missionné par le Premier ministre pour améliorer la couverture des départements ruraux, avec pour objectif la signature d'une vingtaine de conventions. Une convention ruralité est même en cours de signature dans votre département !

M. Olivier Paccaud.  - C'est un dialogue de sourds. Les parents et les professionnels ne comprennent pas : des classes ferment là où les effectifs ne baissent pas ! Les difficultés ne se concentrent pas que dans les quartiers sensibles, elles existent aussi en zone rurale !

Or les écoliers des champs ne valent pas moins que ceux des villes. Les écoliers des champs ne valent pas moins que ceux des villes. En venant, vous êtes passé, dans la galerie des bustes, qui mène à notre hémicycle, devant celui de Jules Ferry, Monsieur le Ministre, fondateur de l'école publique moderne : certes, nous ne sommes plus en 1880, mais, tout de même, il doit se retourner dans sa tombe...

Prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu

M. Claude Nougein .  - Ma question porte sur les modalités de mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, selon lesquelles les tiers collecteurs sont les employeurs. Cette mesure mise en place par le gouvernement précédent est une épine supplémentaire, notamment pour les plus petites entreprises, en termes de temps et de coût, évalué entre 300 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros !

L'État doit-il se délester ainsi de certaines tâches administratives sur le dos des entreprises ? Nos propositions, faites dans le cadre du projet de loi de finances, ont hélas été refusées.

Or, environ 75 % du coût total reposera sur les très petites entreprises par l'effet de multiplication d'un coût fixe faible par un très grand nombre d'entreprises. La moitié du coût de la mesure correspondra au paiement des experts-comptables et des éditeurs de logiciels, l'autre moitié correspondant à un accroissement des coûts salariaux des entreprises.

Le risque juridique reposera sur l'entreprise, les salariés perdront la confidentialité de leurs revenus annexes et les femmes, dont le conjoint perçoit une rémunération confortable, seront les victimes de ce dispositif, notamment pour leurs évolutions salariales.

Même si le salarié contribuable peut rendre anonyme son impôt en recourant au taux forfaitaire neutre, ce choix pourrait néanmoins faire peser sur lui une sorte de suspicion.

Enfin, se pose la question des particuliers employeurs, dont la moyenne d'âge est de 65 ans, mais qui ont beaucoup plus dans les zones rurales. Ils sont nombreux à ne pas avoir d'ordinateur, ni d'Internet, notamment en Corrèze.

Quelles solutions préconisez-vous ?

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Le ministre de l'économie et des finances vous prie de l'excuser. Les chiffres que vous citez proviennent d'une étude de juin 2017 de la délégation aux entreprises du Sénat - avant l'annonce du report de la réforme - dont la méthode est discutable.

La charge restera très faible par rapport aux gains récurrents dus principalement au déploiement de la déclaration sociale nominative (DSN). L'administration fiscale restera l'interlocuteur unique des usagers. Les entreprises devront appliquer le taux prévu, déclarer les revenus des salariés et appliquer les correctifs éventuels. Des pénalités seront appliquées aux entreprises inactives. Les salariés ne communiqueront aucune information sur leurs revenus annexes et leur employeur n'en aura pas connaissance.

Pour les particuliers, l'option « tout-en-un » sera proposée, incluant le paiement au salarié de son salaire net de prélèvement à la source, afin de faciliter là encore les démarches de ces employeurs.

Le Gouvernement déploiera un plan d'accompagnement ambitieux pour permettre à chaque acteur de s'approprier la réforme et réduire au maximum les conséquences négatives.

M. Claude Nougein.  - Je ne doute pas de la volonté de simplification du Gouvernement, mais les fiches de paie seront modifiées trois fois en treize mois : en janvier 2018, en octobre 2018 et en janvier 2019. Ce n'est pas idéal.

Le Sénat a voté le droit à l'erreur pour les petites entreprises : il serait bon que le texte définitif conserve cet apport au texte initial sur la société de confiance.

Les contentieux risquent de se multiplier. Les contentieux seront-ils traités par les tribunaux civils ou aux prud'hommes ? Il faudra d'abord savoir si l'erreur est celle de l'administration ou de l'entreprise. La tâche est allégée pour l'État mais alourdie pour les entreprises et les particuliers employeurs. Ce n'est pas aux entreprises de collecter l'impôt, mais à l'État.

Renforcement de la lutte contre la pêche illégale en Guyane

M. Antoine Karam .  - Depuis plusieurs années, la pêche illégale étrangère en provenance du Brésil, du Surinam et du Guyana perdure et s'intensifie dans les eaux guyanaises. En juin 2012, le rapport publié par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer concluait que la ressource halieutique était davantage exploitée par les navires étrangers, les captures illégales étant ainsi deux et demie à trois fois plus importantes que la pêche effectuée par les navires guyanais.

Les autorités françaises luttent activement en mer contre ces pratiques illicites. Récemment, leurs moyens ont été renforcés par le Gouvernement dans le cadre de l'accord de Guyane prévoyant également 3,5 millions d'euros d'aides dédiées aux pêcheurs de Guyane.

En novembre 2017, la France a signé avec le Surinam un accord sur la délimitation maritime depuis l'embouchure du Maroni, dont l'un des objectifs est justement de lutter contre le développement de la pêche illégale.

Enfin, la lutte contre les activités de pêche dites INN pour illégale, non déclarée et non réglementée, est une priorité de la politique commune de pêche. À ce titre, l'Union européenne soutient les efforts des autorités françaises et la coopération avec les États voisins.

De quelle manière le nouvel accord avec le Surinam permettra-t-il de lutter concrètement contre la pêche illégale ?

Le Gouvernement est-il prêt à mobiliser tous les leviers d'action prévus par le règlement européen, d'une part, en limitant la pêche aux seuls navires guyanais dans les eaux situées à moins de 100 milles marins et, d'autre part, en encourageant la Commission européenne à examiner le respect par le Brésil, le Surinam et le Guyana des obligations internationales et européennes en matière de pêche et à envisager, le cas échéant, leur inscription à la liste des pays tiers non coopérants ?

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Vous connaissez ma sensibilité sur ce sujet. Le Gouvernement est particulièrement mobilisé.

Plusieurs opérations de police des pêches ont été conduites en 2017 : 146 contrôles, donnant lieu au déroutage de 31 navires et à 128 tonnes de poissons et 423 vessies natatoires ont été saisies ; 359 kilomètres de filets ont été relevés.

Des missions conjointes, telles celles déjà organisées avec le Brésil, sont envisagées.

Les patrouilleurs La Confiance et La Résolue, ainsi qu'une vedette des douanes DF45, ont été adjoints à notre flotte, et les effectifs dédiés au contrôle ont été triplés.

Le ministre de l'agriculture est actuellement en train d'étudier l'application du règlement européen, mais sa portée est limitée par son inapplicabilité aux navires ayant des antécédents de pêche dans ces eaux et par son périmètre restreint.

Je reste à votre disposition, Monsieur le Sénateur.

M. Antoine Karam.  - La pêche illégale constitue 20 % des captures mondiales, soit entre 11 millions et 26 millions de tonnes de poissons. La pêche illégale est un péril économique et écologique. La France doit participer activement à la lutte contre ce fléau et promouvoir une activité responsable. Nous ne pouvons pas rester spectateurs du pillage des ressources halieutiques. Je regrette aussi le retard des versements européens. Nous devons soutenir la situation et la compétitivité des pêcheurs guyanais.

Lenteur administrative du tribunal de commerce de La Réunion

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Depuis plusieurs années, le département de La Réunion se trouve en dysfonctionnement administratif chronique. Le tribunal de commerce est incapable de respecter les délais de délivrance des formulaires Kbis, indispensables aux entreprises, auxquelles ils servent en quelque sorte de carte d'identité : un délai de six mois, ce n'est pas tenable pour une économie déjà fragile. Pour pallier ces problèmes, dans l'Hexagone, la délivrance de ces documents est le fait de professionnels libéraux. Cette privatisation du greffe a fait ses preuves... Le précédent gouvernement n'a pas souhaité s'engager. Que compte faire l'actuel ? Saisirez-vous les possibilités offertes par la loi du 28 mars 2013 ?

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - La question est en effet aussi du ressort de ma collègue, ministre de la justice, garde des sceaux. La justice commerciale est rendue à La Réunion par des tribunaux mixtes de commerce. D'où les délais inadmissibles que vous mentionnez, qui créent des ruptures d'égalité. Les trois réformes de 2011, 2012 et 2015 n'ont donné aucun effet satisfaisant et le registre du commerce de La Réunion se dégrade à nouveau. Je travaille à des solutions que j'annoncerai prochainement. Pardonnez-moi de ne pas pouvoir vous en dire plus à cette heure...

M. Jean-Louis Lagourgue.  - Merci. La situation est dramatique : il y aurait 4 000 dossiers en instance. Compte tenu du niveau de chômage dans l'île, il y a urgence...

La séance est suspendue à 12 h 25.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.

La séance reprend à 15 heures.