Bilan de l'application des lois

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l'application des lois.

Nous voici réunis pour notre rendez-vous annuel sur le bilan de l'application des lois. Je salue M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, pour qui il s'agit du premier débat sur l'application des lois mais qui, j'en suis certain, répondra avec précision aux questions qui lui seront posées.

Le Sénat procède annuellement au contrôle de l'application des lois. Il s'agit d'un exercice dans lequel notre assemblée a été pionnière et auquel nous accordons, chacune et chacun, la plus grande importance.

Faire en sorte que le Parlement puisse contrôler l'action du Gouvernement avec efficacité, c'est en ce sens que le groupe de travail sur la révision constitutionnelle a oeuvré. Il a notamment proposé d'inscrire dans notre texte fondamental une obligation pour le Gouvernement de prendre les mesures générales d'application des lois.

Je forme le souhait que les débats que nous aurons prochainement sur le projet de loi constitutionnelle puissent participer à faire de la fonction de contrôle du Parlement une véritable priorité de même rang que la fonction législative.

Au cours de l'année parlementaire 2016-2017, qui vit pour la première fois depuis le début de la Ve République se succéder élections présidentielle, législatives et sénatoriales, nous avons néanmoins voté 48 textes de loi nécessitant plus de 500 mesures d'application.

Mme Valérie Létard, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle .  - Je me réjouis de l'organisation de ce débat sur le bilan annuel de l'application des lois. En effet, nous n'avions pas eu la possibilité de l'organiser l'an dernier, en raison de l'interruption des travaux en juin.

Le Sénat a été très vigilant sur la bonne application des lois, à commencer par la publication en temps et en heure des textes réglementaires prévus par le législateur.

Comme pour les années précédentes, ce bilan est le résultat d'un travail minutieux de chaque commission pour les lois relevant de son ressort. Permettez-moi de saluer la qualité du dialogue avec les administrations et le Secrétariat général du Gouvernement, témoignant de la volonté commune du Sénat et du Gouvernement d'une bonne application des lois.

Ce bilan s'appuie également sur des données statistiques issues de la base APLEG propre au Sénat. Cette base et la méthodologie utilisée permettent une homogénéité de la donnée dans le temps, garante de l'effectivité des comparaisons réalisées par le Sénat au fil des ans.

Ce bilan porte sur les lois promulguées au cours de la session 2016-2017 au 31 mars 2018. Cette date de référence - six mois après la fin de la session concernée - est choisie en raison de l'objectif que s'est fixé le Gouvernement d'une publication des textes d'application dans ce délai.

La session 2016-2017 a été atypique. Pour la première fois depuis le début de la Ve République, se sont succédé au cours d'une même année parlementaire les élections présidentielle, législatives et sénatoriales. Cela a eu des conséquences sur nos travaux.

Hors conventions internationales, ce sont 48 lois qui ont été votées, soit 7 de moins que lors de la session précédente, dont 35 - hors procédure accélérée de droit - ont été examinées selon la procédure accélérée. Cette proportion - 77% des textes - est en augmentation par rapport à la session précédente. Enfin, l'ensemble des projets de lois ont été votés selon cette procédure.

Vingt et une lois votées lors de la session sont d'origine parlementaire dont 9 sénatoriale.

J'en viens maintenant au taux d'application des lois : pour la session 2016-2017, 26 lois appelaient des mesures réglementaires d'application, les 22 autres étant d'application directe.

Le taux d'application des lois de ces 26 lois est, selon les calculs du Sénat, de 73 %. La légère différence avec celui du Gouvernement s'explique par le fait que nous faisons le suivi de tout texte réglementaire, y compris les arrêtés. Une précision méthodologique est peut-être nécessaire. Le taux d'application, qu'il soit calculé par le Sénat ou par le Gouvernement, est compris comme le rapport entre le nombre de mesures prises et le nombre de mesures attendues. Il ne prend donc pas en compte les articles ou les lois n'attendant aucune mesure d'application.

Pour la session 2016-2017, ce sont ainsi 384 mesures sur les 527 attendues qui ont été prises.

Sur les 26 lois nécessitant des mesures d'application, 6 ont vu 100 % de leurs mesures prises, 18 sont partiellement mises en application, et 2 n'ont aucune de leur mesure d'application prise. Il faut toutefois noter que ces deux lois non mises en application n'attendent qu'une seule mesure chacune, et pourraient donc - je l'espère - très prochainement être considérées comme totalement appliquées.

Le taux d'application de la XIVe législature est très élevé. Il dépasse les 90 %, 94 % hors lois votées lors de la dernière session. Sur l'ensemble de la législature, ce sont ainsi plus de 3 000 mesures réglementaires d'application qui ont été prises.

Ce taux élevé s'explique notamment par la très forte mobilisation de l'ancien gouvernement dans les derniers jours de son mandat : plus de 400 décrets ont été pris au mois de mars et d'avril 2017 et dans les dix premiers jours de mai 2017, soit juste avant l'élection présidentielle. Sur la même période en 2016, 147 mesures avaient été prises.

Le délai moyen de prise des décrets pour les lois votées lors de la session 2016-2017 est en diminution : il est de 5 mois et 10 jours, contre 6 mois et 22 jours pour la session 2015-2016. Toutefois, encore 30 % des décrets pris le sont plus de 6 mois après la promulgation de la loi, dont 6 % après plus d'un an.

En outre, le délai de prise des décrets d'application est supérieur à celui du vote de la loi selon la procédure accélérée : 5 mois et 6 jours, soit 158,5 jours sont en moyenne nécessaires pour les décrets d'application contre 145 jours pour l'adoption de la loi selon la procédure accélérée. On peut ainsi s'interroger sur le recours toujours plus grand à cette procédure.

La période de référence contient également deux lois de la nouvelle législature appelant des mesures d'application, les deux lois de septembre 2017 relatives à la confiance dans la vie politique. L'ensemble des décrets d'application de ces lois ont été pris. En outre, les éléments transmis par M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, pour les lois votées depuis le 1er octobre 2017 témoignent d'un engagement fort du nouveau Gouvernement. À titre d'exemple, il ne reste qu'un décret d'application à prendre pour la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, qui pourrait être pris avant fin juin. Dans ces conditions, cette loi serait rendue totalement applicable en moins de 4 mois.

Ce début de XVe législature est donc porteur d'espoir, et nous espérons qu'il annonce une prise de mesures d'application plus complète et rapide pour la nouvelle législature.

Il reste malheureusement un certain nombre de points noirs. Je n'en citerai qu'un : la remise des rapports au Gouvernement, qui reste trop faible malgré nos remarques chaque année.

Les rapports de l'article 67, devant être déposés 6 mois après la promulgation de chaque loi et permettant de suivre son application, sont très peu remis : seuls 5 sur les 26 lois de la session appelant des mesures d'application ont été déposés.

La remise des rapports demandés par le Parlement au Gouvernement dans le cadre d'une loi est également trop faible. Au cours de la session 2016-2017, près de 70 rapports au Gouvernement ont été demandés, dont 48 devaient être remis avant le 20 mai 2018. Or leur taux de remise n'est que de 25 %. Le Sénat ne demande pas systématiquement des rapports et se prononce souvent contre ceux qui ne lui apporteraient pas des informations substantielles. Dans ces conditions, il souhaite pouvoir disposer de ceux qui ont été prévus par la loi.

Certains rapports sont remis avec un retard important. Dans d'autres cas, sans aucune explication, ces rapports sont prêts mais ne sont pas transmis. Certains rapports ne sont pas transmis officiellement au Parlement, au motif qu'ils sont rendus publics. Or le processus de transmission établi permet notamment de veiller à une information rapide des parlementaires sur l'existence de ces rapports.

Enfin, ce bilan ne peut faire abstraction des discussions en cours sur une prochaine révision constitutionnelle. Il s'intéresse ainsi aux ordonnances et permet un constat : l'argument de la célérité de l'ordonnance comme véhicule normatif est à relativiser. Le délai moyen de prise de l'ordonnance, calculé comme le temps constaté entre la date de demande d'habilitation et la prise de l'ordonnance, est de 571,5 jours. Quatre ordonnances ont nécessité un délai supérieur à 1 000 jours. Ce délai est ainsi trois fois plus élevé que le délai moyen de vote d'une loi pendant la session 2016-2017, qui est de 196 jours. En outre, l'ordonnance peut elle-même nécessiter des décrets d'application. Je rappellerai ici le contrôle qui vient d'être mené au sein de la commission des affaires économiques sur la loi du 1er juin 2016 qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer Action Logement. Alors que l'ordonnance a été adoptée rapidement, dans un délai de quatre mois et demi, le comité des partenaires du logement social, prévu par celle-ci, n'est toujours pas installé plus d'un an après la mise en oeuvre de la réforme, faute d'adoption des décrets relatifs à sa composition et à son fonctionnement. Or cette structure est fondamentale, car elle est censée jouer un rôle de vigie à l'égard des orientations et de la distribution de la participation des employeurs à l'effort de construction entre les organismes et entre les territoires. Monsieur le Ministre, quand le Gouvernement compte-t-il prendre le ou les décrets concernant le comité des partenaires ?

Je terminerai cette présentation, en rappelant les propositions en matière d'application des lois du groupe de travail du Sénat mis en place dans la perspective de la révision constitutionnelle : créer un nouvel article 37-2 obligeant le Gouvernement à prendre les mesures générales d'application des lois et, sur le modèle de la saisine du Conseil constitutionnel, autoriser les présidents des deux assemblées ainsi qu'à soixante députés ou soixante sénateurs, de saisir le Conseil d'État en l'absence de publication des mesures réglementaires d'application d'une loi dans un délai raisonnable.

Vous le voyez, Monsieur le Ministre, notre institution est très attachée à l'application effective des lois que nous votons.

M. le président.  - Voilà quelques chiffres à méditer !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci de m'accueillir pour ce premier exercice. Le bilan de l'application des lois n'est pas une question technique mais un paramètre important de l'action gouvernementale et de l'exigence du législateur : sans application, la loi s'arrête à l'intention, voire à l'incantation.

Le sujet de l'application des lois était à l'ordre du jour d'un séminaire gouvernemental la semaine dernière, au cours duquel j'ai rappelé ces principes.

Notez que certains retards peuvent être liés à des amendements parlementaires introduisant des mesures non prévues par l'administration, qui du coup se montre peut-être moins attentive...

Merci aux présidents de commission pour ce recensement minutieux, c'est un outil précieux pour objectiver les constats. Même si nos méthodes de calcul diffèrent à la marge, le résultat est le même : nous sommes passés d'un délai de six mois et vingt-deux jours à cinq mois et dix jours et le taux d'application des lois votées sous la quatorzième législature est de 93,5 % fin mai 2018. Le Gouvernement reste mobilisé et le début de la quinzième législature est prometteur.

Tout nouveau Premier ministre rappelle qu'il faut supprimer une norme pour toute nouvelle norme : Édouard Philippe est allé plus loin en demandant qu'on en supprime deux. Le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) a bloqué des décrets pour obliger les ministères à rentrer dans cette logique.

Outre les réunions interministérielles, le suivi de l'application des lois fait l'objet d'une communication en Conseil des ministres ; je plancherai le 4 juillet. En septembre, un séminaire intergouvernemental sera organisé avec le SGG et l'ensemble des directeurs de cabinet pour maintenir la pression. Je ne manquerai pas de souligner l'importance d'une action résolue afin que les rapports au Parlement soient remis dans les temps.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques .  - Sur dix-huit lois dont l'application est suivie par notre commission, seules six sont totalement appliquées, dont trois étaient d'application directe.

Dans les lois Transition énergétique d'août 2015 et Autoconsommation de février 2017, deux mesures au bénéfice des consommateurs en situation de précarité énergétique sont en attente. Sur les afficheurs déportés, deux arrêtés sont annoncés ; pouvez-vous être plus précis sur le calendrier et les modalités de déploiement ?

Le Sénat attend toujours le rapport sur l'accompagnement des consommateurs modestes qui devront remplacer un équipement à l'occasion d'un changement de gaz distribué, dans le Nord notamment. Où en est la mission confiée à trois corps d'inspection sur ce sujet ? Enfin, je partage les interrogations de Valérie Létard sur le comité des partenaires du logement social. Seul un tiers des rapports a été remis. Certains rapports restent sur le bureau du ministre, comme celui prévu par l'article 32 de la loi ALUR ; d'autres, notamment du conseil général de l'environnement et du développement durable, ne nous sont pas officiellement transmis, au motif qu'ils sont publics. Ce serait pourtant une marque de respect vis-à-vis du Parlement. Comment expliquez-vous de tels retards et pourquoi les procédures de transmission ne sont-elles pas respectées ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Concernant les afficheurs déportés, l'article 28 impliquait de prendre trois arrêtés ; ils sont rédigés et seront publiés sur la base de l'évaluation du coût du dispositif, actuellement en cours.

Le rapport que vous aviez demandé sur l'aide au changement d'équipement en cas de changement de la nature du gaz distribué a été confié à trois corps d'inspection qui explorent les différentes options juridiques et financières. Il vous sera communiqué.

Il y a des retards dans la remise de rapports au Parlement, je n'en disconviens pas. Je ferai un rappel à l'ordre lors du prochain comité interministériel.

Le comité des partenaires du logement social relève d'un décret d'application prévu par l'ordonnance d'octobre 2016, en cours de ratification dans le cadre du projet de loi ELAN qui pourrait en bouleverser quelques équilibres, d'où un retard partiel au profit d'une approche plus globale. Il ne faudra pas perdre plus de temps si le législateur valide le dispositif.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Pour notre commission, l'application des lois est globalement satisfaisante, à part quelques retards sur les décrets. Mais, pas plus cette année que les précédentes, nous n'avons reçu le rapport annuel politique, opérationnel et financier des OPEX, que le Gouvernement doit pourtant nous transmettre en application de l'article 4 de la loi de programmation militaire de 2013.

En application de l'article 35 de la Constitution, c'est le chef de l'État, chef des armées, qui engage les OPEX. Le Parlement doit être informé dans les trois jours, puis en débat quatre mois après, si l'opération se prolonge. Mais une fois donnée, l'autorisation est éternelle et sans ce rapport, nous ne pouvons pas les contrôler. L'enveloppe budgétaire est de 400 millions, mais la réalité est plus proche du milliard. Ces opérations mobilisent des crédits importants et exposent nos troupes : un débat annuel avec le Gouvernement sur leur déroulement s'impose. J'espère que la loi de programmation militaire, votée très largement, permettra de l'organiser.

M. Ladislas Poniatowski.  - Très bien.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Le bilan des opérations en cours est traditionnellement communiqué sous forme d'audition devant les commissions concernées, pour des raisons que chacun comprendra. La ministre des armées l'a fait devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 28 novembre 2017 et devant sa commission de la défense le 8 mars 2018. Elle est toute disposée à venir plancher devant vous à votre convenance.

M. Christian Cambon, président de la commission.  - J'en prends note. Un rapport contient toutefois beaucoup plus d'éléments qu'une audition, mais c'est un premier pas. J'espère une stricte application de la loi de programmation militaire.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Notre commission a vu passer six lois ; 53 des 75 mesures réglementaires attendues ont été prises. Parmi les autres, deux retiennent notre attention. D'abord, les pratiques avancées des professions paramédicales prévues à l'article 119 de la loi de modernisation du système de santé, essentielles pour prendre en charge les patients, notamment dans les déserts médicaux. L'application dépend de négociations délicates ; où en est-on ?

Les arrêtés relatifs au repérage de l'amiante avant travaux sont aussi très attendus, alors que le décret a été pris. C'est un problème de santé publique. Là aussi, où en est-on ? J'attends des réponses précises.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Le déploiement des pratiques avancées fait partie des priorités du Gouvernement. Nous savons, dans les Alpes-de-Haute-Provence comme dans le Vaucluse, combien le sujet est important ! Le Premier ministre a priorisé son application pour les infirmières, avec l'objectif d'une entrée en formation dès la prochaine rentrée universitaire. Les textes d'application - un décret en Conseil d'État et deux arrêtés - devraient être publiés début juillet pour préparer au mieux la rentrée.

Concernant la loi Travail, six arrêtés sont nécessaires pour l'application complète du dispositif de repérage de l'amiante avant travaux. L'entrée en vigueur était prévue au plus tard au 1er octobre 2018 ; ce délai ne sera respecté que dans le domaine des immeubles bâtis, qui représente toutefois 80 % des opérations, environ 20 000 chantiers par an. J'assume les reproches et vous redis notre vigilance.

M. Alain Milon, président de la commission.  - Attention, car les facultés de médecine sont tentées de prendre en charge les écoles d'infirmière, ce n'est pas la solution.

M. Gérard Dériot.  - Très juste !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Notre commission a été saisie de très peu de textes législatifs : sur cinq textes, trois étaient des propositions de loi d'origine sénatoriale. Reste que plus d'un an après leur promulgation, les lois relatives à la sélection en master et à l'éthique du sport ne sont pas encore complètement appliquées. Chacun est conscient des raisons pour lesquelles le Gouvernement s'est attaqué d'abord à l'orientation, mais ne perdons pas de vue la mise en oeuvre de la sélection lors de la poursuite des études.

S'agissant de la loi relative à l'éthique du sport, nous attendons encore le décret relatif au droit à l'image des sportifs. Après une période d'hésitation, voire de réticence, j'ai cru comprendre que ce texte était désormais sur les rails. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La quasi-intégralité des textes d'application de la loi Création, architecture et patrimoine (LCAP) ont été pris, c'est heureux. Mais l'application de la loi s'écarte parfois de la volonté du législateur : ainsi du permis de faire en urbanisme prévu à titre expérimental, que le Gouvernement a choisi de généraliser avant toute expérimentation !

Le décret sur le service public d'archives laisse entière la définition de ce service public des archives, alors que nous souhaitions des critères précis.

Enfin, certains rapports sont attendus depuis des années. Ces retards traduisent trop souvent une méconnaissance de la volonté du législateur - ainsi en matière d'emploi des docteurs dans les corps de fonctionnaires de catégorie A, aucune mesure d'application de cette mesure de la loi de juillet 2013 n'a été prise...

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Le décret sur le grade de master est dans le circuit des contreseings depuis le 4 mai et sera publié très prochainement pour être en oeuvre à la prochaine rentrée.

Concernant la loi relative à l'éthique du sport, certains sujets comme l'exploitation de l'image, du nom ou de la voix du sportif ont été soulevés. Une concertation dématérialisée s'est terminée le 18 avril ; le dossier est sur le bureau du Premier ministre et fera l'objet d'un arbitrage rapide.

Le permis de faire, proposé à titre expérimental par la LCAP est en effet devenu la règle.

L'article sur le service public d'archives liste ses missions - collecter, conserver, évaluer, organiser, décrire, communiquer, mettre en valeur. C'est sur cette base que nous travaillons.

Enfin, le retard dans la remise de rapports que vous évoquez est bien réel, je le reconnais...

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Pour notre commission, le bilan de l'application des lois est contrasté. Certaines grandes lois de la législature passée, notamment la loi Biodiversité, sont presqu'entièrement applicables. Les choses sont moins satisfaisantes pour la session 2016-2017 : sur 39 mesures d'application prévues, seules 13 étaient prises au 31 mars, et 23 % seulement dans les six mois suivant la promulgation.

Plus grave, l'État a été condamné à deux reprises par le Conseil d'État le 28 mars - sous peine d'astreinte - pour n'avoir pas pris des mesures réglementaires prévues par la loi Grenelle II de 2010 sur la pollution lumineuse et sur la liste des habitats naturels à protéger. Quand les mesures seront-elles prises ? Pourquoi un tel retard ?

Sur les 28 lois relevant de notre commission adoptées au cours des dix dernières années, dix nécessitent encore une ou plusieurs mesures réglementaires.

Enfin plus de la moitié des rapports demandés n'ont pas été remis au Parlement dans les délais, dont cinq sur les six prévus par la loi Biodiversité. Où en êtes-vous ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Entre la pression du Sénat, que je vais reporter sur le ministre, et les sanctions du Conseil d'État, nul doute que nous serons plus efficaces ! Sur la pollution lumineuse, l'arrêté est en cours d'élaboration ; la consultation du public interviendra en septembre, avant la consultation de la Commission nationale d'évaluation des normes et celle du Centre national de la propriété forestière. Nous visons une publication en fin d'année pour échapper à l'astreinte.

Le taux d'application de la loi Biodiversité est de 80 %, ce qui n'est pas honteux vu que le texte avait doublé de volume au cours de la navette. Je saisirai cependant le ministre sur les retards relevés. Le rapport sur les broyeurs nécessite une étude de l'Ademe, il est en cours de validation. Celui sur l'impact économique de l'interdiction des sacs plastiques devrait être remis avant la fin de l'année.

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - Et le décret sur la liste des habitats naturels ? Vous me direz qu'il ne saurait tarder...

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Bien sûr. Le Conseil d'État nous a donné six mois et nous nous y tiendrons, pour éviter à la fois l'astreinte et les foudres du Sénat.

M. le président.  - L'année prochaine, nous vérifierons les engagements pris. C'est tout l'intérêt du contrôle.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - La commission des finances constate un taux d'application des lois promulguées de 83 %, contre 76 % lors de la session précédente. Le taux d'application dans les six mois atteint 65 %, en nette progression.

Cependant, certaines dispositions législatives nécessitent une mise à jour régulière des mesures d'application. Ainsi, en vertu de l'article 238-01 du code général des impôts, la liste des États et territoires non coopératifs doit être mise à jour au moins une fois par an, or elle ne l'a pas été depuis avril 2016 et les « Panama Papers ». Va-t-on attendre une nouvelle affaire pour la réviser en urgence ?

De même, le classement des zones tendues, qui doit être actualisé au moins tous les trois ans aux termes de l'article R 304-1 du code de la construction, ne l'a pas été depuis le 30 septembre 2014. Le Gouvernement entend-il procéder à cette révision ?

S'agissant du prélèvement à la source, les textes d'application ont été pris dans les six mois suivant la promulgation de la loi de finances, mais des instructions fiscales sont encore nécessaires pour préciser certaines dispositions transitoires. Où en est-on sur tous ces sujets ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Vous avez raison. La loi relative à la lutte contre la fraude fixera de nouveaux critères d'identification des États et territoires non coopératifs. Sur cette base, et celle de la liste noire européenne, la liste nationale actuelle pourra être étendue. Une mise à jour d'ici là n'est pas utile.

Sur les zones tendues, un rapport sur la pertinence du zonage est attendu pour septembre. La mise à jour se fera à sa lumière, avant l'adoption définitive du projet de loi de finances.

Sur le prélèvement à la source, nous visons une publication à fin juin 2018.

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Dont acte.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Quand après un an, 28 % des textes d'application ne sont toujours pas pris, on ne peut se dire satisfait. Il y a encore un gros effort à faire de la part du Gouvernement, Monsieur le Ministre.

Vous avez évoqué le pouvoir d'injonction du Conseil d'État et l'efficacité des astreintes. Le Gouvernement serait bien avisé d'accepter, lors de la réforme constitutionnelle, que les parlementaires puissent saisir le Conseil d'État pour prononcer une astreinte... Ne le croyez-vous pas ?

Outre les aspects quantitatifs, n'oublions pas non plus les aspects qualitatifs. Les deux principales mesures d'application de la loi pour une République numérique - sur la mort numérique et sur le « Dites-le nous une fois » - n'ont pas été prises ! Ce n'est pas normal.

Que comptez-vous faire pour satisfaire l'exigence de l'ancien garde des Sceaux, François Bayrou, sur la banque de la démocratie, cet objet politique non identifié ? Le Gouvernement a insisté pour que l'ordonnance paraisse avant le 15 juin. Le délai ne sera pas tenu...

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Nous rêvons tous d'atteindre les 100 %...

Le débat sera bientôt ouvert sur les évolutions constitutionnelles possibles, et je ne doute pas que nous pourrons nous retrouver.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Pas sûr !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Sur la loi République numérique, le travail interministériel se poursuit et le groupe de travail emmené par Anne Caron-Déglise rendra son rapport cet été.

Sur l'ordonnance créant la banque de la démocratie, nous avons en effet quelque retard. Une mission IGA-IGF a été lancée pour mesurer l'ampleur des besoins. Il semblerait que le problème réside moins dans les refus de crédits que dans le manque d'information et d'accompagnement lors des démarches. La création d'un établissement bancaire ne s'imposera peut-être pas.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je comprends donc que l'ordonnance ne sera pas promulguée et que vous recherchez d'autres voies pour atteindre le même objectif. Bon courage.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Merci.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes .  - Il est désormais d'usage que la commission des affaires européennes participe de plein droit à ce débat annuel. Que sont devenues les dix-huit résolutions européennes adoptées par le Sénat entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017 ? Elles sont influentes : sur le plan d'investissement, sur Europol, la politique commerciale, l'approfondissement de l'union monétaire, l'avenir de la PAC ou les perturbateurs endocriniens, nos propositions ont été suivies, totalement, très largement ou au moins partiellement. Je m'en félicite, car il s'agit pour nous d'influencer des directives et règlements qui s'appliqueront en France.

Notre commission porte une grande attention à la surtransposition.

La coopération avec le Secrétariat général des affaires européennes est très bonne, mais ses fiches de suivi pourraient nous être envoyées automatiquement plutôt que sur requête.

Enfin, pourquoi ne pas organiser des auditions thématiques de ministres, conjointement avec les commissions compétentes, pour faire le point sur les travaux du Conseil ? Je pense notamment aux accords de libre-échange, qui ne passeront que devant le Parlement européen, et auront un impact sur notre vie quotidienne !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Je me félicite de la coopération accrue entre nos services respectifs et des bonnes pratiques qui ont été instaurées. Il est important de maintenir le dialogue et de mettre en cohérence nos positions dans le cadre des négociations au niveau européen. Nos divergences peuvent toujours être utilisées à nos dépens...

Le Secrétariat général des affaires européennes veille à une transmission systématique des fiches de suivi dans les meilleurs délais. Je me ferai le relais de vos souhaits auprès de Mme Loiseau.

Les textes peuvent évoluer durant les négociations, jusqu'à la dernière minute. Il n'empêche que les auditions des ministres sont toujours utiles ; je ne manquerai pas de les encourager.

M. Jean Bizet, président de la commission.  - J'insiste, surtout sur les accords du libre-échange. Le Sénat sera privé de tout débat, puisque seul le Parlement aura le pouvoir de valider ou non l'accord.

M. Alain Marc .  - Un mot sur l'inflation législative. La loi du 28 février 2017 sur l'égalité réelle outre-mer est passée de 15 articles dans le projet de loi initial à 148 dans le texte final ; la loi Justice du XXIe siècle, de 54 à 115, dont 55 introduits en première lecture à l'Assemblée nationale, les deux tiers d'initiative gouvernementale.

Je m'étonne aussi de l'argument de la célérité du recours aux ordonnances. Le délai moyen pour 2016-2017 est de 344 jours, preuve que le recours aux ordonnances n'est pas la garantie d'une effectivité rapide de la norme. Qu'en pensez-vous ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Sur l'inflation législative, reconnaissons que les torts sont partagés ! Je renouvelle toutefois l'engagement de maintenir à un haut niveau les textes d'application, y compris pour les mesures introduites au cours de la navette.

Concernant les ordonnances, il y a aussi des contre-exemples. Ainsi, sur le dialogue social, l'objectif d'entrée en vigueur avant le 31 décembre, que d'aucuns jugeaient irréaliste, a été tenu. Cela doit être la règle. C'est en tout cas une exigence partagée.

M. Jean-Marc Gabouty .  - Cet exercice austère mais important donne toute sa force au principe de séparation des pouvoirs et sa crédibilité à l'action publique. Merci à Mme Létard, dont le rapport illustre la continuité du travail législatif, pas toujours bien perçue. Le bilan annuel fait état d'un taux d'application des lois élevé, dans un contexte pré-électoral.

On considère en général que le Gouvernement use des ordonnances pour des raisons de délai. Sur la loi Macron, au champ très large, l'ensemble du processus, phase législative et publication des décrets, a été contenu dans un délai de douze à treize mois.

Pour la loi du 16 septembre 2017 portant habilitation à prendre par ordonnance les mesures pour le renforcement du dialogue social, au périmètre plus restreint, tous les textes d'application ont-ils été pris, onze mois plus tard ? Une moyenne mélange des choses très différentes. Même si le travail législatif peut être resserré et amélioré, tout en conservant nos prérogatives, ne pensez-vous pas que le gain de temps doive aussi être réalisé sur la publication des mesures réglementaires ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - L'efficacité du recours aux ordonnances est globalement avérée. Elles n'ont jamais été remises en cause sous la Ve République, mais elles ne doivent pas être la règle. Pour la loi Travail, les cinq premières ordonnances ont été publiées dans un délai moyen de 45 jours, l'ensemble des dispositifs en 101 jours et les décrets d'application ont tous été pris dans les trois mois. La loi de ratification a elle aussi été adoptée très vite.

Le délai de six mois entre le vote et l'application est une référence pour tous les gouvernements. Il est globalement tenu mais nous pouvons toujours faire mieux. Il faut maintenir la pression et améliorer encore les délais, y compris pour les mesures d'application d'origine parlementaire.

M. Alain Richard .  - Les chiffres bruts sur le délai d'adoption des ordonnances paraissent élevés mais la comparaison est biaisée car, par définition, le texte de l'ordonnance n'est pas écrit au préalable. Il faudrait inclure dans la comparaison le temps de préparation administrative des projets de loi. En outre, on recourt généralement aux ordonnances sur des sujets complexes ou épineux : imaginez le temps que nous y passerions si nous devions les examiner en séance ! Il y aurait un risque de surcharge des institutions.

Le niveau de capacité des services juridiques des ministères varie ; certains, peu outillés, sont sous pression. La mutualisation entre ministères aux thématiques voisines donne de bons résultats, c'est le cas à Bercy et pour le triptyque équipement, environnement, logement. Saluons le dévouement des services de production du droit, souvent surchargés, et le rôle utile que joue le ministère des relations avec le Parlement dans la qualité de la relation entre législateur et administration.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous voilà rassurés !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Je suis d'accord avec vous, monsieur Richard. L'ordonnance du 2 mars 2007, qui portait sur des dispositions relatives à l'outremer du code de la consommation, a nécessité en amont 1 065 jours !

Il est important que nos services se rapprochent ; au SGG de favoriser ce lien.

M. Pierre Ouzoulias .  - L'application de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) a été fulgurante, puisqu'elle a été appliquée avant même d'être votée, via l'arrêté créant Parcoursup, annulé puis remplacé par un arrêté identique. Un cas de forgerie qui nous prive de tout recours devant le Conseil d'État, puisque l'annulation rend notre saisine caduque.

Vous me répondrez, Monsieur le Ministre, qu'il fallait éviter le tirage au sort à la rentrée 2018 ; mais il était illégal, il suffisait donc pour cela d'appliquer la loi.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Avec Parcoursup, 75 % des candidats bacheliers connaissent aujourd'hui leur destination pour la rentrée prochaine. L'an dernier, à la même époque, aucun ne pouvait en dire autant. Il y a lieu de s'en satisfaire. Le tirage au sort, certes illégal, était la règle depuis trop longtemps. Le Gouvernement a voulu sortir d'un système inique et inefficace et mettre un terme à un scandale démocratique.

M. Pierre Ouzoulias.  - Vous n'avez pas répondu sur l'application anticipée de la loi. L'an passé à la même époque, le portail n'était pas ouvert...

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Je le confirme, ma fille passait son bac et j'étais au premier rang ! On peut toujours avoir la nostalgie d'un système qui ne fonctionnait pas. Le Gouvernement a fait un choix politique : ne pas laisser l'incertitude et l'injustice être la règle, accepter le débat parlementaire. Les étudiants concernés, je le crois, l'apprécient.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quel culot !

M. le président.  - Nous ferons le bilan l'an prochain.

M. Claude Kern .  - L'article 15 de la loi Évolution du logement et aménagement numérique (ELAN) menace la protection du patrimoine en transformant en avis simple l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France (ABF) pour l'installation d'antennes relais et la résorption de l'habitat insalubre dans les secteurs protégés au titre du patrimoine. C'est une véritable remise en cause des dispositifs de sauvegarde des sites patrimoniaux remarquables.

À l'Assemblée nationale, le rapporteur a certes prévu l'intervention possible d'un médiateur en cas de recours contre l'avis de l'ABF mais cela reste cosmétique. En l'état du texte, les plans de sauvegarde et de mise en valeur ou les plans de valorisation de l'architecture et du patrimoine, instaurés il y a à peine deux ans par la LCAP, pourront être contournés au motif de la lutte contre l'habitat insalubre.

Sur la base de quel bilan de la LCAP le Gouvernement se fonde-t-il pour remettre en cause ces équilibres ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Difficile d'atteindre l'idéal, auquel m'invitait le président Bas, dans l'exécution des lois quand la question porte sur les modalités d'un texte qui n'est pas voté...

M. le président.  - Restons-en au bilan de la loi Création, architecture et patrimoine.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Prenons le temps du débat parlementaire sur l'article 15 de la loi ELAN.

M. Claude Kern.  - Sur quel bilan de la loi Création, architecture et patrimoine vous fondez-vous ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - C'est un avis négatif du Conseil d'État qui impose de revenir sur les décisions prises lors de l'examen de la loi Création, architecture et patrimoine.

Soyons précis : 41 mesures de la loi Création, architecture et patrimoine sur 43 ont été prises.

M. le président.  - Il en reste donc deux à prendre...

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Celle sur l'avis de l'ABF concernant les installations d'antennes-relais et les opérations de traitement de l'habitat indigne dans les secteurs protégés -  j'ai dit pourquoi il fallait y revenir  - et celle concernant les missions de recherche des enseignants des établissements d'enseignement supérieur dans la création artistique, le spectacle vivant et les arts plastiques. La seconde, après consultation interministérielle des organisations syndicales, est reportée à la réforme du statut des enseignants.

M. Franck Montaugé .  - Je voudrais prolonger ce débat sur l'application des lois en évoquant deux sujets qui me tiennent très à coeur ayant trait à l'évaluation des politiques publiques : l'amélioration des études d'impact et l'effet des lois que nous votons sur nos concitoyens.

Le Sénat a adopté la proposition de loi que j'ai déposée sur le premier à l'unanimité, il a décidé le renvoi en commission de mon second texte. Le 19 avril dernier, des députés de toutes tendances ont signé dans Le Monde une tribune appelant à la création d'un office indépendant d'évaluation des politiques publiques, comprenant une unité de chiffrage transpartisane et indépendante. Cette proposition venait après la publication d'un rapport de l'Assemblée nationale soulignant les insuffisances de l'évaluation. J'en partage le diagnostic, moins la solution qui est celle de l'externalisation. Puisqu'il faut être exigeant avec les siens, je propose que le Sénat joue un rôle moteur dans ce domaine. Le Gouvernement compte-t-il donner suite à ma proposition de loi sur les études d'impact que le Sénat a votée le 7 mars dernier ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Il ne revient pas au Gouvernement de donner suite à une proposition de loi... Cela dit, vos propos sont frappés au coin du bon sens. L'approche qualitative, si elle est plus difficile car subjective, est indispensable. L'article 24 de la Constitution consacre d'ailleurs la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement qui, pour l'exercer, peut mobiliser la Cour des comptes. Il est vrai qu'elle a un caractère relativement inabouti dans sa forme actuelle. La semaine dernière, j'ai été auditionné par la commission des finances de l'Assemblée nationale dans le cadre du « Printemps de l'évaluation » pour examiner comment l'on pourrait donner plus de substance à la discussion de la loi de règlement. Y consacrer deux heures quand la discussion de la loi de finances et de la loi de financement dure des semaines est effectivement une anomalie. Je ne doute pas que la révision constitutionnelle sera l'occasion d'avancer. Le renforcement de l'évaluation et du contrôle parlementaires sont de nature à consolider nos équilibres démocratiques.

M. le président.  - L'évaluation suppose des moyens. Le Sénat vient de décider de se doter d'un budget à cette fin. Je serai très prudent sur le recours à des organismes extérieurs, il reviendrait à dépouiller le Parlement d'une mission qu'il revient à nos commissions permanentes d'accomplir.

M. Franck Montaugé.  - Il s'agit d'un enjeu démocratique fondamental.

M. François Bonhomme .  - Les dysfonctionnements qu'engendrent les retards pris dans l'exécution des lois prennent des formes multiples. Pour que s'applique l'article 18 de la loi du 22 mars 2016 contre les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dont j'étais le rapporteur, nous attendons toujours un décret et un arrêté. Cet article est essentiel pour atteindre l'objectif fixé par la loi puisqu'il autorise le recoupement des données des fraudeurs avec les fichiers des organismes publics et des organismes de sécurité sociale. Ma question écrite du 15 mars dernier sur ce sujet attend toujours une réponse. Seulement 40 % des questions écrites sur l'application des lois en ont obtenu une. Quand le Gouvernement compte-t-il finaliser la loi du 22 mars 2016 ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Si je trouvais efficaces les réponses que je vous ai apportées jusque-là, M. le sénateur Bonhomme me met en difficulté. Je ne lui en fais pas le reproche ; j'en fais plutôt le reproche à moi-même et à mes collègues du Gouvernement.

M. le président.  - Cela vous rappelle certainement la Conférence des présidents...

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Les retards dans les réponses aux questions écrites, qui peuvent s'expliquer par différentes raisons, ne sont pas acceptables. Concernant les deux mesures qu'il reste à prendre pour appliquer la loi contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs, pour le dire brutalement, la procédure doit être reprise à zéro. Une nouvelle consultation interministérielle, une saisine de la CNIL et du Conseil d'État sont nécessaires compte tenu de l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données. L'avis de la CNIL de février 2017 imposait des modifications substantielles qui nécessitaient une saisine rectificative qui n'a pu intervenir dans des délais raisonnables si bien que le Conseil d'État s'est dessaisi. La question de M. Bonhomme a constitué une alerte.

M. François Bonhomme.  - Merci de reconnaître ce manquement. Il est cependant quelque peu baroque de devoir vous interpeller pour obtenir une réponse à une question écrite...

M. le président.  - Ce débat a une nouvelle fois été très utile, le caractère interactif de nos échanges lui donne un tour dynamique. Nous débattrons certainement des missions de contrôle et de l'évaluation du Parlement lors de la révision constitutionnelle, le président de la République y avait beaucoup insisté devant le Congrès. Le temps est venu de la mise en oeuvre. Nous commencerons d'ailleurs, l'an prochain, par un bilan des engagements qu'a pris le Gouvernement cette année.

La séance est suspendue à 17 h 45.

Hémicycle

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 18 heures.