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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Accord avec l'Autriche sur les personnes en situation irrégulière

Discussion générale

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

M. René Danesi, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. André Gattolin

M. Fabien Gay

M. Olivier Cadic

M. Yannick Vaugrenard

M. Claude Malhuret

M. Guillaume Arnell

M. Robert del Picchia

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État

Utilisation encadrée du portable dans les établissements d'enseignement scolaire (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

M. Pierre Ouzoulias

M. Michel Laugier

M. Jean-Jacques Lozach

M. Daniel Chasseing

Mme Mireille Jouve

M. Martin Lévrier

M. Jacques Grosperrin

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

M. Jean-Michel Blanquer, ministre

Nomination et présence des parlementaires dans certains OEP (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

M. Jean-Yves Leconte

M. Alain Marc

Mme Françoise Laborde

M. Pierre Ouzoulias

M. Philippe Bonnecarrère

Explication de vote

M. Loïc Hervé, rapporteur

Renforcer la lutte contre les rodéos motorisés (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Pierre Sueur

M. Dany Wattebled

M. Éric Gold

M. Alain Richard

Mme Éliane Assassi

M. Vincent Delahaye

M. Jean-Noël Cardoux

Mme Agnès Canayer

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Vincent Delahaye

M. François Grosdidier

M. Claude Kern

Mme Fabienne Keller

ARTICLES ADDITIONNELS

Explications de vote

M. Jean-Claude Requier

M. Vincent Delahaye

M. Marc Laménie

Mme Jacqueline Gourault, ministre

Lutte contre la manipulation de l'information (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, rapporteure sur la proposition de loi

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi organique et rapporteur pour avis sur la proposition de loi

Exception d'irrecevabilité sur la proposition de loi

Mme Sylvie Robert

Exception d'irrecevabilité sur la proposition de loi organique

Mme Marie-Pierre de la Gontrie

Discussion générale commune (Suite)

Mme Mireille Jouve

M. André Gattolin

M. Pierre Ouzoulias

M. David Assouline

M. Bruno Retailleau

M. Michel Laugier

M. Olivier Paccaud

M. Claude Malhuret

Mme Françoise Nyssen, ministre

Question préalable sur la proposition de loi

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure

Question préalable sur la proposition de loi organique

M. Christophe-André Frassa, rapporteur

Explications de vote sur la proposition de loi organique

M. François Bonhomme

M. David Assouline

M. Pierre Ouzoulias

Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (Nouvelle lecture)

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Marc Gabouty

M. Arnaud de Belenet

M. Guillaume Gontard

M. Bernard Delcros

Mme Laurence Harribey

M. Yves Bouloux

Mme Jacqueline Gourault, ministre

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE PREMIER QUATER

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

ARTICLE PREMIER SEXIES

ARTICLE 2

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Explications de vote

M. Jean-Pierre Sueur

M. Marc Laménie

M. Bernard Delcros

M. Guillaume Gontard

M. Jean-Marc Gabouty

Mme Jacqueline Gourault, ministre

Annexes

Ordre du jour du lundi 30 juillet 2018

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 26 juillet 2018

17e séance de la session extraordinaire 2017-2018

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Accord avec l'Autriche sur les personnes en situation irrégulière

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.

Discussion générale

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous voilà réunis pour examiner ce projet de loi de ratification d'un accord franco-autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.

Cet accord a été signé en 2007, et actualisé en 2014 - il a donc traversé les majorités -, afin de faire évoluer un cadre établi en 1962. Il est analogue à d'autres que nous avons signés avec une vingtaine d'États membres de l'Union européenne dont la Suède, le Portugal, l'Espagne ou l'Allemagne, et n'a donc rien d'exceptionnel.

Il oblige d'abord l'Autriche à réadmettre ses propres ressortissants qui se trouveraient en situation irrégulière sur notre territoire, et inversement. Il s'agit de personnes frappées d'interdiction de séjour en complément d'une peine ou faisant l'objet d'une mesure d'expulsion pour des raisons d'ordre ou de sécurité publics. Ce sont des cas très rares - sept ont été recensés ces trois dernières années.

L'accord reprend ensuite les dérogations prévues par la directive Retour de 2008, permettant à la France et à l'Autriche de réadmettre des ressortissants de pays tiers qui ont séjourné ou transité par leur territoire avant d'aller sur celui de l'autre partie. Depuis 2015, la France a saisi l'Autriche d'une quarantaine de demandes de réadmission chaque année, essentiellement des ressortissants afghans, algériens, kosovars et pakistanais. Ce nombre n'a pas vocation à évoluer significativement.

Dernier cas de figure prévu par l'accord : le transit via la France ou l'Autriche de personnes en cours d'éloignement vers un pays tiers décidé par l'autre partie.

L'obligation de réadmission ne vaut bien sûr pas lorsque les personnes sont apatrides ou se sont vu reconnaître le statut de réfugié. Pour les demandeurs d'asile, c'est le règlement Dublin III qui prévaut.

Les dix articles assortis d'annexes et protocoles fixent les règles procédurales et les garanties de droit relatives à l'établissement de l'état civil et de la nationalité, ainsi qu'à la protection des données à caractère personnel. Il s'agit donc d'un texte à la portée limitée, qui actualise un accord très ancien pour le mettre en conformité avec le droit européen.

Notre partenaire autrichien a notifié à la France le 17 septembre 2015 l'achèvement de sa procédure interne - qui ne passait pas par le Parlement. Le temps que mettent, chez nous, de telles procédures, nous est souvent reproché : il serait bon de réfléchir aux moyens d'y remédier.

Un mot du contexte. Cet accord s'inscrit dans une actualité marquée par les sujets migratoires, même si, depuis 2015, les flux de migration depuis les frontières ouvertes ont été réduits, grâce au travail de stabilisation mené avec les États partenaires du Sud de la Méditerranée.

Il y a un mois, souvenez-vous, nous nous préoccupions de la capacité de l'Europe à relever des défis qui nous sont largement communs. Le destin de l'Europe et du continent africain sont liés : nous réussirons ensemble ou nous échouerons ensemble. La France plaide pour un partenariat eurafricain ambitieux, pour une aide publique au développement plus rapide et opérationnelle, car ces jeunes ne se lancent pas sur les routes de la liberté, ils empruntent les routes de la nécessité, comme l'a dit le président de la République.

Nous travaillons avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) pour identifier, depuis le Niger et le Tchad, ceux qui relèveraient du droit d'asile et les acheminer.

La politique française est empreinte d'humanité et de fermeté à la fois. La France est engagée pour renforcer l'efficacité de Frontex. Reste à monter en puissance en termes de moyens.

Dans ce débat parfois passionnel, tenons-nous en aux faits, à la raison, au pragmatisme, veillons à préserver la dignité humaine comme la souveraineté nationale et européenne.

Merci, enfin, pour le travail accompli par votre commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC et sur le banc de la commission)

M. René Danesi, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - En effet, ce projet de loi est avant tout technique. L'accord qui lie nos deux pays depuis 1962 ne concerne qu'un très faible nombre de personnes. Ces trois dernières années, la France n'a saisi l'Autriche que d'une quarantaine de demandes de réadmission en moyenne chaque année. Et ce nombre n'a pas vocation à évoluer de manière significative.

La commission des affaires étrangères avait donc proposé un examen en forme simplifiée. Deux présidents de groupe ont toutefois demandé le retour à la procédure normale, davantage pour débattre en séance publique du contexte politique que de l'accord lui-même, adopté à une très large majorité en commission.

Cet accord a été signé le 30 octobre 2014 et ratifié par l'Autriche dès 2015. Son inscription tardive à notre ordre du jour n'est pas sans conséquence puisque le contexte politique a radicalement changé.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Bien sûr...

M. René Danesi, rapporteur.  - Au cours des trois dernières années, l'Autriche, pays de 8,75 millions d'habitants, a enregistré 148 000 primo-demandes d'asile, contre 238 000 pour la France. L'Autriche a accordé le statut de réfugié à plus de 83 000 personnes ; la France, huit fois plus peuplée, à 102 000 réfugiés...

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Voilà !

M. René Danesi, rapporteur.  - L'Autriche est l'un des États de l'Union qui, proportionnellement, a accueilli le plus d'immigrés.

Chacun connaît le résultat des élections législatives autrichiennes d'octobre dernier. Les partis de la coalition aujourd'hui au pouvoir avaient proposé de durcir les conditions d'accueil et d'asile, ainsi que la politique de retour. Mais ils n'avaient pas affiché la volonté de revenir sur les engagements européens de l'Autriche en matière d'accueil de migrants.

Qu'en est-il des récentes propositions du nouveau chancelier, Sebastian Kurz ? L'Autriche assure la présidence de l'Union européenne pour le second semestre 2018. Dans une note confidentielle révélée par la presse, Vienne propose aux États membres que les demandes d'asile soient traitées dans des centres établis hors de l'Union, et que le droit d'asile soit limité aux personnes respectant les valeurs et les droits fondamentaux de l'Union, sans toutefois définir clairement ce critère.

Le 5 juillet dernier, devant notre commission des affaires européennes, l'ambassadeur d'Autriche en France, Walter Grahammer, confirmait l'existence de cette note, en précisant qu'une présidence n'a pas vocation à imposer ses idées mais à dégager une majorité.

Après l'épisode de l'Aquarius, le dernier Conseil européen a adopté une position commune. D'une part, il prévoit la création de plateformes régionales de débarquement en dehors de l'Union pour étudier les situations des migrants. Le Maroc et la Tunisie ont dit leur refus. L'Italie suggère d'en installer une en Libye, qui peine à reconstruire un État.

D'autre part, le Conseil prévoit l'ouverture dans les États membres, sur une base volontaire, de centres contrôlés permettant de séparer les réfugiés éligibles à la protection des migrants économiques. La Commission européenne prendra en charge le coût de ces centres.

La question migratoire menace de diviser l'Union européenne. Elle sera au coeur des élections de l'an prochain. C'est pourquoi notre commission des affaires étrangères a demandé la tenue d'un débat en séance publique sur ce sujet dès le mois d'octobre.

La portée du présent texte est toutefois beaucoup plus limitée.

Premièrement, l'accord oblige chaque partie à réadmettre ses propres ressortissants se trouvant en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie. Ces cas sont très marginaux.

Deuxièmement, il oblige les parties à réadmettre des citoyens de pays n'appartenant pas à l'espace Schengen lorsqu'ils ont séjourné ou transité par leur territoire. Là encore, le nombre de demandes est faible.

Troisièmement, il encadre le transit via la France ou l'Autriche d'une personne en cours d'éloignement vers un pays tiers décidé par l'une ou l'autre des parties.

Ces stipulations, similaires à celles des accords de même nature conclus ces dernières années, sont encadrées par le droit européen. Elles fixent les règles procédurales, mentionnent les garanties de droit relatives à l'établissement de l'état civil et de la nationalité et à la protection des données à caractère personnel, et encadrent les prérogatives des éventuelles escortes policières.

Le texte ne concerne ni les apatrides, ni les réfugiés, ni les demandeurs d'asile qui sont soumis à des règles spécifiques. Il actualise l'accord de 1962 pour le mettre en conformité avec le droit européen.

La commission préconise l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE et LaREM.)

M. André Gattolin .  - Le projet de loi clôt la renégociation d'un instrument bilatéral qui a débuté il y a plus de dix ans. C'est pourtant un exemple classique d'accord du type de ceux signés avec une vingtaine d'États membres de l'Union européenne. L'Autriche l'a ratifié en 2015, avant l'arrivée au pouvoir de l'actuelle coalition.

Cet accord ne pose pas de difficultés notables : sa portée est marginale, compte tenu du faible nombre de réadmissions annuelles. Chaque partie devra réadmettre ces ressortissants en situation irrégulière se trouvant sur le territoire de l'autre partie à la suite d'une mesure d'éloignement - sept personnes ont été concernées en trois ans, et réadmettre ceux de pays tiers ayant séjourné ou transité préalablement sur le sol de l'autre partie. Ce cas concerne une quarantaine de personnes chaque année depuis 2015.

Cette révision a une portée technique : il fallait actualiser l'accord de 1962 rendu caduc par la création de l'espace Schengen.

Autre changement de contexte : l'arrivée au pouvoir en Autriche de la coalition de droite et d'extrême-droite, le FPÖ dirigeant les ministères de l'intérieur, de la défense et des affaires étrangères, alors que l'Autriche prend la présidence du Conseil. Le chancelier Kurz a ainsi proposé un axe des volontaires Rome-Vienne-Berlin pour défendre une ligne dure en matière migratoire.

Ne laissons pas ce contexte empoisonner pour autant nos relations bilatérales avec l'Autriche. Le 5 juillet, devant la commission des affaires européennes, l'ambassadeur autrichien a redit la volonté de son pays de respecter le cadre institutionnel et les valeurs européennes. Lors des petits-déjeuners du mouvement européen, il a réitéré ces assurances.

En 2015, année migratoire record, l'Autriche a accueilli le deuxième plus grand nombre de demandeurs d'asile rapporté à sa population : 35 000 réponses positives, pour 88 000 demandes - bien plus que la France. Le chancelier Kurz a réaffirmé son attachement au projet européen dans le contrat de coalition et a détaché le ministère des affaires européennes de celui des affaires étrangères, dirigé par le FPÖ.

Sur plusieurs grands dossiers - climat, environnement, taxation du numérique, calcul à haute performance - l'Autriche est un partenaire sur lequel nous savons pouvoir compter.

Refusant de l'ostraciser, le groupe LaREM soutient donc un dialogue constructif avec un pays au carrefour de l'Europe. Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UC)

M. Fabien Gay .  - Depuis 1962 la France et l'Autriche sont liées par un accord de réadmission. Ce texte est purement technique : il prend acte de la non-conformité avec le droit européen des conventions de 2007 et 2014. Le groupe CRCE a voulu un débat parce qu'il ne flotte pas pour autant au-dessus de la réalité : un contexte particulièrement préoccupant en Autriche et en Europe.

Alors que, proportionnellement, l'Autriche a accueilli plus de réfugiés que la France depuis 2015, les élections législatives d'octobre dernier rebattent forcément les cartes. La coalition entre l'ÖVP et le FPÖ a élargi la liste des pays sûrs, remplacé l'aide financière par une aide en nature, augmenté les expulsions.

La présidence autrichienne du Conseil participe au renfermement de l'Europe sur elle-même. Autriche, mais aussi Hongrie, Italie, Slovaquie, Pologne, Finlande, Bulgarie, Allemagne : l'Europe est au bord du gouffre, elle se construit une forteresse, loin des idéaux de Robert Schuman.

Combien d'États européens sont responsables du retard de développement des pays du Sud, combien interviennent militairement dans les zones de départ des migrants ?

L'opposition stérile entre les réfugiés quittant une zone de conflit et les autres n'honore pas ceux qui l'entretiennent. En 2014, le Cameroun a adopté une loi antiterroriste condamnant à mort toute personne agissant contre le fonctionnement normal des services publics. En Mauritanie, l'esclavage existe toujours : 300 000 personnes sont ainsi exploitées. Faut-il s'étonner, lorsque 16 millions de personnes meurent de faim ou de soif dans le monde chaque année et 3,5 millions de maladies dont les traitements sont connus, que les candidats au départ vers l'Europe soient si nombreux ?

Les conclusions du sommet européen sur l'immigration sont marquées par un regain de vitalité réactionnaire. L'accord du 28 juin prévoit ainsi, au mépris de la sécurité des réfugiés, la création de centres contrôlés et de plateformes de débarquement dans des pays tiers comme la Libye ou l'Irak - sachant que viols, tortures et trafics sont monnaie courante dans les centres de rétention existants.

Il y a aussi les propos viennois sur des réfugiés « peu ou pas éduqués, les empêchant de vivre dans des sociétés ouvertes », qui rappellent les diplomates européens des années trente, effarés par le mauvais genre des réfugiés...

Une ministre française affirme qu'il ne s'agira pas de centres fermés, mais de centres dont les migrants ne pourront pas sortir... On marche sur la tête !

Il faut réfléchir à une coopération bilatérale et européenne en matière d'immigration, non bâtir des forteresses, dans un déni d'humanité, en ne laissant circuler que capitaux et marchandises. À quand une révision des règlements de Dublin ? L'accord du 28 juin est une étape dans la politique de dissuasion et d'empêchement des réfugiés, qui sonne comme une politique d'abandon.

Le groupe CRCE, sans surestimer la portée de cette convention, s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Olivier Cadic .  - Sur le fond, ce texte ne pose pas de difficulté. La France et l'Autriche sont liées par un accord de 1962 concernant la réadmission des personnes en situation irrégulière ; il doit être mis en conformité avec le cadre juridique européen.

Ce texte arrive devant notre chambre trois ans après sa ratification par l'Autriche où, depuis, le contexte a certes changé. Le groupe UC suivra le rapporteur et votera ce texte.

Mais le contexte est crucial : sur le sujet ô combien brûlant des migrations, les solutions ne peuvent être qu'européennes.

Il faut refuser l'immigration irréfléchie, tout en réaffirmant notre soutien au droit d'asile. Ce droit est fils des populations déplacées de la Seconde Guerre mondiale. Pour parvenir au pouvoir, les populistes attribuent tous les maux de leur pays à l'immigration. Ce n'est pas nouveau. Enfant, dans les années soixante-dix, je lisais devant mon école ce slogan de Jean-Marie Le Pen : un million de chômeurs, c'est un million d'immigrés en trop.

L'absurde projet de déconstruction européenne que prônent les europhobes ne saurait brader les principes d'humanisme et de solidarité qui sont les fondements de notre Union. Face à cette menace, il faut poursuivre la construction européenne.

Un droit d'asile efficace a pour corollaire une définition stricte du statut de réfugié. C'est pourquoi il importe de modifier le règlement de Dublin. Son récent assouplissement, non plus que le triplement des effectifs de garde-côtes, ne suffisent pas : les réponses sont à chercher du côté du développement africain, et je me félicite de l'intégration du Fonds européen de développement dans le budget européen en 2021.

Les hotspots dans les pays de départ ne sont pas la solution. Des garde-côtes libyens ferment parfois les yeux sur les départs illégaux. Il faut les responsabiliser par le recours au droit.

Rappelons que l'Union européenne est le lieu où des millions de personnes rêvent de vivre ; plusieurs pays balkaniques veulent l'intégrer. Parce que l'Europe est la meilleure réponse à nos problèmes, la réciprocité et les partenariats entre États membres sont la voie de la paix et de la prospérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Yannick Vaugrenard .  - Ce texte est d'adaptation technique. L'accord signé en 2007 ne sera ratifié par la France qu'en 2018 : c'est très long. Par ailleurs, le texte n'échappe pas au contexte : celui d'une Autriche qui inquiète l'Europe qu'elle préside pour six mois.

C'est pourquoi Hélène Conway-Mouret et moi-même avons souhaité un échange plus long sur la question. Il aura lieu au mois d'octobre. L'Europe, comme le monde, est en crise ; son socle démocratique et pacifique vacille. L'Autriche est dirigée par une coalition de la droite et de l'extrême droite - le FPÖ, fondé en 1956 par d'anciens nazis et dirigé alors par un ancien de la Waffen-SS, détient à présent l'Intérieur, la Défense et les Affaires étrangères ; elle préside l'Union européenne depuis le 1er juillet. En 2000, la première arrivée de FPÖ au pouvoir avait suscité des manifestations monstres, une réprobation internationale et des sanctions européennes. C'était il y a dix-sept ans... La frilosité actuelle contraste avec l'hommage rendu il y a peu à Claude Lanzmann, réalisateur de « Shoah ».

Un vent mauvais souffle en Bulgarie, en Hongrie, en Pologne, en Finlande, et même en Italie. Le doute s'installe dans l'opinion sur la viabilité à long terme de l'Union européenne, sur sa capacité à protéger.

Nous pensions vivre sur un continent de paix éternelle, mais rien n'est jamais acquis ; les conditions économiques et sociales déterminant souvent le reste : rejet de la différence, scepticisme, désenchantement.

Nous subissons les conséquences de notre absence de courage politique : les côtes italiennes, nous l'avions oublié, sont aussi les côtes européennes !

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Absolument.

M. Yannick Vaugrenard.  - Je reste convaincu que l'Europe sera sociale ou ne sera pas. Une réorientation est indispensable. Actons le fait que le Traité de Lisbonne permet à quelques-uns d'avancer avant que d'autres les rejoignent. Nous l'avons fait pour la monnaie, faisons-le pour le social, la recherche, l'environnement.

Depuis l'élection de Donald Trump, le doute et l'inquiétude dominent. Il a désigné l'Europe comme un ennemi économique, remis en cause la solidarité au sein de l'OTAN. Le fiasco d'Helsinki ajoute à la confusion. Nous risquons de retrouver les partenariats précaires et révocables d'avant la Seconde Guerre mondiale.

C'est au moment où l'Europe doit se ressaisir que l'Autriche prend sa présidence pour six longs mois. La vigilance doit être extrême, car on ne saurait transiger sur les principes. « Ceux qui oublient leur passé sont condamnés à le revivre », disait Primo Levi.

Quelle est la position de la France suite aux premières déclarations de l'Autriche sur la politique migratoire ? En 2000, il avait été décidé que les ministres d'extrême droite autrichiens ne seraient pas reçus par leurs homologues européens. Qu'en est-il aujourd'hui, Monsieur le Ministre ?

Réaffirmons la primauté des valeurs humanistes sur lesquelles s'est construite l'Union européenne et faisons nôtre la formule d'Erik Orsenna : « la mémoire, c'est la santé du monde ». (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et RDSE)

M. Claude Malhuret .  - Ce texte ne pose pas par lui-même de difficultés ; mais je comprends que nos collègues aient voulu s'en saisir comme prélude à une discussion plus large.

Faut-il refaire le match du projet de loi Asile et Immigration ? Un débat aura lieu à l''automne sur ces questions, à l'initiative du président Cambon ; c'est un cadre plus approprié.

Conséquence des défaillances de la politique migratoire commune, les politiques nationales se durcissent, y compris en Italie, en Allemagne et en France. La semaine dernière, les Allemands ont inscrit les pays du Maghreb comme pays sûrs, rendant quasi automatiques les refus de demandes d'asile ; nous attendons toujours la liste commune européenne... L'Italie veut désormais conditionner le débarquement des migrants sauvés par l'opération Sophia au partage de leur prise en charge. Les récentes élections traduisent le ras-le-bol des citoyens italiens face à l'abandon des autres Européens.

Le 12 juillet à Innsbruck, l'Autriche a proposé d'externaliser notre politique d'asile. L'irréalisme de cette proposition a été démontré : aucun pays tiers africain n'est prêt à héberger de telles plates-formes de retour. Méfions-nous des expédients séduisants et des solutions simplistes.

Entre le populisme migratoire et l'angélisme béat, il y a le pragmatisme. L'union et les égoïsmes nationaux ont échoué. Une solution collective reposant sur la solidarité et l'efficacité est cependant possible. Solidarité si chaque État prend sa juste part de l'immigration ; efficacité par un renforcement du budget consacré à ces questions : celui de Frontex est inférieur d'un tiers à celui de l'Allier...

Face aux fanatiques des murs et aux naïfs de l'accueil systématique, trouvons la juste voie, européenne et responsable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UC ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Guillaume Arnell .  - Nous examinons ce projet de loi en-dehors du cadre de la procédure simplifiée, car certains de nos collègues ont souhaité débattre plus largement du sort des migrants. L'émergence de gouvernements très conservateurs au sein de l'Union européenne menace sa cohésion ; celui de l'Autriche, qui préside l'Union européenne, interroge quelque peu.

Allié à l'extrême droite, le parti conservateur du chancelier Kurz a durci sa politique migratoire, faisant craindre qu'il en aille de même pour la politique promue en Europe. Déjà proposée au Conseil européen du 28 juin, l'idée autrichienne de plateformes de retour hors Union européenne a été repoussée pour de bonnes raisons. Les pays qui pourraient être concernés par ces centres ont dit leur désaccord - au premier chef le Maroc et la Tunisie.

À ce stade, il n'est pas souhaitable d'aller dans cette direction, tant que les pays censés abriter ces plateformes ne sont pas aux standards européens pour la protection des droits : ce pourrait être contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme.

Alors que les flux faiblissent, gardons-nous de la tentation des politiques radicales. Le principe de dignité doit prévaloir.

J'en reviens au présent projet de loi. Le RDSE ne voit aucun obstacle à son adoption. D'abord, sa portée est limitée ; le nombre d'éloignements vers l'Autriche se situe entre 30 et 40 par an.

Il s'agit ensuite d'actualiser un texte devenu obsolète.

L'accord contient en outre des stipulations assez classiques, comme la France en a signés avec une vingtaine d'autres États membres. Les trois cas de figure visés par l'accord ont été bien présentés par les orateurs précédents.

L'Autriche, malgré ses positions sur l'immigration, a fait ces dernières années des efforts plus importants que notre pays : selon Eurostat, le nombre de titres de séjour rapporté à la population était de 0,57 % en Autriche en 2016, contre 0,35 % en France.

Au reste, si l'Autriche ne respectait pas les règles européennes, elle serait passible de sanctions comme l'est actuellement la Hongrie de Viktor Orbán.

Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM ; M. René Danesi, rapporteur, applaudit également.)

M. Robert del Picchia .  - René Danesi a parfaitement expliqué le contenu du texte et le contexte dans lequel il s'inscrit - c'est à cause de ce contexte que les groupes socialiste et communiste, républicain, citoyen et écologiste ont souhaité revenir en discussion générale. L'importance du texte en lui-même ne le justifiait pas mais le sujet est très important pour nos concitoyens ; 80 % des citoyens européens demandent à l'Europe d'en faire plus en matière migratoire. C'est devenu le test ultime de la capacité d'action de l'Union européenne, le gage de sa crédibilité.

Évidemment, il faut consolider la politique migratoire européenne et traiter le problème à la racine.

L'Europe n'est pas restée inerte : depuis 2015, plus d'un million de migrants sont arrivés en Europe par la Grèce et les Balkans, 700 000 ont gagné l'Italie par la mer depuis 2011 ; mais aujourd'hui il y a bien moins de migrants qui arrivent en Europe - dix fois moins qu'en 2015 -, grâce au renforcement de la surveillance des frontières, du corps de garde-côtes, au développement de l'interopérabilité des systèmes nationaux, à la directive sur les armes, et à l'accord avec la Turquie.

Les difficultés sont toutefois loin d'être résolues. Notre pays est exposé aux flux secondaires, transitant par l'Italie - chacun sait comment le mécontentement s'est propagé dans les urnes, ici et ailleurs. Après la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la partie occidentale de l'Europe est touchée à son tour.

Les problèmes se situent cependant dans les pays sources : coopération, aide au développement, Mme Merkel parlait même d'un plan Marshall pour l'Afrique.

La commission des affaires étrangères connaît bien la situation de la Libye, autrefois un verrou, devenue une pompe aspirante d'une immigration de travailleurs venus d'Afrique de l'Ouest et de réfugiés de la Corne de l'Afrique. L'économie de la migration y représente 20 % à 25 % du PIB, et implique une part importante de la population ! Le trafic alimente la corruption - un fonctionnaire gagnerait ainsi 140 euros par mois, ce qui l'incite à fermer les yeux sur l'action des réseaux contributeurs.

L'entrée dans les eaux territoriales libyennes reste un problème. Il y aurait 700 000 migrants en Libye, détenus dans des conditions épouvantables. Certains sont même revendus à des réseaux de traite.

L'action des garde-côtes a toutefois fait baisser les départs d'un tiers : de 180 000 en 2013 à 119 000 en 2017. Et les cinq premiers mois de cette année confirment cette tendance, avec l'arrivée de 13 500 migrants.

La stabilisation des flux reste fragile, dépendante notamment de la lutte contre les têtes des réseaux de passeurs. Les sanctions individuelles du Conseil de sécurité de l'ONU et les mandats d'arrêt contre 200 trafiquants libyens vont dans le bon sens. Il faudra faire plus : s'attaquer aux flux financiers.

La France contribue largement à stabiliser la zone sahélienne, avec les 4 500 soldats de l'opération Barkhane - auxquels je rends hommage. Sans un plan d'aide au développement de grande ampleur toutefois, l'Europe ne pourra juguler la crise.

Test définitif pour l'Europe selon Angela Merkel, l'immigration est l'occasion pour le continent de jouer son destin, comme l'a dit Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. René Danesi, rapporteur, applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État .  - Je remercie les orateurs pour ce débat. Nous faisons preuve de pragmatisme, tout en visant deux objectifs : la solidarité et l'efficacité.

Assurer la présidence de l'Union européenne conduit souvent les États à remiser leurs objectifs propres, car présider exige de concilier. La main n'a pas tremblé lorsqu'il a fallu évoquer l'article 7 du Traité sur l'Union européenne à l'égard de la Hongrie et de la Pologne. Il y a quelques jours, la Commission européenne a même saisi la CJUE pour examiner la législation hongroise en matière d'asile. L'Europe est constituée d'États de droit, c'est l'application de l'appareil juridique européen qui préservera nos valeurs.

Monsieur Vaugrenard, le boycott des ministres d'extrême droite, dans les années 2000, a-t-il eu le moindre effet ? Mieux vaut continuer à discuter, sans rien renier de nos principes - et en combattant pied à pied pour nos valeurs.

Je remercie la Haute Assemblée d'avoir fourni l'occasion de cet échange. Nous aurons l'occasion d'y revenir à la rentrée et je m'en réjouis. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; M. René Danesi, rapporteur, applaudit également.)

M. Yannick Vaugrenard.  - Je ne suis pas satisfait d'une partie de votre réponse, Monsieur le Ministre. En 2000, des ministres français avaient refusé de recevoir des ministres d'extrême droite autrichiens. L'histoire ne se répète pas mais il arrive qu'elle bégaie, et certains gestes sont très importants pour l'avenir de l'Union européenne.

La discussion générale est close.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Utilisation encadrée du portable dans les établissements d'enseignement scolaire (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire.

Discussion générale

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je serai bref car tout ou presque a été dit sur ce texte à fort impact médiatique - comme toujours lorsque nos chères têtes blondes sont concernées. La CMP a trouvé un accord la semaine dernière, ce dont je me félicite d'autant que les efforts du Sénat sont préservés.

Trois principes ont guidé ces apports : cohérence, confiance et simplification. Cohérence avec l'extension aux lycées, c'est heureux, du champ du texte, avec un régime spécifique. Confiance ensuite, dans la capacité des acteurs de terrain à prendre des règlements intérieurs et à fixer les modalités de confiscation et de restitution.

Notre démarche était enfin de simplification à travers la suppression de dispositions non normatives ou ne relevant pas de la loi.

Sur les usages pédagogiques possibles, le texte a été clarifié et référence a été faite aux outils numériques - je suis sceptique sur la notion de « citoyenneté numérique » finalement inscrite à l'article 3, mais le code de l'éducation devrait survivre à cette imprécision en attentant le grand texte sur le numérique qui sera examiné lors de la prochaine session.

Pour le compromis, nous, sénateurs avons fait le choix de la responsabilité. Ce texte n'avait pas l'ambition de régler le problème de la présence invasive des écrans ; il contribuera à trouver un équilibre sur leur place dans les études.

Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - L'accord trouvé en CMP conduit à un texte équilibré, fixant des principes dont les modalités seraient précisées par les acteurs locaux.

Les téléphones portables seront interdits à la rentrée prochaine. En classe, cela renforcera l'attention des élèves ; c'était aussi nécessaire dans la cour de récréation, car une cour sans portable est à nouveau bruyante et animée, vivante. La fin des portables réduira aussi les risques de racket, vols, casses et agressions, le cyber-harcèlement - et limitera l'accès aux images violentes.

La mise en oeuvre de l'interdiction est confiée aux acteurs locaux, en fonction de la configuration des locaux et de l'organisation de l'établissement. En août, un vade-mecum sera publié par mes services.

Je remercie le rapporteur, la commission et les sénateurs. In medio stat virtus. Le courage, c'est parfois l'équilibre. Ne minimisons pas la portée de ce texte, par le message qu'il délivre à la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes  Républicains et Les Indépendants et sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

M. Pierre Ouzoulias .  - Merci pour la citation latine qui pourrait être l'adage du Sénat. Je citerai pour ma part un historien, mon collègue Max Brisson, qui s'interrogeait sur le temps passé par le Parlement sur un texte d'ordre réglementaire.

La restriction du téléphone portable existe déjà dans le code et n'a suscité aucun contentieux ; les équipes pédagogiques ont déjà tous les outils pour restreindre l'usage des téléphones portables. Pourquoi, alors, la moitié des établissements ne l'appliquent-ils pas ? Il faut leur en donner les moyens plutôt que d'adopter un texte qui fera l'objet de gloses dans les bureaux ministériels.

Je m'interroge sur la notion de citoyenneté numérique, jamais définie. J'ai regardé de plus près : le concept s'est répandu dans les années quatre-vingt-dix, surtout dans le monde anglo-saxon, pour désigner des réalités très diverses. D'aucuns voient dans le cybercitoyen un individu qui s'élève à un haut niveau de compréhension de la société - son aisance technique lui donnerait une capacité supérieure d'exprimer ses intérêts propres au sein d'une société conçue comme une forme de conciliation de toutes les opportunités individuelles.

Pierre Rosanvallon considère le numérique comme un espace généralisé de veille et d'évaluation du monde. Le citoyen numérique est alors un « citoyen vigilant » qui utilise les informations qu'il se procure directement pour forger les outils et les moyens d'action d'une « contre-démocratie » dont l'objectif est de contester les formes de la domination.

D'autres encore envisagent le numérique sous l'angle de réseaux décentralisés de délibération et de prise de décision, pour une nouvelle démocratie en dehors des cadres institutionnels classiques.

Je ne doute pas que c'est cette vision libertaire qui a inspiré l'Assemblée nationale... Mais, Monsieur le Ministre, que feront vos services de ce concept ?

Plus sérieusement, le système du numérique mérite une réflexion plus approfondie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Michel Laugier .  - La CMP n'a pas beaucoup changé le texte du Sénat ; mon groupe s'en satisfait.

La CMP a simplement introduit une utilisation ponctuelle du téléphone portable en tant qu'outil pédagogique.

Monsieur le Ministre, vous avez relevé ce paradoxe : tous les législateurs successifs ont eu à se prononcer sur une question qui semble secondaire. Mais le paradoxe n'est qu'apparent. L'interdiction du téléphone portable figurait, certes, dans le code de l'éducation. Le Parlement, a-t-on observé, ne s'est pas saisi de la réforme du baccalauréat... La loi, en application de l'article 34 de la Constitution, détermine les principes généraux de l'enseignement. Le téléphone portable en fait-il partie ? Nous avons intégré dans le code de l'éducation des dispositions réglementaires, sans traiter les questions fondamentales. Le Conseil constitutionnel censurerait-il ce texte, et une future réforme du bac ?

Le sujet, ici, n'est pas le téléphone portable mais ceux qui lui sont sous-jacents. L'autorité d'abord : avec le téléphone portable, la relation entre l'enseignant et l'élève n'est plus fondée sur l'écoute et le respect. Comment rétablir l'autorité de l'État incarnée par le professeur ? Voilà une question fondamentale. Deuxième élément : la culture de la déconcentration et du zapping. Peut-on penser dans ces conditions ou n'est-on pas en train de s'abrutir collectivement en commençant par abrutir nos enfants ? Enfin, la place de la relation humaine dans l'enseignement, qui nous renvoie à l'insociable sociabilité kantienne : il nous faut concilier l'inconciliable. L'école est un lieu de distanciation, de recul par rapport au monde ; mais elle ne peut pas non plus en être coupée, elle doit évoluer avec lui. L'école ne peut donc tourner le dos au numérique, mais elle ne peut pas non plus lui ouvrir grandes ses portes. Comme l'indique le rapport de Mme Morin-Desailly, il est temps de prendre en main notre destin numérique, par la formation. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Jacques Lozach .  - Je me félicite de la capacité de dialogue dont les deux assemblées ont fait preuve. Mais les réserves du groupe socialiste demeurent : c'est un texte au mieux inutile, au pire gênant. Nous sommes tous conscients du danger des téléphones portables. Point n'est besoin de passer par la loi cependant : les règlements intérieurs des établissements suffisent. Il n'y aura pas d'harmonisation, bien au contraire. Une homogénéisation des pratiques provoquerait de plus de nouvelles difficultés. Ce texte, soit ne règlera rien, soit dérèglera tout.

Il eut été plus judicieux d'engager une concertation sur les thèmes bien plus larges de l'école et du numérique.

Je regrette aussi le rétablissement de certaines dispositions supprimées par le Sénat en commission.

La loi du 12 juillet 2010 est, dans la majorité des cas, appliquée sans difficulté.

Toutefois, le groupe socialiste s'abstiendra dans l'attente d'un texte sur l'école et le numérique, que nous appelons de nos voeux.

M. Daniel Chasseing .  - Malgré les réserves des deux assemblées sur la nécessité de légiférer, un texte commun a été adopté. Il inscrit dans le marbre un principe jusqu'alors laissé à la discrétion des chefs d'établissement.

Confier à ceux-ci le soin de fixer les modalités de confiscation, comme l'a proposé Colette Mélot, est une initiative heureuse.

L'État et les collectivités territoriales ayant cofinancé la fourniture de plus de 200 000 tablettes numériques, il serait absurde d'en interdire l'usage.

La notion de citoyenneté numérique a été introduite dans le texte à juste titre.

En sortant le téléphone portable des enceintes scolaires, nous libérons du temps et de l'attention, notamment pour la lecture. Nous préservons les élèves de contenus inadaptés. Le milieu scolaire doit rester un espace de réflexion, d'apprentissage et de sociabilité.

« L'éducation ne se borne pas à l'enfance, l'enseignement ne se limite pas à l'école », comme l'écrivait Paul Valéry.

Le groupe Les Indépendants votera le texte adopté par la CMP.

Mme Mireille Jouve .  - Le groupe RDSE a soutenu le rapporteur dans ses travaux, convaincu de l'attention réelle des acteurs de l'enseignement de voir le dispositif juridique sécurisé.

L'école et le collège sont des sanctuaires, des lieux d'échange et de partage où la parole de l'adulte continue à porter. Le téléphone portable est vecteur de troubles et d'isolement pour l'enfant.

Cette coproduction législative, dont je me félicite, est une contribution à ce qui est aussi un enjeu majeur de santé publique. C'est le prélude à une réflexion plus large entamée par la présidente de la commission de la culture sur la place de l'homme dans son écosystème numérique.

Le groupe RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Martin Lévrier .  - Il aura fallu vingt ans pour interdire le portable dans les enceintes scolaires. Les mobiles ont amplifié le harcèlement scolaire ; ils engendrent, comme tous les produits de marque, une émulation malsaine autour du statut social.

Cette proposition de loi renverse la norme en posant une interdiction de principe. Les chefs d'établissement pourront ainsi s'appuyer sur un cadre juridique ferme. C'est une avancée majeure.

Mais l'encadrement est indissociable de la pédagogie : il faut former les élèves à une utilisation responsable d'Internet. Ils doivent apprendre à filtrer les contenus inappropriés, distinguer les informations fiables des fake news.

Il faut faire l'école du discernement. L'enseignement doit être non pas technophile ni technophobe, mais techno réfléchi. (Sourires)

Le groupe LaREM se félicite de ce texte équilibré. Le rapporteur a su modifier le cadre de la confiscation en laissant une liberté aux chefs d'établissement. Les dispositions de ce texte encourageront les élèves à envisager le numérique avec lucidité, esprit critique et civilité.

Mon groupe votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Françoise Laborde et M. Éric Gold applaudissent également.)

M. Jacques Grosperrin .  - Permettez-moi de saluer M. Jean-Claude Carle, en charge de ces questions au sein de la commission de la culture, depuis vingt ans, qui va quitter prochainement le Sénat. (Applaudissements sur tous les bancs)

Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP, mais ne peux commencer sans m'interroger sur l'opportunité d'inscrire ce texte en pleine session extraordinaire, traditionnellement consacrée à des textes majeurs, et de légiférer tout court sur un tel sujet. Nous poserons la même question cet après-midi sur l'examen en procédure accélérée de la proposition de loi de lutte contre les fausses informations.

Ce texte est un signal fort d'autorité, ce qui est heureux. Il n'est toutefois pas « l'avènement » que décrivent les médias : l'interdiction figurait déjà dans le code de l'éducation depuis 2010.

Le compromis trouvé a clarifié les règles de confiscation et de restitution et laissera l'usage pédagogique du téléphone portable à la liberté des établissements.

Est-ce toutefois le rôle de l'école d'éduquer nos enfants aux usages des écrans alors que les chercheurs montrent le rôle de la main et de la mémoire du geste ?

Je salue le travail du rapporteur sur le périmètre du texte. Les décisions seront prises par le chef d'établissement.

La rédaction des dispositions sur l'éducation aux médias est approximative, mais nous y reviendrons lors de l'examen du texte dédié.

Le sujet est vaste, la réflexion n'en est qu'à ses débuts.

Les établissements qui appliquent une interdiction stricte ont, nous le savons, de meilleurs résultats. Ce texte facilitera son effectivité à tous les établissements, c'est toujours cela de pris. C'est un jalon et un signal politique fort envoyé aux familles. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (M. André Gattolin et Mme Françoise Laborde applaudissent ; applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture .  - L'outil attendu pour la rentrée scolaire est enfin disponible. Nos collègues n'étaient pas tous emballés par la perspective de légiférer sur ce sujet : beaucoup auraient préféré discuter du bac ou de l'éducation au numérique. Le pédopsychiatre Serge Tisseron suggère de débattre plus largement de ces questions avec toute la communauté éducative et les parents ; nous le ferons pour que chacun soit responsabilisé dans l'utilisation, ou non, de l'outil. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains et sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre .  - Cette loi était nécessaire pour plusieurs raisons. Je n'en citerai qu'une : elle a montré l'intérêt du bicamérisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Jean-Claude Carle et Martin Lévrier applaudissent également.)

Vous souhaitez débattre de sujets plus larges. Ce sera le cas avec l'école obligatoire dès 3 ans dès 2019.

Je rends hommage enfin au sénateur Carle, dont le travail a eu tant d'importance pour les politiques éducatives dans notre pays. Adieu monsieur le professeur, chantait Hugues Aufray ; je dirais plutôt : au revoir Monsieur le Sénateur ! (Applaudissements sur tous les bancs)

La discussion générale est close.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté dans le texte résultant des travaux de la CMP.

Nomination et présence des parlementaires dans certains OEP (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.

Discussion générale

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Issue d'une initiative conjointe des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, cette proposition de loi vise à encadrer et simplifier les règles de nomination et de présence des parlementaires dans les organismes extérieurs au Parlement, les OEP. Le recours à la procédure de législation en commission a été très efficace. De nombreuses auditions et 80 contributions écrites ont enrichi nos travaux.

Je remercie le rapporteur de l'Assemblée nationale, Sylvain Waserman, ainsi que vous-même, Monsieur le Ministre, et Mme la ministre Gourault. Seule la loi autorise la présence des parlementaires dans les OEP, depuis la loi Confiance de 2015.

Il s'agit de limiter la dispersion des sénateurs dans les OEP pour rendre leur participation aux travaux parlementaires plus efficace, comme l'ont formulé Alain Richard et Roger Karoutchi dans leurs préconisations à ce sujet.

Notre présence est nécessaire dans les OEP pour mieux contrôler l'action du Gouvernement par exemple au Conseil immobilier de l'État - ou encore évaluer les politiques publiques, par exemple au conseil d'administration de l'ENA, à l'Agence française de développement ; mais aussi permettre aux organismes concernés de mieux appréhender les aspirations de nos concitoyens, comme le montre notre présence au Haut Comité de la qualité du service dans les transports.

De même, il nous a paru opportun de clarifier les modes de désignation des parlementaires dans les organismes extérieurs et de garantir le respect des principes de parité et de pluralisme.

Le Sénat maintiendra une présence des parlementaires dans 164 organismes, soit 19 % de moins qu'aujourd'hui. Les députés n'ont pu aller aussi loin dans la rationalisation.

Le texte de la CMP concilie les apports respectifs des députés et des sénateurs : 113 sont maintenus, dont le Conseil national des professions du spectacle, qui suit le dossier si important des intermittents, et le Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens, et je n'ai pas besoin d'insister sur l'acuité du réchauffement climatique...

Nous avons accepté de revenir sur la fusion du Haut Conseil à la vie associative et du Comité consultatif du fonds pour le développement de la vie associative, les parties prenantes n'étant pas prêtes pour un tel mouvement.

Nous avons aussi travaillé avec Sylvain Waserman sur le calendrier d'entrée en vigueur, notamment pour les OEP de rang législatif qu'il est proposé de supprimer et pour le pouvoir de sanction de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), sujet qui tenait à coeur au Gouvernement.

Le Comité de suivi de la loi de refondation de l'école de la République est supprimé. Le Comité national de l'air et le conseil d'administration de l'ANRU comprendront un parlementaire ; il en a été ajouté un à l'AEFE.

Nous avons trouvé un compromis pour mieux associer les parlementaires aux commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI). Il s'agit de mieux garantir l'ancrage territorial des parlementaires et de faciliter leurs échanges avec les services de l'État. Nous vous proposons donc de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Républicains)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - En ce moment particulier du débat parlementaire, (Sourires) cette proposition de loi est singulière : déposée le 30 mars dernier au Sénat par le président Gérard Larcher, huit présidents de commission ainsi que la présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études, elle a été déposée le même jour à l'Assemblée nationale par son président et quatre présidents de groupes politiques. Placé sous de tels auspices, ce texte ne pouvait que prospérer ! (Sourires)

Je tiens à saluer la qualité du dialogue que les deux rapporteurs et, à travers eux, les deux assemblées, ont su nouer. Cette méthode portera ses fruits pour les prochains travaux parlementaires.

Le nombre d'OEP s'élèvera à 173 : un effort de rationalisation est essentiel pour renforcer l'expertise des parlementaires - préservée au sein du Conseil national des professions du spectacle et du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, ainsi qu'au sein du Conseil national de l'air, comme le souhaitait le Sénat. À l'initiative du Sénat, les parlementaires seront présents au sein du conseil d'administration de l'ANRU. Le Gouvernement prend acte du compromis auquel les deux assemblées sont parvenues sur ce point précis, mais considère que cette disposition n'épuise pas la question du fonctionnement et de la gouvernance de l'ANRU, qui doivent faire l'objet d'une réflexion associant l'ensemble des acteurs concernés.

S'agissant des CDCI, la rédaction s'inspire du modèle des commissions compétentes pour les DETR, ce qui va dans le bon sens.

Je vous invite donc à adopter les conclusions de la CMP qui permettra une meilleure participation des parlementaires et une meilleure lisibilité de leur action pour nos concitoyens. (M. le rapporteur applaudit.)

M. Jean-Yves Leconte .  - Cette loi est une conséquence de la loi Confiance du 25 septembre 2017. La loi devait fonder la participation des parlementaires dans les OEP. Or ceux-ci étaient nombreux, créés par décrets, à prévoir leur présence !

Cette proposition de loi renforce la parité, la lisibilité des règles de nomination et organise une procédure de suppléance.

Je regrette sincèrement que nous n'ayons pu maintenir des parlementaires, plus particulièrement des sénateurs, représentant les Français de l'étranger dans la Commission nationale des bourses (CNB).

Mme Claudine Lepage.  - C'est très dommage !

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Je vous entends.

M. Jean-Yves Leconte.  - Là aussi, les parlementaires contrôlent l'usage des fonds publics et se rapprochent des besoins du terrain.

Je regrette aussi que le président Larcher, considérant que les parlementaires ne pourraient être nommés dans des OEP créés par décret, ait cessé de procéder à des nominations depuis 2016. Le président de l'Assemblée nationale n'a pourtant pas hésité à le faire, même après l'adoption de la loi Confiance !

La procédure de législation en commission permet d'aller plus vite, certes, mais cela fait deux fois que nous nous retrouvons en séance, et nous n'avons pas la possibilité de rectifier un point qui ferait consensus - telle la présence de parlementaires à la Commission nationale des bourses.

Le groupe socialiste votera toutefois ce texte, en regrettant à nouveau l'absence d'un sénateur à ladite commission alors qu'un député y siège toujours !

Il est frustrant d'enchaîner des lectures en commission et en séance publique sans pouvoir discuter du fond. (Mmes Claudine Lepage, Françoise Laborde et M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudissent.)

M. Alain Marc .  - Le nombre d'OEP est passé de 17 en 1958 à 212 aujourd'hui, et ils échappent à toute typologie. Cela accroît les contraintes déjà lourdes sur l'agenda parlementaire, laissant une grande marge de manoeuvre au pouvoir réglementaire. Les règles sont des plus disparates d'un organisme à un autre ! Ce texte consiste donc en une utile rationalisation.

Je salue l'esprit de consensus qui a prévalu en CMP. Depuis le 1er juillet, seule la loi peut prévoir la présence d'un parlementaire dans un OEP conformément à la loi Confiance dans la vie politique.

Les parlementaires peuvent par leur présence dans les OEP mieux contrôler l'action de l'État - je pense par exemple au Conseil de l'immobilier de l'État - mieux évaluer les politiques publiques - les parlementaires sont ainsi présents au conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD) - ou mieux comprendre les attentes des Français - en siégeant par exemple à l'Observatoire de la laïcité.

Je salue l'équilibre trouvé par la CMP pour mieux associer les parlementaires aux CDCI, à l'instar des commissions qui valident la DETR. On tire ainsi les conséquences de la loi de février 2014 limitant le cumul des mandats.

Ce texte est équilibré, le groupe Les Indépendants le votera.

Mme Françoise Laborde .  - Le 1er juillet, l'article 13 de la loi organique pour la confiance dans la vie publique entrait en vigueur ; cette proposition de loi en est la conséquence directe. C'est le fruit d'un compromis trouvé en CMP et voté à l'unanimité par les députés.

Je salue le travail de notre rapporteur pour dénombrer, sonder, évaluer les OEP. La procédure de législation en commission a apporté la preuve de son utilité.

Ainsi le Sénat a pu améliorer le texte, notamment sur l'article premier qui prévoit la parité dans les mécanismes de nomination. Sur l'article premier bis, notre groupe n'a pas été entendu. Nous espérons donc que la représentation des groupes politiques sera respectée par les présidents des assemblées.

Gageons que ce texte mettra fin à la frénésie de création de ces organismes.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Très bien !

Mme Françoise Laborde.  - La présence des parlementaires dans les CDCI était une revendication ancienne. Les élus pourront ainsi rependre pied dans leurs territoires.

Ce texte nous incite aussi à nous interroger sur le rôle des parlementaires dans l'ordonnancement institutionnel. Leur présence dans ces organismes participe de l'évaluation des politiques publiques ; mais elle ne doit pas se faire au détriment du travail législatif.

J'attire votre attention sur la possible instrumentalisation de la présence des parlementaires dans certains OEP, sans qu'ils puissent pour autant peser sur leurs travaux...

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - On comprend l'allusion !

Mme Françoise Laborde.  - Le groupe RDSE votera ce texte important pour la séparation des pouvoirs.

M. Pierre Ouzoulias .  - Cette proposition de loi ne pose pas de problème majeur. Nous nous félicitons de son économie générale, qui vise à enrayer l'inflation de ces organismes. Le groupe CRCE est néanmoins réservé sur la centralisation des nominations par les présidents des assemblées ; ce pouvoir discrétionnaire pose question.

L'impact n'est pas négligeable pour le Comité des finances locales, la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et le conseil d'administration de l'AFD, par exemple, qui mériteraient, en raison de leur importance stratégique, un contrôle accru du Parlement dans un plus grand respect de la pluralité politique au sein de celui-ci.

Nous nous félicitons néanmoins de quelques avancées, comme l'institution de la règle de la parité dans le processus de nomination et partageons l'objectif de clarification dont procède ce texte.

Notre groupe s'abstiendra.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Dommage !

M. Philippe Bonnecarrère .  - Fait rare, la proposition de loi a été cosignée par les présidents de groupe à l'Assemblée nationale et déposée à l'identique par le président du Sénat, la troisième vice- présidente et les présidents de nos huit commissions. D'où son importance symbolique.

La procédure de la législation en commission a porté ses fruits, la CMP fut un succès, grâce à l'implication du rapporteur. Le texte est équilibré.

Les OEP sont des vecteurs de débat, des laboratoires d'idées, des forces de proposition. Ils forment un élément essentiel du contrôle de l'État ; mais il fallait en brider la prolifération. Rappelons que 58 OEP ont été créés depuis 2014.

Aux termes de la loi organique pour la Confiance dans la vie politique, la nomination d'un parlementaire en OEP doit être effectuée par voie législative.

Le texte voté par le Sénat faisait passer le nombre d'OEP de 202 à 164 ; le texte de compromis s'est arrêté à 173, soit une baisse de leur nombre de 14,4 % - un progrès réel, qui en appelle d'autres... Dans les faits, depuis 2005, les présidents des assemblées désignaient les parlementaires aux OEP. Il fallait le traduire dans la loi.

Monsieur le rapporteur, la présence des parlementaires dans les CDCI nous tenait à coeur ; à nous aussi !

La proposition de loi tire les conséquences en la matière du non-cumul des mandats et permet aux parlementaires d'être impliqués comme ils le sont dans la répartition de la DETR.

Ce texte équilibré participe à l'amélioration et à la rationalisation de notre système démocratique. Le rapporteur aura le soutien de notre groupe.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Je n'en attendais pas moins !

La discussion générale est close.

Explication de vote

M. Loïc Hervé, rapporteur .  - Deux mots de conclusion. D'abord, j'invite le ministre à attirer l'attention des préfets sur la présente effective des parlementaires dans les commissions les plus importantes. Merci d'y avoir oeuvré grâce aux instructions du Gouvernement.

Je vous invite aussi à la vigilance, chers collègues. Nous avons voulu créer un Conseil national consultatif des cultes où siègeraient deux députés et deux sénateurs. Je m'y suis opposé : évitons la multiplication des comités Gustave et Théodule.

L'ensemble de la proposition de loi est définitivement adoptée dans le texte résultant des travaux de la CMP.

La séance est suspendue à 13 h 25.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Renforcer la lutte contre les rodéos motorisés (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les rodéos motorisés.

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ce texte est un modèle de coproduction législative, à l'Assemblée nationale où le groupe LaREM, Les Républicains et Modem ont été à l'initiative du texte, et ici M. Delahaye, Mme Eustache-Brinio et le président Bas, qui ont tout fait pour apporter une réponse rapide à ce fléau empoisonnant la vie de nos concitoyens. Le président Bas a fait en sorte que le texte soit voté conforme.

Faisant fi de la préservation de l'espace public, de la sécurité et de la tranquillité, les rodéos motorisés pullulent désormais sur tout le territoire. L'année dernière, 9 000 faits ont été constatés par la police, 7 000 par la gendarmerie. Il était urgent d'unir nos efforts.

La commission des lois du Sénat a adopté, sans modification, cette proposition de loi. Je la remercie et salue le travail de la rapporteure. Cela montre le large consensus qui existe depuis l'origine. Par la voix de Vincent Delahaye, les sénateurs ont saisi le ministère. Natalia Pouzyreff, Naïma Moutchou, Bruno Studer, Jean-Noël Barrot y ont notamment travaillé ensuite à l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un vrai palmarès !

M. Roger Karoutchi.  - Ne soyez pas jaloux...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Quand les gens travaillent, j'aime le mérite ! Tout cela a été très anticipé.

Précédemment, de nombreuses propositions de loi n'ont pas abouti, souvent pour des raisons techniques, faute de rédactions suffisamment explicites et précises juridiquement.

Ce texte présente une solution solide pour mettre fin à ce fléau. Il définit le délit de rodéos motorisés et des peines - un an d'emprisonnement, 15 000 euros d'amende, garde à vue et éventuelle comparution immédiate. Il instaure des circonstances aggravantes qui doublent - acte en réunion - ou triplent - absence de permis de conduire, conduite sous emprise d'alcool ou de stupéfiants - le quantum de peine.

L'incitation et l'organisation de rodéos sont également réprimées. Les forces de l'ordre pourront saisir le véhicule et le mettre en fourrière, le juge aura obligation de le confisquer, sauf à motiver sa décision contraire. Ce texte s'applique également aux DOM.

Dès l'adoption de ce texte, des directives et circulaires seront transmises aux préfets pour mettre en place une stratégie locale en lien avec les commandants des groupements de gendarmerie et les directeurs territoriaux de sécurité publique. La garde des Sceaux enverra également une circulaire aux procureurs : le Gouvernement est tout entier à la tâche.

Le Gouvernement améliorera le fichier de déclaration et d'identification de certains engins motorisés, dit Dicem, qui existe depuis dix ans, avec un meilleur traçage du véhicule.

Nous réfléchissons également à d'autres pistes, comme l'obligation d'une licence sportive ou professionnelle pour acheter un véhicule non réceptionné.

Cette avancée pénale sera utile aux services de la police du quotidien, en collaboration avec tous les acteurs locaux : rien ne peut se faire sans les élus locaux, concernés au premier chef.

Ces initiatives ne seront efficaces que complétées par des actions d'éducation, des aménagements urbains et la sensibilisation des plus jeunes.

Le Gouvernement mobilisera des moyens contre les rodéos motorisés. C'est une priorité du ministre de l'Intérieur et un engagement du président de la République. Elle s'intégrera dans les missions de police de sécurité du quotidien.

Je rappelle que 10 000 postes de police et de gendarmerie seront créés sur le quinquennat, 250 millions d'euros investis chaque année pour le renouvellement et la montée en gamme des équipements ; les moyens numériques seront renforcés, avec des vidéos mobiles et plus de 110 000 tablettes d'ici 2019 pour que les forces de l'ordre accèdent à tous les fichiers et gagnent un temps précieux.

La loi Justice, présentée à l'automne, améliorera la réponse pénale, afin que police et gendarmerie se concentrent sur leur coeur de métier : la présence au plus près des citoyens.

Le Gouvernement engage tous les moyens pour plus de tranquillité et le respect de l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Déposée par M. Richard Ferrand et adoptée le 4 juillet dernier par l'Assemblée nationale, ce texte avait fait l'objet d'une proposition de loi quasi identique déposée au Sénat par Vincent Delahaye et par nombreux de ses collègues issus de quasiment tous les bancs de notre assemblée. Je ne doute pas d'un accord sur ce sujet important d'ordre public et de qualité de vie.

Ces rodéos sont un véritable fléau, avec des nuisances sonores et de la délinquance routière - ils sont très dangereux, provoquant des morts, je pense à la petite Élisa.

Cantonnés à l'origine en zone urbaine, ils se pratiquent désormais en périphérie des villes et à la campagne. Quelque 8 700 rodéos ont été constatés par la police l'an passé, 6 614 par la gendarmerie contre 5 335 en 2016, soit une progression d'un quart en un an.

Notre arsenal législatif est bien pauvre, avec des outils soit difficiles à mettre en oeuvre, soit insuffisamment dissuasifs. La mise en danger de la vie d'autrui est difficile à prouver par les forces de l'ordre car il faut établir un risque immédiat pour la vie d'autrui - ce qui n'a rien d'évident quand le rodéo se déroule la nuit, sur un parking privé.

Aussi les participants à ces rodéos sont-ils poursuivis seulement pour défaut de port du casque ou pour excès de vitesse, ce qui est très insuffisant compte tenu de la dangerosité de ces événements.

Cette proposition de loi apporte une réponse efficace, en trois volets.

D'abord, la création d'un délit spécifique sanctionné d'un an et de 15 000 euros d'amende, portés à cinq ans et 75 000 euros d'amende en cas de cumul de circonstances aggravantes - vous l'avez dit. Créer un délit autonome sera plus efficace et permettra de disposer de nouveaux outils d'enquête, dont le placement en garde à vue.

Ensuite, l'organisation et l'incitation à participer à un rodéo, par exemple sur les réseaux sociaux, seront punies de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.

Plusieurs peines complémentaires sont également prévues à la confiscation obligatoire du véhicule, à laquelle le juge ne peut déroger que s'il motive sa décision.

Tous les groupes politiques sont unanimes pour condamner ce fléau. Le seul débat en commission a porté sur les peines. La gravité des faits et le danger justifiaient des peines lourdes, à l'instar d'autres infractions au code de la route. Et le juge les adaptera si besoin aux circonstances, au cas par cas.

Pour que la répression des rodéos puisse se faire au plus vite, je vous appelle à adopter, sans modification, la proposition de loi.

Cela ne suffira cependant pas à régler le phénomène. Jusqu'à aujourd'hui, les policiers et gendarmes avaient instruction de ne pas poursuivre les fuyards pour des raisons de sécurité.

M. Philippe Dallier.  - Eh oui !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - La proposition de loi doit donc être accompagnée d'une réflexion sur le renforcement des moyens d'interpellation, notamment par le recours à la vidéoprotection ou la modernisation des équipements des forces de l'ordre. Je me tourne vers vous, Madame la Ministre.

Il faudrait également renforcer l'encadrement de véhicules non autorisés à circuler sur la voie publique mais qui participent souvent à ces rodéos. Qu'en pensez-vous ?

Nous aimerions être sûrs que notre action de législateur sera bien efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, RDSE, UC, Les Indépendants ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Exaspération, tel est le mot qui revient constamment de nos concitoyens subissant les nuisances des rodéos motorisés. Cela tient à la sécurité, et aux nuisances sonores - qu'il ne faut pas sous-estimer.

Dans le Loiret, avec mon collègue Jean-Noël Cardoux, nous avons recueilli des témoignages très éclairants. Madame la Ministre, cette proposition de loi a fait l'objet d'un très large consensus car nous sommes très attachés à l'intérêt public - et vous savez que le Sénat est capable d'organiser des commissions d'enquête où chacun apporte sa pierre pour définir la vérité et les manquements, ceux qui méconnaissent l'utilité du Sénat, seraient bien inspirés d'y réfléchir.

Cette proposition de loi était nécessaire, d'abord parce qu'elle définit enfin le rodéo motorisé : une conduite violant intentionnellement le code de la route en mettant en danger la sécurité ou troublant la tranquillité. La définition est claire, la sanction aussi - mais la loi ne fait que fixer un plafond, c'est le juge qui sanctionne en tenant compte des circonstances.

La loi alourdit les peines si les faits sont commis en réunion, ou sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants. La promotion, l'incitation à l'organisation - souvent à travers les réseaux dits sociaux, parfois à tort... - font l'objet d'un délit spécifique.

Il y a sept peines complémentaires : confiscation du véhicule, suppression du permis de conduire pendant trois ans, interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant cinq ans, stage de prévention, jours-amendes, travaux d'intérêt général... Il fallait que ces mesures fussent prises.

Madame la Ministre, quelques dispositions réglementaires seront nécessaires. Interpeller les contrevenants est parfois presque impossible pour des raisons de sécurité ; c'est pourquoi l'utilisation de la vidéosurveillance est indispensable, d'autant que beaucoup de véhicules sont volés, leur plaque minéralogique changée. Il faut donc des moyens pour retrouver le propriétaire du véhicule notamment.

Enfin, il sera nécessaire de faire oeuvre de prévention. Nous ne manquions pas d'idées d'amendements - vous nous connaissez... Mais nous avons réfréné notre ardeur. (Sourires)

Ainsi, le président de la République pourra se faire filmer signant la promulgation de la loi dès cet été... (Sourires)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est perfide !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... cette loi tant attendue par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Yannick Vaugrenard s'amuse.)

M. Dany Wattebled .  - La période estivale est propice aux rassemblements de quads, motos, scooters, autant de sources d'insécurité et de nuisances. Le phénomène s'accroît, vous avez cité les chiffres.

Ces rodéos sauvages touchent espaces urbains, périurbains et ruraux, laissant les élus et les forces de police et de gendarmerie dans le désarroi tant les outils de répression sont insuffisants. Le danger, les nuisances sonores sont considérables. Les règles les plus élémentaires de la sécurité routière sont bafouées : passagers et conducteurs sans casques, moteurs trafiqués... En 2007, un adolescent de 13 ans sans casque a trouvé la mort dans les Yvelines en percutant un arbre. Le lendemain, un autre conducteur mourrait en Essonne...

Dans le droit en vigueur, les rodéos motorisés ne sont pas un délit en soi. C'est pourquoi, je me réjouis de cette proposition de loi qui définit le délit et prévoit des sanctions adaptées, en particulier la confiscation systématique du véhicule.

Voie publique et voie privée ne seront pas distinguées, du moment que leur accès est libre. Ainsi les forces de l'ordre pourront-elles agir en tous lieux. Cela répond aux attentes légitimes des collectivités territoriales et des habitants. Je salue l'action des forces de l'ordre, dont l'action dans ce domaine est très difficile.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur le banc de la commission)

M. Éric Gold .  - À Clermont-Ferrand, certains soirs, des rodéos ont lieu rue Louis Blériot. Face à de tels troubles, la commune a installé des radars fixes, des ralentisseurs, un bouclage certains soirs. En vain. Les runners le disent eux-mêmes : il y a un véritable sentiment d'impunité et quand ils se font interpeller, ils s'en sortent avec une simple contravention...

L'article 223-1 du code pénal, qui réprime la mise en danger de la vie d'autrui, est en effet interprété très strictement par la Cour de cassation.

Nous avons besoin d'un nouveau délit spécifique. L'absence de délit spécifique empêche la tenue de statistiques, mais les élus de tous les territoires constatent une nette augmentation.

La plupart des participants masquent leurs plaques d'immatriculation. Cette proposition de loi crée un nouveau chapitre du code de la route et prévoit des sanctions pénales : un an de prison et 15 000 euros d'amende, aggravés en cas de commission du délit en réunion, d'usage d'alcool ou de stupéfiant ou d'absence de permis de conduire valable.

Je suis sceptique, cependant, sur la sanction complémentaire de cinq ans d'interdiction de conduire certains véhicules à moteur, même sans permis. Mais je n'ai pas déposé d'amendement pour garantir une adoption conforme et une entrée en vigueur rapide.

Ce nouveau chapitre du code de la route punit aussi l'incitation, la promotion et l'organisation des rodéos.

L'arsenal législatif toutefois ne suffira pas ; le sentiment d'impunité est trop fort. Il faut par conséquent que les moyens suivent.

Le groupe RDSE votera ce texte qui répond à une attente forte et fait l'objet d'un consensus dans nos deux assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Alain Richard .  - L'analyse de la situation est partagée par tous : le droit existant ne suffit pas à une répression efficace. La définition d'un nouveau délit est un progrès. Des dispositions complémentaires permettent la garde à vue et la mise en fourrière du véhicule. Le groupe LaREM votera ce texte.

Quelques difficultés demeurent néanmoins. Les rodéos sont organisés par des groupes très structurés et les forces de sécurité auront toujours des difficultés à intervenir dans des conditions normales de sécurité. La coordination entre équipes municipales et forces de l'ordre s'améliore ; mais le combat sera long. Une grande part des véhicules utilisés ne sont pas immatriculés. Madame la Ministre, les soumettre à une autorisation d'immatriculation - ce qui ne dépend pas de la loi - serait un grand pas en avant.

Ces deux réserves faites, la proposition de loi est un réel progrès et le groupe LaREM la votera.

Mme Éliane Assassi .  - Cette proposition de loi vise à endiguer le phénomène inquiétant des rodéos motorisés en créant un délit spécifique puni d'un an de prison et 15 000 euros d'amende, en prévoyant aussi des circonstances aggravantes et un délit complémentaire d'incitation.

Certes, les rodéos sont un fléau qui exaspère élus et riverains. Cependant, plusieurs dispositions du code de la route permettent d'appréhender les auteurs de tels faits. En réalité, ce texte est une simplification, bienvenue, du droit.

Cependant, le groupe CRCE est opposé à la solution carcérale. Mieux vaudrait donner aux forces de l'ordre les moyens dont elles manquent - la mission d'information sur les forces de l'ordre a permis de le démontrer. Nous préconisons une approche dissuasive : stages de sensibilisation et travaux d'intérêt général sont à privilégier plutôt que d'être de simples sanctions complémentaires.

Connaissant la surpopulation carcérale et l'effet délétère de la prison, pourquoi choisir d'enfermer encore davantage ? Lors du projet de loi sur la justice, il faudra réfléchir sur le sens de la peine, et nous devons, également, relancer les politiques publiques en direction de la jeunesse. Multiplions les mesures éducatives, les interventions dans les écoles et les lycées.

Oui, cette proposition de loi rassurera riverains et élus ; mais je crois que nous n'en constations rapidement l'inefficacité.

Le groupe CRCE s'abstiendra.

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Il n'y a pas si longtemps lorsque je pouvais mettre à profit mon expérience de maire dans mes fonctions de parlementaire, j'ai été confronté au phénomène des rodéos motorisés. Avec Jean-Marie Vilain, maire de Viry-Chatillon, et Robin Reda, maire de Juvisy, j'avais tenté de faire adopter une proposition de loi sur le sujet, mais sans succès.

Le rodéo motorisé n'est pas défini dans notre droit, les sanctions sont dérisoires : l'amende peut même être de 11 euros dans certains cas... J'ai donc déposé une proposition de loi en novembre 2017.

Le Gouvernement s'est saisi du problème ; nous avons travaillé ensemble pour aboutir à une deuxième proposition de loi, celle qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi a été signée par 150 collègues, que je remercie ; elle a été examinée par la commission des lois qui a compris qu'il était préférable de l'adopter conforme, de manière à ce qu'elle entre en vigueur le plus vite possible.

Mais ce texte ne résout pas tout. Les collègues frustrés de ne pouvoir faire adopter leurs amendements peuvent intervenir auprès de Mme la ministre pour qu'elle prenne des mesures réglementaires. La future loi sur la mobilité sera l'occasion de reparler du sujet.

J'espère une publication rapide des textes d'application par les ministères de l'Intérieur et de la Justice : les préfets et les procureurs doivent travailler main dans la main.

Il faut adapter les horaires de nos forces de l'ordre. C'est compliqué, je sais. En Essonne, où j'étais en visite à Massy auprès du préfet, il y a trois brigades motorisées spécialisées, mais elles arrêtent de travailler à 20 heures, alors que la majorité des rodéos motorisés ont lieu entre minuit et 4 heures du matin. Encore la nuit dernière...

Mme Éliane Assassi.  - Chez moi aussi !

M. Vincent Delahaye.  - Il faudrait, au moins en été, qu'une brigade de nuit puisse agir.

Il faut dissuader - c'est l'intérêt de la peine de prison. Il faut surtout communiquer. On a parlé d'une signature solennelle par le président de la République. Parlementaires et élus locaux devront aussi en parler, faire connaître le texte, communiquer sur les sanctions.

Enfin, il faudrait faire de la prévention, en proximité, et trouver des terrains adaptés au motocross. Dans l'Essonne, il y en avait un que le préfet, hélas, a fermé pour des raisons de sécurité...

Ce texte est une étape : continuons à travailler ensemble sur ce sujet qui empoisonne le quotidien de nos concitoyens, ne décevons pas les espoirs ! (Applaudissements)

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Difficile d'intervenir quand tout a été dit. Une étude de l'Ademe de 2016 chiffre le coût social du bruit à 57 milliards d'euros par an, dont 11,5 milliards d'euros en raison du bruit occasionné par le trafic routier, la moitié à cause des deux-roues !

On parle de rodéos urbains, mais ils ont lieu aussi à la campagne. Sully-sur-Loire, qu'on connaît surtout pour le château du ministre d'Henri IV, l'est aussi pour ses rodéos, au point que les parlementaires y ont été interpellés par le maire sur le sujet lors de ses voeux.

Une proposition de loi avait été déposée par Caroline Cayeux en octobre 2015 et avait recueilli 51 signatures ; Vincent Delahaye a recueilli 150 signatures pour la sienne... Le Gouvernement a repris la main, je ne le lui reprocherai pas et me félicite de cette coproduction.

Ce texte, en donnant une base pour établir la matérialité de l'infraction, est un grand pas, de nature à apaiser les inquiétudes de la population urbaine et rurale, où le sentiment d'insécurité que provoquent les rodéos est fort.

Nous devrions relancer la coopération entre police nationale, gendarmerie et polices municipales sur des bases contractuelles. Les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance pourraient être un outil intéressant, mais ils sont inefficaces à l'heure actuelle car trop lourds.

Je me souviens d'assemblées bavardes, pour lesquelles les dates étaient difficiles à fixer, et qui n'étaient guère efficaces.

J'espère que les collègues qui ont déposé des amendements auront la sagesse de les retirer. Avec une adoption conforme, certains auront un mois d'août plus tranquille ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Agnès Canayer .  - Les attentes sont en effet énormes. Les beaux jours - temps des oiseaux, de la convivialité - sont aussi redoutés à cause de ces rodéos qui mettent en danger la vie des passants et troublent la tranquillité publique, avec des deux-roues qui dépassent le seuil de tolérance de 120 décibels.

Les maires sont souvent saisis de l'exaspération de nos concitoyens. En Seine-Maritime, plusieurs solutions ont été tentées. À Rouen, une opération de grande envergure a occupé la police nationale, la police municipale, les agents de l'ONF et de l'ONCFS. Résultat ? Zéro moto, zéro quad interpellé...

Au Havre, on médiatise la destruction des véhicules saisis grâce à la coopération entre l'État et les autorités locales - c'est peu, mais c'est tout ce qu'on peut faire. La vidéoprotection est un outil utile, mais la confiance est essentielle.

Grâce à la coordination entre les deux chambres du Parlement, ce texte permettra un progrès. Mais il faudra le mettre en oeuvre et donner les moyens aux forces de l'ordre d'interpeller les auteurs en flagrant délit. Aujourd'hui, la police refuse d'intervenir, de peur de causer des accidents mortels. Or la répression posteriori est insuffisante. Il faut donner aux élus locaux les moyens de faire cesser immédiatement les troubles et contrecarrer le sentiment d'impunité par de vraies sanctions.

Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Vincent Delahaye .  - Je n'ai pas déposé d'amendements sur ce texte car nous voulons un vote conforme, mais je souhaiterais rappeler nos propositions d'ordre réglementaire, notamment concernant les pots d'échappement libres, punis d'une amende de 11 euros seulement. Il faudrait les classer comme des contraventions de 4e classe. Madame la Ministre, pouvez-vous prévoir un décret dans ce sens ?

M. François Grosdidier .  - Les rodéos révoltent d'autant plus les habitants que les forces de l'ordre peinent à les réprimer. Le texte améliorera concrètement l'arsenal répressif, premier moyen de dissuasion, donc de prévention. Nous souhaitons une concertation effective avec les élus et les polices municipales. À quand un rétablissement de l'aide financière aux communes pour la vidéoprotection, réduite à peau de chagrin depuis six ans ?

M. Claude Kern .  - Ce texte donne une définition claire d'un délit qui, faute d'être caractérisable, ne recevait pas de réponse répressive efficace. Maire d'une commune rurale, j'ai été confronté à ce phénomène mais les forces de l'ordre n'avaient que de petites infractions à verbaliser - excès de vitesse ou défaut de port de casque. Le législateur se devait d'intervenir, car il en va de la tranquillité publique. Afin de permettre une application rapide, je vous invite à voter le texte conforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

Mme Fabienne Keller .  - Ce texte crée une vraie avancée. Madame la Ministre, vous avez beaucoup oeuvré pour qu'un vote conforme soit possible.

Mme la rapporteure a bien souligné que l'enjeu était de poursuivre les auteurs. Nous savons que c'est difficile : ce comportement ne justifie pas de mettre en danger la vie du jeune motard, d'où la réticence des forces de l'ordre. Il nous faudra nous assurer des poursuites effectives : on connaît les vertus de l'exemplarité.

Souvent, les deux-roues sont trafiqués : les pots d'échappement libres permettent de faire du bruit, le débridage d'accélérer brutalement. La vidéo est une aide précieuse mais insuffisante, car les auteurs, habiles, se dissimulent. Je proposerai des amendements complémentaires, pour aller plus loin.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes Keller et Garriaud-Maylam, MM. Calvet et Chaize, Mme Micouleau, M. Rapin, Mme Procaccia, M. Perrin, Mmes Dumas, Bories et Berthet et MM. Joyandet, Kennel, Pillet, Schmitz, B. Fournier, Dufaut, Bonhomme et Charon.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 321-1-1 du code de la route est ainsi modifié :

1° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« La confiscation du véhicule utilisé pour commettre les infractions prévues aux alinéas précédents est de plein droit, sauf décision contraire de la juridiction. » ;

2° La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée.

Mme Fabienne Keller.  - Cet amendement permet de confisquer des véhicules non soumis à réception, comme les mini-motos, dès lors qu'ils sont présents sur l'espace public, sur ce seul motif.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - La confiscation est déjà possible, mais n'est obligatoire qu'en cas de récidive. L'amendement ne faciliterait pas l'action des forces de police ; au contraire, il supprime les précisions sur l'immobilisation et la mise en fourrière, préalables indispensables à toute confiscation. Retrait ou avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le code de la route prévoit déjà la confiscation du véhicule, ainsi que son immobilisation et sa mise en fourrière, quand l'amendement ne prévoit que la confiscation. La confiscation obligatoire, à l'occasion d'une contravention de cinquième classe, semble disproportionnée. En l'état du droit, la confiscation n'est obligatoire qu'en cas de récidive de conduite d'un véhicule non autorisé. Même si le Gouvernement comprend l'objectif, respectons la proportionnalité des sanctions. Retrait ou avis défavorable.

Mme Fabienne Keller.  - Nous souhaitons tous créer le délit sur les rodéos motorisés mais je regrette que Mme la ministre ne se soit pas engagée davantage sur la confiscation de ces véhicules non autorisés mais néanmoins présents sur l'espace public.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Keller et Garriaud-Maylam, MM. Calvet et Chaize, Mme Micouleau, M. Rapin, Mme Procaccia, M. Perrin, Mmes Dumas, Bories et Berthet et MM. Joyandet, Kennel, Pillet, Schmitz, B. Fournier, Bonhomme et Charon.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 321-1 du code de la route est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « celle-ci », sont insérés les mots : « , ou tout dispositif ou équipement non conforme à un type homologué ou à un type ayant fait l'objet d'une réception, lorsque l'agrément de ce dispositif ou équipement est imposé par la loi ou le règlement, » ;

2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'utilisation des véhicules ou des équipements mentionnés au premier alinéa, sur les voies ouvertes à la circulation publique ou les lieux ouverts à la circulation publique ou au public, est punie d'une contravention de la quatrième classe. » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La confiscation du véhicule utilisé pour commettre l'infraction prévue à l'alinéa précédent est de plein droit, sauf décision contraire de la juridiction. »

Mme Fabienne Keller.  - Si la modification des engins par des professionnels est autorisée, la circulation de ces véhicules trafiqués sur l'espace public ne l'est pas. Ils sont en général débridés pour les rendre plus bruyants, ce qui est source de tension sociale.

Confisquons les véhicules, non pendant le rodéo mais en amont ou en aval, dès lors qu'ils sont trafiqués.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - L'amendement paraît peu conforme à l'échelle des peines. Il prévoit de créer une contravention de quatrième classe, ce qui relève du pouvoir règlementaire, de même que la confiscation de plein droit des véhicules non réceptionnés. Retrait ou avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La vente d'un équipement non conforme à un type homologué est déjà sanctionnée d'une contravention de quatrième classe pour un montant de 750 euros, selon le code de la route. Cet amendement l'érige en délit, punissable de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende, au même titre que la vente d'un véhicule entier. C'est excessif.

L'amendement augmente la peine d'une contravention de première classe - 38 euros d'amende - à une contravention de quatrième classe. C'est excessif, et il appartient au Gouvernement de relever les peines contraventionnelles prévues par des dispositions réglementaires.

Les personnes physiques encourent également une peine complémentaire de confiscation du moyen de l'infraction. La rendre obligatoire serait excessif au regard de la nature contraventionnelle de l'infraction. Retrait ou avis défavorable.

Mme Fabienne Keller.  - Soit, mais je suis déçue. « Disproportionné », « excessif », dites-vous. En ce moment, ce que supportent nos concitoyens, avec la chaleur, c'est inhumain !

Si une amende est possible, pourquoi autant de motos trafiquées circulent-elles ? Ce n'est pas appliqué. Il faut continuer à travailler sur ce sujet pour apporter un peu d'apaisement à nos concitoyens et un peu d'exemplarité.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

L'article 2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Marchand et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 321-1-2 du code de la route, les mots : « au deuxième alinéa de », sont remplacés par le mot : « à ».

M. Alain Richard.  - Compte tenu du souhait de la commission de voter conforme le texte, je le retire, en espérant que la future loi sur les mobilités reviendra sur la question de l'identification des véhicules.

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

Explications de vote

M. Jean-Claude Requier .  - Le groupe RDSE votera cette proposition de loi pertinente. Même en zone rurale, il y a des rodéos. Pourquoi seraient-ils impunis quand nous, nous risquons une sanction à rouler à 89 kilomètres heure sur une route départementale pourtant bien large et dégagée ? (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Delahaye .  - J'aurais souhaité que ce texte soit d'abord examiné au Sénat. Le Gouvernement et le groupe LaREM en ont voulu autrement, soit : l'essentiel est de répondre rapidement à ce fléau du quotidien.

Ce texte n'est qu'une étape ; les maires auront un rôle à jouer en matière de prévention. Je me réjouis que l'on ait abouti en moins d'un an à un texte applicable. Merci à Mme la ministre et à tous nos collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et LaREM)

M. Marc Laménie .  - Ce problème de société touche aussi le monde rural. Maire d'un village des Ardennes de 160 habitants, j'ai pu mesurer l'inconscience de certains... Les gendarmes font ce qu'ils peuvent mais sont hypersollicités, tout comme la police. Pendant ce temps, les quads détériorent les chemins ruraux et forestiers, quand ils ne mettent pas en danger la vie d'autrui !

Il faut sensibiliser, et agir. Nous comptons sur vous, Madame la Ministre, pour donner aux forces de l'ordre les moyens humains nécessaires. Je voterai bien entendu ce texte.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

(Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre .  - Merci pour ce vote conforme, c'était le souhait du Gouvernement qui soutenait les propositions de loi issues de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous avons fait un travail de coproduction efficace. Cette loi sera d'application directe dès sa promulgation.

J'ai entendu la volonté d'associer les communes, la nécessité d'augmenter les moyens - dont le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)... Mais comme désormais toutes les communes demandent des caméras de vidéosurveillance, nous ne pouvons répondre à toutes les demandes !

M. Alain Richard.  - Du coup, vous ne répondez à aucune !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Nous priorisons, en ciblant les communes et les quartiers prioritaires.

Le Gouvernement prendra toutes les mesures réglementaires qui s'imposent. Cette étape est très importante et nous poursuivons notre travail, Madame Keller. Ma réponse était technique, certes, mais le sujet l'est... Les peines doivent être proportionnées, au risque sinon d'être annulées par le Conseil constitutionnel. Un texte équilibré est gage d'une mise en application rapide et efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

Lutte contre la manipulation de l'information (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information et la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information.

Discussion générale commune

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Ces deux propositions de loi sont d'une importance cruciale pour notre démocratie. Face aux manipulations croissantes de l'information, l'attentisme n'est pas une option. Je salue donc l'initiative des députés, qui ont enrichi les textes en commission et en première lecture. Les discussions ont été riches. Sur un tel sujet, un débat nourri est le signe d'un bon fonctionnement de nos institutions.

J'aurais souhaité qu'il en soit de même au Sénat. Je regrette que votre hostilité au référé ait fait obstacle à l'examen du reste des mesures : régulation des plateformes, transparence dans l'espace numérique, éducation aux médias. L'expertise du Sénat aurait été précieuse sur ces sujets.

La prudence ne peut pas être l'alibi de l'inaction. Refuser d'agir pour endiguer la désinformation, refuser d'actionner les leviers qui sont à notre portée, serait manquer à notre responsabilité.

Le Gouvernement soutient ces deux propositions avec conviction. Elles sont nécessaires, efficaces et équilibrées.

Certes, la loi ne va pas tout résoudre : le premier rempart de la démocratie contre la désinformation est le travail des journalistes. J'entends les critiques, mais la réalité est tout autre. Cherchons-nous à faire taire les oppositions quand nous sanctuarisons les aides à l'indépendance et au pluralisme de la presse ? Non.

Cherchons-nous à museler qui que ce soit quand nous soutenons les titres les moins complaisants pour notre Gouvernement ? Non. Affaiblissons-nous les médias quand nous nous battons dans l'arène européenne pour un droit voisin pour les éditeurs de presse ? Quand nous préparons l'avenir du système de distribution ?

Le premier engagement du Gouvernement contre la désinformation est là, dans le soutien à ceux qui délivrent une information de référence et nourrissent le débat d'idées.

L'arsenal juridique en vigueur est insuffisant. La loi de 1881 sur la presse est un socle fondamental, mais doit être complétée. Le monde a changé en un siècle. La grande nouveauté, avec le numérique, c'est la viralité. Elle est souvent orchestrée à des fins politiques, par du sponsoring ou l'achat de like. Ces campagnes d'endoctrinement déstabilisent nos démocraties.

Il peut se passer des mois avant que le juge puisse ordonner le retrait d'un contenu sur les réseaux sociaux. Nous soutenons donc la procédure de référé en période électorale pour stopper la propagation de contenus susceptibles d'altérer la sincérité du scrutin.

Le CSA est insuffisamment armé pour lutter contre les fausses informations sur les radios et télévisions soutenues par des États étrangers. C'est un enjeu de souveraineté, un impératif démocratique.

Ce texte est absolument nécessaire.

Ce texte a trouvé un équilibre entre fermeté et protection des libertés. Il ne vise pas les auteurs de contenus mais les diffuseurs et prévoit des conditions cumulatives très précises. L'information devra être manifestement fausse, diffusée de manière délibérée, massive, et artificielle. Ces critères excluent les articles de journalistes professionnels fondés sur un travail d'investigation.

On a parlé de délit d'opinion, de police de la vérité. Mais ce texte vient du Parlement, coeur de la démocratie ; il n'accorde pas de nouveaux pouvoirs au Gouvernement ; il a fait l'objet d'un avis positif du Conseil d'État. La vraie menace qui pèse sur la liberté, c'est la passivité.

Ce texte propose des leviers d'action. D'abord, un nouvel instrument de régulation des plateformes qui vise non la production mais la propagation de ces fausses informations.

Les plateformes tirent en effet profit de cette gigantesque économie de la manipulation.

Pour 40 euros, on peut acheter 5 000 abonnés sur Twitter. Ce texte renforce aussi la responsabilité des plateformes. Elles ont d'abord une obligation de transparence : en période d'élection, les plateformes devront indiquer si quelqu'un a payé pour qu'un contenu soit mis en valeur, qui et combien.

Les plateformes auront aussi une responsabilité sur les contenus qu'elles diffusent, à travers un devoir de coopération et de co-régulation : les plateformes devront mettre en place des outils de signalement pour les utilisateurs, de décryptage et de sensibilisation.

L'efficacité de la lutte contre la manipulation repose aussi sur l'éducation, mère de toutes les batailles. Ce texte, grâce aux apports de l'Assemblée nationale, fait de l'éducation aux médias et à l'information une obligation à chaque niveau de la scolarité.

Le budget de l'éducation et de la formation et médias a été porté de 3 milliards à 6 milliards d'euros afin d'aider ceux, associations et journalistes, qui les assument - et à qui j'adresse un chaleureux salut républicain.

J'ai aussi lancé un programme de service civique dans les bibliothèques sur ce thème prévu pour l'automne.

Ce texte est d'une ambition, d'une richesse, d'une pertinence et d'une précision bien éloignées des caricatures...

M. François Bonhomme.  - Carrément !

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Loin des logiques partisanes, des jeux de posture, c'est du modèle démocratique qu'il est question, et le Gouvernement le soutient pleinement. (M. André Gattolin applaudit.)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, rapporteure sur la proposition de loi .  - La commission de la culture a délégué au fond les titres Ier et IV de la proposition de loi ordinaire à la commission des lois, qui rapporte aussi la proposition de loi organique. Je salue le travail de son rapporteur, Christophe-André Frassa et l'écoute de son président, Philippe Bas.

Fallait-il légiférer, ainsi, qui plus est dans l'urgence ? Les « fausses informations » sont un fléau, j'ai choisi ce terme à dessein mais leur définition n'est pas même stabilisée, comme le remarque excellemment le Conseil d'État. Elles ont gangrené, avec une ampleur inédite, les récentes campagnes électorales en Europe et aux États-Unis. Tous les pays européens s'en préoccupent désormais, telle la Belgique qui, la semaine dernière, a décidé, néanmoins, de ne pas légiférer sur le sujet alors que des élections générales s'y dérouleront en 2019.

Internet est un terrain d'affrontement mondial où les Européens sont démunis. C'est pourquoi une initiative en la matière ne pouvait que rencontrer un écho favorable au Sénat. Le référé introduit par l'article premier a provoqué une réaction presque épidermique ; les autres dispositions sont mal calibrées, irréfléchies, insuffisantes.

Pourquoi, face à un problème bien identifié, est-il si difficile de trouver une solution adaptée ? L'avis du Conseil d'État du 19 avril le dit bien : aller trop loin, comme en Allemagne, c'est instaurer une censure privée et préventive ; ne rien faire, c'est s'en remettre aux plateformes, « catégorie juridique nouvelle et hétérogène », à mi-chemin entre hébergeurs et éditeurs, responsables de rien mais dont l'action n'est absolument pas neutre.

La voie est étroite. Or selon la commission de la culture, la commission des lois et les trois groupes ayant déposé une motion visant à opposer la question préalable, cette proposition de loi n'est pas la bonne solution.

Le modèle économique de l'Internet repose sur une fausse gratuité. L'affaire Cambridge Analytica l'a montré : les manipulateurs s'engouffrent dans la brèche avec leurs buzz, bots, followers et autres formes de contenus. Un ancien ingénieur de Google, Tristan Harris, l'a bien définie, c'est une économie de l'attention.

Un certain Paul Horner a gagné plus de 18 000 dollars par mois en diffusant des fausses informations sur la candidate démocrate Hillary Clinton.

Le titre III montre toute l'impuissance de l'État face à la directive e-commerce de juin 2000, très laxiste. Le niveau national est impuissant face aux Gafam ; c'est le cadre européen qui doit être adapté. La commission des lois tranchera en décembre.

Le Conseil d'État a préconisé en 2014 de revoir le cadre juridique des plateformes. Plutôt que de perdre six mois avec ce texte, il aurait fallu engager cette réflexion.

Point positif cependant, les mesures sur l'éducation à l'information, à travers l'utilisation des outils interactifs. Nous devons renforcer cette éducation aux médias et au numérique, essentielle. Il faut à cette fin un plan d'action stratégique et global, incluant la formation des formateurs ; pas besoin pour cela de nouvelle législation.

La compétence numérique de tous doit être déclarée grande cause nationale. Enfin, il est indispensable d'accompagner la transition vers le numérique, sans se contenter de l'aumône fiscale versée par Google.

Madame la Ministre, je vous sais sincère ; engageons ce travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, Les Indépendants, SOCR et CRCE)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi organique et rapporteur pour avis sur la proposition de loi .  - Madame la Ministre, que diable êtes-vous allée faire dans cette galère ? (Sourires) Comment qualifier autrement cette entreprise périlleuse lancée par la majorité de l'Assemblée nationale et le Gouvernement ?

La commission des lois a reçu, de la part de la commission de la culture, une délégation au fond concernant le titre Ier, relatif aux dispositions modifiant le code électoral, et le titre IV, relatif à l'application outre-mer.

La principale mesure consiste en la création d'un référé ad hoc, inspiré du référé créé par la loi du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l'économie numérique (LCEN), afin de faire cesser, en période électorale, la diffusion « des fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir » lorsque celles-ci sont diffusées sur Internet « de manière délibérée, de manière artificielle ou automatisée et massive ».

La commission des lois est également saisie au fond, de l'examen de la proposition de loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l'information, qui vise à appliquer à l'élection présidentielle les dispositions du titre Ier de la proposition de loi ordinaire.

La commission des lois a présenté une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique. En effet, pourquoi légiférer, alors qu'il n'y a pas eu d'évaluation préalable des dispositifs existants ? L'article L. 97 du code électoral réprime déjà la diffusion d'informations diffamatoires. Pourquoi légiférer, alors que la loi du 29 juillet 1881, dans son article 27, réprime la diffusion de nouvelles fausses ou mensongères ?

En matière de diffamation, il existe une présomption réfragable de mauvaise foi : les imputations diffamatoires sont réputées de droit alléguées avec l'intention de nuire. C'est ensuite au prévenu de prouver soit sa bonne foi soit la véracité des allégations. Le champ d'application de ce délit est particulièrement vaste. Ainsi, l'allégation qu'une personnalité politique détiendrait un compte illégal offshore est susceptible d'être qualifiée de diffamatoire.

Pourquoi légiférer, alors que l'action en référé sur le fondement de l'article 9 du code civil est toujours possible en cas de « fausses informations », d'informations falsifiées ou même biaisées portant sur la vie privée d'une personne physique ?

Enfin, pourquoi légiférer alors que plusieurs dispositions pénales répriment les fausses informations qui causent un trouble particulièrement grave à un particulier ou à la société, par exemple, la publication d'un photomontage ?

Pourquoi légiférer, de plus, alors que des procédures rapides, en référé ou sur requête, sont déjà possibles ? La commission des lois reconnaît les difficultés d'application de la loi du 29 juillet 1881 à l'ère d'Internet.

Néanmoins, l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas fait le choix de préserver l'équilibre de cette loi, quitte à l'adapter. Comme le préconisait le rapport de nos collègues François Pillet et Thani Mohamed Soilihi sur l'équilibre de la loi du 29 juillet 1881 à l'heure d'Internet, il convient sans doute de les adapter.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Excellent rapport !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Au contraire, ils se sont inscrits dans le mouvement dénoncé dans ce rapport, consistant à intégrer des dispositions relatives à l'encadrement des abus de la liberté d'expression dans d'autres textes que la loi précitée, au risque de remettre en cause l'équilibre actuel.

L'efficacité du référé est douteuse, contre une propagation presqu'instantanée. Inefficaces, ces deux textes sont aussi dangereux.

Quelle légitimité pour le juge des référés, juge de l'évidence, à se prononcer sur le caractère inexact ou trompeur d'une information ? Comment, dans ce cadre juridique, protéger la satire ou la parodie ? Plus inquiétant encore, le texte vise toutes les allégations inexactes ou trompeuses, même si elles ne sont pas diffusées de manière malintentionnée.

La proposition de loi rompt aussi avec la tradition française de plus grande protection de la liberté d'expression en matière électorale. Ces propositions de loi permettront aux partis de bloquer toute information susceptible de leur nuire. La rapidité de la décision à prendre facilite les instrumentalisations.

La commission des lois a considéré qu'il valait mieux s'abstenir de légiférer ; c'est pourquoi, elle a déposé une motion préalable sur la proposition de loi organique et soutiendra la motion de la commission de la culture sur la proposition de loi ordinaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. David Assouline et Mme Sylvie Robert applaudissent également.)

Exception d'irrecevabilité sur la proposition de loi

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n° 623, 2017-2018).

Mme Sylvie Robert .  - « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » : c'est par ces mots que la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 proclame solennellement la liberté d'opinion et d'expression, en concrétisant l'essence même des Lumières, fruit d'un combat philosophique et politique pour le droit de penser de manière indépendante et d'agir selon sa propre conscience. Mais, dès l'origine, la liberté d'expression n'est pas définie comme un droit absolu. C'est un droit assorti de la nécessité de répondre de ses propos lorsqu'ils portent atteinte à un tiers. La tradition française repose sur cet équilibre, au contraire de la tradition américaine par exemple.

Cette proposition de loi porte des atteintes disproportionnées à la liberté d'expression et d'information, ce droit premier qui détermine tous les autres comme la liberté de la presse.

La définition de la fausse information de l'article premier est peu aboutie. Elle ne prend nullement l'intention et elle est trop large, pouvant concerner des satires - je pense au Canard enchaîné ou à Charlie Hebdo.

Faisons preuve de prudence !

Ce texte semble en outre porter atteinte à la liberté de commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre. L'absence de définition de la notion d'information éclairée, combinée à celle de fausses informations pour le moins contestables, ne motive aucunement l'application de cette obligation, que la Cour de justice des Communautés européennes a déjà jugée à plusieurs reprises, due à la concurrence déloyale induite dès lors que certains médias peuvent se retrouver privés d'une exposition juste et équitable : ce pourrait être le cas pour des sites supprimés par le juge des référés ou pour des services audiovisuels suspendus par le CSA. Les services conventionnés, inclus dans la proposition de loi, seraient discriminés à l'égard des contenus diffusés par voie hertzienne.

L'article 6 suscite nos interrogations. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2009, a censuré une disposition de la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, donnant à une autorité administrative indépendante un droit disproportionné à l'égard d'une liberté fondamentale, car « le législateur ne pouvait confier de tels pouvoirs à une autorité administrative ».

D'autres points sont douteux et laissent penser que le législateur ferait preuve d'incompétence négative. Grâce à un amendement socialiste introduit à l'article 34 de la Constitution lors de la réforme constitutionnelle de 2008, le législateur a compétence pour garantir la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias.

De nombreux contentieux risqueraient d'éclore. Comment le juge des référés, juge de l'évidence, pourrait-il se prononcer valablement quant à l'influence de faits incertains sur un scrutin non encore advenu ?

En conclusion, j'insisterai sur le danger que nous encourons à légiférer sur un sujet aussi complexe.

« Pour agir avec prudence, il faut savoir écouter », disait Sophocle. J'espère, Madame la Ministre, que vous saurez nous écouter. Nous avons besoin que les principes démocratiques soient strictement respectés - c'est notre meilleur rempart contre tous les dangers. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure.  - Les auteurs de cette motion considèrent que le texte viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Pour la commission de la culture, certains articles présentent en effet des risques d'anticonstitutionnalité.

Il est cependant apparu que les groupes qui doivent s'exprimer lors de la discussion générale souhaitaient mettre l'accent sur l'inopportunité de légiférer.

Cette nouvelle motion semble donc superfétatoire et nous avons préféré la question préalable. En effet l'article 44-2 du Règlement nous priverait d'une discussion générale. D'où notre avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Vous balayez beaucoup de critiques qui ne résistent pas à une analyse sérieuse. Les propositions de loi ont été soumises pour avis au Conseil d'État, qui a confirmé leur constitutionnalité et leur validité. Ce sont précisément les grandes libertés que vous évoquez dans votre propos que nous cherchons à défendre au moyen de ce texte.

Si on laisse libre cours aux fausses informations, il n'y a plus de liberté.

Je m'étonne enfin que vous citiez la liberté d'entreprendre des GAFA pour vous opposer à la transparence du sponsoring. (M. André Gattolin applaudit.)

La motion n°2 n'est pas adoptée.

Exception d'irrecevabilité sur la proposition de loi organique

M. le président.  - Motion n°2 présentée par MM. Kanner, Durain et Assouline, Mmes Sylvie Robert, de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n°629, 2017-2018)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - C'est un exercice étrange que de défendre ici une exception d'irrecevabilité dont les fondements sont partagés par la présidente de la commission de la culture, qui a déposé par ailleurs une autre motion, tendant à opposer la question préalable, pour ce motif.

J'ai bien compris que l'organisation des débats requiert qu'on préfère une autre motion. Je défendrai toutefois celle-ci.

Nous législateurs devons toujours protéger les libertés constitutionnelles, protéger la presse contre tous ceux qui veulent mettre en cause ses enquêtes et la véracité de leurs conclusions.

Les textes qui nous sont soumis aujourd'hui menacent ces libertés.

Nous pouvons sourire de l'origine parlementaire de ces deux textes. Nous nous souvenons des prises de position en la matière du président de la République. Ces textes n'ont en réalité qu'un seul objectif : protéger l'élection présidentielle !

Concernant ce texte, je ne constate pas l'autonomie de nos collègues députés.

L'actualité récente nous rappelle qu'un homme se réclamant de la présidence de la République a pu prendre les initiatives que l'on connaît et qu'une presse qui enquête ensuite a été qualifiée de « pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire », racontant des « bobards pour salir la vie politique et la démocratie » qui « sortirait de son lit ».

La dangerosité passe par les mots. Il est si facile de définir les fausses informations que l'Assemblée nationale a dû s'y reprendre à trois fois ! La proposition de loi a été, « enrichie », selon votre propos, Madame la Ministre, c'est-à-dire entièrement réécrite en commission, puis à nouveau réécrite en séance, pour aboutir à des formules alambiquées, floues et donc dangereuses juridiquement.

Il faudrait m'expliquer comment un juge pourra établir en 48 heures qu'une information inexacte menace la sincérité d'un scrutin non advenu.

Dans ce cas, le juge des référés, qui est le juge de l'évidence, se déclarera incompétent et renverra naturellement au juge de l'élection.

Un scrutin seul ne peut être annulé posteriori : l'élection présidentielle. C'est pourquoi je crois que ce texte vise à effacer le souvenir cuisant que celle-ci avait laissé au président de la République.

Les fake news sont un vrai sujet. Mais nous, groupe socialiste, ne pouvons pas prendre le risque de voter un texte inconstitutionnel.

Le risque d'une vérité officielle n'est pas acceptable. Les médias font des révélations qui sont capitales pour la démocratie.

Les médias doivent rester libres d'investiguer, d'écrire et de publier, car c'est là la base de la liberté d'expression et, comme nous avons pu le voir ces derniers jours, les médias font parfois des révélations qu'aucun de nous n'aurait pu imaginer. Oui, la presse est par là un contrepouvoir à part entière et comme le disait Montesquieu, si souvent cité ces derniers jours : « pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Sur le fond, on est peut-être d'accord, mais sur la forme, la commission des lois a préféré la motion tendant à opposer la question préalable.

Il est probable que, si ce texte était voté, une saisine du Conseil constitutionnel soit souhaitable.

Il y a avant tout une opposition à l'esprit même de ces textes. Adoptons donc la motion opposant la question préalable, examinée après la discussion générale - laquelle est nécessaire pour que chaque groupe politique puisse s'exprimer. Avis défavorable.

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Vous critiquez cette proposition de loi mais vous regrettez, dans le même temps, que les rapporteurs de l'Assemblée nationale aient fait leur travail... alors que vous proposez, vous, de ne pas l'examiner !

Les cas d'atteinte à la sincérité d'un scrutin sont irréversibles. Il est habituel d'établir des règles spécifiques à ces périodes sensibles que sont les périodes électorales.

La motion n°2 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°226 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption   75
Contre 253

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale commune (Suite)

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le président de la République, lors de ses voeux à la presse le 3 janvier dernier, avait annoncé une évolution du cadre juridique visant à lutter contre la diffusion de fausses informations.

Si la rumeur est souvent qualifiée de « plus vieux média du monde », elle s'épanouit à l'ère d'Internet et des réseaux sociaux sur lesquels il faut, pour être audible, s'exprimer « court et fort » ; l'excès appelle l'excès...

Laissez-moi, puisque je suis autorisée à m'exprimer en plus de 280 caractères dans cet hémicycle (Sourires), vous faire part du sentiment nuancé qui est celui de mon groupe à l'égard de ces deux textes. La multiplication des fausses informations pollue le débat public, loin de nous l'idée de minimiser la menace. L'on ne peut laisser faire en comptant sur la mithridatisation. En revanche, comme l'ont souligné nos rapporteurs, la réponse juridique qu'apportent ces textes est insatisfaisante. Au Sénat, fidèle à sa tradition, de défendre les libertés publiques.

En quoi est-il utile de créer un référé visant à lutter contre les fausses informations en période électorale quand notre arsenal est pléthorique ? Appliquons plutôt la loi sur la liberté de la presse, le code électoral, la loi pour la confiance dans l'économie numérique et utilisons le référé de droit commun du code de procédure civile. MM. Pillet et Mohamed Soilihi nous ont livrés, dans leur rapport, une réflexion pertinente sur l'adaptation à l'Internet de la loi sur la liberté de la presse. Le Conseil d'État a relevé la difficulté, pour le juge, de qualifier des faits de « fausse information » de nature à altérer la sincérité du scrutin dans un délai aussi court.

Encore faudrait-il définir précisément ce qu'est la « fausse information ». À l'Assemblée nationale, la rapporteure a dû s'y reprendre à deux fois : en commission puis dans l'hémicycle. Si l'on ne doit toucher aux lois que d'une main tremblante, la main ne doit pas trembler pour écrire la loi ! En pratique, le juge repoussera la démarche plutôt que de commettre un impair là où une procédure classique aurait abouti.

Les risques d'atteinte à la liberté d'expression ne peuvent pas être ignorés non plus. Le juge ne disposera pas de suffisamment d'informations au moment où il sera saisi, la véracité d'allégations apparaît souvent dans un second temps.

La diffusion des fausses informations s'affranchit des frontières, elle appelle une réponse commune. Si l'angle de l'autorégulation des réseaux sociaux ne pourra pas donner pleinement satisfaction, gardons à l'esprit que la bonne solution sera concertée à l'échelle européenne. Certes, il faudra adapter la loi sur la liberté de la presse aux nouvelles technologies, mais dans un climat serein ce qui n'est pas le cas présentement. Le recours à la procédure accélérée était-il justifié quand bien même un scrutin européen se tiendra l'an prochain ? Le temps parlementaire méritait d'être mieux utilisé.

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

Mme Mireille Jouve.  - Vous connaissez l'attachement du RDSE au débat parlementaire et son refus des motions mais la sagesse nous commande aujourd'hui de ne pas aller plus avant dans l'examen de ces textes. Nous nous associerons aux motions par l'abstention. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)

M. André Gattolin .  - « Les fausses nouvelles ne datent pas d'hier. » « La France s'est depuis longtemps dotée d'instruments pour lutter contre. » « Il n'y a pas de raison de légiférer à nouveau en la matière. » Trois assertions répétées à l'envi pour interrompre ce débat ; si les deux premières sont exactes, on peut légitimement douter de la troisième au regard des profonds bouleversements de notre société en ce début de XXIe siècle.

Oui, les fausses nouvelles ne datent pas d'hier. Pour l'anecdote, nous devons au grand écrivain anglais Jonathan Swift le premier canular de l'ère médiatique. En 1708, il publie un vrai-faux almanach astrologique pour dénoncer les fausses informations que faisaient circuler ces supports distribués à des centaines de milliers d'exemplaires. Au XIXe siècle, les fausses nouvelles connaissent un développement exponentiel avec l'apparition des quotidiens à très grand tirage au point de déstabiliser parfois le bon fonctionnement des jeunes démocraties que sont l'Angleterre, les États-Unis et la France. C'était le dark age of journalism.

Face à ce phénomène, nos pays se sont dotés de législations pour garantir la liberté d'expression et lutter contre les fausses informations ; ils ont aidé le métier de journaliste à se professionnaliser, à se doter d'une déontologie forte et lui ont donné un statut exigeant et protecteur. La fameuse loi de 1881 sur la presse n'a cependant pas empêché les fausses nouvelles de proliférer au début du XXe siècle. Le syndicat national des journalistes fut d'ailleurs créé en 1918 en réaction à l'explosion des fausses informations durant la Der des Ders. Puis vient la loi Brachard de 1935 qui a entériné le statut des journalistes avec ces droits et aussi ses responsabilités.

Pourquoi légiférer au risque d'attenter à la sacro-sainte liberté de la presse ? Parce que de nouveaux acteurs refusent de respecter les règles que nous nous sommes données, parce que la numérisation à marche forcée des médias les expose à des attaques qui peuvent les réduire au silence ou altérer leurs contenus. Certains géants d'Internet se sont érigés en quasi-puissances souveraines sur des centaines de millions d'âmes, des États voyous n'hésitent pas à faire usage d'armes non-conventionnelles d'influence pour déstabiliser des démocraties. Depuis deux ans, à chaque élection majeure au sein d'un de ses États membres, l'Union européenne est systématiquement la cible d'une propagande new look. Renforcer l'éducation aux médias, soutenir la profession journalistique, cela ne suffit pas. Notre cadre normatif n'est pas en soi obsolète, c'est son application nationale qui l'est !

Après avoir entendu les critiques, parfois pertinentes, formulées en commission,....

M. Bruno Retailleau.  - Merci !

M. André Gattolin.  - ...je ne comprends vraiment pas le sens des motions qui renvoient à l'Assemblée nationale un texte que la majorité sénatoriale ou plutôt les majorités sénatoriales auraient pu réécrire à leur guise.

Le groupe LaREM votera contre les motions.

M. David Assouline.  - C'est étonnant !

M. Pierre Ouzoulias .  - Le groupe CRCE votera la motion déposée par la commission de la culture avec une extrême gravité, en ayant pleinement conscience du caractère tout à fait exceptionnel de cette démarche à considérer les annales de notre Haute assemblée.

L'objet initial de ces textes était de lutter contre la diffusion des fausses informations, de responsabiliser les plateformes et les diffuseurs, conformément à la volonté qu'avait exprimée le président de la République lors de ses voeux à la presse le 3 janvier dernier. De l'aveu même du président de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, Bruno Studer, l'arsenal juridique actuel suffisait. L'intention était louable et nous sommes à nombreux penser que la directive du 8 juin 2000 bloque toute évolution du droit national. Nos deux chambres pouvaient s'accorder sur une stratégie pour obtenir une évolution du droit européen. Las ! Ce texte n'apporte aucune solution ; pire, son article premier porte atteinte à l'équilibre de la loi de 1881. En tentant de définir ce qu'est la fausse nouvelle, ce texte, nolens volens, appréhende juridiquement la vérité. L'exercice est potentiellement liberticide car la vérité n'existe pas en dehors de la démarche critique qui consiste à établir des faits, à les vérifier et à les confronter pour en tirer des interprétations vraisemblables. En cela, la mission du journaliste ne diffère pas de celle de l'historien.

Le président de la République vient de dénoncer le pouvoir médiatique en se plaignant de ce que la presse ne recherchait plus la vérité. À l'appui de cette affirmation, il a énuméré des « bobards de cuisine », dont certains ouvertement satiriques sont entremêlés avec des accusations sérieuses. Mettre sur le même plan des informations issues de nos commissions d'enquête et des posts sur les réseaux sociaux montre l'usage pernicieux qui pourrait être fait de ce texte.

Espérons que nos collègues députés entendront notre message et que nous travaillerons ensemble pour obtenir de l'Union européenne des outils de contrôle des contenus et du Gouvernement des politiques qui favorisent le pluralisme de la presse, l'esprit critique et l'éducation à l'information.

Je citerai en conclusion, Le Nom de la Rose d'Umberto Eco : « Le devoir qui anime les hommes est peut-être de faire rire de la vérité, faire rire la vérité, car l'unique vérité est d'apprendre à nous libérer de la passion insensée pour la vérité. » (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure, applaudit également.)

M. David Assouline .  - Le Gouvernement nous demande fin juillet, à la veille de la fin d'une session extraordinaire particulièrement chargée, de lutter contre la manipulation de l'information. Comment relever ce gigantesque défi pour nos démocraties à l'ère d'Internet dans de telles conditions ?

Oui, l'enjeu est planétaire et vital, la guerre de l'information est la continuation de la guerre par d'autres moyens. Petits et grands ennemis de la démocratie ont toujours utilisé la fausse information. Rien n'a changé sur le fond, même si les moyens d'information et de diffusion de masse ont changé la donne.

Selon le directeur du Monde, « le problème de nos sociétés ne réside pas tant dans les fausses nouvelles que dans le fait que nombre de nos citoyens ont choisi de les croire ». Une loi symbolique ne donnera pas vie à l'article 34 de la Constitution. Éduquer encore et encore au décryptage de l'information, réguler encore et encore les plateformes, aider encore et encore la presse à se donner les moyens d'une déontologie à toute épreuve, c'est cela qu'il faut faire.

Cette loi pourrait être utilisée pour empêcher la liberté de la pression. Le président de la République semble en avoir la tentation, voire l'intention à l'entendre dénoncer une presse qui ne cherche plus la vérité, un pouvoir médiatique qui s'érige en pouvoir judiciaire. Car dans l'affaire qui occupe l'actualité, outre les actes de M. Benalla, ce dont il est question, c'est d'abord de la place de l'Elysée, de la présidence de la République, hors contrôle et institutionnellement irresponsable devant le Parlement et la justice. À lieu de remercier la pression pour son rôle irremplaçable de contre-pouvoir, il la fustige.

Pour ne pas risquer l'inconstitutionnalité, cette proposition de loi sera réduite à la période électorale ; cela n'a pas de sens. L'action des lobbies anti-UE a commencé deux ans avant le Brexit, en 2010.

Juridiquement, le juge des référés est celui de l'évidence. Il cantonnera son travail à des informations grossièrement fausses : « Ali Juppé » et non « Alain Juppé ». Si bien que, effet inverse à celui recherché, cette loi aboutira à rendre juridiquement vraies les informations qui n'auront pas été condamnées. Ce texte est inefficace sur les plateformes car les contenus ne peuvent être supprimés que lien après lien, infaisable quand l'information sur la dangerosité des pommes industrielles a été partagée 211 484 sur Facebook. Que dire de la nouvelle prérogative du CSA ? Nous y reviendrons dans la loi sur l'audiovisuel.

Cette loi est dangereuse, inutile et inefficace, elle n'est pas amendable. Le groupe socialiste est prêt à se mettre à la tâche pour lutter contre ce fléau qu'est la désinformation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la ministre, vous êtes un bon soldat. Je salue la présidente de cette belle et grande commission de la culture ainsi que le président de la commission des lois et son rapporteur.

De mémoire, il est très rare que les deux commissions saisies d'un texte aient décidé à la quasi-unanimité de présenter une question préalable. Ce n'est pas la logique habituelle du Sénat ; la Haute Assemblée aime à entrer dans un texte, quel qu'il soit, pour en examiner les rouages ; celui-ci est un bloc, il n'est pas réparable.

Les fausses nouvelles n'ont rien de nouveau. Nous avons en mémoire les « canards » de la Révolution française, le Great Moon Hoax publié dans un grand quotidien new-yorkais en 1835. Ce qui est nouveau, ce ne sont pas les rumeurs, c'est la rapidité de leur propagation grâce l'extension planétaire du web. Nous avons tous en tête le scandale Cambridge Analytica : ce n'est pas un changement d'échelle auquel nous sommes confrontés, c'est un changement de nature.

Ce constat étant posé, les dispositifs de ces deux textes sont-ils des remèdes ? Non, ils sont un poison pour les libertés publiques. Beaucoup l'ont dit avant moi, nous disposons, en France, d'un arsenal législatif reposant sur la grande loi de 1881. L'article L. 97 du code électoral pourrait également être cité. Pourquoi ne pas adapter la loi de 1881 au lieu de créer un monstre juridique qui ne changera rien ? À mon sens, ces textes procèdent d'une profonde méconnaissance d'Internet. Dire que c'est une zone de non-droit est inexact. La grande loi sur le numérique oblige les fournisseurs d'accès à coopérer dès lors qu'un de leurs contenus est déclaré illicite. Par son caractère viral, massif, instantané, extraterritorial, Internet fragilise les ripostes juridiques.

Le juge des référés est le juge de l'évidence et de l'urgence. Prendra-t-il le risque d'interrompre le débat public en ce moment démocratique si particulier des élections ? Je ne le crois pas. Quant au CSA, comment pourrait-il se lancer dans des opérations qui nécessiteraient des centaines de milliers de requêtes quotidiennes ?

Inefficaces, ces textes pourraient devenir des poisons pour les libertés publiques. Le risque naît de la définition de la fausse nouvelle. L'Assemblée nationale a procédé par tâtonnements, qui ont abouti à une tautologie. Du reste, on n'aura jamais vu parcours d'un texte aussi heurté : il est le seul, avec la révision constitutionnelle, à avoir vu son examen interrompu. Relisons l'avis du Conseil d'État ; entre les lignes, transparaît ce problème de l'imprécision. Vous avez mis en doute, Madame la Ministre, le discernement de nos concitoyens mais rien n'est pire qu'une vérité officielle, une vérité d'État.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Il n'est pas possible que des textes de cette ampleur soient votés par le seul parti majoritaire à l'Assemblée nationale. Le groupe Les Républicains votera les questions préalables. Aucun pays d'Europe, sinon l'Allemagne où les critiques sont de plus en plus vives, n'a adopté ce type de législation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. Michel Laugier .  - À l'heure d'Internet, la manipulation de l'information est un sujet majeur mais ces deux textes n'apportent pas une réponse satisfaisante. Ils sont inutiles et dangereux. Le chapitre 4 de la loi de 1881 prévoit déjà la suppression de la diffusion d'informations diffamatoires. La loi existe, elle doit être appliquée.

Ce texte confie au juge et au CSA des missions qu'ils ne pourront pas remplir. Que vaut le retrait d'un contenu par une plateforme s'il a été dupliqué à des milliers ou des millions d'exemplaires en quelques secondes ?

Ce texte est aussi dangereux pour la liberté d'expression : certaines affaires, comme celle qui s'est déclenchée ces derniers jours, ne seraient-elles pas étouffées ?

Ce texte pourrait aussi apparaître comme une réponse corporatiste, un texte de protection des élus voté par des élus. Quid de la manipulation de l'information dont sont victimes nos concitoyens ? Il établit une distinction injustifiée entre les journalistes : ceux qui travaillent pour des médias ayant une édition print et les journalistes dont les médias sont des pure players.

Ce texte est donc une réponse épidermique et de circonstance. Il est certain que nous avançons à petits pas face aux GAFA mais la réponse ne peut qu'être européenne.

La meilleure des choses pour lutter contre les fausses informations serait d'améliorer la diffusion de la véritable information. Il est temps de faire évoluer la loi Bichet. Le groupe UC votera les questions préalables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Olivier Paccaud .  - « La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j'ai vu les plus honnêtes gens prêts d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville, en s'y prenant bien : et nous avons ici des gens d'une adresse ! ».

Vous connaissez tous cette tirade de Beaumarchais. Oui, la calomnie est un poison dont le venin peut éroder le marbre des statues de la République et de la démocratie. Vous prétendez, avec ces textes, y apporter un remède.

Mais cette proposition de loi n'apporte pas la bonne réponse. Les journalistes, les professionnels concernés sonnent le tocsin ; cette loi est liberticide. Au pays de Voltaire et des Lumières, la liberté d'expression est un bien sur lequel on ne transige pas. Il n'y a pas de place pour la censure.

Ce texte se concentre sur la période électorale, comme si les fake news n'étaient pas un problème en d'autres moments. Et les fausses promesses ? (Sourires) Celle d'un nouveau monde, par exemple ? (Même mouvement)

Le premier exemple de manipulation politique remonte bien au-delà du XVIIIe siècle, Monsieur Gattolin, c'est La Guerre des Gaules de César.

M. André Gattolin.  - Elle n'était pas médiatique !

M. Olivier Paccaud.  - Contre les fake news, la seule façon de faire est d'éduquer, de transmettre la culture générale et la connaissance du numérique. Pour lutter contre la manipulation de l'information, il faut informer, non censurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Claude Malhuret .  - Cette loi est mauvaise, il faut donc à tout prix s'abstenir de la modifier : c'est le raisonnement surréaliste que le Sénat tient. D'habitude, dans cet hémicycle, j'entends nos collègues affirmer, à juste titre, le rôle clef de notre assemblée dans l'élaboration de la loi.

Il n'y a donc pas lieu de délibérer ? Depuis deux ans, on ne parle que des fake news, de l'élection de Trump orchestrée par Poutine avec la complicité des Facebook, Twitter et autres Google, prêts à tout accepter pourvu que ça leur ramène du « fric ». On disait hier que les capitalistes vendraient la corde pour les pendre, aux dictateurs d'aujourd'hui nous vendons le câble. Chaque jour, nous en découvrons un peu plus sur la gangrène de l'Internet par le harcèlement en ligne, les discours de haine et de radicalisation, la propagande djihadiste et la désinformation politique, les vols massifs de données.

Il a été dit que cette loi est inutile parce qu'il existe une loi de 1881. Il faut être farceur ou inconscient pour avancer cet argument. Il y a plus d'un siècle, il n'existait ni Internet ni les réseaux sociaux... Le vrai sujet de cette loi, c'est la transparence et la vigilance des plateformes ; pas un mot là-dessus dans les questions préalables...

Ne pas légiférer sur ce sujet, c'est céder aux monstres monopolistiques hostiles à toute forme de régulation. Je fais observer, du reste, que, menacés de cette régulation, ils ont enfin réagi. Mark Zuckerberg s'est précipité en Europe pour négocier enfin l'autorégulation. Cela n'a pas suffi. L'Allemagne a obligé les réseaux sociaux à supprimer les contenus haineux en moins de 24 heures. Les GAFA ont bien compris le message et que ce qui était impossible il y a trois mois est en train d'être mis en place au triple galop. Cela ira plus vite encore le jour où la France et d'autres pays auront pris des mesures identiques.

Certains s'insurgent contre une atteinte à la liberté de la presse. Encore un contresens : le Conseil d'État, gardien des libertés, ne l'a pas fait. Le discours haineux des djihadistes qui nous ont déclaré la guerre, est-ce la liberté de la presse ? Le lynchage numérique, est-ce la liberté de la presse ?

La loi n'est pas parfaite ? Soit, étudions-la, modifions-la ; faisons notre travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Françoise Nyssen, ministre .  - Merci à MM. Gattolin et Malhuret pour leur soutien. Des années à lutter pour la liberté d'expression m'ont forgé une conviction forte dans ce domaine. Le pessimisme de la lucidité nous oblige à l'optimisme de la détermination. (Sourires amusés à droite)

On ne peut nous reprocher un défaut de concertation : journalistes, représentants des plateformes, experts, société civile, tous ont été entendus, soit dans le cadre de la concertation organisée par mon ministère, soit par le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Ce texte n'a pas été élaboré dans la précipitation. Il a fait l'objet d'un travail technique, dense et approfondi. Le Conseil d'État a été saisi et a validé les orientations tout en proposant des clarifications et des précisions techniques, largement reprises.

Le choix de la procédure accélérée se justifie pour que le texte s'applique aux élections européennes de mai 2019. Il est paradoxal de le dénoncer tout en refusant tout examen du texte dès la première lecture !

Je regrette que le Sénat n'apporte pas sa pierre à l'édifice. Face au défi immense, alors que nous sommes d'accord sur le constat, l'absence de réponse est coupable. On peut réclamer, de manière incantatoire, une réponse européenne ; mais alors que l'Union européenne tergiverse et opte pour une simple autorégulation, il est légitime que la représentation nationale se saisisse du sujet.

Le référé n'est ni inutile, ni dangereux - reproches d'ailleurs quelque peu contradictoires. En période électorale, nous avons besoin d'une réponse rapide pour endiguer la propagation d'informations manifestement fausses ; la sanction a posteriori ne saurait suffire.

Le référé ne porte en rien atteinte à la liberté d'expression et au droit à l'information, sans quoi le Conseil d'État l'aurait relevé ! Il ne frapperait que les informations manifestement fausses diffusées artificiellement et cherchant à nuire. Par construction, des révélations reposant sur un travail d'investigation ne sauraient être concernées.

Le travail du Sénat aurait pu améliorer encore des dispositions de bon sens, sur la transparence des plateformes ou le devoir de coopération. Il faut éviter la passivité des plateformes autant que l'autorégulation pure. Vous critiquez la censure privée de Facebook mais permettez qu'elle continue !

Certains d'entre vous sont d'accord avec l'intention, mais attendent une réponse européenne ; d'autres ne veulent pas du tout réguler. Aux premiers, je dis : nous n'avons plus le temps d'attendre, soyons pionniers. Aux seconds, je dis que la régulation est source de liberté.

Ce texte renforce les actions volontaristes lancées en matière d'éducation aux médias et à l'information, meilleur antidote contre la désinformation. Dommage que le Sénat se prive de participer à cette mobilisation.

Vous évoquez le contexte actuel ? Tout le monde fait son travail : le Parlement, le Gouvernement, les juges, la presse. Tout cela témoigne de la réalité de la séparation des pouvoirs dans notre pays. C'est le fonctionnement normal et sain de la démocratie. Chacun pourra continuer à critiquer publiquement le Gouvernement !

M. François Bonhomme.  - Nous voilà rassurés !

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Ce texte ne s'attaque qu'aux manipulations, aux désinformations massives qui visent à tromper. Rien n'entravera le débat démocratique normal. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La discussion générale commune est close.

Question préalable sur la proposition de loi

M. le président.  - Motion n°1 présentée par Mme Morin-Desailly au nom de la commission de la culture

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n° 623, 2017-2018).

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure .  - Il n'est pas dans l'habitude de la commission de la culture de recourir à des motions de procédure ; elle préfère rechercher le compromis. Mais ce texte le justifie : le choix de la proposition de loi, en procédure accélérée, nous prive d'une étude d'impact sérieuse et d'un travail en amont du Conseil d'État, dont l'avis, sévère, du 19 avril a contraint les députés à une profonde refonte de leur texte.

Allions-nous le réécrire à notre tour ? Tous nos interlocuteurs ont jugé impossible d'éradiquer les fausses nouvelles avec les mesures que propose l'Assemblée nationale. Pour le Conseil d'État, l'intervention institutionnelle ne peut rien contre les bulles informationnelles créées par les réseaux sociaux, qui confortent les internautes dans leurs convictions sans les confronter à des points de vue divergents.

Fallait-il voter un texte laissant croire qu'informer deviendrait un délit ?

Les mesures en trompe l'oeil sur les plateformes sont d'autant plus décevantes que cette supra-régulation a le goût d'une autorégulation.

La responsabilité des GAFA n'est pas reconnue à sa juste mesure - cela montre l'urgence d'une réponse européenne. Légiférons au niveau pertinent !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Absolument !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure.  - Un excès de zèle des plateformes mettrait en danger la liberté d'expression et d'information. La proposition de loi se heurte au verrou de la directive e-commerce de juin 2000.

Sur le titre premier, je salue le travail rigoureux de la commission des lois. Notre commission partage le point de vue des groupes Les Républicains, socialiste et Union centriste qui jugent que la difficulté à caractériser l'infraction rendra ces mesures au mieux inefficaces, au pire dangereuses pour la liberté d'expression, liberté essentielle affirmée dès 1789 et dont la liberté de la presse est le corollaire. Lisez les comptes rendus de nos nombreuses auditions ! Les professionnels de l'information ne disent pas autre chose.

Votre définition des fausses informations permettra d'étouffer certaines affaires. Le référé est à la fois trop court pour que le juge puisse prendre sa décision et trop long, comparé à la vitesse de la diffusion des nouvelles. Notre arsenal législatif est déjà fourni : code électoral et code pénal sanctionnent les fausses nouvelles comme les informations malveillantes...

Sur le régulateur, les professionnels s'inquiètent de voir confier au CSA de nouvelles responsabilités sans concertation : la régulation des contenus sur Internet suppose une coopération avec d'autres autorités administratives. La mise en demeure de Russia Today par le CSA prouve que le régulateur dispose déjà d'outils. Dès le lendemain, le régulateur russe menaçait d'interdire la diffusion de France 24 en Russie.

Le président du CSA nous a déclaré qu'il n'avait jamais demandé ces nouveaux pouvoirs et que le collège n'en avait jamais débattu.

Il n'est pas fréquent qu'un texte cristallise l'opposition des professionnels, des juristes, du régulateur, de deux commissions et de trois groupes politiques !

Il fallait au contraire rechercher un consensus, profiter du lancement des états généraux des nouvelles régulations numériques pour chercher des solutions ambitieuses au niveau européen.

Le numérique est à traiter de manière globale. Ne fragmentons pas le débat alors que tout renvoie aux problèmes que posent les GAFA - fiscalité, abus de position dominante, etc. - liés à leur position monopolistique.

La commission de la culture estime qu'une lecture détaillée ne permettra pas de lever des réserves sérieuses. Je vous propose donc d'adopter la motion. Le Sénat, dans sa sagesse, ne peut prendre le risque de toucher à la liberté d'expression et à la liberté d'informer. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - J'ai lu avec intérêt votre rapport ; je partage vos constats, pas vos conclusions. Pour en avoir parlé avec deux commissaires européens, les perspectives d'un texte européen sont très éloignées, hélas. D'ici là, dotons-nous des moyens pour lutter efficacement contre les fausses informations. Peut-être ce texte servira d'inspiration à des évolutions ultérieures...

M. François Bonhomme.  - Avec un droit d'auteur présidentiel ?

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Oui, la régulation des plateformes sera plus efficace au niveau européen, c'est pourquoi je suis favorable à la réouverture de la directive e-commerce. Mais il faut être réaliste, la Commission européenne en est loin. Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, la motion 1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°227 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption 288
Contre   31

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Question préalable sur la proposition de loi organique

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Frassa, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n° 629, 2017-2018)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur .  - Portalis, qui nous regarde sans doute d'un oeil désespéré, disait : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Proposer dans la précipitation un tel dispositif ad hoc sans avoir essayé d'améliorer le droit existant est regrettable. Il est irresponsable de légiférer sur les libertés publiques sans étude d'impact. Heureusement que le président de l'Assemblée nationale a au moins saisi le Conseil d'État !

Cette motion est justifiée par les risques d'atteintes disproportionnées à la liberté d'expression. Comment le juge des référés pourrait-il établir a priori l'altération d'un scrutin qui n'a pas encore eu lieu ? Pourquoi limiter la liberté d'expression seulement pendant les périodes électorales ? Le juge judiciaire et le juge électoral ont traditionnellement laissé une large place à la polémique politique. Pourquoi encadrer le débat électoral davantage que le débat sur la santé ou l'économie ? Faut-il interdire le droit d'imaginer, d'alléguer ou de supposer en période électorale ?

Selon le Conseil constitutionnel, la liberté d'expression est fondamentale dont l'exercice garantit le respect des autres droits et libertés. La loi ne peut en réglementer l'exercice que pour la rendre plus effective. Je ne suis pas sûr que l'article premier respecte les exigences constitutionnelles.

Le risque d'instrumentalisation à des fins dilatoires me semble trop grand. La commission des lois préfère s'abstenir de légiférer plutôt que d'adopter de telles dispositions.

En 1784, Beaumarchais, dans Le Mariage de Figaro, face à un pouvoir qui entendait brider la liberté d'expression, disait : « il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Claudine Lepage applaudissent également.)

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Face à un constat alarmant, il est urgent d'agir ; la navette devait permettre d'enrichir le texte mais vous préférez passer votre tour. Quel dommage ! Le Gouvernement ne prendra pas le risque de l'attentisme. Nous irons jusqu'au bout, le texte poursuivra son parcours législatif.

Explications de vote sur la proposition de loi organique

M. François Bonhomme .  - Après des mois d'attente, ce projet de loi a suscité beaucoup de scepticisme ; pas un juriste, pas un professeur de droit, pas une association de journalistes qui n'ait dénoncé ce texte d'inspiration jupitérienne, sans doute contre-productif : entorse au principe de liberté d'expression avec une labellisation de la vérité d'État ou, plus ironique, valorisation d'une information estampillée « faux officiel ».

Selon le Conseil d'État, la réponse du juge des référés risque d'être trop tardive. Dans une crise d'optimisme, on pourrait soutenir que cette loi ne fera pas trop de mal... C'est un hebdomadaire à forme de palmipède qui a le mieux résumé ce texte : Les députés ont foncé la tête dans le bidon. Mal leur en a pris, et cette question préalable est là pour le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. David Assouline .  - Le groupe socialiste votera cette motion et s'y associe. La désinformation est un fléau dont on a vu les effets sur des piliers de la démocratie comme les États-Unis et la Grande-Bretagne. Mais la France, grâce à son arsenal et sa tradition en matière de liberté de la presse et d'expression, a résisté, lors des dernières élections, aux attaques visant à répandre des informations malveillantes.

Avec l'intelligence artificielle, on pourra fabriquer de fausses informations, des vidéos, des mises en scène, montrer le président de la République disant des choses qu'il n'a jamais dites ! Même la riposte sera difficile. Ne laissons pas croire qu'avec cette petite loi inutile, dangereuse et inefficace, nous y ferons face...

M. Pierre Ouzoulias .  - Madame la Ministre, je n'ai pas aimé votre ton. Le président de la République a voulu ce texte que vous tentez de nous imposer. Nous proposons un dialogue, vous le refusez en répondant qu'il sera de toute façon adopté par l'Assemblée nationale. Cela montre que nous avons raison de voter cette motion, pour dénoncer cette forme d'arbitraire.

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°228 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 287
Contre   31

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi organique est rejetée.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Nous nous retrouvons pour la dernière fois sur ce texte. Le Gouvernement a mené un travail de concertation et entendu la diversité des situations sur le terrain, qui appelle des solutions différenciées.

Ce texte concilie donc l'enjeu du transfert des compétences eau et assainissement et l'adaptation aux réalités locales. La clause de sauvegarde des libertés locales donnera aux communes la possibilité de s'opposer au transfert de la compétence eau et assainissement à la communauté de communes au 1er juillet 2019 si 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population votent en ce sens. Le transfert sera toutefois obligatoire au 1er janvier 2026.

Les vraies difficultés portent sur l'eau. Certaines communes pourront donc transférer l'assainissement dès à présent et se donner un délai supplémentaire pour l'eau.

Nous avons entendu les difficultés liées au mécanisme de représentation-substitution dans les syndicats et avons donc proposé d'assurer la pérennité des structures, sans condition de taille. Je me réjouis que le Sénat ait fait sienne cette proposition.

C'est une position équilibrée, fruit du compromis adopté par la Conférence nationale des territoires de Cahors le 14 décembre 2017. C'est pourquoi je déplore que la CMP ne soit pas parvenue à un accord. Le Gouvernement continuera à tenir sa ligne.

Je suis animée d'un esprit de compromis. Je me suis engagée, devant le Sénat, à apporter des réponses au cours de la navette : je l'ai fait à l'Assemblée nationale sur la gestion des eaux pluviales et la minorité de blocage pour les communes ayant déjà transféré l'assainissement non collectif à leur communauté de communes.

La gestion des eaux pluviales est à la convergence de l'assainissement, de la voirie et de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).

Le Gouvernement a souligné la diversité des solutions. Il est nécessaire de concilier la clarification des compétences et la souplesse dans la gestion de ces compétences.

Le Conseil d'État assimile la gestion des eaux pluviales urbaines à un service public relevant de la compétence assainissement lorsqu'elle est exercée de plein droit par un EPCI. Ce rattachement fait sens dans les zones urbanisées avec un réseau unitaire. Mais pour les communautés de communes, le Gouvernement a soutenu l'amendement à l'Assemblée nationale qui en fait une compétence facultative.

La minorité de blocage pour les communes ayant transféré l'assainissement non collectif a évolué. Le monde rural a conscience que l'intercommunalité peut résoudre ces problèmes. La moitié des communautés de communes ayant la compétence sur l'assainissement non collectif n'exerce pas la compétence sur l'assainissement collectif. Il est dès lors possible, à mes yeux, que les communes ayant une minorité de blocage assurent l'assainissement collectif au niveau communal et le service public d'assainissement non collectif au niveau intercommunal, compte tenu des spécificités locales -  et ce jusqu'en 2026.

Un amendement assouplira l'exercice de l'assainissement en régie. Il concilie la mutualisation des moyens et des personnels et l'individualisation de ces deux services publics industriels et commerciaux au sein de deux budgets annexes distincts. Sachant que seuls des amendements adoptés par le Sénat seront examinés lors de la dernière lecture à l'Assemblée nationale, j'espère que vous vous rallierez à cette proposition pragmatique. Cela correspond à la demande de votre collègue député, Raphaël Schellenberger.

Face aux enjeux, trouvons des solutions concrètes pour moderniser nos réseaux. L'impératif écologique et climatique doit nous pousser à améliorer nos réseaux d'eau. Nos installations sont souvent vieillissantes : sur cinq litres d'eau traitée, un finit dans la nature. Les travaux des Assises de l'eau ont montré que le taux de connaissance des réseaux est faible.

Les agences de l'eau aideront les collectivités territoriales à améliorer l'état des réseaux. Les six ans de délai que donne la minorité de blocage donneront toute latitude aux communes pour engager les mutualisations nécessaires après le premier mouvement de 2010 à 2016.

Les communes doivent interconnecter leurs réseaux et mutualiser pour faire face à l'amoindrissement de la ressource en eau ; cela ne signifie pas la disparition des syndicats. Le Gouvernement s'opposera à l'optionalité du transfert car le texte de l'Assemblée nationale respecte les équilibres.

Apportons des réponses rapides aux élus locaux et aux Français, quel que soit leur lieu d'habitation.

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois .  - Dans la grande majorité des cas, les territoires savent quelle organisation est la plus pertinente pour eux. Ces mots, ce sont ceux du président de la République lors de la Conférence nationale des territoires le 18 juillet 2017. Il annonçait la conclusion d'un pacte girondin avec les collectivités territoriales pour redonner aux territoires les moyens d'agir dans une responsabilité partagée.

Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et dans les réseaux, avec une tentative de recentralisation forcée des compétences, un étranglement financier des départements, une réduction des derniers pouvoirs des maires...

Ce texte aurait pu être l'occasion de desserrer le corset que constitue pour les collectivités territoriales la loi NOTRe. Hélas, c'est une belle occasion manquée.

Dès février 2017, le Sénat avait adopté une proposition de loi Bas, Retailleau, Zocchetto, Darnaud qui visait à maintenir ces compétences parmi les compétences optionnelles des EPCI. Cette proposition de loi a été renvoyée en commission par l'Assemblée nationale, malgré le soutien du rapporteur. Le groupe de travail parlementaire mis en place autour de Mme la ministre a proposé de renforcer l'aide financière et technique au bloc communal ; de permettre aux communes de surseoir au transfert de compétences jusqu'en 2026 ; de garantir la pérennité des syndicats d'eau et d'assainissement.

La proposition de loi déposée par les députés LaREM et Modem n'a pas tout à fait mis en oeuvre ces engagements.

Un texte d'initiative parlementaire ne pouvait, en vertu de l'article 40 de la Constitution, traiter de l'aide financière et technique susceptible d'être apportée par l'État aux communes et à leurs groupements.

Si elle instaurait une minorité de blocage, cette faculté ne concernerait que les communautés de communes et non pas les communautés d'agglomération et ne courrait que jusqu'en 2026.

Pour garantir la pérennité des syndicats d'eau et d'assainissement, il était proposé de revenir au droit commun de la « représentation-substitution » en ce qui concerne les communautés de communes, mais aucun assouplissement n'était prévu pour les communautés d'agglomération.

La difficulté a été résolue dès la première lecture grâce à la rapporteure de l'Assemblée nationale, Émilie Chalas. Un amendement a été adopté rattachant systématiquement les compétences des eaux fluviales et de l'assainissement aux EPCI.

Le Sénat a préféré l'adaptation aux réalités locales, souhaitant faire confiance aux élus de terrain, en les laissant libres de décider du transfert de ces compétences, en fonction desdites réalités. Il exclut les eaux de ruissellement du rattachement des eaux pluviales à la compétence « assainissement » des communautés de communes et d'agglomération. Il a en outre adopté cinq articles additionnels pour faciliter la gestion des services publics d'eau et d'assainissement et le transfert de la compétence au niveau intercommunal.

Malheureusement, aucun accord n'a été obtenu en CMP, la rapporteure de l'Assemblée nationale considérant nos propositions comme inacceptables.

Heureuse surprise, l'Assemblée nationale a retenu certains de nos apports en nouvelle lecture, en séance publique. Pour autant, ces avancées ne répondent pas à toutes nos préoccupations. C'est avec un esprit constructif que la commission a abordé cette nouvelle lecture. L'espérance étant l'une des trois vertus théologales, il n'est pas vain de faire valoir des arguments de bon sens... (Sourires)

À l'article premier, ne pouvant trouver une rédaction de compromis, la commission des lois a réaffirmé le principe selon lequel l'eau et l'assainissement doivent rester des compétences optionnelles des communautés de communes et d'agglomération.

La commission a aussi rétabli trois des articles 1er bis à sexies, supprimés par l'Assemblée nationale, avec une rédaction améliorée.

Sur l'article 2, la rédaction de l'Assemblée nationale a levé les confusions sur la répartition des compétences. Il restait une zone d'ombre sur la compétence des communautés d'agglomération entre l'entrée en vigueur de la proposition de loi et le 1er janvier 2020, que la commission s'est efforcée de dissiper.

À l'article 3, la commission a approuvé l'assouplissement les règles de représentation-substitution, ce qui permettra aux syndicats des eaux de se maintenir au moins jusqu'en 2026. Elle s'est contentée d'adopter un amendement de clarification rédactionnelle, afin de mettre le droit en accord avec la pratique.

Les EPCI ont recréé des syndicats mixtes sur ce qui était le périmètre des syndicats de communes. On recherche en vain une quelconque rationalisation des compétences locales !

Laissons respirer les territoires, laissons les élus s'organiser, tel est l'esprit dans lequel la commission vous propose d'adopter ce texte issu de ses travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

M. Jean-Marc Gabouty .  - Ce débat sur le transfert des compétences eau et assainissement reste une scorie de la loi NOTRe. Le Sénat avait accepté, pour éviter un échec en CMP, un report à 2020 du transfert obligatoire, puis voté en 2017 une proposition de loi rendant optionnelle cette compétence pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération.

Le transfert vers les EPCI peut être un progrès ou une régression, selon les territoires. Ainsi, en ma qualité de maire, j'avais créé une régie municipale performante durant trente ans. Le transfert à la communauté d'agglomération a été une régression, avec des solutions standardisées, des délais plus longs, des lourdeurs administratives...

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Quel progrès, en effet !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Il ne faut pas généraliser, mais la carte de l'approvisionnement en eau ne correspond pas toujours au périmètre des EPCI.

Ce texte prévoit un report de transfert à 2026 encadré par une minorité de blocage s'exprimant en ce sens au sein de la communauté de communes. Plus qu'une souplesse, c'est une mesure dilatoire.

Nous sommes face à un choix cornélien : nous ne pouvons voter le texte issu de l'Assemblée nationale, mais pas davantage la version de la commission car il n'y aura plus de CMP pour tenter de la maintenir...

C'est pourquoi le groupe RDSE propose un amendement acceptant le texte de l'Assemblée nationale, tout en l'étendant aux communautés d'agglomération. C'est une position très proche de celle de l'AMF. Le maintien d'un dispositif transitoire peut-être de nature à faciliter d'autres assouplissements et un retour au principe de subsidiarité si un gouvernement veut bien, un jour, s'apercevoir que le transfert à tout-va des compétences vers les EPCI entraîne plus de surcoûts que d'économies et plus de lourdeurs que d'efficacité.

J'ai bien conscience que notre initiative médiane, sorte de CMP unilatérale, aura sans doute peu de chances d'aboutir. Si mon amendement n'était pas voté, le groupe RDSE ne s'opposera pas au texte de la commission, conforme sur le fond à ses positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Arnaud de Belenet .  - Oui, il faut laisser respirer les territoires. Ils savent ce qui est bon pour eux, certes...

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Oui.

M. Arnaud de Belenet.  - Mais vous avez omis d'ajouter, que ni le président de la République, ni le Premier ministre, ni personne ne souhaite déstabiliser les territoires.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Cela va mieux en le disant !

M. Arnaud de Belenet.  - Ce Gouvernement a, dès 2017, mis fin à l'asphyxie budgétaire en arrêtant la baisse des dotations. Le match retour de la loi NOTRe, c'est ce que vous voulez mais ce n'est pas l'enjeu. Nous voulons permettre aux communes de sortir, si c'est nécessaire, du cadre général : c'est ce que prévoit cette proposition de loi. 60 % des intercommunalités ont déjà engagé le transfert de la compétence ; les autres ont besoin de visibilité.

Le président Sueur nous a invités, sur un texte précédent, à réfréner nos ardeurs... Peut-être un vote conforme serait-il approprié sur celui-ci aussi.

C'est pourquoi le groupe LaREM votera les amendements rétablissant le texte de l'Assemblée nationale. Nos travaux ont enrichi le texte. Le Gouvernement a proposé des assouplissements de bon sens, notamment à travers la clause de sauvegarde des libertés communales sur le mode opératoire d'une minorité de blocage ; en nouvelle lecture, c'est le Sénat qui ferait oeuvre de blocage en refusant de voter le texte conforme...

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Arnaud de Belenet.  - Nous nous dirigions pourtant, me semble-t-il, vers un compromis acceptable, à portée de main.

M. Guillaume Gontard .  - La navette devient stérile, à cause de l'entêtement de la majorité présidentielle. Seule concession, le transfert de la compétence sur les eaux pluviales devient facultatif.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Ce n'est pas rien !

M. Guillaume Gontard.  - Comme le font valoir les élus de l'ANEM, en montagne, les réseaux interconnectés sont impossibles. Ce sont les élus qui savent le mieux gérer leur réseau, toujours disponibles en cas d'incident, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

Le Gouvernement n'a pas voulu bouger sur la compétence obligatoire en 2026 ; il ouvre une période de flou où chaque collectivité territoriale se renverra la balle et où tous les investissements seront paralysés. La gestion quotidienne, de proximité, doit rester communale.

Je fais mienne la formule de mon collègue Pierre-Yves Collombat : « Quand les stratèges de bureau cesseront-ils de confondre la carte avec le territoire ? ».

Il est temps de mettre en adéquation les budgets des agences de l'eau avec leurs besoins, de revenir au principe : « l'eau paie l'eau ».

Le groupe CRCE votera cette proposition de loi amendée par la commission. J'adresse pour finir ce message à nos collègues députés. Jean Giono disait : « La vie, c'est de l'eau. Si vous mollissez le creux de la main, vous la gardez ; si vous serrez les poings, vous la perdez ».

Écoutez donc ce message de bon sens, Madame la Ministre, desserrez les poings, et accordez un peu de souplesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Bernard Delcros .  - Nous voici au dernier épisode du feuilleton qui a commencé en décembre 2014 avec l'examen de la loi NOTRe en première lecture au Sénat. Nous avons donc l'occasion de clore ce débat, dans le seul intérêt des territoires. Le point de départ est ce transfert obligatoire de la compétence Eau et assainissement au 1er janvier 2020, voté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Beaucoup d'élus ont ensuite alerté le Gouvernement sur l'impossibilité d'un tel transfert à cette échéance. Madame la Ministre, vous nous avez entendus proposant un report de six ans.

La commission prend une position cohérente...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Merci.

M. Bernard Delcros.  - ... mais extrême ; car les équilibres locaux et politiques de 2018...

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Surtout politiques !

M. Bernard Delcros.  - ... ne sont pas les mêmes qu'en 2015, ni qu'en 2017. Dans sa majorité, le groupe UC considère que le report de six ans répond aux besoins des territoires. Six ans, c'est un mandat municipal...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est vite passé !

M. Bernard Delcros.  - Le 17 avril, j'ai insisté ici sur la nécessité de faire évoluer le texte sur deux points : dissocier la compétence eaux pluviales de celle des eaux usées, afin d'éviter son transfert obligatoire qui serait pénalisant pour certains territoires, particulièrement en secteur rural ; et assurer la sécabilité, jusqu'en 2026 des assainissements collectif et autonome, le Spanc. Là aussi, vous avez évolué en acceptant la sécabilité jusqu'en 2026. S'ensuivent deux hypothèses.

Faut-il, en premier lieu, s'arc-bouter sur la position du Sénat ? C'est une voie sans issue. Le groupe UC choisit l'autre, qui privilégie l'efficacité de l'action et répond aux attentes des élus locaux.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Ils ne vont pas être déçus !

M. Bernard Delcros.  - Cette voie, positive pour l'image du Sénat, consiste à saisir la main tendue.

À la veille d'une révision constitutionnelle, cela montrerait le rôle du Sénat. Ne laissons pas passer cette opportunité. Je vous propose donc des amendements rétablissant le texte de l'Assemblée nationale. Les élus locaux attendent une adoption définitive. (M. Yves Détraigne et Mme Dominique Vérien applaudissent.)

Mme Laurence Harribey .  - Nous voici au bout d'un long processus, quelque peu frustrant - on aurait pu faire plus simple et plus vite - qui apporte néanmoins des résultats.

Nombre de territoires nous avaient dit la difficulté d'appliquer la loi NOTRe, ce qui a conduit le Sénat à voter unanimement une proposition de loi réaliste, et non dogmatique.

Sur le fond, nous restons favorables aux progrès de l'intercommunalité qui permet la rationalisation du secteur par rapport à l'usager et au prix de l'eau, et la prise en compte du petit au grand cycle de l'eau.

Mais pour arriver à une compétence unique, cela suppose un long chemin et la possibilité pour les collectivités territoriales de s'organiser librement.

Nous avons donc voté la proposition de loi en première lecture.

Après l'échec de la CMP, les dogmatismes étaient là - le texte présente des avancées : droit d'opposition en cas de transfert partiel des compétences et sécabilité des compétences - pour les seules communautés de communes, malheureusement. Nous voulons aller plus loin.

Par cohérence, nous avons souscrit aux propositions de notre rapporteur sur l'extension de la sécabilité et les transferts budgétaires. Nous n'avons pas déposé de nouveaux amendements.

Ce texte permettra de remettre les élus locaux au centre... (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Yves Bouloux .  - L'eau potable, c'est la vie - la ressource la plus précieuse qu'il faut préserver, en traitant les eaux usées notamment.

L'eau et l'assainissement font partie des compétences des communes auxquelles les citoyens sont attachés. Certains syndicats se sont toutefois formés il y a longtemps.

La présence de plusieurs bassins versants conduit des communes à refuser le transfert aux intercommunalités.

Le Sénat et l'Assemblée nationale ont dès lors pris des positions opposées, via deux propositions de loi différentes. Le Sénat n'a pas accepté celle de l'Assemblée nationale et a voté le retour à son texte initial et la CMP n'a pu être conclusive. L'Assemblée nationale, en seconde lecture, a cependant consenti à des aménagements. La référence aux eaux de ruissellement disparaît notamment, ce qui va dans le sens du Sénat.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Pas seulement du Sénat !

M. Yves Bouloux.  - La commission des lois a rétabli l'essentiel de son texte initial, en apportant des assouplissements en matière de représentation-substitution.

Le Sénat fait confiance aux élus locaux à qui il entend donner le choix - il s'oppose à la majorité de l'Assemblée nationale qui croit pouvoir traiter de manière uniforme des situations diverses.

Sans doute des économies d'échelle sont possibles, mais rien ne peut se faire dans la contrainte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre .  - Malgré toutes les évolutions du texte, que j'ai défendues, certains campent sur leurs positions.

Lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2018, ces compétences avaient été réduites de neuf à huit pour avoir droit à la dotation globale de fonctionnement (DGF) bonifiée...

Beaucoup d'élus tiennent aussi au transfert obligatoire - et pas seulement des urbains !

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Des Girondins !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je me déplace partout ! Au fond, ce texte est donc un texte de compromis qui respecte les positions de chacun d'entre vous.

Monsieur Bouloux, certains départements ont un syndicat de taille départementale, même si le prix de l'eau diffère selon les communes. Si ce n'est pas de la mutualisation, je ne sais pas ce que c'est ! Nous avons toujours veillé à ce qu'ils demeurent. Nous avons supprimé l'obligation de trois intercommunalités, qui n'avait plus de sens.

Au fond, deux visions de l'intercommunalité s'affrontent : ceux qui croient qu'elles sont autre chose que des communes, et ceux, comme moi, qui ont toujours pensé que c'est la manière de les sauver.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Parfois, la gouvernance des intercommunalités n'est pas toujours idéale, ni suffisamment partagée, il y a des questions de personnes...Il faudra peut-être y réfléchir.

J'ai administré une commune qui a toujours acheté son eau à l'extérieur, faute de forage, mais je ne me suis jamais sentie dépossédée.

L'eau doit payer l'eau, c'est vrai, mais elle deviendra, de plus en plus avec les changements climatiques, un bien commun. Partager cette richesse au sein des intercommunalités ne dépossède en rien les communes.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, MM. Requier, Artano, Castelli et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Roux, Vall, Arnell et Gabouty.

Rédiger ainsi cet article :

Les communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération qui n'exerce pas, à la date de la publication de la présente loi, à titre optionnel ou facultatif, les compétences relatives à l'eau ou à l'assainissement peuvent s'opposer au transfert obligatoire, résultant du IV de l'article 64 de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, de ces deux compétences, ou de l'une d'entre elles, à la communauté de communes ou à la communauté d'agglomération si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes ou de la communauté d'agglomération représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens. En ce cas, le transfert de compétences prend effet le 1er janvier 2026.

Le premier alinéa du présent article peut également s'appliquer aux communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération qui exerce de manière facultative à la date de publication de la présente loi uniquement les missions relatives au service public d'assainissement non collectif, tel que défini au III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales. En cas d'application de ces dispositions, le transfert intégral de la compétence assainissement n'a pas lieu et l'exercice intercommunal des missions relatives au service public d'assainissement non collectif se poursuit dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article.

Si, après le 1er janvier 2020, une communauté de communes ou une communauté d'agglomération n'exerce pas les compétences relatives à l'eau et à l'assainissement ou l'une d'entre elles, l'organe délibérant de la communauté de communes ou de la communauté d'agglomération peut également, à tout moment, se prononcer par un vote sur l'exercice de plein droit d'une ou de ces compétences par la communauté. Les communes membres peuvent toutefois s'opposer à cette délibération, dans les trois mois, dans les conditions prévues au premier alinéa.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Cet amendement est une proposition de compromis entre le texte adopté au Sénat et celui qui l'a été à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

L'intercommunalité n'existe plus, nous vivons maintenant de la supra-communalité.

Quand j'entends qu'il faudrait voter ce texte conforme, cela me gêne : j'ai quelques doutes sur le fait que l'Assemblée nationale ait les mêmes connaissances que nous des collectivités. Elle devrait donc - sur ces sujets - écouter plus le Sénat que l'inverse.

Madame la Ministre, faites un pas de plus en notre direction en soutenant cet amendement, afin de rapprocher nos positions.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.

Rédiger ainsi cet article  :

Les communes membres d'une communauté de communes qui n'exerce pas, à la date de la publication de la présente loi, à titre optionnel ou facultatif, les compétences relatives à l'eau ou à l'assainissement peuvent s'opposer au transfert obligatoire, résultant du IV de l'article 64 de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, de ces deux compétences, ou de l'une d'entre elles, à la communauté de communes si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens. En ce cas, le transfert de compétences prend effet le 1er janvier 2026.

Le premier alinéa du présent article peut également s'appliquer aux communes membres d'une communauté de communes qui exerce de manière facultative à la date de publication de la présente loi uniquement les missions relatives au service public d'assainissement non collectif, tel que défini au III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales. En cas d'application de ces dispositions, le transfert intégral de la compétence assainissement n'a pas lieu et l'exercice intercommunal des missions relatives au service public d'assainissement non collectif se poursuit.

Si, après le 1er janvier 2020, une communauté de communes n'exerce pas les compétences relatives à l'eau et à l'assainissement ou l'une d'entre elles, l'organe délibérant de la communauté de communes peut également, à tout moment, se prononcer par un vote sur l'exercice de plein droit d'une ou de ces compétences par la communauté. Les communes membres peuvent toutefois s'opposer à cette délibération, dans les trois mois, dans les conditions prévues au premier alinéa.

M. Arnaud de Belenet.  - Nul ne met en doute la compétence des anciens élus que nous sommes, mais il faut tenir compte des pas faits par l'Assemblée. Cet amendement revient au texte de l'Assemblée nationale, qui a été assoupli.

Il maintient l'alinéa qui y a été introduit en séance visant à élargir à la gestion de la compétence en matière d'assainissement collectif, les conditions d'application du mécanisme de minorité de blocage en faveur des communes membres de communautés de communes exerçant uniquement, à la date de publication de la loi, et à titre facultatif, la seule compétence en matière d'assainissement non collectif.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Delcros et Henno, Mmes Vermeillet et Guidez, MM. L. Hervé, Delahaye et Canevet, Mme Sollogoub, MM. Capo-Canellas, Cazabonne, Janssens, Moga et Vanlerenberghe, Mme Billon, M. Louault, Mme C. Fournier, M. Luche, Mmes Vullien, Vérien et Loisier, MM. Longeot, Le Nay et Prince, Mmes Saint-Pé, N. Goulet et Joissains, M. Kern, Mmes Goy-Chavent, Perrot et Doineau et M. Bockel.

Rédiger ainsi cet article :

Les communes membres d'une communauté de communes qui n'exerce pas, à la date de la publication de la présente loi, à titre optionnel ou facultatif, les compétences relatives à l'eau ou à l'assainissement peuvent s'opposer au transfert obligatoire, résultant du IV de l'article 64 de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, de ces deux compétences, ou de l'une d'entre elles, à la communauté de communes si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens. En ce cas, le transfert de compétences prend effet le 1er janvier 2026.

Le premier alinéa du présent article peut également s'appliquer aux communes membres d'une communauté de communes qui exerce de manière facultative à la date de publication de la présente loi uniquement les missions relatives au service public d'assainissement non collectif, tel que défini au III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales. En cas d'application de ces dispositions, le transfert intégral de la compétence assainissement n'a pas lieu et l'exercice intercommunal des missions relatives au service public d'assainissement non collectif se poursuit dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article.

Si, après le 1er janvier 2020, une communauté de communes n'exerce pas les compétences relatives à l'eau et à l'assainissement ou l'une d'entre elles, l'organe délibérant de la communauté de communes peut également, à tout moment, se prononcer par un vote sur l'exercice de plein droit d'une ou de ces compétences par la communauté. Les communes membres peuvent toutefois s'opposer à cette délibération, dans les trois mois, dans les conditions prévues au premier alinéa.

M. Bernard Delcros.  - Cet amendement rétablit la rédaction de l'article 1er voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, soit la minorité de blocage permettant de s'opposer au transfert des compétences eau et assainissement et reportant ce transfert au 1er janvier 2026.

Cher ami Jean-Marc Gabouty, si j'ai proposé un vote conforme, c'est que le texte de l'Assemblée nationale a pris en compte des demandes importantes du Sénat.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Je comprends la logique de compromis, mais le rapporteur de l'Assemblée nationale a fait de cette disposition une ligne rouge. Retrait ?

Avis défavorable à l'amendement n°12 qui ne reprend pas tout à fait le texte de l'Assemblée nationale, contrairement à celui de M. de Belenet qui recueille le même avis...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Nous en avons assez débattu pour que je me contente d'un avis défavorable aux amendements nos13 rectifié bis, 12 et 4 rectifié.

L'amendement n°13 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements nos12 et 4 rectifié.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Laménie, Chaize, Reichardt, Leleux et D. Laurent.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1412-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'exploitation des services publics de l'eau et de l'assainissement peut donner lieu à la constitution d'une régie unique. »

M. Marc Laménie.  - Cet amendement sécurise les régies qui exploitent les services d'eau et d'assainissement avec des budgets distincts, au plus grand bénéfice des usagers.

L'administration fait en effet une interprétation nouvelle de l'article L. 1412-1 du CGCT, imposant une régie pour chaque service, alors que de nombreuses synergies existent, que l'unicité du compte de trésorerie permet d'économiser des frais bancaires. Une quote-part peut garantir la sincérité et l'autonomie de chacun des budgets.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1412-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'elle est assurée à l'échelle intercommunale par un même établissement public de coopération intercommunale ou un même syndicat mixte, l'exploitation des services publics de l'eau et de l'assainissement peut donner lieu à la création d'une régie unique, dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière, conformément aux dispositions de l'article L. 2221-10 du code général des collectivités territoriales, à condition que les budgets correspondants à chacun de ces deux services publics demeurent strictement distincts. »

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement veut favoriser la mutualisation des moyens et du personnel pour l'exploitation des deux services publics industriels et commerciaux (SPIC), conformément aux attentes des élus locaux, tout en maintenant deux budgets annexes différents, le résultat de chacun des deux SPIC sera conservé au bénéfice de leurs usagers respectifs.

M. le président.  - Sous-amendement n°16 à l'amendement n° 15 du Gouvernement, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

Amendement n° 15

I. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

un alinéa

par les mots :

deux alinéas

II. - Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'exploitation des services publics de l'assainissement des eaux usées et de la gestion des eaux pluviales urbaines peut donner lieu à la création d'une régie unique.

III. - Alinéa 4

1° Après le mot :

assainissement

insérer les mots :

des eaux usées ou de la gestion des eaux pluviales urbaines

2° Supprimer le mot :

deux

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Cet amendement nous met dans un certain embarras.

En première lecture, la commission avait demandé le retrait de l'amendement de M. Leroy au motif qu'il était satisfait. De fait, selon notre analyse, la législation en vigueur autorisait les régies uniques ou multiservices pourvu que le coût de chacun des services soit individualisé dans des budgets annexes distincts. Cependant, en 2013, dans une réponse à M. Jean-Louis Masson, le ministre de l'intérieur indiquait que les collectivités avaient l'obligation de constituer une régie par service public. Cette doctrine semble être appliquée depuis deux ou trois ans.

Pour apaiser les inquiétudes des élus locaux, Mme Gourault propose un amendement. Celui-ci, cependant, limite la formation d'une régie unique aux services de l'eau et de l'assainissement -  alors que nombre d'entre elles gèrent également l'enlèvement des ordures ou la voirie, à condition que les compétences aient été transférées à l'intercommunalité et uniquement si la régie a la personnalité morale  - ce qui est loin d'être toujours le cas. Le dilemme est diabolique ou plutôt pernicieux : soit nous approuvons une interprétation restrictive du droit en vigueur, soit nous prenons le risque de laisser les préfectures imposer aux collectivités locales la dissolution de leur régie multiservices.

La commission n'a pas pu se prononcer sur cet amendement déposé tardivement. Je suggère de l'adopter par pragmatisme en l'assortissant du sous-amendement que je propose pour étendre le champ de la régie multiservices à la gestion des eaux pluviales.

M. le président.  - Je récapitule : avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié bis, avis favorable à l'amendement n°15 sous réserve de l'adoption du sous-amendement n°16.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - C'est bien cela !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Retrait de l'amendement n°11 rectifié bis. Pour la tranquillité de l'âme de M. Bonhomme, avis favorable au sous-amendement n°16.

M. Marc Laménie.  - Compte tenu du travail réalisé, je retire mon amendement.

L'amendement n°11 rectifié bis est retiré.

Le sous-amendement n°16 est adopté.

L'amendement n°15, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

L'article premier bis demeure supprimé, de même que l'article premier ter.

ARTICLE PREMIER QUATER

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Delcros, Mme Guidez, M. Henno, Mmes Vermeillet et Billon, MM. Bockel, Canevet, Capo-Canellas, Cazabonne et Delahaye, Mmes Doineau, C. Fournier, N. Goulet et Goy-Chavent, MM. L. Hervé et Janssens, Mme Joissains, MM. Kern et Le Nay, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Luche et Moga, Mme Perrot, M. Prince, Mmes Saint-Pé et Sollogoub, M. Vanlerenberghe et Mmes Vérien et Vullien.

Supprimer cet article.

M. Bernard Delcros.  - Cet amendement est de cohérence.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier quater est adopté.

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Delcros, Mme Billon, MM. Bockel, Canevet, Capo-Canellas, Cazabonne et Delahaye, Mmes Doineau, C. Fournier, N. Goulet, Goy-Chavent et Guidez, MM. Henno, L. Hervé et Janssens, Mme Joissains, MM. Kern et Le Nay, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Luche et Moga, Mme Perrot, M. Prince, Mmes Saint-Pé et Sollogoub, M. Vanlerenberghe et Mmes Vérien, Vermeillet et Vullien.

Supprimer cet article.

M. Bernard Delcros.  - Encore un amendement de cohérence.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier quinquies est adopté.

ARTICLE PREMIER SEXIES

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Delcros, Mme Billon, MM. Bockel, Canevet, Capo-Canellas, Cazabonne et Delahaye, Mmes Doineau, C. Fournier, N. Goulet, Goy-Chavent et Guidez, MM. Henno, L. Hervé et Janssens, Mme Joissains, MM. Kern et Le Nay, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Luche et Moga, Mme Perrot, M. Prince, Mmes Saint-Pé et Sollogoub, M. Vanlerenberghe et Mmes Vérien, Vermeillet et Vullien.

Supprimer cet article.

M. Bernard Delcros.  - Toujours un amendement de cohérence.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier sexies est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Delcros, Mme Billon, MM. Bockel, Canevet, Capo-Canellas, Cazabonne et Delahaye, Mmes Doineau, C. Fournier, N. Goulet, Goy-Chavent et Guidez, MM. Henno, L. Hervé et Janssens, Mme Joissains, MM. Kern et Le Nay, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Luche et Moga, Mme Perrot, M. Prince, Mmes Saint-Pé et Sollogoub, M. Vanlerenberghe et Mmes Vérien et Vermeillet.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le 6° du II de l'article L. 5214-16 et le 2° du II de l'article L. 5216-5 sont complétés par les mots : « des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8 » ;

2° Au a du 5° du I des articles L. 5215-20 et L. 5217-2, après le mot : « Assainissement », sont insérés les mots : « des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8, gestion des eaux pluviales urbaines au sens de l'article L. 2226-1 ».

II.  -  Le chapitre Ier du titre II de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est ainsi modifié :

1° Les deux derniers alinéas du 1° du IV de l'article 64 sont ainsi rédigés :

« ?6° Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8, sans préjudice de l'article 1er de la loi n°                du                      relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes ;

« ?7° Eau, sans préjudice de l'article 1er de la loi n°            du              relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.? ; »

2° Le a du 1° du II de l'article 66 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « et 9° » est remplacée par la référence : « à 10° » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« ?9° Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8 ;

« ?10° Gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l'article L. 2226-1.? ; ».

M. Bernard Delcros.  - Défendu.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Delcros, Mme Billon, MM. Bockel, Canevet, Capo-Canellas, Cazabonne et Delahaye, Mmes Doineau, C. Fournier, N. Goulet, Goy-Chavent et Guidez, MM. Henno, L. Hervé et Janssens, Mme Joissains, MM. Kern et Le Nay, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Luche et Moga, Mme Perrot, M. Prince, Mmes Saint-Pé et Sollogoub, M. Vanlerenberghe et Mmes Vérien, Vermeillet et Vullien.

Supprimer les mots :

et aux communautés d'agglomération

M. Bernard Delcros.  - Défendu.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

Explications de vote

M. Jean-Pierre Sueur .  - Revenons à la CMP durant laquelle a été établi le texte de la loi NOTRe, adopté par le Sénat et l'Assemblée nationale à la majorité. À nos amis députés, qui voulaient transférer les compétences eau et assainissement à l'intercommunalité en 2018, nous avons expliqué que cela était irréaliste. Nous avons demandé un délai, jusqu'en 2020, en indiquant qu'une loi ultérieure serait nécessaire pour organiser le transfert dans de bonnes conditions.

Ce texte est venu sous la forme d'une proposition de loi sénatoriale maintenant l'eau et l'assainissement parmi les compétences optionnelles des communautés de communes. Vous y aviez apporté, Madame la Ministre, le soutien enthousiaste de la sénatrice que vous étiez alors.

Le groupe socialiste, fidèle à la position qui était la sienne alors, votera ce texte en regrettant que le Sénat n'ait pas été davantage entendu. Notre cohérence est entachée de quelques insatisfactions.

M. Marc Laménie .  - Je salue le travail de la commission et du rapporteur, il était difficile de trouver un consensus. Les intercommunalités se développent, elles prennent des compétences ; la connaissance des réseaux, la gestion de ce bien si précieux qu'est l'eau reste toutefois une affaire de proximité. Repousser le transfert de compétences donnera du temps pour trouver des solutions. Que deviendront les petits syndicats d'eau potable qui fonctionnent si bien avec un personnel compétent et des élus bénévoles ? Compte tenu du travail de fond du rapporteur, le groupe Les Républicains votera ce texte.

M. Bernard Delcros .  - Le transfert obligatoire ne se fera pas en 2020, nous avons réglé la question des eaux pluviales et avons fait sauter l'anomalie de l'insécabilité entre assainissement autonome et assainissement collectif. Les élus locaux seront soulagés.

Je remercie Mme Gourault : ce résultat lui doit beaucoup, nous pourrons dire aux élus locaux que le transfert n'aura pas lieu dans dix-huit mois.

M. Guillaume Gontard .  - Il n'y a pas ceux qui sont contre l'intercommunalité et les autres. J'y suis favorable ; en revanche, je crois que les communes doivent être écoutées. Il est dommage qu'elles ne l'aient pas été sur ce texte et que certaines spécificités, notamment celles des communes de montagne, n'aient pas été prises en compte.

M. Jean-Marc Gabouty .  - L'immense majorité du groupe RDSE votera ce projet de loi qui répond à l'attente des territoires. Cela étant, nous ne sommes plus dans l'intercommunalité que nous avons connue. La concomitance du transfert obligatoire des compétences et de la DGF bonifiée est une absurdité conceptuelle. La DGF bonifiée, qui était à l'origine conçue pour être incitative, est devenue une récompense financière ; on marche sur la tête.

J'ai parfois été sévère avec vous, Madame la Ministre, mais je tiens à vous remercier pour les assouplissements que vous avez acceptés.

La proposition de loi est adoptée.

Mme Jacqueline Gourault, ministre .  - Merci au rapporteur pour son travail et son soutien partiel. (Sourires) Je remercie M. Delcros pour les mots qu'il a eus à mon égard, nous lui devons un certain nombre des dispositions que j'ai soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat. Merci à M. de Belenet pour son soutien total et à M. Sueur pour son rappel historique.

Cette loi sera appréciée par les élus locaux. Encore faut-il qu'elle soit adoptée à l'Assemblée nationale - le 31 juillet au soir... La navette est parfois longue mais c'est le prix du bicamérisme. Aujourd'hui, nous avons montré l'efficacité d'un travail partagé entre le Gouvernement et le Parlement sur les rodéos motorisés, ce sera également le cas avec ce texte.

Prochaine séance, lundi 30 juillet 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 21 h 25.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du lundi 30 juillet 2018

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 692, 2017-2018)

Rapport de M. Michel Forissier, Mme Catherine Fournier, M. Philippe Mouiller et Mme Frédérique Puissat, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 693, 2017-2018)

Résultat des travaux de la commission (n° 694, 2017-2018).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°226 sur la motion n°2, présentée par M. Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :328

Pour :75

Contre :253

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (146)

Contre : 145

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (75)

Pour : 75

Groupe UC (51)

Contre : 50

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Vincent Delahaye, Président de séance

Groupe RDSE (23)

Contre : 23

Groupe LaREM (22)

Contre : 22

Groupe CRCE (15)

Abstentions : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Contre : 11

Sénateurs non inscrits (5)

Contre : 2

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°227 sur la motion n°1, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly au nom de la commission de la culture, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :319

Pour :288

Contre :31

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 145

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (75)

Pour : 75

Groupe UC (51)

Pour : 49

Abstentions : 2 - MM. Olivier Cadic, Bernard Delcros

Groupe RDSE (23)

Abstentions : 23

Groupe LaREM (22)

Contre : 22

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 2 - MM. Alain Marc, Dany Wattebled

Contre : 9

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 2

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°228 sur la motion n°1, présentée par M. Christophe-André Frassa au nom de la commission des lois, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :318

Pour :287

Contre :31

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 145

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (75)

Pour : 75

Groupe UC (51)

Pour : 48

Abstentions : 2 - MM. Olivier Cadic, Bernard Delcros

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Vincent Delahaye, Président de séance

Groupe RDSE (23)

Abstentions : 23

Groupe LaREM (22)

Contre : 22

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 2 - MM. Alain Marc, Dany Wattebled

Contre : 9

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 2

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier