Immigration, droit d'asile et intégration (Nouvelle lecture - Suite)

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par M. Buffet, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée en nouvelle lecture, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (n°697, 2017-2018).

M. François-Noël Buffet, rapporteur .  - La commission des lois a décidé d'opposer à ce texte la question préalable. Quatre constats motivent le dépôt de cette motion.

En premier lieu, le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne prend que très marginalement en compte les préoccupations majeures exprimées par le Sénat... Comme l'a d'ailleurs reconnu notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Hélas !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - À l'exception de l'accord trouvé sur le délai de recours devant la CNDA et l'adaptation du droit du sol à Mayotte, des propositions essentielles du Sénat ont été purement et simplement supprimées, comme l'organisation d'un débat annuel sur la politique migratoire, l'amélioration de la visite médicale des étudiants étrangers, l'inclusion des lieux d'hébergement des demandeurs d'asile dans le décompte des logements sociaux de la loi SRU ou encore la transformation de l'aide médicale d'État en aide médicale d'urgence.

En deuxième lieu, ce projet de loi constitue une véritable occasion manquée en matière de lutte contre l'immigration irrégulière : dénué de toute stratégie migratoire, il ne comprend aucune des mesures de rigueur proposées par le Sénat : meilleur encadrement de l'immigration familiale, réduction du nombre de visas délivrés aux pays les moins coopératifs en termes de laissez-passer consulaires - Monsieur Leconte, ce n'est qu'un élément des politiques migratoires, ne cristallisons pas le débat là-dessus. Les politiques d'intégration demeurent le parent pauvre de ce texte alors que l'Assemblée nationale aurait pu utilement s'inspirer des mesures de bon sens proposées par le Sénat : augmentation du nombre d'heures de français notamment, amélioration du contrat d'intégration, évaluation par des cabinets extérieurs.

En troisième lieu, l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture deux mesures qui constituent des entorses à la règle de l'entonnoir : la suppression du rôle de coordination des centres provisoires d'hébergement en matière d'intégration des réfugiés à l'article 9 bis du projet de loi et une habilitation à légiférer par ordonnances pour réformer le contentieux des étrangers devant les juridictions administratives et créer des procédures d'urgence devant la CNDA à l'article 27.

En dernier lieu, des désaccords profonds persistent sur les modalités d'organisation de la rétention administrative : le séquençage adopté par l'Assemblée nationale n'est satisfaisant ni pour les étrangers ni pour l'administration ; et la durée maximale de cinq jours de rétention des mineurs votée par le Sénat a été supprimée par l'Assemblée nationale. Voilà ce qui justifie la motion.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je veux vous dire, très calmement, que cette question préalable est de confort.

Monsieur le Rapporteur, vous avez défendu votre position avec clarté. Vous auriez pu conclure votre exposé par la phrase suivante : voilà ce qui justifie les amendements que je vais proposer.

Il n'échappe à personne que ceux qui voteront pour cette question préalable et permettront qu'elle soit adoptée en choisissant l'abstention ont des positions très différentes.

Certes, j'avais, en première lecture, défendu une motion tendant à opposer la question préalable car je considérais que le texte était inutile, ce qui n'était pas dénué de fondements puisque le Conseil d'État en a jugé de même, rappelant que les lois précédentes de 2015 et 2016 n'ont pas été évaluées. La situation est différente car si le Sénat n'examine pas ce texte, le texte de l'Assemblée nationale deviendra loi.

D'une loi, nous avons besoin et même d'une grande loi, M. Leconte l'a très bien dit, sur l'asile, les migrations économiques et les migrations climatiques. L'asile et l'immigration sont effectivement choses différentes : l'asile est un droit garanti par la convention de Genève, l'immigration est affaire de politique.

Rien ou si peu dans ce projet de loi sur l'Union européenne, or la réponse sera européenne. La Méditerranée est devenue un cimetière à ciel ouvert. L'Union européenne et la France doivent s'engager fermement contre les passeurs qui profitent de la misère humaine. Des villages entiers se cotisent pour permettre à certains de s'entasser dans des embarcations de fortune qui s'abîmeront en mer.

Pour finir, je veux dire mon profond désaccord avec l'usage que fait ce gouvernement de la procédure accélérée. Pas un seul texte qui n'y ait échappé, sinon la révision constitutionnelle - on sait pourquoi, son examen se serait soldé par un échec. (M. Roger Karoutchi approuve.)

Pourquoi cette volonté constante de précipitation ?

M. François Patriat.  - Il faut réformer !

M. Jean-Pierre Sueur.  - La précipitation n'est point la vitesse. Ce n'est pas en entassant les textes que l'on légifère bien.

Le groupe socialiste a déposé des amendements, il est prêt à la discussion. Ce serait inutile car l'Assemblée nationale reprendra son propre texte ? Ce raisonnement est dangereux : dans la révision constitutionnelle, n'est-il pas prévu de faire taire le Sénat après l'échec d'une CMP ? Nous sommes justement dans ce cas et nous abdiquons de notre droit à prendre la parole... C'est affaiblir notre position. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre cette question préalable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - J'ai entendu les positions et les avis des uns et des autres, y compris les qualificatifs dont certains ont usé à l'égard de cette question préalable. Pour sa part, le Gouvernement prendra acte du vote du Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela a le mérite d'être bref...

Mme la présidente.  - Le vote de cette motion entraînera le rejet du texte.

À la demande du groupe Les Républicains, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°231 :

Nombre de votants 306
Nombre de suffrages exprimés 265
Pour l'adoption 165
Contre 100

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.