Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)

Seconde partie (Suite)

DÉFENSE

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Ce budget est la première année de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2029. Le montant des crédits de paiement de 37,9 milliards est en hausse d'1,7 milliard, conformément à la trajectoire prévue. Dont acte, même si nous regrettons que celle-ci prévoit une marche très importante en 2023, ce qui repousse les efforts sur le prochain quinquennat. Je m'inquiète de la sous-dotation des crédits du titre 2, ce qui illustre la difficulté de fidéliser les personnels. Je salue pour cela les efforts de revalorisation salariale et la montée en puissance du plan Famille.

Les cessions du Val-de-Grâce, dernière emprise immobilière à Paris, sont une erreur : où logerons-nous les soldats de l'opération Sentinelle ?

L'entretien des équipements se voit doté de 4,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour accompagner la réforme du maintien en condition opérationnelle aéronautique. Mais les résultats attendus ne se verront pas l'an prochain, du fait de la sur-utilisation des matériels.

Au total, ce budget est conforme aux engagements pris. Jusqu'au 6 novembre au matin, je prescrivais son adoption. Mais depuis le 7 novembre et la présentation du collectif budgétaire pour 2018, nous avons compris qu'une chose était l'inscription des crédits et une autre la réalité de l'exécution, ce qui jette le trouble sur la bonne foi, non pas du ministre, mais du Gouvernement, puisque l'article 4 de la LPM relatif à la solidarité interministérielle pour les OPEX n'a pas été respecté. Ce renoncement augure mal de l'application de la future LPM.

Si la provision pour les OPEX s'élève à 850 millions d'euros en 2019, contre 650 millions en 2018, comment Bercy résisterait-il ? Il y a une raison constitutionnelle : le président de la République décide sans autorisation parlementaire de l'envoi de soldats en OPEX. Il est logique que sa décision trouve une traduction solennelle qui affecte l'ensemble de l'action gouvernementale.

Madame la ministre, vous nous disiez le 29 mai, en présentant la LPM à cette tribune, « les privations sont finies, le renouveau commence ».

Je pense, non seulement que vous étiez sincère, mais que vous aviez suffisamment d'assurances pour les prononcer au nom du Gouvernement. La solidarité gouvernementale vous empêche de dire le fond de votre pensée. Mais je n'en crois pas moins que vous avez été trahie. Nous délivrons donc un quadruple message.

D'abord aux militaires : on ne peut pas vous demander de faire toujours plus avec moins - nous regrettons les 404 millions d'euros annulés, dont 319 millions sur le programme 146.

Ensuite au Gouvernement, en refusant de cautionner un premier budget qui compromet d'emblée la bonne exécution de la loi de programmation militaire.

Également à vous, madame la ministre, l'encouragement à continuer votre combat pour obtenir les moyens indispensables aux missions de nos armées.

Enfin à l'opinion publique, à se désolidariser du président de la République qui se met en scène, remontant les Champs-Élysées en command-car, sur le Charles-de-Gaulle ou promouvant une défense européenne, mais « dans le même temps », toujours « dans le même temps », ne respecte pas la loi de programmation militaire dont il est constitutionnellement le garant. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants)

M. Olivier Cigolotti.  - Bravo !

Mme Hélène Conway-Mouret, en remplacement de M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - M. Perrin, rapporteur pour avis pour le programme 146, m'a demandé de le remplacer.

Avec 10,9 milliards d'euros, le budget Défense est le premier budget d'investissement de l'État. Il permettra la poursuite du redressement des capacités aériennes avec l'A380, trois drones MALE Reaper, dix hélicoptères NH90, 8 000 fusils d'assaut HK416 et 89 blindés multirôles lourds Griffon. Thales a rencontré des difficultés dans ce programme emblématique : il ne pouvait pas livrer à la fin du mois comme prévu. Quand les 89 Griffon seront-ils livrés ?

La décision du Gouvernement de faire peser les 404 millions d'euros des surcoûts OPEX sur le budget de votre ministère pèsera sur le programme 146, qui subit 319 millions d'euros d'annulation. Malheureusement, le redressement annoncé se heurte d'emblée à des logiques budgétaires qui posent, en fin de compte, la question des priorités politiques.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le dialogue que nous menons avec vous, madame la ministre, entre en contradiction avec la copie budgétaire du Gouvernement : le problème ne tient ni à votre budget ni à vos orientations, mais aux annulations auxquelles le programme 146, dont je suis co-rapporteure pour avis, paie un lourd tribut. La ponction opérée sur le budget 2018 pour financer les OPEX pose la question de l'an prochain.

Or, en 2019, la provision ne sera encore que de 850 millions d'euros, Bercy refusant d'appliquer la loi de programmation militaire signée par le président de la République le 14 juillet dernier.

Ce programme 146 a trop longtemps été la variable d'ajustement de toutes les contraintes budgétaires.

Nous pensions avoir dépassé cette logique court-termiste avec la LPM. Mais que penser ? Certains prétendent que ces annulations sont indolores car ils n'auraient pu être dépensés faute d'engagements. On peut le comprendre pour des effectifs par exemple - si les recrutements prévus n'ont pu être faits. Mais pour l'équipement ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur les collaborations franco-allemandes et européennes ? La LPM prévoit une augmentation des crédits d'équipement des forces. Cette augmentation leur profitera-t-elle bien ?

Mme Christine Prunaud, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le programme 178 voit ses crédits augmenter de 8,9 % jusqu'à 8,78 milliards d'euros.

Notre commission a soutenu la poursuite du « resoclage » budgétaire du surcoût des OPEX, mais c'était à condition que l'enveloppe globale soit augmentée à due proportion.

L'allocation de 375 millions d'euros supplémentaires pour l'entretien programmé du matériel est un effort nécessaire. L'externalisation des marchés d'entretien des équipements aéronautiques ne fonctionnera que si la performance est au rendez-vous.

Si 38 commissaires se sont abstenus d'adopter les crédits de la mission pour protester contre le non-respect de la loi de programmation militaire qui brisent son élan, c'est en espérant que Bercy entendra le sens de cette décision qui vise à soutenir la Défense.

Mme Christine Prunaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - La remontée des crédits tarde, la commission s'en inquiète ; les jeunes équipages aéronautiques ne peuvent s'entraîner suffisamment. L'entraînement est un enjeu majeur de la Marine. Sentinelle pèse aussi sur la capacité d'entraînement. N'est-il pas temps de passer à Sentinelle 3 ?

La commission se préoccupe également de l'état des services de soutien, éternels sacrifiés, qui subiront de plein fouet les réductions de personnel.

Certes, la remontée des effectifs du service de santé des armées, longtemps appelée de nos voeux, est enfin prévue, mais ce service reste quand même fragile.

Le commissariat aux armées connaîtra 150 suppressions de postes sur la durée de la loi de programmation militaire, alors que sa réforme n'est pas achevée. De grands défis l'attendent. Nous resterons vigilants.

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - En tant que rapporteur pour avis du programme 212, je prends acte de l'augmentation de 1,3 % au titre II, qui permet de respecter la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire. Cette hausse permet aussi de financer la deuxième annuité du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), gelé l'an dernier pour des raisons d'économies. C'est une bonne chose.

Le plan catégoriel comporte diverses revalorisations salariales et indemnitaires, en faveur des praticiens des armées, et des métiers sous tension, à travers la création d'une nouvelle prime de lien au service. La fidélisation du personnel est au centre de ce plan, les compétences critiques devant aussi être reconnues.

Les mesures budgétaires en faveur de l'attractivité n'anticipent-elles pas trop sur la réforme de la rémunération des militaires ? Il faudrait appréhender l'économie du projet dans son ensemble. Quelle est votre méthode et votre calendrier ?

Quid de la réforme des retraites, de la prise en compte des spécificités liées à l'activité opérationnelle, avec la bonification de ces périodes, mais aussi aux carrières courtes des militaires, avec l'âge de départ anticipé ? Le prélèvement à la source ne se télescopera-t-il pas avec le basculement de Louvois vers son successeur Source-Solde ? Quand devrait débuter la phase de « solde en double », ultime étape avant la bascule qui ne concernera, dans un premier temps, que la Marine, dossier à haut risque, s'il en est ?

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis.  - Nous avons gardé un très mauvais souvenir de Louvois...

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Après avoir été augmenté de 400 millions d'euros en 2018, les crédits sont stabilisés. La loi de programmation militaire ne permettra pas de mener à bien la stabilisation des emprises immobilières, 1,5 milliard d'euros d'investissements ayant été reportés après 2025. Les services de soutien sont, de plus, saturés.

La mutualisation des soutiens était souhaitable, mais n'aurait-on pas dû réemployer une partie des effectifs ?

Nous regrettons la cession d'une fraction de l'îlot Saint-Germain à la régie immobilière de la Ville de Paris avec plus de 66 % de décote, le ministère des armées ne récupérant que 50 petits logements sociaux...

M. Bruno Sido.  - C'est scandaleux !

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis.  - Où en est-on des discussions en cours sur la cession du Val-de-Grâce, que nous avions demandé de reconsidérer ?

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Très bien !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - Comme toujours !

M. Michel Boutant, en remplacement de M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le cadre budgétaire du programme 144 est positif. Son montant, de 758 millions d'euros, est certes légèrement en retrait par rapport aux 762 millions d'euros qui étaient prévus dans la loi de programmation militaire. La moitié est consacrée aux études amont, qui progressent de 35 millions d'euros.

Nous nous inquiétons de la fin de gestion 2018, avec l'annulation de plus de 20 millions d'euros de crédits. Où les prenez-vous ?

Il ne faut pas que l'innovation reste une mode, il faut redoubler d'effort, notamment en comptant l'innovation civile qui dépasse bien souvent l'innovation militaire.

Nous avons écouté M. Chiva, le directeur de la nouvelle agence de l'innovation de défense. Nous nous félicitons de la création de cette agence. Nous suivrons avec grand intérêt ses premiers pas. Le dispositif dit « Rapid » pour « Régime d'appui pour l'innovation duale » pourrait-il être amélioré en étant étendu à la phase de pré-production des projets ?

On ne peut qu'être frappé par le cadre très contraint imposé à l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera), avec une subvention stable de 125 millions d'euros, sachant que la subvention allemande, elle, est passée de 110 millions d'euros à 170 millions d'euros.

N'y a-t-il pas lieu de faire un petit effort supplémentaire pour l'Onera, madame la ministre, sans attendre la fin du contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2017-2021 ?

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Dans un monde plus incertain, la France doit poursuivre ses efforts dans le domaine du renseignement. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) bénéficieront respectivement de 89 et 41 créations d'emplois. Mais les armées n'ont plus les capacités à recruter et à fidéliser, compte tenu de la faiblesse des rémunérations, notamment dans le numérique. Il est regrettable que les universités et écoles d'ingénieurs ne soient pas capables de former les professionnels nécessaires, ce qui crée des tensions sur le marché du travail. C'est un véritable enjeu de sécurité nationale.

Les crédits d'investissement croissent de plus de 15 %. M. Allizard et moi-même avons constaté la vétusté de nombre de bâtiments, ce qui nuit à l'attractivité des services et à la fidélisation des agents.

L'effort d'investissement de la DGSE est considérable : ainsi, 910 millions d'euros seront engagés d'ici 2025 - restructuration de site principal pour 25 millions d'euros, rénovation des directions zonales et des postes pour 16,5 millions d'euros.

Nous serons particulièrement attentifs, pour le renseignement, au respect des engagements de la loi de programmation militaire.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - (Applaudissements) Au nom de la commission des affaires étrangères, je veux rendre hommage à nos soldats, exemplaires, surtout ceux en OPEX, qui exposent leur vie pour nos concitoyens, et les blessés en particulier. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Le Sénat s'interdit toute posture partisane quand il s'agit de la défense de la France, vous l'avez constaté lors du vote de la LPM, madame la ministre. Nous avons adhéré à votre démarche, « à hauteur d'hommes », selon vos propres termes, qui se préoccupe des militaires et de leurs familles, et non pas seulement des équipements. Nous avons soutenu les deux volets de cette LPM, la réparation et la préparation de l'avenir, tous les deux indispensables.

C'est pourquoi je reconnaîtrai du positif dans ce budget de 35,9 milliards, en hausse de 1,7 milliard, et qui respecte la trajectoire de la LPM. Les 700 millions d'euros supplémentaires pour les équipements notamment sont à saluer. Sur les retraites, les rémunérations, le prélèvement à la source, le basculement de Louvois à Source Solde, nous serons vigilants.

Reconnaissant le positif, nous ne tairons pas notre déception. Le ministre des Comptes publics minimise... Mais 319 millions sur le programme 146 en moins, ce n'est pas rien, n'en déplaise à M. Darmanin : c'est l'équivalent de deux ans de livraisons des nouveaux Griffon ou de 10 hélicoptères Tigre, c'est deux fois et demie l'équipement de nos soldats en fusils HK416, qui arrivent au compte-gouttes. Pire, cela instille le doute d'emblée sur l'application de la LPM, qui n'a pas débuté...

Tout cela laisse une impression de gâchis, quelques mois seulement après le vote de la LPM. Nous ne mettons pas en doute votre sincérité, madame la ministre, mais le Sénat est déterminé à faire respecter son vote et ne votera pas ces crédits que nous aurions adopté sans réserve s'il n'y avait pas eu cette initiative désastreuse du collectif.

Mais regardons l'avenir. L'an prochain, que se passera-t-il ? Dans la lettre que le Premier ministre m'a adressée, après la publication de notre communiqué de presse, j'ai cru déceler l'amorce d'un raisonnement très préoccupant, fondé sur l'idée que la ponction était faible en proportion du budget total des armées, et que somme toute votre ministère avait été bien traité. C'est inquiétant, car si le Gouvernement raisonne de la sorte en 2018, qu'en sera-t-il au fur et à mesure de la LPM ? C'est ignorer que les défis sont colossaux. Moderniser les équipements, renforcer l'attractivité du métier, former, redonner de l'air au service de santé des armées... Si Bercy persiste à venir chercher un demi-milliard, voire un milliard ou plus chaque année, cela ne va pas fonctionner...

Ces annulations de crédits n'auraient pas d'impact ? S'il s'agit de reporter les versements à l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR), dans le privé, on appelle cela de la cavalerie budgétaire. Si nous avions pu économiser 300 millions d'euros, nous le ferions. Et si les annulations sont vraiment indolores, le ministère est-il capable d'absorber des hausses de crédits ? L'organisation de soutien en silos devrait-elle alors être revue ?

Chacun connaît la difficulté de maintenir l'attractivité des armées relativement au privé. La centralisation de la politique des ressources humaines au niveau du Secrétariat général des armées a-t-elle vraiment amélioré le pilotage de la masse salariale ? Le métier des armes lui-même perd-il en attractivité, à cause du sur-engagement et de la faiblesse des rémunérations ?

Ce que nous souhaitons, ce n'est pas l'échec du Gouvernement, mais la réussite de notre modèle d'armée, parce qu'elle est la condition de la défense de la France et des Français. En espérant obtenir des réponses de votre part dans les mois qui viennent, notre commission restera vigilante et mobilisée pour le succès de nos armées, et disponible pour y travailler avec vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; MM. Rachid Temal et Jean-Marc Todeschini applaudissent également.)

M. Alain Richard .  - Cette loi de finances initiale est la première application de la LPM 2019-2025. Les crédits sont en hausse de 1,7 milliard d'euros, ce qui est inédit depuis la fin de la guerre froide. C'est remarquable aussi dans un pays qui lutte pour son désendettement, conformément à la programmation pluriannuelle des finances publiques.

Cet apport est alimenté par de vraies ressources budgétaires dépourvues d'aléas, ainsi la base est solide pour financer un développement cohérent de nos forces armées, avec une perspective stratégique claire qui a été définie.

Nous avons entendu des critiques légitimes sur le financement des OPEX. Avec 850 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale, nous atteignons cependant un montant qui n'a même jamais été approché - nous étions à 400-500 millions d'euros sur les deux quinquennats précédents, après avoir longtemps stagné à quelques dizaines de millions d'euros.

Le budget est aussi centré sur le soutien aux militaires et à leurs familles - auxquelles je tiens à rendre hommage à mon tour, en m'associant pleinement, à celui du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le plan Famille est poursuivi. C'est un facteur majeur de disponibilité et de dévouement du personnel - petite enfance, logement, accès facilité à la carte famille, wifi gratuit en zone de projection, c'est important.

Le budget améliore encore les conditions de travail et de vie, avec notamment l'actualisation des systèmes indemnitaires. Je salue d'ailleurs le travail du Haut Conseil à l'évaluation de la condition militaire, crédible et utile dans l'étalonnage qu'il réalise de la rémunération des militaires par rapport à celle des autres métiers.

Je veux dire un mot aussi du personnel du service de santé des armées, maillon essentiel de solidité et de confiance, et pôle d'excellence dans la recherche. Or si l'attractivité des postes est forte, le maintien dans la carrière est fragile. C'est un point important pour la crédibilité de nos engagements, où il y a beaucoup de petites unités très dispersées. Il faudra le regarder de près

Le maintien en condition opérationnelle aéronautique reste un point de fragilité, dans toutes les armées toutefois. L'accélération des études amont, avec un nouveau partenariat très positif avec Bpifrance, est un motif de satisfaction.

Au total, c'est un bon budget, qui ouvre une perspective dynamique. Il faut le voter. Bravo au Gouvernement. (M. Jacques Mézard applaudit.)

M. Joël Guerriau .  - Les crédits de la mission Défense sont essentiels pour la sécurité de notre pays, et la préservation de nos valeurs, du fait de notre présence sur tous les hémisphères. Ils sont essentiels pour nos forces en Opex et pour préparer l'avenir, en innovant et en dissuadant les ennemis potentiels.

D'où mes deux préoccupations : la sincérisation du budget des armées d'abord. J'entends l'argument de la hausse sans précédent depuis de nombreuses années. Convenez toutefois, madame la ministre, que le respect de la loi de programmation militaire est un problème. Nous appelons à ce que le résidu de coût des OPEX soit effectivement et concrètement pris en charge par la solidarité interministérielle et non par le budget des seules armées.

Deuxième préoccupation : les priorités capacitaires conventionnelles. Nos armées sous-consomment leurs crédits de personnel. Est-ce un déficit d'attractivité ou un creux conjoncturel ?

Prime de lien, protocole « parcours professionnel carrières rémunérations » relancé, plan Familles, tout cela va pourtant dans le bon sens.

Le projet de service national universel nous interpelle. Où prélever les ressources, s'il est de nature au moins partiellement militaire ? Rien n'a été prélevé pour l'alimenter à ce stade sur le budget 2019, ni à l'Éducation nationale, ni sur le budget des armées.

En 2019, les crédits d'entretien doubleront. Cela concerne notamment la MCO aéronautique. La capacité d'investissement dans les technologies de demain est un autre impératif. L'exemple du récent projet loi de finances rectificative nous montre toutefois à quel point les budgets sont fragiles : nous resterons vigilants.

Ce budget est essentiel pour notre sécurité, notre crédibilité et notre souveraineté. Nous reconnaissons l'effort accompli mais tenons au strict respect de la loi de programmation militaire, d'autant que le plus dur est à venir dans son application.

« Quand tu es arrivé au sommet de la montagne, continue de grimper », dit un proverbe tibétain. (Sourires) Nous ne sommes qu'au début de la mise en oeuvre de la LPM que nous avons soutenue. L'ascension sera longue avant d'atteindre le sommet. II ne faudrait pas que de petits cailloux au début du chemin vous fassent trébucher prématurément. (Applaudissement sur divers bancs)

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Très bien !

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Le budget des armées pour 2019 est-il en adéquation avec la loi de programmation militaire votée il y a quatre mois ?

Nous saluons votre engagement, madame la ministre, pour maintenir notre effort de défense à la hauteur des enjeux, mais votre détermination n'a pas suffi. Une fois de plus, nous avons assisté au scenario gel de crédits, dégel et crispation sur tous les bancs...

C'est un budget de renoncement, qui impactera surtout le programme 146 relatif aux équipements. Ces annulations augurent mal de l'entrée dans la nouvelle LPM, alors que nous sommes toujours déployés en OPEX.

Elles auront des répercussions sur notre industrie de défense et notre balance commerciale. Songeons à mieux protéger nos entreprises !

La fin de l'interministériel, c'est la négation de la LPM. Est-ce là la considération que vous témoignez au Parlement ? C'est aussi la fin de la solidarité de la Nation : symboliquement, ce n'est pas un détail.

Recruter, rémunérer, fidéliser : tels sont les défis de la politique des ressources humaines du ministère, surtout dans le renseignement et le cyber. Comment être attractif dans un secteur où les salaires dépassent ceux des généraux ? Éclairez-nous, madame la ministre, sur l'état de la réserve citoyenne, qui peut être une solution.

On peut se féliciter de l'effort consacré à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). À l'heure des rançongiciels, construisons notre souveraineté numérique !

Merci, enfin, madame la ministre, pour votre action en faveur des soldats et de leurs familles. Il n'est point de défense sans ressources humaines. Notre reconnaissance doit se traduire par des actes. Derrière chaque soldat, il y a aussi des familles. Le plan Famille les concerne.

Le groupe Les Républicains suivra l'avis de la commission des finances, un avis de sagesse, certes, mais empreint de lassitude. Rendez-vous l'année prochaine, madame la ministre ; cela vous laisse une année pour réussir la première marche de la LPM. Nous serons plus que vigilants.

Mme Christine Prunaud .  - Il y a six mois, lors du débat sur la LPM, le groupe CRCE avait marqué son inquiétude sur le report de l'effort de Défense à la fin du quinquennat et même sur le prochain. C'est dire l'attention que nous avons portée à ce premier budget qui porte la LPM.

Nous avons un doute profond sur le fameux objectif des 2 % du PIB. Le débat démocratique n'a pas eu lieu. Est-ce par une course généralisée aux armements et la hausse des budgets militaires dans le monde que nous préparons la paix ?

Même si la défense nationale regarde tout le monde, un financement interministériel du surcoût des OPEX n'est pas le plus adapté. Je vous renvoie aux remarques de la Cour des comptes. Pourquoi ne pas prévoir une ligne budgétaire au sein du programme 178 ? Toutefois, le provisionnement de 850 millions pour cette année apporte de la transparence, même si le risque de sous-estimation n'est pas écarté.

Sur la question immobilière, je regrette le choix qu'ont fait les gouvernements successifs de vendre le patrimoine de la Défense alors que les besoins étaient criants, du fait de la mobilisation toujours plus importante des effectifs et de la vétusté des locaux existants. Le plan Famille répond en partie à cette problématique. Nous saluons les 2 milliards d'euros pour la rénovation des bâtiments.

Nous sommes en désaccord sur les concours alloués à l'OTAN, en hausse de 7 %, à hauteur de 84 millions d'euros dans le budget de la Défense et de 28 millions d'euros dans le budget de l'Action extérieure de la France. Notre opposition n'est pas purement de principe. Comment construire une Europe de la défense, et non une défense européenne arrimée à l'OTAN dans ces conditions ?

En consacrant toujours plus à la modernisation nucléaire, 4,5 milliards d'euros cette année, la France s'interdit d'être la figure de proue d'un retrait progressif du nucléaire militaire, conformément au traité de non-prolifération.

L'éthique indiquait aussi de mettre un terme, comme nos voisins allemands l'ont fait, aux ventes d'armes à des pays qui les utilisent dans des conflits contre les populations civiles, comme l'Arabie saoudite. La situation au Yémen est catastrophique. Malheureusement, le Gouvernement reste fidèle à son principe selon lequel l'utilisation des armes qu'il vend à des armées étatiques ne le concerne pas. Un moratoire se justifie au nom du respect du droit international que nous défendons tous ici.

Comme rapporteure, j'ai souligné la remontée du maintien en conditions opérationnelles mais celle-ci reste lente.

L'action sociale en faveur des militaires voit son budget baisser. C'est dommage, les séquelles de Louvois sont encore présentes ; et la future réforme des retraites inquiète les militaires.

Après de longues discussions, le CRCE a décidé de s'abstenir sur ce texte.

M. Jean-Marc Todeschini .  - La situation du monde depuis le vote de la LPM ne s'est pas apaisée. La dernière revue stratégique décrit la montée des menaces et la menace terroriste, toujours présente, même si elle a été circonscrite par les opérations Barkhane et Chammal.

Je tiens d'ailleurs à saluer la détermination et le courage de nos forces et de leurs chefs. Au-delà des OPEX, ils patrouillent chaque jour dans nos rues et il n'est pas rare qu'ils soient salués avec admiration et bienveillance. Certains d'entre eux seront sur tous les théâtres d'opérations lors des prochaines fêtes de fin d'année ; pour avoir partagé quelques réveillons à leurs côtés, je sais ce que cela représente pour leurs familles. Car derrière chaque soldat, il y a des parents, un conjoint, des enfants. Il y a aussi notre pays et ses valeurs que nos forces armées servent sans hésitation, fût-ce au prix du sacrifice suprême.

Tout cela doit être pris en considération au moment où nous nous penchons sur ce budget. Le Sénat n'a pas attendu les artifices de communication d'un prétendu « nouveau monde » pour le faire, pour considérer que certains sujets réclamaient de dépasser les clivages partisans. Madame la ministre, vous avez pu le constater : le Sénat est un lieu de débat serein et constructif. Le président Cambon a repris le flambeau et je le remercie pour la qualité de nos échanges en commission.

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Merci.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Madame la ministre, le groupe socialiste a soutenu votre démarche qui s'inscrit dans le prolongement de celle engagée sous François Hollande. Hélas, le principe de solidarité interministérielle pour financer le surcoût des OPEX est battu en brèche par la loi de finances rectificative alors que la loi de programmation militaire n'est pas encore entrée en vigueur. Il est à craindre que la dernière grande marche, la hausse de 3 milliards annuels dans la seconde partie de la LPM, la plus dure à passer, ne soit pas gravie.

Toutefois, je tiens à saluer quelques mesures positives comme le plan Famille porté à 57 millions d'euros. Les tracas pour trouver une place en crèche, un appartement, s'ajoutent en effet aux difficultés spécifiques du métier des armes. La première raison de départ de l'armée est la difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée pour plus de 55 % des militaires interrogés. Quelles sont les prochaines étapes du prochain plan Famille ? Quelles autres mesures prévoyez-vous pour améliorer la condition militaire ?

La loi de programmation militaire prévoit le recrutement de 6 000 personnels entre 2019 et 2025. Je m'interroge sur la capacité à tenir cette trajectoire d'autant que 75 % de l'effort est reporté à 2023-2025. Quels moyens pour le recrutement et l'intégration alors que 62 % des militaires envisagent de quitter l'armée ? Ce budget crée 450 postes, dont 68 % dans le renseignement, la cyberdéfense. Comment le Gouvernement entend-il recruter ces hauts potentiels très recherchés par le privé ?

L'an passé, le Gouvernement promettait un budget sincère, en rupture avec les budgets précédents. L'annulation de 319 millions d'euros de crédits n'est pas un bon signal. Je sais que nous n'avons pas besoin de vous convaincre, madame la ministre, mais pour adresser un message au Gouvernement, le groupe socialiste s'abstiendra.

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce budget valide les engagements de la loi de programmation militaire dont le groupe UC partage les ambitions. Ses crédits augmentent de 1,7 milliard, pour atteindre 35,9 milliards, hors pensions. Nous sommes sur la bonne voie pour atteindre les 2 % du PIB.

Pour la première fois depuis longtemps, ce budget porte la création de 450 postes dans le numérique, le renseignement et la cyber-défense ; il prépare les conflits du futur avec une hausse de 5 % des crédits dédiés aux études amont. Il le faut car les nouvelles technologies sont à la fois de nouveaux moyens de protection aussi bien que de nouvelles armes. Je salue la création de l'Agence de l'innovation de défense, sur laquelle nous attendons de plus amples informations.

La progression des crédits permet de répondre à d'autres défis sociétaux et sociaux avec 57 millions d'euros pour le plan Famille, incontournable pour la fidélisation des personnels.

Les crédits en faveur du maintien en condition opérationnelle augmentent de 7 %. C'est essentiel, vu la multiplication des théâtres d'opérations où la France est présente et la mise en service de nouveaux équipements.

Toutefois, la hausse de 6 % pour la marine sera-t-elle suffisante alors que la Chine met à l'eau l'équivalent de la flotte française tous les quatre ans et que la Russie renforce ses capacités en missiles sur ses navires ? La conflictualité maritime ne peut aller que s'aggravant.

La prévision pour les OPEX est de 650 millions d'euros en 2018, et de 850 millions d'euros en 2019 ; le reste devrait être assuré par l'interministériel. Le général Lecointre nous rappelait encore, il y a peu, combien cette disposition était importante pour rappeler que ce ne sont pas les armées qui sont responsables de leurs engagements.

Près de 400 millions d'euros ont été ponctionnés par un tour de passe-passe budgétaire dans la réserve de précaution, sur les programmes 146, 212 et 144. Cette coupe claire est incompréhensible et inacceptable. Nos forces ont besoin de cet argent. Pour cette raison, le groupe UC s'abstiendra.

M. Stéphane Artano .  - Le 11 novembre dernier au Forum de la paix, le président de la République rappelait que notre monde était fragilisé par de nombreuses crises qui déstabilisent nos sociétés. Nous ne sommes pas à l'abri des menaces, à rebours des espoirs de Charles Péguy, qui déclarait, à la veille de sa mort, le 5 septembre 1914 : « Je pars, soldat de la République, pour le désarmement général, pour la dernière des guerres. »

Plus de cent ans après, les défis ont changé de nature mais, comme hier, ils nous obligent à maintenir et même accentuer l'effort de Défense. Ces défis, c'est la faiblesse des États faillis qui mobilise nos forces armées dans la bande sahélienne avec l'opération Barkhane ; ce sont les postures de puissances de plus en plus affirmées comme en témoigne la hausse continue des dépenses militaires dans le monde depuis 1999 ; et ce sont les menaces de nature contemporaine, en particulier dans les domaines cyber et spatial. À cet égard, je salue l'initiative présidentielle lancée au début du mois à l'Unesco, « l'appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace ». II y a urgence car si de nombreux pays, dont la France, ont intégré le cyberespace dans leur doctrine militaire, se pose avec de plus en plus d'acuité la question de la définition d'un cadre commun mais les débats à l'ONU sont crispés.

Dans ce contexte de menaces protéiformes, les moyens de nos armées doivent être à la hauteur. C'est tout l'enjeu de la nouvelle loi de programmation militaire que le Parlement a adoptée l'été dernier : porter l'effort de Défense à 2 % de la richesse nationale. Ce budget s'inscrit dans cette trajectoire mais la compensation du surcoût des OPEX par des annulations des crédits du ministère nous inquiète. Il n'est pas acceptable que les surcoûts des OPEX, qui sont devenus habituels, soient compensés par des annulations de crédits, devenues tout aussi habituelles. Certes, pour 2019, le Gouvernement a tenu ses engagements pour le renouvellement des équipements. Je tiens à saluer aussi l'effort en faveur de la marine, délaissée par les dernières lois de programmation militaire. C'est indispensable : le défi stratégique en mer s'amplifie et la France dispose de la deuxième zone économique exclusive au monde avec 11 millions de km2.

La sincérité du budget de la Défense, nous la devons aussi et avant tout aux militaires, à ces femmes et à ces hommes qui risquent leur vie pour protéger la nôtre. Nous nous réjouissons des 57 millions d'euros du plan Famille.

Enfin, je veux souligner l'importance de pousser les dossiers de la défense commune pour mieux partager les responsabilités. Je sais, madame la ministre, que vous vous y employez comme en témoignent vos récentes annonces sur le Système de combat aérien futur avec l'Allemagne.

Le groupe RDSE portera un regard bienveillant sur ce budget mais sera vigilant. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - Merci pour vos nombreuses remarques. J'ai bien noté certaines inquiétudes auxquelles je répondrai.

Ce budget est d'abord une réponse à des années de retard, de livraisons annulées, de fossés entre engagements et crédits mais aussi une réponse à l'ambition pour nos armées. Avec 1,7 milliard d'euros de plus, et c'était 1,8 milliard d'euros de plus déjà l'an dernier, le budget atteint 35,9 milliards d'euros, soit 1,82 % de notre PIB. En 2016, l'année suivant les attentats, les armées disposaient en tout et pour tout d'un budget de 32 milliards d'euros. Aujourd'hui, les 4 milliards d'euros de plus qui figurent dans ce budget constituent une étape majeure pour réussir la LPM. Ce sont des actes pour une ambition à hauteur d'hommes, le renouvellement des équipements, l'innovation et la préparation des conflits du futur. C'est enfin, une responsabilité, une exigence de financements tenus, celle que chaque euro dépensé soit utile et que les forces le constatent immédiatement. C'est donc un budget de reconquête, nécessaire pour notre Défense, nos forces et les familles.

Le contexte international ne s'est pas apaisé : les menaces restent fortes, violentes et imprévisibles ; nous avons besoin d'entretenir nos alliances et de nous tourner vers l'Europe. Nous devons faire face aux menaces, y compris dans l'espace exo-atmosphérique ou le cyberespace ; à la menace terroriste, que nous combattons à la source.

Le budget offre des solutions. Pour nos forces, leurs familles, les sacrifices budgétaires ne pouvaient plus durer. J'ai souhaité que l'humain soit au centre de ce budget. Je suis très satisfaite de l'entrée en vigueur du plan Famille, dont 70 % des mesures ont été menées. Le Wi-Fi pour pouvoir parler à ses enfants, cela change complètement la vie. Nous allons continuer, avec l'augmentation de l'offre de garde d'enfants, l'amélioration de l'accueil des familles, les actions de cohésion en garnison et la pérennisation du soutien téléphonique « Écoute Défense » ; 57 millions d'euros sont consacrés, au total, à ce plan contre 23 millions en 2018.

Des mesures à hauteur d'hommes, c'est aussi 25 000 gilets pare-balles, de nouveaux treillis, des blindages d'hélicoptères et des moyens de lutte contre les engins explosifs improvisés pour protéger les combattants.

Pour la préparation opérationnelle et l'amélioration de la disponibilité du matériel, c'est une augmentation de près de 8 % du budget d'entretien des matériels. C'est un effort, aussi, pour l'amélioration des infrastructures et en particulier de leur entretien. Parler de ministère à hauteur d'hommes, ce n'est pas un slogan, c'est une réalité.

Le deuxième axe de la LPM est le renouvellement de nos équipements, qui sont vieillissants et dégradés. Le budget prévoit pour cela 19,5 milliards d'euros. Parmi de nombreuses livraisons en 2019, je cite, pour l'armée de terre, le lancement du programme Scorpion, avec 89 premiers blindés Griffon, la livraison de 8 000 fusils d'assaut HK416, de 50 postes de tir MMP répartis dans 14 régiments, des hélicoptères NH90, des parachutes, des véhicules tactiques VT4. Pour l'armée de l'air, c'est le deuxième MRTT s'ajoutant à celui livré en octobre dernier, un A400M, deux C130J, six drones MALE Reaper supplémentaires, un avion léger de reconnaissance et de surveillance. Pour la marine, deux bâtiments de soutien et d'assistance, une FREMM de plus pour Brest, un patrouilleur léger et un avion de patrouille maritime rénové Atlantique 2. Les commandes sont nombreuses et je compte bien que toutes arrivent dans les temps.

Pour la préparation des conflits du futur, nous prévoyons une hausse de 5 % des études amont avant le milliard qui y sera consacré en 2022 et des emplois dont les deux tiers seront consacrés au renseignement, au cyber et au numérique. Vous le voyez, la force de ce budget est de n'oublier personne.

Venons-en à vos remarques. La première porte sur le projet de loi de finances rectificative pour 2018. Tirons définitivement les choses au clair. Non, la Défense n'a pas perdu de crédits et ses programmes n'ont pas été retardés et ne le seront pas. Les chiffres donnés par voie de presse n'ont pas de rapport avec la réalité. Nous avons eu un financement responsable de nos OPEX, dont le coût a diminué : 1,370 milliard contre 1,540 milliard l'année dernière. Cela s'est combiné avec une hausse de la provision pour les OPEX et les missions intérieures de 200 millions d'euros en 2018. Vous avez constaté une annulation de 404 millions d'euros. Commençons par la ramener à sa juste proportion : c'est 1 % du budget du ministère. Elle s'est, de plus, imputée sur une réserve de précaution. Dans ces conditions, elle est sans incidence sur nos programmes. Aucun gel, aucun report n'interviendra en 2019 ; car nous avons obtenu des garanties avec le dégel de 272 millions d'euros, qui ont été effectivement libérés. Nous respecterons donc à l'euro près la loi de finances pour 2018, avec une hausse de 1,8 milliard d'euros. Nous assurons la transition vers la nouvelle loi de programmation militaire. Dans ce débat, j'en appelle chacun au calme et à la responsabilité. Les décisions de cette année ne font pas les pratiques de demain.

M. Christian Cambon, président de la commission. .  - Très bien !

Mme Florence Parly, ministre - Demain, nous entrons dans une nouvelle loi de programmation militaire. N'entravons pas cette augmentation de 1,7 milliard d'euros du budget de la Défense. N'entravons pas la remontée en puissance de nos armées. Nos armées méritent que vous votiez leur budget.

Je l'ai dit : je me battrai pour chaque centime de ce budget et je ne m'arrêterai pas de me battre.

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Bien !

Mme Florence Parly, ministre.  - Je ne pourrais malheureusement répondre à toutes vos questions, que j'ai bien notées. Je suis à l'entière disposition de votre commission pour y répondre lors d'une audition à la date que vous me fixerez.

Pour finir, rendons hommage à nos soldats, qui se battent pour préserver notre souveraineté et notre liberté. Ils attendent beaucoup de nous. Soyons donc bien conscients que nous sommes tous observés. Ils ont besoin de notre soutien. (Applaudissements)

Examen des crédits de la mission

Article 39

M. le président.  - Amendement n°II-393, présenté par MM. Guerriau, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

6 000 000

 

6 000 000

Préparation et emploi des forces

6 000 000

 

6 000 000

 

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

 

 

 

Équipement des forces

 

 

 

 

TOTAL

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

SOLDE

0

0

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis.  - Compte tenu de la hausse de la taxation du carburant et de la grande volatilité des cours du baril, nous proposons 6 millions d'euros de crédits supplémentaires pour couvrir les dépenses de carburant de nos armées.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - Cet amendement pose une très bonne question. L'article 5 de la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit qu'en cas de hausse de prix des carburants, la mission « Défense » bénéficiera de crédits supplémentaires débloqués en gestion. Dans un autre contexte, je vous aurais dit que cet amendement était inutile. Mais peut-être n'est-il pas inutile de demander au Gouvernement de nous dire s'il entend respecter à la lettre et dans les chiffres la loi de programmation militaire.

Mme Florence Parly, ministre.  - Pour dimensionner la ligne des carburants de 458 millions d'euros, nous nous sommes fondés sur une évolution du baril à 60 dollars, soit 5 euros de plus qu'en 2018, et une parité de 1,1 euro pour 1 dollar.

Le prix du carburant facturé aux armées correspond à un coût moyen unitaire, ce qui permet de lisser le prix d'acquisition sur une longue période. De plus, le tarif de cession du carburant qui est pratiqué par le service d'essence des armées prend en compte, outre le cours du pétrole, les coûts d'achat, les coûts de fonctionnement du SEA et l'éventuel recours à un mécanisme de couverture sur les marchés financiers qui fonctionne comme un stabilisateur de prix. L'augmentation du baril n'a donc pas d'effet immédiat.

De plus, M. le rapporteur l'a dit, la loi de programmation militaire permet en cas d'imprévu d'abonder cette ligne. Retrait ?

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis.  - Compte tenu de ces garanties, je le retire.

L'amendement n°II-393 est retiré.

L'amendement n°II-140 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-409, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

I.  -  Créer le programme :

Journée défense et citoyenneté à l'étranger - Personnel travaillant pour le programme "Liens entre la Nation et son armée"

II.  - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

 (en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

500 000

500 000

Journée défense et citoyenneté à l'étranger - Personnel travaillant pour le programme "Liens entre la Nation et son armée"

500 000

500 000

Équipement des forces

TOTAL

500 000

500 000

500 000

500 000

SOLDE

0

0

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Ceci est un amendement d'alerte et d'appel. Par une décision unilatérale du ministère des affaires étrangères, les jeunes Français résident à l'étranger se verront privés, pour des raisons budgétaires, de la JDC qui doit pourtant être « organisée pour tous les Français ». Binationaux à 50 %, souvent éloignés des postes diplomatiques et consulaires, la JDC est souvent leur seul contact avec les autorités françaises. Les exclure alors qu'on s'apprête à créer un service national universel est une faute morale et stratégique.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - Merci, madame Garriaud-Maylam, de poser par cet amendement la question de l'universalité de la JDC. Vous avez accepté ce matin, chère collègue, de retirer cet amendement pour le redéposer plus tard, puisque l'affaire concerne le ministère des affaires étrangères. Je vous invite à le faire à nouveau...

Mme Florence Parly, ministre.  - Merci de votre attachement à la JDC. Je vous ferai la même réponse que Geneviève Darrieusecq.

Le code du service national prévoit effectivement que cette JDC soit proposée aux jeunes Français, y compris de l'étranger. Il faudrait donc, pour cesser de le faire, une disposition législative. Comme l'a dit le rapporteur spécial, la responsabilité de la JDC relève du ministère des affaires étrangères. Je vous serais donc très reconnaissante de retirer pour l'heure votre amendement.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - C'était un amendement d'appel, je l'ai dit, et il m'importait d'avoir votre avis et votre appui. Beaucoup d'attachés de défense s'impliquent dans cette journée : ils pourraient suppléer le ministère des affaires étrangères si celui-ci, hélas, ne revenait pas sur sa décision.

L'amendement n°II-409 rectifié est retiré.

Les crédits de la mission « Défense » sont adoptés.

Prochaine séance demain, dimanche 2 décembre 2018, à 10 heures.

La séance est levée à 20 h 5.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus