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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Harcèlement scolaire

Mme Annick Billon

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Intervention du centre psychothérapique de l'Orne dans une unité de déradicalisation

M. Vincent Segouin

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Fin des contrats aidés au sein des centres sociaux

Mme Corinne Imbert

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Plaques personnalisées payantes

M. Olivier Cigolotti

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Frontière franco-espagnole

Mme Frédérique Espagnac

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Statut des sapeurs-pompiers volontaires

M. Roland Courteau

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Avenir des missions locales

M. Didier Marie

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Produit des amendes routières et intercommunalités rurales

M. Philippe Bonnecarrère

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Carte hospitalière et médico-sociale dans l'Oise

M. Jérôme Bascher

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Prédation et pastoralisme

Mme Patricia Morhet-Richaud

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Difficultés rencontrées par les professionnels équins

M. Philippe Bas

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Conséquences de la sécheresse sur l'agriculture

M. Antoine Lefèvre

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Habitat en péril

Mme Sylvie Vermeillet

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Nécessaire réévaluation de la participation de l'État aux aides individuelles sociales

M. Olivier Henno

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Mise en place des dispositifs d'hébergement d'urgence dans les petites et moyennes villes

Mme Agnès Canayer

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Avenir de Business France

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Zone touristique internationale à Paris

Mme Catherine Dumas

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Privatisation du groupe ADP

Mme Laurence Cohen

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Respect de la législation en vigueur sur les contrats obsèques

M. Jean-Pierre Sueur

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Taxe sur les carburants

M. Daniel Chasseing

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Situation de l'entreprise Sandvik à Fondettes

M. Serge Babary

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Soutien à l'approvisionnement local en restauration collective

Mme Nathalie Delattre

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Situation à Gaza

M. Gilbert Roger

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Rôle de la France dans la lutte contre le braconnage des éléphants d'Afrique

M. Arnaud Bazin

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Continuité écologique

Mme Élisabeth Doineau

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Répercussions des lâchers de ballons sur l'environnement

Mme Catherine Deroche

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Liberté de circulation des Lorrains

M. Jean-Marc Todeschini

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Qualité du système électrique français et mobilisation de l'effacement

M. Jean-Pierre Vial

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Réutilisation des eaux usées pour l'irrigation des cultures

Mme Françoise Laborde

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Lutte contre les décharges sauvages

Mme Viviane Malet

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Ligne Caen-Alençon-Le Mans

M. Louis-Jean de Nicolaÿ

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Réfection de l'A36 à hauteur de Burnhaupt-le-Bas

Mme Patricia Schillinger

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Évolution des ports français et notamment bretons après la mise en oeuvre du Brexit

M. Michel Canevet

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Mobilités dans le Béarn et le Pays basque

M. Max Brisson

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Prolongement de la ligne 12 à Aubervilliers

M. Fabien Gay

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Hausse de la fiscalité sur les carburants et BTP

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Modification de l'ordre du jour

Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)

Seconde partie (Suite)

CULTURE

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Julien Bargeton, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis de la commission de la culture

M. Pierre Ouzoulias

Mme Françoise Laborde

Mme Sonia de la Provôté

Mme Colette Mélot

Mme Marie-Pierre Monier

M. Jean-Raymond Hugonet

M. André Gattolin

Mme Maryvonne Blondin

Mme Catherine Dumas

Mme Nicole Duranton

M. Franck Riester, ministre de la culture

Examen des crédits de la mission et de l'article rattaché

Article 39

Article 74 septies

M. Jean-Claude Requier

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis de la commission de la culture

M. David Assouline

M. Claude Malhuret

M. André Gattolin

Mme Céline Brulin

Mme Mireille Jouve

M. Laurent Lafon

Mme Nicole Duranton

Mme Claudine Lepage

Mme Dominique Vérien

M. Franck Riester, ministre de la culture

Examen des crédits de la mission et du compte spécial

Article 41 (Compte spécial « Avance à l'audiovisuel public »)

Article 84 quinquies

POUVOIRS PUBLICS,CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT, DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT, PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATION ADMINISTRATIVE

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Rachel Mazuir, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Patrick Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Jean-Claude Requier

M. Emmanuel Capus

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Sylvie Vermeillet

Mme Christine Lavarde

M. Alain Richard

Mme Laurence Harribey

M. Marc Laménie

M. Jérôme Durain

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Article 39 (Direction de l'action du Gouvernement)

Article additionnel après l'article 74 septies

Mise au point au sujet d'un vote

M. Michel Canevet

Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)

Seconde partie (Suite)

TRAVAIL ET EMPLOI

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale de la commission des finances

M. Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Olivier Henno

M. Martin Lévrier

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Nathalie Delattre

M. Alain Fouché

Mme Pascale Gruny

Mme Corinne Féret

M. Philippe Mouiller

Mme Sabine Van Heghe

M. Vincent Segouin

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Examen des crédits de la mission et des articles rattachés

Article 39

Annexes

Ordre du jour du mercredi 5 décembre 2018




SÉANCE

du mardi 4 décembre 2018

35e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 36 questions orales.

Harcèlement scolaire

Mme Annick Billon .  - Selon les statistiques ministérielles, 700 000 jeunes disent avoir fait l'expérience du harcèlement à l'école : 4 % dans le primaire, 12 % au collège et 2 à 3 % au lycée. Parmi eux, 5 % ont fait l'objet d'un harcèlement sévère ou très sévère. Plus inquiétant, le harcèlement scolaire peut intervenir très précocement, puisque selon l'Unicef, 47 % des enfants en cours préparatoire en font l'expérience.

Si le phénomène n'est pas nouveau, il prend une ampleur inédite avec les réseaux sociaux et le cyberharcèlement, qui touche particulièrement les filles.

Pour lutter contre, il faut briser l'isolement dans lequel se replient les enfants victimes.

Si l'Éducation nationale met sur son site internet des outils à disposition des enseignants afin qu'ils développent des actions de prévention, rien n'est prévu pour former les enseignants à détecter les signes du harcèlement et à répondre de manière adaptée.

Qu'entend faire le Gouvernement pour lutter contre ce fléau ? Le harcèlement scolaire a des conséquences dramatiques qui peuvent aller jusqu'au suicide. Aucun enfant ne devrait avoir peur d'aller à l'école.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La lutte contre le harcèlement est une priorité du ministère de l'Éducation nationale. L'école doit être le lieu de la confiance, du respect d'autrui et du bien-être.

Notre politique de lutte se décline selon quatre axes. D'abord, informer, avec le site dédié et une journée nationale de mobilisation le premier jeudi de novembre ; j'y ai participé le 1er novembre à Pontoise au collège Simone Veil.

Prévenir, ensuite. Cela est fait dans le cadre de l'enseignement civique et de l'éducation aux médias mais aussi à l'initiative d'instances tels que le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté, des conseils de vie collégienne et lycéenne.

Former est également essentiel : 310 référents académiques et départementaux ainsi que 1 500 formateurs sont mobilisés.

Enfin, prendre en charge plus efficacement et plus précocement avec la professionnalisation des acteurs de terrain aidés des 310 référents académiques ; la mobilisation des référents académiques et départementaux qui prennent contact avec la victime, sa famille et l'établissement, la mise en place de protocoles de prise en charge dans chaque établissement et, enfin, un numéro, le 30 20, dédié à l'écoute et au conseil. J'y associe également des associations comme Net Écoute qui font un travail remarquable en obtenant le retrait des contenus liés au harcèlement quelques heures après leur signalement.

La sérénité est une condition essentielle à la qualité de l'éducation. Tout doit être mis en oeuvre pour la faire régner et mettre fin à des situations qui sont effectivement dramatiques.

Mme Annick Billon.  - Une journée nationale, c'est de la communication ; ce que je demande, ce sont des actes. J'espère que les associations, puisque vous comptez vous appuyer sur elles, seront mieux traitées et mieux financées. Elles manquent de moyens pour mener leur action contre les violences faites aux femmes.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Intervention du centre psychothérapique de l'Orne dans une unité de déradicalisation

M. Vincent Segouin .  - Les médecins du centre psychothérapique de l'Orne (CPO) s'interrogent sur l'obligation qui leur est faite d'intervenir auprès des détenus de l'unité de déradicalisation du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe dans l'Orne. Jusqu'à preuve du contraire, la radicalisation comme l'intégrisme ne sont pas des maladies psychiatriques. Cette mesure déstabiliserait l'organisation du CPO, qui est tendue à cause de la démographie médicale. La psychiatrisation et la pathologisation de la radicalisation sont de véritables non-sens.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je vous prie d'excuser Mme Belloubet qui ne peut être présente.

Les inquiétudes des médecins du CPO sont compréhensibles. Un quartier de prise en charge de la radicalisation a ouvert depuis le 24 septembre 2018 au sein du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Cette ouverture s'inscrit dans le cadre du plan national de prévention de la radicalisation annoncé le 23 février 2018 par le Premier Ministre, elle constitue l'une des modalités de gestion des 500 détenus actuellement incarcérés dans les prisons françaises pour des faits de nature terroriste.

Ces quartiers ne sont pas destinés à déradicaliser, ce terme fait d'ailleurs débat au sein du milieu académique, ces détenus mais à mettre en place leur gestion très sécurisée et séparée ainsi que leur prise en charge visant au désengagement de la violence et à la déconstruction de l'appareil idéologique.

L'intervention des personnels de santé dans ces quartiers s'inscrit dans le cadre général de l'accès aux soins des personnes détenues tel que défini par la loi du 18 janvier 1994. Pour l'établissement de Condé-sur-Sarthe, l'intervention du CPO est requise de même celle du centre hospitalier d'Alençon sur le volet somatique.

Le plan national de déradicalisation requiert la mobilisation de l'ensemble des acteurs et de la façon la plus concertée possible. L'administration pénitentiaire porte une attention toute particulière à la sécurité des personnels soignants, dont l'intervention sera précisée dans une instruction commune des ministres de la Justice et de la Santé.

M. Vincent Segouin.  - Il est donc bien entendu que l'intervention des médecins du CPO se justifiera seulement si les détenus radicalisés présentent des troubles psychiatriques.

Fin des contrats aidés au sein des centres sociaux

Mme Corinne Imbert .  - En août 2017, le Gouvernement a décidé de réduire drastiquement les contrats aidés : leur nombre est passé de 459 000 à 200 000 entre 2017 et 2018. Seuls 60 000 contrats ont été finalement signés en raison du coût et des contraintes administratives liées au nouveau dispositif.

Dans la commune de Marans en Charente-Maritime, le centre social « Les Pictons » emploie en contrat aidé un animateur de prévention qui participe à l'engagement de jeunes en difficulté dans des associations sportives et culturelles. Avec le remplacement du contrat aidé par le « parcours emploi compétence », la prise en charge de cet emploi se situe à 50 % du salaire environ, contre 75 % en 2017. Le centre social n'est plus en mesure d'assumer le coût de cet emploi et rien ne garantit que les collectivités locales puissent compenser cette baisse de moyens.

Ne faut-il pas envisager un statut dérogatoire pour les animateurs de prévention en centres sociaux afin que ces emplois continuent d'être pris en charge à 75 % ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - En 2018, le Gouvernement a choisi de transformer les contrats aidés en parcours emplois compétences avec un objectif clair : cibler les personnes les plus éloignées du marché du travail. Un taux de prise en charge élevé n'est pas un gage d'efficacité ; l'important, c'est la formation et le développement des compétences qu'apporte cette expérience à celui qui en bénéficie. Les premiers résultats sont positifs.

De nouvelles mesures ont été annoncées pour le secteur associatif, en particulier l'affectation annuelle de 1 000 postes Fongep durant quatre ans avec un soutien de 7 000 euros par an. Cela s'ajoute à la baisse des cotisations patronales - 1,4 milliard d'euros pour les associations, le maintien en 2018 et 2019 du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires pour les structures associatives de plus de dix salariés, qui représente 500 millions d'euros.

Cela étant dit, si des difficultés particulières subsistent sur le terrain, le Gouvernement est prêt à les étudier.

Mme Corinne Imbert.  - Merci. Si l'accompagnement et la formation sont indispensables, le nouveau contrat parcours emplois compétences est complexe. En Charente-Maritime, nous sommes passés de 660 contrats en 2017 à 425 en 2018. Inquiétant, le taux de contractualisation est plus faible : 324 en 2018, contre 623 en 2017.

Plaques personnalisées payantes

M. Olivier Cigolotti .  - De nombreux pays de l'Union européenne offrent la possibilité d'obtenir une immatriculation personnalisée du véhicule. Les pionniers en la matière ont été le Royaume-Uni où l'on apprécie d'avoir ses initiales sur la plaque minéralogique. Sans aller jusqu'à la personnalisation, nous pourrions ouvrir cette option ; elle donnerait satisfaction, en particulier aux propriétaires de véhicules de collection, et apporterait des recettes parafiscales à l'État.

Cette requête a été présentée dès 2009 par la Fédération française des véhicules d'époque ; sans succès, malheureusement. La principale objection était la surcharge de travail qu'elle occasionnerait pour les préfectures. Désormais, les demandes d'immatriculation se font en ligne. Ce service pourrait être confié à une société en charge de la gestion de la clientèle ; ainsi l'investissement de départ serait minime et une rentabilité significative serait rapidement atteinte.

La fin du système du format national des immatriculations en 2020 est l'occasion d'ouvrir cette option que proposent déjà vingt pays européens.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je vous prie d'excuser l'absence de MM. Castaner et Nunez, qui reçoivent les syndicats de policiers.

La personnalisation des plaques nécessiterait de revenir sur l'architecture réglementaire et technique instaurée en 2009 : lier le numéro au véhicule, et non à son propriétaire, pour faciliter la lutte contre fraude et les trafics en tout genre. La personnalisation des plaques serait contreproductive alors que le nouveau système fait l'objet de consolidations techniques et fonctionnelles.

Votre demande pourra être étudiée lorsque le système actuel arrivera en fin de vie.

M. Olivier Cigolotti.  - Nous connaissons tous les défauts du système actuel ; les délais, en particulier, sont très longs. Dommage que la France se prive de cette recette : la Belgique, dès la première année, en a un million d'euros.

M. Claude Kern.  - Très bien !

Frontière franco-espagnole

Mme Frédérique Espagnac .  - Le ministre de l'Intérieur, lors de la présentation de sa feuille de route le 21 octobre 2018, a souhaité renforcer la présence de l'État à la frontière franco-espagnole, notamment dans les Pyrénées-Atlantiques. Selon lui, sur les 48 000 entrées irrégulières de migrants en Espagne, la France a augmenté son taux de refus de 60 % en 2018 par rapport à 2017.

Cette hausse s'explique par la fermeture des frontières italiennes. Ce jeu de chaises musicales au sud de l'Europe illustre, une nouvelle fois, que la politique migratoire ne peut être traitée à la seule échelle nationale.

Dans les territoires, des élus, des associations comme la Cimade, sont attentifs au traitement humain, digne et respectueux réservé aux populations immigrantes. Comment l'État garantira-t-il le respect de ces valeurs ?

Un coordonnateur de la sécurité serait chargé de faire le lien entre les autorités douanières françaises et espagnoles à la frontière. Pouvez-vous préciser son rôle ?

Enfin, quelle politique défendra la France lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 6 décembre prochain ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Depuis début 2018, plus de 54 000 arrivées irrégulières de migrants ont été recensées en Espagne, soit une augmentation de 123 % par rapport à l'année précédente. L'Espagne devient le premier point d'entrée en Europe.

La coopération franco-espagnole est régulière et bonne. Des renforts de CRS ont été déployés sur la frontière. L'administration, sous le contrôle du juge, s'assure du respect des droits des personnes retenues : la rétention ne doit pas excéder quatre heures, une bouteille d'eau et un accès aux sanitaires doivent être offerts.

Un coordinateur de la sécurité sera prochainement nommé. Nous renforçons notre coopération avec le gouvernement espagnol et soutenons les garde-côtes marocains qui, dans le respect du droit, s'emploient à dissuader les départs.

Lors du Conseil du 6 décembre, la France défendra ses positions pour aboutir les négociations sur le régime européen de l'asile, pour contenir les flux migratoires secondaires dans l'Union et assurer une solidarité efficace. Elle soutiendra également le projet de nouveau règlement Frontex, qui prévoit 10 000 garde-côtes supplémentaires d'ici 2021.

Mme Frédérique Espagnac.  - La question humaine est préoccupante. Le centre de rétention d'Hendaye offre des conditions d'accueil décentes mais l'on voit beaucoup de migrants entassés sur une place à Bayonne en attendant l'arrivée des bus. Nous serons vigilants sur les conclusions du Conseil européen.

Statut des sapeurs-pompiers volontaires

M. Roland Courteau .  - La directive européenne du 4 novembre 2003 et l'arrêt qu'a pris la Cour de justice de l'Union européenne le 21 février 2018, l'arrêt Matzak, menacent le modèle français de secours : les sapeurs-pompiers volontaires pourraient être requalifiés en travailleurs.

La mission sénatoriale « Volontariat » conduite par Catherine Troendlé a clairement refusé la professionnalisation à temps partiel, dont on a vu les résultats désastreux en Suède - ce pays a dû faire appel à la solidarité européenne.

Que compte faire le Gouvernement pour défendre notre modèle altruiste ? La fédération française des sapeurs-pompiers volontaires estime, avec ses homologues allemande, autrichienne et néerlandaise, qu'une directive spécifique est nécessaire pour résoudre définitivement cette question.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je vous prie d'excuser MM. Castaner et Nunez.

La sécurité civile française démontre chaque jour la pertinence de son modèle pertinent et robuste. Il doit être conforté car il répond à la fois aux besoins d'intervention quotidienne et à l'urgence.

La directive européenne concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du 4 novembre 2003 a pour objet de garantir à tous un socle commun de droits. L'assimilation du volontariat à un travail pourrait effectivement limiter l'employabilité du volontaire hors de l'activité de pompier.

Plusieurs pistes sont envisagées : utiliser les larges possibilités de dérogation lors de la transposition de la directive, une directive spécifique. J'ajoute, à titre personnel, que le service national universel que nous mettrons en place progressivement renforcera, je l'espère, le volontariat.

Avenir des missions locales

M. Didier Marie .  - Ma question, qui s'adressait à la ministre du travail, porte sur le lancement d'une expérimentation de fusion des missions locales au sein de Pôle emploi.

Annoncée par le Premier ministre cet été, cette mesure, qui ne figurait pas dans le rapport initial du comité Action publique 2022. Elle n'a fait l'objet d'aucune concertation.

Les missions locales accueillent 1,5 million de jeunes chaque année, auxquels elles apportent un accompagnement personnalisé et global - leurs freins psycho-sociaux et économiques, leurs problèmes de santé, de logement et de mobilité. Elles sont pilotées par des élus locaux au profit de leurs territoires. Leur collaboration avec Pôle emploi est efficace. De nombreux rapports de l'IGAS, de l'IGF et la commission des finances du Sénat ont démontré qu'elles constituaient le réseau le plus performant avec un coût financier inférieur.

La perspective d'une fusion et d'une réorientation des financements suscite l'inquiétude.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les missions locales sont un maillon essentiel du service public de l'emploi. Elles sont d'ailleurs en première ligne du plan d'investissement dans les compétences, doté de 15 milliards d'euros, et de la Garantie Jeunes dont bénéficieront 100 000 jeunes par an.

Certes, les organismes se parlent et collaborent aujourd'hui mais il faut aller plus loin pour partager des systèmes d'information ou des offres d'emploi, pour ouvrir des antennes afin que les missions puissent aller au-devant des jeunes. Le rapprochement entre missions locales et Pôle Emploi sera expérimenté à la demande des collectivités locales et de leurs élus et, j'y insiste, à leur demande seulement, selon des formes qu'il leur appartiendra de trouver.

M. Didier Marie.  - Merci. J'attire votre attention sur la question budgétaire : il manque 8,5 millions d'euros pour les missions locales dans le budget 2019. C'est contradictoire avec l'engagement du président de la République de multiplier par cinq l'accueil des jeunes dans le cadre du plan Pauvreté.

Produit des amendes routières et intercommunalités rurales

M. Philippe Bonnecarrère .  - Nombre de nos concitoyens paient des amendes routières sans bénéficier de leurs retombées. Ils n'habitent ni les métropoles ni les petites intercommunalités mais celles qui comptent entre 10 000 et 50 000 habitants où les voiries ne sont pas communautaires à 100 %. Une révision de ce critère serait bienvenue.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je vous prie d'excuser le ministre de l'Intérieur qui reçoit les forces de police.

Le produit des amendes de police revient aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour financer des opérations d'amélioration des transports en commun et de la circulation routière. Logiquement, ces collectivités doivent avoir compétence pour les mettre en oeuvre. Les seuils démographiques garantissent l'équité des retombées des amendes. Les communes rurales ont fait l'objet d'une attention particulière dans le cadre de la décentralisation du stationnement payant. À partir de 2019, les enveloppes départementales allouées aux petites communes seront au moins égales à la moyenne des sommes allouées au titre des trois derniers exercices.

Le Gouvernement, conscient que la répartition est parfois sous-optimale, est toutefois ouvert à une modification réglementaire en concertation avec le CFL et les associations d'élus.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Je regrette le caractère technocratique de cette réponse. Dans la réalité, les compétences voiries sont largement intercommunales mais pas à 100 %, ce qui empêche les retombées. Modifier la répartition du produit des amendes n'a aucune conséquence sur le budget de l'État.

Carte hospitalière et médico-sociale dans l'Oise

M. Jérôme Bascher .  - Avec 27 médecins pour 10 000 habitants, toutes spécialités confondues, l'Oise est confrontée à un phénomène de désertification médicale catastrophique.

Or les réponses apportées à ce terrible constat manquent d'efficacité, de stabilité et de clarté. Pire, une certaine incohérence semble être de mise depuis de nombreuses années. Le site de Senlis du groupe hospitalier public sud de l'Oise (GHPSO) a ainsi perdu depuis 2012, sept services majeurs, faute de projet médical stable.

Le transfert de la maternité du site de Creil vers celui de Senlis, également prévu, ferait passer cette dernière au niveau III. Cela nécessite un service de réanimation pourtant fermé en 2017.

Concernant les Ehpad, un besoin croissant se fait sentir sans aucune création de place autorisée. Beaucoup a été fait dans le département du Nord, rien dans le sud de l'Oise. Heureusement, les présidents des conseils départementaux de l'Oise et du Val-d'Oise se sont entendus pour sauver un établissement à Meru, alors que l'État n'en pouvait mais.

Quelles cartes médicale et médico-sociale pour l'Oise ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je vous prie d'excuser Mme Buzyn, retenue par une réunion de l'OMS.

En effet, la population de l'Oise a des difficultés à accéder aux soins de premier secours, notamment en raison des nombreux départs en retraite de médecins. Les plans, dont « Ma Santé 2022 », entendent y remédier.

Le transfert de la maternité à Senlis, porté par la communauté médicale, rendra le parcours de soins plus sécurisé. Il implique le transfert du service de réanimation et de soins de suite néonataux. Soyez assuré qu'une attention particulière a été portée sur le suivi obstétrical pré et post-natal des femmes afin qu'il s'organise sur les deux sites.

Quant à l'offre médico-sociale, elle est supérieure à la moyenne nationale dans l'Oise en termes d'établissements et de soins à domicile. Elle est partiellement occupée par des personnes venues d'Île-de-France.

L'ARS et le conseil départemental, en accord avec leur homologue d'Île-de-France, se sont en effet entendus pour maintenir une offre à Méru.

M. Jérôme Bascher.  - Le vrai sujet dans l'Oise, c'est le déficit de médecins dans les hôpitaux de proximité. Il y a un fort taux de fuite vers l'Île-de-France.

Prédation et pastoralisme

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Face à la recrudescence d'attaques de grands prédateurs, loup, ours, lynx, différents plans ont été mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour les faire cohabiter avec les animaux d'élevage. Tout cela au détriment du pastoralisme, comme en témoigne la recrudescence des attaques.

Quel est le coût réel de la politique nationale conduite en faveur des espèces protégées ? Cette politique ne se limite pas aux 30 millions d'euros mobilisés en 2017 pour financer les indemnités et les mesures de protection. Ne faut-il pas comptabiliser, pour les éleveurs, le stress et le manque de sommeil qui peuvent conduire à la maladie ou au suicide ? Pour les animaux, le stress, la perte de lait, une qualité de viande moindre et les avortements ? Pour l'administration, un préfet coordonnateur et son équipe, l'entretien des sentiers et des pistes de ski ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je connais votre engagement en faveur du pastoralisme. Le plan Loup 2013-2017 représente plus de 100 millions d'euros : 87 millions d'euros pour la protection des troupeaux, 14 millions pour indemniser les pertes, 740 000 euros pour l'ONCFS et 518 000 pour la DRAL. L'augmentation annuelle du coût global des mesures de protection, financées à 50 % par le Feader, est de 5 à 15 %.

On ne peut pas mettre des barrières partout, les chiens patous attaquent parfois les promeneurs ; il faut, à mon sens, revoir la directive Habitat. Mon ministère défend la biodiversité mais la question est de savoir si les loups, au nombre de 500 en France, sont encore une espèce en voie de disparition. Il n'est pas question de les éradiquer, mais de faire baisser la pression sur les éleveurs.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Merci pour cette réponse de bon sens. Vous l'avez compris, mon but était de dénoncer ces sommes englouties dans le plan Loup sans que l'on s'interroge sur leur efficacité.

Difficultés rencontrées par les professionnels équins

M. Philippe Bas .  - J'ai plaisir à saluer Didier Guillaume, au banc du Gouvernement.

La Manche est l'inventeur du cheval de selle français. Il se trouve que les diplômes équestres ne sont pas reconnus comme des diplômes agricoles. Par conséquent, les jeunes éleveurs équins ne peuvent pas solliciter les aides à l'installation alors qu'ils ne sont pas si différents des éleveurs d'ovins et de bovins. Ne peut-on pas combler cette lacune ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Merci pour cette question, je connais un peu mieux désormais la filière équine.

Effectivement, la capacité professionnelle agricole, qui conditionne l'accès aux aides à l'installation, est accordée aux détenteurs de diplôme agricole. Cependant, des équivalences peuvent être accordées à des titulaires de diplômes équestres auxquels il reste des blocs de compétences à valider, notamment sur la gestion comptable d'entreprise.

M. Philippe Bas.  - C'est précisément parce que nos jeunes se heurtent, en pratique, à des difficultés que je pose la question. Une instruction des ministères de l'agriculture et des sports faciliterait les choses.

M. Didier Guillaume, ministre.  - Je suis à votre disposition pour en rediscuter.

Conséquences de la sécheresse sur l'agriculture

M. Antoine Lefèvre .  - La sécheresse estivale a eu des conséquences particulièrement importantes dans les Hauts-de-France et dans le département de l'Aisne.

Les éleveurs ont été obligés d'utiliser leurs stocks début juillet pour alimenter leurs animaux. Les pommes de terre de consommation et les fécules sont très affectées. La récolte des pommes de terre est très hétérogène en fonction des pluies d'orages, de 100 tonnes à 35 tonnes l'hectare, soit une chute moyenne de 25 %. Le rendement des betteraves a chuté de 34 %, les cultures de colza ont brûlé, à peine levées.

On fait le même constat pour les plantes intermédiaires, les surfaces d'intérêt écologique (SIE) et ce qu'on nomme communément « les pièges à nitrates », ces cultures rendues obligatoires par l'Europe. C'est ainsi qu'en sus de la sécheresse, les agriculteurs sont surveillés par l'administration.

Cet aléa climatique fait suite à quatre années de difficultés liées à la météorologie et à des cours mondiaux très bas. Or plusieurs pays européens, notamment l'Allemagne, ont obtenu de Bruxelles des dérogations pour les SIE, ce qui n'est pas le cas de la France.

Alors que l'Allemagne a débloqué 340 millions pour ses agriculteurs qui achètent le fourrage qui manquera aux agriculteurs français, quelles aides directes le Gouvernement envisage-t-il d'accorder aux agriculteurs français ?

Vous avez annoncé fin octobre le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti et des reports de cotisations sociales payées à la MSA. Le préfet de l'Aisne nous a dressé un état des lieux alarmant ; vous avez aussi annoncé, samedi dernier, 400 millions sur la sécheresse. Comment ces crédits seront-ils ventilés ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La sécheresse a été dramatique, sans précédent et tardive, durant jusqu'à l'automne. Je me suis rendu dans plusieurs départements demandant aux préfets d'organiser la solidarité pour l'approvisionnement en fourrage.

Pour permettre une indemnisation rapide, j'ai installé trois comités nationaux de gestion des risques en agriculture (CNGRA) : douze dossiers départementaux ont déjà été déposés pour le CNGRA de décembre. Une fois la reconnaissance accordée, un acompte de 50 % sera versé aux agriculteurs éligibles ayant utilisé la télédéclaration.

Les diverses mesures prévues, sans comparaison à ce qui a été mis en place dans les autres pays européens, représentent un apport de trésorerie permettant d'anticiper l'hiver. À l'avenir, il faudra mieux gérer les ressources en eau. Vous pouvez compter sur mon engagement : je travaillerai sur les retenues d'eau.

L'Allemagne a annoncé un grand plan, mais les agriculteurs sont très mécontents. En France, le problème résulte de la variété des situations au sein même des départements. Il faut en tenir compte. L'État sera au rendez-vous, puisque 400 millions seront versés aux agriculteurs.

M. Antoine Lefèvre.  - Je prends acte de vos indications sur l'Allemagne : je vérifierai. Il faut aussi gérer l'aléa climatique, la réserve à cet effet est amputée d'un tiers dans le projet de loi de finances 2019. Le Sénat, dans sa sagesse, n'a pas voté les crédits de la mission « Agriculture ».

Habitat en péril

Mme Sylvie Vermeillet .  - Dans nos petites communes, certains propriétaires laissent leur maison à l'abandon pour des raisons diverses, indivisions, éloignement, manque de moyens... Ces bâtiments se dégradent et deviennent dangereux.

Lorsque le maire a connaissance de désordres affectant un logement susceptible de provoquer un danger pour la sécurité des occupants, il notifie au propriétaire qu'une procédure de péril ordinaire va être prise.

Selon les articles L. 511-1 à L. 511-7 du code de la construction et de l'habitation, le maire peut faire réparer ou détruire le bâtiment. Cependant, les petites communes n'ont pas toujours les moyens de se substituer aux propriétaires défaillants. Trois maires du Jura, reçus par Jacqueline Gourault, ont évoqué un fonds spécial dédié à ce problème. Où en est-on ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je vous prie d'excuser Mme Gourault et M. Denormandie.

En matière de lutte contre l'habitat dégradé, les maires de nos communes sont souvent en première ligne. Dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale relatifs aux immeubles menaçant ruine, le maire peut prescrire la réparation ou la destruction de bâtiments et mettre en demeure un propriétaire, par un arrêté de péril et à l'issue d'une procédure contradictoire, de prendre les mesures nécessaires. L'Agence nationale de l'Habitat (ANAH) peut accorder des subventions aux propriétaires pour financer la réalisation de travaux dans le cadre d'une procédure de police administrative de lutte contre l'habitat indigne. Lorsque les travaux ne sont pas réalisés par le propriétaire dans le délai qui lui est imparti, le maire peut faire procéder d'office à leur exécution. Ces travaux sont alors réalisés pour le compte du propriétaire défaillant et à ses frais. Les communes peuvent en effet recouvrer les frais qu'elles ont avancés mais qui restent dus par le propriétaire défaillant.

Le Gouvernement n'envisage pas de créer un fonds spécifique, mais les maires ne sont pas seuls et l'État, avec ses opérateurs, apporte un soutien financier important aux opérations menées pour résorber l'habitat indigne : l'ANAH subventionne les travaux d'office réalisés par les communes dans diverses procédures, et cette subvention reste acquise à la commune, même après recouvrement complet des sommes engagées auprès du propriétaire.

Si le problème concerne un immeuble en copropriété, I'ANAH peut aussi subventionner les travaux d'office décidés par le maire en substitution aux copropriétaires défaillants, qui ne paieraient pas leur quote-part de travaux.

Lorsque l'action de la commune nécessite de prendre possession de l'immeuble du fait de l'inaction de son propriétaire, I'ANAH pourra financer avec la collectivité ce type d'opération. Nous avons ainsi prévu, dans le PLF pour 2019, un budget de 15 millions d'euros pour financer cela.

Très récemment, la loi ELAN a renforcé les moyens financiers dont disposent les collectivités pour mieux lutter contre ces situations d'habitat indigne. Elle leur transfère le bénéfice des astreintes imposées aux propriétaires indélicats pour que les travaux soient faits.

Nous mesurons l'importance du soutien aux élus locaux sur ces dossiers sensibles et une mission portant sur la simplification des procédures sera prochainement lancée.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Je ne suis pas sûre que cela suffise. Les avances de trésorerie sont faites par les communes. Un fléchage de la DETR serait plus efficace.

Nécessaire réévaluation de la participation de l'État aux aides individuelles sociales

M. Olivier Henno .  - J'ai appris avec beaucoup de satisfaction dans les colonnes de la Voix du Nord, le 18 octobre 2018, que le projet de fusion entre le département du Nord et la métropole européenne de Lille était enfin abandonné. Il créait deux super-départements, une ineptie géographique qui s'apparente au partage de Verdun en 843 et aurait bouleversé les équilibres sociaux, économiques et démographiques. Je suis donc satisfait.

Cette chimère écartée, il ne faut pas oublier les difficultés structurelles du département du Nord qui, malgré un travail fort et salutaire mené par le conseil départemental en matière de redressement financier, restent fortes et inquiétantes.

Comment relancer un vrai débat constructif avec les territoires sur les questions de la nécessaire réévaluation de la participation de l'État quant aux aides sociales individuelles que sont le RSA, la prestation de compensation du handicap et l'allocation personnalisée d'autonomie notamment ? Le reste à charge du RSA, c'est 300 millions d'euros pour le département...

Comment, aussi, assurer une vraie péréquation entre l'État et les collectivités et entre les territoires riches et pauvres ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La question du financement et de la gestion des allocations individuelles de solidarité, notamment du RSA, est l'une des thématiques discutées dans le cadre de la conférence nationale des territoires.

Les travaux de la mission dirigée par Alain Richard et Dominique Bur traitaient de la pérennité des ressources des départements pour répondre au versement des allocations sociales.

Le Gouvernement est conscient de la très forte croissance de ces dépenses au cours des dernières années, qui a conduit à la mobilisation de quatre fonds exceptionnels de soutien aux départements instaurés dans le cadre des lois de finances rectificatives pour 2010, 2012, 2015 et 2016. Un fonds exceptionnel doté de 100 millions a été créé par la loi de finances rectificative pour 2017 afin de soutenir les départements confrontés aux situations financières les plus dégradées. A l'instar d'autres départements, celui du Nord a bénéficié d'aides exceptionnelles au titre de ces fonds, soit près de 55 millions d'euros depuis 2013.

Déterminé à aider les départements les plus exposés, le Gouvernement a déposé un amendement lors du projet de loi de finances initiale pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à créer un fonds de stabilisation doté de 115 millions par an sur trois ans pour accompagner dès 2019 une trentaine de départements présentant une situation financière dégradée et des restes à charge AIS supérieurs à la moyenne nationale. Cet amendement renforce en outre la péréquation horizontale des recettes de DMTO, à hauteur de 250 millions dès 2019.

Le Gouvernement examine attentivement la proposition de répartition faite par I'ADF en vue du vote du PLF 2019.

Parallèlement à ces mesures, le président de la République a présenté le 13 septembre dernier la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Des financements seront ainsi apportés aux départements volontaires afin d'accompagner la dynamique de leurs dépenses en matière d'accompagnement social, soit 135 millions en 2019, 177 millions en 2020 et 208 millions en 2021.

Enfin, conscient des difficultés liées à l'accueil des mineurs non accompagnés, le Gouvernement a également confirmé qu'un soutien financier renforcé : en 2019, 141 millions seront versés aux départements, tant au titre de la phase amont à la reconnaissance de la minorité que dans la phase aval au titre de l'aide sociale à l'enfance

M. Olivier Henno.  - Notre pays souffre de nombreuses fractures. Pas de décentralisation sans péréquation verticale et horizontale.

Mise en place des dispositifs d'hébergement d'urgence dans les petites et moyennes villes

Mme Agnès Canayer .  - Chaque année, le préfet présente un plan d'hébergement d'urgence hivernale ! En zone urbaine mais aussi rurale, les communes se mobilisent dans le cadre du plan Grand Froid. Pourtant, dans des villes moyennes, comme Fécamp, qui a un parc hôtelier modeste, la mise en oeuvre du plan est difficile, d'autant qu'elle n'est pas couverte par le 115.

La commune se débrouille donc, bricolant des solutions avec les associations. Les personnes souffrant de pathologies ou d'addictions nécessitent une prise en charge spécifique qu'une ville moyenne ne peut assurer.

Qu'allez-vous faire pour les aider à remplir leurs obligations ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Même si l'État joue son rôle, les communes et associations organisent la solidarité au niveau local, quelle que soit leur taille. Elles contribuent notamment à l'hébergement des SDF par la mise à disposition de logements ou de locaux. Jamais aucun Gouvernement n'a fait autant en matière d'hébergement : il gère avec les associations 130 000 places pérennes ouvertes tout au long de l'année pour les SDF. Le budget pour 2019 sera une nouvelle fois en hausse.

Réunies le 19 octobre et le 23 novembre par les ministres, les associations ont été consultées sur le plan du Gouvernement et elles seront consultées chaque mois.

Concernant la veille sociale - qui comprend le 115 - ses crédits ont progressé de 40,5 % entre 2016 et 2018. En 2019, ces crédits atteindront 139 millions d'euros, en hausse de 5,9 % par rapport à 2018. 5 millions en plus sont prévus pour les maraudes pour 2019 ; 1,2 million a été notifié aux services pour la période hivernale, et la Normandie a reçu 76 000 euros à ce titre en 2018.

Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que la politique d'accès au logement des personnes défavorisées soit fondée sur une analyse locale des besoins des territoires, et particulièrement ceux des villes petites et moyennes. C'est pourquoi la loi ELAN qui vient d'être publiée prévoit que le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées sera désormais opposable pour la délivrance des autorisations d'activité des CHRS.

Mme Agnès Canayer.  - Il appartient à l'État de coordonner les acteurs au niveau national, mais aussi au niveau local via les préfectures. Les maires se sentent souvent un peu seuls.

Avenir de Business France

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Depuis les annonces du Premier ministre, le 23 février dernier, il est question qu'une délégation de service public - Business France - soit opérée par certaines chambres de commerce et d'industrie à l'étranger (CCI), pour l'accompagnement de nos petites et moyennes entreprises à l'international.

Il s'agirait d'une expérimentation dans huit pays choisis sur quels critères ? Business France quitte Hong-Kong, la Russie, le Japon et l'Espagne et devrait en quitter d'autres avant la fin de l'année, alors que certains de ces pays font partie de l'expérimentation. Le Liban, la Lituanie, la Hongrie et Cuba seraient prochainement concernés.

Les CCI ont actuellement pour mission d'aider les entreprises françaises à trouver des débouchés dans leur pays d'accueil ; le rôle de Business France a été imaginé pour promouvoir la marque France à l'étranger, à travers ce que Laurent Fabius appelait la diplomatie économique en 2014 : favoriser le développement international des entreprises implantées en France, promouvoir l'attractivité du territoire national et les investissements étrangers, et mettre en oeuvre une stratégie de communication et d'influence visant à développer l'image économique de la France à l'international.

Avec des rôles aussi différents, comment les CCI, associations de droit local, peuvent-elles se substituer à une agence de l'État, financée sur fonds publics, à hauteur d'environ 200 millions d'euros chaque année ?

Les CCI choisies ont-elles été consultées pour transformer leur mission originelle, alors que leur subvention baissera de 400 millions d'euros d'ici 2022 ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le 23 février, le Premier ministre annonçait une réforme du dispositif de soutien public aux entreprises à l'étranger.

La réforme de notre dispositif de soutien public a pour objectif de rendre l'accompagnement de nos entreprises à l'export plus simple et plus accessible, notamment pour les PME-ETI. Cette réforme s'appuie sur la coopération de l'ensemble des acteurs au sein d'un dispositif unifié, la « Team France export ». Elle s'appuie sur deux piliers : la création de guichets uniques dans toutes les régions et une refonte du réseau des bureaux de Business France à l'étranger.

La mise en place dans les régions de guichets uniques pour l'accompagnement à l'export repose sur la signature de conventions entre Business France et les CCI régionales. Dans ce cadre, Business France redéploye des effectifs au sein des CCI afin de renforcer leurs capacités de prospection et le suivi des entreprises exportatrices. Les CCI pourront ainsi bénéficier des compétences des collaborateurs de Business et de son réseau à l'étranger. Business France, pour sa part, pourra s'appuyer sur la connaissance du terrain local des CCI.

À l'étranger, l'équipe de l'export prendra la forme de guichets uniques qui reposent sur la désignation de correspondants uniques. Ces derniers pourront être soit Business France en propre, soit, dans le cas d'un retrait de Business France, des opérateurs privés désignés après des procédures transparentes d'appel d'offres dans le cadre de concessions de service public ou de marché public de services.

Le Premier ministre a cité, le 23 février dernier, huit pays susceptibles de faire l'objet d'une expérimentation pour attribuer l'accompagnement des entreprises à un opérateur privé. Dans huit pays - Russie, Belgique, Norvège, Hongrie, Maroc, Philippines, Singapour, Japon et Hong-Kong -, le Gouvernement mènera une expérimentation de retrait de Business France qui concernera la totalité ou une partie de l'activité de l'opérateur. La sélection de ces huit pays s'est faite sur des marchés considérés comme matures ou d'une taille limitée. D'autres pays pourront faire l'objet d'évolutions au cours des années à venir.

Comme dans le cas du dispositif déployé sur le territoire national, il ne s'agit donc pas d'arrêter un schéma identique dans tous les pays mais de proposer un accompagnement adapté aux différentes situations économiques et commerciales.

Une concession de service public sera donc mise en place au 1er janvier 2019 dans six pays : Belgique, Norvège, Hongrie, Maroc, Philippines et Singapour. La procédure d'appel d'offres publique visant à désigner un concessionnaire - qui peut-être une chambre de commerce à l'étranger ou un autre acteur privé - arrive à son terme : les vainqueurs des appels d'offres seront désignés cette semaine.

Au Japon et à Hong-Kong, Business France a eu recours à un marché public de services pour sélectionner un prestataire exclusif. Les deux CCI qui ont été choisies réaliseront cette prestation.

Un mot sur Business France en Russie : la fermeture du bureau a été rendue nécessaire par le conflit opposant les autorités russes et françaises sur le licenciement d'employés de droit local. Le bureau a été fermé le 16 juillet. Dans les mois qui viennent, un appel d'offre permettra de mettre en place une solution adaptée au pays et permettant de continuer d'accompagner nos entreprises sur ce marché.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Je suis favorable au guichet unique, mais beaucoup de réformes procèdent d'un retrait de l'État au profit du privé. De plus, il n'est pas sûr que les associations de droit local soient en mesure de prendre le relais.

Zone touristique internationale à Paris

Mme Catherine Dumas .  - Il existe dix-huit zones touristiques internationales (ZTI) en France dont douze dans la capitale. Celle du 17e arrondissement - mon arrondissement d'élection - aurait pu disparaître en début d'année, mais la bonne collaboration entre le maire de l'arrondissement, Geoffroy Boulard, et les services de Bercy, a pu permettre de trouver une solution pérenne.

Depuis 2015, les commerçants situés dans ces ZTI peuvent ouvrir le dimanche et en soirée, toute l'année, en vertu d'accords signés avec les salariés.

Avec deux ans de recul, la CCI a publié une étude sur l'impact de ces zones dans la capitale : le résultat est sans appel. L'ouverture des commerces le dimanche dans les ZTI est un succès. La fréquentation de ces lieux est en hausse de 20 % et l'ouverture dominicale a déjà permis aux grands magasins de la capitale d'augmenter leur chiffre d'affaires d'environ 10 % et de créer plus de 1 000 emplois. Paris est la première destination touristique mondiale. Mais rien n'est jamais acquis : Paris est une ville monde, en concurrence avec Londres, Berlin, Rome ou New-York et l'ouverture des commerces le dimanche s'inscrit dans une tendance mondiale.

Aussi, comme le préconise un très récent rapport parlementaire rendu par nos collègues députés, Philippe Huppé et Daniel Fasquelle, pourquoi ne pas créer une zone touristique internationale unique sur l'ensemble du territoire de la ville de Paris, notamment pour éviter les effets de bord sur les baux commerciaux, inhérents au zonage ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Gouvernement a pleinement conscience de l'importance des ZTI pour la ville de Paris.

S'agissant de l'évolution du nombre de commerces ouverts à Paris dans les ZTI, les données sont publiées sur le site de l'Observatoire des commerces dans les zones touristiques internationales, créé par arrêté interministériel du 20 juin 2016. Entre septembre 2015 et février 2017, une hausse très significative de 62 % du nombre de commerces ouverts le dimanche dans les ZTI est observée.

La CCI d'Île-de-France a effectivement proposé de faire de l'ensemble de la ville de Paris une ZTI. Cette proposition a été examinée et il s'avère que la création d'une telle zone pourrait créer une rupture d'égalité entre les commerçants parisiens et ceux du reste de la France. Cette rupture d'égalité serait difficilement justifiable.

En l'état du droit, la ville de Paris dans son ensemble ne peut répondre aux critères d'une ZTI. En effet, la totalité des quartiers de Paris intramuros ne présentent pas un rayonnement international, une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et un flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France. La demande formulée reviendrait donc à remettre en cause la politique actuelle de zonage qui s'applique pour l'ouverture dominicale des commerces, reposant sur des critères légaux.

Enfin, un bilan économique des ZTI sera présenté au Parlement début 2019. Sur cette base, l'opportunité d'améliorer ou de simplifier le régime des ZTI pourra être examinée.

Mme Catherine Dumas.  - J'espère que cela augure d'une réponse plus satisfaisante. Le territoire de Paris répond à tous les critères cumulatifs pour définir une ZTI. Le Gouvernement ne doit plus attendre.

Privatisation du groupe ADP

Mme Laurence Cohen .  - Le transfert d'ADP au privé, prévu dans la loi Pacte, fait l'objet de nombreuses oppositions sur tout l'échiquier politique et aurait des conséquences fâcheuses.

Alors que l'État détient actuellement 50,63 % du capital, vous souhaitez autoriser la privatisation des aéroports Orly, Charles-de-Gaulle et Le Bourget. Cette vue à court terme sacrifie une part du patrimoine de l'état.

Dans mon département du Val-de-Marne, les inquiétudes et la mobilisation sont fortes quant aux conséquences de cette privatisation. Plus de 28 000 personnes travaillent sur le site d'Orly, dans un bassin économique de plus de 157 000 salariés, comprenant également le marché international de Rungis.

Alors que les préoccupations environnementales sont importantes comment comptez-vous faire valoir les intérêts environnementaux des populations avant les intérêts économiques d'un concessionnaire privé qui, à n'en pas douter, remettra en cause les dispositifs de limitation des mouvements et du couvre-feu ?

De plus, l'arrivée d'investisseurs privés majoritaires au sein d'ADP risque de remettre en cause l'ensemble des stratégies territoriales défendues par les collectivités locales et l'État dans le cadre du projet du Grand Paris Express et de tous les schémas d'aménagement.

Enfin, faut-il rappeler que les aéroports de Paris constituent la première porte d'entrée sur le territoire et, à ce titre, garantissent à la fois la sûreté nationale et la sécurité intérieure ?

Le gouvernement compte-t-il revenir sur sa décision de privatisation d'ADP dans le cadre du projet de loi Pacte ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le projet de loi autorisant la privatisation d'ADP prévoit des dispositions pour protéger les citoyens et les territoires.

Les fonctions régaliennes de l'État en matière de sécurité des personnes et des biens restent assurées par les services de l'État.

S'agissant de la qualité de service, la loi donne le pouvoir à l'État de s'assurer que les investissements nécessaires au bon fonctionnement du service public aéroportuaires seront réalisés. L'État pourra également imposer à l'opérateur de maintenir une qualité de service aux meilleurs standards des aéroports internationaux.

S'agissant des employés d'ADP, La loi Pacte précise que la privatisation n'a pas d'impact sur les statuts du personnel. La modification de ces statuts reste soumise à l'approbation de l'État.

La protection des communes riveraines contre les nuisances sonores et la qualité de l'air ne seront pas altérées par la privatisation. Les normes aujourd'hui en vigueur devront être appliquées par ADP quel que soit son actionnariat, notamment celles instaurant un couvre-feu entre 23 h 30 et 6 heures ou le plafond du nombre de créneaux horaires attribuables annuellement à Orly.

Afin de garantir les meilleures conditions de concertation avec les collectivités territoriales et les associations de riverains, la loi Pacte prévoit la création d'un comité des parties prenantes qui réunira des collectivités territoriales, des associations de riverains, des associations environnementales pour favoriser ces échanges entre ces acteurs et la société.

Mme Laurence Cohen.  - Tout va très bien selon vous, monsieur le ministre ! Votre Gouvernement n'entend pas les revendications des riverains et des élus. Vous continuez à vous entêter ! La privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice sont des échecs, comme l'a relevé la Cour des comptes. Avec la privatisation des autoroutes dans les années 2000, vous avez aussi un bel exemple d'augmentation, que dis-je, d'explosion des tarifs ! Vous n'entendez pas, tout comme vous n'écoutez pas les gilets jaunes, les blouses blanches et les robes noires qui en ont ras-le-bol de votre politique.

Respect de la législation en vigueur sur les contrats obsèques

M. Jean-Pierre Sueur .  - Actuellement, plus de cinq millions de Français souscrivent des contrats d'assurance obsèques, afin de financer par avance leurs funérailles et ainsi ne pas faire porter de charge financière sur leurs proches en cas de décès. La loi permet que 5 000 euros soient pris en charge dans les sommes laissées par les défunts pour financer les obsèques, réduisant d'autant l'intérêt de tels contrats.

Les contrats d'assurance obsèques sont strictement encadrés, notamment par l'article L. 2223-34-1 du code général des collectivités territoriales, que j'ai fait adopter, qui dispose que « toute clause d'un contrat prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance sans que le contenu détaillé et personnalisé de ces prestations soit défini est réputée non écrite ». Or nombre de contrats « packagés » établis par des banques et sociétés d'assurance sont en contradiction avec cette disposition légale.

Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour que les dispositions inscrites dans cet article de loi soient strictement appliquées ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Merci de votre signalement. Nous connaissons votre engagement pour améliorer les modalités d'obsèques et la reconnaissance du caractère juridique des cendres.

Les contrats d'assurance obsèques impliquent un assureur et un prestataire funéraire. Nos services seraient preneurs d'un travail commun pour dresser un bilan de l'application de la loi, surtout si les dérives que vous dénoncez s'avèrent réelles. Nous connaissons la difficulté de créer une offre adaptée. Faute de connaissances suffisamment précises pour vous répondre dans le détail, travaillons ensemble.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis toujours prêt à coopérer mais je suis surpris que le ministère ne soit pas au courant. Des banques et compagnies d'assurance très connues font quotidiennement des contrats « packagés » sans attestation d'une discussion avec un prestataire funéraire pour définir précisément les prestations fournies. La loi n'est pas respectée et, après les obsèques, des frais supplémentaires sont facturés aux familles éplorées. Les sanctions devront être appliquées.

Taxe sur les carburants

M. Daniel Chasseing .  - Pour la troisième fois cette année, je vous interroge sur les hausses régulières des carburants pénalisant une partie de nos compatriotes.

Le chauffage au fioul concerne quatre millions de Français, dont 3,6 millions en milieu rural. Cette augmentation impacte lourdement leur pouvoir d'achat : il faut aujourd'hui dépenser 1 000 euros pour remplir une cuve de 1 000 litres alors qu'il en fallait 740 il y a un an, soit 260 euros de plus. En janvier, il faudra 33 euros de plus si la taxe augmente. Les salariés ruraux payés au SMIC utilisent leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail et effectuent souvent 30 à 40 km par trajet. La hausse de 25 % du gasoil impacte leur pouvoir d'achat, de même que les retraités, qui ont souvent des faibles revenus.

Le problème concerne également les professionnels, les PME et TPE, les agriculteurs utilisant des engins lourds fonctionnant au GNR et les transporteurs dont le bilan est déjà dans le rouge pour beaucoup et ce, malgré le taux réduit de TICPE.

La transition énergétique doit être raisonnée, permettant la poursuite de l'activité économique en milieu rural. Les plus fragiles ne peuvent changer de mode de chauffage ou de voiture, même avec des aides. En revanche, l'aide au remplacement des fenêtres par des doubles vitrages, utile, a été supprimée.

Écoutez l'angoisse des Français les moins favorisés et évitez une énième hausse des taxes en 2019. Ne faites pas du climat l'ennemi du pouvoir d'achat.

Selon le président de la République, il faut adapter les taxes au prix du pétrole, mais prévoyez un prix plafond.

Quelle est la position du Gouvernement sur l'augmentation de la taxe carbone en janvier 2019, l'augmentation de la taxation sur le GNR pour le BTP et le maintien de l'exonération de TICPE pour les entreprises de transport et les aides pour isoler les habitations ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La transition énergétique doit rester une priorité. Elle doit aussi être accompagnée pour ne pas obérer le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Le président de la République a souhaité un rendez-vous trimestriel pour adapter la hausse des taxes sur les carburants en fonction du prix du pétrole. Nous en examinerons les modalités dans le cadre du projet de loi de finances.

Des dispositifs spécifiques existent déjà pour le monde rural, en faveur des transports collectifs, des agriculteurs - avec un tarif réduit à la pompe : 480 millions d'euros seront restitués au secteur agricole.

La prime à la conversion bénéficiera à de nombreux ménages. Nous augmentons le nombre de bénéficiaires du chèque énergie, pour accompagner les plus modestes.

D'ici quelques minutes, le Premier ministre va s'exprimer pour annoncer des mesures afin que la transition énergétique et écologique soit réalisée dans les meilleures conditions.

M. Daniel Chasseing.  - Je souhaite que le Gouvernement mette un terme à l'augmentation des nouvelles taxes carbone et renforce le pouvoir d'achat des salariés et des retraités. Les familles ayant du mal à boucler leurs fins de mois l'attendent. Enfin, la France n'est responsable que de 0,6 % de la pollution mondiale.

Situation de l'entreprise Sandvik à Fondettes

M. Serge Babary .  - Le 23 octobre 2018, l'entreprise Sandvik Coromant a annoncé la fermeture en 2019 de son usine et du pôle recherche et développement situés à Fondettes, dans l'Indre-et-Loire, et par voie de conséquence le licenciement imminent de ses 161 salariés.

Ce territoire a déjà subi les fermetures des entreprises Michelin en 2014 et Tupperware en 2017. Les 161 salariés et leurs familles sont inquiets. Les premiers licenciements devraient intervenir en mai, en raison d'une surcapacité de production.

La décision de fermer le site de Fondettes est cependant difficilement acceptable pour les employés comme pour les élus. Le groupe suédois a en effet réalisé 9 milliards de chiffre d'affaires en 2017. En outre, cette entreprise a bénéficié depuis 2002 de plusieurs millions d'aides publiques pour permettre la poursuite de l'activité sur le site de Fondettes.

Spécialisés dans la fabrication de plaquettes pour l'industrie automobile, les employés de Sandvik ont des compétences pointues, sur un domaine très spécifique. Si nous ne pouvons agir sur le choix de cette entreprise d'abandonner l'usine située à Fondettes, il s'agit désormais de trouver rapidement un repreneur, qui devra maintenir l'expertise de recherche. La moyenne d'âge des employés est élevée, ils sont difficiles à reclasser.

Quelles mesures seront prises par le Gouvernement pour préserver l'outil de travail et le savoir-faire unique des salariés de cette usine ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le groupe Sandvik a annoncé la fermeture du site de Fondettes le mois dernier. Le Gouvernement suit ce dossier de près et a rencontré les élus du territoire et le personnel en octobre.

Le personnel de cette usine qui produit des outils d'usinage de haute technicité est très qualifié. Dès lors, nous concentrons tous nos efforts, en étroite association avec la métropole et les autres acteurs du territoire, sur la recherche d'un repreneur.

S'il ne nous appartient pas d'empêcher la réorganisation de Sandvik, nous ne laisserons pas ce grand groupe qui réalise 8,5 milliards de chiffre d'affaires ne pas mettre tous les moyens à sa disposition pour la recherche active d'un repreneur sur une durée suffisamment longue pour que cette recherche puisse aboutir. C'est ce que les services de Bercy ont dit de façon très ferme aux dirigeants qu'ils ont reçus à Bercy.

Nous avons déjà obtenu que Sandvik établisse et diffuse une liste des machines qui pourraient rester sur site et intéresser d'éventuels repreneurs. Un cabinet a également été mandaté par le groupe pour la recherche de repreneurs.

Par ailleurs, les acteurs publics - région, métropole, université - ont apporté d'importants financements dans le passé. Le maintien de l'unité de recherche et de ce laboratoire est une priorité absolue du Gouvernement et j'appelle Sandvik à prendre toutes ses responsabilités sur ce sujet également.

M. Serge Babary.  - Je suis satisfait de ces propos ; je m'associe à la démarche de tous les parlementaires. Les salariés, exemplaires, continuent à travailler malgré la pression.

Soutien à l'approvisionnement local en restauration collective

Mme Nathalie Delattre .  - En France, la commande publique représente 10 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, soit 200 milliards d'euros. Seulement 28 % de cette valeur revient aux petites et moyennes entreprises qui représentent 99 % des entreprises françaises. Le Gouvernement a présenté des axes stratégiques de réforme de la passation des marchés publics, pour doter les PME françaises d'un accès facilité à la commande publique.

Malheureusement, le projet d'élaboration de ce nouveau code semble se restreindre à une simple rationalisation des textes encadrant des dispositifs existants. Toutefois, trois mesures, doivent être relevées : le relèvement du taux minimal du montant des avances, la diminution du montant de la retenue de garantie et la réduction des retards de paiement.

Quand on se déplace sur le terrain et que l'on prend le temps d'écouter ceux qui font les marchés publics et ceux qui y répondent, ou souhaiteraient y répondre, on constate de lourdes rigidités, voire des blocages insurmontables. Ces obstacles vont à l'encontre des attentes de nos citoyens-consommateurs, demandeurs d'une économie circulaire de proximité, plus respectueuse de l'environnement, notamment pour les cantines scolaires et les repas livrés aux personnes âgées. La loi EGAlim fixe désormais un objectif de 50 % de « produits locaux ou de qualité » servis en restauration collective, dont 20 % de bio.

Pourquoi ne pas saisir ce code de la commande publique pour marquer notre soutien à une transition écologique orientée vers les circuits courts, vers un approvisionnement local des organismes de restauration collective, comme acté durant les États généraux de l'alimentation ?

Des acteurs de la restauration collective comme le SIVU de Bordeaux-Mérignac, plus grosse cuisine centrale de Nouvelle-Aquitaine, se heurte à la taille critique de ses 23 000 repas par jour, servis sur 200 sites.

Lorsque les marchés existent et que l'allotissement fonctionne, il faut s'assurer que les opérateurs locaux ont connaissance de ces marchés, et que nous les aidions à se structurer pour qu'ils soient en mesure d'y répondre.

Il est temps que la commande publique favorise une logique de projet territorialisée pour se faire l'outil de nos politiques de progrès, social et environnemental.

Allez-vous permettre aux PME agricoles de proximité d'accéder plus facilement aux marchés publics dès la création de ce nouveau code de la commande publique ? Il serait dommage de manquer ce rendez-vous.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - L'article 28 de la loi Sapin 2 précise que la codification de la commande publique, plus simple, doit se faire à droit constant. Les réformes visant à rendre la commande publique plus simple et plus attractive pour les PME, sont portées par d'autres vecteurs législatifs et réglementaires. Leurs dispositions seront consolidées dans le code de la commande publique qui entrera en vigueur le 1er avril 2019. Ces réformes comportent des mesures concrètes pour les acheteurs publics comme pour les entreprises, notamment l'augmentation de 5 à 20 % du montant des avances forfaitaires versées aux titulaires des marchés publics de l'État, la diminution de 5 % à 3 % du taux de retenue de garantie lorsqu'elle doit être constituée dans les marchés de travaux, l'obligation de prévoir des prix révisables pour éviter de faire supporter par les fournisseurs les aléas majeurs des conditions économiques, comme c'est le cas pour les matières premières agricoles, l'interdiction de la pratique des ordres de service à zéro euro, qui conduisait certaines collectivités à faire supporter des charges supplémentaires à leurs prestataires de travaux publics.

En matière d'accès des PME nationales à la commande publique, l'attribution des marchés publics sur la base d'un critère de préférence locale se heurterait aussi bien à la Constitution qu'au droit européen. Je vous renvoie à la décision du 26 juin 2003 du Conseil constitutionnel et à la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne.

Pour autant, le droit de la commande publique ne fait aucunement obstacle à la mise en oeuvre d'une politique responsable d'achats alimentaires, visant à acquérir des produits de qualité, segment sur lesquels nos agriculteurs sont particulièrement bien placés.

L'article 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics pose une obligation de principe d'allotir les marchés publics, afin de faciliter l'accès des PME à la commande publique.

Les articles 30 et 38 de la même ordonnance font obligation aux acheteurs, lorsqu'ils définissent leurs besoins, de prendre en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, et autorisent la prise en compte de ces considérations dans les conditions d'exécution d'un marché public, à condition que celles-ci soient liées à l'objet du marché.

Ainsi, la qualité des offres peut s'apprécier au regard de l'effort de réduction des transports dès lors que celui-ci a, par exemple, pour effet de limiter l'émission de gaz à effet de serre.

Par instruction du 28 juillet 2015, le Gouvernement a rappelé aux préfets qu'il appartenait à tous les acheteurs publics de s'assurer que les procédures de passation des marchés de la restauration collective utilisent les moyens mis à leur disposition par le droit de la commande publique afin de favoriser l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles.

Situation à Gaza

M. Gilbert Roger .  - Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la poursuite des tirs à balles réelles de l'armée israélienne contre les manifestants de Gaza, notamment depuis le début des marches du retour.

La diplomatie française a fait part de son inquiétude, en témoigne en particulier le discours du président de la République le 19 septembre 2018 devant l'assemblée générale des Nations unies.

Malgré ces déclarations réprouvant l'usage disproportionné de la force par l'armée israélienne, les tirs mortels et mutilants par armes de guerre continuent. Des organisations non gouvernementales importantes, dont Médecins sans frontières, soupçonnent l'utilisation de munitions non conventionnelles, particulièrement mutilantes, notamment sur les membres inférieurs. Ces faits d'une extrême gravité imposent des mesures d'urgence de la part du gouvernement français.

Les Territoires palestiniens, dont la bande de Gaza, sont sous occupation militaire, et Israël doit, comme l'a indiqué en 2004 la Cour internationale de justice, se conformer à la quatrième convention de Genève prohibant notamment les homicides intentionnels à l'endroit des populations civiles.

La France est-elle prête à soutenir au plus haut niveau la constitution d'une commission internationale d'enquête ? À demander la suspension de toute coopération militaire tant que la lumière n'a pas été faite sur les tirs israéliens, ainsi qu'un embargo sur les échanges d'armes, de composants et de technologies ? Enfin, la France est-elle prête à soutenir la procédure de la Cour pénale internationale pour passer du stade de l'examen préliminaire à une instruction en bonne et due forme pour les crimes de guerre commis en Palestine et notamment à Gaza ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Depuis le 30 mars, le bilan de la Marche du retour est lourd : 180 morts, 19 000 blessés dont plus de 5 000 par balles.

Le président de la République a rappelé auprès de Mahmoud Abbas, et Benyamin Netanyahou le droit à manifester, et condamné les tirs indiscriminés contre des civils mais aussi insisté pour que les manifestations demeurent pacifiques ; il a également rappelé l'attachement de la France à la sécurité d'Israël et condamné les tirs de roquettes revendiquées par le Hamas. La France considère le Hamas comme une organisation terroriste puisqu'il a été inscrit comme tel sur la liste de l'Union européenne.

La France est mobilisée aux Nations unies où une résolution sur les tirs de roquette est en discussion. Elle a soutenu la résolution pour la protection des civiles à Gaza le 13 juin 2018. Elle a enfin soutenu la création d'une commission d'enquête indépendante et internationale sur les violences dans les territoires politiques. Le rapport écrit sera rendu en mars 2019.

Nous sommes aussi engagés dans l'aide humanitaire. La France a accordé un don à l'hôpital militaire jordanien de Gaza, de quelque 600 000 euros.

La France appelle à la levée du blocus - et reste pleinement engagée dans les valeurs du processus de paix pour une solution à deux États.

Rôle de la France dans la lutte contre le braconnage des éléphants d'Afrique

M. Arnaud Bazin .  - Le commerce légal de l'ivoire dans l'Union européenne (UE) favorise le braconnage. En servant de couverture au commerce illicite, les exportations légales à partir de l'UE contribuent à alimenter la demande dans les pays consommateurs d'Asie du sud-est.

Notre pays a interdit le commerce d'ivoire brut et restreint le commerce d'ivoire travaillé sur son territoire par l'arrêté du 16 août 2016 relatif à l'interdiction du commerce de l'ivoire d'éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire national. Mais le contrôle du respect de cet arrêté est très difficile puisque différents ivoires sont commercialisables - on distingue les ivoires d'avant 1947, entre cette date et 1990, et les ivoires plus récents.

En 2017, la Commission européenne a publié un document d'orientation recommandant la suspension des (ré)exportations d'ivoire brut. Toutefois, l'Union européenne devrait adopter de manière urgente une interdiction globale et juridiquement contraignante de toute importation, exportation et vente domestique d'ivoire, pour ne pas favoriser le commerce illicite, responsable de l'extinction des éléphants africains.

Quelles actions complémentaires la France pourrait-elle mener pour se positionner durablement comme l'une des voix européennes influentes, alors que des discussions au sein du conseil environnement de l'UE aux côtés du Royaume-Uni préconisent une interdiction contraignante du commerce d'ivoire brut dans l'espace européen ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le constat est sans appel : le braconnage continue de menacer les éléphants d'Afrique. C'est intolérable et criminel.

Lors de la Conférence des Parties de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) de septembre 2016, la France a été le seul État européen, avec le Luxembourg, à demander l'interdiction du commerce d'ivoire et le classement des éléphants d'Afrique comme espèce menacée. En janvier 2015, elle a interdit la réexportation de l'ivoire brut, puis le commerce intérieur et le plan d'action national pour la biodiversité, publié le 4 juillet dernier, prévoit dans son action 63 que la France portera au niveau international la fermeture des marchés intérieurs à l'ivoire.

Effectivement, nous devons faire plus. En 2018, le Royaume-Uni et la France ont appelé les autres pays membres à fermer leurs marchés à l'ivoire brut. La France déploie sa lutte contre le commerce d'espèces sauvages via les Nations unies, le fonds pour les éléphants d'Afrique, Interpol, la Banque mondiale et l'organisation mondiale des douanes.

M. Arnaud Bazin.  - Il y avait 20 millions d'éléphants d'Afrique à la du fin XIXe siècle ; il en reste 300 000 aujourd'hui. Le trafic d'ivoire est en effet criminel et intolérable ; il est alimenté par des réseaux criminels internationaux il rapporte beaucoup et coûte très peu sur le plan pénal. L'Europe doit frapper un grand coup. Vous pouvez compter sur notre soutien dans cette lutte !

Continuité écologique

Mme Élisabeth Doineau .  - Je souhaite vous alerter sur les problèmes posés par l'application stricte de la directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. En application de cette directive-cadre sur l'eau, les décisions préfectorales conduisent trop souvent à la destruction de sites, sans étude d'impact et, le plus souvent, sans avis des conseils départementaux.

Or les retenues et réservoirs, les canaux et les biefs sont considérés comme zones humides dans la convention de Ramsar. Ils répondent également à la définition de zones humides dans la loi française. Pourtant, les opérations de continuité écologique se déroulent sans inventaire complet de la biodiversité de ces zones humides et, par conséquent, sans évaluation du bilan global et de l'impact sur les oiseaux, amphibiens et végétaux.

L'énergie hydro-électrique est, parmi les énergies renouvelables, la plus propre et la moins coûteuse. Il y a un potentiel de croissance important. Dans une logique économique et écologique, l'équipement des sites existants serait préférable à la destruction de tous les ouvrages au nom de la continuité écologique.

Pensez-vous faire évoluer les pratiques pour que l'ensemble du vivant aquatique soit pris en considération dans les opérations impactant le milieu et comment simplifierez-vous la conduite des projets hydro-électriques pour garantir que les nécessaires mesures de protection écologique restent proportionnées aux impacts observés ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La conciliation des enjeux écologiques et énergétiques est possible - c'est justement l'objectif des politiques menées par le ministère.

La restauration du bon état des cours d'eau est nécessaire à la biodiversité ; pour l'hydro-énergie déjà bien exploitée en France, il convient avant tout d'optimiser l'existant : équiper les ouvrages de turbines adaptées, décloisonner les rivières, restaurer les habitats naturels.

Le Comité national de l'eau a associé toutes les parties prenantes pour une mise en place apaisée de la continuité écologique.

Des documents d'accompagnement sont prévus pour mettre en avant toutes les solutions au cas par cas.

Le Convention de Ramsar définit très largement les zones humides : elle n'est donc pas en contradiction avec la politique que nous menons.

Mme Élisabeth Doineau.  - Vos propos sont rassurants. L'hydro-électricité est une source majeure d'énergie propre. La directive ne tenait pas assez compte de la nature. Nos anciens ont fait des ouvrages en observant la nature, il serait dommage de détruire tout ce patrimoine qui est le plus souvent tout à fait respectueux de l'environnement.

Répercussions des lâchers de ballons sur l'environnement

Mme Catherine Deroche .  - Les manifestations sur la voie publique, au cours desquelles des lâchers de ballons peuvent avoir lieu, sont soumises à déclaration préalable conformément aux dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. En application de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, seul le préfet est compétent pour prendre un arrêté d'interdiction de lâcher de ballons dans le cadre d'une mesure relative au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques.

Aucun texte législatif ou réglementaire ne fonde expressément l'autorité administrative à interdire de façon générale et absolue le lâcher de ballons, ni à le soumettre à un quelconque régime d'autorisation préalable. Pourtant, selon le programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP), les ballons font partie des dix premiers déchets récréatifs retrouvés sur le littoral. Les débris de ballon sont ingérés par les dauphins, les tortues ou les oiseaux, entraînant une obstruction de leur appareil digestif, et donc leur mort inéluctable. Au mieux, ils s'accumulent sous formes de micro-déchets dans les organismes de nombreuses espèces, ou polluent purement et simplement les mers.

En France, les lâchers de ballons sont réglementés par certaines préfectures. En Ille-et-Vilaine, l'arrêté du 21 novembre 2014 interdit les lâchers dans les communes classées Natura 2000, dans les communes littorales et les communes particulièrement exposées aux feux de forêts, ces ballons pouvant se retrouver ensuite dans les massifs ou le milieu marin et constituer des déchets éventuellement nocifs pour la faune et la flore. À Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Bouches-du-Rhône, les préfets ont aussi pris des interdictions de lâchers de ballons liées à des considérations environnementales.

Il semble nécessaire de limiter la pratique du lâcher de ballons, voire de l'interdire, pour que leurs débris ne nuisent plus à l'environnement ni aux animaux marins. Les matières plastiques représentent aujourd'hui 85 % des déchets trouvés sur les plages à travers le monde.

Le Gouvernement entend-il interdire des lâchers de ballons récréatifs dans les départements littoraux, y compris dans l'outre-mer ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Madame la sénatrice, vous osez briser un tabou. Les débris de ballons défigurent nos paysages et mettent en danger la flore et la faune, dégradant irréversiblement la biodiversité.

Le ministre veut réduire les déchets de plastique. La France a contribué au projet de directive européenne sur le plastique à usage unique. Cela est cohérent avec notre ambition de promouvoir l'économie circulaire. C'est sur terre et non seulement sur mer qu'il faut lutter contre ces déchets. Nous prévoyons un marquage obligatoire et entendons faire participer les fabricants aux coûts de la gestion des déchets.

Nous envisageons d'interdire les lâchers de ballons en plastique à but récréatif.

Mme Catherine Deroche.  - Certains États comme l'Australie et les États-Unis ont pris des mesures. Il faut interdire totalement les lâchers.

Liberté de circulation des Lorrains

M. Jean-Marc Todeschini .  - À côté de la partie visible des causes de la colère actuelle - taxes sur le diesel, suppression de l'ISF -, d'autres causes sont moins visibles et tout aussi quotidiennes. Il en va ainsi de l'enclavement croissant de la Lorraine à la suite des récentes décisions et annonces du Gouvernement.

Historiquement, la Lorraine doit à sa position géographique d'être depuis l'Antiquité un espace d'échange et de passage entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud. Or les réseaux de transports sont de moins en moins adaptés à l'augmentation des flux et aux mutations profondes de leur nature, auxquelles il faut ajouter l'impérieuse nécessité d'une prise en compte de la transition écologique. Si les Lorrains saluent la LGV de Paris à Strasbourg, ils s'inquiètent des récentes informations dans ce domaine. Le renoncement au projet de liaison fluviale Moselle-Saône fait perdre l'occasion d'une avancée environnementale qui aurait évité de nombreux camions sur les routes de l'Est de la France. La suppression de la ligne ferroviaire directe entre Metz et Nice contraindra les Lorrains à passer par Paris ou Strasbourg, c'est-à-dire souvent à privilégier la voiture, là où ils pouvaient limiter ce mode de transport et l'impact environnemental de leur déplacement.

À cela s'ajoute la décision incohérente et rude pour le porte-monnaie des travailleurs transfrontaliers de mise en place d'un péage sur le futur axe de l'A31 bis. Près de 100 000 Lorrains passent quotidiennement la frontière luxembourgeoise pour se rendre à leur travail. Sans résoudre ni la problématique de l'encombrement de cet axe puisque le nouveau tracé débouchera sur un entonnoir, ni la question environnementale, le Gouvernement entend en plus le rendre payant pour tous sans distinction entre les transporteurs poids lourds, les travailleurs transfrontaliers et les utilisateurs occasionnels. C'est une attaque supplémentaire contre le pouvoir d'achat.

Au total, les Lorrains ont le sentiment que le Gouvernement va à rebours de l'histoire et de la géographie de cette région pour finalement enclaver un peu plus un espace territorial déjà marqué par les transformations rapides de son tissu économique. Quelles sont les intentions du Gouvernement et de la SNCF ?

Quelles mesures entend-il prendre afin de renforcer la position stratégique de la Lorraine au coeur de l'Europe et de permettre aux Lorrains de se déplacer librement dans le respect de l'environnement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le coût du canal Moselle-Saône est trop élevé, hors de portée de nos finances publiques, même avec des aides européennes, pour une rentabilité incertaine - c'est pourquoi il ne figure pas dans le dernier conseil d'orientation des infrastructures.

Le pôle multimodal Lyon-Part Dieu connaîtra des travaux jusqu'en 2023. C'est pourquoi les liaisons ont changé. La SNCF a supprimé certains TGV ; la ligne Metz-Nice sera supprimée en 2019 mais la SNCF a proposé deux solutions de substitution. Un TGV partira depuis Nancy pour prolonger la liaison jusqu'à Nice ; le Montpellier-Strasbourg sera lui aussi prolongé jusqu'à Metz.

Sur le secteur Nord du projet A31 bis, le débat public a montré la nécessité d'un contournement de Thionville en tracé neuf, parallèlement à l'élargissement de l'A31 ; d'où le péage pour financer les travaux, décidé par le précédent Gouvernement.

Les transports en commun bénéficieront d'une voie réservée entre Thionville et la frontière pour la mise en place d'une offre de service performante. L'A31 bis fera l'objet d'une pleine concertation.

Qualité du système électrique français et mobilisation de l'effacement

M. Jean-Pierre Vial .  - La qualité du système électrique français a toujours été reconnue. Néanmoins, la presse spécialisée a récemment souligné sa fragilité en période de pointe et les risques de rupture qui prévalent actuellement. Cette situation expose trois paradoxes. D'abord, ce risque a augmenté malgré une baisse de la consommation essentiellement due à un déclin de l'industrie. Ensuite ce risque continue d'augmenter en dépit de la mise en place des mécanismes de capacité et d'effacement. Enfin, les solutions les plus rapides et efficaces à mettre en oeuvre d'un point de vue environnemental, grâce à l'optimisation de la consommation et en particulier de l'effacement, restent marginales.

Le ministre de l'industrie lui-même s'était félicité à la sortie de l'hiver 2016, en se rendant sur un site industriel, du rôle joué par l'effacement dans le système électrique.

Deux ans plus tard, les objectifs sont très loin d'être atteints. Non seulement l'objectif de 5 GW inscrit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est loin d'être atteint, mais le volume de 1 500 MW en 2016 devrait diminuer de moitié en 2018, du fait de la diminution du budget avoisinant les 20 millions d'euros, avec par conséquent la baisse du volume d'effacement - alors que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) reconnaissait elle-même que, sans une rémunération comprise entre 30 000 euros et 60 000 euros par MW et par an, l'objectif de la PPE ne pouvait pas être atteint.

Pour assurer sa sécurité d'approvisionnement, la France abandonne progressivement la seule solution économique et écologique dans un délai court au profit d'outils thermiques fortement émetteurs de CO2 et dont les émissions globales croissent de plus d'un million de tonnes par an.

Cette démarche se trouve à contre-courant de nos voisins européens, qui mobilisent un volume d'effacement compris entre 1 500 et 3 000 MW, sans parler des grands États américains qui, avec des politiques plus anciennes et plus volontaristes, mobilisent jusqu'à 10 000 MW.

Lors de sa prise de fonctions, en septembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a souligné à quel point, selon lui, l'écologie et l'économie pouvaient et devaient se conjuguer.

Le Gouvernement est-il prêt à répondre à l'appel des industriels dont certains voient la mobilisation de l'effacement comme un élément économique de survie ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La sécurité de l'approvisionnement est une priorité du Gouvernement, elle guidera la transformation du système électrique que nous voulons accomplir. Le président de la République l'a rappelé récemment.

Oui, les consommateurs ont un rôle à jouer, en particulier les industriels - d'abord en améliorant l'efficacité de l'utilisation de l'énergie, grâce aux certificats d'économie d'énergie, et en consommant mieux.

La France est pionnière dans l'effacement : selon RTE, près de 37 GW de capacité ont été effacés. L'appel d'offres Effacement, négocié avec la Commission européenne, a été lancé cette année. L'effacement sera simplifié et amélioré. Enfin, le dispositif d'interruptiblité mis en place par l'État concourt à la sécurité d'approvisionnement. Le gestionnaire du réseau peut interrompre la fourniture d'électricité pour favoriser la sécurité d'approvisionnement des industriels.

Les industriels auront ainsi tout le rôle qu'ils méritent dans la transformation électrique.

Réutilisation des eaux usées pour l'irrigation des cultures

Mme Françoise Laborde .  - Le déficit hydrique en France pourrait se chiffrer en milliards de mètres cubes d'ici à 2050. Une piste explorée consiste à réutiliser les eaux usées avec des rendements encourageants, mais aucune étude n'a été menée sur les résidus médicamenteux. Or il n'y a aucune obligation en la matière - l'académie nationale de pharmacie nous alerte, les cahiers des charges des stations d'épuration ne garantissent pas contre la présence de tels résidus dans le tout-à-l'égout.

Les eaux usées des hôpitaux, par exemple, contiennent des résidus d'antidépresseurs, antidouleurs, avec de possibles effets cocktail.

Avant de réutiliser les eaux usées dans l'agriculture, il faut appliquer un principe de précaution pour les rejets des stations d'épuration, ou bien on risque de contaminer la chaîne alimentaire : quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La question, je le sais, vous tient beaucoup à coeur et elle est primordiale pour le Gouvernement.

La réglementation européenne et française prévoit que le traitement des eaux usées urbaines doit réduire la pollution, organique, azotée et phosphorée, donc éliminer les résidus médicamenteux.

Mais la priorité est de réduire la pollution en amont, objectif du plan Micropolluants. Une note technique du 10 août 2016 demande aux collectivités territoriales de rechercher les micropolluants, identifier la source amont et engager des démarches pour réduire les micropolluants dans les eaux usées. Des obligations supplémentaires s'appliquent pour l'emploi des eaux d'arrosage pour les espaces verts ou l'agriculture. Des évaluations sont réalisées par l'Anses. La France est l'un des cinq pays européens à disposer d'une réglementation en la matière. Le projet de règlement européen a vocation à harmoniser les règles d'utilisation des eaux d'irrigation agricole.

Ces mesures ne se substituent pas, bien sûr, à la nécessaire sobriété dans l'utilisation de l'eau.

Mme Françoise Laborde.  - Je vous remercie, et resterai vigilante sur ce sujet. Il convient aussi de s'attaquer aux résidus médicamenteux en plus des pollutions phosphorées et azotées.

Lutte contre les décharges sauvages

Mme Viviane Malet .  - Dans chaque commune d'outre-mer, nous rencontrons des décharges sauvages, témoignage d'un réel incivisme. Cela a des conséquences en matière de sécurité car la voie publique est encombrée, et surtout en matière de salubrité : le dépôt de déchets non réglementaires est nocif pour l'environnement ; à La Réunion, cela entraîne la multiplication de gites larvaires en période pré-endémique de dengue conduisant à des pollutions au plomb susceptibles de provoquer des cas de saturnisme.

Or le montant des amendes forfaitaires des contraventions de deuxième et troisième classes n'est pas dissuasif : 35 euros pour l'amende forfaitaire des contraventions de deuxième classe, 68 euros pour la troisième classe, c'est dérisoire par rapport aux coûts de la gestion des déchets revenant à la collectivité, mais aussi et surtout aux préjudices environnementaux, sociaux et économiques ainsi qu'aux risques pour la santé et la sécurité.

Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il de passer au maximum de la peine d'amende encourue, ou bien de surclasser les infractions - ce qui ferait passer les amendes à 68 et 135 euros ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Ces dépôts sauvages sont polluants, ils gênent les riverains, et ils relèvent parfois de la délinquance organisée : le Gouvernement prend cette question très au sérieux.

Nous avons engagé quatre chantiers dans le cadre de la feuille de route de l'économie circulaire : mieux connaître ces pratiques pour les prévenir et identifier les bonnes pratiques ; prendre des mesures efficaces de lutte - les services des ministères y travaillent ; élaborer un guide pratique à destination des maires pour lutter contre le fléau ; enfin, envisager une reprise gratuite des déchets du bâtiment, qui sont les déchets les plus gênants et fréquents.

Le montant maximum de l'amende est déjà mis en oeuvre. L'agent constatant le dépôt sauvage peut soit demander une amende forfaitaire pour les contraventions des quatre premières classes, minorée, soit adresser un procès-verbal au juge. Dans ce cas, le contrevenant risque l'amende maximale. Depuis le 1er janvier 2017, le montant des amendes forfaitaires conte les personnes morales est cinq fois plus élevé.

Vous voyez que nous ne négligeons aucune piste.

Ligne Caen-Alençon-Le Mans

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - La ligne TER Le Mans-Alençon est l'exemple criant des manquements actuels du système ferroviaire français.

Son état de vétusté inquiétant est tel que les TER ne dépassent pas les 60 km/h, au lieu de 140 km/h, sur plusieurs portions entre Le Mans et Alençon, ce qui entraîne un allongement conséquent du temps de parcours. Les derniers travaux sur cette ligne datent de 1975 !

Le rapport sur l'avenir du transport ferroviaire, remis le 15 février 2018, l'avait d'ailleurs classée au niveau 7 et le rapport du comité d'orientation des infrastructures préconisait une particulière vigilance sur ce tronçon, que SNCF réseau pourrait ne plus exploiter à horizon 2023 si aucune amélioration n'intervenait entre-temps.

Cela serait calamiteux et insensé au vu du bassin de vie que représente Le Mans, qui alimente Alençon. Cette ligne qui relie quatre chefs-lieux de départements et trois régions est donc essentielle au développement des territoires mais aussi au bien-être de leurs habitants.

Une demande expresse de financement d'urgence pour un montant de 3 millions d'euros a d'ailleurs été adressée au Gouvernement par la région Pays de la Loire.

Il est indispensable de garantir les engagements de l'État relatifs à cette ligne et plus particulièrement le calendrier de déblocage des 3 millions d'euros prévus en compensation de l'abandon du projet Notre-Dame-des-Landes. Tout retard ou report de paiement - il a été évoqué un report à 2021 - serait préjudiciable.

Il ne faut pas que la modernisation du réseau existant concernant les lignes du quotidien, et particulièrement les lignes TER, au bord de l'implosion, soit délaissée au profit des grands projets du type du Grand Paris Express (GPE) qui, on le sait, engloutira sur plusieurs dizaines d'années bon nombre d'investissements.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La ligne Caen-Alençon-Le Mans est une priorité du Gouvernement ; les besoins de remise à niveau de ce type de ligne, d'intérêt local et national, nécessitant des centaines de millions d'euros d'investissements, l'État sera aux côtés des collectivités dans le cadre des CPER, en cofinancement.

Le plus urgent sera traité via un concours de l'État. Les financements correspondants, qui ne sont pas dans le CPER, figureront dans le contrat d'avenir des Pays de la Loire - l'État s'est engagé à cet effort financier important dans le contexte d'abandon de l'aéroport de Notre-Dame des Landes.

Mais il faut aussi traiter le long terme. La ministre restera particulièrement vigilante sur ce dossier.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Je prends bonne note de ces bonnes intentions, mais nous attendons des actes, alors que les gilets jaunes bloquent les routes... N'attendez plus pour agir !

Réfection de l'A36 à hauteur de Burnhaupt-le-Bas

Mme Patricia Schillinger .  - J'attire votre attention sur les inondations fréquentes sur l'autoroute A 36 à hauteur de Burnhaupt-le-Bas. Depuis plusieurs années, des averses printanières particulièrement fortes ont inondé l'autoroute.

Les études menées par Artelia, mandatée par les autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) pour analyser les travaux à prévoir, ont montré que les conduites d'évacuation et doivent être élargies. Artelia propose, dans son rapport transmis à l'Arafer, d'élargir les conduites d'évacuation, de réaménager les fossés, de créer des ouvrages écrêteurs ainsi qu'un bassin de rétention.

Toutefois, l'Arafer, dans son avis du 14 juin 2017, a rejeté les propositions d'APRR et Artelia, motivant sa décision par un manque de justification des dépenses.

Or, en juin 2018, l'A36 a de nouveau été lourdement inondée à hauteur de Burnhaupt-le-Bas.

La préfecture du Haut-Rhin a interpellé APRR dans un courrier en date du 17 aout 2018, lui transmettant un dossier complémentaire qui prend en compte l'intégralité du problème lié aux inondations. La sécurité des usagers de l'autoroute est en jeu, mais également celle des habitants de Burnhaupt-le-Bas.

La loi ne prévoit qu'une obligation d'aménagement des abords d'autoroute pour pallier les effets des pluies décennales. Or leur fréquence s'explique par le changement climatique. Ainsi, la commune a été classée trois fois en état de catastrophe naturelle suite aux inondations.

Malheureusement, APRR semble avoir prévu des aménagements a minima, ne justifiant pas une autorisation de travaux de l'Arafer. Or les épisodes climatiques des dernières années justifient un réaménagement profond des évacuations d'eau de l'A36 à hauteur de Burnhaupt-le-Bas.

Les élus locaux ne comprennent pas. Une solution sera-t-elle trouvée rapidement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je sais combien vous êtes investie sur la question. Ce projet devait faire partie du plan d'investissement autoroutier en 2016. Mais le Conseil d'État a estimé que l'opération relevait des obligations contractuelles du concessionnaire ; elle a donc été retirée de ce plan d'investissement.

Cela ne signifie en aucun cas que les travaux seront menés a minima, soyez-en assurée. La ministre sera vigilante à ce que la société APRR remplisse toutes ses obligations contractuelles.

Évolution des ports français et notamment bretons après la mise en oeuvre du Brexit

M. Michel Canevet .  - La France doit afficher une réelle ambition maritime. La Commission européenne est en train d'établir les futures relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Mais la Commission veut faire d'Anvers, Zeebruges et Rotterdam les principaux ports du commerce européen, ce qui inquiète Calais, Le Havre, Saint-Malo, Brest... lesquels assurent de nombreuses liaisons notamment entre l'Irlande et la Bretagne avec Brittany Ferries.

Dunkerque, Calais, Le Havre, Saint-Malo, Roscoff et Brest devraient faire valoir leur atout. Des compagnies assurent déjà le transit entre la Bretagne et l'Irlande.

La Commission européenne débloquera des fonds pour l'adaptation des ports à l'après-Brexit, nos ports doivent en profiter. Où en sont les négociations ? Ce dossier, je le sais, retient votre attention puisque la ministre a rencontré son homologue irlandais et que vous étiez l'assemblée générale des armateurs de France l'an dernier.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Cette question est fondamentale ; Mme Borne vous a indiqué que le Gouvernement était opposé à la modification du corridor RTE-T qui exclut les ports français. Cette hypothèse ne se réalisera qu'en cas de Brexit « dur ».

La France se prépare au Brexit, quelle que soit la forme qu'il prenne. D'où les plans de contingence que le Gouvernement a établis et le projet de loi d'habilitation, dont l'un des objets est de réduire les délais d'aménagement des infrastructures nécessaires dans certains ports. La préparation des ordonnances a débuté avec l'appui du coordonnateur interministériel et en lien avec les ports.

Concernant les financements, le Gouvernement a obtenu l'inclusion des ports dans l'appel à projets « Transports » du mécanisme d'interconnexion en Europe. Sont prévus 65 millions d'euros pour connecter et développer les ports maritimes du réseau global tels que Brest, Roscoff et Saint-Malo. Le 17 octobre, la ministre a invité les ports à formuler des propositions dans ce cadre car c'est tous ensemble que nous devons porter ce dossier. Elle s'est également rendue à Dublin le 23 novembre dernier pour défendre les ports français devant les autorités irlandaises.

Merci, monsieur le sénateur, de votre soutien. Combattons ensemble pour les ports français.

M. Michel Canevet.  - Les élus sont derrière le Gouvernement sur ce sujet.

Mobilités dans le Béarn et le Pays basque

M. Max Brisson .  - Le Conseil des ministres a adopté le projet de loi sur les mobilités le 26 novembre dernier, ce qui est resté relativement inaperçu compte tenu de l'actualité. Les plus de 2 milliards d'euros consacrés à la relance des petites lignes ferroviaires sont une excellente nouvelle. Il faut améliorer la ligne entre Bayonne et Saint-Jean-Pied-de-Port et achever la section Bedous-Canfranc de la ligne « Goya » qui relie Pau à Saragosse.

Pour la rénovation des routes nationales, 1 milliard d'euros est prévu. La RN 134, totalement inadaptée au trafic transfrontalier, doit absolument être prioritaire ; son niveau de sécurité est déplorable. La déviation Est d'Oloron est inscrite au contrat de plan mais rien n'avance.

La troisième traversée pyrénéenne souffre de la comparaison avec la partie aragonaise. L'améliorer participerait au désengorgement de Bordeaux. Nous ne pouvons plus supporter ces engagements non tenus, qui nous éloignent un peu plus chaque jour des grands centres urbains français et espagnols.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Depuis de nombreuses années, le gouvernement est mobilisé sur la RN 134. Il finance 60 % des 95 millions inscrits au CPER Nouvelle Aquitaine. En complément, 7,85 millions d'euros, financés à 75 % par l'État, sont programmés sur une enveloppe hors CPER.

Entre Pau et Oloron, l'État investit 11 millions d'euros pour la mise en sécurité de la section de dix km et des actions de préservation de l'environnement - traitement des eaux de chaussée et réduction des nuisances sonores. L'enquête d'utilité publique sera ouverte au début de l'année prochaine. Quant au projet de voie rapide, il est porté par le département qui en assume la responsabilité.

Dans l'actuel CPER, sont également prévus 7 millions d'euros pour la section comprise entre Oloron et la frontière espagnole. Les 77 millions d'euros pour la déviation d'Oloron-Sainte Marie sont financés à parité par l'État et le département. La déclaration d'utilité publique a été prorogée jusqu'en mars 2023. Des surcoûts importants sont attendus en raison des contraintes géotechniques du secteur. Quand ils seront fiabilisés, une discussion s'ouvrira entre l'État et les collectivités.

L'État est donc pleinement mobilisé pour la mobilité dans ce territoire que vous défendez si bien, monsieur le sénateur.

M. Max Brisson.  - Les retards font courir un risque de glissement des financements, de l'actuel CPER vers le nouveau.

Prolongement de la ligne 12 à Aubervilliers

M. Fabien Gay .  - La ligne 12 du métro parisien doit être prolongée jusqu'à Aubervilliers où deux nouvelles stations sont prévues : Aimé Césaire et Mairie d'Aubervilliers - Jack Ralite.

Le premier coup de pioche a été donné en 2012, l'ouverture des gares était prévue en 2017. Elle a été repoussée en 2018, puis en 2019 puis en 2021. Et encore, « hors aléas significatifs supplémentaires ». Des aléas, il y en a déjà eu beaucoup...

Aubervilliers est la seule ville de la proche banlieue à ne pas avoir de métro en centre-ville. Je salue d'ailleurs la présence de son maire en tribune.

En Seine-Saint-Denis, il faut toujours se mettre en colère pour faire respecter ses droits. C'est fatigant mais nous restons combatifs. Nous voulons des actes : un audit indépendant sur la date des travaux, des mesures compensatoires pour les retards, la gratuité de la navette 512 et la date définitive d'ouverture des gares.

Mme Éliane Assassi.  - Très bien !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser la ministre, sa porte vous est toujours ouverte. La mise en service des deux stations d'Aubervilliers a été reportée fin 2019 puis en décembre 2021. Cela s'explique par les difficultés techniques inhérentes aux travaux souterrains. La congélation des sols par saumure, nécessaire pour sécuriser le terrain en milieu urbain, a bien fonctionné pour la station Aimé Césaire mais elle a échoué pour la station Mairie d'Aubervilliers en raison de la circulation d'eau.

Je connais les impacts de ces retards sur le quotidien des riverains. Le Gouvernement et la RATP y sont très attentifs. La ministre compte sur Île-de-France Mobilités pour mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires afin de pallier le retard.

L'État, très attentif au développement des transports en Seine-Saint-Denis, y contribue à travers le CPER qui finance la modernisation du RER B, le prolongement du RER E ou le Grand Paris express.

M. Fabien Gay.  - Les habitants de Seine-Saint-Denis ont droit à l'égalité républicaine ! Avec Mme Assassi, nous prenons chaque jour la ligne B du RER. On peut vous le dire, c'est une catastrophe ! Nous ne voulons pas plus que les Parisiens, nous voulons le même accès aux transports pour un pass Navigo qu'on paie au même prix que les autres. (Mme Éliane Assassi applaudit.)

Hausse de la fiscalité sur les carburants et BTP

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - La suppression du taux réduit sur le gaz non routier entraînera une augmentation d'impôts de 700 millions d'euros pour la seule filière du BTP sur les 900 millions à 1 milliard d'euros attendus par le Gouvernement.

Les 122 entreprises de travaux publics des trois départements de Haute-Vienne, de la Creuse et de la Corrèze verront leurs marges baisser de 40 % à 60 %. Nous craignons une casse sociale : une baisse des rémunérations, voire des licenciements et une mise à mal de la formation.

Cette hausse brutale de la fiscalité est inacceptable, d'autant qu'elle s'appliquera aux contrats en cours et qu'il n'y a pas d'alternative au gazole pour les engins de chantier.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement a souhaité que la fiscalité pour le gazole non routier à destination des entreprises industrielles, des travaux publics et du bâtiment soit la même que celle des particuliers dès 2019.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre de notre politique écologique, dont les objectifs sont : orienter les investissements et pratiques vers des solutions moins polluantes, se substituer à d'autres impôts et taxes sur le travail et les entreprises, donner les moyens de financer les investissements pour la transition écologique, assurer une redistribution sociale et un accompagnement des acteurs les plus vulnérables.

Le Gouvernement a entendu les difficultés qu'elle causait. Dans ce budget, il a donc été décidé de permettre la distribution et la consommation de GNR au tarif du gazole pendant les premiers mois de l'année, de rendre possible la révision des contrats en cours et d'exonérer pendant un an le transport frigorifique.

Le Gouvernement étudie également la possibilité de mettre en place des dispositifs de suramortissement pour faciliter les investissements des entreprises de distribution de GNR et pour renouveler les équipements.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Ces professionnels ne sont pas sourds à la question écologique mais la mesure est brutale. Vous rendez-vous compte du surcoût que cela représente pour les entreprises et les collectivités territoriales qui sont des gros donneurs d'ordre ? Parviendra-t-on à mener, dans ces conditions, les travaux sur les réseaux d'eau et d'assainissement dont on sait l'importance pour l'environnement.

Sur cette question comme sur d'autres, le Gouvernement ferait bien d'écouter et de revoir sa copie.

La séance est suspendue à 12 h 50.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, le Premier ministre a indiqué au président du Sénat que le Gouvernement fera, en application de l'article 50-1 de la Constitution, une déclaration, suivie d'un débat, portant sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d'achat, jeudi 6 décembre 2018.

Acte est donné de cette demande.

La Conférence des présidents, réunie ce jour, a fixé à 14 h 30 l'heure de cette déclaration. Elle a en outre prévu d'ouvrir la séance du jeudi 6 décembre dès 9 h 30, au lieu de 10 h 30, pour l'examen des missions inscrites à l'ordre du jour et de reprendre leur examen à l'issue du débat sur la déclaration du Gouvernement.

Par ailleurs, le groupe Les Républicains, a demandé le retrait de l'ordre du jour du mardi 11 décembre 2018 de la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l'exercice des libertés ainsi qu'à la tenue des évènements et à l'exercice d'activités autorisés par la loi.

Acte est donné de cette demande.

Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019.

Seconde partie (Suite)

CULTURE

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les crédits de la mission « Culture » sont stables en 2019 : 3,1 milliards d'euros en AE et 2,9 milliards d'euros en CP, répartis entre les trois programmes.

Les crédits dédiés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques, hors grands projets, s'élèveront à 297 millions d'euros en CP, en augmentation de 4 millions par rapport à 2018. C'est d'abord la conséquence de la mise en oeuvre du fonds partenarial et incitatif en faveur des collectivités à faibles ressources financières créé en 2018, reconduit à hauteur de 15 millions d'euros en 2019 pour financer de nouvelles opérations dans les communes de moins de 2 000 habitants.

S'y ajoutent deux grands projets de restauration de monuments historiques : la rénovation du Grand Palais et celle du château de Villers-Cotterêts.

Le coût comme l'opportunité de la rénovation du Grand Palais a fait polémique. Malgré un montant incontestablement élevé, ce projet nous semble présenter de sérieuses garanties, d'autant qu'il n'y a guère d'alternative. Imagine-t-on une friche culturelle durable en plein Paris ?

Le Grand Palais n'a pas été rénové depuis sa construction en 1900, à l'exception de travaux réalisés sur la verrière au début des années 2000. D'importantes surfaces ne sont actuellement pas ouvertes au public car elles ne sont pas aux normes de sécurité. Ce projet permettra de mieux accueillir le public et d'élargir l'offre culturelle en réunissant le Grand Palais et le Palais de la découverte.

Le projet devant être achevé pour accueillir les Jeux olympiques de 2024, le Grand Palais sera fermé au public à compter de décembre 2020, et un Grand Palais éphémère sera implanté sur le Champ de mars. La structure sera reprise en 2023 par le comité Paris 2024, qui en partage les coûts. Les terrains aux abords du Grand Palais seront cédés par la Ville de Paris à l'État qui en affectera l'utilisation à la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (Rmn-GP). À cette fin, deux amendements ont été présentés par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Le premier autorise cette cession, le second en tire les conséquences sur le budget de la mission. Nous sommes favorables à cette opération.

Le chiffrage du projet s'élève à 466 millions d'euros : 150 millions d'euros d'emprunt, 25 millions de mécénat de Chanel, 8 millions de partenariats d'Universcience, 160 millions au titre des investissements d'avenir et, enfin, 118 millions de crédits budgétaires sur neuf ans pour ne pas pénaliser les autres monuments historiques.

Autre grand projet : la rénovation du Château de Villers-Cotterêts, choisi par le président de la République pour héberger un lieu dédié à la francophonie. Restauré et revalorisé, il aura vocation à devenir à la fois un site patrimonial attractif et un laboratoire de rencontre, d'expression et d'expérimentation autour de la langue française. La première tranche du projet est évaluée à 110 millions d'euros, dont 55 millions de crédits budgétaires, 30 millions au titre du grand emprunt et 25 millions de mécénat, avec un objectif de réalisation pour le printemps 2022. Le monument a été mis à la disposition du Centre des monuments nationaux (CMN) pour la mise en oeuvre du projet.

Le maintien des crédits en faveur de l'entretien et de la restauration des monuments historiques ne doit pas occulter le fait que de nombreux projets restent en attente de financement : le schéma directeur du centre Pompidou, l'extension du site des archives à Pierrefitte, la rénovation des toitures du Mont Saint-Michel ou de la façade du Panthéon.

Dans ce contexte, le loto du patrimoine qui s'est tenu en septembre dernier, dans le prolongement de la mission confiée à Stéphane Bern, constitue un outil utile de sensibilisation du public. Nous souhaitons qu'il soit pérennisé, de même que l'affectation des recettes fiscales afférentes. N'accréditons pas auprès des joueurs l'idée que leur mise est ponctionnée au bénéfice du budget général de l'État. D'où notre amendement exonérant ce jeu des prélèvements habituels sur les gains, que le Sénat a adopté à l'unanimité. Le Gouvernement entend-il le maintenir ? (M. Claude Kern approuve.)

En conclusion, compte tenu de la continuité des grandes orientations de la politique culturelle et du maintien, pour l'essentiel, des financements portés par la mission Culture, nous vous invitons à adopter ces crédits. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOCR ; M. Jérôme Bascher applaudit également.)

M. Julien Bargeton, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les crédits de la mission, à 3 milliards d'euros, ne représentent qu'une partie du financement public en faveur de la culture. Celui-ci s'élève à 10 milliards d'euros si l'on ajoute les dépenses fiscales, les taxes affectées, la contribution à l'audiovisuel public, le loto du patrimoine.

Cet effort est considérable mais cache des évolutions contrastées. Ainsi, on peut se féliciter de la fréquentation élevée des établissements culturels sur laquelle l'effet des évènements de samedi reste à évaluer. J'en profite pour saluer le personnel de l'Arc de Triomphe et du musée de l'Orangerie. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE)

Le ministère de la culture et ses opérateurs portent de nombreux projets immobiliers. Or leurs dotations sont stables, ce qui pourrait soulever des problèmes sur le long terme.

Les priorités fixées l'an dernier - accès à la culture pour tous, éducation artistique et culturelle - sont reconduites. Ainsi, 110 millions d'euros sont consacrés au plan 100 % EAC, pour assurer l'accès des jeunes scolarisés à ces actions.

La culture, c'est avant tout une espérance républicaine. C'est ce qui sous-tend le projet des orchestres Démos qui initie à la pratique musicale classique des enfants de 7 à 12 ans issus de quartiers politique de la ville ou de zones rurales éloignées, à travers la participation à un orchestre pendant trois ans. L'objectif est d'atteindre une soixantaine d'orchestres d'ici 2022.

En 2018, 5 millions d'euros étaient consacrés à la phase d'étude du Pass Culture. Avec l'entrée dans la phase d'expérimentation, on passe à 34 millions. Je note que plusieurs amendements sont gagés sur une baisse de ces crédits... L'expérimentation concernera 10 000 jeunes de cinq départements : Finistère, Guyane, Hérault, Bas-Rhin et Seine-Saint-Denis. En régime plein, jusqu'à 820 000 jeunes seraient concernés, pour un coût théorique de 400 millions d'euros par an.

Les CP du programme « Création » sont stables en 2019, ce qui permet de poursuivre l'aide aux réseaux de structures labellisées. Nous avons toutefois mesuré, lors d'un contrôle sur la gestion des crédits déconcentrés, l'interventionnisme de l'administration centrale. Des initiatives sont lancées pour donner aux DRAC de Bretagne et de Nouvelle-Aquitaine plus de liberté, notamment en mutualisant les fonds consacrés au soutien à la création et à l'éducation artistique et culturelle.

Le soutien de l'État à la création se conjugue avec les aides des collectivités territoriales, qui atteignent 30 % du total des financements publics. Le programme porte deux projets immobiliers d'envergure : la Cité du théâtre aux ateliers Berthier, qui vise à développer les tournées en province des grandes institutions culturelles, et le Centre national des arts plastiques à Pantin.

Les EPA qui ont la taille critique nécessaire seront être responsabilisés pour la gestion de leurs emplois - c'est le cas du CMN, du château de Versailles et du musée d'Orsay.

Enfin, reste à poursuivre le chantier de la revalorisation indemnitaire des fonctionnaires du ministère de la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - L'année 2018 marque un tournant positif dans la protection du patrimoine, après des années de baisse des crédits de l'État et de retrait des collectivités territoriales.

Je salue la création du fonds pour les monuments historiques dans les petites communes, qui incite les régions à s'impliquer. Responsable du patrimoine pour la région Grand Est, je sais le rôle de levier que joue l'apport de la région. Les difficultés des entreprises spécialisées dans les monuments historiques risquent de se traduire par une perte de savoir-faire irremplaçable !

En 2019, la revalorisation de l'enveloppe budgétaire et le loto du patrimoine comblent une partie du retard accumulé. La création d'un tel loto avait été préconisée par le Sénat mais écartée pour des raisons techniques ; je suis heureux qu'il ait finalement rencontré un tel succès ! Les 21 millions d'euros ont été débloqués ; je m'en réjouis.

Les besoins sont considérables : 2 000 sites en péril, 2,5 milliards d'euros nécessaires... Il faut compenser la disparition de la réserve parlementaire et l'effondrement des dons des particuliers, d'autant que les grands chantiers du Grand Palais et de Villers-Cotterêts risqueraient de mettre en péril le financement du petit patrimoine.

La commission de la culture a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Patrimoine ». (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis de la commission de la culture .  - Difficile de ne pas souscrire aux priorités de cette mission - équité territoriale, accès des jeunes à la culture, promotion de la diversité culturelle - tant la culture est vecteur de cohésion sociale en ces temps troublés. Notre commission plaide pour que l'on donne une traduction concrète aux droits culturels.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - Très bien !

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis.  - Ce budget manque un peu de lisibilité. Certaines priorités seront financées par des crédits dégagés en gestion au cours de l'exercice budgétaire ;  je pense à la création du Centre national de la musique (CNM) ou à l'indispensable revalorisation du statut d'enseignant des écoles d'art territoriales.

Je regrette le manque de précisions sur l'utilisation des 34 millions d'euros dédiés au Pass Culture, ce qui ne m'empêche pas de saluer la reprise en main du projet par le ministère. Gare à ce que cet outil ne profite pas seulement à quelques entreprises du numérique ou ne renforce les inégalités culturelles entre territoires.

Partenaires incontournables, les collectivités territoriales sont de plus en plus mises à contribution. C'est normal, mais le capage des dépenses à 1,2 % limite leurs marges de manoeuvre.

Notre commission de la culture entend jouer tout son rôle de contrôle de la mise en oeuvre de ces priorités budgétaires, afin de nous assurer que les actions entreprises servent bien à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière culturelle.

Faute de temps, je ne détaillerai pas les facteurs exogènes qui fragilisent le secteur culturel. La vigilance est de mise. Sous ces réserves, la commission est favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mmes Annick Billon et Françoise Laborde applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - J'entends la satisfaction quasi générale de nos rapporteurs devant la relative stabilité des crédits. Permettez-moi de tempérer ce contentement. Je crains en effet que le maintien des crédits de fonctionnement n'ait été obtenu qu'au prix d'une sous-évaluation ou d'un renoncement aux investissements nécessaires. Outre que les réserves de la Bibliothèque nationale de France seront saturées en 2023, nous n'avons aucun bilan des travaux de rénovation du site Richelieu...

MM. Éblé et Gattolin recommandaient, l'an passé, une extension dès 2023 du centre des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine afin de décharger le site de Fontainebleau, pour un montant évalué à 75 millions d'euros. Rien ne retrace cette programmation dans le PLF. Les crédits des archives diminuent même...

Je regrette aussi l'absence de financement du schéma directeur du Centre Pompidou ou de la rénovation des toitures du Mont Saint-Michel et de la façade du Panthéon.

Dans ces conditions, était-il raisonnable de se lancer dans la coûteuse restauration du château de Villers-Cotterêts pour y installer un centre de la francophonie, qui exigera des moyens de fonctionnement. Je partage l'ambition présidentielle d'une défense et illustration de la langue française, mais il serait regrettable qu'elles s'accompagnassent... (Exclamations d'admiration et applaudissements)... d'un repli de son usage au profit d'un sabir technocratique teinté d'anglicismes. Un quart de siècle après la loi Toubon, quel bilan des usages de la langue française dans les administrations, la science et l'entreprise ?

En matière de francophonie, soyons humbles. Le français est la cinquième langue la plus parlée au monde. En 2050, l'Afrique comptera 85 % des francophones ; le futur centre devra être ouvert à ces cultures. Dès lors, pourquoi annoncer une hausse des frais d'inscription pour les étudiants non communautaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

2019 verra le transfert de la gestion des emplois à trois opérateurs : le Centre des monuments nationaux, le domaine de Versailles et le musée d'Orsay. L'absence de compensation de la CSG et du glissement vieillesse technicité (GVT) aurait couté 2,2 millions à la BNF ; cela l'a contrainte à réduire ses effectifs, au risque de dégrader le service rendu. Je crains que ces transferts de personnel ne se fassent dans les mêmes conditions, avec les mêmes effets.

Une cinquantaine d'emplois seront transférés de l'administration centrale aux DRAC. Très bien ; mais on a amoindri les compétences des architectes des bâtiments de France (ABF), sous le regard passif du ministère, preuve qu'il faut une instance nationale qui assure l'homogénéité des modes de gestion du patrimoine sur tout le territoire.

Le groupe CRCE ne votera pas les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

Mme Françoise Laborde .  - La moitié des crédits du programme « Patrimoine » vont aux grandes institutions, notamment muséales, et à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Les chantiers du Grand Palais et de Villers-Cotterêts expliquent une hausse des autorisations d'engagement de 100 millions d'euros. Nous serons vigilants sur le calendrier et les financements.

Je me réjouis du succès du loto du patrimoine, mais attention au risque de rupture de confiance : sur une mise de 15 euros, seul 1,52 euro va au patrimoine ! Ainsi, seuls 21 millions des 200 millions collectés reviendront à la Fondation nationale du patrimoine. Ne serait-il pas plus efficace d'encourager les dons directs ?

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est doté de 1,2 milliard d'euros, en hausse de 2 millions par rapport à 2018. L'action en faveur de la démocratisation et de l'éducation artistique et culturelle voit ses crédits progresser de 17 %.

Le Pass Culture en est la mesure la plus emblématique. Son expérimentation mobilise 34 millions d'euros, sans que l'on connaisse la ventilation de cette somme. Son financement et les conditions de sa mise en oeuvre en 2022 n'ont pas été détaillés. On sait seulement qu'en régime plein, l'opération coûtera 400 millions d'euros par an. Nous serons vigilants à ce qu'il n'y ait pas de dérive des coûts ni détournement du dispositif.

Nous serons aussi attentifs à ce que le plan 100 % EAC atteigne sa cible en 2020, sachant que le nombre d'enfants ayant bénéficié d'une action subventionnée par le ministère a déjà doublé depuis 2016.

Le programme « Créations » est doté de 782 millions d'euros mais des signaux peu opportuns sont adressés à la filière. Ainsi, aucun crédit n'est inscrit pour le futur CNM. Il faudrait aussi rétablir le crédit d'impôt sur le spectacle vivant dans sa version initiale. (Mme Maryvonne Blondin approuve.) Enfin, la baisse des contrats aidés fragilise le secteur artistique.

S'agissant du mécénat, la Cour des comptes a récemment épinglé l'État pour sa gestion trop passive de la dépense fiscale : 44 % des crédits bénéficient à 24 très grosses entreprises. Il faut davantage encadrer le dispositif et contrôler les entreprises.

Les surcoûts liés aux frais de sécurisation du spectacle vivant sont un point d'inquiétude. Les 300 000 euros promis pour compenser la chute de fréquentation des cirques traditionnels n'ont toujours pas été versés...

Le groupe RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mmes Maryvonne Blondin et Claudine Kauffmann applaudissent également.)

Mme Sonia de la Provôté .  - Le budget 2019 de la mission « Culture » est certes stabilisé, mais au prix d'ajustements à la baisse sur les bourses, l'enseignement supérieur culturel ou le FONPEPS. Certaines dépenses prévisibles, comme le futur CNM, sont envisagées à partir de crédits de gestion qui échappent au contrôle parlementaire. Cela doit rester exceptionnel.

Les sommes consacrées au Pass Culture - 5 millions non dépensés en 2018, 34 millions prévus en 2019 - appellent une vigilance particulière. Le Pass culture peut être un outil de démocratisation et d'équité culturelle, comme il peut en être le fossoyeur !

Le CNM qui doit démarrer cette année peine à se créer ; les financements ne sont pas là. C'est pourquoi la commission de la culture propose un amendement lui transférant 5 millions d'euros.

Le plan Conservatoires, enfin, nécessite un vrai effort budgétaire. Ce sont des lieux de référence, de ressource et d'excellence.

Quelle place pour les arts visuels, qui concentrent moins de 10 % des crédits du programme 131, dans la politique culturelle ? Partout, la fréquentation des FRAC est en hausse. Les arts visuels jouent un rôle majeur dans les territoires. Pourtant, ils n'entrent pas dans l'enseignement artistique et culturel, le Conseil national des arts visuels n'est pas réuni. Les lieux alternatifs de création n'ont jamais été aussi nombreux, la vitalité artistique est réelle. Ces disciplines aussi ont besoin d'une feuille de route.

La déclinaison territoriale des politiques culturelles fait apparaître de grandes disparités. Les dépenses par habitant vont du simple au double selon les régions. Tous les territoires ne sont pas outillés pour répondre aux appels à projets portés par le ministère. C'est un facteur de discrimination...

La nouvelle contractualisation budgétaire et le plafonnement des dépenses des collectivités territoriales entrent en contradiction avec la demande croissante de l'État de co-construction des projets avec elles.

On note des incohérences dans les crédits destinés à la politique territoriale. Les crédits de l'action « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » baissent de 8,3millions d'euros alors qu'ils sont censés financer le plan Culture près de chez vous. Attention : la fracture culturelle est avant tout une fracture citoyenne.

L'éducation artistique et culturelle mobilise 198 millions d'euros. Il faudrait clarifier la répartition entre votre ministère et celui de l'Éducation nationale. L'éducation, c'est le chemin de la connaissance et de l'appétence pour la diversité culturelle, un outil pour faire des jeunes des citoyens éclairés.

Enfin, le patrimoine sort des années de disette, et je me félicite du succès du loto du patrimoine, mais aussi des journées du patrimoine. Je vous demande, monsieur le ministre, de considérer l'amendement de la commission des finances, voté à l'unanimité par le Sénat, qui flèche toutes les recettes du loto vers le patrimoine.

Le discours de l'État est en effet ambigu, on l'a vu sur le rôle dévolu à l'ABF dans la loi ELAN - d'autant plus regrettable que la politique patrimoniale est facteur d'attractivité, de lien social, de revitalisation du territoire.

Le fonds incitatif pour les petites communes est bienvenu, mais reste loin des besoins. Il manque un calendrier, une cartographie, alors que deux mille sites classés ou inscrits sont en péril. Les protéger coûterait 2,5 milliards d'euros. Et que dire du patrimoine non classé, à inventorier et hiérarchiser ?

Ce budget est plutôt positif mais doit s'accompagner d'une redistribution territoriale juste et efficace. Les territoires, voilà le vrai sujet ! Le groupe UC votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et SOCR)

Mme Colette Mélot .  - Parce qu'elle incarne notre identité et nos valeurs, qu'elle exprime une histoire personnelle autant qu'universelle, nous ne pouvons faire société sans culture. C'est le trait d'union, le lieu de rencontre entre les territoires, les générations, les civilisations.

Si les crédits de la mission « Culture » sont stables, le plafond d'emplois baisse de 59 ETP.

Le programme « Patrimoine » comprend deux grandes opérations, les rénovations du Grand Palais et du château de Villers-Cotterêts. Le loto du patrimoine a rapporté plus de 20 millions d'euros qui iront à la réhabilitation du patrimoine en péril via la Fondation du patrimoine.

Nous saluons la hausse des crédits de l'Opéra-Comique, fermé pendant les 22 mois de travaux de rénovation de la salle Favart ; la création de la Cité du théâtre aux ateliers Berthier apportera un nouveau souffle à la création théâtrale dans le quartier des Batignolles.

Les modalités pratiques du Pass Culture qui bénéficie de 34 millions d'euros sont encore floues et sa généralisation est incertaine. Son financement l'est encore plus, pourtant il a une vocation sociale. Monsieur le ministre, inspirez-vous de l'expérience italienne pour éviter les dérives possibles.

Le coût des mesures de sécurité pour le spectacle, avec 2 millions d'euros de crédits fléchés seulement, n'est pas entièrement compensé.

Contrairement à l'Allemagne ou aux États-Unis, la France n'a pas un réseau de mécènes et de collectionneurs suffisant pour permettre aux artistes français de vivre décemment de leur activité. Le seuil de versement de 10 000 euros pour faciliter le mécénat des PME est une avancée.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission, car permettre l'accès de tous à la culture est essentiel à une société inclusive. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Quel est le point commun entre le centre-ville historique de Colmar, le château de Suze-la-Rousse et le domaine de Chambord ? Leur appartenance à notre patrimoine culturel, à l'histoire de France. D'après un sondage de juin 2018, 75 % des Français estiment que son patrimoine culturel est le principal atout de la France. Le succès du loto est un bel exemple de leur attachement à sa sauvegarde.

À périmètre constant, les crédits du programme « Patrimoine » sont en légère baisse en CP. Pourtant le patrimoine est un enjeu culturel mais aussi économique et social : c'est un facteur d'attractivité, de réduction de la fracture territoriale, en particulier dans les zones rurales. Tous les acteurs, DRAC, ABF, collectivités territoriales, etc, doivent se mobiliser pour le protéger. On ne peut remettre en cause les capacités d'intervention des ABF comme l'a fait la loi ELAN ; c'est catastrophique, on revient à la situation d'avant Malraux.

J'espère que l'amendement exonérant le produit du loto du patrimoine de contribution fiscale, voté à l'unanimité par le Sénat, prospérera à l'Assemblée nationale. Nous nous réjouissons qu'il apporte 20 millions d'euros à la Fondation du patrimoine - mais attention à ce qu'il complète l'engagement de l'État et ne le remplace pas.

L'enveloppe destinée aux monuments historiques augmente de 3,8 %, après trois exercices en stagnation. Ce rattrapage sera-t-il suffisant, alors que 2 000 sites inscrits ou classés sont en péril ?

Les CP dédiés à l'archéologie progressent de 3,4 %. Depuis la budgétisation de la RAP en 2016, l'Inrap a rétabli sa situation financière mais son financement reste précaire.

Je déplore les baisses des crédits à destination des musées : moins 1,7 % pour les actions en région. Les musées de province en pâtiront alors qu'ils sont indispensables au développement touristique et économique, ainsi qu'à l'accès de tous à la culture.

Le budget du patrimoine est stabilisé mais est-il à la hauteur des enjeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Le Pass Culture se taille la part du lion dans ce budget. J'anime un groupe de travail sur ce sujet dans notre commission, qui travaille dans un esprit constructif et consensuel. La culture nous rassemble...

Le comité d'orientation créé par Françoise Nyssen manquait pour le moins de boussole ; il s'est réuni trois fois sans résultat.

La commission vous a auditionné le 14 novembre, monsieur le ministre, essayant d'y voir plus clair sur ce beau projet avant de voter ses crédits pour 2019.

Je vous remercie d'avoir permis à Éric Garandeau de pouvoir être auditionné sur la préfiguration du Pass Culture, alors que par deux fois, son audition avait été annulée auparavant. Certes, les ambitions sont élevées, mais la partie financière est bien floue, alors que la montée en puissance du dispositif semble devoir être plus rapide que prévue.

Nous avons une crainte : celle de déshabiller Paul pour habiller Jacques. C'est d'ailleurs la même interrogation pour le CNM. Faire des rentrées en musique, soit, mais sans musiciens, c'est plus compliqué.

Nous partageons votre volonté d'un égal accès de tous à la culture mais nous avons quelques craintes, notamment concernant la protection des données personnelles dans le cadre du Pass Culture.

Ces réserves dites, le groupe Les Républicains votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, de la commission ; M. le ministre applaudit également.)

M. André Gattolin .  - Le ministère de la culture fêtera bientôt son soixantième anniversaire. Rarement vieille dame n'a été aussi radieuse.

En 2018, le ministère de la culture est toujours là, à un cheveu de l'objectif de 1 % du budget global.

Nous, parlementaires, sommes toujours tentés d'exiger plus pour tel ou tel domaine culturel. Au fil des décennies, l'État est de moins en moins l'acteur dominant. Les collectivités territoriales jouent un rôle majeur et le privé, via le mécénat, n'est pas en reste. Si le Gouvernement a fait de la culture une priorité, c'est parce qu'elle est un outil de cohésion nationale, d'inclusion sociale et de lutte contre les disparités. La culture ne peut être intelligible que si elle s'adresse à toutes et à tous.

En revanche, nous avons failli dans un domaine : assurer l'accessibilité de tous à une culture de qualité. C'est la plus noble, mais la plus difficile mission à mettre en oeuvre. Mais c'est l'objectif qui est poursuivi, avec la hausse du budget de l'éducation artistique et culturelle doté de 200 millions d'euros, contre 119 en 2017, soit une hausse de 57 % en deux ans. Nous sommes également parvenus à une meilleure circulation des grandes oeuvres et des pièces des théâtres nationaux sur le territoire.

Par ailleurs, l'élargissement des horaires d'ouverture de nos bibliothèques et nos musées dépasse aujourd'hui le stade de l'expérimentation. Cette démocratisation de l'accès à la culture passe bien évidemment aussi par plus d'investissements de l'État dans nos territoires. Paris a trop longtemps été privilégié dans ce domaine et c'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'accroître sensiblement les crédits déconcentrés avec notamment le développement d'un fonds en faveur du patrimoine des communes de moins de 10 000 habitants.

Cette mission visant à un accès élargi aux richesses de notre culture passe par une plus grande équité territoriale, ce qui n'a pas été toujours le fort du ministère de la Culture par le passé.

Je me félicite de l'engagement budgétaire en faveur du lancement du projet de la Cité de la Francophonie à Villers-Cotterêts. La réhabilitation du château de Villers-Cotterêts pour en faire un lieu dédié à la langue française et à la francophonie est loin d'être un projet de portée uniquement symbolique. Il répond à la demande ancienne et au travail acharné de mobilisation en sa faveur de plusieurs associations locales que j'ai eu l'occasion de rencontrer. Enseignant depuis nombre d'années l'histoire des politiques culturelles, je peux vous garantir que les plus grands spécialistes de ce domaine s'accordent pour dire que l'ordonnance de Villers-Cotterêts prise en 1539...

M. Jean-François Husson.  - C'était hier !

M. André Gattolin.  - ... constitue l'acte fondateur de toutes les politiques publiques culturelles dans notre pays. Notre langue est et reste notre principal patrimoine commun. Elle mérite qu'on lui consacre un haut lieu dans ce pays, qui plus est hors de Paris, dans cette petite ville des Hauts-de-France.

Pour toutes ces raisons, le groupe LaREM votera avec un enthousiasme non feint les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Maryvonne Blondin .  - L'art est le plus court chemin de l'Homme à l'Homme, disait André Malraux. Comme l'a dit ma collègue Sylvie Robert, il faut développer les droits culturels.

Aussi, le budget de la mission « Culture » apparaît comme primordial.

Monsieur le ministre, je modérerai votre satisfaction. En euros constants, ce budget diminue. Le budget du programme « Création » est à peine maintenu tout comme ceux dédiés à la transmission du savoir et à la démocratisation culturelle.

Au sein du programme 224, l'action 1 dédié au soutien aux établissements d'enseignement supérieur baisse de 3,7 %. Aujourd'hui, cent établissements forment les artistes et créateurs de demain. L'action 8 dédiée au soutien à l'emploi dans le secteur culturel change de périmètre. La répartition de ses crédits est opaque. Les autorisations d'engagement ont chuté après seulement un an d'application du dispositif. Il nous manque des évaluations pour apprécier les politiques menées. Les arts visuels sont les grands oubliés de ce budget.

En outre, 18 millions compensent la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs. Ces crédits seront-ils pérennisés ?

La réforme de l'assurance chômage touchera les intermittents. Le secteur en sera fortement impacté.

Du fait de la circulaire Collomb, la sécurisation des lieux culturels et des festivals pèse lourdement sur l'équilibre financier de nombre de manifestations. Cela s'ajoute à la fin de la prise en charge des frais de sécurité par le fonds d'urgence. Les festivals doivent être soutenus financièrement par l'État.

Les crédits de l'éducation artistique et culturelle sont, eux, en augmentation.

Le Pass Culture est en phase d'expérimentation, notamment dans mon département, le Finistère. La sensibilisation à la culture ne saurait s'y réduire.

Le groupe socialiste votera ces crédits mais restera très vigilant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM)

Mme Catherine Dumas .  - Il n'est pas facile pour nous d'amender un texte paramétré par l'administration fiscale. En première partie, nous avons dû batailler pour présenter des amendements, notamment ceux sur les taxes affectées en faveur des filières de la mode, du cuir et des arts de la table.

Je connais l'intérêt du ministre pour la création et le patrimoine. Les métiers d'art sont importants pour notre pays. Ils offrent une palette de 281 activités. La France compte près de 40 000 entreprises métiers d'art, 60 000 professionnels. Ces structures, à 99 % très petites, sont fragiles et précieuses. Les crédits d'impôt en faveur des métiers d'art (CIMA) en leur faveur, en particulier, sont essentiels. Il faut valoriser les entreprises pour assurer leur pérennité, la transmission des savoirs et des ateliers.

Le patrimoine architectural, notamment parisien, est en mauvais état. Des crédits importants seront consacrés au Grand Palais. Mais quid de la façade du Panthéon, des arcs-boutants de Notre-Dame qui manquent de s'effondrer. Les monuments sont la vitrine de la France que 87 millions de touristes sont venus visiter l'an dernier.

Je fais appel solennellement à vous, monsieur le ministre, pour aider tous les artisans qui valorisent notre patrimoine. Alors que notre pays traverse une crise inédite et que l'Arc de Triomphe a été souillé, nous avons le devoir de défendre notre patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mmes Michèle Vullien et Françoise Férat applaudissent également.)

Mme Nicole Duranton .  - La politique culturelle doit se faire en collaboration entre État et collectivités territoriales. Bien que le budget de la mission, à 0,98 % du budget de l'État, soit sous le symbolique 1 % culture, il est relativement stable, à 3,1 milliards en AE et 2,9 milliards en CP. Je me réjouis de la part croissante accordée aux services déconcentrés, soit 30 millions de plus.

La culture tient une part importante dans notre économie mais aussi dans le rayonnement international de notre pays.

Ce budget, comme l'an dernier, met l'accent sur le programme 224. La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture seront donc le fer de lance de la politique du ministère avec la volonté d'offrir à tous un accès à la culture, notamment pour la jeunesse via l'école et par le Pass Culture. Attention toutefois à ce que les coûts importants d'un tel dispositif, ne se fassent pas au détriment du financement des actions traditionnelles en faveur de l'éducation artistique et culturelle. Ce dispositif ne doit pas accroître les inégalités entre territoires urbains et territoires ruraux.

Le succès du loto du patrimoine a sensibilisé le grand public à la sauvegarde du patrimoine à l'heure où nombre de bâtiments tombent en état de délabrement dans nos communes. 20 millions devraient être transférés à la Fondation du Patrimoine pour financer les 269 projets sélectionnés par la mission Bern. En espérant que les nouvelles éditions de ce Loto prévues en 2019 et en 2020 soient bien mises en oeuvre. Espérons également que la revalorisation de 5 millions d'euros de crédits déconcentrés inscrits pour les fouilles archéologiques en région permettra de ne pas ponctionner les crédits destinés initialement au patrimoine monumental.

Ces bonnes nouvelles ne doivent pas faire oublier quelques inquiétudes quant aux projets immobiliers du ministère de la culture et de ses opérateurs qui ne sont pas tous financés.

Je souligne également la baisse de 3,3 % des crédits alloués aux Musées et celle de 17 % concernant les Archives.

Je me réjouis de l'ouverture du nouveau programme d'action « Langue française et langues de France », doté de 3,2 millions, soit presque autant que le programme « Action culturelle internationale ». Car, comme le rappelait l'historien Hervé Luxardo, la langue française est aujourd'hui concurrencée sur trois fronts : les langues régionales, qu'il serait incohérent de combattre, les langues allogènes, qui commencent à s'installer dans certains quartiers, et affaiblissent le sentiment d'appartenance à la Nation. Enfin et surtout, l'anglicisme qui se voudrait décontracté et universel, coupant un peu plus la population de ses racines. Nommer en anglais ce qui a un nom en français n'améliore pas la qualité de ce que l'on nomme et c'est mépriser notre langue, notre culture.

Le budget alloué à la Culture reste stable et va dans le bon sens. Il est important de soutenir l'effort du ministère de la Culture dans sa démarche ; le groupe Les Républicains votera vos crédits. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - C'est un budget consolidé que je vous présente, dont les CP atteignent plus de 3,6 milliards hors pensions, en hausse de 7 millions d'euros.

Derrière les chiffres, il y a des ambitions, des convictions et même une vision du rôle de la culture, intégratrice et émancipatrice ; donc au coeur du projet de transformation de notre pays engagé par le Gouvernement, la culture est une réponse majeure aux fractures, aux cassures, aux divisions qui fragmentent notre société (M. Julien Bargeton, rapporteur spécial, approuve.) J'en suis persuadé.

La culture, c'est ce beau qui nous rassemble, qui nous relie, qui nous dépasse et nous aide à vivre. C'est aussi cette langue, notre langue, que nous utilisons.

Chaque Français doit pouvoir entrer en contact avec l'art et les artistes. La rencontre avec la culture est un droit pour chacun, qu'il habite en Mayenne ou à Cayenne (« Ah ! ») dans le Gard ou rue de Vaugirard. (« Oh ! »)

Nous remédierons à la relative faiblesse de notre politique culturelle sur nos territoires. En tant qu'élu local, il n'y a nul besoin de me convaincre de la complémentarité entre l'action de l'État et celle des collectivités territoriales. Il faut pour cela que les moyens soient gérés au plus proche des territoires. En deux ans, les moyens des DRAC auront progressé de 8 % et leurs effectifs seront sanctuarisés.

Notre politique en faveur du patrimoine va dans le même sens, où qu'il se trouve. C'est une formidable porte vers la culture. Ses crédits d'entretien et de restauration afférents seront portés à 326 millions d'euros en AE, afin de financer plus de 6 000 opérations en France et en outre-mer. Ce budget est dirigé à plus de 85 % vers des monuments en région. Le fonds en faveur des collectivités à faibles ressources augmentera en 2019. Il a permis de financer en 2018 plus de 150 opérations de restauration.

Le loto du patrimoine a suscité un véritable engouement de la part des Français, 20 millions d'euros nets reviendront ainsi à la Fondation du patrimoine. Nous accompagnerons cet élan porté par Stéphane Bern avec 21 millions d'euros supplémentaires, pour sauver les monuments en péril, avant de décider de pérenniser ou non ce loto. J'ai vu les résultats, j'ai entendu les souhaits de chacun. Le choix de l'abondement budgétaire mérite aussi d'être considéré. Je ne suis néanmoins pas favorable à l'amendement de M. Eblé prévoyant la suppression du versement d'une partie de la taxe au budget général.

Autre outil essentiel : le mécénat. Un quart des dons déclarés en 2017 bénéficient au patrimoine. Comme toute dépense fiscale, une évaluation s'impose ; pour autant, ne cassons pas cet outil essentiel.

Trop souvent, les artistes sont cantonnés dans les grandes villes. Nous aiderons donc les brassages et dynamiques territoriales au moyen du programme « Culture près de chez vous », doté de 6,5 millions d'euros, qui fait sortir les oeuvres des grandes villes.

Le soutien aux bibliothèques, aussi nombreuses que les bureaux de poste, premier réseau culturel de proximité, sera poursuivi pour ouvrir plus et mieux en concertation avec les collectivités territoriales, dont les élus sont les mieux à même de savoir quoi faire. Près de 265 bibliothèques sont déjà accompagnées dans l'extension de leurs horaires : six heures en plus par semaine en moyenne, en espérant aller plus loin. 2 millions sont mobilisés pour cet accompagnement.

Nous combattons les inégalités culturelles à la racine, à l'école, avec Jean-Michel Blanquer. L'éducation artistique et culturelle est un devoir de l'école de la République. Près de 145 millions d'euros, deux fois plus qu'en 2017, y seront consacrés en 2019.

J'ai entendu vos inquiétudes sur le Pass Culture. Il a été pensé comme levier des politiques territoriales de la culture. Nombre d'expériences sont déjà menées dans les régions. La première vague d'expérimentation débutera dans cinq départements en février auprès de 10 000 jeunes, sur la base du volontariat, puis davantage en cours d'année. 34 millions d'euros y seront consacrés en 2019. Je suis à la disposition des sénateurs qui le souhaitent dès la première quinzaine de janvier.

Les 99 établissements d'enseignement supérieur rattachés au ministère, qui accueillent plus de 37 000 étudiants, verront leurs moyens préservés et se verront affecter 15 millions d'euros de crédits d'investissement supplémentaires pour des opérations comme les écoles d'architecture de Marseille et de Toulouse ou le Conservatoire de Paris. Des dispositifs de bourses pour les étudiants étrangers seront déployés.

Nous devons aussi soutenir ceux qui font vivre la culture, à savoir les artistes. Les crédits affectés à la création seront sanctuarisés, et nous nous attacherons à favoriser l'émergence de nouveaux talents.

Notre politique facilite la diffusion des oeuvres ; 706 millions d'euros sont consacrés au spectacle vivant, 500 000 euros à des projets d'économie sociale et solidaire ; le soutien aux arts visuels sera accru pour atteindre 75 millions et le Centre national des arts visuels devrait être créé par décret très prochainement.

Le FNEP pour le spectacle sera prolongé au-delà de 2018. Il pourra être modulé à la hausse dès 2020, si nécessaire, pour pérenniser les emplois.

Le ministère aura à coeur de protéger les artistes-auteurs.

Les dépenses de sécurisation des sites et évènements culturels pèsent sur tous les acteurs : 2 millions d'euros seront pérennisés pour les accompagner, dans la continuité du fonds d'urgence créé en 2016. Je serai attentif au coût de mobilisation des forces de l'ordre pour les festivals.

Sur tous ces aspects, mon engagement sera total.

J'en viens aux questions.

Les premières dépenses consacrées au Grand Palais ne seront décaissées qu'à partir de 2021.

Le Centre national de la musique aura les moyens nécessaires à son fonctionnement, dès sa création.

Le dossier de Villers-Cotterêts avance. Le premier quadrilatère nécessitera 110 millions d'euros d'investissement ; les choses avancent bien avec le Centre des monuments nationaux, maître d'ouvrage.

Nous avons tous été choqués par les images du saccage de l'Arc de Triomphe : je me suis rendu sur place ainsi qu'au Jeu de paume, pour dire mon soutien au personnel, qui a été très choqué. Un accompagnement de 500 000 euros sera octroyé au CMN, avec un objectif de réouverture en début de semaine prochaine.

Ce n'est pas, à la veille du soixantième anniversaire du ministère, juste un budget de plus. Je vous informerai d'ailleurs en temps utile du déroulement des festivités auxquelles le Sénat sera associé. La culture, les Français méritent plus, et notre détermination est totale.

Je vous remercie de soutenir l'effort budgétaire du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et UC ; quelques applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains)

Examen des crédits de la mission et de l'article rattaché

Article 39

Mme la présidente.  - Amendement n°II-138, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Patrimoines

17 000 000

17 000 000

Création

17 000 000

17 000 000

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

dont titre 2

34 000 000

34 000 000

TOTAL

34 000 000

34 000 000

34 000 000

34 000 000

SOLDE

0

0

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement est quelque peu radical. Le dispositif du Pass Culture coûtera à terme 450 millions par an. J'ai démontré l'impasse budgétaire dans laquelle vous serez. On ne voit pas où cette somme pourra être trouvée.

Je pose donc la question : après les 5 millions du test, est-il raisonnable de dépenser 34 millions pour une expérimentation, sachant qu'il en faudra davantage ? N'est-il pas plus raisonnable d'arrêter maintenant et de prendre acte que le ministère n'a pas les moyens de l'ambition du président de la République ?

Mme la présidente.  - Amendement n°II-336, présenté par Mme S. Robert, au nom de la commission de la culture.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Patrimoines

Création

5 000 000

5 000 000

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

dont titre 2

5 000 000

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

Mme Sylvie Robert.  - Mon amendement va paraître petit bras à côté du précédent... Il ne porte que sur 5 millions !

Vous nous aviez assurés il y a peu, monsieur le ministre, pouvoir trouver 5 millions en gestion pour le CNM. Cette somme ne suffira pas de toute façon pour mettre à flot le centre national de la musique. Il ne s'agit pas de déshabiller Paul pour habiller Jacques ; retirer 5 millions sur les 34 millions prévus ne menacera pas l'expérimentation du Pass Culture et le monde de la musique a besoin de ce centre pour soutenir la diversité musicale. 10 millions, cela permettra de lancer le CNM qui a pour vocation de structurer la filière et de promouvoir la diversité musicale. (Mme Victoire Jasmin applaudit ; applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Julien Bargeton, rapporteur spécial.  - Avis défavorable à la suppression du Pass Culture. L'expérimentation est nécessaire. Ce dispositif concernera 10 000 jeunes de cinq départements : la Guyane, l'Hérault, la Seine-Saint-Denis, le Bas-Rhin et le Finistère. Les crédits ne sont pas pris dans d'autres programmes, ils sont nouveaux !

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial.  - L'amendement n°II-336, qui finance le CNM, est en effet moins radical. Sagesse.

M. Franck Riester, ministre.  - Il est important d'expérimenter. Le Pass Culture permettra à terme à tous les jeunes Français de profiter de l'offre culturelle de manière aisée, géolocalisée. C'est utile pour l'autonomisation culturelle - si j'ose dire - des jeunes !

Il y aura certes, peut-être, des bugs ou des biais ; c'est l'objet même d'une expérimentation. Il faudra sans doute des mises à jour, comme pour nos applications numériques ; c'est pourquoi nous lançons une version test, qui sera ensuite évaluée : atteint-on les jeunes les plus éloignés de la culture, réussit-on à articuler les offres, bref est-ce un dispositif utile ? Les 450 millions ne seront bien sûr pas tous à la charge de l'État : les capitaux privés seront également mis à contribution.

Avis défavorable à ces amendements, par conséquent. Le CNM est indispensable pour fédérer la filière et l'accompagner à l'export. Le centre sera financé en gestion en 2019 et par des crédits budgétaires en 2020.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Je soutiens l'amendement n°II-336 de la commission de la culture. Le CNM, vieux projet remis d'année en année, est très attendu par la filière. La musique est un puissant élément d'influence culturelle pour la France.

Mme Sonia de la Provôté.  - Le groupe UC soutient lui aussi cet amendement. Après tout, les crédits de gestion pourraient, en cours d'année, être abondés pour accompagner le Pass Culture - d'autant que les crédits de 2018 du Pass Culture n'ont pas été consommés. Rien ne permet d'affirmer que ce Pass nécessite 34 millions d'euros en 2019.

En revanche, la création du CNM a été préparée par une mobilisation de toute la filière. Nous avons davantage de certitude sur le coût de fonctionnement de cette structure, les 5 millions y seront tout à fait à leur place.

M. André Gattolin.  - Le groupe LaREM ne votera pas l'amendement. C'est l'État, non le milieu de la musique, qui a tergiversé - sous Nicolas Sarkozy notamment. (Protestations à droite) On a dit, il y a un an, la même chose sur le loto du patrimoine que sur le Pass Culture. Et maintenant tout le monde se réjouit de son succès !

M. Antoine Lefèvre.  - Le Pass Culture, ça ne rapportera !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - L'amendement n°II-336 a été voté à l'unanimité par la commission. Après l'excellent rapport Roch-Olivier de Maistre, le temps est venu de concrétiser le CNM, qui nous tient particulièrement à coeur.

M. Pierre Ouzoulias.  - Sur le Pass culture, nous partageons les intentions du ministre sur le Pass culture car elles sont généreuses ; le problème, c'est le financement. Une partie des 450 millions sera apportée, dites-vous, par les industries. J'en tremble ! J'ai quelques doutes sur la nature des entreprises qui, par le biais des téléphones portables, rempliront les poches des futurs utilisateurs du Pass. C'est pourquoi nous maintenons notre amendement et, s'il n'était pas adopté, voterons celui de la commission.

Mme Colette Mélot.  - Le groupe Les Indépendants ne votera pas favorablement à ces deux amendements. Quand les projets sont là, il faut les abonder et les laisser vivre.

L'amendement n°II-138 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-336 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-178 rectifié bis, présenté par Mme Dumas, MM. Bonhomme, Brisson, Charon, Decool, B. Fournier, Houpert, Karoutchi, Longuet, Moga, Regnard, Revet et Sido et Mmes Boulay-Espéronnier, Bruguière, L. Darcos, Deromedi et Lamure.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Patrimoines

Création

1 000 000

1 000 000

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

dont titre 2

1 000 000

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

Mme Catherine Dumas.  - Lors de la discussion du projet de loi relatif à la manipulation de l'information, la ministre de la culture d'alors avait souligné l'importance capitale de l'éducation aux médias, indispensable corollaire aux mesures répressives à l'encontre des plateformes et éditeurs de contenus d'information. Il est donc pour le moins surprenant de réduire de 1 million d'euros les crédits dédiés à l'axe 3 : « décrypter le monde » - programme 224 -, dont l'objectif est précisément de mieux apprécier le rapport à l'information dans un univers où les usages, notamment numériques, évoluent rapidement.

M. Julien Bargeton, rapporteur spécial.  - L'intention est légitime. Le rapport aux médias est un enjeu majeur. Mais la ponction du programme « Création » me gêne. Je vous propose de retirer l'amendement et d'interroger plutôt le Gouvernement sur les crédits dédiés à l'action « Décrypter le monde ».

M. Franck Riester, ministre.  - Nous partageons évidemment l'objectif : investir dans l'éducation aux médias et à l'image. C'est pourquoi, l'an dernier, nous avions prévu 5 millions de plus par rapport au budget pour 2017. Pour 2019, nous avons simplement adapté le budget au réalisé, cela fait tout de même 4 millions de plus que dans le budget pour 2017. Avis défavorable.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Je comprends cet amendement, co-signé par plusieurs membres de la commission, mais il puise dans le programme « Création ». Sur l'éducation aux médias, ce dont nous avons besoin est d'un plan stratégique, déployé par l'Éducation nationale. Demandons donc à M. Blanquer : quelle est son intention à cet égard ?

M. Jérôme Bascher.  - Quelque chose est passé inaperçue : M. Bargeton a dit que la région Bretagne et une autre pourraient fusionner les crédits de deux programmes. Autrement dit, nos votes pourront être défaits par des directions régionales ! C'est une manière de détricoter, discrètement, la LOLF. Si nous ne considérons pas attentivement la loi de règlement, tout ce que nous faisons ici n'aura servi à rien.

Mme Sylvie Robert.  - Je soutiens l'esprit de cet amendement. L'Assemblée nationale a voté une loi contre les fake news, l'éducation aux médias est capitale et nous attendons, nous aussi, un plan stratégique. Mais le gage pris sur la création est quelque peu gênant, c'est pourquoi je ne voterai pas l'amendement.

Pour être de Bretagne, je veux préciser qu'il ne s'agit pas de fusionner les programmes 131 et 224 mais de voir comment on peut compléter certains projets qui tiennent à la fois de la création et de la transmission des savoirs.

M. David Assouline.  - Chaque jour qui passe montre l'impérieuse nécessité d'éduquer au décryptage de l'information. Désinformation, fausses informations, omissions d'information pèsent lourdement sur la démocratie. Nous n'avons pas d'autre réponse profonde que renforcer l'éducation aux médias. Cet amendement est donc justifié dans son principe.

Cependant, il n'est pas possible de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

M. Roger Karoutchi.  - C'est pourtant le jeu de la LOLF...

M. David Assouline.  - La création est tout aussi fondamentale. Nous allons voir tout à l'heure l'absurdité de la contrainte. J'ai, avec le Sénat, apporté 86 millions au budget « Médias » mais on ne peut le concrétiser sans un amendement de coordination du Gouvernement. Sur ces 86 millions d'euros, 1 million d'euros pourrait être consacré à l'éducation au décryptage car c'est une responsabilité de service public de l'audiovisuel.

Mme Françoise Laborde.  - Même pour une bonne cause, le groupe RDSE ne votera pas cet amendement qui ponctionne la création. Mais je suis heureuse que les ministères de la Culture et de l'Éducation commencent à travailler ensemble.

M. Franck Riester, ministre.  - Je travaille, en effet, étroitement avec Jean-Michel Blanquer sur le développement de l'éducation culturelle et artistique. La volonté d'investir dans l'éducation à l'image, au numérique et aux médias est là. Nous n'avons dépensé que 9 des 14 millions des crédits des programmes d'éducation à l'image. Nous revenons donc à 13 ce qui représente 4 millions de plus que le réalisé de 2018.

Je veux d'ailleurs souligner le rôle, puisque nous serons amenés à reparler de l'AFP, qu'AFP Factuel joue un rôle de contre-feu de la désinformation. Nous en avons besoin, à voir le nombre de contre-vérités qui circulent avec le mouvement des gilets jaunes.

Mme Catherine Dumas.  - Je me félicite de l'accord unanime autour de l'éducation aux médias dans cet hémicycle. J'adhère à l'idée d'un plan stratégique proposé par la présidente de la commission. Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : je soutiens avec ferveur la création artistique. Je retire mon amendement.

L'amendement n°II-178 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-209 rectifié bis, présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Deromedi, MM. Mandelli, P. Dominati, Longuet, Nachbar, Schmitz, Husson, Gremillet, del Picchia et Grosdidier, Mmes Dumas et Bruguière, MM. Brisson et Kern, Mmes Imbert et Lassarade et MM. Darnaud, Sido, Bonhomme, Savin, Paccaud, Vaspart et Le Gleut.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Patrimoines

25 000

25 000

Création

Transmission des savoirs

et démocratisation de la culture

dont titre 2

25 000

25 000

TOTAL

25 000

25 000

25 000

25 000

SOLDE

0

0

Mme Céline Boulay-Espéronnier.  - Cet amendement dote l'association patrimoine maritime et fluvial de 25 000 euros pour accomplir sa mission de service public. Elle est le représentant officiel du ministère de la Culture et du ministère de la Transition écologique et solidaire pour les questions relatives à la préservation du patrimoine maritime et fluvial. Elle inventorie, sauvegarde et promeut le patrimoine maritime et fluvial national non protégé par l'État et s'est vue confier par la loi de finances pour 2006 la mission de décerner le label « Bateau d'intérêt patrimonial ». La commission d'agrément a, à ce jour, labellisé 1 160 navires, sur une flotte estimée à près de 2 500 unités. On en était à 100 navires il y a six ans.

Les Français sont attachés à la préservation de leur patrimoine, nous l'avons assez répété cet après-midi. C'est peu 25 000 euros mais beaucoup pour une association comme celle-ci.

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial.  - Avis défavorable pour des raisons de méthode. Une somme de 25 000 euros, cela relève davantage d'une décision de gestion que d'une loi de finances initiale. S'il faut répartir les crédits association par association, il faudra débuter l'examen du budget en février pour espérer le voter avant la fin de l'année. Avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre.  - Avis défavorable également. La discussion budgétaire n'est pas le lieu pour cela. Donnons le plus de marges de manoeuvre possible aux DRAC.

M. Philippe Dominati.  - Cette association était auparavant soutenue par la réserve parlementaire. Si elle n'avait pas été supprimée, on gagnerait du temps ! Les élus des grandes villes littorales finançaient cette association : Brest, Marseille, Lorient, Le Havre... Ils demandent à l'État de trouver une solution.

Je souhaite que Mme Boulay-Espéronnier maintienne son amendement. Il serait dommage d'abandonner cette action de fond d'intérêt général.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Ces 25 000 euros sont prélevés sur les fonctions de soutien du ministère, à l'action 7, qui financent le loyer, la logistique, l'entretien, les fonds d'insertion, au profit d'une seule association. Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement.

Mme Céline Boulay-Espéronnier.  - La disparition de la réserve parlementaire est très problématique pour les petites associations.

L'amendement n°II-209 rectifié bis n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Culture », modifiés, sont adoptés.

Article 74 septies

M. Jean-Claude Requier .  - Cet article porte sur la rénovation du Grand Palais pour 470 millions d'euros. Ce n'est pas rien, un peu plus que les transferts de Neymar et Mbappé, d'autant qu'il y a une commission... La Ville de Paris va vendre à l'État le terrain adjacent pour 4,6 millions d'euros -  environ 1 % du budget total. Pour ce type d'opérations dans les territoires, comme la construction d'un collège, on cède généralement les terrains gratuitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. André Gattolin applaudit également.)

L'article 74 septies est adopté.

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Chacun connaît les chiffres, je n'y reviens pas. La politique du livre fonctionne bien, de même que le plan Bibliothèque d'Erik Orsenna même s'il y a encore quelques problèmes budgétaires pour financer l'adaptation des heures d'ouverture des bibliothèques. En matière d'aides à la presse, on est plutôt à l'équilibre : la baisse de 5 millions d'euros correspond à peu près à celle des abonnements papier. La dette de l'AFP demeure un problème, d'autant que l'agence est toujours susceptible de contentieux pour son personnel embauché sous contrat local à l'étranger. Le CNC ne se plaint pas, il en faut quelques-uns dans ce pays ; entre les recettes affectées et les crédits d'impôts, il se porte bien. Bref, la première partie de la mission « Livre, industries culturelles, presse et cinéma » ne nécessite pas de modification.

Reste l'immense chantier de l'audiovisuel public.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Du courage, monsieur le ministre !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - La semaine dernière, le Sénat a voté l'affectation d'une part de TOCE à France Télévisions, 86 millions d'euros supplémentaires.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - C'est de la théorie !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - Je prends néanmoins le budget tel qu'il est et il est considérable. Depuis des années, on ajoute des chaînes publiques à des chaînes sans que l'audiovisuel public ne fasse jamais l'objet d'une redéfinition de son périmètre et de ses missions. Ses responsables, que j'ai rencontrés, m'expliquent qu'ils sont soumis à la pression de l'audimat et achètent des films américains pour concurrencer TF1. C'est un système complètement fou : demander un service public audiovisuel de qualité et le laisser sous la pression de l'audimat. Il faut savoir ce qu'on veut !

Il faut commencer par définir le service public et son périmètre avant de discuter de ses moyens. Actuellement, on met la charrue avant les boeufs. Le gouvernement précédent a dit : ce sera moins 190 millions. Celui-là : moins 36 millions et à proportion pour chacun des acteurs. Bref, les chaînes qui font le vrai travail de service public et ont fait plus d'efforts de rationalisation et d'économies sont sanctionnées comme les autres.

Je donnerai un avis favorable à l'adoption des amendements sous réserve de l'adoption de mon amendement, gentil, qui donne de l'argent à France Médias Monde et à Arte, car leur en retirer enverrait un signal désastreux. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; quelques applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants, LaREM et SOCR)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - La situation inquiétante de l'audiovisuel public extérieur s'assombrit encore. Pourtant, ses marges de manoeuvre sont très limitées, sauf à toucher aux programmes et à la diffusion, ce qu'ils ont commencé à faire : France Médias Monde ne couvre plus New-York et Los Angeles.

Leur contribution au rayonnement de la France semblait pourtant reconnue à l'heure où les luttes d'influence des grands États et des groupes terroristes font rage sur les ondes et sur internet.

La France doit consacrer des moyens importants à sa politique culturelle extérieure, surtout là où elle s'engage au prix de la vie de nos soldats.

Il est temps de redresser le tir. La commission des affaires étrangères a déposé des amendements pour augmenter la dotation de France Médias Monde de 3 millions d'euros. Il y va de notre influence dans le monde.

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - Continuons d'enfoncer le clou... TV5 Monde est contraint à des économies qui menacent son action. Premier territoire de la francophonie, l'Afrique est le théâtre des luttes d'influence. Déjà, l'action de la Chine, de la Russie et de certains pays du Moyen-Orient menacent le développement de la francophonie.

Un territoire ne se pacifie pas uniquement par les armes. Sans apport de ressources publiques nouvelles, TV5 Monde devra amorcer un repli incohérent avec la volonté affichée en faveur de la francophonie.

Il est important de conserver un lien avec la France quand on vit à l'étranger. La commission des affaires étrangères propose une solution ; l'essentiel est qu'une solution soit adoptée. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - Je souscris aux propos de Roger Karoutchi. L'approche est par trop comptable : les financements doivent être examinés à l'aune de la réforme systémique de l'audiovisuel public que nous attendons depuis des années.

La position de la commission de la culture peut sembler paradoxale : nous recommandons l'adoption des crédits de la mission alors que nous désapprouvons certaines de ses orientations fondamentales. Le paradoxe n'est qu'apparent.

Si les chaînes doivent faire des efforts sur la gestion, nous regrettons un manque de moyens. Des financements sont nécessaires pour accompagner la transition numérique et maintenir l'influence de la France dans le monde. Il est ressorti du colloque de juillet dernier organisé par la commission de la culture que, si des transformations et des économies étaient indispensables concernant les structures, un audiovisuel public de qualité nécessite des moyens. L'objectif de la réforme ne doit pas être de les réduire, les nôtres sont faibles par rapport aux autres grands pays européens, mais de réaffirmer l'ambition du service public : des contenus originaux et de qualité qui se différencient de ceux que l'on trouve sur les chaînes privées. Le détournement progressif de la TOCE et sa désindexation en 2019 nous privent d'un puissant outil de transformation.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture.  - Le chantier de la Maison de la Radio a connu des difficultés, particulièrement en 2017 ; il devrait s'achever en 2022. Pour quel coût et comment les travaux seront-ils financés ? Les équipes se sont, semble-t-il, approprié le rapprochement de France 3 et France Bleu.

Sous réserve de l'adoption de nos amendements, avis favorable.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La baisse des crédits de l'aide au portage de la presse de 5 millions d'euros affaiblit ce secteur, en particulier la presse régionale. En 2009, 7 milliards d'exemplaires étaient vendus chaque année ; en 2017, moins de quatre milliards. C'est dire l'ampleur de défis qui nous attendent.

La situation de Presstalis est alarmante : 350 millions d'euros de dettes. Un plan de sauvetage ambitieux a été mis en place.

La situation financière de l'AFP est inquiétante. Le nouveau PDG, élu en avril, n'a pas obtenu le prêt de 17 millions d'euros qu'il avait sollicité du fonds de transformation de l'action publique. Plus grave, les trois tutelles de l'agence peinent à définir une réelle stratégie. Quelle place pour l'AFP demain ?

La part de la diffusion numérique a bondi ces dernières années, et l'on prépare bien mal l'avenir - les aides à la transformation numérique ont été divisées par deux. Où en sont les négociations européennes sur les droits voisins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Alain Schmitz applaudit également.)

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et RDSE) Si le cinéma, la musique, le jeu vidéo et la lecture contribuent au bien-être, ils représentent aussi un secteur dont le chiffre d'affaires est de plus de 15 milliards d'euros et concerne des dizaines de milliers d'emplois. Crédits budgétaires, crédit d'impôt, taxes affectées, le soutien à ce secteur atteint 1,3 milliard d'euros.

Des dangers pèsent sur le financement des industries culturelles. Après six ans de négociations, nous approchons d'un accord sur la chronologie des médias ; c'est une excellente nouvelle pour le cinéma qui s'inquiète de l'épuisement des réserves du CNC et des menaces sur les crédits d'impôt. Ces activités économiques nécessitent des investissements lourds et une stabilité des règles.

Plus de 47 000 nouveautés sont publiées chaque année, soit 200 par jour. Mais les auteurs ont de plus en plus de mal à vivre de leur art. Ils attendent la compensation de la CSG, soit plus de 18 millions d'euros, et un vrai statut, car c'est une profession à part entière.

Le piratage représentait 1,15 milliard d'euros en 2017, soit cinq fois plus que les investissements de Canal+. L'établissement d'une liste noire ou l'adaptation de la réponse graduée nous feraient avancer. Au niveau européen, les négociations avancent sur la responsabilité des plateformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. David Assouline .  - C'est un ensemble de programmes si vaste que je me concentrerais sur ce qui fait le plus débat : l'audiovisuel public. Bien sûr, une réforme s'annonce mais le budget est un moment de vérité. Il y a les intentions et il y a les actes.

Dans une société plus éclatée que jamais, l'audiovisuel a un rôle à jouer pour créer du lien, de la culture partagée, de l'information sourcée, des émotions communes, des valeurs républicaines rassembleuses, une citoyenneté éclairée. Dans ce paysage, l'audiovisuel public prend tout son sens, et justifie l'investissement que la Nation lui consacre.

Le débat sur sa privatisation est récurrent. Il s'agit en effet d'un service public particulier car concurrentiel. Les entreprises de l'audiovisuel public font face à des mastodontes : TF1, M6, les chaînes cryptées, sans parler de la concurrence internationale.

Le dénigrement systématique de l'audiovisuel public n'est pas bon, surtout lorsqu'il est le fait du président de la République, qui le qualifiait de « honte de la République »... 

Il faut pourtant saluer ses performances. Je rejoins M. Karoutchi dans son plaidoyer pour Arte - que j'ai été longtemps seul à défendre. L'audiovisuel extérieur est fondamental pour le rayonnement de la France et la francophonie.

Dans un environnement très concurrentiel, Radio France fait des choses exceptionnelles. Des milliers de podcasts pour des émissions de philosophie, dans l'environnement actuel, ce n'est pas rien ! France Inter fait une très bonne audience - qui l'aurait cru, à voir les difficultés d'Europe 1 ? Radio France compte des joyaux, elle a rationalisé son organisation tout en investissant dans le numérique.

France Télévisions propose des informations, des magazines d'enquête qui tiennent la route face à TF1. Cela coûte ! Les émissions culturelles pourraient être encore plus nombreuses, mais elles existent. Là encore, l'opérateur a fait des efforts, investi dans le numérique...

Si j'ai un reproche à lui faire, c'est d'avoir abandonné la retransmission des grands évènements sportifs, faute de moyens. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe RDSE)

M. André Gattolin.  - C'est la faute de l'État !

M. David Assouline.  - Après le football, c'est le rugby et le tennis qui seront bientôt trop chers... Heureusement que le Tour de France n'a pas lieu le soir : l'absence de publicité après 20 heures empêcherait de le financer !

La baisse des crédits proposée contredit les proclamations du Gouvernement qui dit vouloir défendre et honorer son audiovisuel public. On affaiblit le service public au moment où il faudrait le renforcer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Claude Malhuret .  - Les crédits de la mission s'élèvent à 581,35 millions d'euros, en hausse de 26,74 millions par rapport à 2017. Cela s'explique par la budgétisation des ressources du CNL, pour 24,7 millions d'euros.

Le paysage des médias et industries culturelles connaît une profonde mutation impulsée par le numérique et la mondialisation de l'information. Au sein de la nouvelle économie du savoir, le rôle de l'État est à réinventer : de prescripteur, il se fait simple régulateur. D'après l'IFOP, huit Français sur dix utilisent internet ; le modèle de la presse écrite vacille, les usages changent. Gratuité, personnalisation et interactivité sont les maîtres-mots. Cela change la donne pour les acteurs traditionnels dont les ventes baissent et dont les ressources publicitaires sont captées par le Web.

Le naufrage de Presstalis est le symptôme de cette crise ; la société absorbe toutes les marges de manoeuvre du programme « Presse et médias », en sus d'un prêt de 90 millions de l'État.

La désinformation déstabilise nos démocraties. L'opinion est en proie aux fake news, à l'uniformisation de l'information par les médias de masse. La numérisation se traduit par des baisses d'effectifs et l'influence croissante des GAFA sur les grands groupes de presse. Prise de participation de Xavier Niel dans Le Monde, rachat du Washington Post par Jeff Bezos, autant de signes de la concentration de la presse dans les mains d'une poignée d'acteurs.

Le programme « Presse et médias » témoigne du soutien de l'État à un secteur en difficulté. L'AFP bénéficiera de 2 millions d'euros supplémentaires pour accompagner sa transformation. La presse continue à bénéficier du taux réduit de TVA à 2,1 % - une dépense fiscale de 170 millions validée par Bruxelles.

Le programme 334 traduit les efforts en faveur de l'accès à la lecture : financement de la BNF à hauteur de 207 millions, soutien au CNL pour la numérisation des collections, plan Bibliothèque à la suite du rapport Orsenna. Le Gouvernement renouvelle son soutien aux industries culturelles avec la subvention au bureau export de la musique et le projet de création du Centre national de la musique.

Face à ces changements radicaux, le combat pour l'audiovisuel public n'est-il pas d'arrière-garde ? Nous en reparlerons. Quoi qu'il en soit, ce budget est de transition. Il acte les grands axes de la réforme à venir, avec une économie de 190 millions d'euros.

Nous voterons l'amendement de la commission en faveur d'Arte et de France Médias Monde, essentiels au rayonnement de notre langue et de notre culture, à la transmission des savoirs et des valeurs.

Le groupe Les Indépendants reste vigilant, et votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

M. André Gattolin .  - Le financement de l'audiovisuel public est le sujet le plus débattu au sein de notre assemblée, et sans doute au sein des groupes.

La réforme profonde annoncée par le président de la République a été plusieurs fois repoussée, jusqu'à l'an prochain ?

En réalité, c'est un sujet délicat, complexe sur le plan technologique et concurrentiel. Jean-Pierre Leleux et moi-même avions commis un volumineux rapport il y a peu ; aujourd'hui, mes convictions ont évolué et je suis moins enclin à présent à défendre une grande holding commune à l'audiovisuel public. En effet, les premières synergies ont du mal à voir le jour. Ainsi, le rapprochement des antennes régionales de France 3 et Radio Bleu a été repoussé, tant cela suppose des choix technologiques et éditoriaux complexes.

Difficile d'avancer sur la réforme de la redevance avant que la future réforme ne fixe les orientations et ne précise les missions et les objectifs opérationnels assignés au service public.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Il faut une réforme systémique !

M. André Gattolin.  - C'est donc bien un budget de transition que nous examinons. Il est faux cependant de dire que le Gouvernement ne fixe pas de trajectoire : les économies demandées ont été arrêtées au printemps dernier. L'objectif peut sembler rude, mais il est raisonnable. Pendant des années, nous avons abondé le budget de France Télévisions, pour des résultats souvent décevants. Surtout, nous avons agi à contre-courant de nos voisins : tous les pays, sauf l'Allemagne où l'audiovisuel dépend des Länder, ont réduit leurs budgets pour conduire de nouveaux développements, souvent avec succès, et ce quels que soient la taille du pays ou le niveau de la redevance. La réforme de la RTBF en Belgique est intéressante. Le colloque organisé au Sénat en juillet dernier a mis en lumière le contraste saisissant entre nos opérateurs publics et leurs équivalents européens.

Le groupe LaREM votera bien évidemment ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Céline Brulin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Les annonces faites aujourd'hui par le Premier ministre sont insuffisantes. Notre groupe réitère sa demande de voir traduites dans le projet de loi de finances les exigences légitimes de nos concitoyens qui contestent notamment le fonctionnement des institutions.

Les secteurs de l'information et des médias sont eux aussi mis en cause. L'essor des géants du numérique place les médias traditionnels en position de subordination. C'est pourquoi il faut une politique ambitieuse pour maintenir une information de qualité et pluraliste. Moins d'un quart des Français a confiance dans les médias, moins d'un tiers dans leur indépendance !

Nos concitoyens demandent plus de justice sociale, de démocratisation des institutions. Se montrer à la hauteur, c'est engager l'État dans un plan d'investissement pour relever le défi économique et démocratique. Le budget 2019 en est très loin. On demande 200 millions d'euros aux opérateurs publics d'ici 2022, sans compter la baisse de la TOCE affectée à France Télévisions. Au moment où les opérateurs publics doivent s'engager dans la numérisation, ce n'est pas bon signe. Pendant ce temps, TF1, M6 et France Télévisions financent leur plateforme à hauteur de 45 millions, quand Netflix consacre 7 à 8 milliards de dollars par an à enrichir son catalogue !

Côté presse, la baisse des aides à la presse est bien réelle. L'accord de sauvetage de Presstalis menace le pluralisme en augmentant uniformément la taxe sur tous les éditeurs, quelle que soit leur taille. Le projet de remplacer le Conseil supérieur des messageries de presse et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse par une société privée a de quoi inquiéter.

Sur les droits d'auteur, l'adoption de la directive européenne sur les droits voisins est une bonne nouvelle, mais attention à ne pas forcer les titres à tout héberger chez les géants du web. Notre groupe regrette aussi que la taxe sur les GAFA votée la semaine dernière soit balayée par un accord a minima entre la France et l'Allemagne.

La livre absorbe l'essentiel de l'augmentation budgétaire du programme 334. Attention toutefois au respect des droits des salariés des bibliothèques et au soutien aux collectivités territoriales.

Où en sont les discussions sur la protection sociale et le régime fiscal des auteurs ? Le transfert de la Maison des artistes et de l'Agessa aux Urssaf inquiète. La précarité des auteurs, dont la moitié vivent sous le seuil de pauvreté, est renforcée par la perception des droits d'auteurs comme revenus du patrimoine et non du travail. Les auteurs de bande-dessinée avaient saisi votre prédécesseur, qui avait lancé une mission. À la veille du festival d'Angoulême, allez-vous leur apporter une réponse ?

Le groupe CRCE votera contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme MaryvonneBlondin et M. Roland Courteau applaudissent également.)

Mme Mireille Jouve .  - Les crédits alloués à l'audiovisuel public baissent de 36 millions d'euros, le Gouvernement ayant fixé l'objectif de 190 millions d'économies d'ici 2022. Nous déplorons une telle logique comptable. L'avenir de l'audiovisuel public ne peut se dessiner sereinement dans un environnement aussi contraint, alors qu'on lui demande dans le même temps d'investir 150 millions d'euros dans le numérique. Les marges dégagées devront servir la modernisation, le développement, l'attractivité de notre audiovisuel public. Nous regrettons que la TOCE ne soit plus affectée exclusivement à France Télévisions. Les économies réalisées n'ont pas vocation à abonder le budget général !

Dans l'attente de la future réforme, nous approuvons les amendements de la commission des finances qui augmentent les crédits de France Médias Monde et d'Arte, opérateurs exemplaires. Notre groupe regrette en outre la fin de la diffusion hertzienne de France 4 et France Ô.

La situation de la presse devient critique. L'érosion du journal papier se poursuit. La baisse des crédits dédiés, de 6 %, est supportée par la diffusion. Le sauvetage de Presstalis absorbe les marges du programme. Nous attendons une réforme d'envergure à la suite du rapport de Marc Schwartz qui propose de faire évoluer la loi Bichet de 1947.

Nous nous félicitions de la bonne santé du secteur du cinéma. Depuis 2016, les nouveaux crédits d'impôt ont fait passer les dépenses de tournages en France à 640 millions d'euros et généré 15 000 emplois.

Les crédits d'impôt destinés à la musique sont également utiles. Le cap de la révolution numérique est franchi, le piratage relativement endigué.

Le jeu vidéo est lui aussi très dynamique : il est devenu la deuxième industrie culturelle française, avec des entreprises de rang mondial.

Première industrie culturelle, le livre se porte bien, avec un réseau de plus de 5 000 librairies spécialisées ; le réseau des bibliothèques a commencé l'extension, encore timide, des horaires d'ouverture. Cela va dans le bon sens. Je salue l'engagement des collectivités territoriales.

Le groupe RDSE votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le groupe UC avait qualifié le budget 2018 de budget de transition, en attendant les grandes réformes. Nous y sommes toujours. Les crédits baissent de 0,8 %, soit 550 millions d'euros en crédits de paiement. Les aides au portage de la presse, pourtant indispensables pour compenser l'érosion du réseau de kiosques, sont en baisse de 5 millions. La disparition des kiosques dans les centres-villes est une perte en termes de lien social, mais attention à ne pas entraver le développement des kiosques numériques, exception française et voie d'avenir.

L'AFP voit ses crédits augmenter. Ses statuts limitent sa capacité à mobiliser des financements ; or elle doit tenir son rang face à la concurrence mondiale, notamment celle de l'agence chinoise Xinhua sur le continent africain. Il ne faut pas exclure des financements extérieurs...

Les crédits d'Hadopi sont stables, à 9 millions d'euros. Sans réflexion sur ses missions, pourra-t-elle mener à bien la lutte contre le streaming, établir une liste noire de sites pirates ? Avec des crédits réduits, la question de l'obsolescence programmée de l'agence se pose. À quand une réponse commune des régulateurs européens ?

Le groupe UC votera les crédits, dans l'attente de réformes indispensables de l'audiovisuel public et de la loi Bichet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Nicole Duranton .  - Cette mission concourt d'une part à notre bien-être, de l'autre à l'information des citoyens et la diffusion des idées, pour une conscience politique éclairée.

Les acteurs de l'information, points de repère dans un monde sans repères, font face à une concurrence mondiale accrue et à la révolution numérique.

Les crédits de la mission s'élèvent à 581,35 millions d'euros, en hausse de 26,74 millions en raison de la budgétisation de la dotation au Centre national du livre, de 24,7 millions d'euros. Plusieurs taxes à faible rendement qui y étaient affectées sont supprimées.

Le programme « Presse et média », stable par rapport à 2018, est marqué par le soutien financier à l'AFP, dont la situation est préoccupante, et la baisse des aides à la presse.

Pour réduire les coûts, le PDG de l'AFP propose un plan de transformation reposant sur le non-remplacement, difficile mais inévitable, de 125 départs en cinq ans. En face, il y aura 35 recrutements, notamment pour la vidéo. Le soutien financier de l'État à l'AFP augmente de 2 millions d'euros.

Elle doit rester le champion français. Présente partout dans le monde, elle assure un rôle de certification contre les fausses informations.

L'aide à la presse écrite baisse de 6 millions d'euros avec la baisse des aides au portage mais la participation de l'État reste importante, à 26,5 millions.

La dotation du CNL est fixée à 24,7 millions dont 3 millions d'euros pour la numérisation des collections de la BNF. La priorité donnée à la lecture publique, suite logique de la mission confiée à Erik Orsenna, suscite des doutes car elle repose sur le financement des bibliothèques par la dotation de décentralisation...

Cinéma, musique et jeu vidéo concourent à notre bien-être mais sont aussi des acteurs économiques de premier plan.

La production de films est financée par le CNC, qui perçoit 678 millions d'euros de taxes affectées, et par 373 millions de crédits d'impôts. Cela permet de lutter contre les délocalisations de tournages.

Le Gouvernement veut réaliser 190 millions d'économies sur l'audiovisuel public d'ici 2022 : cela imposera des efforts d'organisation ; mais attention à ne pas affaiblir France Médias Monde, alors que d'autres pays renforcent les moyens de leur audiovisuel extérieur.

Le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Claudine Lepage .  - Dans son discours à l'Institut de France le 21 mars, le président de la République affichait son ambition pour la francophonie. Or son principal vecteur, l'audiovisuel extérieur, sort affaibli de ce budget, si du moins l'amendement porté par David Assouline n'est pas repris.

BBC World, Deutsche Welle, Russia Today, la chaîne chinoise internationale, la concurrence est de plus en plus forte. La situation de France Médias Monde est inquiétante ; celle de TV5 Monde, qui a dû abandonner la diffusion satellitaire en Irlande et en Grande-Bretagne, l'est tout autant. Ce n'est pas ainsi que nous atteindrons le chiffre de 750 millions de locuteurs du français dans le monde que vise le président de la République !

Enfin, j'attire votre attention sur la situation précaire des journalistes pigistes qui travaillent pour des médias français à l'étranger : ils ont besoin d'une vraie protection sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - Grâce à Erik Orsenna, l'importance des bibliothèques, notamment départementales, est reconnue ; les efforts faits sur le territoire se traduisent dans ce projet de loi de finances, c'est heureux. Les aides devront perdurer.

Mais je m'inquiète de voir l'argent de la culture englouti dans des travaux pharaoniques comme ceux du site Richelieu de la BNF ; beau chantier certes, mais attention aux dérapages financiers.

La transition est toute trouvée vers le cher, très cher chantier de la Maison de la Radio, en dépassement de 740 millions d'euros, selon les estimations de notre rapporteur. Fichtre ! Le code des marchés publics a dû tanguer.

Concernant l'aide aux médias, ceux qui font des efforts -  Arte, France Médias Monde  - sont logés à même enseigne que les autres, comme France TV. Le groupe UC soutiendra les propositions pour une plus juste répartition de l'effort.

Hormis le rapprochement entre France 3 et France Bleu, la réforme de l'audiovisuel public n'a pour l'instant pas de ligne claire. Elle ne bénéficie pas de vision de long terme. Il conviendra de revoir l'assiette de la redevance, de mutualiser les moyens de France TV et Radio France et de donner les moyens à l'audiovisuel public d'investir massivement dans le numérique pour faire face aux géants du privé.

Le groupe UC votera ce budget avec ces réserves. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - Les médias, le livre et les industries culturelles font face à d'importantes mutations ; ce budget leur donne la possibilité de s'adapter, de se moderniser tout en protégeant notre diversité culturelle.

L'indépendance de la presse est une chance ; l'aide aux journalistes, une garantie de leur liberté. Les aides au pluralisme sont sanctuarisées, à 16 millions d'euros. L'AFP recevra 2 millions d'euros supplémentaires ; au total, le soutien de l'État dépasse de 8 millions les engagements du contrat d'objectif et de moyens qui s'achève. La nouvelle direction a posé des jalons qui devraient lui permettre de répondre aux enjeux. L'État accompagnera la transformation de l'Agence, dont le dispositif AFP Factuel est une référence contre les fake news.

À 26,5 millions, la dotation au titre de l'aide au portage baisse certes de 5 millions d'euros mais reste largement au-delà de son niveau d'il y a dix ans, avant les états généraux de la presse. Le Gouvernement travaille activement à la réforme de la loi Bichet, très attendue.

L'État accompagne Presstalis grâce à un soutien exceptionnel de 9 millions d'euros prélevés sur le fonds stratégique pour le développement de la presse ; toutefois, les effets sur les autres éditeurs seront neutralisés. La distribution de la presse est une voie d'accès essentielle à la culture, aux oeuvres de l'esprit dans les territoires. Nous serons attentifs à l'avenir des kiosques.

L'audiovisuel public doit renouer avec la jeunesse, se rapprocher des territoires, devenir un média de proximité, plus numérique, plus audacieux, plus créatif. Je veux un audiovisuel public puissant, qui soit une référence en Europe. Cela suppose des financements pérennes et justes.

Entre 2017 et 2019, les dotations de France Médias Monde et d'Arte ont augmenté respectivement de 1,8 % et 1,2 %. Celles de France Télévisions ont baissé de 2,2 % ; inutile d'aggraver le déséquilibre.

C'est dans l'union que nous construirons un service public à même de répondre aux défis de notre temps ; cela passe par une transformation de la gouvernance et de l'organisation.

Nous attendons toujours le plan de Radio France pour la finalisation des travaux de la Maison de la Radio. Comptez sur la vigilance du Gouvernement, vu les sommes en jeu...

Ces choix s'inscrivent dans une transformation plus large de l'audiovisuel public. C'est le sens de la réforme de la loi de 1986, pour faire coexister les acteurs de l'audiovisuel et du numérique. Nous tiendrons compte de l'exigence du modèle français tout en assouplissant les règles.

La question de la numérotation des chaînes pourra être posée, pour plus de cohérence - des regroupements thématiques, par exemple. Nous nous appuierons pour ce faire sur la transposition de la directive européenne en la matière.

Avec un budget de 9 millions d'euros, la Hadopi peut mener à bien ses missions de lutte contre le piratage, rassurez-vous. Mais nous pourrons continuer à réfléchir sur les modifications à lui apporter.

Nous continuons à soutenir la production cinématographique et audiovisuelle. Bonne nouvelle : un accord a été passé entre Orange et les organisations professionnelles du cinéma. Il permettra la signature du nouvel accord sur la chronologie des médias. Le secteur bénéficie de crédits d'impôts, fortement revalorisés au cours des dernières années.

Le fonds de soutien à la création cinématographique et audiovisuelle bénéficiera d'un financement par des taxes affectées stables. Nous pourrons financer de nouvelles priorités, comme le plan animation pour le cinéma, mesures pour la parité, plan pour les séries et les oeuvres audiovisuelles innovantes.

Nous continuerons à accompagner les industries culturelles. Le budget du CNL est sécurisé, par son inclusion dans la loi de finances. Avec cette budgétisation, deux taxes affectées au CNL sont supprimées, dont celle sur le chiffre d'affaires des maisons d'édition. Le plan bibliothèque continuera à être mis en oeuvre.

Nous accompagnons la musique, avec la création du CNM. Mon attachement à ce projet ne date pas d'hier. Ce centre soutiendra la production et le rayonnement international dans une concurrence mondiale exacerbée. Un rapport sur le sujet sera remis dans les tout prochains jours au Premier ministre. Le Gouvernement mobilisera 5 millions d'euros pour soutenir la création du CNM en 2019.

Les crédits d'impôt jouent un rôle essentiel de soutien à la création. Ils contribuent au renouvellement des talents et à la promotion de la diversité culturelle. Toute dépense fiscale mérite évaluation mais, de grâce, ne cassons pas ces outils si importants pour la création dans notre pays.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Nous sommes heureux de l'entendre !

M. Franck Riester, ministre.  - Ce budget 2019 est un budget d'avenir. C'est un budget profondément fidèle à notre indépendance culturelle.

Nous sommes aux côtés des parlementaires français au Parlement européen dans leur âpre combat sur la directive sur le droit d'auteur. Soyez convaincu de la volonté du Gouvernement de parvenir à un bon texte, notamment aux articles 11 - sur le droit voisin pour les éditeurs de presse -, 13 - sur les droits des auteurs - et 14 - sur la rémunération des auteurs et artistes-interprètes.

C'est dans cet équilibre budgétaire que réside la clé du succès. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Examen des crédits de la mission et du compte spécial

Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont adoptés.

Article 41 (Compte spécial « Avance à l'audiovisuel public »)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-71, présenté par M. Karoutchi, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

France Télévisions

7 000 000

7 000 000

ARTE France

2 000 000

2 000 000

Radio France

France Médias Monde

5 000 000

5 000 000

Institut national de l'audiovisuel

TV5 Monde

TOTAL

7 000 000

7 000 000

7 000 000

7 000 000

SOLDE

0

0

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - Cet amendement remet 5 millions sur le budget de France Médias Monde et 2 millions sur le budget d'Arte. Ces 7 millions sont pris au vaisseau amiral qu'est France Télévisions, soit 0,3 % de son budget...

Quand on retire 2 millions d'euros à Arte France, l'Allemagne fait de même ! Or Arte a mis en place des émissions dans plusieurs langues européennes. Nous avons besoin de crédits pour défendre la voix de la France en Europe.

Depuis cinq ans, France Médias Monde a fait des efforts de gestion, ce que France Télévisions a fait dans une moindre proportion. Il est injuste de demander aujourd'hui les mêmes efforts à tous.

Donnons à France Médias Monde les moyens d'agir dans le monde et à Arte les moyens d'agir en Europe !

Mme la présidente.  - Amendement n°II-114 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Bruguière, MM. Brisson et Paccaud, Mme Duranton, MM. Savin, Schmitz et Piednoir et Mme Morin-Desailly.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

France Télévisions

3 000 000

3 000 000

ARTE France

1 000 000

1 000 000

Radio France

1 000 000

1 000 000

France Médias Monde

3 000 000

3 000 000

Institut national de l'audiovisuel

TV5 Monde

TOTAL

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis.  - Cet amendement va dans le même sens, mais plus modestement. Le souhait de renforcer la présence médiatique française à l'étranger est partagé sur tous les bancs.

Élément nouveau : le Sénat a adopté à la quasi-unanimité le retour de la TOCE. France Télévisions bénéficiera alors d'un apport considérable. Nous soutiendrons l'amendement de M. Karoutchi puisque les moyens sont là.

L'amendement n°II-114 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-324, présenté par Mme Garriaud-Maylam, au nom de la commission des affaires étrangères.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

France Télévisions

3 000 000

3 000 000

ARTE France

Radio France

France Médias Monde

3 000 000

3 000 000

Institut national de l'audiovisuel

TV5 Monde

TOTAL

3 000 000

3 000 000

3 000 000

3 000 000

SOLDE

0

0

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis.  - Mon amendement est encore plus modeste. Je soutiens les amendements précédents et je retire le mien.

L'amendement n°II-324 est retiré.

M. Franck Riester, ministre.  - Il est vrai qu'Arte et FMM ont fait des efforts, leur travail est remarquable, mais il n'est pas bonne politique de déshabiller France Télévisions pour les habiller. Il nous faut bâtir une vision globale de l'audiovisuel public.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - C'est ce qu'on réclame !

M. Franck Riester, ministre.  - Moi aussi ! Nous devrons la bâtir ensemble dans les mois qui viennent. C'est ainsi que nous serons fiers de donner à ces opérateurs les marges nécessaires pour relever les défis qui se posent à eux.

M. André Gattolin.  - Je voterai contre cet amendement. On demande beaucoup d'efforts à France Télévisions. La commission de la culture trouve toujours Arte et FMM formidables.

Dire que si la France diminue le budget d'Arte, l'Allemagne en fera de même, c'est montrer une méconnaissance totale de la réalité.

Il existe trois sociétés : le GIE Arte, pèse 150 millions d'euros, qui gère la diffusion, Arte France et Arte Allemagne. Arte France sert à la production inédite pour Arte. Côté Allemagne, tout dépend de la production d'ARD et, dans une moindre mesure, de ZDF. Sa contribution est donc en nature, et non pas en espèces sonnantes et trébuchantes. Les contenus sont quant à eux diffusés - et parfois par anticipation - sur ARD en plus d'Arte.

Si RFI et FMM ont fusionné, il n'y a aujourd'hui aucune synergie entre les deux entreprises ; RFI était plus proche de Radio France naguère qu'elle ne l'est aujourd'hui de FMM ! En outre la diffusion en espagnol de France 24 est une erreur et ne répond à aucune demande ! C'est un choix politique qui n'a pas de sens.

M. David Assouline.  - Nous attendons tous la grande réforme de l'audiovisuel public que l'on nous a promis.

Beaucoup ont souligné le paradoxe d'un rabotage alors qu'on débat de défis qui nécessitent plus d'argent. On continue à subir les diktats des comptables. Monsieur Karoutchi, pourquoi raisonner à budget constant, voire en baisse ? Pourquoi piquer des économies à France Télévisions, qui a réduit son budget de 25 millions en 2018 et encore de 25 millions en 2019 ? France 3 région sera aussi menacée, comme France Bleue : vous y tenez à cette chaîne ! N'entrons pas dans le jeu consistant à déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Enfin, arrêtons avec ces comparaisons étrangères : l'Allemagne consacrait 9 milliards en 2013 à son audiovisuel public et le Royaume-Uni 7,1 milliards, contre 3,7 milliards en France la même année. Cessons donc, si l'on veut imiter le modèle de la BBC par exemple que tant de gens vantent, de raboter le budget de l'audiovisuel public.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - TOCE, pas TOCE... Nous n'en serions pas là si nous avions enclenché la réforme de l'audiovisuel public promise depuis des mois. S'il y avait un seul président, il lui serait revenu de répartir l'argent public entre toutes les chaînes. On constate l'urgence.

La TOCE avait été instaurée en 2008 pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures. On envoie le signal négatif d'un retour de la publicité après 20 heures, si on supprime l'affectation d'une partie de la TOCE à l'audiovisuel public.

Je suis allée à Bogota. Ce ne sont pas les 13 millions de fonctionnement de France 24 en espagnol, sur les 238 millions de budget, qui mettent en difficulté cette chaîne, et l'effet sur le rayonnement est positif.

Monsieur le ministre, nous serons à vos côtés pour une réforme globale. Le monde ne nous attend pas et nous nous affaiblissons de jour en jour, y compris notre audiovisuel privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, Bruno Sido et Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

L'amendement n°II-71 est adopté.

Les crédits du compte spécial « Avances à l'audiovisuel public », modifiés, sont adoptés.

Article 84 quinquies

Mme la présidente.  - Amendement n°II-72, présenté par M. Karoutchi, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - L'Assemblée nationale, désireuse d'aller plus vite que la musique, a demandé un rapport avant le 1er juin 2019 sur la contribution à l'audiovisuel public. Attendons d'abord le texte qui doit réformer l'audiovisuel public !

M. Franck Riester, ministre.  - Sagesse. Je laisse les sénateurs juger. Je remercie le Sénat d'avoir voté les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles ». Nous nous reverrons rapidement pour débattre de tous ces sujets.

M. David Assouline.  - M. Karoutchi a expliqué le choix du Sénat de réaffecter les 270 millions de la TOCE.

Pour nous, il aurait fallu réaffecter 86 millions de la TOCE à France Télévisions : le problème d'Arte et FMM était alors réglé.

Monsieur Karoutchi, vous êtes contre l'élargissement ou l'augmentation de la CAP. En Suisse, la CAP est de 346 euros, au Danemark de 326 euros ; en Allemagne, 216 euros, au Royaume-Uni, 179 euros. C'est plus qu'en France.

M. André Gattolin.  - Et en Italie ?

M. David Assouline.  - L'Italie a massacré son audiovisuel public... Tout cela montre que le service public de l'audiovisuel coûte de l'argent. Je n'ai pas vu d'insurrection, ces derniers jours, contre la redevance audiovisuelle... Laissons ce débat ouvert.

L'amendement n°II-72 est adopté et l'article 84 quinquies est ainsi supprimé.

La séance est suspendue quelques instants.

POUVOIRS PUBLICS,CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT, DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT, PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATION ADMINISTRATIVE

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les Français sont aujourd'hui plus exigeants vis-à-vis de la démocratie et de la Ve République, en matière de présence et d'écoute, comme les évènements de la semaine dernière nous le rappellent ardemment. Ils demandent aussi plus de rigueur dans la gestion de nos institutions, plus de modestie, et des réformes rapprochant le statut des institutions de la Ve République du droit commun. C'est certes légitime, mais parfois un peu court.

Loin de moi l'idée de suivre les populismes du moment qui voudraient supprimer les parlementaires et le président de la République. La démocratie a un prix, un coût ; elle a parfois coûté des vies.

Le montant de la mission « Pouvoirs publics » s'élève à 991 millions. Tel est le coût de la démocratie française. Trop cher, trop d'avantages, entend-on toujours. Or si l'on regarde de près, on peut, on doit l'expliquer. Le Sénat, c'est 5 euros par Français, comme le rappelle souvent le président Larcher. Ce n'est pas très cher. Les questeurs du Sénat, de l'Assemblée nationale, les responsables du Conseil constitutionnel et de l'Élysée avec qui nous avons échangé reconnaissent toutefois qu'il faut faire des efforts sur le personnel, le fonctionnement, la modernisation. Ils ont été faits en partie : les crédits de ces institutions sont stables depuis six ans. Nous vivons sur les réserves qui ont été accumulées.

De plus, les institutions ont un patrimoine à gérer. Qui sait que le Sénat entretient son palais et ses jardins pour le plus grand profit des Parisiens ?

LCP AN et Public Sénat, dont les crédits baissent de 2,2 % cette année, sont toujours deux chaînes distinctes. Les pics d'audience de cet été pour ces deux chaînes ont révélé la vie démocratique et parlementaire à nombre de nos concitoyens. Les fusionner serait une erreur et opposé à l'esprit du bicamérisme.

Je vous invite à voter les crédits qui sont encore une fois stables mais devront bien finir par augmenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Ce projet de loi de finances 2019 prévoit une hausse de 2,4 % des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État », non prévue par la programmation triennale, et bénéficiera surtout au Conseil d'État et autres juridictions administratives, qui absorbent les deux tiers des crédits, avec 420 millions d'euros. L'augmentation de 14 millions pour ce programme s'accompagne de la création de 132 emplois, portant le plafond à 4 147 emplois pour 2019. Ces moyens supplémentaires bénéficient surtout à la CNDA et seront portés à un niveau inédit avec 122 agents supplémentaires, pour un total de 648 emplois.

Cette cours doit réduire ses délais de jugement à cinq mois et elle est confrontée à une envolée du contentieux du droit d'asile : 40 000 affaires en 2016, 53 600 en 2017 et à 65 000 en 2018. La CNDA est la première juridiction administrative en nombre d'affaires jugées !

Ce PLF prévoit dix nouveaux emplois en 2019 pour les autres juridictions alors que les contentieux administratifs de masse - fiscaux, sociaux - ne refluent pas. Une dégradation des délais de jugement serait particulièrement mal venue alors que le comité action publique 2022 préconise une réduction de ces délais pour l'ensemble de ces juridictions.

Les crédits des autres programmes restent stables : 40,2 millions d'euros pour le Conseil économique, social et environnemental (CESE) par exemple, qui correspondent au plafond de la programmation pluriannuelle. Les conséquences de l'éventuelle révision constitutionnelle ne sont donc pas prises en compte dans ce projet de loi de finances.

Sa mission consultative sera en revanche renforcée. En attendant, il renforcera son activité consultative et rénovera son régime financier et comptable - ses comptes seront certifiés en 2019 pour la première fois. La Cour des comptes et autres juridictions financières bénéficieront de 220 millions d'euros en 2019, et le plafond d'emplois reste stable depuis 2009 à 1 840 agents. Les juridictions financières absorberont donc à moyens quasi-constants l'extension de leur activité.

Certaines de leurs nouvelles missions sont en effet appelées à s'étendre dans le futur, qu'il s'agisse de l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales ou des contrôles des établissements sociaux et médico-sociaux et des cliniques privées.

Je vous invite à adopter les crédits de cette mission.

M. Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La Direction de l'action du Gouvernement (DAG) porte sur les programmes 129 « Coordination du travail gouvernemental », 308 « Autorité administrative indépendante (AAI) » et 333 « Moyens des administrations déconcentrées ». Le total de ce budget se monte à 1,33 milliard d'euros.

Les propositions budgétaires pour 2019 portent sur 24 nouveaux postes, mais 36 en redéploiements.

L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) gagne 45 postes. Le GIC 15, la CNIL 12. À périmètre constant, il faut tenir compte de la budgétisation des loyers et le transfert à Bercy de la direction interministérielle de la transformation publique.

La plupart des services sont localisés essentiellement sur le site de Fontenoy-Ségur depuis les déménagements de la CNIL et du Défenseur des droits en 2017. En 2018, les services du Premier ministre y ont été à leur tour transférés. Le site regroupe à présent 2 300 collaborateurs ce qui est facteur d'efficacité, d'économies et de rationalisation puisqu'ils étaient auparavant dispensés sur une quinzaine de sites. Le coût de cette opération s'élève à 370 millions. En 2029, l'État sera propriétaire des locaux.

Le périmètre de cette mission regroupe 13 AAI, dont le CSA et la CNIL.

La Direction de l'information légale et administrative (DILA) a considérablement réduit ses effectifs, ce qu'il faut saluer : cette direction est passée de 773 à 663 personnes. La loi Pacte aura sans doute un impact sur ses recettes puisque le coût des annonces légales est amené à diminuer. Ses efforts devraient cependant lui permettre de passer ce cap. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - La cyberdéfense est un enjeu majeur. Pour vous en convaincre, je vous invite à lire l'article du Monde d'hier intitulé « La cyberguerre est déclarée ». Pour pirater un casino par exemple, les pirates sont passés par le thermomètre d'un aquarium qu'ils ont relié à un ordinateur de la réception de l'établissement.

Les compétences de l'Anssi ont été étendues en 2018 suivant les conclusions de la Revue stratégique de cyberdéfense, ainsi que par les dispositions de la LPM 2019-2025 et celles issues de la transposition de la directive NIS. Pour conduire cette politique, l'Anssi voit ses moyens progresser en 2019. Ses effectifs passeront de 555 à 595 ETP : 25 emplois au titre de son schéma initial et 17 qui auraient dû être créés en 2018, mais que l'Agence n'a pas été en mesure de financer en raison de la sous-évaluation des crédits de titre 2. Avec un turn over de 15 %, l'Anssi doit recruter une petite centaine de collaborateurs chaque année. Le montant des rémunérations demandées à l'embauche par les jeunes ingénieurs excède désormais celui des cadres qu'ils remplacent. Ces tensions ont conduit à un rebasage de la masse salariale en titre 2 qui progresse de 8 %. Hors titre 2, et pour la seule Anssi, les crédits progressent de 9 % en CP et de 35 % en AE en raison de l'engagement des trois dernières annuités du bail de la tour Mercure où l'Anssi est installée qui viendra à échéance le 1er janvier 2022. II faut engager dès maintenant les études pour rechercher une nouvelle implantation. Nous sommes satisfaits de cette évolution des crédits de l'Anss.

Pour autant nous relevons deux points de vulnérabilité. Le premier concerne le retard persistant de mise en oeuvre de la politique de sécurité des systèmes d'information de l'État. Le faible portage politique par les ministres et l'insuffisance des capacités d'investissements de la Dinsic et des DSI ministérielles par rapport aux enjeux de sécurité est assez consternant. Nous lançons un cri d'alarme. Les administrations multiplient les programmes informatiques pour réaliser des économies, mais au détriment, des investissements de cybersécurité.

Notre deuxième point de préoccupation tient aux problèmes de recrutement et de fidélisation des ingénieurs spécialistes de cybersécurité.

Globalement, ces crédits nous satisfont. La commission a exprimé un avis favorable à ces crédits.

M. Rachel Mazuir, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Les crédits de l'action n°2 du programme 129 progressent nettement. Ils soutiennent la montée en puissance de trois organismes essentiels pour la sécurité nationale, le SGDSN, l'Anssi et le Groupement interministériel de contrôle (GIC).

Tout d'abord, nous constatons une intensification de l'activité, signe d'une aggravation des menaces. Ensuite, l'évolution des menaces et les modifications fréquentes du cadre légal ont entraîné une intensification de l'activité du GIC. En conséquence, il a adapté son organisation et doit réaliser des investissements portant sur ses systèmes informatiques et ses infrastructures. En 2019, 15 emplois devraient être créés. Toutefois, le GIC s'est heurté à des difficultés de recrutement liées à l'allongement de la durée d'instruction des demandes d'habilitation, ce qui décourage certains candidats, et à des conditions d'hébergement insuffisantes pour faire face à la progression des effectifs. Un effort budgétaire est réalisé avec l'acquisition sur les crédits du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » d'un nouveau site qui devrait être opérationnel en 2020.

Enfin, il faut noter la faiblesse du vivier et la vive concurrence dans certaines spécialités informatiques. Ce problème concerne autant le GIC que l'Anssi. Les ingénieurs informaticiens continuent d'être très recherchés dans le public comme dans le privé. L'insuffisance du vivier issu de la formation en école d'ingénieurs ou en université est patente. Ceci induit de fortes tensions sur le marché du travail. Les administrations ne pourront suivre sans aligner les rémunérations. Il convient donc d'orienter les universités et les grandes écoles à développer ces filières. C'est un enjeu majeur de société qui devrait être porté au plus haut niveau de l'État. Nous comptons sur le Premier ministre pour s'en saisir promptement et énergiquement pour doter ces organismes des crédits nécessaires à l'exécution de leur mission.

La commission a néanmoins donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (M. Olivier Cadic applaudit.)

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La commission des affaires sociales a examiné le budget de la Mildeca, qui a diminué de 25 % depuis 2012 et cette baisse se poursuivra en 2019, à hauteur de 1,9 %. La commission des affaires sociales est toutefois favorable à ces crédits, qui s'élèvent de 17,5 millions d'euros.

Le montant du fonds de concours Drogues est stabilisé aux environs de 13 millions d'euros.

Néanmoins, la hausse des addictions comportementales, l'augmentation du nombre de consommateurs quotidiens de cannabis et le développement de l'usage de cocaïne, notamment de crack, appellent à intensifier la lutte contre les addictions. En outre, la forte prescription d'opioïdes forts dans l'Hexagone appelle à une vigilance extrême alors que le nombre de décès par surdose et le nombre d'hospitalisations dues à ces médicaments augmentent.

Dans ces conditions, je m'interroge sur le report du nouveau plan national de mobilisation contre les addictions depuis plus de six mois.

En 2019, l'usage de stupéfiants sera sanctionné, au même titre que la vente d'alcool aux mineurs, par une amende forfaitaire délictuelle. Le but est de renforcer le caractère dissuasif de la peine et de désengorger les tribunaux et les services de police. Je tiens, pour ma part, à rappeler mon attachement aux stages de sensibilisation aux dangers de la consommation de stupéfiants.

Deux salles de consommation de drogues à moindre risque sont expérimentées à Paris et Strasbourg. La capacité d'accueil de l'unique structure francilienne est insuffisante. Allonger la durée de l'expérimentation serait une bonne chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Parler du budget de la présidence de la République, du Conseil constitutionnel, de l'Assemblée nationale, du Sénat, des chaînes parlementaires, de la Cour de justice de la République en trois minutes top chrono n'a guère de sens ; je le dis chaque année. (Sourires)

Les dépenses de la mission « Pouvoirs publics » restant stables, en diminution de 0,04 %, félicitons-nous-en ! La dotation de l'Élysée, sous François Hollande, était de 100 millions par an ; cette année, comme l'an dernier, c'est 103 millions. Toutefois, il est des dépenses utiles, notamment pour la cybersécurité. En revanche, les 2,5 millions d'euros venant des réserves mériteraient quelques commentaires.

Le budget du Sénat reste stable lui aussi, mais grâce à une ponction de 24,9 millions dans les réserves ; même chose pour l'Assemblée nationale, mais avec une ponction de 46,9 millions. Et ces réserves ne sont pas inépuisables. Cette stabilité qui n'est optique appelle notre vigilance.

Le Conseil constitutionnel a consenti des efforts pour privilégier le recrutement de cadres A afin de traiter les QPC. Le président n'a pas encore pris de décision sur les « portes étroites », contributions antérieures aux avis du Conseil constitutionnel. Il n'est pas sûr qu'il soit utile de publier ces productions, qui pourraient inclure du lobbying, aux côtés de pièces de procédure.

La commission des lois a adopté ces crédits d'une intéressante stabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Patrick Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - En 2019, les moyens des juridictions administratives sont en progression, au bénéfice quasi-exclusif de la CNDA qui a enregistré une progression sans précédent de son activité : 34 % d'affaires en plus en 2017. Sur 132 postes supplémentaires dans les juridictions administratives, 122 nouveaux postes vont à la CNDA pour lui permettre d'absorber ce flux et atteindre les délais légaux.

Restent 10 postes pour les cours administratives d'appel, qui font face à une hausse des contentieux de masse. Téléprocédures, médiation, outils d'aide à la décision, multiplication des procédures à juge unique, mise en oeuvre du décret JADE qui permet d'évacuer rapidement de nombreuses affaires peu complexes ont été développés. N'allons pas plus loin sous peine d'abîmer définitivement les juridictions administratives.

Les juridictions financières reçoivent 15 ETP seulement, ce qui les contraint à concentrer les contrôles sur les situations qui présentent le plus de risques. Cette situation est problématique car les chambres régionales et territoriales des comptes sont de plus en plus le dernier repère des collectivités territoriales alors que le contrôle de légalité par les services de l'État recule.

Juridictions administratives et juridictions financières continuent, tant bien que mal, à afficher des performances satisfaisantes, qui sont en grande partie le résultat du volontarisme et du professionnalisme des magistrats et des personnels. Aussi, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 165 et 164. Néanmoins, sans ajustement, elles connaîtront de graves difficultés de fonctionnement dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Le premier gouvernement Philippe comptait 47 % de membres de cabinet en moins que le Gouvernement Cazeneuve, mais pour 18 % de crédits de fonctionnement en plus. Avec ces cabinets, l'interministériel fonctionne différemment, parfois moins bien la nuit ; les administrations se parlent entre elles certes mais pas toujours sous contrôle politique.

Je n'ai pas été convaincu par la place de France Stratégie dans l'architecture gouvernementale. Si le Gouvernement doit avoir un outil de prospective, il le faut plus interministériel, plus indépendant.

Les loyers budgétaires étiolent l'esprit de la LOLF en empêchant de considérer les coûts et bénéfices, mission par mission.

Le modèle économique de la DILA est en cours de révision. Son équilibre n'est pas encore trouvé et mériterait de l'être avec les sites internet des préfectures, des ambassades et de nos consulats.

Sur la coordination du travail intergouvernemental, il convient de maintenir les crédits de l'Anssi et du GIC. La crédibilité de la loi sur le renseignement est en jeu.

Les AAI doivent être maîtres de leur budget, de leur recrutement. La CNIL avec le RGPD, a besoin de marges d'action ainsi que la CADA et le Défenseur des droits qui sont indispensables en la période actuelle pour mener la lutte contre les discriminations et assurer la transparence de l'État.

La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission mais a déposé un amendement rétablissant complètement les moyens de l'Anssi et du GIC. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Jean-Claude Requier .  - Les crédits de ces trois missions sont suspendus aux résultats de nos futurs débats sur la réforme institutionnelle.

Les évolutions institutionnelles de la Ve République se sont faites sans à-coups budgétaires, que l'on pense au rééquilibrage de l'initiative législative dans un sens plus respectueux des parlementaires, en particulier des groupes minoritaires et d'opposition, mais également au renforcement de l'action du Gouvernement. Ce constat n'est d'ailleurs pas démenti par le projet de loi constitutionnel qui prévoit, à budget constant, de réduire le nombre de parlementaires. Une autre voie est possible : renforcer la coopération des administrations et des institutions centrales avec le Parlement, comme le spécifie l'article 47-2 de la Constitution concernant la Cour des comptes.

De la même manière, on peut s'interroger sur les moyens du Conseil constitutionnel, qui, depuis l'introduction du mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité, remplit une fonction supplémentaire au service du citoyen. L'importance de ses décisions justifierait que les moyens de la Cour de justice de la République, appelée à disparaître, lui reviennent, tout comme ceux du Haut conseil des finances publiques, dont l'utilité est régulièrement contestée.

L'actualité éclaire l'incapacité du CESE à incarner les corps intermédiaires de la société française malgré les réformes successives dont il a fait l'objet.

À l'heure de la redéfinition de la carte judiciaire, il serait pertinent de rapprocher budgétairement les moyens de tous les ordres de juridiction. Le bon sens se heurte ici au dualisme juridictionnel.

Certains constats de nos rapporteurs sur la CADA et le Défenseur des droits mettent également l'ambivalence de l'outil numérique ; il accroît les moyens de saisine mais il est à double tranchant.

Il faut saluer les efforts de la DILA qui, en 2018, a versé son excédent au budget de l'État plutôt que de le réemployer. Nous considérons qu'elle doit poursuivre l'édition papier des bulletins électoraux et, conformément à l'esprit de son fondateur, le résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac, poursuivre sa mission d'information des citoyens.

Le groupe RDSE votera les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Emmanuel Capus .  - Nous parlons de missions qui touchent au coeur du fonctionnement de la République. Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » baissent de 0,04 %. Le budget des deux assemblées - 518 millions pour l'Assemblée nationale, 323 millions pour le Sénat - est stabilisé depuis cinq ans. Il représente plus de 80 % des crédits de la mission. Je note que le Sénat coûte moins cher que l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous sommes moins nombreux !

M. Emmanuel Capus.  - Saluons cette participation du Parlement à la maîtrise de la dépense publique, sans qu'ait été porté atteinte à la qualité de la fabrique de la loi. La réduction du nombre de parlementaires ne doit pas entraîner une réduction de moyens. Le Parlement ne pourra remplir ses missions constitutionnelles que s'il conserve les moyens de ses attributions.

Sur la mission « Conseil et contrôle de l'État », nous saluons le rôle fondamental du Haut Conseil des finances publiques, de la Cour des comptes et du Conseil d'État dans la définition, le contrôle et l'analyse des politiques publiques. Nous nous interrogeons toutefois sur le décalage entre les ambitions affichées dans le projet de loi constitutionnelle pour la nouvelle « chambre de la société civile » et la stabilité des crédits du programme 126.

La hausse de 2 % ne reflète pas l'accroissement des missions des juridictions administratives. La CNDA connaît une hausse structurelle de son activité, le Conseil d'État une augmentation de 5 % en 2018 par rapport à 2017. La crise des migrants et l'inscription de nombreuses dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun appellent un renforcement franc et massif de nos institutions juridictionnelles.

Le SGDSN, méconnu mais essentiel, comprend l'Anssi, le GIC et le centre de transmissions gouvernemental. Il monte en puissance mais ses moyens restent en deçà de ceux de ses homologues britannique et allemand, tant en effectifs qu'en moyens financiers ; or la menace cyber est de plus en plus prégnante. Ils devraient être renforcés.

Sous ces réserves, le groupe Les Indépendants votera les crédits de ces missions. (MM. Loïc Hervé et Philippe Mouiller applaudissent.)

M. Pierre-Yves Collombat .  - La charge grandissante du Conseil constitutionnel s'explique par l'augmentation des saisines directes et l'explosion des QPC. Selon Xavier Dupré de Boulois, « la catégorie des droits constitutionnels [est devenue] un vaste supermarché où les opérateurs économiques puisent des ressources argumentatives au gré de leurs besoins. Quitte pour cela à détourner ces droits de leurs finalités initiales. » Selon Pierre France et Antoine Vauchez, en cinq ans, pas moins de 10 000 QPC auraient été déposées, la plupart par des cabinets d'affaires. Au palmarès, la censure de l'article 137 de la loi Sapin II pour lutter contre l'évasion fiscale, celle de la taxe Google en décembre 2017 au nom de l'égalité devant l'impôt ; dans la foulée, était censuré un autre article de la loi de finances visant la fraude à la TVA, laquelle coûte à l'État entre 20 et 30 milliards par an. Je suis donc en désaccord complet avec M. Sueur : publier les contributions, « ces portes étroites », est une exigence de transparence, une façon de faire redescendre sur terre le principe d'égalité devant la loi.

Les crédits de personnel de la Cour des comptes et du Conseil d'État augmentent : ces institutions ne s'appliquent pas le régime qu'elles prônent...

La coordination du travail du Gouvernement relève du secrétariat général du Gouvernement. Il n'a pas publié le taux d'application des lois en 2017, preuve que sa marge d'action n'est pas sans limite.

Une part des crédits du programme 333 sera absorbée par le programme 307, l'on peut s'interroger sur leur devenir.

Un dernier mot pour regretter la baisse continue des moyens de la mission Interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. À croire que les conduites addictives sont en régression, à moins qu'il ne s'agisse d'un soutien discret à la croissance puisque l'Insee a introduit le trafic de drogues dans son calcul du PIB. Ah, nous vivons une époque formidable !

Mme Sylvie Vermeillet .  - Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont stables ; nous le saluons. Le budget des deux assemblées parlementaires est stabilisé ; mais cet équilibre n'est rendu possible que par des prélèvements sur les réserves. Il convient de montrer l'exemple en rationalisant les dépenses plutôt qu'en menant la réduction démagogique du nombre de parlementaires. De toute façon, le Gouvernement redéploierait les économies réalisées pour améliorer le fonctionnement de l'institution parlementaire.

La dotation de la présidence de la République est stabilisée à 103 millions après avoir augmenté de 3 millions l'an dernier. Pourquoi, alors que nous sommes en période de disette, le budget de l'Élysée n'a-t-il pas retrouvé son niveau de 2017 ?

Le groupe UC est favorable à la hausse des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » ; en particulier, celle qui profite à la CNDA, cela permettra de réduire les délais de traitement des dossiers. En revanche, j'attire votre attention sur le recul de 8 % que subit le Haut Conseil des finances publiques par rapport à l'an dernier. Pourquoi ne pas le rattacher à la Cour des comptes ?

Le budget du CESE est en légère hausse de 1 million d'euros. Comment le Gouvernement entend-il définir ses missions et valoriser son travail ? Quelque 30 millions d'euros en 2006, quelque 40 aujourd'hui : est-ce un budget maîtrisé ?

Le budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » est tiré par la croissance des effectifs et le dynamisme de certaines dépenses de fonctionnement, en particulier, les loyers et charges immobilières des directions départementales interministérielles. Mieux aurait valu financer cela par des économies budgétaires.

Les services liés au Premier ministre doivent être gérés dans la plus grande transparence. Pourquoi avoir écarté du périmètre de la mission les loyers budgétaires ?

Sous ces réserves, le groupe UC votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'autonomie financière des assemblées est une exigence constitutionnelle. La transparence et les efforts sont néanmoins indispensables. C'est pourquoi l'Assemblée nationale et le Sénat ont demandé, pour la sixième année consécutive, la même dotation. La baisse est de 7 % entre 2012 et 2019. Avec un peu de malice, je relèverai qu'en évitant de réunir le Congrès à Versailles pour ce qui ressemblait à un discours de politique générale, nous aurions économisé 285 000 euros.

Il est regrettable que la présidence de la République ne fasse pas preuve de la même rigueur. Elle a augmenté son budget de 3 % l'an passé et le reconduit à l'identique cette année. Les services de la présidence découvrent la hausse de la CSG, en demandant une augmentation. Si c'était une grande collectivité soumise à la contractualisation, l'Élysée aurait à s'acquitter d'une amende substantielle. Les dépenses d'investissement baissent de 20 % alors que la Cour des comptes l'a relevé, le palais se dégrade.

Le groupe Les Républicains votera ces crédits pour encourager le sens de la responsabilité des assemblées. Comme le disait Publilius Syrus : « N'exige de personne ce que tu ne pourrais t'imposer à toi-même ».

M. Alain Richard .  - Une partie substantielle de l'activité du Conseil d'État n'est pas juridictionnelle mais consultative. Il fait office d'agence juridique du Gouvernement et tente de devenir celle du Parlement. Son activité est croissante puisque son regard peut être sollicité sur les propositions de loi et qu'il lui revient d'analyser la dimension communautaire croissante de l'activité législative.

S'agissant des juridictions administratives, saluons leur capacité à juguler la croissance massive du contentieux : entre 2000 et 2017, une hausse des recours de plus de 74 % en volume en première instance, de plus de 89 % en appel. La numérisation n'est pas synonyme de déshumanisation, la justice administrative l'a menée à bien sans que personne s'en plaigne, y compris des catégories professionnelles qui trouvent ailleurs quelque chose à y redire.

Ce budget est surtout marqué par le renforcement massif des moyens de la CNDA pour faire face à l'augmentation de son activité : rendons hommage à l'énorme progrès réalisé par ses services. La CNDA juge deux fois plus de dossiers qu'en 2010 en deux fois et demie moins de temps. Qui dit mieux ? Et tout cela dans un contexte humain respectueux. Les 122 emplois supplémentaires de 2019 sont bienvenus après les 100 emplois supplémentaires de 2018.

Le renforcement des moyens du SGDSN est fondé, compte tenu de l'accroissement des menaces. La difficulté est de recruter et de fidéliser les techniciens dont nous avons besoin. Oui, il faut que notre outil de formation initiale mette sur le marché plus de jeunes capables d'assurer ces missions. La rotation vers le privé ne me choque pas, c'est une façon de diffuser la culture de la sécurité dans le secteur privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Harribey .  - Après une importante augmentation des moyens entre 2014 et 2017 liée au renforcement de la cyberdéfense, les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » poursuivent une hausse plus modérée. Néanmoins, la mission connaît une importante modification de périmètre avec la suppression des loyers budgétaires et le transfert de la direction interministérielle de la transformation publique vers le ministère de l'action des comptes publics.

Sécurité et défense demeurent les priorités puisque sont renforcés les moyens du Secrétariat général de la défense et de la sécurité, de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et de la Commission du secret de la défense nationale.

On note, d'un côté, des augmentations de crédits pour le cabinet du Premier ministre, de l'autre, une stabilité des effectifs. Ce qui traduit une hausse des rémunérations et cotisations rattachées.

En revanche, les hausses des moyens de l'Anssi et du GIC sont bienvenues, de même que ceux alloués à la CNIL et à la CADA.

Les crédits de l'Anssi, du GIC et des AAI doivent être des priorités. Nous reviendrons donc sur les réductions votées par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le montant des crédits de la mission « Pouvoirs publics » s'élève à 991,3 millions d'euros, en baisse de 400 000 euros par rapport à 2018. Il est important, dans le contexte actuel, de communiquer sur nos missions. Les budgets de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil constitutionnel sont stables.

Quelque 125 événements et concours ont eu lieu le 4 novembre 2018, à l'initiative du Conseil constitutionnel, pour le soixantième anniversaire de la Constitution, à l'attention des jeunes scolaires, pour améliorer la connaissance de notre Constitution, dont nous avons un exemplaire original dans notre salle des Conférences.

Attaché au bicamérisme, je veux saluer le travail du Sénat pour défendre nos collectivités territoriales. La dotation du Sénat reste stable pour la huitième année consécutive à 323 millions d'euros, pour les missions institutionnelles, le jardin et le musée. Les groupes de visiteurs accueillis chaque jour au Sénat - retraités, pompiers, étudiants, élus locaux, personnes handicapées et j'en passe - apprécient leur visite.

Le groupe Les Républicains adoptera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Durain .  - Dans le contexte actuel, il y a forcément des gagnants et des perdants... Pour les juridictions administratives, le gagnant est, à juste titre, la CNADA qui voit ses moyens renforcés face à une hausse du nombre d'affaires et à une baisse des délais imposés. On peut espérer qu'en 2019, avec 122 ETP en plus, ces derniers seront enfin respectés.

Les perdants, ce sont les tribunaux administratifs. Les gisements d'économies se tarissent. Aujourd'hui, la qualité du travail n'est pas remise en question mais cela risque d'être bientôt le cas.

Même constat pour les juridictions financières : la multiplication de leurs missions crée une tension. Leur développement informatique est urgent mais la réforme se fait à moyens constants.

Le groupe SOCR émet un avis favorable tout en exprimant une inquiétude pour les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci de vos interventions. Les dotations demandées en 2018 sur la mission « Pouvoirs publics » sont reconduites en 2019.

Le budget de la présidence de la République est identique à l'an dernier. La sécurité nécessite des moyens : les préconisations de l'Anssi donneront lieu à 2,7 millions d'euros d'investissement en matière de télécommunications d'informatique et de numérique.

Les premières opérations immobilières sur le Palais de l'Alma seront financées par le produit d'une cession rue de l'Élysée.

La liste des contributions, les « portes étroites », reçues par le Conseil constitutionnel est désormais publique. Quant à la publication de leur contenu, la question mérite réflexion ; la réponse n'est pas évidente.

Sur la mission « Conseil et contrôle de l'État », l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tirant les conséquences des décisions annoncées dans le cadre du rendez-vous salarial de juin dernier ; nous revalorisons les indemnités kilométriques et les barèmes de frais de nuitées.

L'accent est mis dans ce budget sur la CNDA. Entre septembre et mars prochains, elle pourra compter sur 98 rapporteurs supplémentaires. Un concours d'attaché spécifique sera organisé en 2019 et 2020 pour augmenter le nombre de fonctionnaires titulaires.

Les règles de procédure administrative peuvent être aménagées pour faire face à la hausse de contentieux, ainsi du recours à la médiation. Dix postes seront créés pour les tribunaux administratifs. Un corps de juristes assistants a été créé dans la loi Justice.

Je me félicite des économies permises par l'application télé-recours.

Je salue la gestion vertueuse de la Cour des comptes et des juridictions financières. Par courrier en date du 9 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics les a exemptées de la réserve de précaution. Les crédits annulés l'ont été en accord avec la Cour.

Le Gouvernement est favorable à sa fusion avec le Haut Conseil des finances publiques ; cela suppose toutefois une modification organique.

Sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement », l'Assemblée nationale a adopté le traditionnel amendement rabot, réduisant AE et CP de 4,6 millions. Notons toutefois que ce rabot est largement inférieur à celui appliqué les années antérieures. (M. Jean-François Husson s'exclame.)

Monsieur Collombat, la fusion des programmes 333 et 307 est une mesure de simplification de gestion pour donner plus de marges de manoeuvre aux préfets.

Le taux d'application des lois sera arrêté au 31 décembre 2018. L'an dernier, il était de 95 %.

La baisse des crédits supportés par les services est sans risque pour la soutenabilité des programmes. J'ajoute qu'un amendement tirant les conséquences du rendez-vous salarial que j'évoquais a également été adopté, pour 0,2 million d'euros.

L'Assemblée nationale a en outre voté un transfert de 2,1 millions d'euros de la Disic vers un nouveau programme consacré au soutien des start-up d'État.

L'augmentation des crédits du programme 129 s'explique par l'accent mis sur la sécurité, avec 15 postes pour le GIC et 42 pour l'Anssi. La situation est désormais satisfaisante, il n'y aura pas de conséquences sur les fonctions support du SGDSN. Il s'agit de dégager des moyens pour recruter des profils pointus, très recherchés ; cet effort sera à maintenir dans la durée. À moyen terme se posera la question du relogement de l'Anssi.

Madame Harribey, 26 ETP sont supprimés sur le programme 129 au titre de la participation des services du Premier ministre à l'effort de maîtrise des dépenses.

L'effectif des cabinets ministériels est passé de 2 983 en 2016 à 2 377 au 1er août 2018.

Un effort particulier est consenti pour les autorités administratives indépendantes (AAI) avec vingt créations de postes, dont quinze pour la CNIL.

Les AAI sont déjà dispensées de contrôle budgétaire ; les exempter de toute réserve de précaution serait excessif ; elle est passée de 8 % à 3 % et servira en cas de contentieux.

Madame Deseyne, le plan Addiction 2018-2022 a pris du retard, en effet ; il sera lancé d'ici quelques semaines.

La DILA est un exemple réussi de transformation en profondeur d'une administration. Oui, son ambition pédagogique doit rester intacte.

Madame Vermeillet, la suppression des loyers budgétaires est une mesure de simplification technique.

Ces crédits répondent aux exigences de la vie démocratique, aux nouvelles priorités comme la cyber-sécurité et à l'exigence de maîtrise des dépenses publiques. Je vous invite à les adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)

Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont adoptés, ainsi que ceux de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Article 39 (Direction de l'action du Gouvernement)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-500, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Coordination du travail gouvernemental

dont titre 2

2 500 000

2 500 000

Protection des droits et libertés

dont titre 2

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

dont titre 2

TOTAL

2 500 000

0

2 500 000

0

SOLDE

+ 2 500 000

+ 2 500 000

M. Marc Fesneau, ministre.  - Le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) est une autorité administrative indépendante, rattachée au Premier ministre, chargée d'indemniser les victimes des essais nucléaires. La loi sur l'égalité réelle outre-mer de 2017 a modifié les règles d'indemnisation en supprimant notamment le lien de causalité entre la présence sur les lieux au moment des essais et la maladie. En conséquence, la loi de finances pour 2018 a porté les crédits de 4,9 millions à 8,9 millions d'euros.

La commission composée de six parlementaires et de six personnalités qualifiées et présidée par Lana Tetuani, sénatrice de Polynésie française, a rendu son rapport au Premier ministre le 20 novembre dernier. Je rends hommage à son travail inventif et courageux. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Le Gouvernement traduit ces propositions dans les amendements n°II-500 et II-501, et salue cet exemple de coproduction entre Sénat et Gouvernement.

M. Jean-François Husson.  - C'est rare !

M. Marc Fesneau, ministre.  - La hausse de crédits de 2,5 millions permettra de rallonger les délais de recours des ayants droit auprès du Civen ou de faciliter le réexamen d'une demande rejetée.

M. Michel Canevet, rapporteur spécial.  - Sagesse.

Mme Lana Tetuanui.  - Je disais à mes collègues, par manière de plaisanterie, que les gilets jaunes n'étaient rien à côté des essais nucléaires ! Je remercie le Gouvernement, au nom de la Polynésie française. J'ai fait un aller-retour de 48 heures pour défendre bec et ongles cette mesure qui n'est que justice, compte tenu de ce que la Polynésie a fait pour la France avec les essais nucléaires de Mururoa. Le maire de Faa'a, indépendantiste, brandit régulièrement ce torchon noir.

Je veux remercier les membres de la commission que j'ai présidée, qui a auditionné de nombreuses personnes sur place. Cette date sera gravée dans l'histoire de la Polynésie française. Je ne suis pas indépendantiste mais pure Polynésienne, et vous assure que sujet est celui de tous les Polynésiens, de toute la France. Cet amendement devrait nous rassembler tous autant que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

L'amendement n°II-500 est adopté.

Mme la présidente.  - Unanimité ! (Applaudissements)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-53, présenté par M. Canevet, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Coordination du travail gouvernemental

dont titre 2

 

8 900 000

   890 000

 

8 900 000

   890 000

Protection des droits et libertés

dont titre 2

 

   800 000

 

 

   800 000

 

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

9 700 000

 

9 700 000

SOLDE

-9 700 000

-9 700 000

M. Michel Canevet, rapporteur spécial.  - Il est nécessaire de maîtriser la dépense publique, on commence à s'en apercevoir... Nous estimons que les services du Premier ministre doivent montrer l'exemple.

Par conséquent, et compte tenu des économies proposées par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale, les économies que nous proposons se répartissent comme suit : 4,4 millions d'euros au titre de l'action « Coordination du travail gouvernemental », 4 millions d'euros au titre de l'action « Coordination de la sécurité et de la défense » et 0,5 million d'euros au titre de l'action « Ordre de la Légion d'honneur ».

Nous nous sommes basés sur les dépenses effectives de 2017. Notons qu'il ne s'agit que de réduire la hausse...

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-506 à l'amendement n°II-53 de M. Canevet, au nom de la commission des finances, présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois.

I. - Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme « Coordination du travail gouvernemental » figurant dans l'amendement n°II-53, remplacer le montant :

8 900 000

par le montant :

4 900 000

II. - Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du titre 2 du programme « Coordination du travail gouvernemental » figurant dans l'amendement n°II-53, remplacer le montant :

890 000

par le montant :

490 000

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis.  - Si les crédits de l'Anssi n'ont pas tous été consommés l'an dernier, c'est faute d'avoir pu recruter du personnel ayant le niveau requis. Il est paradoxal de réduire ses crédits alors qu'elle doit précisément recruter cette année !

La cybersécurité est capitale - voyez les déboires de Saint-Gobain en Ukraine où une cyberattaque a pris pour cible une petite ex-filiale... Les hackers sont parfois des États...

En 2015, nous avons par ailleurs donné au GIC un rôle majeur à la disposition des services de renseignement. Il ne serait pas raisonnable de priver le GIC et l'Anssi des moyens de conduire leurs missions.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-780 rectifié à l'amendement n°II-53 de M. Canevet, au nom de la commission des finances, présenté par Mme Morin-Desailly, M. L. Hervé et Mme Joissains.

Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme « Protection des droits et libertés » figurant dans l'amendement n°II-53, supprimer le montant :

800 000

M. Loïc Hervé.  - La CNIL, où je siège, fait face à une donne nouvelle résultant de la transposition en droit interne du RGPD. La loi sur la protection des données personnelles, dont Sophie Joissains était rapporteur, lui a confié des missions nouvelles. Nous avons longuement rappelé qu'il lui faudrait accompagner les collectivités locales, les PME... C'est un travail important, qui suppose des moyens à la hauteur.

C'est une erreur que d'amputer les moyens de la CNIL. Même chose pour le CSA - il est aberrant de confier aux AAI de nouvelles missions sans les accompagner de moyens.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-512, présenté par M. Leconte.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Coordination du travail gouvernemental

dont titre 2

 

 

 

 

Protection des droits et libertés

dont titre 2

280 722

 

280 722

 

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

 

 

 

SOLDE

+ 280 722

+ 280 722

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis.  - Cet amendement rétablit les crédits du programme « Protection des droits et libertés » à leur niveau initial. En effet, les collectivités territoriales doivent adapter leurs pratiques à l'entrée en vigueur du RGPD ; il faut que la CNIL puisse les accompagner. De même, la CADA doit pouvoir répondre au besoin croissant de transparence. Idem pour le Défenseur des droits.

Le SGG me disait que le RGPD permettrait de réduire les marges de la CNIL puisque le contrôle aurait lieu posteriori. Eh bien non ! Elle doit avoir des moyens équivalents à ses homologues irlandais ou allemand. (Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent.)

M. Michel Canevet, rapporteur spécial.  - Avis défavorable aux sous-amendements nosII-506 et II-780 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n°II-512. Les dépenses de personnel du SGDSN s'élevaient en 2017 à 80 millions d'euros. Les porter à 96 millions est une marche considérable.

Idem pour la CNIL : 18,8 millions, alors qu'elle n'a dépensé que 16 millions en 2017, c'est considérable. Nous ne proposons qu'une baisse modeste. Chacun doit participer à la maîtrise des dépenses publiques.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable aux amendements et sous-amendements. À vous entendre, je considère que le budget initial était bien calibré. Cette hausse correspond à vingt créations de postes dans les AAI, notamment à la CNIL, pour répondre aux priorités.

Avec la suppression de 26 ETP, le Gouvernement participe à l'effort de maîtrise des dépenses.

Avis défavorable à l'amendement n°II-512 également.

M. Jean-Yves Leconte.  - J'admire la commission des finances, capable de faire un rapport à partir du seul bleu budgétaire, connu depuis quelques jours, sans avoir le temps d'effectuer des auditions !

Ces AAI ont besoin de recruter un ou deux ETP, mais qui aient les compétences requises. (M. Loïc Hervé approuve.) On ne saurait tirer de conclusions en observant simplement des courbes ! (Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent.)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Je partage le souci de maîtrise de dépenses publiques, mais ces agences ont en charge la protection de nos libertés numériques dans le cybermonde. C'est le défi du XXIe siècle ! Nous avons constaté avec Sophie Joissains, rapporteur du texte sur le RGPD, l'absence d'accompagnement des collectivités territoriales et des PME pour le mettre en oeuvre. Le rôle de la CNIL est essentiel, stratégique. Internet est un terrain d'affrontement mondial, donnons-nous les moyens de notre souveraineté numérique !

M. Loïc Hervé.  - Ce n'est pas un plaidoyer pro domo mais pour les libertés publiques, notamment numériques. La comparaison avec le budget 2017 ne tient pas ; depuis, la CNIL a connu d'importantes mutations. Il faut la comparer à son homologue allemand, à côté duquel notre CNIL est un nain ! Face aux GAFA, dans un monde qui change, nous avons besoin d'une CNIL robuste et puissante.

Mme Sophie Joissains.  - J'ai rapporté la loi sur la protection des données personnelles. Avec le RGPD, la CNIL va devoir guider, réguler, sanctionner, surveiller les GAFA, les PME, les collectivités territoriales. Si on ne lui donne pas les moyens nécessaires, à quoi bon avoir voté la loi ?

Le sous-amendement n°II-506 est adopté.

Le sous-amendement n°II-780 rectifié est adopté.

L'amendement n°II-53, ainsi sous-amendé, est adopté.

M. Michel Canevet, rapporteur spécial.  - Il n'a plus grand intérêt...

L'amendement n°II-512 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-505, présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Coordination du travail gouvernemental

dont titre 2

Protection des droits et libertés

dont titre 2

0

280 000

0

0

0

280 000

0

0

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

dont titre 2

TOTAL

0

0

0

0

SOLDE

0

0

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis.  - Le contrôleur général des lieux de privation de liberté mène 150 missions par an mais les délais de remise des rapports sont trop longs, faute de moyens. Nous augmentons donc ses crédits pour accélérer les choses.

L'amendement n°II-505, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », modifiés, sont adoptés.

Article additionnel après l'article 74 septies

Mme la présidente.  - Amendement n°II-501, présenté par le Gouvernement.

A  -  Après l'article 74 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifiée :

1° L'article 1er est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I.  -  » ;

b) Au début du second alinéa, est ajoutée la mention : « II.  -  » ;

c) Le même second alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Si elle est décédée avant la promulgation de la loi n°     du     de finances pour 2019, la demande doit être présentée par l'ayant droit avant le 31 décembre 2021. Si la personne décède après la promulgation de la même loi, la demande doit être présentée par l'ayant droit au plus tard le 31 décembre de la troisième année qui suit le décès. » ;

d) Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III.  -  Lorsqu'une demande d'indemnisation fondée sur le I de l'article 4 a fait l'objet d'une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la loi n°2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, le demandeur ou ses ayants droit s'il est décédé peuvent présenter une nouvelle demande d'indemnisation avant le 31 décembre 2020. » ;

2° L'article 4 est ainsi modifié :

a) Après le huitième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Des suppléants de ces personnalités qualifiées sont désignés dans les mêmes conditions. Ils remplacent les membres titulaires en cas d'absence ou d'empêchement. » ;

b) Le premier alinéa du V est ainsi rédigé :

« V.  -  Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues par le 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique. »

II.  -  Le II de l'article 54 de la loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale et le II de l'article 113 de la loi n°2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique sont abrogés.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'un intitulé ainsi rédigé :

Direction de l'action du Gouvernement

M. Marc Fesneau, ministre.  - L'amendement que j'ai présenté tout à l'heure garantissait la recevabilité de celui-ci, que je laisse Mme Tetuanui défendre.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-507, présenté par Mme Tetuanui et les membres du groupe Union Centriste.

Mme Lana Tetuanui.  - L'amendement n°II-500 abondait en effet les crédits du Civen. Cet amendement met à jour les préconisations du rapport remis au Premier ministre le 21 octobre 2018. Il consolide la nouvelle méthodologie du Civen, reporte les délais pour les ayants-droit et fait droit aux victimes exclues par la loi Morin. Pour plus de détails, je vous renvoie à notre rapport !

M. Michel Canevet, rapporteur spécial.  - Sagesse.

Les amendements identiques nosII-501 et II-507 sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Mme la présidente.  - Unanimité ! (Applaudissements)

M. Jean-Paul Émorine.  - Très bien !

Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative » sont adoptés.

La séance est suspendue à 21 h 10.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 22 h 40.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Michel Canevet .  - Mme Valérie Létard, lors du scrutin n°28 le 28 novembre 2018, souhaitait voter pour l'amendement n°I-393.

M. le président.  - Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)

Seconde partie (Suite)

TRAVAIL ET EMPLOI

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances .  - En 2019, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèveront à 13,4 milliards d'euros en AE et 12,4 milliards d'euros en CP.

Par rapport à 2018, la baisse prévue dans ce budget est assez importante, de l'ordre de 500 millions d'euros en AE et de près de 3 milliards d'euros en CP. Cette évolution était annoncée et elle s'inscrit dans un double contexte.

D'une part, la situation de l'emploi s'améliore notablement. Dans une note d'août 2018, l'Insee rappelle que le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s'élevait à 9,1 % au deuxième trimestre 2018, contre 10,5 % en 2015. Le taux d'emploi approche les 66 %, son plus haut niveau depuis les années 80. D'autre part, il est nécessaire de maîtriser la dépense publique. À cet égard, la contribution de la mission « Travail et emploi » et de ses opérateurs à cet effort est significative. Les effectifs de la mission diminueront ainsi de 233 ETP, permettant une économie, hors pensions, de plus de 5 millions d'euros. Le montant des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs sera également en baisse, de plus de 86 millions d'euros, et leurs plafonds d'emplois connaîtront une diminution sensible, de 458 ETPT.

L'essentiel de l'effort demandé aux opérateurs sera porté par Pôle Emploi. S'agissant des crédits, cette diminution sera plus que compensée par une hausse de la contribution de l'assurance chômage. Les ressources de Pôle Emploi augmenteront de 18 millions d'euros par rapport à 2018. La baisse des effectifs sera, quant à elle, compensée par des gains de productivité. Néanmoins, si le nombre de demandeurs d'emploi devait progresser, il conviendrait alors de réexaminer la pertinence de la poursuite de la baisse des effectifs envisagée par le Gouvernement.

La diminution des crédits de la mission « Travail et emploi » poursuit une logique de recentrage des moyens sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Moins nombreux, les contrats aidés ont vocation à devenir de véritables outils d'insertion des demandeurs d'emploi. La transformation des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) en parcours emploi compétences (PEC), intervenue en début d'année, participe de cette logique. Les conditions pour y avoir recours sont plus restrictives, elles sont la contrepartie d'exigences plus grandes, en termes d'accompagnement et de formation du bénéficiaire. La diminution du nombre de contrats aidés en tant qu'instruments à la main des gouvernements, pour diminuer artificiellement les chiffres du chômage, était appelée par la commission des finances du Sénat. La baisse des contrats aidés sera, en outre, en partie compensée par un effort en faveur du secteur de l'insertion par l'activité économique, qui bénéficiera de moyens en hausse de 51 millions d'euros par rapport en 2018, permettant le financement de 5 000 ETP supplémentaires.

Le présent projet de loi de finances a pour ambition de favoriser une « société de compétences ». Sur la durée du quinquennat, un effort inédit sera consenti, dans le cadre du Plan d'investissement dans les compétences (PIC), en faveur de la formation et de l'accompagnement des jeunes et des demandeurs d'emploi les plus éloignés du marché du travail. Au total, le PIC sera ainsi doté de 15 milliards d'euros, dont 13,8 milliards d'euros portés par la mission « Travail et emploi ». En 2019, les crédits du PIC s'élèveront à 1,4 milliard d'euros en AE et 979 millions d'euros en CP. Ils permettront le financement de la généralisation effective de la Garantie jeunes ainsi que la montée en puissance du volet « formation » du PIC 2019, constituant la première année de mise en oeuvre des pactes pluriannuels d'investissement dans les compétences, qui seront conclus, pour une durée de quatre ans (2019-2022), avec les conseils régionaux. Ces crédits budgétaires seront complétés par un fonds de concours de 1,5 milliard d'euros, versé par France compétences.

Ce budget m'apparaît responsable, ses orientations sont claires : mieux accompagner les personnes les plus en difficulté et investir dans l'avenir.

Aussi, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve d'un amendement, cosigné avec ma collègue co-rapporteure Sophie Taillé-Polian, visant à renforcer les crédits consacrés aux maisons de l'emploi.

M. Antoine Lefèvre.  - Très bien !

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial.  - Je vous propose, en outre, l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » sans modification.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Pour la deuxième année consécutive, les crédits consacrés à la politique de l'emploi sont en très forte baisse. Les chiffres ont été rappelés par mon collègue Emmanuel Capus, mais 500 millions d'euros en AE et 3 milliards d'euros en CP.

Certes, le taux de chômage diminue, mais la situation de l'emploi ne s'est globalement pas améliorée, au cours des derniers mois.

Le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois (DEFM) en catégorie A a certes diminué entre le premier trimestre 2015 et le troisième trimestre 2018, mais cette baisse a été plus que compensée, par une progression du nombre de DEFM en catégories B et C, c'est-à-dire, les demandeurs d'emploi ayant une activité réduite. Par exemple, le chômage des plus de 50 ans a progressé de 3 % sur un an toutes catégories confondues, et de près de 9 % pour les seules catégories B et C.

Dès lors, la logique baissière, poursuivie par le Gouvernement, se fera au détriment des personnes les plus éloignées de l'emploi, comme en témoigne la diminution drastique de l'enveloppe de contrats aidés. Je ne nie pas qu'il eût fallu avoir davantage d'exigences pour les contrats aidés en matière d'accompagnement et de formation des bénéficiaires, mais cela ne justifie pas une deuxième réduction, le taux d'insertion de ces derniers sera toujours insatisfaisant, puisque précisément les contrats aidés s'adressent aux personnes les plus éloignées de l'emploi.

Les contrats aidés aidaient les publics les plus fragiles et étaient utiles aux collectivités et à la collectivité dans son ensemble.

Certes, les moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique (IAE), augmentent, pour contrebalancer la réduction du nombre de contrats aidés, mais c'est tout à fait insuffisant. En outre, il ne faut pas opposer l'IAE aux contrats aidés car ils s'appliqueraient dans des secteurs plus diversifiés. À mon sens, ils sont plutôt complémentaires.

S'agissant du Plan d'investissement dans les compétences (PIC), présenté comme l'innovation majeure du Gouvernement, une part importante des crédits qui lui seront dévolus en 2019 était déjà inscrite dans le budget de la mission « Travail et emploi ». Cela était notamment le cas des moyens consacrés à la Garantie jeunes ou au plan « 500 000 formations », auquel a succédé le volet « formation » du PIC.

Le dispositif Garantie jeunes gagnerait à être assoupli, afin de toucher un public plus nombreux, et d'en simplifier la gestion pour les missions locales.

Outre une diminution drastique des dépenses d'intervention de la mission, le Gouvernement a également choisi d'affaiblir les acteurs de la politique du travail et de l'emploi. À cet égard, la baisse des effectifs du ministère du travail, et notamment de ceux de l'inspection du travail, envoie un très mauvais signal, alors que le travail illégal et la fraude au détachement constituent des enjeux de plus en plus prégnants et que le droit du travail a fait l'objet de modifications substantielles au cours des années passées ; cela nécessite des contrôles et de l'accompagnement.

Face à ce paradoxe, le ministère répond que le ratio « salariés par agent de contrôle » de la France est conforme au standard fixé par l'Organisation internationale du travail (OIT). Néanmoins, les missions confiées à l'inspection du travail sont différentes de celles dévolues à d'autres inspections à l'étranger ; cette comparaison a donc peu de sens.

Plus généralement, l'affaiblissement des opérateurs du travail et de l'emploi est symptomatique de la politique de l'offre, mise en oeuvre par le Gouvernement actuel et rentre en contradiction avec la nécessité d'accompagner davantage les publics les plus éloignés de l'emploi, dont le nombre augmente et dont la situation est de plus en plus précaire. Les allers-retours entre chômage et emplois sont de plus en plus nombreux, insérant de plus en plus de personnes dans un cercle vicieux.

S'agissant de Pôle Emploi, je ne suis pas sûre que les gains de productivité, qui reposent sur le tout numérique, et dont on nous parle depuis des années, soient réels. Ils reposent sur la logique du tout numérique. En outre, si la dématérialisation simplifie certaines procédures, elle peut aussi s'avérer dissuasive pour divers publics. Pôle Emploi avait recours à des contrats aidés pour accompagner les demandeurs d'emploi lors de leur inscription : aujourd'hui, tel n'est plus le cas. Il faut prendre rendez-vous.

S'agissant de l'Afpa, le projet de transformation lancé par la direction générale le 16 octobre dernier, avec, à la clé, des réductions d'emplois, conduira à affaiblir l'opérateur, d'où une baisse du nombre et de la qualité des services rendus et du nombre de bénéficiaires.

Ce budget nie la situation de millions de Français, pour qui trouver un emploi ne se résume pas au fait de traverser la rue. Aussi, bien que je vous invite à adopter l'amendement que j'ai co-signé avec Emmanuel Capus sur les moyens consacrés aux maisons de l'emploi, je vous propose à titre personnel de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Je vous suggère en revanche d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Céline Brulin applaudit également.)

M. Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - Alors que la baisse du chômage est conjoncturelle, la baisse des crédits à périmètre constant s'élève à 2,4 milliards d'euros, en raison du changement de périmètre. Le renforcement des crédits de l'IAE doit être salué. Je soutiens le recentrage de cet outil sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Un service public de l'emploi fort apparaît nécessaire.

Madame la ministre, vous avez relancé l'expérimentation des emplois francs, malgré le manque d'évaluation du dispositif. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les actions en faveur des entreprises adaptées sont louables. La formation des demandeurs d'emploi est une nécessité. Saluons la première année pleine du PIC, cependant gonflé artificiellement.

Le fonds de concours de France Compétences est également gonflé par des crédits de l'Afpa. Les crédits pour l'apprentissage ne sont pas encore au rendez-vous. La commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je remercie M. Forissier pour la qualité de ses travaux. Ces échanges fructueux nous ont permis d'enrichir le texte issu de l'Assemblée nationale.

Le groupe UC votera en faveur du texte, en raison des avancées réelles sur les compétences et malgré une baisse des crédits de 500 millions d'euros en AE et 2 millions d'euros en CP.

Mais on ne peut prôner une réduction de la dépense publique sans faire des efforts.

M. Michel Canevet.  - C'est vrai !

M. Olivier Henno.  - La baisse du chômage est lente et encore fragile, et les créations d'emploi se font dans certaines régions seulement : façades atlantique et méditerranéenne, métropoles.

L'efficacité du service public de l'emploi reste posée.

Laissons du temps aux politiques publiques pour l'insertion par l'activité économique (IAE) : les dispositifs prennent du temps. Nous serons vigilants quant au déploiement des crédits à l'IAE. Le PIC, annoncé comme un véritable big bang, se situe dans la continuité budgétaire des précédents programmes. Les modalités de collecte au profit de la formation professionnelle permettent d'annoncer 1,5 milliard d'euros pour la future agence France Compétences, mais cela rassemble les précédents crédits des OPCA et de la commission paritaire.

Pour l'ancien vice-président du département du Nord en charge de l'insertion et du RSA que je suis, permettez-moi de partager mon analyse : les mécontents actuels portent des revendications de hausse du pouvoir d'achat, ancrées dans les habitudes de vie. Le mal de pouvoir d'achat s'est transformé en rage du pouvoir d'achat avec l'augmentation des taxes. Ayons un réel débat avec les gilets jaunes, canal historique - et non les casseurs - exaspérés par les inégalités sociales, exaspérés de gagner à peine plus - 100 ou 150 euros - avec un Smic que le voisin inactif bénéficiant d'aides sociales. Le travail doit mieux rémunérer que l'inactivité. Telles sont nos valeurs. (MM. Vincent Segouin et Laurent Duplomb applaudissent.)

Le groupe UC adoptera les crédits de la mission « Travail et emploi », les articles 84 et 84 bis en faveur de l'insertion professionnelle et en faveur du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Nous sommes heureux de constater un regain en faveur de l'apprentissage, et saluons ces recettes dynamiques en raison d'un élargissement de l'assiette des cotisants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Martin Lévrier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Le développement de l'activité et de l'emploi est encourageant depuis un an, montrant la réussite du Gouvernement avec une baisse de 1,2 % du taux de chômage. La baisse des crédits de la mission « Travail et emploi » résulte de cette amélioration. Dans un contexte de dette, il faut faire des choix. Le chômage baisse, la dépense aussi. La stabilisation des compétences est importante.

Le programme 102 est porté par la délégation à l'emploi. L'action n°1 améliore la situation publique de l'emploi. L'État participe pour 1,6 milliard d'euros à Pôle Emploi et 2,1 milliards d'euros à l'ASS.

L'action 2 améliore les dispositifs d'accès à l'emploi, notamment via les dispositifs IAE pour recentrer les contrats aidés sur les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Le programme 102 finance la Garantie jeunes, les écoles de la deuxième chance, l'expérimentation zéro chômeur de longue durée.

Le programme 103 accompagne les mutations économiques et mobilise 14,6 milliards d'euros, pour améliorer les qualifications et l'emploi durable. Il s'inscrit dans la rénovation du modèle social. Le CPF met les personnes au coeur du système. Ce programme expérimente jusqu'en 2020 les dispositifs d'emploi franc.

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté mobilisera 14 millions d'euros.

Le programme 111, sur l'amélioration de la qualité de l'emploi voit ses crédits augmenter, afin de former les défenseurs syndicaux, la santé et la sécurité au travail.

Les AE sont en forte diminution.

Le programme 155 voit ses crédits augmenter de 7 millions d'euros. C'est un programme d'appui et de soutien pour les 9 500 postes du ministère.

Le compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage », dont les crédits augmentent de 77 millions d'euros, disparaîtra l'an prochain avec la création de France Compétences.

Nous voulons mieux dépenser en étant plus efficaces. (M. Laurent Duplomb ironise.)

Le groupe LaREM votera les crédits de la mission et du compte spécial. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le montant de la mission passe de 15,2 milliards d'euros à 12,23 milliards d'euros, soit une baisse de 19,4 %. L'aide à l'embauche dans les PME et les contrats aidés sont abandonnés.

Il n'y a que le Gouvernement pour y croire...

Vous sabordez les moyens de la politique. Pas moins de 1 518 postes sont supprimés à l'AFPA, au ministère, à Pôle Emploi, transférés vers les missions locales.

Vous attaquez la formation alors que c'est le manque de compétences qui pèse sur l'emploi.

Les salariés de Pôle Emploi ont déploré l'augmentation de leur charge de travail au détriment de l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Le nombre d'inspecteurs du travail va baisser. Madame la ministre, vous avez promis une multiplication par quatre des contrôles mais ce sera impossible à réaliser.

Quelque 100 000 emplois aidés seront supprimés. Nous sommes opposés à cette atteinte aux services publics, au détriment des collectivités locales, des services à la personne, au monde associatif et culturel.

Or 67 % des emplois aidés du secteur marchand aboutissent à un emploi. Je note cependant une bonne mesure : l'élargissement de la Garantie jeunes.

Le Gouvernement porte atteinte au pouvoir d'achat et aux conditions d'existence des personnes en situation de handicap. Nous nous opposons à cette pratique, qui consiste à prendre d'une main pour donner de l'autre.

Avec un taux de chômage à 9 %, il est inadmissible de réduire le service public de l'emploi, quand on débourse 20 milliards d'euros par an pour le CICE, qui, ajoutés aux allègements de cotisations patronales, offrent au total 40 milliards d'euros aux entreprises. Votre politique consiste à faire des cadeaux aux plus riches et en imposant l'austérité aux autres. Vous méprisez le peuple, écoutez ce qui se passe dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cette mission est une grande sacrifiée du budget. Nous déplorons la baisse de 500 millions d'euros en AE et 3 milliards d'euros en CP alors qu'il n'y a pas d'embellie majeure sur le front de l'emploi.

Certes, le chômage des chômeurs de catégorie A s'est réduit, atteignant 8,9 %, mais les demandeurs d'emploi en catégories B et C ont augmenté.

Pôle Emploi supporte l'essentiel de la diminution des subventions. Le risque de dégradation des conditions de travail des agents est probable. La diminution brutale du nombre de contrats aidés, de 200 000 à 100 000, est dure pour nos collectivités territoriales, notamment.

Les missions locales, chargées de la Garantie jeunes, verront leurs moyens diminuer : c'est incompréhensible. Le PIC ne saurait atteindre ses objectifs sans actions locales. Je pense notamment aux plans locaux d'insertion dans l'emploi et les maisons de l'emploi.

Le groupe RDSE défend l'amendement en faveur du maintien des maisons de l'emploi, qui ont démontré toute leur pertinence, pour analyser les besoins des entreprises et une gestion territorialisée des compétences. Lieux reconnus d'ingénierie territoriale, les 106 maisons de l'emploi sont soutenues par 15 000 communes où oeuvrent 1,5  million d'entreprises. Ainsi, 72 % des personnes les plus éloignées de l'emploi sont en CDI après 15 mois de contrat. Qui dit mieux ?

De 15 millions d'euros en 2010, nous passons à 5 millions d'euros en 2019 pour les maisons de l'emploi, laissant les collectivités territoriales quasi seules à les financer. Ce n'est pas acceptable.

Je remercie le Sénat d'avoir proposé de créer un programme ad hoc, au sein de la mission, et pour l'inscription de 10 millions d'euros pour les maisons de l'emploi en AE et en CP.

La grande majorité du groupe RDSE votera les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de son amendement pour les maisons de l'emploi.

M. Alain Fouché .  - Le taux de chômage de la zone euro est de 8,1 % contre 9,1 % en France. Malgré la reprise de l'activité, nous sommes loin de la moyenne européenne. Des coupes importantes auront lieu sur les crédits de la mission : une baisse record de 500 millions d'euros en AE et 3 milliards d'euros en CP.

Je salue les efforts de pédagogie d'Emmanuel Capus qui a démontré le recentrage des crédits. Seuls 100 000 contrats aidés seront signés contre 200 000 en 2018. Néanmoins, ils ne constituent qu'une réponse de court terme. Il est temps de recentrer les moyens sur ceux qui en ont le plus besoin avec l'IAE.

L'augmentation des crédits du PIC accompagnera la généralisation effective de la Garantie jeunes, alors que le chômage des jeunes atteint 20 %.

Je veux insister sur la nécessaire territorialisation de la politique de l'emploi. Pourquoi, dès lors, réduire les moyens des maisons de l'emploi ? La suppression de leurs crédits est regrettable. Nous soutiendrons l'amendement des rapporteurs de la commission des finances sur le sujet.

Votre politique favorise la montée en compétences des travailleurs. Nous la saluons.

Le groupe Les Indépendants votera ces crédits en l'état. Le changement de logique est bienvenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Investir dans les politiques publiques de l'emploi est capital. Les crédits de la mission vont malheureusement à rebours de cette ambition, avec 3 milliards d'euros en moins, malgré l'échec du Gouvernement à lutter contre le chômage.

Les écoles de la deuxième chance offrent une qualification ou un emploi à des décrocheurs. Pourquoi ne pas accélérer leur implantation ? Le sort réservé aux missions locales suscite l'inquiétude dans les territoires. Leurs moyens diminuent de 4 %. Ne cassons pas ce dispositif. L'avenir des maisons de l'emploi est préoccupant. Pourtant, elles interviennent dans des secteurs parfois non traités par le service public de l'emploi.

L'Assemblée nationale n'est pas restée sourde à leur sort, heureusement, en adoptant un amendement portant leurs crédits à 5 millions d'euros, complété par les 10 millions d'euros de l'amendement des rapporteurs de la commission des finances du Sénat.

Moins d'un an après leur mise en place, les parcours Emploi compétences (PEC) remplaçant les contrats aidés, brutalement arrêtés en 2017, ont un bilan plus que mitigé, en partie à cause de leur complexité et de la baisse de la part financée par l'État, ramenée de 73 % à 50 %. Nous dénonçons la brutalité de la réforme, sans aucune alternative pour les petites communes et associations, dans un contexte marqué par la suppression de la réserve parlementaire et la réduction des dotations de l'État aux collectivités.

Je ne comprends pas non plus la baisse des moyens de Pôle Emploi : une baisse de 85 millions d'euros après une autre de 50 millions d'euros dans le budget pour 2018. La charge des conseillers s'accroît avec 70 dossiers supplémentaires pour chacun d'entre eux avec le plan Pauvreté. C'est une aberration quand beaucoup de demandeurs d'emploi ont besoin d'être pris par la main.

Trop peu est fait pour l'emploi des personnes handicapées, malgré des crédits atteignant 400 millions d'euros ; la prestation de compensation du handicap reste insuffisante pour financer l'achat d'un véhicule adapté ou d'un fauteuil. On constate aussi de nombreux retards dans le paiement des aides et l'expérimentation en cours visant à faire prendre en charge la PCH par les fonds départementaux de compensation du handicap s'avère complexe, en raison des finances exsangues des départements.

Malgré les nombreux points négatifs de cette mission, malgré la déception, nous voterons ces crédits, pour les quelques avancées qu'ils comportent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La France compte plus de 5,6 millions demandeurs d'emploi, un chiffre tristement en hausse sur trois mois, comme sur un an. Or le budget de la mission baisse pour la deuxième année consécutive ; cette fois, à périmètre constant, l'amputation est de 3 milliards d'euros.

Pôle Emploi est particulièrement touché, avec une baisse de 85 millions d'euros, après une baisse de 50 millions d'euros en 2018. Ce sont 800 ETP en moins en 2019 ; et ce, sans tenir compte du redéploiement des conseillers du conseil vers le contrôle. On évoque, comme explication, des gains de productivité. Mais la dématérialisation peut faciliter les choses pour certains publics, être un repoussoir pour d'autres.

Les missions locales, elles aussi, seront fragilisées avec la diminution de plus de 8 millions d'euros des crédits consacrés aux conventions d'objectifs. Quelque 250 emplois de conseillers seront supprimés, faute de financement ; quel paradoxe quand de nouvelles responsabilités viennent d'être confiées à ces structures dans la lutte contre la pauvreté des jeunes. Quant aux expérimentations des fusions des missions locales dans Pôle Emploi, nous y sommes opposés. Elles mettront en cause l'ancrage territorial de ces structures et l'engagement politique et financier fort des élus représentant leurs collectivités.

L'an dernier, nous avons dénoncé la baisse drastique des contrats aidés. Les nouveaux « parcours emplois compétences » sont un échec : à peine plus de la moitié des parcours ont été prescrits en 2018, 100 000 contrats supplémentaires seulement sont prévus en 2019 quand vous évoquiez, il y a un an, le chiffre de 200 000. Le taux de prise en charge est trop faible ; vous avez perdu la confiance des employeurs qui redoutent de nouveaux revirements du Gouvernement. Vous justifiez la baisse des crédits cette année par la sous-consommation de ceux de l'an passé, un comble ! Nous n'avons ni le qualitatif, que vous prôniez, ni le quantitatif. Les emplois aidés manquent dans les services scolaires et périscolaires, dans l'aide aux personnes dépendantes, les Ehpad et tout aussi cruellement dans le milieu associatif.

Nous avions déposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable, pour porter le nombre de contrats aidés à 200 000 avec une hausse du taux de prise en charge à 70 % du Smic. Cela paraît indispensable pour relancer ces contrats dans le secteur non marchand et le monde rural où le sentiment d'abandon par l'État est le plus fort.

Et que dire de la disparition de la contribution de l'État au budget de fonctionnement des maisons de l'emploi ? Elle mettra inexorablement en difficulté ces structures. Si l'amendement de l'Assemblée nationale va dans le bon sens en leur attribuant 5 millions d'euros, le groupe socialiste défendra un amendement visant à porter leurs crédits à 10 millions d'euros.

La baisse des effectifs du ministère, notamment de l'inspection du travail, constitue un très mauvais signal à une époque où le code du travail est bouleversé et la lutte contre le travail au noir nécessaire.

Les sénateurs du groupe socialise prendront leurs responsabilités en ne votant pas les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'emploi des personnes handicapées, notamment pour 5 000 ETP supplémentaires, est louable. Cependant, la loi Égalité avenir professionnel a modifié les modalités de calcul de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) afin de favoriser l'emploi direct. La sous-traitance et les prestations ne pourront plus être autant mobilisées par les employeurs. Augmenter si fortement la création de postes est paradoxal quand pèse le risque d'une diminution des carnets de commandes des entreprises adaptées.

Entreprises protégées, adaptées et ordinaires, il est impossible de modifier l'équilibre d'un milieu sans briser l'autre. Complétons la réglementation pour passer plus facilement d'une place dans un établissement médico-social à un emploi au sein d'une entreprise.

La hausse des crédits de l'insertion par l'activité économique va permettre de créer 5 000 emplois mais ne compense que partiellement la suppression des contrats aidés.

Je veux, en tant que membre de son conseil d'administration du fonds d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, dresser un premier bilan. Après la loi du 29 février 2016, dix territoires, dont celui de Mauléon dans les Deux-Sèvres, ont été sélectionnés. Près de 1 000 personnes ont trouvé un emploi pérenne. Les entreprises à but d'emploi ont créé des emplois utiles. Le président de la République a annoncé l'extension de l'expérimentation à 40 territoires ; dans quelles conditions ?

PEC, ateliers et chantiers d'insertion, entreprises d'insertion, entreprises à but d'emploi, entreprises adaptées, il serait utile de renforcer la lisibilité de ces dispositifs tout aussi utiles les uns que les autres. Est-ce la future mission du service public de l'insertion ?

Madame la ministre, votre Gouvernement se veut actif dans la lutte contre le chômage mais trop de mesures sont prises dans la précipitation. Vous gagnerez à associer davantage les acteurs territoriaux ; vous le faites trop peu ou trop brièvement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Mme Sabine Van Heghe .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) L'AFPA va connaître la fermeture de 38 sites sur 206 et la suppression de 1 541 postes. Onze départements n'auront plus de sites et, cela devient une habitude, ce sont les plus fragiles et les plus ruraux. Il y a là une nouvelle illustration du double langage du Gouvernement : vous annoncez des objectifs qui paraissent, parfois, louables, mais vous mettez concrètement en place des politiques qui ne correspondent pas aux effets d'annonce ; d'où le sentiment, chez une large majorité de nos concitoyens, d'être trompés.

Une aide unique est prévue par l'apprentissage, mise en place par la loi Liberté de choisir son avenir professionnel. Son montant sera fixé par décret, nous sommes donc vigilants.

Plus de 5 000 ETP sont prévus pour l'insertion par l'activité économique mais en deçà des attentes du secteur et des recommandations du rapport de Jean-Marc Borello de janvier 2018.

Avec la suppression des contrats aidés, vous provoquez une catastrophe sociale dans le département du Pas-de-Calais. Les emplois aidés manquent dans les Ehpad pour nos ainés, manquent aux associations qui se voient affaiblies. Notre tissu social est fragilisé, les solidarités entamées ; l'on voit comment le sentiment d'abandon de nos concitoyens se traduit dans les protestations actuelles. Vous avez organisé un vaste plan de licenciements en agissant par idéologie. Le Gouvernement n'écoute pas, le Gouvernement reste sourd, campé dans ses certitudes alors que sa politique de l'emploi ne marche pas et que le chômage augmente.

Les sénateurs du groupe SOCR voteront contre les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En ces temps troublés, la mission « Travail et emploi » est capitale. De nombreux maux de notre société pourraient être résolus par le travail. Les ordonnances et la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » vont dans le bon sens mais le taux de chômage stagne, il est de 9,1 % au troisième trimestre 2018. La baisse des demandeurs d'emploi de catégorie A a été plus que compensée par la hausse de ceux des catégories B et C.

Pourtant, les budgets alloués à la formation et au travail sont importants, même si une baisse de 2,9 milliards d'euros est prévue cette année pour une meilleure maîtrise de la dépense publique. Depuis des années, nous dénonçons le manque de retours sur les résultats des outils de lutte contre la précarité.

Je suis favorable à l'augmentation des crédits pour la Garantie jeunes, les écoles de la deuxième chance, le plan d'investissement dans les compétences et l'insertion par l'activité économique.... En revanche, je regrette la baisse de 4 % des crédits aux missions locales qui accueillent 1,4 million de jeunes. Un jeune sur deux s'est vu proposer un emploi à l'issue d'une formation. Pôle Emploi va connaître une baisse de ses effectifs prétendument compensée par une hausse de sa productivité ; j'en doute, alors que ses missions s'élargissent. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.) Pendant ce temps, des emplois ne sont pas pourvus. La politique de l'emploi est insuffisamment efficace. On peut même faire avec moins.

Je regrette la baisse des contrats aidés ; cela coûte cher à l'État mais un chômeur encore plus.

Le groupe Les Républicains votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - C'est un plaisir de vous retrouver ce soir, une semaine après mon audition en commission. Vos interventions témoignent d'une volonté commune : permettre à tous nos concitoyens d'accéder à un emploi durable et de qualité. Telle est la volonté du président de la République : émanciper par le travail.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé la gouvernance des politiques de formation professionnelle et d'apprentissage afin que l'individu soit au centre du jeu, acteur et décideur de son propre parcours. Développement massif de l'apprentissage, efficacité de la formation professionnelle continue, inclusion dans l'emploi des personnes en situation de handicap, égalité professionnelle entre femmes et hommes, élargissement de l'assurance chômage pour faciliter les transitions professionnelles, lutte contre la précarité et retour à l'emploi durable, tous ces objectifs sont au coeur du document de cadrage remis aux partenaires sociaux en septembre dernier. Les derniers décrets, beaucoup sont déjà parus, seront publiés au plus tard début janvier 2019.

Le plan d'investissement dans les compétences, doté de 1,5 milliard d'euros en 2018, a permis le lancement de 20 programmes pour accompagner et former des personnes peu qualifiées. TPE et PME n'ont plus peur d'embaucher, elles le disent ; elles ne trouvent pas les compétences qu'elles cherchent. Le chômage est passé de 9,7 % à 9,1 % en un an, nous devons faire mieux.

En 2018, nous avons transformé les contrats aidés en PEC. Ils reposent sur le triptyque : mise en emploi, accompagnement et formation. Le fonds d'inclusion dans l'emploi renforce leur pilotage territorial, la fongibilité des crédits facilite l'adaptation aux besoins locaux.

Le modèle inclusif des entreprises adaptées est mis en avant avec Cap vers l'inclusion, signé le 12 juillet 2018 : 40 000 personnes en situation de handicap supplémentaires auront accès à l'emploi d'ici 2022. Les emplois Tremplin favoriseront l'accès à des entreprises non adaptées.

Un plan de transformation de l'AFPA a été annoncé il y a quelques semaines mais nous y reviendrons.

Toutes ces opérations ont été menées dans le respect des crédits que le Parlement m'avait alloués.

Cette année, les crédits de la mission s'élèvent à 12,4 milliards d'euros. La baisse de 2 milliards d'euros par rapport à 2018 s'explique par l'extinction des mesures décidée sous le précédent quinquennat, dont l'aide à l'embauche ponctuelle dans les PME-TPE, et la suppression en volume des contrats aidés que j'assume - il fallait faire le partage des eaux entre les vrais contrats aidés et la précarité subventionnée.

La colonne vertébrale de ce budget, ce sont l'investissement dans les compétences et l'inclusion dans l'emploi des plus vulnérables. Ces derniers doivent être au coeur de notre politique d'inclusion ; ils sont au centre du plan Pauvreté annoncé par le président de la République en septembre.

Nous poursuivons la montée en puissance des crédits du plan avec un doublement des engagements en faveur des compétences à 3 milliards d'euros dont 1,5 milliard n'est pas dans ce budget puisqu'il provient de la contribution à la formation professionnelle des entreprises. Quel est le gain ? On investit plus, les publics en difficulté seront plus ciblés et vous aurez plus de visibilité sur ces crédits.

Premier objectif : l'insertion des parcours Formation dans les pactes régionaux pluriannuels d'investissement dans les compétences. Ces pactes sont en cours de négociation entre l'Etat et les régions. Les engagements seront pris pour quatre ans avec une clause annuelle, la montée en puissance sera progressive. Car, nous avons tiré les leçons du plan « 500 000 » : lorsqu'on va trop vite, trop fort pour la formation, on crée un appel d'air et ce n'est pas forcément bon.

En 2019, 1,6 milliard d'euros sont provisionnés pour les pactes régionaux.

Deuxième objectif, 60 millions d'euros sont consacrés à la formation dans l'insertion par l'activité économique. Les personnes handicapées sont également une priorité.

Troisième objectif, consolider la Garantie jeunes et les autres dispositifs avec 550 millions d'euros en 2019.

Quatrième objectif, promouvoir les expérimentations sur des publics cibles et des secteurs cibles : 10 000 formations sur le numérique, 10 000 formations sur les emplois verts ou encore la préparation à l'apprentissage - 60 CFA ont postulé pour monter des formations en apprentissage. Un délégué interministériel a été nommé au développement de l'apprentissage.

L'évaluation des « Territoires zéro chômeur de longue durée » sera réalisée prochainement. Les effectifs seront doublés à 1 270 personnes et le budget augmente de 4 millions d'euros.

Les réformes de la loi Liberté de choisir son avenir professionnel prévoient 100 000 emplois en faveur des personnes en situation de handicap, sachant que 500 000 émargent à Pôle Emploi, soit deux fois plus que dans le reste de la population.

Le budget porte un engagement important en faveur des plus vulnérables. Dès 2019, 10 000 personnes de plus bénéficieront de l'insertion par l'activité économique. Pour la réforme des entreprises adaptées, 400 millions d'euros sont prévus. L'Agefiph complétera le financement de l'État.

Nous compléterons ces efforts par 100 000 parcours emploi compétences. 30 000 contrats aidés seront transférés au ministère de l'Éducation nationale pour l'accompagnement des élèves handicapés pour 124 millions d'euros.

L'expérimentation des emplois francs se poursuit depuis avril.

La baisse de 85 millions d'euros de subventions à Pôle Emploi est plus que compensée par la dynamique de la contribution Unedic - 100 millions d'euros supplémentaires.

L'aide aux missions locales passe de 360 à 356 millions d'euros : la baisse est faible. En revanche, nous voulons une contractualisation avec plus de dynamisme, pour aller chercher les jeunes dans les zones rurales et au pied des tours. J'ai d'ailleurs créé un conseil de l'inclusion dans l'emploi, présidé par Thibaut Guilluy.

Le paysage des aides à l'apprentissage sera simplifié au 1er janvier 2019, grâce à la création du nouvel opérateur, France Compétences.

Pour réduire le coût du travail, nous basculons certains allégements vers le droit commun, plus favorable.

Un effort budgétaire de près de 4 milliards d'euros est consacré aux services d'aide à la personne et de création d'entreprises.

Je poursuivrai le retrait de l'État de la subvention de fonctionnement des maisons de l'emploi ; en revanche, les craintes ont été entendues et une enveloppe de 5 millions a été votée à l'Assemblée nationale pour accompagner la transition. Nous ne voulons pas de fusion mais une coopération renforcée.

La baisse des effectifs du ministère sera de 233 emplois - un taux d'effort stable par rapport à 2018 - grâce au numérique.

Ce budget a une grande cohérence : il intensifie l'inclusion et stimule la création d'emplois grâce aux compétences, à l'apprentissage et à la réduction du coût du travail.

Examen des crédits de la mission et des articles rattachés

Article 39

M. le président.  - Amendement n°II-541 rectifié bis, présenté par Mme Féret et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

 

20 000 000 

 

20 000 000 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

 

 

 

 

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

20 000 000

 

20 000 000

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

dont titre 2

 

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

Mme Corinne Féret.  - Il y a une injonction contradictoire : le Gouvernement multiplie les missions de l'inspection du travail mais réduit ses effectifs. Vous voulez, madame la ministre, mettre l'accent sur la prévention des chutes de hauteur ; Mme Schiappa, sur l'égalité hommes-femmes. Et la santé au travail ? Et la lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement ? Il faut renforcer les moyens de l'inspection du travail.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial.  - Sur le fond, je suis favorable à la lutte contre le travail illégal, mais l'action visée n'est pas la bonne. En outre, il faudrait prélever des crédits sur la Garantie jeunes, alors que nous en ponctionnons déjà avec un amendement suivant. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Aujourd'hui, il y a 2 130 agents affectés au contrôle, soit plus que la recommandation de l'OIT d'un agent pour 10 000 salariés. Nous avons décidé de prioriser : lutte contre fraude au détachement et travail illégal, égalité homme/femme et sécurité et santé au travail.

L'objectif est de 300 000 interventions en favorisant les échanges permanents entre la direction générale du travail et les Direccte, les opérations conjointes avec les douanes, la police, la gendarmerie et les Urssaf pour démanteler les filières. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale.  - À titre personnel, je soutiens cet amendement même s'il n'est pas techniquement parfait. Quand on regarde ce que réalisent les inspecteurs du travail, vos priorités sont déjà suivies. Les méthodes de travail doivent peut-être être revues mais rien ne justifie de réduire le nombre d'inspecteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. Alain Fouché.  - Un travail extraordinaire est mené par les inspecteurs du travail. Le Gouvernement devrait en nommer davantage.

L'amendement n°II-541 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-545 rectifié bis, présenté par Mme Féret et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

18 000 000

18 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

18 000 000

18 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

dont titre 2

TOTAL

18 000 000

18 000 000

18 000 000

18 000 000

SOLDE

0

0

Mme Sabine Van Heghe.  - On assiste à un plan de licenciements à l'AFPA. Nous nous inquiétons de la fin de son maillage territorial. Dans les Hauts-de-France, trois sites sont menacés : Berck, Boulogne et Beauvais. Les salariés de l'AFPA ne comprennent pas pourquoi des formations affichant complet ou portant sur des secteurs en tension sont fermées.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial.  - L'AFPA est le seul opérateur de la mission dont les crédits sont stables : un ajout de 18 millions d'euros serait énorme. En outre, il serait prélevé sur la Garantie jeunes.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable. Chaque année, l'AFPA ne peut pas boucler seule son budget. Elle a 720 millions d'euros de déficit. Cette année, nous avons encore dû combler 70 millions d'euros. La décentralisation a conduit les régions à émettre des appels d'offres que l'AFPA ne remporte pas. D'où une baisse de 20 à 40 % du chiffre d'affaires selon les régions. Dans certains centres, il y a plus de formateurs que de stagiaires. Nous avons décidé de sauver l'AFPA et de lui éviter la faillite. Nous lui avons confié les programmes HOPE et les prépa-compétences à l'AFPA. Mais il faut préparer l'avenir. Mon cabinet recevra jeudi les organisations syndicales de l'AFPA. Un programme AFPA Mobile apportera une offre de formation itinérante là où on ne peut conserver un site.

M. Patrice Joly.  - Je soutiens cet amendement. Dans le Nivernais, l'AFPA joue un rôle essentiel auprès des personnes éloignées du travail. L'annonce de la fermeture de l'AFPA de Nevers a été un choc, incompréhensible : des milliers d'heures de formation. C'est un coup dur pour la Nièvre, le Cher et l'Allier où les services publics ferment. Dire aux habitants qu'ils doivent faire des kilomètres pour trouver un nouveau centre de formation alors que celui de Nevers fonctionne et que de nombreux investissements ont été réalisés sur ses plateaux techniques n'est pas envoyer un bon signal. L'État détenteur de la moitié des sièges du conseil d'administration de l'AFPA doit prendre ses responsabilités.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale.  - Le modèle met en concurrence un service public à part entière avec des organismes privés où les formateurs sont des vacataires dont les intermissions ne sont pas prises en charge et où la qualité de formation est moindre.

Le projet de redynamisation de l'AFPA doit être puissant pour qu'elle reparte de l'avant. (Mme Gisèle Jourda applaudit.)

L'amendement n°II-545 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-540 rectifié, présenté par Mme Féret et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

14 070 000

14 070 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

dont titre 2

14 070 000

14 070 000

TOTAL

14 070 000

14 070 000

14 070 000

14 070 000

SOLDE

0

0

Mme Corinne Féret.  - Lors de la présentation du plan Pauvreté en septembre dernier, le président de la République a annoncé le doublement du nombre de chômeurs de longue durée concernés par l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » lancée sous le quinquennat de François Hollande.

Il s'agit d'une excellente mesure pour réinsérer professionnellement des personnes durablement éloignées de l'emploi. Au 30 juin, 936 chômeurs ont retrouvé un emploi. À Mauléon, l'objectif sera bientôt atteint. À Colombelles dans le Calvados, l'expérimentation est concluante.

Pourquoi attendre 2020, voire plus, pour étendre ce qui marche afin de remettre le pied à l'étrier des plus fragiles d'entre nous et lutter contre le chômage ? Louis Gallois estime lui-même que l'expérimentation est suffisamment concluante.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial.  - Je partage évidemment l'intention des auteurs de l'amendement d'une montée en charge du dispositif. La difficulté, c'est que 4 millions d'euros seulement ont été consommés l'an dernier, sur une prévision de 15 millions d'euros. À 22,4 millions d'euros, les crédits prévus cette année me semblent suffisants. Retrait ou avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Sur le plan financier, même avis. Les opérations menées sur le territoire sont très encourageantes. Une évaluation est prévue fin 2019, elle sera transmise à la représentation nationale. C'est indispensable, car le coût s'élève à 17 000 euros par bénéficiaire. Le but est que les externalités couvrent ces frais, et que les emplois créés ne fassent pas concurrence aux PME. Nous avons les moyens de doubler l'opération l'année prochaine.

M. Patrice Joly.  - Le projet territoire zéro chômeur propose aux demandeurs d'emploi de longue durée présents sur le territoire depuis plus de six mois un emploi à durée indéterminée, adapté à leur savoir-faire. Dans la Nièvre, cette expérience est menée depuis un an et demi sur un territoire de 4 000 habitants. Les salariés sont embauchés en CDI. Quelque 90 personnes sont embauchées par une entreprise à but d'emploi (EBE), 60 sont en attente.

Cette expérience offre des prestations en agriculture, sur des emplois saisonniers, ou des services aux personnes âgées, la demande étant peu solvable. Les salariés bénéficient de nouvelles perspectives ; ils peuvent alors se projeter, par exemple pour acheter un véhicule. Des emplois se développent dans l'artisanat, le commerce.

Une dynamique vertueuse s'est engagée sur le plan humain. Des hommes et des femmes relèvent la tête, participent à la vie de la cité, aux associations, aux évènements. Cette expérimentation, véritable succès, doit perdurer et pouvoir être déclinée sur d'autres territoires. Quarante sont annoncés, mais il manque des moyens.

M. Philippe Mouiller.  - Je suis favorable à cette expérimentation, dont j'espère la pérennisation. Je siège au conseil d'administration de la gestion du fonds. Nous avons besoin de temps pour la mise en place du dispositif. Ce n'est pas en dix-huit mois qu'une entreprise peut confirmer sa capacité à conserver ces emplois. Agrandissons déjà le champ de l'expérimentation avant de la généraliser.

Il faut de la souplesse administrative dans la gestion du fonds, qui souffre avant tout de problèmes de trésorerie. L'administration doit gérer en souplesse.

Enfin, une question de forme. Madame la rapporteure de la commission des finances, êtes-vous aussi rapporteure du groupe socialiste ?

Mme Frédérique Puissat.  - Très juste !

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale.  - Nous nous sommes réparti les tâches, avec mon co-rapporteur. Je vous donnerai l'avis de la commission des finances lorsqu'il est favorable - c'est rare. En tant que rapporteur, nous pouvons aussi donner notre position personnelle. Vous en auriez fait autant à ma place.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale.  - Il est important de prendre en compte dans l'évaluation l'impact sur l'ensemble du territoire, car ces projets bénéficient non seulement aux personnes embauchées mais aussi à la redynamisation du tissu économique.

L'amendement n°II-540 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-69, présenté par M. Capus, au nom de la commission des finances.

I.  -  Créer le programme :

Maisons de l'emploi

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

 

10 000 000

 

10 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

 

 

 

 

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

Maisons de l'emploi

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial.  - Nous avons eu l'an dernier le débat sur les crédits des maisons de l'emploi, qui avaient baissé à 12 millions d'euros. Il ressort de notre mission de contrôle budgétaire que les maisons de l'emploi ont un bilan globalement positif ; elles ont trouvé leur place. Parmi leurs spécificités, les clauses sociales et une action reconnue en matière de GPEC.

L'Assemblée nationale a voté la réouverture d'un crédit de 5 millions d'euros. La commission des finances souhaite monter à 10 millions d'euros en AE et CP, car les crédits de la Garantie emploi ne seront probablement pas intégralement consommés. Il y a donc une réserve pour créer une action ad hoc.

M. le président.  - Amendement identique n°II-408 rectifié, présenté par MM. Lefèvre et Husson.

M. Antoine Lefèvre.  - L'utilité des maisons de l'emploi dans le maillage territorial est reconnue. En les abandonnant, l'État laisse les collectivités territoriales se dérouiller seules en matière d'insertion professionnelle des jeunes. C'est incompréhensible, alors que le président de la République s'est engagé à multiplier par cinq l'accompagnement des jeunes dans le plan Pauvreté. Les maisons de l'emploi sont un objet social unique, nullement redondant, pour accompagner les personnes très éloignées de l'emploi, notamment en zone rurale.

M. le président.  - Amendement identique n°II-430 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Collin, Corbisez et Gabouty, Mme Jouve et M. Requier.

Mme Nathalie Delattre.  - Madame la ministre, depuis un an, je vous demande audience, comme présidente des maisons de l'emploi, cet outil né de la volonté des territoires. On en compte aujourd'hui 106, avec 1 200 collaborateurs. Toutes ont leurs spécificités. Bordeaux sur la création d'entreprises et le bâtiment, Strasbourg sur la formation transfrontalière, Roubaix sur les outils numériques. Elles sont soutenues par 15 000 communes, 1,5 million d'entreprises.

Elles sont support de clauses d'insertion ; 72% des personnes restent en CDI après 18 mois de contrat. Le dispositif a toujours été évalué positivement. Or l'État ne remplit plus sa part du contrat : sa participation est passée de 80 millions d'euros en 2005 à 5 millions en 2019 ! Ce désengagement, ce mépris des collectivités territoriales sont incompréhensibles. C'est pourquoi le Sénat se mobilise. Merci de l'entendre. (MM. Michel Forissier, rapporteur pour avis, Antoine Lefèvre et Philippe Mouiller applaudissent.)

M. Philippe Mouiller.  - Bravo !

M. le président.  - Amendement identique n°II-489, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les maisons de l'emploi font le lien entre partenaires publics et privés, élaborent des stratégies locales. Le retrait de l'État est dommageable car les collectivités territoriales ne peuvent les financer seules. Pour ces territoires, c'est la double peine !

La France a un taux de 9 % de chômage, 11,7 % dans les Hauts-de-France. Le taux de pauvreté est de 18 %, 20% dans le Pas-de-Calais. Or les acteurs de la formation professionnelle voient leurs crédits baisser : Pôle Emploi, AFPA, alors que la liste de leurs missions s'allonge. Nous nous opposons à ce désengagement de l'État. Maintenons un service public de l'emploi de proximité, accessible à tous, sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

M. le président.  - Amendement identique n°II-494, présenté par Mme Schillinger.

Mme Patricia Schillinger.  - J'ai déposé cet amendement pour défendre les maisons de l'emploi. Dans mon département, la maison de l'emploi de Mulhouse-Sud Alsace est particulièrement dynamique dans l'anticipation des mutations économiques, le développement de l'emploi local, l'orientation, la mise en oeuvre du plan local pour l'insertion et l'emploi. Elle a contribué au succès des clauses sociales d'insertion dans les marchés publics, à l'apprentissage transfrontalier et s'implique dans la promotion de la mobilité des actifs, dans l'esprit de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ce réseau mérite tout votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. le président.  - Amendement identique n°II-526 rectifié, présenté par M. Henno, Mme Létard, M. Delcros, Mme Vullien, MM. Kern, Vanlerenberghe et Janssens, Mme Sollogoub et M. Moga.

M. Olivier Henno.  - Lorsque Jean-Louis Borloo a créé les maisons de l'emploi, il voulait introduire des complémentarités dans le service public de l'emploi ainsi qu'une gouvernance territoriale. Commencez donc par introduire plus de gouvernance territoriale dans le service public de l'emploi avant de supprimer les maisons de l'emploi, qui sont un dispositif disparate mais très utile sur de nombreux territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

M. le président.  - Amendement identique n°II-543 rectifié, présenté par Mme Féret et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Mme Corinne Féret.  - Entre la fermeture des sites AFPA et la fusion des maisons de l'emploi avec Pôle Emploi, c'est tout le service public de l'emploi dans les territoires qui est rogné. Cela inquiète fortement les élus locaux. Pour la maison de l'emploi de l'agglomération de Caen, le changement d'échelle ne peut se faire sans les plateformes locales d'animation et d'ingénierie que sont les PLIE et les maisons de l'emploi. Le rapport de la mission d'information du Sénat a conclu à un risque de bilan négatif en cas de retrait total de l'État. L'abondement de 5 millions d'euros prévu par l'Assemblée nationale est totalement insuffisant.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Lorsque les maisons de l'emploi ont été créées, le service public de l'emploi n'existait pas sous sa forme actuelle. C'est pourquoi chaque Gouvernement, quelle que soit son orientation politique, a baissé leurs crédits : moins 75 % entre 2009 à 2017. Beaucoup d'élus locaux ont rapproché les maisons de l'emploi des PLIE, des missions locales ou des maisons de services au public. Je le redis, aucune fusion n'est prévue entre les missions locales et Pôle Emploi. Multiplier les structures locales n'est pas forcément efficace, il faut mieux assurer la coopération entre les organismes.

Nous avions annoncé l'année dernière que l'État ne financerait plus les maisons de l'emploi qui ont des politiques différentes.

Mme Nathalie Delattre.  - C'est 15 000 communes !

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Elles sont toutefois éligibles au FSE pour des opérations en matière de GPEC, à l'échelle du bassin d'emploi. Nous n'avions pas prévu de budget, c'est vrai, mais j'ai approuvé l'amendement de 5 millions d'euros à l'Assemblée nationale. Avis défavorable aux vôtres.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale.  - Certes, les réductions ont été progressives ; au fur et à mesure, il y a eu des réorganisations, des fusions et des disparitions de maisons de l'emploi qui n'avaient pas trouvé leur place. Les structures restantes ont démontré leur capacité à engager des dynamiques. Elles sont pilotées par les élus locaux. Difficile d'imaginer que Pôle Emploi pourrait prendre le relais, vu son mode de gouvernance. S'en tenir à des financements aux projets fragilise les structures et reporte la charge sur les collectivités. Conservons un financement suffisant pour assurer la pérennité des maisons de l'emploi restantes.

M. Alain Fouché.  - Lorsque je présidais le département de la Vienne, la maison de l'emploi disposait, sous Sarkozy, de crédits énormes. J'ai proposé de les répartir sur tout le territoire. Sous la présidence Hollande, les financements ont cessé. Nous avons tapé du poing sur la table, comme les élus savent le faire. La maison de l'emploi est devenue la maison des services au public, avec des subventions du département et de la région, dans le cadre du contrat de territoire. Désormais, le département est seul et met à disposition du personnel.

Beaucoup de départements n'ont pas pu bénéficier de cette structure en raison de son arrêt brutal. C'était un bon système, préservons-le.

Les amendements identiques nosII-69, II-408 rectifié, II-430 rectifié, II-489, II-494, II-526 rectifié et II- 543 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-544 rectifié, présenté par Mme Féret et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

8 250 000

8 250 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

8 250 000

8 250 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

dont titre 2

TOTAL

8 250 000

8 250 000

8 250 000

8 250 000

SOLDE

0

0

Mme Corinne Féret.  - Le budget des missions locales baisse de 8,25 millions d'euros par rapport à 2018, en contradiction avec les annonces du président de la République. Le plan Pauvreté vise un quintuplement du nombre des Garanties jeunes ; or le PLF ne prévoit que 100 000 entrants pour 2019. Nous renforçons la capacité d'accompagnement des jeunes en difficultés par les missions locales, car la Garantie jeunes ne se limite pas à une simple allocation. Or rien n'est prévu en matière d'accompagnement des jeunes par les missions locales. Pire, pas moins de 250 ETP sont supprimés. Le Gouvernement se prive des outils pour lutter contre le chômage des jeunes non diplômés, qui sont 20 % à être sous le taux de pauvreté.

Madame la ministre, soyez cohérente et sortez des effets d'annonce. Maintenez le financement des missions locales au niveau de 2018.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale.  - La commission des finances a émis un avis défavorable car cet amendement prend des crédits sur le volet Formation du PIC.

À titre personnel, difficile de considérer que la Garantie jeunes contrebalance la baisse de financement des missions locales. La subvention n'est accordée à 100 % que si le jeune mène à terme son projet. Or il est impossible d'obtenir 100 % de sorties positives, vu le public concerné, qui est très éloigné de l'emploi.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - L'État finance 52 % du budget des missions locales.

Il finance le structurel, la Garantie jeunes et le parrainage. Le financement global des missions locales par l'État est en légère baisse, de 1,1 %. L'objectif est avant tout de simplifier les circuits financiers. Nous souhaitons une globalisation des crédits pour tirer les conséquences de l'intégration de la Garantie jeunes. Il faudra en débattre avec les collectivités territoriales. J'espère qu'elles ne se désengageront pas.

Mme Gisèle Jourda.  - Je soutiens avec force cet amendement car la pseudo-constance des crédits des missions locales est un tour de passe-passe. Elles vont perdre 8,2 millions d'euros de crédits, alors qu'elles assument la montée en puissance de la Garantie jeunes.

L'annonce du plan Pauvreté, la volonté d'en faire bénéficier 100 000 jeunes n'étaient qu'écran de fumée.

Département pilote, l'Aude avait un très bon taux de sortie mais celui-ci est en baisse car les missions locales n'ont plus les moyens de bien accompagner les jeunes. Résultat, elles ne perçoivent que 85 % de la subvention. Il faut mettre fin à une bureaucratie excessive, non supprimer des crédits.

Pourquoi affaiblir des opérateurs reconnus ? Le but du Gouvernement serait-il de favoriser in fine leur fusion avec Pôle emploi ? Ce serait une terrible erreur ! L'annonce brutale du Premier ministre a d'ailleurs suscité une levée de boucliers de la part des élus locaux. Méfions-nous de l'expérimentation. Les missions locales ne font pas la même chose que Pôle Emploi.

M. Alain Fouché.  - J'ai bien connu ce dossier pour avoir mis en place une mission locale à l'échelle du pays, avec le soutien du département et de l'intercommunalité. Cela fonctionnait, puis les régions ont mis la main dessus. Apportent-elles des financements ? En Aquitaine, la tendance est plutôt à supprimer toutes sortes de subventions...

L'amendement n°II-544 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-546 rectifié, présenté par Mme Féret et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

 

 

 

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

5 000 000

 

5 000 000

 

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

Mme Sabine Van Heghe.  - Les crédits du CPA et du CPF sont passés de 8 millions d'euros à 3 millions en 2018. Or l'application internet doit être opérationnelle à l'automne ; la Caisse des dépôts et consignations travaille à sa configuration. Si les professionnels ont été consultés, quid de la concertation en direction des futurs usagers ? Il faut s'assurer que la Garantie répondra bien aux besoins.

Madame la ministre, rassurez-nous. Un financement en baisse est un mauvais signal.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial.  - Avis défavorable. Au total, avec le Grand plan d'investissement, pas moins de 23 millions d'euros seront dépensés en 2019, en incluant les 3 millions du CPA.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-546 rectifié n'est pas adopté.

L'article 84 est adopté, de même que l'article 84 bis.

Les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés, sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » sont adoptés.

Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 5 décembre 2018, à 11 heures.

La séance est levée à 1 h 15.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 5 décembre 2018

Séance publique

À 11 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi - M. Joël Guerriau

À 14 h 30 et le soir

Présidence :

M. Philippe Dallier, vice-président M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

Projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019 (n°146 rectifié, 2018-2019)

- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 79 à 81 ter)

Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales

- Enseignement scolaire.