SÉANCE

du jeudi 7 février 2019

58e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Daniel Dubois.

La séance est ouverte à 10 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Rapport de la Cour des comptes

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des Comptes et Mme la rapporteure générale de la Cour. (M. le Premier président de la Cour des comptes, accompagné de Mme la rapporteure générale de la Cour, prend place dans l'hémicycle.)

Monsieur le Premier président, c'est avec un grand plaisir que nous vous accueillons ce matin à la tribune du Sénat à l'occasion du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes. Je vous remercie de votre présence dans notre hémicycle pour nous en présenter les conclusions et souhaite à Mme la rapporteure générale le meilleur dans ses nouvelles fonctions.

Cette séance ne constitue pas seulement une tradition bien établie. Elle traduit le lien étroit entre les missions dévolues à la Cour des comptes et celles du Parlement - sujet sur lequel nous reviendrons dans le cadre de la révision constitutionnelle, après l'avoir abordé dans notre groupe de travail. Ce lien a reçu en 2008 une consécration explicite dans notre Constitution.

Au cours de l'année passée, monsieur le Premier président, vous vous êtes personnellement rendu à plusieurs reprises devant nos commissions des finances et des affaires sociales pour présenter les travaux de la Cour qui jalonnent la préparation et l'exécution des lois financières.

La Cour a également remis à ces deux commissions plusieurs enquêtes qu'elles lui avaient demandées au titre de leurs prérogatives en matière de contrôle budgétaire.

Tel a été le cas sur les douze derniers mois, pour la commission des finances, sur des sujets aussi variés que les politiques publiques de soutien à l'amélioration de l'habitat ou aux énergies renouvelables, le recours aux contractuels dans l'Éducation nationale, les équipements de la police et de la gendarmerie, les conditions de versement des aides agricoles ou, tout récemment, la prise en charge des victimes du terrorisme.

Pour la commission des affaires sociales, la Cour a réalisé une enquête approfondie sur le rôle des centres hospitaliers universitaires dans notre système de santé, dont le second volet, centré sur l'organisation territoriale des soins hospitaliers, a été remis il y a quelques semaines. Le sujet de la santé est l'un des plus abordés dans notre pays en ce moment, je m'en suis encore rendu compte hier lors d'un échange avec des élus en Vendée.

De manière plus générale, la Cour est régulièrement sollicitée par les commissions et délégations de notre assemblée et je crois pouvoir dire que ses travaux constituent un apport très précieux dans l'exercice de notre fonction de contrôle comme de notre fonction législative.

Par l'attention qu'il porte au suivi des recommandations des années antérieures et l'écho qu'il reçoit dans l'opinion, le rapport public annuel tient une place éminente dans ce travail d'ensemble.

Il intervient cette année dans un contexte encore incertain pour les finances publiques, comme nous avons pu le constater dans les derniers jours de la discussion budgétaire.

Cela renforce d'autant l'attention que nous devons porter aux observations de la Cour en matière de gestion des administrations et organismes publics.

Monsieur le Premier président, c'est avec le plus grand intérêt que nous allons à présent vous écouter présenter le rapport annuel de la Cour des comptes, avant d'entendre M. le président de la commission des finances et M. le président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements)

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes .  - (M. le Premier président remet à M. le président du Sénat un exemplaire du rapport public annuel de la Cour ; applaudissements) La parution de notre rapport public annuel est devenu un rendez-vous phare avec les Français. En complément des travaux publiés tout au long de l'année, c'est l'occasion de réaliser à leur intention un important exercice de pédagogie, fondé sur des éléments objectifs, étayés, contredits, vérifiés et appuyés sur des comparaisons internationales.

C'est aussi un temps fort dans les relations déjà très denses que nous entretenons avec la Représentation nationale. Le Parlement est destinataire d'un grand nombre de nos travaux au cours de l'année, notamment en application des dispositions des LOLF et LOLFSS, faisant vivre la mission d'assistance confiée par l'article 47-2 de la Constitution à la Cour des comptes.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont aussi la possibilité d'adresser à la Cour des comptes des demandes d'enquête, faculté dont vous usez régulièrement. Les enquêtes réalisées dans ce cadre ont notamment porté en 2018 sur le soutien aux énergies renouvelables, l'indemnisation des victimes du terrorisme ou les équipements des forces de sécurité. Au total, douze enquêtes ont ainsi été réalisées à la demande des assemblées.

Rapports publics thématiques, référés, notes d'exécution budgétaire, actes de certification... Pas moins de 190 travaux vous ont été adressés en 2018. J'ajoute que la Cour a été auditionnée à 80 reprises par le Parlement au cours de cette même année. Je me réjouis de ces chiffres et souhaite que nos travaux vous soient aussi utiles que possible.

Le premier message que formule notre rapport public annuel porte sur la situation de nos comptes publics. La Cour des comptes constate la fragilité du redressement opéré ces dernières années et relève les incertitudes qui pèsent sur la trajectoire des finances publiques.

Dans un cadre budgétaire contraint, notre pays doit amplifier et systématiser la modernisation de ses services publics. De nombreuses possibilités existent. Ce message n'est pas nouveau, mais il faut le réitérer et ne pas céder à la résignation. Pour redonner du souffle à nos comptes et alléger le poids de notre dette, notre rapport identifie des pistes d'économies et de ressources nouvelles.

Certaines sont connues, mais les actions tardent à venir ou à porter leurs fruits. Entre exemples de transformations réussies et situations d'immobilisme, notre rapport esquisse quelques conditions à saisir des opportunités de modernisation de l'action publique.

La Cour constate qu'en 2018, le redressement de nos comptes publics marque le pas : après huit années de baisse consécutives, le déficit public s'établirait à 2,7 points de PIB, un niveau équivalent à 2017 - prévision réaliste, même prudente, à confirmer par les résultats complets de l'exécution fin mars.

Nous expérimentons un nouveau calendrier et remettrons les rapports sur l'exécution du budget de l'État et sur la situation et les perspectives des finances publiques avant l'été.

Le déficit structurel pour 2018 devrait se maintenir au niveau de 2017, à 2,3 points de PIB ; mécaniquement, notre dette publique s'accroît et approcherait les 98,7 % du PIB.

La plupart de nos voisins européens font beaucoup mieux : dans la zone euro, le niveau de la dette moyen est inférieur de dix points de PIB au nôtre. La dette publique allemande ne cesse de se réduire ; elle approche les 60 % du PIB, revenant ainsi quasiment à son niveau - qui était aussi le nôtre ! - de 2007.

M. Philippe Dallier.  - Eh oui !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.  - L'évolution des finances publiques nationales pour 2019 apparaît bien incertaine. La trajectoire inscrite en septembre dans le projet de loi de finances a été substantiellement modifiée par les mesures d'urgence annoncées en décembre en réponse aux gilets jaunes. Constituées principalement de baisses de prélèvements, ces mesures de soutien au pouvoir d'achat représentent près de 11 milliards d'euros. Le Gouvernement a annoncé des mesures de compensation qui contiendraient la hausse du déficit à 3,2 points de PIB ; la dette publique augmenterait en conséquence.

La Cour des comptes constate cependant que la prévision de 3,2 % est soumise à plusieurs incertitudes. D'abord le scénario macroéconomique défini en septembre 2018 d'une croissance à 1,7 % présente un risque sérieux de ne pas se réaliser : depuis, l'environnement macroéconomique s'est dégradé et l'Insee anticipe désormais une croissance de 1,5 % pour 2019.

De plus, l'impact des mesures d'urgence économique et sociale, estimé à 3,7 milliards d'euros, n'est pas pris en compte. Le Gouvernement s'est engagé à les compenser intégralement ; cela reste à documenter.

Enfin, pour ne pas dépasser les 3,2 points de PIB, les objectifs de dépense des administrations publiques devront être parfaitement tenus.

Les efforts de redressement semblent s'essouffler, l'écart se creuse avec nos partenaires européens, mettant en jeu la crédibilité de notre pays. Avec des niveaux d'endettement élevés, notre pays s'expose aux conséquences d'une remontée, sans doute progressive mais inéluctable, des taux d'intérêt. Surtout, faute d'avoir rétabli la situation par le passé, les pouvoirs publics ont aujourd'hui moins de marges de manoeuvre pour soutenir l'activité et protéger les plus fragiles.

À court terme, la Cour estime donc indispensable que le Gouvernement vous présente, dès que possible, des projets de lois financières rectificatives pour l'État et la sécurité sociale. Il devra aussi actualiser la trajectoire des finances publiques figurant dans la loi de programmation pour 2018-2022, certaines dispositions ayant été rendues caduques par les mesures annoncées fin 2018 et l'évolution de la conjoncture. À plus long terme, notre pays doit accélérer sa transformation.

Notre propos n'est pas résigné, mais optimiste. La situation n'a rien d'inéluctable ; d'autres pays, comme l'Allemagne, ont réussi à redresser leurs comptes. Des marges importantes existent, qui ne sont pas suffisamment exploitées.

Première piste, l'amélioration de la gestion des charges de personnel dans les collectivités publiques. En 2016, la masse salariale par habitant de la commune de Bobigny était supérieure de 34 % à celles des villes de taille comparable, et la chambre régionale des comptes a signalé des irrégularités dans la gestion des ressources humaines.

Dans douze communes défavorisées d'Île-de-France, la durée légale du temps de travail n'est que rarement respectée, exposant ces collectivités à des charges non justifiées qui grèvent leurs budgets.

Mieux dépenser aujourd'hui permet aussi de réduire les charges demain. Un chapitre est ainsi consacré à la prévention des maladies nosocomiales. À l'hôpital, un patient sur vingt est encore infecté chaque année. Outre les quatre mille morts par an - plus que les morts sur la route - les effets financiers qui s'élèvent à plusieurs milliards d'euros. La Cour recommande donc une réorganisation de l'action publique dans ce domaine appuyée sur une responsabilisation des acteurs.

Aux décideurs d'orienter au mieux les moyens publics pour maximiser leur efficacité. La politique des lanceurs spatiaux, stratégique pour la France et l'Europe, s'appuie sur Ariane 6 mais n'est pas assez compétitive. Nos partenaires européens pourraient être davantage mobilisés, la priorité devrait être donnée à l'innovation technologique au profit des lanceurs et non à leur fonctionnement courant.

Certaines dépenses n'ont pas vocation à relever du seul secteur public. La Cour relève ainsi qu'en France, les acteurs privés ne contribuent que pour 10 % au contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, contre 47 % au Danemark.

Il revient aux pouvoirs publics de fédérer les acteurs de la dépense autour d'un modèle économique clair : c'est notre recommandation pour la filière thermale dans la région Occitanie.

Dans certains cas, les conditions d'exécution des dépenses conduisent à en interroger le principe même. Dans le chapitre relatif au Mobilier national et aux manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie, la Cour fait état de défaillances de gestion inacceptables. On s'étonne que les responsables n'en soient pas davantage émus...

Mêmes critiques pour l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, qui a accumulé 508 millions de pertes d'exploitation entre 2013 et 2017.

La Cour identifie des marges de progrès côté recettes, notamment dans la lutte contre les fraudes fiscales et sociales. La France s'est enfin dotée d'un arsenal juridique adapté contre la fraude au travail détaché : il doit être mieux utilisé.

Nous formulons aussi des recommandations de meilleur usage de certains fonds européens ; 4,8 milliards d'euros auront été reçus par la France au titre de l'outre-mer sur la période de 2014-2020 : il y a de belles réussites, mais aussi du gaspillage.

Aucune de ces pistes ne constitue une recette miracle, mais les petits ruisseaux forment les grandes rivières... Pour y parvenir, il faut que le courant soit canalisé, que les réformes soient durablement engagées.

Nombre d'organismes publics engagent des processus courageux de transformation ; pour qu'ils portent leurs fruits, il faut s'attaquer aux causes des dysfonctionnements. Ainsi, la réforme en cours du réseau de trains Intercités n'a pas traité tous les enjeux : l'avenir du modèle économique, atypique au plan européen, est incertain, la qualité de service est inégale et la gouvernance fragile.

Autre exemple : Radio France. Les bons résultats d'audience témoignent des progrès accomplis mais des évolutions de structure restent à opérer, notamment pour réduire ses charges de personnel ou moderniser ses relations sociales, alors que le chantier de rénovation de la maison de la Radio entre dans sa treizième année...

Dernier exemple, les urgences hospitalières, réceptacle des dysfonctionnements de l'articulation entre hôpital et médecine de ville : 10 % à 20 % des recours auraient pu être traités en médecine générale.

Notre rapport public annuel est aussi l'occasion d'adresser des coups de chapeau à des transformations réussies, telles que la réforme des avoirs bancaires et des contrats d'assurance-vie en déshérence ou celle du service militaire adapté en outre-mer.

Le suivi de nos recommandations est source de satisfaction : 72 % des recommandations formulées par la Cour entre 2015 et 2017 ont été mises en oeuvre totalement ou partiellement par les administrations ; 79 % de celles des chambres régionales. La part des recommandations totalement mises en oeuvre, elle, atteint respectivement 24 % et 41 %. Citons les progrès dans la lutte contre la fraude dans les transports en Île-de-France, le recentrage des contrats aidés et le transfert réussi aux Urssaf de tâches du RSI. Les recommandations pour 2019 feront l'objet d'un suivi analogue.

Malgré les progrès accomplis, la situation de nos finances publiques reste fragile et incertaine. Non que rien ne change ; c'est notre rôle de souligner les dérives, mais notre activité nous conduit aussi à noter des progrès, identifier des voies de transformations et observer l'engagement et le sens du service des agents.

La parole publique est aujourd'hui mise en doute et l'information objective menacée par les fausses nouvelles. D'où un effort de transparence, d'écoute, d'adaptation de nos pratiques - modification de notre calendrier de publication, supports de communication plus pédagogiques et innovants. Le prochain rapport public traitera du numérique au service de la transformation de l'action publique.

Notre but est de vous être toujours plus utiles afin que nous contribuions ensemble à la transformation du service public pour rendre l'action publique plus efficace et plus efficiente. À votre écoute, la Cour s'efforcera de remplir toujours plus efficacement son rôle d'assistance et d'information du citoyen. (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe CRCE)

M. Gérard Larcher, président.  - Le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - Ce moment solennel symbolise la richesse de nos rapports avec la Cour des comptes. Celle-ci nous assiste tout au long de l'année dans le contrôle et l'exécution des lois de finances et dans l'évaluation des politiques publiques, comme le lui prescrit la Constitution.

En application de l'article 58-2 de la LOLF, notre commission des finances a commandé régulièrement des enquêtes à la Cour sur des sujets d'intérêt général. Il y a huit jours, nous avons entendu les magistrats de la Cour sur l'indemnisation des victimes du terrorisme ; nous discuterons bientôt de la dette des entités publiques ou, en mars, de la Caisse de garantie du logement locatif social.

Quelques remarques sur nos finances publiques. La loi de finances pour 2019 ne prend que très partiellement en compte les mesures en faveur du pouvoir d'achat adoptées dans les conditions que l'on sait en fin d'année. Pour un coût de 11 milliards d'euros, 4,1 milliards seulement de mesures de compensation, dont 3,7 milliards n'ont pas encore été prises : restriction de la baisse d'impôt sur les sociétés, la taxe sur les GAFA et économies sur les dépenses qui restent à concrétiser.

Le Gouvernement passe sous silence les fragilités de nos perspectives macroéconomiques. La Cour des comptes juge le scénario préoccupant et estime indispensable que le Gouvernement présente dès que possible des projets de lois financières rectificatives pour l'État et pour la sécurité sociale. Le Gouvernement temporise en renvoyant à la présentation du programme de stabilité à la Commission européenne, en avril ; cela ne le dispense pas de revenir auparavant devant nous.

Sur les performances de notre Gouvernement en matière de finances publiques, notre constat est plus sévère que celui de la Cour, qui se borne à noter que le déficit structurel 2019 serait « au mieux stable », alors qu'il baisse chez nos partenaires et que notre dette publique continue d'augmenter. La croissance relativement élevée, entre 1,5 % et 1,7 %, n'a pas été mise à profit pour réduire le poids de la dette.

Dans l'audit rendu à l'été 2017, la Cour s'alarmait que « sans mesures nouvelles de redressement, le déficit public atteindrait 3,2 points de PIB » ; aujourd'hui, elle note sobrement que le Gouvernement a annoncé pour 2019 des hausses de prélèvements et des baisses des dépenses visant à maintenir le déficit prévu à 3,2 points de PIB...

Monsieur le Premier président, la Cour frôle la complaisance, c'est inhabituel ! (Rires ; M. André Gattolin se récrie.)

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.  - Ah non, je ne peux pas vous laisser dire ça ! Vous oubliez l'impact du CICE : 0,9 point de PIB !

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Nombre d'observations du rapport public font écho à celles de nos rapporteurs spéciaux.

Malgré des progrès, le stock de contrats d'assurance-vie en déshérence reste élevé, dit la Cour. Notre commission connaît bien ce problème ; le rapporteur général avait introduit dans la loi Sapin 2 une disposition à ce sujet, et des amendements sénatoriaux au projet de loi Pacte incitent les assureurs à davantage rechercher les bénéficiaires.

Autre motif de satisfaction, la réussite du service militaire adapté dans les territoires d'outre-mer. La Cour préconise toutefois d'améliorer le taux d'encadrement, d'axer davantage ce dispositif vers les formations longues et d'en renforcer la gouvernance. MM. Nuihau Laurey et Georges Patient seront attentifs à ces conclusions puisqu'ils nous rendront compte de leur contrôle la semaine prochaine.

La commission s'est aussi emparée de la question de la sécurité sanitaire alimentaire, objet d'un excellent rapport de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel. Nous poursuivrons, avec l'appui des analyses de la Cour, cet engagement vigilant.

Enfin, les inquiétudes de la Cour sur le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio rejoignent les observations formulées par Roger Karoutchi dans son rapport spécial 2019.

Enfin, comme le rapport sur la Banque de France avait été l'occasion d'interroger le Gouverneur, nul doute que les recommandations de la Cour sur le pilotage financier de l'Agence française de développement (AFD) alimenteront nos travaux, notamment à l'occasion de l'audition prochaine de son directeur général.

Je ne peux que souhaiter poursuive notre étroite association avec la Cour qui nous assiste dans nos fonctions législatives et de contrôle. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes LaREM et CRCE)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Je saisis l'occasion de saluer ici la qualité de l'enquête récemment remise à la commission des affaires sociales sur les CHU, à la fois contribution remarquable au débat sur la transformation de notre système de santé et précieux appel à la cohérence dans les choix publics. Nous attendons beaucoup des enquêtes sur l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et sur la politique contre le Sida.

Le rapport public annuel évoque de nombreux sujets sociaux : travail détaché, infections nosocomiales, action sociale de l'Agirc-Arrco, thermalisme. Intérêt justifié par l'enjeu financier.

La Cour déplore des prévisions macroéconomiques très fragiles. Dans ce paysage inquiétant, les comptes sociaux peuvent sembler relativement brillants. Cependant, ils sont plus sensibles à la conjoncture, et les mesures d'urgence de l'automne pourront porter, en cas de non-compensation, le déficit de la sécurité sociale à 2,8 milliards d'euros, loin de l'équilibre retrouvé...

Une partie des économies envisagées par le Gouvernement en 2020 reste hypothétique. Le Gouvernement reconduira-t-il le gel des pensions de retraites et des allocations familiales dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Le Parlement le voterait-il ?

Dans ce contexte, la Cour des comptes demande au Gouvernement de présenter au Parlement des projets de lois financières rectificatives et une nouvelle loi de programmation des finances publiques.

La commission adhère à cette logique et souhaite la compensation pour la sécurité sociale des mesures de l'automne, en révisant notamment les coupes programmées de TVA, irréalistes. Nous avons le devoir de ne pas léguer le trou de la Sécu à nos enfants. De plus, si la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) doit disparaître, l'Agence France Trésor demeure...

La Cour alerte sur la situation préoccupante de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) qui, n'ayant pas su s'adapter à l'ouverture de la formation professionnelle à la concurrence, enregistre des pertes colossales. Le plan de transformation annoncé par la nouvelle direction est celui de la dernière chance ; il sera tributaire d'un recentrage de l'AFPA sur son coeur de métier.

Sur la fraude aux travailleurs détachés, la Cour souligne que les sanctions administratives et pénales ne sont pas assez appliquées. Et si la France est le pays qui reçoit le moins de demandes d'information émanant de nos partenaires européens, ses délais de réponse sont parmi les plus longs. La Cour recommande de les raccourcir.

L'Établissement français du sang (EFS) est très fragilisé par les mutations de la filière du sang, alors que la concurrence s'intensifie. Le marché mondial du plasma est dominé à 85 % par les dons américains rémunérés qui n'offrent pas les mêmes garanties éthiques et de sécurité.

La Cour recommande de conforter notre modèle, gratuit, bénévole et anonyme, en réduisant les coûts de la collecte et en indemnisant mieux, et de façon éthique, le don.

Un chapitre est consacré à la menace de l'antibiorésistance. La France est le troisième pays européen le plus prescripteur d'antibiotiques, dont 93 % en médecine de ville. Les médecins continuent à prescrire des antibiotiques pour des infections virales, notamment grippales. Le recours aux tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) est intéressant en ce qu'il permet au médecin d'écarter la piste bactérienne et de convaincre les patients de l'inutilité de l'antibiotique.

Le constat de la Cour sur les services d'urgence rejoint celui de la commission : les urgences, soumises à des tensions devenues insupportables, accueillent trop de soins non programmés qui pourraient être pris en charge en ville. Malgré un constat partagé, la situation n'évolue pas - j'en veux pour preuve les récents incidents tragiques.

Gare aux solutions de bricolage, comme le forfait de réorientation ; il faut une refonte globale des urgences, repenser le partage des tâches entre médecine de ville et hôpital. Il ne convient pas, enfin, de procéder par ordonnances sur ce sujet.

Puisse notre collaboration avec la Cour des comptes se poursuivre à l'avenir. Je vous remercie. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE)

M. Gérard Larcher, président.  - Monsieur le Premier président, nous en avons terminé avec la présentation de ce rapport. Je vous remercie.

Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes et Mme la rapporteure générale de la Cour.

La séance est suspendue pour quelques instants.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente