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Table des matières



Questions orales

Traitement des déchets à La Réunion

Mme Viviane Malet

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle des communes d'Indre-et-Loire

M. Serge Babary

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Ligne de train à grande vitesse du Grand Est

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Aides des agences de l'eau aux communes

M. Jacques Genest

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Dangerosité de la nationale 141

Mme Corinne Imbert

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Délai de délivrance des certificats de nationalité française pour les Français nés et établis hors de France

M. Ronan Le Gleut

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Conséquences des manifestations pour les commerçants

M. Claude Raynal

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Délégations de service public et remontées mécaniques

M. Cyril Pellevat

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Application de l'article 121 de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer

M. Georges Patient

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Financement du canal Seine-Nord Europe

M. Jérôme Bascher

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Police aux frontières à Wallis et Futuna

M. Robert Laufoaulu

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Tourisme numérique dans les colonies israéliennes des territoires palestiniens occupés

M. Gilbert Roger

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Devenir de la section consulaire du Luxembourg

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Fonds européen d'aide aux plus démunis

M. Philippe Mouiller

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Délivrance de la carte nationale d'identité

M. Hervé Maurey

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Précisions sur le devenir d'Atout France

Mme Élisabeth Lamure

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Prescription de compléments alimentaires

M. Jean-Luc Fichet

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Offre publique de soins dans l'arrondissement de Montbrison

M. Jean-Claude Tissot

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Zonage des médecins généralistes

Mme Valérie Létard

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Maintien de la maternité du centre hospitalier de Dinan

M. Michel Vaspart

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Création de places dans les Ehpad

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Reconnaissance des auxiliaires de vie

Mme Martine Berthet

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Application du plan Pauvreté en outre-mer

M. Dominique Théophile

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Inscription de la verrerie de Givors sur la liste des sites amiantés

Mme Cécile Cukierman

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Financement de la formation des artisans (I)

M. Cédric Perrin

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Financement de la formation des artisans (II)

M. Jean-Claude Luche

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Avenir des conseillers techniques sportifs

Mme Mireille Jouve

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Procès pénal de l'amiante

Mme Michelle Gréaume

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Augmentation des droits d'inscription à l'université pour les étudiants étrangers

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Double cursus médecine-sciences

Mme Véronique Guillotin

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Sorties pédagogiques des élèves en milieu rural

M. Yves Daudigny

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Extension de l'obligation scolaire

M. Olivier Henno

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Enseignement du clitoris dans les programmes scolaires

Mme Laurence Rossignol

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Paiement des aides de la PAC

M. Philippe Bonnecarrère

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Programme Leader 2014-2020

M. Jean-Marie Morisset

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Hommage à une délégation koweïtienne

Croissance et transformation des entreprises (Nouvelle lecture)

Discussion générale

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

M. Michel Canevet, rapporteur de la commission spéciale

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale

M. Philippe Adnot

M. Emmanuel Capus

M. Martin Lévrier

M. Fabien Gay

M. Martial Bourquin

M. Jean-Marc Gabouty

M. Vincent Capo-Canellas

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Philippe Dominati

M. Jean-Louis Tourenne

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État

Question préalable

M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale

M. Richard Yung

Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale

Annexes

Ordre du jour du mercredi 10 avril 2019

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 9 avril 2019

80e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.

Traitement des déchets à La Réunion

Mme Viviane Malet .  - Dans les territoires du sud et de l'ouest de l'île de La Réunion, le syndicat mixte de traitement de déchets Ileva est un projet d'outil multi-filières de traitement des déchets qui développe la valorisation matière puis énergétique des déchets.

Il intègre pleinement les objectifs de la feuille de route nationale de l'économie circulaire et la stratégie nationale bas carbone en cours de révision avec laquelle doivent être compatibles les programmations pluriannuelles de l'énergie nationales. Il est également conforme aux orientations nationales et européennes pour l'énergie et le climat, contribuant à la réduction des gaz à effet de serre et à la décarbonation de l'énergie à La Réunion.

Il est aussi compatible avec la trajectoire 5.0 de la ministre de l'outre-mer. Il prend en considération les recommandations du Plan national d'adaptation au changement climatique par sa contribution à la construction de la résilience du territoire réunionnais, en réduisant la pollution des sols, de la mer, des rivières, en luttant contre la prolifération des maladies à transmission vectorielle, en réduisant les émissions de méthane.

Il a été conçu dans le respect de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de La Réunion, qui inclut dans ses objectifs le développement de la production électrique à partir d'énergies renouvelables issues de la filière déchets avec 16 MW en 2023.

La PPE de La Réunion est actuellement en cours de révision et le porteur du projet ne dispose pas d'information sur l'avancée ou le contenu de cette révision. Cette situation est susceptible de paralyser le projet d'Ileva. En effet, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), saisie le 23 octobre 2018, du projet de contrat d'achat relatif à l'électricité produite par la valorisation des déchets issus de l'outil multi-filière, semble refuser de se prononcer avant de savoir si le projet sera maintenu dans la nouvelle PPE de La Réunion.

Pouvez-vous me confirmer le maintien de la valorisation énergétique des déchets comme objectif de développement des énergies renouvelables dans les PPE pour la période 2023-2028 ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Comme le prévoit le code de l'énergie, la PPE de La Réunion doit être révisée. Cette révision s'inscrit dans un cadre spécifique aux territoires ultramarins. Chaque territoire dispose d'une PPE spécifique. L'autonomie énergétique en 2030 est l'objectif poursuivi. Cette révision est co-élaborée par l'État et la région. Des outils spécifiques ont été mis en place par l'État pour accélérer la transition énergétique de ces territoires : appels d'offres territorialisés pour les énergies renouvelables ou cadre de compensation pour la maîtrise de la demande énergétique. Sont pris en compte les enjeux particuliers autour de la mobilité qui représente 70 % de l'énergie finale consommée à La Réunion. Depuis septembre 2017, d'importants travaux entre l'État et la Région ont permis d'avancer avec la conversion des centrales au charbon à la biomasse et un ambitieux plan de développement du photovoltaïque.

La PPE d'avril 2017 prévoyait 16 MW d'installations nouvelles à horizon 2023. C'est un point resté en suspens dans les travaux.

La gestion des déchets à La Réunion est effectivement préoccupante : à horizon de deux ans, les installations existantes seront à saturation. Elle s'organise autour de deux bassins de vie, chacun d'entre eux souhaite implanter sur son territoire une installation de valorisation énergétique. La région, elle, prône un scénario dit « zéro déchets 2030 » en limitant le recours à la valorisation énergétique des déchets et en privilégiant la pyro-gazéification. Cette stratégie est extrêmement ambitieuse. La mission du Conseil général de l'environnement et du développement durable, qui a rendu ses conclusions en juillet 2018, considère que la valorisation énergétique des déchets reste nécessaire et souhaitable, à court et moyen terme. Une réponse doit être apportée à la question des déchets à La Réunion sans attendre 2030.

La valorisation énergétique des déchets est une priorité de l'État, que la PPE révisée devra intégrer.

Refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle des communes d'Indre-et-Loire

M. Serge Babary .  - Ces dernières années, de nombreuses communes d'Indre-et-Loire se sont vu refuser la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

En raison du phénomène de retrait-gonflement des argiles lié à la sécheresse, des milliers de propriétaires du département ont constaté l'affaissement et la déstructuration progressive des murs. Certaines habitations sont devenues inhabitables.

Depuis 2011, aucune commune d'Indre-et-Loire n'a été reconnue en état de catastrophe naturelle, exception faite d'un nombre infime en 2017. Face à cette situation, 32 communes ont formé l'association des communes en zone argileuse ; une association de 305 particuliers s'est également constituée, regroupant des victimes réparties sur 53 communes du département.

Pour décider la reconnaissance d'une commune en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle se prononce sur l'intensité normale de l'agent naturel à l'origine des dégâts, et non sur l'importance des dégâts eux-mêmes. Or la méthode scientifique de mise en oeuvre et d'évaluation des critères géotechniques et climatologiques révélant l'intensité anormale de l'agent naturel à l'origine des dégâts, qui n'a aucune existence légale, reste inconnue.

En mars 2018, Mme Gourault a indiqué à notre collègue Nicole Bonnefoy que des réflexions étaient en cours pour définir réglementairement les modalités d'instruction des dossiers de reconnaissance en catastrophe naturelle. En l'absence d'avancées, le Sénat a créé, il y a quelques semaines, une mission d'information sur l'indemnisation des sinistres.

Où en sont les réflexions menées par le Gouvernement ? Je souhaite que chacune des demandes des communes d'Indre-et-Loire soit attentivement examinée et aboutisse à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre de 2018.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Un épisode de sécheresse des sols a touché le territoire métropolitain au cours du second semestre 2018. Au 1er avril 2019, plus de 3 500 demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ont été déposées, dont 88 en préfecture d'Indre-et-Loire.

Deux critères cumulatifs sont utilisés pour caractériser l'intensité de l'agent naturel à l'origine des dégâts : une condition géotechnique et une condition de nature météorologique. Grâce à ce modèle, l'autorité administrative peut instruire l'ensemble des demandes sur le fondement de données techniques présentant les mêmes qualités et, ainsi, assurer une égalité de traitement des dossiers.

L'instruction des dossiers pour 2018 aura lieu au printemps 2019. La simplification de la procédure aboutira dans les prochaines semaines, les nouveaux critères seront utilisés dès cette année. La réforme poursuit deux objectifs : prendre en compte l'amélioration des connaissances scientifiques et rendre la mise en oeuvre des critères plus lisible.

Ligne de train à grande vitesse du Grand Est

M. Jean-Marie Mizzon .  - Le devenir du TGV Grand Est suscite la plus grande inquiétude en Moselle. En effet, le 9 décembre 2018, la SNCF a modifié le cadencement des TGV Les collectivités, comme le département ou encore la région qui ont pourtant co-financé la ligne, n'ont été consultées à aucun moment.

La SNCF avance des arguments fallacieux pour faire passer la suppression de trains pour des progrès. Le 8h56 qui part de Metz pour rejoindre Paris devrait être rétabli à partir du 1er avril 2019. Pour l'heure, les usagers de ce train, l'un des plus utilisés du tronçon, doivent se reporter sur le 7h26, souvent surbooké, ou se rendre à Nancy. Je pourrais multiplier les exemples... Parallèlement, la SNCF multiplie les Ouigo, dont les conditions tarifaires et de réservation sont moins bonnes.

Les élus mosellans dénoncent unanimement cette situation. Un opérateur public doit accompagner les usagers, et non les décourager par des procédures toujours plus complexes. Une réunion de concertation avec les élus et les associations d'usagers s'impose dans les meilleurs délais.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Mme Borne, retenue, m'a priée de vous donner la réponse suivante. L'offre Ouigo a été ouverte en juillet 2018 sur cette liaison, avec un aller-retour quotidien, pour les voyageurs plus sensibles au signal prix. C'est un succès avec 120 000 voyageurs transportés au second semestre 2018. Un aller-retour supplémentaire Ouigo entre Paris et Metz a donc été ajouté en décembre 2018. Le déploiement du Ouigo s'accompagne de nécessaires ajustements du plan de transport des TGV classiques.

Une attention toute particulière est portée aux périodes de pointe avec le maintien systématique de TGV classiques. Depuis le 1er avril 2019, SNCF Mobilités a renforcé la liaison Paris-Metz, avec un aller-retour quotidien supplémentaire en TGV classique. Dans le sens Metz-Paris, SNCF Mobilités a bien positionné un départ TGV classique à 8h56. Dans le sens inverse, deux TGV classiques sont proposés en soirée, avec des départs de Paris à 19h40 et 20h48. Le nouveau plan de transport offre un cadencement moyen de TGV de 40 minutes en période de pointe et 2 heures en période creuse en laissant le choix entre les offres TGV et Ouigo.

La SNCF, qui consulte régulièrement les élus locaux et associations d'usagers, sera en mesure de vous recevoir pour préciser ses intentions sur la ligne Paris-Metz. Le Gouvernement est très attaché au dialogue entre SNCF Mobilités et les territoires. À preuve, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire rend obligatoire des procédures de consultation et d'information des territoires avant toute évolution de desserte.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Je crains que la politique de la SNCF ne continue de susciter le mécontentement des usagers et des élus du Grand Est, faute de considération. Les billets Ouigo ne s'achètent que sur internet, abonnements et cartes de réduction ne sont pas pris en compte. Il est impossible d'acheter un billet à la dernière minute, d'autant qu'il faut être présent sur le quai 30 mn avant le départ du train.

Aides des agences de l'eau aux communes

M. Jacques Genest .  - Certaines communes ont fait le choix du maintien communal de l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » entre 2020 et 2026. Dans le cadre du 11e programme des agences de l'eau, certaines agences de bassin les ont exclues du bénéfice des aides, au motif qu'elles n'avaient pas transféré ces compétences à la communauté de communes, ce qui est pourtant leur droit par la loi du 3 août 2018, ou, plus hypocrite, qu'elles n'avaient pas de projets intercommunaux. En quoi sont-ils pertinents quand la commune est isolée ?

Lors du vote de la loi, je déclarais que, faute de moyens financiers, le transfert deviendrait obligatoire. C'est ce que la technostructure est en train de réaliser car elle n'a pas digéré la dérogation imposée par les représentants du peuple. C'est d'ailleurs l'occasion de s'interroger sur la raison d'être de ces agences de bassin qui ne soutiennent plus les communes, en particulier les plus petites, et coûtent très cher.

Leur décision est inique d'autant que leurs programmes d'action sont alimentés par des redevances auprès de tous les usagers de l'eau, y compris les ruraux.

Que fera le Gouvernement pour ces communes qui n'ont pas moins besoin que les autres de réaliser des travaux pour distribuer une eau saine à leurs habitants ? (MM. Loïc Hervé, Jérôme Bascher et Laurent Duplomb applaudissent.)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le principe du transfert de ces compétences, inscrit dans la loi NOTRe, n'est pas remis en cause mais le calendrier a été assoupli. Il est donc cohérent que les modalités d'attribution des aides publiques accompagnent ce transfert de compétences. En ce sens, des critères de priorisation et non d'exclusion des dossiers ont été définis en octobre 2018. Je rappelle que des élus siègent dans les comités de bassin. Les agences de l'eau font vivre les solidarités entre les territoires ; solidarité entre urbains et ruraux, entre EPCI, entre amont et aval. (M. Jacques Genest a un geste ironique.)

Je veux vous rassurer : le 11e programme d'action des agences de l'eau n'interdit nullement les aides aux communes. Au contraire, les communes rurales sont visées au premier chef, indépendamment du transfert ou non des compétences.

M. Jacques Genest.  - Quelle belle réponse technocratique ! Pour revenir sur terre, un exemple : la petite commune de Lachapelle-Graillouse doit renouveler ses canalisations qui datent de 1940, aucune aide ! Pour la station d'épuration de Saint-Étienne-de-Lugdarès, parce qu'elle est inférieure à 100 équivalents habitant, aucune aide ! Le financement ne peut pas passer par la DETR, il ne reste plus que le département dont les moyens sont très limités.

Les ruraux n'ont pas les mêmes droits que les Français des grandes villes. Ouvrez les yeux : il y a deux France, la vôtre, celle des métropoles, et la mienne, celle des ruraux et des oubliés ! (MMCyril Pellevat et Laurent Duplomb, ainsi que Mme Corinne Imbert, applaudissent.)

Dangerosité de la nationale 141

Mme Corinne Imbert .  - J'associe Daniel Laurent, sénateur de la Charente-Maritime, à ma question. Depuis 2014, on compte 8 décès sur les 9 km du tronçon Saintes-Dompierre-sur-Charente de la route nationale 141. À cela s'ajoutent de nombreux blessés et un niveau de dangerosité important pour les quelque 12 000 véhicules qui empruntent quotidiennement cette route nationale.

La commune de Chaniers a essayé de faire face seule à cette situation en installant deux radars pédagogiques et en transformant le lieu-dit Maine Allain en agglomération. Parallèlement et avec étonnement, une étude récente, conduite dans le cadre de la démarche « sécurité des usagers sur les routes existantes », conclut que l'accidentologie de cette zone ne présente pas de caractéristiques importantes d'insécurité malgré l'avis contraire des élus, les études réalisées par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et la sombre réalité des chiffres. Les élus locaux ont alerté l'ensemble des services de l'État, sans obtenir de réponse satisfaisante. Que comptez-vous faire ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Mme Borne, retenue, m'a demandé de vous répondre. Les aménagements de sécurité sur le réseau routier national non concédé sont mis en oeuvre au regard des résultats de la démarche de sécurité des usagers sur les routes existantes, en application de l'article 118-6 du code de la voirie en hiérarchisant les priorités à partir de l'analyse des accidents corporels.

Les études ont révélé une zone d'accumulation d'accidents à la jonction entre la RN 141 et la RD 131, sur la commune de Chaniers. Un aménagement giratoire a été intégralement financé par l'État pour un coût de 1 million d'euros entre 2015 et 2016. Depuis, il n'y a pas eu d'accident mortel.

Les aménagements en agglomération relèvent des collectivités territoriales. C'est le cas de ceux devant être réalisés au hameau du Maine Allain.

Enfin, les accidents sont surtout liés aux comportements des usagers. Le dernier en date sur ces lieux, en février dernier, était dû à un endormissement. Il convient d'examiner, en lien avec le préfet de département, d'autres solutions telles que le renforcement des contrôles de vitesse.

Mme Corinne Imbert.  - L'émotion des élus, lorsqu'ils doivent se rendre sur les lieux d'un accident dramatique, est moins administrative et technocratique que votre réponse. Je remercie l'État pour l'aménagement du giratoire mais le problème du carrefour du Maine Allain reste entier.

Il faut sauver des vies, c'est une priorité des gouvernements depuis Jacques Chirac. Nous l'approuvons, malgré la brutalité de certaines décisions - je veux parler des 80 km/h. Hier encore, le Premier ministre l'a rappelé lors de la restitution du grand débat. Eh bien, il faut aussi sauver des vies sur le carrefour du Maine Allain !

Délai de délivrance des certificats de nationalité française pour les Français nés et établis hors de France

M. Ronan Le Gleut .  - Trois ans, trente-six mois : c'est le délai moyen d'obtention d'un certificat de nationalité française (CNF) pour les Français nés et établis hors de France. Ce délai était de dix-huit mois en 2007, délai alors considéré comme anormalement long.

Ce délai excessif trouvait son origine dans la multiplication de demandes injustifiées de CNF, ces demandes étant passées entre 2004 et 2006 de 9 463 à 36 175, sans que les effectifs du tribunal d'instance du Ier arrondissement de Paris aient été renforcés.

Grâce à la désignation de dix nouveaux agents, auxquels s'est ajouté un regroupement géographique de l'ensemble des tribunaux d'instance parisiens, le délai moyen de délivrance des CNF a alors été réduit à douze mois.

Aujourd'hui, le délai moyen est de trente-six mois. L'attention de la Direction des services judiciaires a été appelée sur la nécessité de renforcer les moyens humains. On évoque l'arrivée de greffiers. Quand et combien seront-ils ? Toutes les pistes doivent être explorées, y compris le système de filtrage des demandes qui n'ont aucune chance de prospérer. Enfin, où en est la numérisation des dossiers ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Mme le garde des Sceaux, retenue, m'a priée de vous répondre.

Le pôle de la nationalité du tribunal d'instance de Paris est destinataire de plus de 30 000 demandes par an de CNF. Elles ont augmenté de 25 % en deux ans. Le stock de dossiers a doublé depuis 2005 en dépit d'un taux de couverture des demandes relativement constant. Ce taux est, depuis le début de l'année 2019, supérieur à 100 %.

Des moyens, tant organisationnels qu'humains, ont été déployés pour résorber ce stock et réduire le délai de traitement des demandes : pré-analyse, priorisation des dossiers, réorganisation du service. Une réduction du délai de traitement peut ainsi être raisonnablement attendue. Le Gouvernement y demeure attentif.

M. Ronan Le Gleut.  - Une augmentation de 25 % en deux ans ? Il faudrait s'interroger sur ses causes ! N'est-ce pas lié à l'élargissement des conditions d'attribution de la nationalité décidé sous le précédent quinquennat ?

Conséquences des manifestations pour les commerçants

M. Claude Raynal .  - Depuis 21 semaines, bientôt six mois, les gilets jaunes défilent dans les centres-villes. Le plus long mouvement social de ces quarante dernières années n'a toujours pas reçu de réponse politique. Si l'ordre public doit rester la règle, la réponse ne saurait être uniquement répressive.

Au-delà des destructions opérées par des groupuscules de casseurs, les commerçants doivent subir des journées « ville morte ». Le chiffre d'affaires perdu lors de ces journées, qui devraient être les meilleures du point de vue commercial, ne se rattrape jamais. Les consommateurs prennent l'habitude d'aller dans les centres commerciaux de périphérie ou de commander par internet.

Les mesures proposées par le Gouvernement sont trop limitées dans le temps et dans leurs effets. L'étalement de la dette, qu'elle soit fiscale ou sociale, n'apporte qu'une solution de court terme aux entreprises. La secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances avait ouvert la voie à une possibilité d'exonérations de taxes et cotisations sociales. Combien ont été accordées ?

Les problèmes de trésorerie demeurent et l'on sait qu'ils préfigurent souvent des redressements ou des liquidations. Les compagnies d'assurances risquent d'imposer une surprime, qui s'ajouterait au coût des réparations et des pertes de chiffre d'affaires. Le Gouvernement, qui ne parvient pas à trouver une issue politique à la crise, devra au moins répondre aux attentes des artisans et des commerçants qui en paient très largement le prix.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - L'impact du mouvement des gilets jaunes sur les commerces des centres-villes se traduit par des dégradations, des pertes de chiffres d'affaires, des nuisances à l'image des centres-villes mais aussi des chocs psychologiques - voir le résultat de toute une année de travail partir en fumée en quelques minutes. Selon nos estimations, il y a eu environ 10 000 sinistres représentant 200 millions d'euros ; 5 200 entreprises ont eu recours au dispositif d'activité partielle, ce qui représente 74 000 salariés et un engagement de l'État à hauteur de 40 millions d'euros ; 4 400 entreprises ont bénéficié de mesures fiscales et 7 000 délais de paiement ont été accordés.

Dès novembre 2018, c'est-à-dire, dès le début du mouvement, nous avons demandé aux services de se montrer bienveillants en accordant des délais de paiement et en autorisant le recours à l'activité partielle. Et nous avons veillé à ce qu'ils le soient.

Nous travaillons également étroitement avec la Fédération bancaire française et les assureurs pour indemniser les commerçants au plus vite. Les mesures ont été prolongées en février et nous voulons améliorer l'information à leur endroit en dépêchant des équipes mobiles auprès des commerçants et des artisans. Les dossiers sont examinés au cas par cas.

Comme le président de la République s'y est engagé, un fonds de 3 millions d'euros sera mobilisé pour venir en aide aux associations de commerçants, auquel peuvent participer les collectivités territoriales - la ville de Toulouse et la région Occitanie ont annoncé qu'elles le feraient et c'est heureux.

Cet après-midi encore est organisée une réunion avec les associations de commerçants, nous en tenons régulièrement depuis plusieurs mois.

Délégations de service public et remontées mécaniques

M. Cyril Pellevat .  - La loi donne le statut de service public au transport par remontées mécaniques. La France est la seule à avoir fait ce choix qui comporte des limites dont il est de plus en plus difficile de s'accommoder sans nuire à l'économie des stations de ski.

La décision du Conseil d'État du 29 juin 2018 pour la station du Sauze a provoqué une onde de choc de nature à effrayer les investisseurs privés et les banques. Des clauses du contrat ont ainsi été jugées illégales. Depuis l'arrêt du Conseil d'État « Commune de Douai » de décembre 2012, on savait que les clauses d'indemnisation des biens de retour à des valeurs supérieures à la valeur nette comptable étaient regardées comme non conformes, ce qui pose un problème partout où de telles clauses ont été conclues. L'arrêt « Sauze » va plus loin : il fait craindre que ces clauses soient inopérantes en pratique, ce qui modifie l'équilibre économique du contrat. Cela pose aussi la question de l'expropriation des exploitants, que l'arrêt « commune de Douai » avait exclue.

L'impermanence des règles pose un problème de loyauté dès lors qu'on applique la nouvelle règle à des contrats signés antérieurement à l'arrêt « commune de Douai ».

Outre les contentieux qui ne manqueront pas de naître, ces changements incessants sont de nature à détourner les investisseurs privés des domaines skiables, ce qui nuira tant aux délégants qu'aux délégataires. Dans l'hypothèse où les évolutions du droit rendraient caduques des dispositions contractuelles conclues antérieurement, l'équilibre économique du contrat doit être maintenu.

Comment comptez-vous sécuriser le classement des biens et leur indemnisation tels que stipulés dans les contrats conclus antérieurement aux évolutions du droit ? (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Les articles L. 342-9 et suivants du code du tourisme indique que les communes et leurs groupements et les départements sont compétents pour le service des remontées mécaniques. En cas de délégation de service public, l'autorité concédante et son cocontractant sont soumis au régime des biens de retour, tel que cela a été établi par le Conseil d'État dans sa décision du 21 décembre 2012. Dans une autre décision en date du 29 juin 2018, le Conseil a précisé que ce régime s'appliquait également aux biens qui étaient la propriété du concessionnaire avant le début de la convention.

Cette solution est justifiée par le fait que les biens ainsi acquis ont fait l'objet d'une rétribution au concessionnaire. En effet, d'une part, le concessionnaire peut amortir le coût de ces équipements pendant la durée de la concession, à l'aide du prix payé par les usagers du service. À défaut, l'autorité concédante lui doit une indemnité.

Dans le cas des remontées mécaniques, était prévue une période transitoire de 14 ans pour effectuer le choix soit de la cession onéreuse de leur équipement à la collectivité compétente, soit du régime conventionnel. Pour ceux qui ont choisi la seconde option, l'apport des équipements par le concessionnaire a été pris en compte au stade de la négociation du contrat. Dans le cas contraire, et si la situation aboutit à un déséquilibre contractuel, le concessionnaire est fondé à faire valoir ses droits à indemnité.

Application de l'article 121 de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer

M. Georges Patient .  - En Guyane, la gestion du foncier par l'État est vécue comme un fait colonial. Je persiste, je signe et je m'explique. Non seulement ce foncier continue à appartenir à 95 % à l'État, fait unique dans toute la France, mais aussi et surtout il le gère de façon jalouse et stérile, comme le dénonçait le Sénat dans un rapport de 2015.

Un cas probant : la non-application de l'article 121 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. Cette disposition, adoptée à mon initiative, prévoit une évaluation cadastrale des parcelles exploitées, concédées ou gérées par l'Office national des forêts (ONF) en Guyane, en vue d'une perception par les collectivités, dès 2018, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB).

Vingt-quatre mois après la promulgation de la loi, rien n'a été fait et plusieurs centaines de milliers d'euros échappent toujours aux collectivités de Guyane, dont bon nombre sont exsangues.

Un agent a été sanctionné pour avoir tenté de recouvrer cette taxe. Qu'attend le Gouvernement pour prendre ses responsabilités ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Soyez assuré que ce sujet retient toute l'attention du Gouvernement mais il est complexe compte tenu des spécificités de la forêt amazonienne et de son étendue - 5 millions d'hectares contre 11,7 pour tout l'Hexagone.

Mes services, en association avec ceux de l'Agriculture, travaillent sur une taxation prenant en compte ces spécificités et la rentabilité réelle de la forêt. L'article 121 sera bien mis en oeuvre d'ici la fin de l'année 2019 pour une taxation au titre de 2018.

M. Georges Patient.  - Votre réponse est conforme à celle de vos services. J'attendrai donc. Le fruit de la forêt guyanaise doit revenir aux Guyanais dans le cadre d'un transfert de compétences.

Financement du canal Seine-Nord Europe

M. Jérôme Bascher .  - La construction du canal Seine-Nord Europe est un projet de 4,8 milliards d'euros, financé à 50 % par l'Union européenne, mais l'administration française s'acharne depuis de nombreuses années à ne pas le faire aboutir. Les ministères parisiens oublient trop souvent la réalité des trafics maritimes, routiers et ferroviaires du nord de l'Europe : tous sont congestionnés. Cette façade maritime est essentielle pour le commerce extérieur de notre pays.

Pas moins de 70 parlementaires, de droite, de gauche, ni de droite ni de gauche, soutiennent le projet, ainsi que trois présidents de la République successifs - eux-mêmes de droite, de gauche, et ni de droite ni de gauche. Les collectivités territoriales se sont engagées mais quand l'État mettra-t-il le 1,8 milliard d'euros qu'il doit et ouvrira-t-il l'accès aux données ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Gouvernement est conscient de l'importance stratégique du projet et recherche des financements innovants.

Le coût total de ce projet serait partagé entre deux milliards d'euros de subventions européennes, un milliard d'euros de ressources propres des collectivités, la mise en place par l'État de taxes nationales à assise locale pour gager un emprunt d'un milliard d'euros ainsi que 700 à 900 millions d'euros par un emprunt garanti par la Société du canal Seine-Nord Europe devenue régionale.

La part du financement de l'État doit intervenir au 1er janvier 2021. Contrairement à vos craintes, l'État ne se désengage pas : il cherche les bonnes solutions. Il a notamment proposé l'instauration d'une taxe spécifique à la région des Hauts-de-France, même si cette solution semble juridiquement fragile d'après l'avis du Conseil d'État rendu récemment. D'autres pistes sont à l'étude, qui imposent des échanges avec la Commission européenne.

Vous évoquez aussi une inscription de crédits budgétaires dédiés. Cette solution ne pourrait être engagée qu'en dernier recours dans la mesure où celle-ci ne permet pas d'associer les futurs bénéficiaires du canal à son financement.

Enfin, une société de projet, véhicule juridique créé par la loi Macron du 6 août 2015, a permis de régionaliser le projet en le transférant aux collectivités concernées de la région des Hauts-de-France, en accord avec les élus locaux. C'est l'objet de l'article 36 du projet de loi d'orientations des mobilités qui prévoit de ratifier l'ordonnance du 21 avril 2016 relative à la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE) et qui autorise le Gouvernement à prendre par la voie d'une nouvelle ordonnance des dispositions visant à la transformation de cet établissement public national en établissement public local.

Le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce projet et il assumera sa part du financement, quel que soit le vecteur retenu.

M. Jérôme Bascher.  - Il nous faut 1 milliard de crédits budgétaires. Trouvons une solution ensemble !

Police aux frontières à Wallis et Futuna

M. Robert Laufoaulu .  - Ma question porte sur l'organisation de la police aux frontières (PAF) à Wallis et Futuna. Les missions de la PAF y sont actuellement assurées par la gendarmerie sans aucune base juridique. Avant, il y avait quatre gardes territoriaux, sous la responsabilité d'un gendarme référent. Depuis, ce sont les gendarmes mobiles et ils continuent à faire appel aux gardes territoriaux lorsqu'ils ont des problèmes d'effectifs, sans aucune base normative.

Je sais que plusieurs pistes sont à l'étude mais, pour des raisons budgétaires, les services se renvoient la balle, si je puis dire. Quid d'une collaboration avec la police aux frontières de Nouvelle-Calédonie ? Que compte faire le Gouvernement pour mettre en place une solution plus viable et officielle afin d'assurer cette prérogative régalienne ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Vous avez raison de vous mobiliser. L'article 2 du décret 2012-328 ne fait pas mention de l'aéroport de Wallis : aucun effectif de la PAF ne lui est affecté. L'administrateur supérieur conduit actuellement une réflexion avec la direction de la police aux frontières, avec la direction de la gendarmerie nationale et avec la direction de la douane pour mettre en place un système plus efficace et conforme à la réglementation. Nous travaillons à un système plus efficace. La gendarmerie, avec un poste de sous-officier et quelques militaires, réalise un contrôle visuel des passeports et la douane vérifie les bagages de soute, mais la situation n'est pas pleinement satisfaisante. Nous sommes à l'heure des réflexions. Votre proposition que je transmets à mes collègues sera expertisée. Nous nous assurerons que le rôle régalien de l'État puisse pleinement être appliqué. Je note, Monsieur Laufoaulu, que vous êtes un ardent défenseur des intérêts des territoires.

M. Robert Laufoaulu.  - À Wallis et Futuna, beaucoup de situations semblent improvisées par l'État. Les gardes territoriaux assument des missions qui incombent à l'État sans en être fonctionnaires.

Tourisme numérique dans les colonies israéliennes des territoires palestiniens occupés

M. Gilbert Roger .  - Je veux attirer votre attention sur le tourisme numérique dans les colonies israéliennes des territoires palestiniens occupés.

Les entreprises de réservation de location en ligne - Airbnb, Booking.com, Expedia Group et TripAdvisor - contribuent à des violations des droits humains des Palestiniens en proposant plusieurs centaines d'hébergements et activités dans les colonies illégales de peuplement israéliennes en territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est. Amnesty international l'a dénoncé dans un rapport de janvier 2019 intitulé « Destination : occupation. Le tourisme numérique et les colonies de peuplement israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés ».

Ces entreprises du numérique induisent aussi en erreur leurs clients en s'abstenant d'indiquer systématiquement que les offres concernées sont situées dans des colonies israéliennes. Or, en favorisant l'industrie du tourisme dans les colonies et, en conséquence, l'essor économique de ces implantations contraires au droit international, ces plateformes contribuent au maintien, au développement et à l'extension des colonies de peuplement illégales, et en tirent profit.

Êtes-vous prêt à l'indiquer sur le site du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères dans les « conseils aux voyageurs » ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France est très claire sur ce dossier international : elle juge la colonisation illégale et dangereuse pour la viabilité d'une solution à deux États. Le 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité l'a d'ailleurs rappelé. Nous condamnons les nouvelles colonies, les évacuations forcées et nous appelons publiquement Israël à y mettre un terme.

Nous avons tiré les conséquences en indiquant un certain nombre d'éléments dans les « conseils aux voyageurs » du site du ministère des Affaires étrangères, et nous y écrivons que les colonies sont illégales en vertu du droit international. Nous informons aussi les entreprises françaises qu'elles encourent des litiges si elles commercent dans ces colonies. Je leur en redirai un mot lors de ma prochaine rencontre avec leurs représentants.

Mais les acteurs que vous citez sont entièrement privés et ne sont souvent pas français. Il est donc compliqué de mener une action coercitive à leur encontre. Néanmoins, j'évoquerai le sujet lorsque je les rencontrerai.

M. Gilbert Roger.  - Depuis que ma question a été publiée, Expedia est venue me rencontrer et m'a dit chercher à clarifier sa situation à Jérusalem-Est. Airbnb semble vouloir en faire de même.

Un candidat aux élections législatives israéliennes en cours a dit vouloir annexer la Cisjordanie ; nous allons au-devant de nouveaux problèmes au Proche-Orient.

Devenir de la section consulaire du Luxembourg

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Lors de mes déplacements, j'ai l'occasion d'observer l'inquiétude de la communauté française quant au devenir de nombreux postes diplomatiques. Pour répondre à la demande inédite de réduction de 10 % de la masse salariale de la représentation française à l'étranger, la réduction du personnel ne peut être que drastique. Nos 3 millions de concitoyens résidant à l'étranger vont en être affectés, ainsi que les transfrontaliers et les touristes français. Les propositions de nos ambassadeurs ne sont, pour l'heure, pas connues.

Ainsi, 53 000 Français vivent au Luxembourg dont 36 000 inscrits au consulat. Ils représentent la douzième communauté française dans le monde à laquelle s'ajoutent 100 000 travailleurs frontaliers qui chaque jour viennent y travailler. Beaucoup s'adressent au consulat pour la délivrance de leurs papiers d'identité. Depuis plusieurs mois, le personnel est soumis à une continuelle pression de la part des usagers mécontents de la réduction des services. Avec 36 rendez-vous par jour ouvré, les agents ne chôment pourtant pas. Nos concitoyens craignent une fermeture du consulat. D'ici 2020, le service d'état civil sera transféré à Nantes. Pour les documents d'identité et les passeports, il est envisagé de déplacer les services à Bruxelles, qui est trop éloigné pour la communauté française.

Que comptez-vous faire pour ce poste, et l'ensemble du réseau, monsieur le ministre ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Soyons très clairs : la fermeture de la section consulaire du Luxembourg n'est pas à l'ordre du jour. Certes, il y a des économies de masse salariale, dans le cadre d'Action publique 2022, mais cela ne signifie pas obligatoirement de toucher aux ETP. Nous devons à nos compatriotes établis hors de France le maintien d'un service de qualité.

La députée Anne Genetet a préconisé dans son rapport la création d'une plateforme téléphonique 24h/24h et 7j/7j, ce que je trouve intéressant. La dématérialisation des procédures, là où les états civils sont fiables comme en Europe, serait de bon sens.

Le transfert de l'état civil à Nantes n'obère pas la capacité d'accès des Français établis hors de France à ces services.

Les relations France-Luxembourg sont fortes, denses, comme en témoigne la visite d'État du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse l'an dernier et notre proximité sur de nombreux sujets européens.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Je comprends que vous soyez tenu à la solidarité ministérielle mais des économies de 10 % des effectifs de votre ministère, qui fut le mien, c'est considérable !

« Quand le service public ferme, c'est l'État qui abandonne ses citoyens », a dit le Premier ministre hier. N'abandonnons pas le contact humain.

Fonds européen d'aide aux plus démunis

M. Philippe Mouiller .  - Le Secours populaire, les Resto du Coeur, Emmaüs, et les autres organisations caritatives sont inquiètes, car elles font appel à la générosité publique et elles bénéficient du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) qui fournit 30 % des produits d'aide alimentaire distribués dans leurs permanences, soit 100 à 120 tonnes de produits de base.

Or, depuis plusieurs années, les retards de livraison du FEAD se multiplient. Surtout, la prochaine programmation budgétaire pourrait intégrer la ligne de crédits dédiée à celle du fonds social européen plus (FSE+), ce qui laisserait aux États membres la possibilité de consacrer une enveloppe plus importante aux plus démunis. Une diminution de moitié des fonds pourrait advenir.

Il est nécessaire de préserver le montant du FEAD pour les associations caritatives.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je sais l'importance des associations comme les Restos du coeur qui jouxtent ma permanence à Saint-Valérien. L'action de ces structures associatives est essentielle et les financements européens sont déterminants. La lutte contre les inégalités est le fil rouge qui nous rassemble tous.

En 2014, la France avait soutenu le FEAD. Nous sommes aujourd'hui dans le cadre d'une nouvelle négociation pour un nouveau cadre pluriannuel. La Commission européenne a présenté ses propositions et la France a fait part de ses réticences, voire de ses refus, notamment pour la PAC.

L'intégration du FEAD dans le FSE+ a en effet été proposée par la Commission européenne. Nous souhaitons un fléchage plancher et non pas plafond des fonds alloués aux plus démunis. Nous avons pris l'engagement que les enveloppes seraient d'un montant constant. Agnès Buzyn, Christelle Dubos et moi-même sommes à l'unisson pour préserver le volume des crédits destinés aux plus démunis.

M. Philippe Mouiller.  - Nous partageons la même volonté. Il faut faire preuve d'une vigilance extrême. J'entends l'engagement du Gouvernement en faveur du maintien de l'enveloppe allouée à l'aide alimentaire. Je comprends que dans le cas où le budget européen serait modifié, vous interviendriez en complément.

Délivrance de la carte nationale d'identité

M. Hervé Maurey .  - La réforme de délivrance de la carte nationale d'identité mise en oeuvre en 2017 a conduit à diviser par quinze le nombre de communes dans lesquelles il est possible de se faire délivrer ces documents officiels.

Nos concitoyens ne peuvent plus s'adresser qu'à 2 300 mairies pour obtenir ce document. Cette réforme a suivi celle de la délivrance du passeport qui a eu les mêmes conséquences.

Désormais, nos concitoyens doivent faire de nombreux kilomètres pour obtenir cette carte et ils attendent beaucoup plus longtemps. Les communes qui ont conservé ce service doivent gérer des demandes bien plus importantes, d'où des surcoûts. Enfin, les communes rurales ont perdu le contact avec leurs administrés : c'est un nouveau mauvais coup porté à la ruralité.

Les élus voudraient que chaque intercommunalité puisse délivrer la carte nationale d'identité. Le président de la République s'est engagé, lors du débat au Grand Bourgtheroulde le 15 janvier 2019, à « rouvrir le sujet pour les cartes d'identité, les passeports et les permis de conduire ».

Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Comment compte-t-il redonner espoir et confiance aux maires ? Ces derniers aspirent à un allègement des mesures, à une amélioration de leur statut, à plus de lisibilité, monsieur le ministre !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je vis la même réalité que vous dans l'Yonne. À l'origine, il s'agissait de lutter contre la fraude documentaire. Désormais, les maires qui le souhaitent peuvent recueillir les pré-demandes de titres et des unités mobiles ont aussi vocation à répondre aux besoins.

Le grand débat national a démontré le souhait de proximité. Mais les occurrences sur ce sujet précis sont assez peu élevées dans les contributions au grand débat, mais le président de la République, vous l'avez dit, a pris des engagements, et soyez sûr que je me ferai le relais de vos préoccupations.

M. Hervé Maurey.  - Le sujet n'est pas anecdotique. Les appareils mobiles sont en nombre insuffisant. Il faudrait un point de délivrance dans chaque intercommunalité, car ce manque concourt au sentiment d'abandon des territoires ruraux.

Précisions sur le devenir d'Atout France

Mme Élisabeth Lamure .  - D'après une note interne de vos services, il semblerait que le Gouvernement ait décidé d'engager, dans le cadre d'Action publique 2022, un plan social de restructuration d'Atout France dans l'optique de réaliser quatre millions d'euros d'économie alors que le Gouvernement a dit son souhait d'accueillir 100 millions de touristes d'ici 2020. La filière touristique en France représente plusieurs centaines de milliers d'emplois, une richesse qui contribue à notre croissance et à notre rayonnement international.

Alors que la concurrence touristique est toujours plus vive, avec des pays qui déploient des moyens colossaux pour faire venir les touristes, comment justifier de réduire les moyens d'action d'Atout France, d'autant que notre pays souffre d'une image dégradée par la crise sociale que nous traversons depuis des mois.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? (M. François Grosdidier et Mme Martine Berthet applaudissent.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Gouvernement a fixé, vous le savez, des objectifs ambitieux en matière de tourisme : 100 millions de touristes et 60 milliards d'euros de recettes en 2020. En 2018, nous avons accueilli 90 millions de visiteurs et nous avons généré 57 milliards d'euros de recettes, soit 7 % de notre PIB. En outre, cette économie irrigue tout notre territoire riche en patrimoine.

L'ambition est donc intacte. Le Gouvernement a affecté 5 millions d'euros de recettes de visas à Atout France. Je rends hommage à son directeur général et à son équipe, qui lèvent 2 euros auprès du privé et des collectivités pour 1 euro de budget.

Atout France a réussi à se transformer tout en augmentant les flux touristiques : 80 ETP ont ainsi été économisés. Nous écrivons à présent une nouvelle page de son histoire : nouveau directeur général, nouveau président, nouveau contrat d'objectifs et de performance, déménagement... Je fais une totale confiance à Atout France pour gagner encore en efficacité et en efficience.

Mme Élisabeth Lamure.  - Vous confirmez la réponse faite à Mme Dumas lors des questions d'actualité au Gouvernement. Mais le ministre avait ajouté qu'une réflexion stratégique de promotion touristique serait engagée... Nous en attendons les conclusions avec impatience !

Prescription de compléments alimentaires

M. Jean-Luc Fichet .  - Les compléments alimentaires constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique. Ils sont conditionnés sous forme de comprimés, gélules, pastilles ou ampoules.

La fabrication et la commercialisation des compléments alimentaires sont soumises à une réglementation européenne et, n'étant pas des médicaments, ils sont vendus sans ordonnance et largement distribués dans les pharmacies, les grandes surfaces, les magasins spécialisés ou sur internet.

Mal utilisés, ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé des consommateurs et entraîner des effets toxiques, en raison notamment de surdosage ou de surconsommation par la prise concomitante de plusieurs types de produits.

En outre, les compléments alimentaires sont souvent prescrits à destination des personnes âgées souffrant de dénutrition. Certains facteurs tels que la perte de mobilité, combinés à l'augmentation des besoins métaboliques liés à l'âge peuvent en effet nécessiter une supplémentation, tout en veillant à maintenir dans le même temps une alimentation équilibrée.

Entre 15 et 40 % des résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont concernés et le dépistage ainsi que la prise en charge de la dénutrition ont été reconnus comme priorité de santé publique.

Ces compléments étant le plus souvent non remboursés, il est utile de s'interroger sur la manière dont ils sont choisis, leur prix variant sensiblement entre deux produits similaires.

Quelles sont les modalités de prescription de ces compléments alimentaires ainsi que leurs conditions de prise en charge par la sécurité sociale ? Existe-t-il des recommandations ou un guide de bonnes pratiques en la matière ?

Des réflexions sont-elles en cours quant à un éventuel encadrement de ces prescriptions et une plus grande transparence des frais qu'elles engendrent ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La dénutrition demeure largement méconnue et elle constitue un obstacle à la prise en charge précoce. En France en 2018, la prévalence de la dénutrition demeure élevée : on estime à 2 millions le nombre d'individus souffrant de dénutrition. La prévalence de la dénutrition augmente avec l'avancée en âge, et touche par conséquent davantage les personnes âgées. En raison de l'évolution démographique de la population et de l'augmentation des pathologies chroniques, une importante augmentation du nombre de personnes touchées par la dénutrition est à redouter dans les prochaines années.

Les conséquences de la dénutrition sont multiples : il s'agit d'un facteur majeur de la perte d'autonomie, à l'origine de chutes, d'un état dépressif, d'une altération de la qualité de vie et surtout de la pérennisation d'un déséquilibre alimentaire aggravant la dénutrition déjà présente.

J'en viens à la prescription des compléments alimentaires : ils sont classés au regard de la règlementation européenne comme des denrées alimentaires et ne font pas l'objet d'une prescription médicale. Toutefois, le ministère chargé de la santé recommande de consulter un médecin avant tout achat compte tenu des interférences possibles avec les médicaments.

Les compléments nutritionnels oraux sont des mélanges nutritifs complets auxquels il est possible de recourir dans le cadre de la stratégie nutritionnelle de la personne âgée. Ils sont prescrits par un médecin à des fins médicales, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé pour augmenter l'apport énergétique et protidique des patients dénutris. Ces produits prescrits, dès lors qu'ils sont inscrits sur la liste des produits et des prestations remboursables, sont pris en charge par l'assurance maladie.

Enfin, la réduction du pourcentage de personnes âgées dénutries vivant à domicile ou en institution est un des objectifs définis par le Haut Conseil de la Santé Publique, repris dans le Programme national nutrition santé (PNNS4).

M. Jean-Luc Fichet.  - Il faut aller plus loin dans l'encadrement des compléments alimentaires. En Ehpad, il n'y a aucune maîtrise par le patient ni par les familles, malgré un coût parfois élevé.

Offre publique de soins dans l'arrondissement de Montbrison

M. Jean-Claude Tissot .  - Ma question porte sur l'offre publique de soins dans l'arrondissement de Montbrison, dans la Loire. Le centre hospitalier du Forez (CHF) a été créé au 1er janvier 2013 par la fusion des centres hospitaliers de Feurs et Montbrison. Il est désormais le seul hôpital public de l'arrondissement de Montbrison, territoire qui compte plus de 180 000 habitants. Après cette fusion, plusieurs activités ont été fermées et les effectifs ont été réduits.

Alors qu'il connaissait des excédents budgétaires avant la fusion, le CHF est passé à une situation de déficit chronique. Cela n'a rien d'étonnant puisqu'avec le système de tarification à l'activité, la suppression de services entraîne de fait la réduction des recettes.

Fin janvier, les membres du conseil de surveillance du CHF ont ouvert la voie à un nouveau recul de l'offre publique de soins : ils ont ainsi acté le principe du transfert à un nouveau gestionnaire de l'autorisation d'exploiter l'Ehpad du CHF situé à Montbrison. Cette décision semble motivée par la nécessité de faire face à la mise aux normes de cet établissement de 209 lits, devenue indispensable.

L'hypothèse d'une rénovation sur le site actuel semble à ce jour écartée. Elle aurait pourtant un double intérêt : elle serait moins coûteuse et permettrait de conserver l'Ehpad en centre-ville, situation plus propice à la mixité intergénérationnelle.

L'hypothèse envisagée actuellement, de reconstruction sur un autre site, est plus coûteuse, soit 25 millions d'euros. Elle est aussi porteuse de vraies inquiétudes pour la population du Montbrisonnais, les résidents, les personnels et pour le CHF lui-même.

En outre, l'opérateur privé ne manquera pas de reporter le coût de ces 25 millions de travaux sur la facture des résidents. Le passage à une gestion privée pourrait ainsi se traduire par une augmentation du coût de séjour de plusieurs centaines d'euros par mois.

Je crains aussi la précarisation des 50 emplois qui basculeraient du statut de fonctionnaire à des contrats de droit privé. À terme, cela serait en outre une mauvaise opération supplémentaire pour le CHF qui verrait une autre source de recettes tarie et, par là même, une aggravation de son déficit.

Aussi, quelle est l'intention du Gouvernement sur ce dossier ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - J'entends vous rassurer.

En ce qui concerne les évolutions du centre hospitalier du Forez, les deux centres de Montbrison et de Feurs enregistraient, avant la fusion du 1er janvier 2013, une diminution de leur activité. Si la fusion a permis d'atténuer cette évolution en recherchant une complémentarité entre les deux sites, elle n'a pu l'enrayer dans la durée, la difficulté de recrutement médical a contraint l'établissement à adapter son organisation voire à renoncer à certaines activités.

Concernant la situation de l'Ehpad du centre hospitalier du Forez, site de Montbrison, celle-ci est bien connue du directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes qui partage, avec l'ensemble des intervenants et des institutions la volonté d'améliorer les conditions d'accueil des personnes âgées. Cependant, la situation financière de cet établissement ne l'autorisant pas à contracter de nouveaux emprunts nécessaires à un investissement de 25 millions, le conseil de surveillance, en date du 23 janvier, a décidé de transférer à un nouveau gestionnaire l'autorisation de l'Ehpad. Il revient au conseil de surveillance de l'établissement de se positionner sur les modalités de mise en oeuvre de ce transfert. L'établissement explore différentes hypothèses, pour à la fois garantir l'accessibilité financière du nouvel établissement par un reste à charge comparable à ceux des Ehpad publics du département de la Loire, pour que ce nouvel Ehpad puisse continuer à accompagner le centre hospitalier du Forez en matière de gériatrie et pour que les personnels continuent à bénéficier du statut de la fonction publique hospitalière.

À ce jour, l'ARS reste dans l'attente du montage juridique et financier définitif du nouvel organisme gestionnaire qui sera retenu par le centre hospitalier du Forez.

S'agissant d'une structure médico-sociale sous compétence conjointe, le dossier d'investissement sera examiné avec le conseil départemental de la Loire, chef de file de l'action sociale. Un soutien financier de l'ARS pourra alors être envisagé.

M. Jean-Claude Tissot.  - Le Premier ministre a appelé à la fraternité. Hier, il a dit : « Quand le service public ferme, c'est l'État qui abandonne ses citoyens ». Ces 209 lits doivent rester dans le secteur public. Comment le Gouvernement va-t-il le garantir ?

Zonage des médecins généralistes

Mme Valérie Létard .  - Le zonage des médecins généralistes publié en décembre 2018 distingue les zones d'interventions prioritaires (ZIP) et les zones d'actions complémentaires (ZAC). Les ZIP ouvrent droit aux aides à l'installation de l'assurance-maladie, de l'État et à des exonérations fiscales ; les ZAC, aux seules aides de l'État.

La détermination des zonages est maintenant nationale ; or l'État a fixé, pour les Hauts-de-France, les seuils d'intervention à 8,3 % de la population pour les ZIP et à 38,4 % pour les ZAC - des taux très inférieurs aux taux nationaux ! Cela fait des Hauts-de France la troisième région la moins bien dotée, alors que la mortalité y est supérieure de 20 % à la moyenne nationale et la surmortalité des moins de 65 ans, de 33 % supérieure pour les hommes et de 26 % pour les femmes par rapport aux moyennes nationales.

Clairement, les seuils fixés pour le zonage ne correspondent pas à la réalité des besoins sanitaires de la région. Face à ce constat, l'ARS a utilisé son droit dérogatoire pour affiner les zones par rapport aux recommandations nationales afin de se rapprocher des besoins, mais dans la limite très serrée des seuils fixés par le ministère.

Au regard des indicateurs dégradés de santé et de la précarité, le zonage des généralistes doit être revu. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, et dans quel délai, afin de favoriser une installation cohérente avec les besoins du territoire ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La refonte de la méthodologie en 2017 a permis aux ARS de mieux identifier les zones sous-denses en offre de soins et de réviser le zonage fin 2018 afin d'inciter à une meilleure répartition des professionnels sur le territoire.

L'accessibilité potentielle localisée à un médecin, indicateur jugé robuste, objective l'accès aux médecins dans chaque région. Les ARS peuvent aussi user d'indicateurs complémentaires - état de santé de la population ou quartiers de la politique de la ville - et disposent d'une marge d'adaptation. Elles ont déterminé les zones éligibles aux aides, dont le périmètre s'est élargi depuis la réforme. Dans les Hauts-de-France, 2,4 millions d'habitants sont concernés. Les ZIP et les ZAC représentent respectivement 14,2 % et 42,5 % des communes.

L'ARS a déterminé les zones en tension. Les zones non retenues peuvent bénéficier d'accompagnement au plan local. La révision du zonage aura lieu tous les trois ans, et plus rapidement au besoin.

La ministre a souhaité que soit expérimenté un pouvoir de dérogation globale aux règles nationales de zonage dans quatre régions, dont les Hauts-de-France. Son évaluation est prévue très prochainement.

Mme Valérie Létard.  - Ce n'est vraiment pas satisfaisant. Les indicateurs montrent que les Hauts-de-France sont en grande difficulté, or les seuils retenus sont inférieurs à la moyenne nationale. Il faut revoir le zonage ; il en va de la vie de milliers de personnes !

Maintien de la maternité du centre hospitalier de Dinan

M. Michel Vaspart .  - L'hôpital de Dinan fait partie depuis 2011 de la communauté hospitalière de territoire Rance Émeraude. Avec une capacité de 633 lits, c'est un établissement de proximité centré sur les activités de médecine, de gynécologie obstétrique et de prise en charge des personnes âgées.

À la demande de l'ARS Bretagne, un projet de fusion des centres hospitaliers de Dinan, Cancale et Saint-Malo devrait voir le jour au 1er janvier 2020. En janvier 2019, la chef du service de gynécologie obstétrique de l'hôpital de Saint-Malo a mis le feu aux poudres en déclarant que cette fusion ne pourrait avoir lieu que si la maternité de Dinan était fermée ou du moins ne pratiquait plus d'accouchements. Cette déclaration a créé un fort émoi.

Le territoire de santé enregistrait 2 457 naissances en 2017, dont 680 sur la maternité de Dinan, contre 778 en 2014. Certes, seules 59 % des parturientes du bassin de vie de Dinan accouchent à la maternité de la ville, mais des marges de manoeuvre existent pour faire augmenter ce chiffre, notamment en développant l'accouchement naturel.

La situation financière de l'hôpital de Dinan est difficile - hausse des dépenses de gestion et des charges de personnel, endettement croissant, déficit du service gynécologie obstétrique.

Néanmoins, des efforts de redressement ont été conduits en partenariat avec l'ARS. Cette dernière soutient le maintien de la maternité de Dinan et souhaite des investissements pour renforcer son attractivité.

Il est indispensable de rassurer les personnels de l'hôpital de Dinan, la population et les élus locaux. Quel avenir pour la maternité de Dinan ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le seuil populationnel de votre territoire permet d'envisager le maintien à Dinan d'un centre hospitalier de référence attractif.

L'objectif est de conforter le groupement hospitalier de territoire et de fusionner les établissements afin de renforcer la démographie médicale et de mieux répartir les soins en fonction des besoins du territoire.

L'ARS, en lien étroit avec les trois présidents des conseils de surveillance, maires des trois communes, et de la direction du GHT a acté la fusion autour d'un projet médical partagé. Il s'agira d'assurer l'accès aux soins, la sécurité de la prise en charge et formaliser une réelle collaboration entre les deux sites.

Le projet de territoire ne remet aucunement en cause la maternité de Dinan, je vous l'assure. Le deuxième projet régional de santé publié par l'ARS en juin 2018 retient deux maternités pour le territoire Saint-Malo-Dinan. La sécurité des soins n'a pas été mise en cause. La baisse du nombre d'accouchements correspond à celle de l'ensemble du territoire.

La maternité de Dinan possède un potentiel de développement. Le projet de territoire vise à conforter son image auprès des habitants.

Création de places dans les Ehpad

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Alors que la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a apporté des améliorations sensibles à la prise en charge de nos aînés dépendants à leur domicile, le sujet de leur prise en charge en établissement reste pendant.

Lorsque le maintien chez soi a atteint ses limites, les familles sont souvent confrontées, hélas, à la difficulté de trouver une place en Ehpad.

Quels moyens le Gouvernement entend-il dégager pour autoriser la création de places supplémentaires d'Ehpad afin d'accueillir convenablement les personnes âgées en situation de grande dépendance ? En Haute-Vienne, les besoins sont criants...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - En 2050, près de cinq millions de Français auront plus de 85 ans. Le nombre de personnes dépendantes doublera. Comment accompagner nos aînés, tel est le défi que nous devons relever.

Le rapport de Dominique Libault, remis le 28 mars, envisage les moyens d'améliorer leur prise en charge ; chacun doit pourvoir choisir librement où il vieillira, sans que la question financière ne prime, sans avoir le sentiment d'être un fardeau pour ses proches.

Outre la question du nombre de places en Ehpad demeure celle du coût de l'entrée en établissement - qui renvoie à celle du financement public.

Le rapport de Dominique Libault formule des propositions ambitieuses. Des mesures fortes ont été engagées dès 2018 pour répondre à l'urgence : moratoire dans la convergence du tarif dépendance, accélération sur le tarif soins pour permettre de recruter davantage de personnels soignants.

Nous devons répondre au double enjeu d'accessibilité et d'hétérogénéité de l'offre, à domicile comme en établissement. Une grande loi sera présentée en conseil des ministres à l'automne ; les débats parlementaires seront l'occasion d'aborder rapidement ces sujets majeurs pour l'avenir de notre société.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - J'entends cette réponse mais la réalité est que la demande de création de places par les conseils départementaux se heurte au refus des ARS, faute de moyens financiers. Le délai d'obtention d'une place est un sujet tout aussi explosif que le reste à charge et les listes d'attente ne cessent de s'allonger, plongeant les familles dans le désarroi. Le Gouvernement doit dire rapidement les moyens financiers qu'il entend consacrer à la solidarité générationnelle et la loi apporter des solutions pérennes, sans quoi c'est la double peine pour les familles ! Tout ne peut reposer sur les départements.

Reconnaissance des auxiliaires de vie

Mme Martine Berthet .  - Si le rapport Libault appelle à un plan national pour les métiers du grand âge, j'appelle votre attention sur la situation de certaines structures d'aide à domicile en zone de montagne.

La dégradation des conditions de travail conduit à une inquiétante baisse des effectifs. Ainsi, l'ADMR de Bozel en Savoie a été confrontée au départ de vingt-six auxiliaires de vie sur trente, sans qu'il ait été possible de les remplacer, ce qui a conduit l'ensemble du conseil d'administration à démissionner le 9 février dernier.

Ces départs s'expliquent notamment par le planning à la minute, source de stress. De même, la rémunération n'est guère attractive alors que la vie en station coûte cher et que la Tarentaise connaît une situation de quasi plein emploi.

En outre, le montant des frais kilométriques n'est pas adapté aux zones montagneuses où les déplacements se comptent en temps et non en kilomètres. Alors que les Ehpad sont surchargés, il est urgent de reconsidérer le recrutement, la rémunération et les conditions de travail des auxiliaires de vie.

Quand la personne en charge des métiers du grand âge sera-t-elle nommée ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous partageons votre préoccupation sur l'attractivité de ce secteur. Agnès Buzyn a annoncé le 30 mai 2018 une refonte du système de financement des services à domicile. À l'issue de la concertation « grand âge et autonomie », Dominique Libault a remis, le 28 mars dernier, un rapport qui fait des propositions ambitieuses pour améliorer la qualité du service et l'attractivité du secteur.

Nous travaillons sur cette base pour mieux rémunérer les personnels. Un grand plan Métiers sera lancé pour revaloriser tous les métiers du grand âge, qui jouera sur quatre leviers : la hausse des effectifs, afin d'augmenter le temps de présence auprès des personnes âgées ; la prévention de la pénibilité ; la formation et la montée en compétence, qui doit s'accompagner d'une revalorisation salariale ; la diversification des perspectives de carrière. Une personnalité qualifiée sera bientôt nommée pour discuter de ces mesures avec les parties prenantes.

Mme Martine Berthet.  - Les structures, publiques ou privées, attendent la réalisation concrète de vos annonces.

Application du plan Pauvreté en outre-mer

M. Dominique Théophile .  - Le 13 septembre 2018, le président de la République présentait la stratégie nationale de lutte contre les « inégalités de destin » et annonçait 8 milliards d'euros pour sa mise en oeuvre. Je salue les mesures touchant à la protection de la petite enfance et au soutien aux crèches, mais déplore qu'aucune mention n'ait été faite des outre-mer.

Pourtant, la pauvreté touche une personne sur cinq en Martinique et huit sur dix à Mayotte. Le plan sera décliné dans les territoires ultramarins comme dans les autres, mais sans prise en compte de leur situation particulière.

Les conseils départementaux d'outre-mer supportent déjà le coût lié au RSA, qui est versé à 22 % de la population en Guadeloupe. Si de nouvelles charges leur sont attribuées dans le cadre du plan national, il faudra en tenir compte.

Quelles seront les modalités de déclinaison du plan Pauvreté en outre-mer ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La stratégie de prévention et de lutte prévoit un fort investissement de l'État dans les outre-mer, dont les spécificités ont été pleinement prises en compte. Nous finalisons l'élaboration d'une convention avec La Réunion, retenue comme territoire expérimentateur. La Guadeloupe pourra, sur la base du volontariat, faire l'objet d'une convention ad hoc. Celle-ci traduira l'investissement de l'État, aux côtés du conseil départemental, pour 3 millions d'euros. Elle comportera des engagements sur les objectifs socles - prévention des sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance, référents de parcours, premier accueil social inconditionnel, orientation et insertion des allocataires du RSA - mais également des initiatives portées par la collectivité.

La conférence régionale des acteurs, qui se tiendra le 15 avril, vise à ce que les acteurs - collectivités territoriales, associations, personnes en situation de précarité - s'approprient la stratégie et son animation.

Sur la base d'un diagnostic local co-construit, des priorités seront définies. Nous déploierons les mesures de la stratégie : nouvelles places en crèche, points conseil budget pour éviter le surendettement, création de centres sociaux, développement de la garantie jeunes, petits-déjeuners dans les écoles volontaires, éducateurs spécialisés, tarification sociale dans les cantines, etc. Les départements n'auront pas à supporter de charges supplémentaires.

M. Dominique Théophile.  - Merci. Je suivrai attentivement la mise en oeuvre du plan, car la situation est très dégradée.

Inscription de la verrerie de Givors sur la liste des sites amiantés

Mme Cécile Cukierman .  - Deux chiffres : 92 cas de cancers ont été détectés parmi les 208 anciens verriers de Givors, et 82 maladies diverses en rapport avec l'exposition aux matières toxiques.

Seize ans après sa fermeture, le site n'a toujours pas été classé en zone amiantée : impossible, dès lors, pour les anciens salariés d'obtenir un certificat d'exposition, de bénéficier d'un suivi post-professionnel et, le cas échéant, de la reconnaissance de leurs pathologies en maladies professionnelles, avec indemnisation pour préjudice d'anxiété.

Sur les 645 anciens verriers membres de l'association des victimes, 211 sont décédés et 73 sont malades. L'âge moyen des décès est de 70 ans et demi. Douze maladies professionnelles ont été reconnues. Or les démarches auprès de la CPAM s'apparentent à un parcours du combattant pour des victimes dont on met en cause l'hygiène de vie... Étrangement, les radios des poumons ont disparu de leur dossier médical.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour reclasser cette zone mortifère en site amianté? C'est une question de justice sociale.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Ce sont des parcours difficiles, dramatiques, que ceux des verriers de Gisors. Une étude a été menée dès 2012 pour évaluer l'exposition du personnel et définir des mesures de prévention. Tout ancien salarié peut bénéficier, à sa demande, d'un suivi médical post-professionnel, accordé par la CPAM sur production d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail. Quand l'assuré ne peut fournir cette attestation, notamment parce que l'entreprise a disparu, l'assurance maladie se chargera de vérifier l'effectivité de l'exposition.

Les anciens salariés des verreries de Givors peuvent ainsi prendre contact avec leur caisse afin de mettre en place ce suivi et demander la reconnaissance du caractère professionnel de leur maladie, dans un délai de deux ans.

La convention d'objectifs et de gestion 2018-2022 de l'assurance maladie-risques professionnelsprévoit d'améliorer l'accompagnement des personnes dans leurs démarches. Une expérimentation sera conduite d'ici l'été. L'accueil physique sera amélioré et un guide des droits et démarches publié pour éviter les parcours du combattant que vous dénoncez.

Mme Cécile Cukierman.  - La simplification et la réactivité doivent également bénéficier à ces ouvriers, qui ont travaillé toute leur vie et en payent le prix de leur santé.

Financement de la formation des artisans (I)

M. Cédric Perrin .  - Depuis 2018, les Urssaf assument le recouvrement des contributions à la formation professionnelle des artisans. Or de graves dysfonctionnements sont constatés : 170 000 adresses d'entreprises ont disparu, la collecte a chuté de 72 millions d'euros en 2017 à 33,8 millions en 2018, et baisser encore d'un tiers en 2019. Je sais que des réunions ont été conduites au ministère du travail et qu'un rapport a été commandé à l'IGAS, mais il y a urgence !

Les engagements financiers du fonds d'assurance formation sont suspendus et les mesures de soutien annoncées excluent les salariés et dirigeants salariés. Bref, la situation manque de clarté.

Quelles mesures prendrez-vous pour assurer le financement du fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale (Fafcea) ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La collecte de la contribution à la formation professionnelle des artisans est effectivement désormais assurée par l'Urssaf, et non plus par la direction générale des finances publiques, ce qui a entraîné des difficultés de trésorerie pour le fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale et pour les conseils en formation. En effet, de nombreux artisans salariés, assujettis à la fois en tant que travailleur indépendant et en tant que salarié, ont contesté la légalité de ce double assujettissement.

Des mesures ont été prises rapidement : l'Agence France Trésor a avancé 15 millions d'euros et l'Acoss 18 millions d'euros, le dernier versement a été effectué le 18 mars dernier.

Des discussions se sont engagées avec les acteurs, notamment les chambres des métiers pour poursuivre les actions de formation. Le remboursement des avances accordées en 2018 a été gelé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019.

L'IGAS rendra fin juin ses conclusions sur le système de collecte et proposera des solutions pérennes pour le 1er janvier 2020.

M. Cédric Perrin.  - Votre réponse me satisfait. Mais il y a urgence car la formation est une impérieuse nécessité.

Financement de la formation des artisans (II)

M. Jean-Claude Luche .  - Depuis le 15 mars, les artisans ne peuvent plus bénéficier de leur droit à la formation. Pourtant, ils restent prélevés de leurs cotisations. Or ces formations sont parfois obligatoires pour pouvoir exercer !

La raison en est un problème administratif. En effet, lors du transfert de la charge de la collecte à l'Urssaf, 170 000 entreprises artisanales ont disparu du fichier. Résultat, le Fafcea affiche un déficit de 32 millions d'euros en 2018 et a dû suspendre les actions de formation.

Il semblerait que l'Agefice (Association de gestion et du financement de la formation des chefs d'entreprise) vienne temporairement en renfort, mais cet organisme exclut les dirigeants salariés et les salariés.

L'artisanat représente de nombreux emplois dans nos territoires. Un geste du Gouvernement serait bienvenu. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'artisanat, c'est le tissu économique de proximité qui irrigue nos territoires, c'est le savoir-faire à la française. Le Gouvernement agit pour développer l'apprentissage et renforcer notre tissu d'artisans.

Le Fafcea a fait part des difficultés entrainées par la baisse importante du niveau de collecte depuis le transfert à l'Urssaf. La mesure de simplification semblait nécessaire mais elle a effectivement entraîné des difficultés, dues à la diminution du nombre de cotisants.

Pour faire face à l'urgence, nous avons organisé plusieurs réunions avec les acteurs et pris des mesures financières. Les versements de l'Acoss au Fafcea et aux conseils de la formation sont intervenus le 18 mars, ce qui permet de traiter la situation à court terme. Un gel des remboursements des avances accordées en 2018 a été décidé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019.

Le rapport de l'IGAS, qui sera remis à la fin juin, devra permettre de trouver une solution durable.

M. Jean-Claude Luche.  - Merci pour votre réponse. J'ai entendu les efforts que le Gouvernement a réalisés.

Avenir des conseillers techniques sportifs

Mme Mireille Jouve .  - Selon la presse, le détachement progressif de conseillers techniques sportifs (CTS) du ministère des sports vers les fédérations reste à l'étude. Une lettre plafond du Premier Ministre demande en effet une réduction du schéma d'emplois du ministère de 1 600 ETP pour 2018-2022, via une transformation du mode de gestion des CST et la réduction de leur nombre.

L'inquiétude est forte dans le milieu sportif. Le président du Comité olympique français redoute un bouleversement du système et l'Inspection générale de la jeunesse et des sports craint qu'un scénario de rupture se traduise par une désorganisation du système de performance sportive français à la veille des Jeux olympiques de 2024.

Nous devons être prudents, d'autant que 50 % de CTS partiront à la retraite dans les prochaines années. Où en est la réflexion du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Maracineanu. Le président de la République, en novembre 2018, a rappelé que ce changement de mode de gestion visait à intégrer davantage ces CTS à la vie des fédérations et des clubs - leur caractère public n'apparaît pas toujours nécessaire - et à mieux répondre aux attentes des clubs.

Dès son arrivée, la ministre des sports a engagé une concertation sur le sujet.

Entraîneurs, formateurs et développeurs expérimentés, les CTS exercent des missions clés pour le système fédéral et la réussite de nos sportifs. Néanmoins, leur statut protégé fait débat depuis plusieurs décennies et leur multiple tutelle mérite d'être clarifiée. Elle correspond à une forme d'ingérence de l'État, qui devient caduque, dès lors que la rénovation du modèle vise à rendre l'organisation plus autonome et plus responsable.

Il ne s'agit pas de supprimer les métiers des CTS mais de trouver un dispositif équilibré entre État et fédération, dans un climat de confiance, sans fragiliser les petites fédérations. Dans ce cadre, un détachement de ces fonctionnaires vers les fédérations est en cours d'examen. Il se ferait sur la base du volontariat, dans le dialogue et au cas par cas.

Procès pénal de l'amiante

Mme Michelle Gréaume .  - Ma question porte sur les conséquences du rejet par la chambre criminelle de la Cour de cassation des pourvois des associations de défense des victimes de l'amiante du campus de Jussieu et du chantier naval Normed de Dunkerque, contre l'annulation, par la cour d'appel de Paris, des mises en examen des personnes impliquées dans le scandale sanitaire de l'amiante, membres pour la plupart de l'ex Comité permanent amiante (CPA), composé d'industriels, de scientifiques, de hauts fonctionnaires.

Vingt-deux ans après le dépôt des plaintes, et alors que l'amiante a tué dix mille personnes, la plus haute autorité judiciaire estime qu'aucune responsabilité ne peut « être imputée à quiconque », en « l'absence de faute caractérisée » et compte tenu « du contexte scientifique de l'époque et de la méconnaissance des risques encourus ».

Pourtant, des travaux scientifiques ont dit la vérité dès les années 1970, et le Sénat a enfoncé le clou en 2005.

L'amiante tue toujours : dix personnes par jour ! Ce triste bilan se poursuivra pendant des années.

Justice doit être rendue, les responsables doivent répondre de leurs actes. Cela passe par un procès pénal. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La garde des Sceaux prend toute la mesure des souffrances des victimes de l'amiante et partage la préoccupation de voir les procédures judiciaires engagées avec toute l'efficacité et la célérité requises.

Dans le cadre de l'affaire du campus de Jussieu, plusieurs personnes physiques de l'université Paris VI, université Paris VII et de l'Institut de physique du globe de Paris avaient été mises en examen. Trois personnes physiques ont été mises en examen dans l'affaire de Dunkerque.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a toutefois annulé ces procédures, confirmant l'analyse de la chambre de l'instruction selon laquelle « l'absence de faute caractérisée susceptible de [leur] être reprochée du fait de [leurs] fonctions au ministère du travail et de [leur] participation aux activités du CPA, d'autre part, faute pour [eux] d'avoir pu, dans le contexte des données scientifiques de l'époque, mesurer le risque d'une particulière gravité auquel il aurait exposé les victimes ».

Les procédures ne sont toutefois pas toutes closes et l'on ne peut préjuger de leur issue judiciaire. Le Gouvernement reste mobilisé et déterminé à aboutir à une solution humainement acceptable.

Mme Michelle Gréaume.  - Une épée de Damoclès pèse toujours sur la tête de certaines personnes. Il n'est pas acceptable que les responsables n'aient pas de comptes à rendre. Au-delà de l'amiante, c'est donner un permis de continuer à empoisonner. Rendre justice, c'est protéger les générations futures. Cela vaut aussi pour le glyphosate ou d'autres pesticides.

Augmentation des droits d'inscription à l'université pour les étudiants étrangers

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - Ma question porte sur l'augmentation drastique des droits d'inscription à l'université pour les étudiants étrangers extra-européens. Ces droits passeront ainsi de 170 euros à 2 770 euros pour les licences et de 243 euros à 3 770 euros pour les masters et doctorats. Cette hausse, à n'en pas douter, aura des conséquences sur l'attractivité de notre enseignement supérieur.

Quel sera l'impact de cette mesure sur les jeunes étrangers qui ont suivi leur scolarité dans l'un de nos 500 établissements français à l'étranger ? Les lycées français de l'étranger accueillent aujourd'hui 60 % d'élèves de nationalité étrangère, parmi lesquels 67 %, à l'issue du baccalauréat, choisissent de partir étudier en France.

À l'heure où le Président de la République souhaite un doublement des effectifs dans nos établissements français à l'étranger d'ici 2025, l'aspect financier est primordial. Les étrangers non européens ayant réalisé leur cursus à l'étranger pourront-ils se voir accorder une baisse de leurs frais d'inscription ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - À l'étranger, de nombreuses familles font en effet le choix d'une éducation française, signe d'excellence, au prix de sacrifices financiers conséquents. L'inscription dans un lycée français de l'étranger coûte 5 300 euros par an et par élève. L'objectif de la stratégie « Bienvenue en France » est d'attirer plus d'étudiants internationaux dans notre pays, qu'ils soient francophones ou non. C'est pourquoi nous améliorons les conditions d'accueil et triplons le nombre de bourses.

La possibilité de déroger aux droits d'inscription ou de les moduler fait partie des discussions que nous avons avec les présidents d'universités. Les universités restent libres de passer des conventions avec les lycées français partenaires pour prévoir des frais d'inscription réduits. Plusieurs universités ont ainsi passé de telles conventions avec des établissements scolaires français à l'étranger. C'est à elles de construire leur stratégie d'attractivité.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - J'espère que nous pourrons trouver un compromis, à la fois nécessaire et juste.

Double cursus médecine-sciences

Mme Véronique Guillotin .  - Membre du groupe de travail « attractivité des emplois et des carrières scientifiques», je veux interroger Mme la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation sur les difficultés rencontrées par les étudiants en double cursus médecine-sciences.

Ce cursus favorise l'acquisition d'une formation à la recherche et d'un doctorat de sciences au cours des études médicales. L'objectif est de former des cliniciens à la recherche fondamentale, clinique et translationnelle. Grâce à leur double compétence, ces médecins participent à des activités de recherche et jouent ainsi un rôle déterminant dans le développement des innovations cliniques au service des patients. Or, selon une étude de l'association « médecine pharmacie sciences », l'articulation entre les formations médicale et scientifique demeure insuffisante. Parmi les problèmes évoqués par les étudiants figure l'organisation actuelle des deuxième et troisième cycles des études médicales qui, en l'absence d'aménagements, les oblige à interrompre pendant plusieurs années leurs activités de recherche et entraîne un taux important de renoncement à la poursuite du parcours de recherche et de départ vers les pays valorisant les doubles parcours.

Il apparaît également difficile de mener un travail de recherche prolongé pendant l'internat, qui doit être interrompu à cette fin. Les difficultés se prolongent ensuite dans l'aboutissement d'un projet professionnel médecine-recherche que les seules carrières hospitalo-universitaires ne suffisent pas à combler. D'où les effectifs relativement faibles des étudiants persévérant dans un double cursus en France, évalués à une centaine par an soit environ 1,25 % des effectifs, contre 3 % à 5 % en Suisse, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Le volume de publications et de citations scientifiques de la France n'a pas non plus suivi la même croissance que celle des autres pays ces dernières années.

La réforme des études médicales prendra-t-elle en compte ces éléments ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - L'articulation entre études de médecine et cursus scientifique et le lien avec la recherche est au coeur de mes préoccupations. Le projet de loi Recherche comprendra un volet spécifique sur la recherche médicale. L'article premier du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation de notre système de santé supprime le numerus clausus et ouvre la voie à une diversification du cursus, vers les sciences dites « dures ».

Nous avons aussi à coeur d'initier les étudiants en médecine à la recherche scientifique en troisième cycle. L'accès à ce dernier fera l'objet d'une transformation substantielle.

La concertation étant toujours en cours, la mesure est reportée d'un an. L'attractivité des carrières scientifiques constitue un enjeu majeur pour notre pays. J'ai souhaité que vous participiez au groupe de travail chargé de faire des propositions au ministre de la santé pour co-construire une solution répondant aux besoins.

Sorties pédagogiques des élèves en milieu rural

M. Yves Daudigny .  - Ma question s'adressait au ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse, mais je serai heureux de vous entendre, monsieur le ministre de l'Agriculture. Les élèves scolarisés en milieu rural, ont besoin, comme tous les élèves citadins, d'accéder à la culture ou à la pratique de sports de toutes sortes pour ouvrir leur esprit.

En Thiérache notamment, le rôle pédagogique des établissements scolaires, qui initient leurs élèves à la découverte de l'art, favorisent leur créativité, les ouvrent sur le monde et leur donnent confiance en soi, est crucial. Ce rôle passe bien évidemment par l'organisation de multiples activités et de sorties pédagogiques. Or, en milieu rural, on se heurte au problème des transports et à la place de la route.

À Hirson, à la cité scolaire, le conseil d'administration a décidé en décembre 2016 d'acquérir un minibus d'une capacité de neuf places, dont deux sont attribuées au conducteur et à un accompagnateur, afin de pallier ces difficultés de transport. Ce minibus servait à déplacer les élèves pour les emmener à des expositions, des compétitions sportives départementales, voire nationales. Les professeurs, à l'initiative de ces projets, sur la base du volontariat, conduisaient le véhicule. Ces sorties se faisaient avec l'accord du chef d'établissement et étaient couvertes par une assurance tout risque. Or, récemment, la rectrice d'Amiens a envoyé rappelant l'interdiction faite aux enseignants de convoyer leurs élèves pour quelque sortie que ce soit. Ces dispositions, ainsi rappelées, mettent en suspens les projets et pénalisent les élèves de ce lycée, en leur réduisant l'accès à de nombreuses manifestations essentielles à leur ouverture sur le monde.

Le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer le cadre juridique des sorties scolaires ? Il y va de l'ouverture à la culture et de l'égalité des chances entre élèves urbains et ruraux.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Veuillez excuser M. Blanquer, empêché.

Le principe d'un recours à un conducteur professionnel est posé par la circulaire n°2011-117 du 3 août 2011. Seule l'absence momentanée d'un transporteur professionnel peut, à titre supplétif, justifier qu'un enseignant conduise le cas échéant son véhicule personnel, après accord du chef d'établissement. Ce n'est qu'un recours exceptionnel. Par exception, sous réserve de l'acquisition d'une police d'assurance adéquate, une autorisation permanente peut être accordée à un enseignant ou à un animateur titulaire d'une carte de diverses structures, comme les foyers socio-éducatifs, et étendue aux départements limitrophes.

Le Gouvernement a toutefois bien conscience des contraintes du monde rural et sait combien la mise en place de projets pédagogiques se heurte aux contraintes du territoire. Le ministère de l'Éducation nationale encourage les sorties à but culturel ou sportif. Le ministère est donc disposé à ouvrir une réflexion sur la circulaire du 3 août 2011.

Extension de l'obligation scolaire

M. Olivier Henno .  - Ma question s'adresse également au ministre de l'Éducation nationale. Le projet de loi pour une école de la confiance a été adopté en première lecture le 19 février 2019 par l'Assemblée nationale et sera examiné dans les prochaines semaines au Sénat.

Les articles 2 à 4 de ce projet traitent de l'extension de l'obligation scolaire, actuellement fixée de 6 à 16 ans dès l'âge de 3 ans. Cette extension du principe fondamental d'instruction obligatoire est une bonne nouvelle pour les plus jeunes de nos concitoyens, notamment pour les familles les plus fragiles ou les plus éloignées de l'éducation.

Pour autant, si cette avancée est louable, il est nécessaire de rappeler qu'actuellement 97 % des enfants âgés de 3 à 6 ans sont déjà scolarisés. Ce projet de loi est donc l'occasion de conforter à la fois le rôle de l'école maternelle dans les apprentissages premiers des enfants, le rôle des enseignants du premier degré et enfin une façon aussi de renforcer les communes dans leur compétence en termes d'accès à l'éducation comme le définit le code de l'éducation.

L'école maternelle obligatoire, c'est aussi la reconnaissance par l'État d'une équité de traitement avec l'école élémentaire notamment en termes de remplacements des enseignants, de carte scolaire, d'ouvertures et de fermetures de classes.

L'article 4 dispose que l'État attribuera des ressources aux communes au titre de l'année scolaire 2019-2020, en raison de l'augmentation de leurs dépenses obligatoires par rapport à celles de l'année scolaire 2018-2019, du fait de cette extension de compétences.

L'État prendra-t-il en charge les frais liés aux nouveaux élèves qui s'inscriront au regard de l'extension de l'obligation scolaire et continuera-t-il à contribuer pour les élèves de 3 à 6 ans ?

Quid des constructions de maternelles ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Cela correspond en effet à une extension de compétence des collectivités territoriales, qui doivent faire l'objet d'un accompagnement par l'État, en vertu de l'article 72-2 de la Constitution. Un décret en Conseil d'État y pourvoira.

Les dépenses seront appréciées, en vertu de l'article 4 du projet de loi, à l'issue de l'année scolaire 2019-2020, selon les situations locales et versées de manière pérenne à la commune ou à l'intercommunalité assurant la compétence de la scolarisation.

La Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pourra être utilisée par le représentant de l'État dans le département, pour les dépenses d'investissement causées par la baisse de l'âge de la scolarisation obligatoire, de même que la dotation de soutien à l'investissement local, ou la dotation de la politique de la ville. Compte tenu des perspectives démographiques, 64 000 élèves en moins en 2019, une diminution significative des dépenses du bloc communal est à attendre.

Enseignement du clitoris dans les programmes scolaires

Mme Laurence Rossignol .  - M. le ministre de l'agriculture n'est peut-être pas le mieux placé pour répondre à ma question sur le clitoris...(Sourires)

Le clitoris est l'organe essentiel du plaisir sexuel des femmes. Pourtant, il demeure un organe oublié de l'Éducation nationale. Selon le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), en 2016, un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu'elles possèdent un clitoris et 83 % d'entre elles ignorent sa fonction érogène. En revanche, elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin.

Cette méconnaissance n'est pas surprenante ! En France, le corps de la femme n'est jamais, ou très rarement, représenté intégralement et correctement par les outils éducatifs à disposition des enseignants. En 2019, seul un manuel de sciences de la vie et de la terre (SVT) sur huit décrit correctement le clitoris, les sept autres éditeurs ont conservé leurs dessins erronés dans les manuels pour la rentrée 2017-2018.

Il faut lutter contre cet analphabétisme sexuel : c'est un enjeu d'égalité. Le sexe de la femme n'est ni tabou, ni honteux. Il faut que les nouvelles générations apprennent enfin comment est fait un sexe féminin - les familles n'étant pas toujours à même de transmettre cette information - et en particulier sachent situer et comprendre l'organe qui est la source primaire du plaisir sexuel chez la femme.

Cette démarche a également des répercussions symboliques. Penser que le vagin est le symétrique du pénis, et non le clitoris, c'est se tromper au point de croire que les femmes sont dépourvues d'un organe de plaisir.

La reconnaissance du clitoris permet donc de sortir de ce schéma sexuel dans lequel les femmes sont en situation de passivité ou de reproduction. Mettre sur un pied d'égalité les sexualités masculines et féminines, c'est lancer les bases d'une sexualité plus respectueuse du désir et du consentement.

Reconnaître le clitoris comme un organe de plaisir à part entière, c'est aussi mesurer la portée des mutilations sexuelles dans la volonté de détruire le désir féminin. L'excision est encore très largement pratiquée dans le monde et concerne également la France : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 180 000 le nombre de personnes risquant l'excision chaque année au sein de l'Union européenne.

Je sais que le ministère fait valoir la liberté pédagogique des enseignants et qu'il n'écrit pas les manuels mais il lui revient de donner des indications.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Voici la réponse préparée par Jean-Michel Blanquer. L'enseignement du corps humain inclut l'éducation à la sexualité, adaptée à chaque âge, comme le rappelle une circulaire de septembre 2018. L'enseignement sur le clitoris s'inscrit dans ce cadre.

Le ministère n'influence pas le choix des manuels par les établissements, conformément aux principes de liberté de l'éducation et de l'enseignement.

Les violences et mutilations sexuelles ont des conséquences durables, vous avez raison. La France a ratifié la Convention d'Istanbul du 4 juillet 2004 et créé un cadre légal, et nous avons rappelé aux recteurs et inspecteurs dans une circulaire de mars 2019 leur devoir de vigilance. Des documents pédagogiques de formation du personnel ont été diffusés dans les rectorats et établissements scolaires.

Paiement des aides de la PAC

M. Philippe Bonnecarrère .  - Ma question, sans doute plus facile pour vous que la précédente (Sourires), porte sur la simplification des dossiers de la PAC et sur la célérité du paiement des aides.

Nous pensions que le sujet était derrière nous. Nous avons tous en mémoire les difficultés de 2015, pour établir les dossiers, savoir si les bois devaient être pâturés ou pas, etc. Tout cela a entraîné des retards de paiement importants. Le budget 2018 ne prévoyait pas d'avances, puisque vous pensiez que les règlements pouvaient intervenir dans des délais raisonnables. Or le problème s'est posé à nouveau.

Je n'ai rien contre les contrôles, mais je constate que le versement des primes aux agriculteurs est bloqué en cas de contrôles, ce qui est intellectuellement curieux.

Les difficultés de nos agriculteurs sont-elles dues à l'Europe ou aux errements franco-français ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Un peu des deux, mais surtout à l'Europe. Il est impossible de verser des aides européennes lorsqu'il y a un contrôle. C'est une règle européenne.

Néanmoins, la France a obtenu une dérogation pour pouvoir verser les aides après les seuls contrôles administratifs. C'est une règle de bonne gestion qui permet d'éviter d'avoir à recouvrer auprès des agriculteurs les sommes indûment versées, ce qui serait pire.

Pour assurer l'efficacité des contrôles, il n'est pas possible de prévenir les agriculteurs plusieurs semaines en amont. Je vous indique que la France est l'un des rares pays à verser des avances aux agriculteurs. En Allemagne, ce n'est pas le cas et les aides sont versées en janvier lorsque tous les contrôles ont été réalisés. Attention : le mieux est l'ennemi du bien ! Sachez que je veille comme le lait sur le feu à ce que tout se passe dans les règles de l'art.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Certes, mais poursuivez votre travail de décorsetage, ou de facilitation, dans ce domaine. En outre, je rappelle que notre pays est codécideur des règles européennes.

Programme Leader 2014-2020

M. Jean-Marie Morisset .  - Un grand journal titrait récemment « Aides, un fiasco français ». Vous l'avez compris, je veux évoquer le programme européen de liaison entre actions de développement de l'économie rurale (Leader) 2014-2020.

En septembre 2016, deux ans après le début de la période de programmation des fonds européens 2014-2020, l'association Leader France lançait une première alerte : deux tiers des conventions avec les groupes d'action locale n'avaient pas été signés.

Alors que près de 700 millions d'euros de fonds européens ont été versés à la France pour promouvoir le développement rural il y a cinq ans, seuls 28 millions ont été payés, ce qui place notre pays en avant-dernière position, derrière la Slovaquie, pour la consommation des fonds.

Le Pays de Gâtines n'échappe pas à la règle : depuis le 29 février 2016, 80 porteurs de projets ont été accompagnés, 67 ont déposé des dossiers ; 12 comités de programmation ont été tenus, 36 dossiers ont été validés, mais seulement 14 demandes de paiements ont été envoyées. L'idée européenne pâtit de notre désorganisation.

La France pourra-t-elle demander une enveloppe significative si elle a aussi peu utilisé les fonds ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Que voulez-vous que je vous dise ? Vous avez raison ! Oui, la situation est incroyable, inacceptable. Le retour de 700 millions d'euros vers l'Union européenne, à quelques semaines des élections européennes, n'enverrait pas un bon signal, c'est évident. Il faudra donc mettre en place une future PAC bien plus simple.

La particularité de cette enveloppe est d'être mise en oeuvre par les groupes d'action locaux (GAL). Pas moins de trois échelons d'acteurs sont mobilisés.

L'État a mis en place un plan de sauvetage des fonds Leader, car il s'agit bien d'un sauvetage. Il a déployé des outils d'accompagnement des régions pour résorber le retard accumulé.

Les services du ministère mettent tout en oeuvre pour éviter que les régions perdent cet argent. Ce serait inacceptable ! Le cas échéant, et j'ai commencé à négocier en ce sens, nous demanderons un report de l'enveloppe.

M. Jean-Marie Morisset.  - Pas moins de 1,2 milliard d'euros ont été restitués en 2013. Nous devons éviter qu'une telle situation se reproduise. Les efforts seront-ils suffisants ?

Les règles se sont tellement compliquées depuis le dépôt des dossiers qu'il est hélas à craindre que les porteurs de projet ne reçoivent pas les fonds demandés.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Hommage à une délégation koweïtienne

M. le président.  - (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs se lèvent ainsi que Mme la secrétaire d'État.) J'ai le plaisir de saluer, dans la tribune d'honneur, une délégation de trois parlementaires de l'assemblée nationale du Koweït, conduite par M. Abdulkarim Al Kandari, président de la commission des affaires étrangères.

La délégation est accueillie au Sénat par les membres du groupe d'amitié France-Pays du Golfe présidé par notre collègue M. Jean-Marie Bockel. Elle est en France dans le cadre d'une visite d'étude consacrée au renforcement des liens entre cette assemblée et le Parlement français.

Après une réunion de travail avec nos collègues du groupe d'amitié ce matin, la délégation poursuivra cet après-midi son programme, en étant notamment reçue par le président de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées, M. Christian Cambon.

Cette visite fait suite à la mission menée au Koweït par une délégation du groupe d'amitié du Sénat en décembre dernier qui a permis de souligner l'importance et l'intérêt des échanges entre nos parlements ainsi qu'à une précédente mission koweïtienne organisée en juin 2018.

Le dynamisme de notre relation interparlementaire souligne aussi tout le rôle institutionnel du Parlement au Koweït. Il pourrait trouver une nouvelle expression dans des contacts prochains au niveau des présidents de nos deux assemblées, au Koweït ou en France.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues de l'Assemblée nationale du Koweït, une cordiale bienvenue, ainsi qu'un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements sur tous les bancs)

Croissance et transformation des entreprises (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Discussion générale

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Vous savez à quel point Pacte est un texte attendu par notre économie. Après de longs débats, en commission comme en séance publique, nous l'avons amélioré ensemble car mieux que quiconque, vous connaissez les territoires et une entreprise se définit d'abord, non par sa taille ou son activité, mais par son territoire.

Pacte est attendu par les salariés, qui veulent un meilleur accès à l'intéressement et à la participation, une meilleure association à la gouvernance des entreprises.

Pacte est attendu par les chefs d'entreprise, qui attendent la simplification des déclarations administratives, de la transmission des entreprises, des seuils sociaux.

Pacte est attendu aussi par les épargnants car la réforme de l'épargne retraite garantira plus de flexibilité, de liberté et de transparence.

Pacte est attendu encore par les jeunes générations, qui attendent des entreprises qu'elles donnent un sens à l'économie, qu'elles se battent pour l'inclusion, pour une croissance durable, ce que nous avons voulu affirmer en modifiant le code civil.

Pacte est attendu, enfin, par notre industrie, pour lever les blocages qui limite la réindustrialisation de tous les territoires de France.

La France fait face à des défis historiques, les plus brutaux et les plus décisifs de ces dernières décennies. Des révolutions technologiques menacent de reléguer notre économie dans les dix prochaines années, non pas au septième ou au huitième, mais au dixième ou au quinzième rang mondial derrière le Mexique, le Brésil et l'Indonésie. Nous devons changer notre modèle de croissance et de consommation et, en même temps, réduire les inégalités qui progressent depuis une décennie.

Rejeter le texte c'est se résigner, abandonner notre souveraineté technologique, renoncer au combat pour une croissance durable et pour un capitalisme plus respectueux et plus conforme à notre tradition européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Michel Canevet, rapporteur de la commission spéciale .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Nous aurions souhaité que la CMP soit abordée de façon beaucoup plus positive et qu'elle soit conclusive. Tel n'a pas été le cas, nous ne pouvons que le déplorer au regard du travail que le Sénat a fourni sur ce texte. Bien sûr, l'on pourra se consoler ont notant que 114 articles sur 225 ont été votés conformes. Néanmoins, nombre de sujets importants n'ont pas pu faire l'objet d'un accord.

Ce matin, l'OCDE a évoqué de façon plutôt positive les réformes menées en France pour favoriser la croissance.

M. Richard Yung.  - Vrai !

M. Michel Canevet, rapporteur.  - Il faut effectivement poursuivre en ce sens et le Sénat aurait voulu aller plus loin.

Des regrets, donc, sur les commissaires aux comptes qui auraient apprécié la version progressive du Sénat. De même, sur l'orientation de l'épargne vers les entreprises : Finistère Angels a financé des petites entreprises pour un montant total de 148 000 euros en 2018, contre 1,4 million en 2017 et cette tendance s'observe dans d'autres départements bretons.

Des regrets encore sur le fait que les taux dérogatoires pour le forfait social n'aient pas été unifiés à hauteur de 10 %.

Nous aurions voulu que le salarié ait le libre choix de l'orientation de son épargne salariale, que l'accord d'intéressement puisse être signé à tout moment de l'année comme le souhaitent les chefs d'entreprise avec lesquels j'ai discuté lors des rencontres salariales de l'épargne.

J'appelle l'attention du Gouvernement sur l'évolution du code civil : la formulation de l'Assemblée nationale engendre des risques de contentieux que réduisait la version du Sénat.

L'article 61 septies, qui crée les sociétés à mission, un concept intéressant, impose un cadre trop contraignant. L'article 62 quinquies présente aussi des risques juridiques, qui prévoit la nullité des délibérations en cas de méconnaissance de la parité.

Nous regrettons, en outre, les surtranspositions sur la transparence des rémunérations et la responsabilité de plein droit des agents de voyages ainsi que les trop nombreuses habilitations à légiférer par ordonnance.

Nous avons obtenu gain de cause sur le gaz et la dématérialisation des factures, mais non sur l'électricité alors que nous avions fait un travail important pour intégrer les dispositions directement dans le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et Les Indépendants)

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.) Je veux vous faire part de ma déception et de celle de mes collègues rapporteurs. Le sujet des privatisations, qui aurait dû faire l'objet d'un projet de loi distinct, car il ne concerne nullement les entreprises, a obscurci le sens de ce texte. Les apports du Sénat, même si un certain nombre d'entre eux a été retenu par les députés, en ont été victimes.

Le seuil de 50 salariés est un frein à la création et à la croissance des entreprises, nous l'avons relevé à 100. Nous étions prêts à un compromis à 70 qui a un sens économique, les députés ne l'ont pas voulu.

Nous avons proposé un report de la réforme des commissaires aux comptes, dont nous avons accepté l'économie générale malgré nos réserves pour ses conséquences sur le maillage territorial. Sauf pour l'outre-mer, ces ajustements n'ont pas non plus été pris en compte ; la réforme s'appliquera dès le 1er septembre 2019. Les actionnaires minoritaires ne pourront pas non plus obtenir la désignation d'un commissaire aux comptes même s'il semblerait que les députés aient conservé cette faculté dans la proposition de loi sénatoriale de simplification du droit des sociétés.

Concernant la réforme des réseaux consulaires, l'Assemblée nationale a rétabli l'obligation faite aux CCI et CMA de région, d'adopter après chaque renouvellement, un plan de mutualisation des actions. Elle a réintroduit le dispositif, que le Sénat avait jugé inutile, visant à limiter le nombre de mandats d'un président de CCI. CCI France aura le monopole de la représentation des intérêts nationaux des CCI, c'est à ce niveau que seront fixées les règles de recrutement des directeurs généraux de chambre. Les députés ont rétabli l'obligation de conclure des conventions avec les régions pour la mise en oeuvre du schéma régional de développement économique d'innovation et d'internationalisation.

S'agissant du compromis que le Sénat avait trouvé sur le stage préalable à l'installation pour les artisans, les députés l'ont purement et simplement supprimé.

Comme nous l'avions souhaité en commission, sans être suivis en séance publique, l'Assemblée nationale a maintenu la faculté de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) de s'opposer à un brevet dépourvu d'activité inventive ou d'application industrielle. Il faudra veiller aux moyens humains de l'INPI pour lui permettre d'assurer cette mission.

Le Sénat a fait oeuvre utile en corrigeant les excès de textes récents sur les produits plastiques à usage unique et certains produits phytopharmaceutiques. Les députés ont globalement confirmé nos orientations.

L'Assemblée nationale a renoncé à la création d'une délégation parlementaire à la sécurité économique, votée en première lecture sans aucune concertation avec le Sénat. Sur ce point, le dialogue bicaméral a permis de revenir à la raison.

Toutefois, l'Assemblée nationale n'a pas suffisamment suivi le Sénat, d'où notre choix d'une question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Philippe Adnot .  - (MM. Jérôme Bascher et Laurent Duplomb applaudissent.) Par principe, je n'aime pas beaucoup les questions préalables car c'est la négation du rôle du Parlement, qui est d'améliorer les textes.

M. Richard Yung.  - Bravo !

M. Philippe Adnot.  - Cela traduit notre incapacité à les enrichir. Je ferai toutefois une exception aujourd'hui.

M. Roger Karoutchi.  - À la bonne heure !

M. Philippe Adnot.  - Ce texte a mélangé tous les sujets, ce qui a fermé la discussion à rebours de l'ambiance actuelle, qui est au dialogue !

Ce texte est une série de rendez-vous manqués. Sur les seuils sociaux, il ne satisfera personne et ne favorisera pas l'emploi. Les entreprises ne pourront pas pleinement s'engager.

Quelques satisfactions, malgré tout, et chacun les siennes. Pour ma part, je note que l'Assemblée nationale a repris notre amendement, nous étions d'ailleurs plusieurs à le déposer, pour augmenter la participation des chercheurs de 20 % à 32 % au capital et au droit de vote.

La récolte est maigre et, parce que je n'aime pas les maigres récoltes, je soutiendrai la question préalable. (Applaudissements sur le banc de la commission et sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Manifestement, c'est la dernière fois que nous débattons de Pacte. Je veux donc saluer, encore une fois, le travail de la commission spéciale qui a apporté nombre d'améliorations au texte. Elle a donné un avis favorable à la question préalable. Par principe, comme l'orateur précédent, je le regrette car le débat est toujours utile.

M. Richard Yung.  - Très bien !

M. Emmanuel Capus.  - Par principe, je ne ferai donc pas d'exception ; je ne voterai pas cette question préalable. Notre rôle de sénateur est de porter la voix des territoires dans le débat public, quelle que soit l'issue du vote.

Ce projet de loi va globalement dans le bon sens : il favorisera concrètement le développement de nos PME, la création d'entreprises et l'innovation. Il passe au crible les scories de notre droit et les règles absurdes qui absorbent l'énergie de nos entrepreneurs. Bref, Pacte est une bonne nouvelle et nos entrepreneurs en étaient demandeurs.

Le Parlement a considérablement enrichi le projet de loi initial malgré la procédure accélérée qui nuit à la qualité de notre travail.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Emmanuel Capus.  - Le Sénat a veillé à ce que les mesures ne restent pas hors-sol. L'Assemblée nationale a entendu sa voix sur les chambres des métiers et de l'artisanat. Les Indépendants y avaient insisté, un réseau dense doit continuer d'accompagner les entrepreneurs de proximité.

En revanche, l'Assemblée nationale ne nous a pas suivis sur le relèvement du seuil de 50 à 100 salariés. Dommage car cela est décisif pour transformer nos PME en ETI.

Une fois encore, le Sénat s'est montré raisonnable et ambitieux ; raisonnable parce que, dans une société de plus en plus fracturée, il faut veiller à ce que tous les territoires profitent des fruits de la croissance ; ambitieux parce qu'il faut aller plus loin pour libérer les énergies et susciter l'envie d'entreprendre.

Je regrette que le débat ait achoppé sur les privatisations, en particulier celle d'ADP. Son refus, qui n'est pas dénué d'arrière-pensées politiques, nous a privés de l'opportunité de nous faire entendre. Nous pouvions y apporter les garde-fous pour assurer à la puissance publique la pleine maîtrise du cadre dans lequel cette concession s'opérera car elle s'opérera. Adopter cette solution préconisée par la commission spéciale était préférable. Nous ne corrigerons pas les vices du capitalisme par des voeux pieux.

N'oublions pas que notre pays étouffe de tant de pression fiscale et de réglementation. Tout ce qui reconcentrera l'État sur ses missions régaliennes redonnera du souffle à notre économie. Il y va de notre capacité à maîtriser notre destin dans un monde incertain.

Le débat n'est pas clos, loin s'en faut. J'aurais souhaité poursuivre l'examen du texte. Le groupe Les Indépendants, pour partie, s'abstiendra et, pour partie, votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et LaREM)

M. Martin Lévrier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Ces derniers mois, ces dernières semaines, tous les chefs d'entreprises que j'ai rencontrés sur mon territoire m'ont fait part de leur impatience de voir la loi Pacte promulguée, de la faire vivre. (Marques d'ironie sur les bancs du groupe CRCE)

Je ne doute pas que la grande majorité de notre hémicycle soit persuadée que cette loi est une bonne loi. Et pour cause, elle améliore la parité au sein des directions des entreprises et crée un label pour l'emploi des personnes handicapées ; elle simplifie la création et la croissance des entreprises ; elle améliore et diversifie le financement des entreprises ; elle protège les inventions et les expérimentations, l'innovation de rupture et les entreprises stratégiques.

Je ne m'attarderai pas sur les participations de l'État, M. Yung y reviendra. La majorité sénatoriale qui feint de s'en offusquer soutenait majoritairement à la présidentielle, il y a deux ans, un candidat favorable aux privatisations !

Le chapitre 3 réconcilie performance économique et responsabilité sociale de l'entreprise. Il protège les salariés (Rires sur les bancs du groupe CRCE), développe l'intéressement et la participation, donne une nouvelle visibilité sociale à l'entreprise ; il instaure un fonds de pérennité pour protéger la croissance à long terme de nos entreprises. Bref, elles pourront innover et se développer, croître à chaque phase de leur développement. Il est temps d'adapter le modèle français au XXIe siècle !

Vous prétextez que le texte revenu de l'Assemblée nationale ne suffit pas quand 99 articles, dont 13 additionnels créés par le Sénat, ont été votés conformes. Limitation des seuils d'effectifs pour certains dispositifs fiscaux, possibilité pour les majeurs rattachés au foyer fiscal de leurs parents d'ouvrir un PEA, réforme de l'agrément « Entreprise solidaire d'utilité sociale », modernisation du certificat d'utilité, création d'une procédure d'opposition aux brevets. Sur de nombreux sujets, nous avons été suivis. Et sur la transférabilité des contrats d'assurance-vie ou les CMA, les modifications de l'Assemblée nationale sont minimes.

Les députés ont heureusement rétabli des dispositions centrales que le Sénat avait supprimées. Limiter les différences de salaire de 1 à 20 est une proposition de la confédération européenne des syndicats pour lutter contre les écarts incompréhensibles qui s'observent dans certaines entreprises, notamment celles du CAC 40, où ils sont de l'ordre de 1 à 250. Il n'est pas de richesse que d'hommes, disait le philosophe Jean Bodin. La rémunération est un facteur de bon fonctionnement de l'ascenseur social, nous devons retrouver des critères de cohésion, il faut tirer l'ensemble des salariés vers le haut. C'est du mouvement que naît la croissance, non de l'immobilisme.

Le groupe LaREM, soucieux que le débat ait lieu, ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Fabien Gay .  - Nous restons clairement opposés à ce texte gouvernemental qui casse les seuils sociaux, détricote la Caisse des dépôts ou encore supprime le stage préalable à l'installation des artisans et le recours aux experts-comptables. Alors vous voulez la start-up Nation, vous cassez l'accompagnement à la création d'entreprise. Pire, vous refusez de légiférer sur le statut d'autoentrepreneur, laissant les grandes plateformes numériques continuer à exploiter les jeunes ; vous réformez l'épargne retraite alors que vous vous apprêtez à reculer l'âge de départ à la retraite et à casser la retraite par répartition. Visiblement, nous ne nous sommes pas rendus sur les mêmes ronds-points : nulle part, je n'ai vu de pancarte « Je souhaite mourir au travail ». (Rires)

Vous réalisez le tour de force de parler du partage de la valeur sans évoquer les salaires et leur augmentation. En 200 articles, ce qui devait être un pacte entre l'entreprise et l'État se transforme en pacte entre l'État et les rapaces de la finance. Vous réussissez même à échouer sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, une des rares avancées du texte initial.

Les salariés demandent de la protection, vous répondez libéralisme, compétition, profits ! Nous ne choisirons pas entre la droite gouvernementale et la majorité sénatoriale. C'est blanc bonnet, bonnet blanc !

Nous ne prendrons donc pas part au vote sur la question préalable.

Un mot sur les privatisations. J'ai lu le cahier des charges. Confidentialité oblige, je ne peux pas dire ce qu'il contient. En revanche, je peux dire qu'il ne contient rien sur les 8 600 hectares d'ADP et leur valorisation. Comment fixer un prix sans recenser les actifs ? Autant de foncier en Ile-de-France, c'est une pépite inestimable. La page 38 est destinée à rassurer les élus locaux : elle ne contient que trois lignes !

Il suffit de 56 pages pour brader un actif de 10 milliards quand le notaire m'a fait remplir un dossier de 65 pages pour acheter un petit pavillon avec ma femme ! Il faut donc plus de paperasse pour acheter une maison qu'un aéroport ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; rires sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains)

Depuis le refus du Sénat, vous avez affûté vos arguments. Vous avez même publié un document intitulé Les 10 idées fausses sur l'aéroport de Paris. Premier argument : après 70 ans, l'intégralité des infrastructures sera rendue à l'État. Vous oubliez de préciser que l'État versera une indemnité en fonction d'une évaluation réalisée en 2079. L'État n'aura peut-être pas les moyens !

Deuxième argument, ce n'est pas un monopole public... Au Conseil constitutionnel, que nous saisirons comme beaucoup, de le dire ! Quelque 85 % des touristes européens et 95 % des touristes extra-européens atterrissent par ADP. Quant à l'argument de la concurrence, il ne tient pas. Si un touriste veut visiter Paris, il ne s'arrête pas à Doha...

L'argument de la gestion des boutiques est un raisonnement par l'absurde ; c'est comme si l'on dissociait l'autoroute du péage, la gare de la ligne de chemin de fer, le port du bar de la marine ! (Rires)

Loin de moi l'idée de relayer des fake news ou de faire du Vinci bashing mais nous avons le droit de savoir : voulez-vous vraiment vendre ADP à Vinci ?

Si vous êtes si sûr de vous d'avoir raison contre tous, donnez la parole au peuple ! Organisez un référendum et demandez aux Français s'ils sont d'accord pour vendre ce bien commun afin de satisfaire des intérêts financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR ; M. Jean-Pierre Corbisez et Mme Brigitte Micouleau applaudissent également.)

M. Martial Bourquin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.) Nous nous retrouvons à nouveau pour examiner ce projet de loi fourre-tout.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Non, Pacte !

M. Martial Bourquin.  - Le point de non-retour, c'est la privatisation des joyaux de la Nation : ADP, la Française des Jeux, Engie. L'opinion publique - une pétition a rassemblé plus de 150 000 signatures, et les gilets jaunes, y compris devant le Sénat, nous reprochent les privatisations des autoroutes. Le bon sens économique et politique doit l'emporter. On vend généralement pour gagner de l'argent. ADP, qui a connu une croissance de 43 % en 2018, a un foncier unique. Les seuls dividendes d'ADP suffiraient à alimenter votre fonds d'innovation de rupture et nous empocherions encore 600 millions d'euros !

Madame la ministre, ADP est le symbole du transfert de richesses publiques vers les multinationales ; c'est l'exemple parfait d'un capitalisme de connivence ! (On se récrie sur les bancs du groupe LaREM.)

De connivence, je le redis ! La constitution, en son article 9, dispose qu'on ne peut brader les biens de la Nation. ADP est un monopole naturel car on passe bien par ses installations pour entrer et sortir du territoire. Même s'il accueille des boutiques, c'est un actif stratégique.

Vous répétez l'erreur déjà commise avec la privatisation des autoroutes et de l'aéroport de Toulouse. Au lieu d'en tirer les leçons, vous accélérez, la tête droit dans le mur. Dire que le privé gère mieux que le public, c'est de l'idéologie pure !

Souhaitez-vous satisfaire Vinci, qui n'a pu obtenir Notre-Dame-des-Landes, ou est-ce le président de la République qui veut réaliser son rêve inachevé de ministre de l'Économie ?

Vous vendez le patrimoine de la France à la découpe ! (Marques d'agacement sur les bancs du groupe UC) Nous nous battrons jusqu'au bout pour l'empêcher. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Jean-Marc Gabouty .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) À ce stade, on ne peut exprimer que des regrets, voire une certaine frustration. Une issue consensuelle ne semblait pas a priori inatteignable pourtant.

J'ai tôt dit mes craintes sur ce caractère disparate des dispositions de ce texte. On connaît le dicton : qui trop embrasse mal étreint !

Dans cet ensemble, un gros caillou, ADP, a fait achopper tout espoir de consensus. Le sujet méritait-il une telle opposition ? J'en doute. Ce n'est pas un retrait patrimonial définitif, et l'État conserve les compétences régaliennes. Même si la concession semble trop longue, le futur concessionnaire n'aura en charge que l'intendance commerciale.

Des textes fourre-tout, nous en votons depuis longtemps, mais les privatisations méritaient un projet de loi à part.

Pour le reste, nous partageons les orientations générales du texte.

Saluons la simplification des procédures de création, de transmission et de reprise des entreprises ; la rationalisation des seuils d'emplois et la souplesse lors du franchissement ; le relèvement du seuil de certification des comptes ; la suppression du forfait social sur l'intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés ; les aménagements concernant l'épargne retraite, l'assurance-vie, le PEA-PME.

Certaines évolutions relèvent toutefois surtout de l'affichage. Ainsi, la centralisation subie des organismes consulaires se fera au détriment des territoires les plus éloignés des capitales régionales. C'est une tendance regrettable, dont les gilets jaunes sont un révélateur...

Le texte est également insuffisant sur l'accès des PME au crédit et aux marchés et ne mobilise pas assez le secteur bancaire.

Le texte échoue enfin sur l'intéressement ; l'objectif de le rendre obligatoire dès 10 salariés ne sera pas atteint par les seules mesures incitatives car les chefs d'entreprise raisonnent en coût global, taxes incluses. La suppression du forfait social ne suffira pas. Pourtant, cette mesure de justice sociale avait du mérite. Ce chapitre aurait pu faire partie des réponses au grand débat national, où le développement économique, l'emploi et l'entreprise semblent relégués au second rang.

En conclusion, conforme à son habitude, le groupe RDSE ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je veux d'abord remercier les rapporteurs et la présidente de la commission spéciale qui ont permis au Sénat d'amender le texte et de lui donner une vision.

Hélas, l'Assemblée nationale n'en a retenu que deux désaccords, sur la cession d'ADP et de la Française des jeux. Encore le message du Sénat a-t-il été en partie entendu, la régulation des jeux et d'ADP ayant été renforcée, avec la création notamment d'un régulateur indépendant. Le débat sur la pertinence de privatiser ADP ne doit pas cacher l'apport majeur du Sénat en la matière.

Ceci posé, un sentiment mitigé domine.

Partageant les objectifs du texte, le Sénat a souhaité l'enrichir, espérant trouver des points de convergence avec l'Assemblée nationale. Hélas, balayant en grande partie notre travail, les députés sont revenus à leur rédaction de première lecture sur les principales mesures. Les points d'accroches sont connus : stage préalable à l'installation des artisans, doublement du seuil de 50 à 100 salariés, refus du report de la réforme du contrôle légal des comptes, rôle de l'INPI...

Les députés ont rétabli la privatisation de la Française des jeux en renforçant légèrement la régulation. Ce n'est pas suffisant, mais cela va dans le bon sens.

Je regrette que le Sénat ne se soit saisi de la question d'ADP que sous le prisme politique. Les aéroports sont un secteur concurrentiel et ADP est en concurrence avec les plus grands hubs du monde. Rappelons que c'est la droite qui a ouvert le capital d'ADP en 2006 ; dès lors, les choses étaient écrites. Aujourd'hui, ce secteur n'est pas bien régulé. Les décisions se prennent au plus haut niveau de l'État, alors qu'il s'agit d'enjeux techniques.

Il faut permettre aux compagnies aériennes d'améliorer leur qualité de service, dans des conditions tarifaires acceptables - or le système actuel pousse au surinvestissement, avec des redevances élevées. J'aurais aimé que le Gouvernement procède différemment, qu'il réaffirme son attachement au secteur aérien et aéroportuaire et prenne des mesures de compétitivité. La privatisation ? Pourquoi pas, mais avec une régulation accrue. Toutes les compagnies le demandent.

En tout cas, il importe de dire les choses comme elles sont et non se contenter de faire le procès du Gouvernement pour se dédouaner d'erreurs passées.

La privatisation de l'aéroport Toulouse, lancée par M. Montebourg, a été un échec mais celles des aéroports de Nice et Lyon, sous le même Gouvernement, ont été un succès. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants, ainsi que sur le banc de la commission)

M. Loïc Hervé.  - C'est vrai !

M. Vincent Capo-Canellas.  - L'Assemblée nationale n'ayant toutefois pas fait de pas significatif vers le Sénat, le groupe UC votera dans sa grande majorité pour la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce qui devait être un plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises - objectif ô combien louable - s'est transformée piteusement en loi sur la privatisation d'ADP et FDJ.

M. Martial Bourquin.  - Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Il a fallu que le Sénat s'en émeuve pour que les consciences s'éveillent, que le débat prenne enfin corps. Repoussée par notre assemblée, la funeste privatisation a hélas été rétablie par les députés - au terme de trois jours de débat, par un vote favorable de 27 députés sur 45 votants et 42 suffrages exprimés, un samedi à 6 heures du matin !

M. Martial Bourquin.  - Un scandale !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Le non-cumul des mandats ne semble guère avoir d'effet sur l'assiduité en séance de nos collègues du nouveau monde ! (Applaudissements sur de nombreux bancs à gauche comme à droite)

Les députés ont critiqué une mauvaise affaire, une faute économique, stratégique, historique, une erreur irréparable, un choix stupide, voire un sacrilège...

Pour désamorcer la fronde, le Premier ministre s'est évertué à dépeindre une entreprise fragile, mal gérée, dont l'État serait un actionnaire défaillant. Curieux argumentaire commercial pour qui cherche à vendre au meilleur prix !

Point de privatisation mais simple concession de 70 ans, nous a dit le ministre de l'Économie ; point de monopole national, mais simple monopole régional - sauf que 80 % des visiteurs étrangers transitent par Roissy ou Orly !

Quant au cahier des charges de 56 pages, indigent, il n'est consultable que sur place, au troisième étage de l'aile ouest, au bout du couloir à gauche, et exclusivement sur rendez-vous - des fois qu'on dérange ! (Rires et applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin.  - Excellent !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Les éléments de langage de Bercy ne sauraient nous faire prendre des vessies pour des lanternes : cette opération est un mauvais coup pour la France, pour les Français. Le Gouvernement aura bientôt à en répondre, dans le contexte actuel de grave crise sociale.

Sur la responsabilité sociale de l'entreprise, le général de Gaulle, le 1er mai 1949 à Bagatelle, avait déclaré : « Ce qu'il faut, c'est abolir l'humiliante condition dans laquelle l'organisation économique dérivée tient la plupart des travailleurs. Ce qu'il faut, c'est faire cesser le système en vertu duquel les intérêts de ceux qui apportent à la production leur travail s'opposent à ceux qui y apportent soit leurs biens, soit leur autorité et qui fait que dans une entreprise, les ouvriers sont des instruments et non pas des participants. Ce qu'il faut créer et faire vivre, c'est l'association du travail, du capital et de la direction qui confère à chacun la dignité d'un sociétaire responsable et bénéficiaire du rendement collectif pour sa part et à son échelon. Naturellement, on ne fera pas ça si on ne passe pas outre au sectarisme des spécialistes de la lutte des classes et, en même temps, aux routines de certains dirigeants et de certains capitalistes qui voudraient voir les affaires marcher toujours comme au temps de papa ».

Chers camarades (Sourires), le groupe Les Républicains votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Philippe Dominati .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En vous voyant madame la ministre, j'ai eu un fol espoir, car vous venez de l'entreprise. Le Gouvernement nous envoyait-il enfin un interlocuteur pour aborder le sujet essentiel, celui du développement des entreprises ? Hélas, on l'a dénaturé, et la privatisation d'ADP est clairement la seule préoccupation d'un Gouvernement qui s'entête.

Pourquoi des élus partisans de l'économie libérale comme nous y serions opposés ? D'abord la durée de la concession, anormalement longue. Pour le tunnel sous la Manche, elle n'était que de 50 ans, malgré le risque économique et technologique.

La rentabilité du dividende n'est pas davantage un argument. C'est le conseil d'administration, nommé par le Gouvernement, qui le fixe !

Le prix n'est pas suffisant.

M. Vincent Capo-Canellas.  - On ne le connaît pas !

M. Philippe Dominati.  - Le Gouvernement attendrait trente fois le résultat de l'entreprise pour une concession de 70 ans, sans compter l'indemnisation du concessionnaire... Le compte n'y est pas ! Aucune transparence ! Il n'y a pas plus de consensus chez les compagnies aériennes que chez les salariés de l'entreprise... Le flou règne aussi sur les 7 000 hectares de réserve foncière au coeur de l'Île-de-France.

La question n'est pas de savoir si l'entreprise est bien ou mal gérée par la puissance publique, mais plutôt : peut-on laisser à une même entreprise la gestion des parkings, du CDG Express, des autoroutes et des principaux aéroports ? En réalité, on cède les bénéfices d'un monopole à une seule entreprise. Quid de l'environnement de la plateforme aéroportuaire ? Les collectivités territoriales ne sont guère associées alors qu'il faudra doubler le trafic autoroutier, améliorer la liaison ferroviaire, réaliser des aménagements urbains. Les collectivités territoriales ne sont guère associées.

Je comprends que le ministre de l'économie prenne ses distances, tant le sujet est délicat.

Quoi de nouveau, depuis la première lecture ? D'abord, le cahier des charges, faible pour ne pas dire ridicule, qui ne tient aucun compte des besoins des collectivités territoriales. Ensuite, l'entrée de l'État néerlandais dans le capital d'Air France, suscitant l'émoi du Gouvernement. La compagnie serait stratégique mais non l'infrastructure ?

Enfin, le renouvellement du mandat du président d'ADP : curieux, si la société est si mal gérée que le dit le Gouvernement... M. de Romanet vient d'annoncer, dans le journal Investir, un plan d'investissement de 6 milliards d'euros jusqu'en 2025, l'ouverture du terminal 4, le passage de 60 000 à 80 000 m2 de commerces et de 280 à 400 millions de passagers internationaux d'ici 2025, les 350 hectares avec 1,5 million de m2 constructibles.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Dominati.  - En conclusion, il paraît inconcevable que la privatisation se fasse au cours actuel de l'action : la valeur économique de l'entreprise est largement supérieure. Je me rallierai à la solution référendaire pour obliger l'État à écouter les citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE)

M. Jean-Louis Tourenne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Le titre de la loi était alléchant, claquant comme un slogan publicitaire... Du rapport Notat-Senard il ne reste qu'une dose homéopathique. En réalité, le texte traduit un libéralisme exacerbé, toxique pour les salariés, dogmatique jusqu'à la caricature.

Je ne reviens pas sur la privatisation, que les explications laborieuses, alambiquées du Gouvernement peinent à justifier. Martial Bourquin a dénoncé à raison cette ineptie.

Bernard Lalande s'est ému du relèvement brutal des seuils de certification légale sous prétexte d'alignement et d'économies - illusoires - pour les PME. Le seuil européen n'est pourtant pas prescriptif et bien des pays ont compris que la confiance n'excluait pas le contrôle. En supprimant le commissaire aux comptes dans les holdings en cascade, vous renforcez l'opacité fiscale, sociale et financière, ouvrant la porte aux dérives financières. En repoussant le report de la réforme à 2022, vous mettez en péril 7 000 emplois dans 3 000 cabinets.

Le ministre se gaussait de l'alliance contre-nature entre la gauche et la droite sur ce sujet. Ne sait-il pas reconnaître une alliance républicaine quand les intérêts nationaux sont en jeu ?

L'Allemagne, votre modèle, accorde 50 % des sièges aux salariés dans les conseils d'administration, alors que vous ne leur donnez que la portion congrue. Vos condamnations des abus de rémunération des patrons sembleraient plus sincères si le Gouvernement avait accepté nos propositions de plafonnement des hauts salaires, des retraites-chapeau et autres stock-options.

Il est vrai aussi que vous avez trouvé plus ultralibéral que vous. La majorité sénatoriale n'y est pas allée de main morte en relevant les seuils de 50 à 100 salariés, en refusant de toucher à l'objet de l'entreprise ou en brimant l'économie sociale par une hausse des cotisations.

Ce qui est sans précédent, comme le Gouvernement aime à dire, c'est la façon dont il plonge à pleines mains dans les caisses de la sécurité sociale, avec la suppression du forfait social ou l'exonération des heures supplémentaires. Résultat, un déficit de 3 milliards d'euros, alors que le budget de la sécu devait être à l'équilibre.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Loin de mieux répartir les richesses créées, d'assurer la transparence sur les revenus, d'associer les salariés à la décision, vous avez fait le contraire. Ne soyez pas étonnés que les Français ne vous suivent pas. (Applaudissements à gauche)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État .  - Comme au cours des 36 heures de débats en séance publique, vos interventions se sont concentrées sur ADP - objet de quatre articles sur les 200 que compte un texte qui vise à accroître le potentiel de croissance de nos entreprises, à augmenter le pouvoir d'achat des Français et à encourager l'innovation. Je regrette cette myopie.

Monsieur Canevet, il est tout à fait possible de conclure un accord d'intervention tout au long de l'année.

Concernant les commissaires aux comptes, le texte a été amélioré à l'Assemblée nationale sur la base des propositions du Sénat. Une entrée en vigueur différée est prévue pour l'outre-mer.

Monsieur Adnot, la réforme des seuils sociaux n'a rien d'illisible : elle est au contraire attendue par les entreprises.

Pour M. Gay, nous casserions le système de retraite par répartition. Il n'en est nulle part question dans ce texte ! Les gilets jaunes ne veulent pas mourir au travail, mais ils veulent du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE) Je regrette que vous ne mentionniez pas les progrès sur la parité, la participation et l'intéressement, la place des salariés au conseil d'administration, le fléchage de l'épargne vers la transition énergétique...

Je rappelle qu'Engie est privatisée depuis 2003.

Monopole, dites-vous ? C'est ignorer que le trafic aéroportuaire repose sur des hubs. Pour aller de Paris à Londres, on peut aussi bien passer par Francfort, Schiphol ou Doha !

Le cahier des charges décrira les actifs, bien entendu. Beaucoup d'élus ici ont participé à des opérations de privatisation qui se sont très bien passées. Ces opérations sont très encadrées, notamment par la Commission des participations et des transferts.

Mme Éliane Assassi.  - Comme les autoroutes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - On ne peut annoncer le prix de vente aujourd'hui, car une compétition est en cours. Le prix de vente tient compte des perspectives de croissance de l'entreprise, ce que l'on appelle sa valeur actualisée nette. (M. Fabien Gay s'exclame.)

Parler de « capitalisme de connivence », c'est irresponsable, inacceptable. C'est ce genre de formules toutes faites qui explique ce qui se passe sur les ronds-points ! (MMPhilippe Bonnecarrère et Martin Lévrier applaudissent.) Pour ma part, je ne rebondirai pas sur la revendication des gilets jaunes de supprimer le Sénat car ce n'est pas une revendication raisonnable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC ; exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

Je ne reviendrai pas non plus sur les conditions du vote ; le scrutin public à l'Assemblée nationale ne permet pas comme au Sénat à un parlementaire de voter pour quarante collègues. Et si les députés ne sont pas si nombreux en séance, c'est qu'ils travaillent aussi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; exclamations) De tels propos sont la négation d'un travail parlementaire intense et remarquable : les députés ne sont pas aux 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

Enfin, je me retrouve tout à fait dans la citation du général De Gaulle, et note avec plaisir qu'il avait inventé le « en même temps ». (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Il avait plus de hauteur !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - Monsieur Dominati, la concession du Tunnel sous la Manche est de 99 ans. Les conditions de la redevance, fixées par une autorité indépendante, seront revues tous les cinq ans.

Monsieur Tourenne, rien n'interdit d'instaurer la participation dans une entreprise de moins de 50 salariés. (On se gausse sur les bancs du groupe SOCR.) C'est une mesure utile pour retenir les salariés. Nous oeuvrons pour développer l'intéressement, avec des ambassadeurs sur le terrain. Enfin, les accords seront mis en ligne sur le site du ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Canevet, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (n°382, 2018-2019).

M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale .  - La commission a adopté cette question préalable, à l'initiative de ses trois rapporteurs. Pour la défendre, je développerai trois axes : la plus-value apportée par le Sénat ; la situation de blocage issue de la nouvelle lecture de l'Assemblée nationale ; les enseignements à tirer de ce parcours législatif.

Comme à son habitude, le Sénat s'est attaché à produire un travail de qualité. Il a introduit des garde-fous, alerté sur les inconstitutionnalités et les insuffisances du texte.

L'Assemblée nationale a détricoté avec méthode quasiment tout ce que le Sénat avait voté en première lecture. Certaines divergences profondes étaient insurmontables mais d'autres propositions du Sénat auraient pu faire l'objet de compromis, comme le stage préalable à l'installation des artisans, la réforme du contrôle légal des comptes, les prêts interentreprises ou encore l'épargne retraite. Sur les seuils d'effectifs, la CMP avait envisagé un seuil à 70 salariés - resté lettre morte. Dans cette situation, il n'y a pas d'intérêt à poursuivre le débat.

Pourtant il reste beaucoup à faire. D'abord pour les entreprises. Ce texte suscitera sans doute autant de déceptions qu'il a fait naître d'espoirs. Certaines mesures de notre assemblée prospéreront dans les années à venir, j'en suis sûr.

Qui parlait de la privatisation d'ADP et de la Française des jeux avant que le Sénat s'interroge sur leur bien-fondé ? Elle a été introduite dans le projet de loi sous un prétexte fallacieux, celui du financement de l'innovation, alors qu'il s'agit de réduire la dette publique d'ici la fin du quinquennat.

Je fais le pari que les mesures fortes que nous avions adoptées prospèreront dans les années à venir.

Il reste beaucoup à faire envers l'opinion et nos concitoyens. Malgré la concertation « exemplaire » qu'on nous a vantée, c'est le débat au Sénat en première lecture qui a été le révélateur. Qui parlait de la privatisation d'Aéroports de Paris et de la Française des Jeux, avant qu'au Sénat nous posions la question de son contenu, de son bien-fondé, de sa régulation ? D'autant que cette privatisation a été introduite dans ce projet sous le prétexte fallacieux du financement de l'innovation. En fait, la vraie raison du Gouvernement est de tenter de réduire la dette publique, qui ne cesse de progresser...

C'est peu de dire que la frustration est grande, au Sénat, et dans l'opinion, en ce temps de grand débat, où se manifeste l'attente d'une démocratie plus active... Le Gouvernement aurait dû prendre en compte la contestation et la colère publique dans le calendrier d'examen du projet de loi. Le Sénat a dû batailler pour obtenir certaines informations et il reste encore trop de zones d'ombre.

Ce projet de loi comporte bien trop de demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance : 11 habilitations et 27 ratifications. Or les ordonnances sont l'instrument par lequel le Gouvernement préempte les sujets qui ne seront pas abordés au Parlement.

Le Sénat a refusé dès le stade de la commission de signer un chèque en blanc à l'État pour la privatisation de la Française des Jeux. Rien ne dit que le Gouvernement ne favorisera pas la valorisation de l'entreprise au détriment de la santé publique.

La commission spéciale vous invite à voter la question préalable. Le Sénat a une nouvelle fois réalisé un travail minutieux, précis et vigilant, et je veux réaffirmer ici l'utilité du bicamérisme pour une démocratie vivante et forte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains eUC)

M. Richard Yung .  - La majorité de droite de notre assemblée a choisi d'opposer la question préalable au projet de loi Pacte. Celle-ci ne permettrait pas d'aller plus loin dans la recherche du compromis qui est l'essence même du débat parlementaire. Vous cherchez à imposer vos vues à l'Assemblée nationale, ainsi qu'un prétexte pour pouvoir mener campagne contre le projet de loi quand il sera publié. C'est dommage.

Le groupe Les Républicains dit dans sa déclaration publique refuser toute opposition caricaturale : je vous laisse juge. Encore une fois, le Sénat va sortir de la scène du débat parlementaire. Il ne sera pas actif. Et ensuite, vous vous étonnez que d'aucuns demandent la suppression du Sénat ! (On se récrie vivement à droite et sur les bancs du groupe CRCE.)

M. Pascal Savoldelli.  - Ce n'est pas acceptable !

M. Jean-Pierre Grand.  - Cela pue le chantage !

M. Richard Yung.  - C'est pourtant la vérité ! (Les protestations fusent à nouveau des mêmes bancs.) La majorité sénatoriale refuse de reconnaître que Pacte est un bon texte.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - C'est faux !

M. Richard Yung.  - C'est une loi importante pour les entreprises mais aussi une loi sociale. Si la loi Pacte est une bonne loi, c'est aussi parce que l'Assemblée nationale a conservé des apports du Sénat... (« Ah ! » à droite)

Mme Éliane Assassi.  - Le Sénat est donc bien utile !

M. Richard Yung.  - Les auteurs de la question préalable continuent de faire de la privatisation la pomme de discorde, ce qui est d'autant plus mal venu qu'ils ont soutenu en 2017 un candidat favorable aux privatisations.

L'État conservera la possibilité de révoquer tout dirigeant d'ADP convaincu de manquement d'une particulière gravité à ses obligations.

L'avenir montrera que Pacte permet d'aller de l'avant et que les arguments avancés par la majorité sénatoriale ne sont pas fondés : non, la privatisation ne portera pas atteinte à la souveraineté de l'État !

L'État conservera ses missions régaliennes dans les aéroports. La privatisation d'ADP ne reproduira pas les erreurs de celle des autoroutes... opérée par la droite ! (Murmures sur certains bancs du groupe Les Républicains) Il n'y aura pas d'accord secret semblable à celui signé en 2015 par le Gouvernement Valls, garantissant la neutralité fiscale aux sociétés concessionnaires...

Elle n'entraînera pas de hausse de redevance- sauf ce qui a été prévu. La réforme de la fiscalité des jeux est maintenue. La qualité d'autorité de supervision sera attribuée à la future autorité unique.

Je note en outre que 13 articles additionnels issus du Sénat figurent parmi les 99 articles adoptés conformes par l'Assemblée nationale. Plusieurs d'entre eux concernent la modernisation du réseau des chambres de commerce et d'industrie. Certaines dispositions sénatoriales ont été votées quasi-conformes, par exemple sur les bitcoins ou sur les actions en contrefaçon.

Félicitons-nous également que l'Assemblée nationale ait suivi le Sénat sur la transférabilité des assurances-vie sans ponction fiscale.

L'Assemblée nationale a confirmé la suppression de 12 articles dont certains étaient discutables : par exemple, le relèvement à 100 des seuils sociaux, auparavant fixés à 50 dans le code de travail, sur le relèvement de 200 à 250 salariés de celui relatif à la mise à disposition d'un local syndical, mesure purement vexatoire et inutile.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait rétabli des mesures de progrès comme la raison d'être des entreprises.

Le texte soumis à notre examen est un bon compromis que le groupe LaREM vous encourage à examiner et à adopter conforme. Nous voterons contre la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. (Exclamations et sourires)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous ne prendrons pas part au vote de la question préalable. Nous regrettons que la majorité sénatoriale refuse de débattre à nouveau d'un texte d'une telle ampleur.

Nous déplorons la surdité du Gouvernement et de l'Assemblée nationale, alors que notre pays aspire à plus de justice fiscale, sociale et au sein de l'entreprise et que c'est l'injustice sociale qui est érigée en modèle.

Vous continuez dans la voie du désengagement de l'État. Vous dites défendre les PME mais ne remettez pas en cause la primauté des grands groupes donneurs d'ordres, qui les pressurent. Il y a, dans ce texte, trop de renoncements : au contrôle des jeux d'argent, au service public de l'énergie, à l'heure où la précarité énergétique n'a jamais été aussi forte, à la maîtrise publique du transport aérien.

Au milieu d'un grand débat où vos orientations ont été sévèrement critiquées, vous vous entêtez. Vous renoncez au contrôle des jeux d'argent et une véritable maîtrise publique du transport aérien.

La fronde gronde de toutes parts contre ces privatisations dénuées de sens constitutionnel, stratégique, financier et politique.

Où est le nouveau pacte dont vous vous targuez ? Les grands gagnants ne seront ni la République ni nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Martial Bourquin.  - Nous aurions voulu un débat global et ne prendrons donc pas part au vote de la question préalable. M. Yung a parlé d'une opposition caricaturale...

M. Arnaud de Belenet.  - Il a raison !

M. Martial Bourquin.  - C'est une plaisanterie ! Qui est caricatural ? La défense des intérêts de la France fait partie du rôle du Parlement. M. Yung fait un chantage à la suppression du Sénat. (Marques d'indignation sur les bancs du groupe Les Républicains) Cela en dit long sur la vision du Parlement qu'a le macronisme ! (« Bravo » et applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

Nous sommes 197 parlementaires, et bientôt davantage, à faire la demande d'un référendum d'initiative partagée sur les privatisations, et nous réunirons les 4,5 millions de Français pour qu'il ait lieu !

Madame la ministre, la dictature c'est « ferme ta gueule », la démocratie c'est « cause toujours », disait Jean-Louis Barrault. Telle est donc votre vision de la démocratie ! (Sourires et marques d'approbation sur divers bancs du groupe SOCR et à droite ; protestations sur les bancs du groupe LaREM)

Faisons en sorte qu'on tienne une grande consultation nationale pour qu'on ne brade pas les bijoux de famille ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Capo-Canellas.  - Il est vrai que certaines interventions sont proches de la caricature... Le débat sur la question préalable est légitime. Débattre à nouveau de ce texte à ce stade aurait été vain. Le groupe UC a estimé qu'il fallait encadrer les privatisations et apporter une plus-value.

Sur ADP, nous versons tous dans la caricature ; je le déplore, car cette entreprise mérite mieux pour se moderniser et s'insérer dans la compétition internationale. Des responsables, des salariés, des syndicats y travaillent et sont conscients de l'enjeu. Le Gouvernement n'a pas su faire ce pas vers le Sénat, non plus que les députés, ce que nous déplorons également. Alors, votons la question préalable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UC)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Philippe Dominati.  - Le groupe Les Républicains votera la question préalable ! C'est parce que le Sénat a fait preuve de sérieux et que nous n'avons eu aucune écoute de la part du Gouvernement, aucune volonté de la commission mixte paritaire, que nous sommes dans une impasse politique : un consensus était possible sur les mesures en faveur des entreprises, mais le Gouvernement l'a refusé, car il avait un unique objectif concernant le sort d'ADP. N'inversons pas les rôles !

On voit bien que le Sénat est puni, par le Premier ministre notamment, qui lui tourne le dos - c'est M. Griveaux qui a répondu sur ce dossier à une question d'actualité au Gouvernement récente...

L'essentiel, c'est la question politique que le Gouvernement ne veut pas aborder ; techniquement, vos trop brèves réponses, madame la ministre, sont très insuffisantes. Votre mécontentement de vous retrouver dans cette impasse technique, votre manque d'arguments, vous ont même conduit à pointer le Sénat du doigt... (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et CRCE)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - Monsieur Dominati, je ne referai pas le match. Cette question est très caricaturale, M. Capo-Canellas a raison.

Dans le grand débat, des thèmes ont émergé, comme la santé ou l'éducation, mais pas les privatisations. (Vives protestations sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains)

Je ne me suis pas permis de commenter le rôle du Sénat, j'ai juste dit que la caricature nuisait à la démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°75 :

Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 241
Pour l'adoption 191
Contre    50

Le Sénat a adopté.

Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale .  - Au terme de cet examen, je veux remercier les membres de la commission spéciale pour leur implication, qui a rendu nos débats très intéressants.

J'aurais souhaité remercier M. Le Maire ; je vous remercie, madame la ministre, ainsi que vos équipes - et les nôtres.

Je voudrais conclure sur une mise au point. Nous devions recevoir aujourd'hui, à leur demande, une délégation des gilets jaunes à propos des privatisations d'ADP et de la FDJ. Cela aurait constitué l'une des 360 auditions que nous avons organisées dans le cadre de nos travaux. Mais l'appel à manifester lancé hier soir et le dévoiement de cette réunion nous ont contraints à annuler cette rencontre. Tenir cette réunion dans ces conditions aurait en effet ouvert la voie à une forme d'instrumentalisation et de surenchère que nous ne souhaitions pas. Le Sénat est à l'écoute de tous mais il reste indépendant dans ses décisions. Je regrette que nos travaux se terminent ainsi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et Les Indépendants)

Nous avons cherché à enrichir le texte dans une perspective constructive. Je tiens à souligner la qualité et la nécessité de ces 360 auditions. À présent, que chacun prenne ses responsabilités. Nous avons pris la nôtre en votant cette question préalable. La responsabilité de ce texte reviendra à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Prochaine séance demain, mercredi 10 avril 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à 16 h 45.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 10 avril 2019

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente Secrétaires : Mme Agnès Canayer - M. Éric Bocquet

1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement (procédure accélérée) (texte de la commission, n°425, 2018-2019) et projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010?837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (procédure accélérée) (texte de la commission, n°426, 2018-2019).

À 16 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, relative au Grand débat national, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Le soir

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement (procédure accélérée) (texte de la commission, n°425, 2018-2019) et du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (procédure accélérée) (texte de la commission, n°426, 2018-2019).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°75 sur la motion n°1, présentée par M. Michel Canevet et plusieurs de ses collègues, au nom de la commission spéciale, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Résultat du scrutin

Nombre de votants :251

Suffrages exprimés :241

Pour :191

Contre :50

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (74)

N'ont pas pris part au vote : 74 - M. Maurice Antiste, Mme Viviane Artigalas, MM. David Assouline, Claude Bérit-Débat, Jacques Bigot, Joël Bigot, Mmes Maryvonne Blondin, Nicole Bonnefoy, MM. Yannick Botrel, Martial Bourquin, Michel Boutant, Henri Cabanel, Thierry Carcenac, Mmes Catherine Conconne, Hélène Conway-Mouret, MM. Roland Courteau, Michel Dagbert, Yves Daudigny, Marc Daunis, Gilbert-Luc Devinaz, Jérôme Durain, Alain Duran, Vincent Éblé, Mme Frédérique Espagnac, M. Rémi Féraud, Mme Corinne Féret, M. Jean-Luc Fichet, Mmes Martine Filleul, Samia Ghali, Marie-Pierre de la Gontrie, Nadine Grelet-Certenais, Annie Guillemot, Laurence Harribey, MM. Jean-Michel Houllegatte, Xavier Iacovelli, Olivier Jacquin, Mme Victoire Jasmin, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Bernard Jomier, Mme Gisèle Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Bernard Lalande, Jean-Yves Leconte, Mme Claudine Lepage, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Monique Lubin, MM. Victorin Lurel, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Christian Manable, Didier Marie, Rachel Mazuir, Mmes Michelle Meunier, Marie-Pierre Monier, M. Franck Montaugé, Mmes Marie-Françoise Perol-Dumont, Angèle Préville, M. Claude Raynal, Mme Sylvie Robert, M. Gilbert Roger, Mme Laurence Rossignol, MM. Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Sophie Taillé-Polian, MM. Rachid Temal, Jean-Claude Tissot, Mme Nelly Tocqueville, MM. Jean-Marc Todeschini, Jean-Louis Tourenne, André Vallini, Mme Sabine Van Heghe, M. Yannick Vaugrenard

Groupe UC (51)

Pour : 47

Abstentions : 3 - MM. Bernard Delcros, Pierre Louault, Mme Michèle Vullien

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Vincent Delahaye, président de séance

Groupe LaREM (23)

Contre : 23

Groupe RDSE (22)

Contre : 22

Groupe CRCE (16)

N'ont pas pris part au vote : 16 - Mmes Cathy Apourceau-Poly, Éliane Assassi, Esther Benbassa, M. Éric Bocquet, Mmes Céline Brulin, Laurence Cohen, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Cécile Cukierman, MM. Fabien Gay, Guillaume Gontard, Mme Michelle Gréaume, M. Pierre Laurent, Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Pierre Ouzoulias, Mme Christine Prunaud, M. Pascal Savoldelli

Groupe Les Indépendants (12)

Contre : 5 - MM. Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Joël Guerriau, Claude Malhuret, Mme Colette Mélot

Abstentions : 7

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 1

N'ont pas pris part au vote : 5 - Mmes Christine Herzog, Claudine Kauffmann, Fabienne Keller, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier