Agir contre les violences au sein de la famille (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille.

Discussion générale

Mme Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP réunie le 27 novembre est parvenue à un accord rendu possible par l'engagement et le sens des responsabilités des députés et des sénateurs. Un échec n'était pas envisageable car il aurait retardé plusieurs mesures très attendues, notamment le bracelet anti-rapprochement (BAR) et l'ordonnance de protection. Chacun a fait des concessions avec pour objectif de mieux protéger les femmes victimes de violences.

Sur le volet pénal, la CMP a pour l'essentiel repris la rédaction du Sénat.

En matière civile, la CMP est revenue sur des dispositions adoptées par le Sénat, contre l'avis de la commission, sur le dépôt de plainte et les modalités d'assignation dans le cadre de l'ordonnance de protection, qui auraient été source de rigidité.

Le BAR sera évalué au bout de trois ans, sans en faire un dispositif expérimental : c'est un bon compromis.

La CMP n'a pas retenu les mesures introduites par le Sénat sur l'indignité successorale. Nous voulions signifier que la solidarité entre époux n'a pas lieu d'être quand un conjoint est violent. Les députés ont estimé que la réflexion n'avait pas suffisamment mûri. Nous y reviendrons lors d'une prochaine proposition de loi.

La CMP a en revanche retenu l'article privant le conjoint violent de la pension de réversion, en élargissant même le champ.

Avec Aurélien Pradié, rapporteur de l'Assemblée nationale, nous avons inscrit dans le texte la suspension automatique de l'autorité parentale en cas de violence, dans l'attente de la décision d'un juge.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Absolument !

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Il était urgent de légiférer, dans l'intérêt des victimes et des enfants, et je vous présenterai un amendement pour peaufiner la rédaction.

Enfin, la CMP a retouché le volet sur le relogement des victimes, afin de mieux associer les parlementaires aux expérimentations.

Je me réjouis que notre travail commun ait abouti en quelques mois à des mesures concrètes. Il reste beaucoup à faire, et d'autres textes sont en préparation que nous examinerons dans le même esprit d'ouverture. Beaucoup d'actions ne relèvent pas du législateur. Je ne doute pas que le Gouvernement lancera très vite les marchés publics pour le déploiement du BAR. Il faudra aussi améliorer la qualité de l'accueil des victimes dans les commissariats et gendarmeries, et soutenir les associations. Tout cela suppose des moyens budgétaires...

Au-delà, il y a tout un travail de sensibilisation et d'éducation à mener, pour que la société ne tolère plus qu'un homme lève la main sur sa compagne, la rabaisse ou l'humilie. La violence n'est pas une marque de force mais de faiblesse, un échec de la parole. Le Gouvernement pourra compter sur le soutien exigeant du Sénat. La tâche est immense ; notre volonté l'est tout autant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Semaine après semaine, jour après jour, le nombre de femmes tombées sous les coups de leurs conjoints augmente. Cette réalité nous exhorte à agir. C'est dans cet esprit que le Premier ministre a ouvert, le 3 septembre, le Grenelle contre les violences faites aux femmes et que le Parlement a adopté cette proposition de loi.

Je mène pour ma part une action volontariste. La circulaire diffusée le 9 mai dernier aux procureurs fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité de notre politique pénale et incite les parquets à utiliser pleinement l'arsenal à leur disposition.

Je souhaite que le recours à l'ordonnance de protection devienne un réflexe. Il est en constante progression : l'ordonnance de protection est prononcée dans deux tiers des dossiers, lorsque le juge est saisi.

Cette proposition de loi renforce l'ordonnance de protection et généralise le BAR, deux axes sur lesquels travaille mon ministère.

L'ordonnance de protection permet au juge aux affaires familiales (JAF) d'organiser la séparation du couple dans un contexte de violences. La victime pourra obtenir par la même décision des mesures civiles - droits de visite et d'hébergement, pension, attribution du logement - et pénales, telles que l'interdiction d'entrer en contact ou de port d'arme.

Le JAF devra statuer dans un délai de six jours à compter de la date de fixation de l'audience. Mes services travaillent sur l'adaptation nécessaire du code de la procédure civile.

Avec cette proposition de loi, une plainte pénale ne sera pas nécessaire à la délivrance de l'ordonnance de protection ; les couples qui n'ont jamais cohabité seront concernés.

Le groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Grevio) salue la grande détermination des autorités françaises dans la lutte contre les violences faites aux femmes et mentionne le Grenelle contre les violences conjugales.

Le BAR pourra être imposé à titre de peine mais aussi avant tout jugement pénal ou, au civil, en dehors de toute plainte. C'est le point saillant de ce texte. Je suis convaincue que cela évitera des féminicides, comme en Espagne.

La proposition de loi initiale a été enrichie de dispositions sur l'autorité parentale, que la CMP a choisi d'inclure dans le présent texte. La première ouvre au juge pénal la possibilité de statuer sur le retrait de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement ; la seconde crée une suspension provisoire de plein droit de l'autorité parentale en cas de poursuite ou de condamnation pour un crime commis par un parent sur l'autre parent, dans l'attente de la décision du JAF.

Il est temps de tirer les enseignements du Grenelle et des travaux des députés En Marche, dont les propositions rejoignent celles du groupe de travail que j'ai installé à la Chancellerie, et qui poursuivra ses travaux dans la durée.

Certaines propositions des députés sont traduites dans une proposition de loi déposée le 3 décembre, qui sera discutée dans les semaines à venir, visant à assurer l'organisation de la vie de famille. Elle exonère les enfants de toute obligation alimentaire à l'égard d'un parent qui a tué l'autre parent. Le médecin pourra plus facilement révéler les faits de violences conjugales à la justice, même en l'absence d'accord de la victime. Le harcèlement conduisant à un suicide ou à une tentative, ainsi que l'espionnage au sein du couple seront plus sévèrement punis.

Soyez assurés de mon engagement absolu à lutter contre des actes qui heurtent la société tout entière. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC, RDSE et Les Républicains)

M. Alain Marc .  - Cette proposition de loi est d'une importance capitale. Une femme sur trois dans le monde est exposée à la violence au cours de sa vie, souvent au sein du couple. Cela commence par des mots, des menaces et finit par des coups, parfois mortels. D'après l'OMS, 38 % des meurtres de femmes sont le fait du conjoint ou ex-conjoint.

Ces violences domestiques sont les vestiges de mentalités arriérées, d'un sexisme primaire, d'une oppression insupportable. L'égalité entre les femmes et les hommes devrait pourtant être une évidence. Il ne s'agit pas d'effacer les différences mais de les prendre en compte, disait Simone Veil.

Le Grenelle a débouché sur dix mesures d'urgence dont l'ouverture de mille nouvelles places d'hébergement, l'audit général des commissariats et gendarmeries et le dépôt de plainte à l'hôpital.

La CMP est parvenue à un accord sur ce texte d'Aurélien Pradié - preuve que le sujet rassemble toutes les sensibilités. Ses deux principales mesures sont la généralisation du BAR et le délai maximal de six jours pour la délivrance de l'ordonnance de protection. Le dépôt de plainte ne sera plus nécessaire à sa délivrance.

Le Sénat a enrichi le texte, avec la sensibilisation au sujet lors de la Journée Défense et Citoyenneté et l'exclusion de la succession du conjoint condamné pour violences envers le défunt. Je regrette que la CMP ait supprimé cette dernière mesure. Elle a néanmoins accepté la demande de rapport sur la possible suspension de l'autorité parentale.

Elle a conforté l'article 2 sur l'ordonnance de protection, tout en limitant l'utilisation du BAR à trois ans, renouvelable. C'est le coeur de la proposition de loi. L'article 2 ter prévoit d'inscrire au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (Finiada), les personnes visées par une ordonnance de protection. C'est de bon sens.

La tribune signée par 150 sénateurs, à l'initiative d'Annick Billon, y a trouvé un écho à travers cette proposition de loi, qui a tout le soutien du groupe Les Indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) Cette proposition de loi traduit une prise de conscience. Lors de la première lecture, nous étions nombreux à rappeler le nombre de femmes tombées sous les coups de leur conjoint. Nous en sommes à 142 depuis le début de l'année 2019 : il est temps que ce décompte macabre cesse.

Aussi je me réjouis de l'aboutissement de la CMP qui traduit notre volonté de lutter efficacement contre ce fléau.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est aussi grâce à vous !

Mme Annick Billon.  - Je salue le président Bas et le rapporteur, Marie Mercier, pour leur investissement.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Surtout Marie Mercier !

Mme Annick Billon.  - Les stéréotypes ont la vie dure : on parle encore de « crime passionnel », signe qu'il faut faire évoluer les esprits et interroger les rapports de domination qui régissent notre société.

Mise en place du BAR dès 2020, aides au logement, modalités de recours au téléphone grave danger, facilitation de la délivrance de l'ordonnance de protection : autant de mesures concrètes qui étaient attendues.

Je me félicite que la question du retrait de l'autorité parentale, portée par la délégation aux droits des femmes, ait été reprise. Même si le caractère provisoire de la suspension - six mois - en limite la portée. L'enfant est trop souvent un outil de chantage. Nous sommes convaincus qu'un mari violent ne saurait être un bon père ; sans organisation adaptée des modalités d'exercice de l'autorité parentale, la mère et l'enfant ne seront pas protégés. La suspension de plein droit de l'autorité parentale ne saurait être cantonnée aux cas les plus graves.

La question de l'indignité successorale n'a malheureusement pas été débattue en CMP. De même, pourquoi le Gouvernement a-t-il rejeté la dispense de l'obligation alimentaire de l'enfant vis-à-vis d'un parent assassin de l'autre parent ? C'était pourtant une mesure du Grenelle.

Ce texte ne se concrétisera pas sans moyens massifs. En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, j'ai toujours déploré le décalage entre les ambitions affichées par le Gouvernement et la réalité des moyens qui y sont consacrés. La question de l'aide juridictionnelle devra notamment être prise à bras-le-corps. Soyons à la hauteur des enjeux, des attentes de la société !

Le groupe UC souhaite encourager le travail accompli et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, Les Indépendants et Les Républicains ; Mme Claudine Lepage applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol .  - Quelque 146 féminicides ont été recensés depuis le début de l'année. C'est plus que les années précédentes. Je n'incrimine aucun responsable politique mais vous invite, madame la ministre, à vous pencher sur les raisons de cette augmentation.

Est-ce simplement le reflet d'une augmentation globale des atteintes aux personnes ? De la dislocation plus grande des familles ? Cela tient-il au fait que depuis deux ans, les femmes sont engagées à parler, à partir - davantage de séparations entraînant davantage de féminicides ? Il serait intéressant de comprendre, pour mieux prévenir.

Les différentes enquêtes révèlent une sous-évaluation des violences conjugales par la justice et une sous-utilisation des outils à disposition des juges. En somme, il faut sensibiliser la justice. Je regrette que nos amendements sur ce point n'aient pas été retenus. C'est le reflet de la philosophie de la Chancellerie, fondée sur l'idée que le juge « peut ». Il est temps de dire que le juge « doit », car il ne fait pas !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Il ne faudrait pas en faire un automate.

Mme Laurence Rossignol.  - Nous souhaitions que l'autorité parentale soit systématiquement suspendue dans le cadre de l'ordonnance de protection. C'est déjà possible, nous a-t-on répondu. Certes, mais pourquoi ne serait-ce pas systématique ? Il ne saurait être dans l'intérêt de l'enfant de maintenir le lien avec un père violent - or c'est pourtant le motif invoqué par de nombreux magistrats qui sont réticents à retirer l'autorité parentale. La suspension de l'autorité parentale n'est pas une sanction mais une mesure de protection de l'enfant.

Notre amendement de repli a également été rejeté. Alors que la mère sera en danger et aura déjà été victime de violence - car les deux conditions sont cumulatives - le père pourra la retrouver dès lors qu'il conservera l'autorité parentale, puisque l'adresse de l'école des enfants lui sera connue ! En somme, le père violent pourra toujours, si son autorité parentale est maintenue, porter atteinte à la femme et aux enfants.

Madame la ministre, que pense la constitutionnaliste que vous êtes du fait que le Premier ministre annonce une proposition de loi ? Pourquoi pas une grande loi-cadre ? Faute de moyens, sans doute : nous légiférons, mais sans un euro en plus pour protéger les femmes ou ouvrir des places d'hébergement. (Applaudissements à gauche et sur le banc de la commission)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC) Le sujet qui nous réunit doit faire consensus. À l'heure du 145e féminicide de l'année, il faut lutter par tous les moyens contre la banalisation des violences faites aux femmes.

Le texte initial a été considérablement modifié mais les grands équilibres ont été conservés sur les deux principales mesures : le bracelet anti-rapprochement et l'ordonnance de protection.

L'article n°2 ter est lui aussi bienvenu, qui interdit la détention d'armes aux auteurs de violences contre leur conjoint. Combien de fois un fusil de chasse s'est transformé en pièce à conviction ?

Le groupe RDSE est plus partagé sur le BAR. L'expérimentation remplacée par une clause de revoyure en 2022 nous inquiète. Il y a un risque que l'ordonnance de protection se substitue au jugement pénal. Il faut prendre davantage en compte les signaux dits faibles.

Je ne reviendrai pas sur le non-examen des dispositions sur l'autorité parentale, mais invite les députés à contester l'usage excessif de la procédure accélérée par le Gouvernement.

Le retrait de l'autorité parentale en cas de crime contre le conjoint nous parait motivé par l'intérêt supérieur de l'enfant, qui ne doit pas être confronté à des individus violents, au risque de reproduire leur comportement. Il faut donc le séparer du parent violent.

Le groupe RDSE, satisfait de l'équilibre atteint en CMP, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC, Les Indépendants et sur le banc de la commission)

Mme Françoise Cartron .  - Cette proposition de loi vise deux objectifs majeurs. Le premier est la délivrance d'ordonnances de protection en six jours contre quarante-et-un actuellement. La victime de violences conjugales pourra obtenir dans une même décision de justice des mesures civiles - droit de garde, pension alimentaire, attribution du logement du couple - et pénales - interdiction de prise de contact avec la victime et du port d'arme.

Le deuxième objectif est la généralisation du BAR. Trop souvent l'actualité se fait l'écho de femmes tombées sous les coups de leur conjoint alors qu'elles avaient prévenu : « S'il revient, il me tue ».

Nous approuvons ces mesures. Alors que 145 femmes ont été tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint, nous devons agir.

La réduction du délai de délivrance de l'ordonnance de protection est l'un des leviers nécessaires, mais il faudra ajuster le code de procédure civile et poursuivre la revalorisation budgétaire de nos structures judiciaires. Sinon, cette mesure ne serait qu'un voeu pieu.

En séance, nous avions déposé un amendement suspendant de plein droit l'autorité parentale du parent ayant tué son conjoint. Nous avions laissé toute liberté d'appréciation à la juridiction compétente en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant. Cet amendement a hélas été rejeté au Sénat avec un avis défavorable de la commission des lois. Heureusement, la CMP a réintégré une disposition analogue, prévoyant une suspension provisoire de l'exercice de l'autorité parentale, en l'attente d'une décision du JAF. La raison a prévalu ; nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais nous avons dérogé au principe de l'entonnoir en CMP.

Si nous avions adopté dès la séance mon amendement, nous aurions fait l'économie de ce désaccord de procédure.

Le groupe LaREM apportera tout son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Merci !

Mme Laurence Cohen .  - Nous ressentons quelques frustrations sur la façon dont se sont déroulés les débats sur cette proposition de loi. Nos amendements ainsi que ceux de nos collègues socialistes ont été systématiquement rejetés sous divers prétextes, à tel point que nous avions décidé de quitter l'hémicycle. Quelque 145 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou leur ex-conjoint cette année, souvent sous les yeux de leurs enfants.

Cette proposition de loi est la conséquence de la mobilisation des associations féministes.

Je me réjouis de l'évolution en CMP sur l'autorité parentale. Je regrette toutefois que la suspension de l'autorité parentale ne soit pas systématique et ne soit que provisoire - de six mois. Merci à Marie Mercier de proposer par son amendement la correction de la référence inappropriée à l'article 377 du code civil.

Nous nous réjouissons du délai de six jours de délivrance de l'ordonnance de protection, mais nous regrettons que ce délai coure à partir de la requête et non de la fixation de la date d'audience. Nous n'avons cessé de dénoncer le manque criant d'hébergements d'urgence pour les victimes de violence et la possibilité d'accéder à un logement pérenne. Cela devrait être la première des priorités.

La loi de 2010 prévoyait déjà un dispositif en ce sens grâce à un amendement de Marie-George Buffet, mais les décrets d'application ne sont toujours pas publiés !

Le BAR est un outil dissuasif mais la question de la distance, laissée à l'appréciation du juge, n'est pas anodine. La victime a besoin d'un environnement sécurisant.

Plusieurs magistrats, dont Édouard Durand, ont alerté sur la nécessité de se défaire du lien avec l'agresseur. Le BAR serait un obstacle supplémentaire pour empêcher la victime de se défaire du lien. Pourquoi ne pas favoriser le téléphone de grand danger ?

Depuis la fin du Grenelle, le projet de loi de finances a montré l'absence de crédits pour ces avancées.

Quels moyens seront-ils débloqués ? Doit-on conclure à l'échec de la grande cause du quinquennat ? Le groupe CRCE votera néanmoins la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR ; M. Marc Laménie et Mme Claudine Lepage applaudissent également.)

Mme Catherine Di Folco .  - Nous avons l'ambition de faire reculer les violences familiales. Elles ne sont pas récentes. Souvenons-nous de La Bête humaine de Zola.

Je me réjouis du succès de la CMP, d'autant plus que des apports du Sénat ont été conservés, dont l'extension de l'ordonnance de protection à tous les couples, y compris non cohabitants. Les femmes victimes de violences seront ainsi davantage protégées.

Je salue aussi l'interdiction du versement d'une pension de réversion après la mort d'un conjoint victime - c'est une mesure de bon sens.

Une position de compromis a été trouvée sur le BAR. Il fallait prendre du recul sur un dispositif aussi inédit. Il est heureux que les députés aient pris en compte la prudence du Sénat.

L'indignité successorale sur le conjoint a provoqué des remous en CMP.

La suspension de l'autorité parentale a également fait débat. La solution trouvée en CMP est raisonnable mais il sera nécessaire de légiférer plus avant sur ce sujet.

Je remercie notre rapporteur, Marie Mercier, pour la qualité de son travail et qui a fait preuve de beaucoup d'humanisme.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

ARTICLE 2 QUINQUIES

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

ayant entraîné la mort de celui-ci

II.  -  Alinéa 7

1° Après le mot :

condamné

insérer les mots :

, même non définitivement,

2° Après le mot :

droit

insérer les mots :

jusqu'à la décision du juge et

3° Remplacer les mots :

dans un délai de huit jours dans les conditions prévues à l'article 377

par les mots :

aux affaires familiales dans un délai de huit jours

III.  -  Alinéa 13

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

2° Les articles 222-31-2 et 227-27-3 sont ainsi modifiés :

a) Au premier alinéa, après les mots : « de cette autorité », sont insérés les mots : « ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité » ;

b) Au deuxième alinéa, après le mot : « autorité », sont insérés les mots : « ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité ».

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cet amendement procède à des améliorations techniques à l'article 2 quinquies, relatif au retrait de l'autorité parentale, sans modifier l'équilibre du texte approuvé par la commission mixte paritaire.

Tout d'abord, si l'un des parents a commis un crime sur l'autre parent, le JAF peut décider de déléguer l'exercice de l'autorité parentale seulement lorsque le parent victime a perdu la vie. Dans le cas contraire, il revient naturellement au parent victime de continuer à assurer l'exercice de l'autorité parentale, sans qu'il soit nécessaire d'organiser une délégation.

La suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale s'applique y compris lorsque la condamnation n'est pas définitive.

Une ambiguïté sur la durée de la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale est levée : cette suspension s'appliquerait jusqu'à ce que le JAF rende une décision, sans pouvoir excéder six mois.

Les possibilités de saisine du JAF sont élargies.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis très favorable.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :

IV.  -  Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 344-1 est ainsi rédigé :

Sont applicables en Polynésie française, dans leur rédaction résultant de la loi n°         du        visant à agir contre les violences au sein de la famille, les dispositions suivantes : » ;

2° Le premier alinéa de l'article L. 345-1 est ainsi rédigé :

Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de la loi n°          du          visant à agir contre les violences au sein de la famille, les dispositions suivantes : » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 346-1 est ainsi rédigé :

« Sont applicables à Wallis-et-Futuna, dans leur rédaction résultant de la loi n°         du        visant à agir contre les violences au sein de la famille, les dispositions suivantes : » ;

4° À l'article L. 347-1, les mots : « l'ordonnance n° 2019-610 du 19 juin 2019 portant harmonisation de la terminologie du droit de l'armement dans le code de la défense et le code de la sécurité intérieure » sont remplacés par les mots : « la loi n°      du       visant à agir contre les violences au sein de la famille ».

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cet amendement procède à des coordinations pour la bonne application de la proposition de loi dans les collectivités d'outre-mer.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

Explication de vote

Mme Catherine Conconne .  - Je rends hommage à toutes les associations qui ont alimenté le débat et fourni des arguments extrêmement pertinents à nos débats. Je remercie l'Union des femmes de Martinique, créée il y a plus de soixante-dix ans alors que l'île était encore une colonie et où l'on vivait dans des conditions misérables, qui a mis en place un accompagnement des femmes victimes de violences, dans nos pays où les statistiques de violences sont élevées.

Je rends hommage à son travail extrêmement conséquent.

La proposition de loi, dans la rédaction élaborée par la CMP, modifiée, est adoptée définitivement.

M. le président.  - Belle unanimité ! (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.