Avenir des Transports express régionaux (TER)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir des Transports express régionaux (TER).

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et quelques travées du groupe UC) Les TER sont un élément essentiel du maillage de notre territoire. Sept mille trains circulent sur 20 000 kilomètres de voies, complétés par 1 300 autocars. Ils transportent chaque jour 900 000 voyageurs.

Grâce aux autorités organisatrices régionales, l'offre de TER a augmenté de 25 % depuis 1997. Le trafic a augmenté de 50 %. Malgré cela les TER souffrent de nombreux maux : baisse de fréquentation, retards et manque de régularité du réseau. À l'heure où nous voulons développer l'intermodalité, l'état dégradé du réseau, dénoncé par la Cour des comptes, nous inquiète.

En janvier 2019, SNCF Réseau indiquait que seuls 29 % des lignes régionales sont en bon état. Le rapport du préfet Philizot sur les lignes de desserte fine est très attendu. Auditionné dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), il avait estimé à 7,4 milliards d'euros le coût de la remise en état de nos petites lignes. Cela supposerait de revoir totalement le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

La Cour des comptes relève une augmentation constante des coûts d'exploitation - avec le régime de retraite des cheminots, ils s'élèvent à 8,5 milliards d'euros en 2017, financés à 88 % par des subventions publiques.

L'État souhaite se désengager des petites lignes et les régions sont désormais seules en première ligne pour maintenir cette offre de mobilité dans les territoires, dans un contexte budgétaire restreint.

Les réformes engagées ces dernières années devraient les y aider. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit l'ouverture à la concurrence des services non conventionnés. Trois régions ont déjà entamé les procédures de mise en concurrence : Grand Est, Hauts-de-France et PACA.

Le Sénat a joué un rôle clé dans la préparation de cette réforme avec la proposition de loi Maurey-Nègre, grâce à laquelle nous avons co-construit en bonne intelligence avec le Gouvernement le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. La LOM a clarifié les rôles entre l'État, les régions et les gestionnaires d'infrastructures. Le Sénat a réaffirmé son attachement aux lignes à desserte fine, qui pourront être transférées aux régions qui en feraient la demande : elles pourront faire appel à l'exploitant ou à un tiers pour la gestion de l'infrastructure.

Ce transfert de compétence ne règle pas le problème du manque d'investissement de l'État. L'ouverture à la concurrence n'est pas une solution miracle. Beaucoup de petites lignes restent menacées. Le Sénat continuera à veiller à leur avenir, car elles permettent aux territoires ruraux de sortir des zones blanches de la mobilité et offrent une alternative à la voiture, en Vendée comme partout sur le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SOCR)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - Cette année, des dispositions majeures du nouveau pacte ferroviaire entrent en vigueur. La SNCF est désormais un groupe public unifié, plus intégré, ce qui améliorera son efficacité opérationnelle.

La loi de finances pour 2020 organise la reprise de 25 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau : les 400 millions d'euros de frais financiers économisés seront ainsi réinjectés dans la rénovation du réseau. La fin du recrutement au statut des cheminots est actée depuis le 1er janvier.

L'État et les régions sont depuis le 3 décembre libres de mettre en concurrence les services de trains d'équilibre du territoire (TET) et TER.

Avec 7 900 trains et 1 300 cars, les TER transportent 1,3 million de voyageurs par jour. Ils restent un service conventionné, subventionné par le contribuable à hauteur de 75 % en moyenne. En 2019, les régions ont versé 3 milliards d'euros de subventions d'exploitation à la SNCF. Cela ne changera pas avec l'ouverture à la concurrence et les régions resteront aux commandes de ces services publics. L'État ne se substituera pas aux régions dans la gestion de ces lignes, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales auquel votre assemblée est très attachée.

L'amélioration de la productivité, essentielle à la compétitivité, relève avant tout de la SNCF ; la négociation des conditions de travail est une prérogative des partenaires sociaux. Le rôle de l'État se résume à créer les conditions optimales pour renforcer l'attractivité du ferroviaire.

L'ouverture à la concurrence vise à offrir de nouveaux services au meilleur coût, en fixant des règles équitables. Le choix de faire de SNCF Voyages une société à part entière lui offre la flexibilité nécessaire pour adapter l'organisation aux besoins. Les services seront exploités directement au niveau national et à travers des filiales.

Sur le plan social, les négociations sont en cours sur la convention collective de branche. Le Gouvernement la veut de haut niveau. L'État a repris 35 milliards d'euros de dette à SNCF Réseau : les économies sur les frais financiers iront à la remise en état des infrastructures. Les investissements pour la régénération du réseau ferré national augmentent de 50 % par rapport à la décennie précédente.

Le coût des petites lignes reste financé par SNCF Réseau et par l'État à plus de 70 %. Il faudra plusieurs centaines de millions d'euros par an au cours des prochaines années pour régénérer tout le réseau. Le Gouvernement respectera les engagements pris par l'État dans le cadre des CPER actuels, prolongés jusqu'à fin 2022. Le travail du préfet Philizot avec les régions a recensé les besoins et mis en avant des solutions innovantes et adaptées à chaque ligne, comme le transfert de gestion de certaines petites lignes aux régions qui le demanderaient, ouvert par l'article 172 de la LOM.

Je souhaite que l'État impulse la création d'une filière de trains légers. Des économies de 30 % à 40 % sont réalisables, en investissement comme en exploitation, en jouant sur le dimensionnement.

Le Gouvernement répond ainsi à la première recommandation de la Cour des comptes - dont le rapport a parfois été interprété de manière caricaturale. L'État n'est concerné que par deux recommandations sur neuf : celle qui porte sur la mise à disposition des données pour l'ouverture à la concurrence a également été satisfaite avec le décret publié cet été pour permettre aux régions Grand Est, Hauts-de-France et PACA de préparer leurs appels d'offres. Les autres recommandations s'adressent à la SNCF et aux régions.

Les analyses de la Cour sont à replacer dans un contexte plus global qui a vu l'offre de TER augmenter de 50 % en six ans.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Soit, je me réserve pour la suite du débat. Merci de cette occasion de débattre d'un sujet important. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. Olivier Jacquin .  - Mes meilleurs voeux à mes collègues, au ministre, et au système ferroviaire. Fâcheux concours de circonstances, nous traversons actuellement l'une des grèves les plus dures de son histoire. Le Premier ministre avait pourtant dit, en recevant le rapport Spinetta, que tout irait mieux avec le nouveau pacte ferroviaire.

Le premier budget de la nouvelle SNCF interroge et inquiète. SNCF Réseau n'est pas dans la trajectoire financière prévue ; malgré la reprise de la dette, l'Autorité de régulation des transports s'inquiète de l'insuffisance des investissements de renouvellement du réseau.

Quant au débat totémique sur les petites lignes, il a toujours habilement été repoussé par la ministre Borne, entre Assises de la mobilité, rapport Spinetta et enfin le fameux rapport Philizot, que nous attendons toujours. Quand aurons-nous ce rapport ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - L'État est au rendez-vous des promesses, avec 3,6 milliards d'euros d'investissement : 3 milliards pour la régénération du réseau, 600 millions pour les gares. J'ai rencontré l'association Régions de France, fin décembre. Nous discutons sur la base des travaux de la mission Philizot pour élaborer les accords bilatéraux entre l'État, SNCF Réseau et les régions qui permettront de solidifier les lignes existantes et de trouver des solutions innovantes pour préserver les petites lignes, avec l'article 172 de la LOM notamment. Je rappelle que certaines sont déjà à l'arrêt...

Le volume des investissements de l'État dans le ferroviaire atteint 6 milliards d'euros cette année.

M. Olivier Jacquin.  - Aveu remarquable : vous répondez que nous n'aurons pas le rapport Philizot puisque le Gouvernement traite directement avec les régions ! Mme Borne, lors de l'examen du projet de loi de finances, m'avait déjà fait une réponse du même acabit. Je demande un débat démocratique sur ce sujet important.

Mme Josiane Costes .  - En Auvergne, les lignes d'irrigation du territoire représentent 60 % du réseau. Elles sont essentielles pour desservir un territoire très enclavé. Or le critère de la seule fréquentation est pénalisant en zone rurale. Le rapport de la Cour des comptes fait état d'une baisse de fréquentation, alors qu'il ne s'agit que d'une stagnation après une forte hausse sur la période précédente, due aux efforts des régions.

Elle voit juste, en revanche, sur la dégradation continue de la qualité du service, liée au mauvais état du réseau : en Auvergne, il n'est électrifié qu'à 18 %. Voilà la vraie cause de la baisse de fréquentation.

L'utilité sociale et environnementale de ces lignes doit être prise en compte pour juger de leur pertinence. L'insuffisance de la contribution de l'État au plan de sauvegarde des lignes d'irrigation du territoire de la région Auvergne-Rhône-Alpes hypothèque sa réalisation. Confirmez-vous que l'État soutiendra les petites lignes pour mettre fin au contre-rapport modal ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - C'est bien l'utilité socioéconomique et environnementale de ces petites lignes qui prévaut. Notre approche n'est pas purement financière, d'autant que ces petites lignes sont toutes structurellement déficitaires, et subventionnées en moyenne à 75 %. La philosophie de M. Philizot a été de travailler en étroite collaboration avec les régions pour définir des solutions adaptées à chacune de ces lignes, en fonction de la typologie retenue. Cette même philosophie a prévalu dans les grands textes que vous avez votés.

M. Bernard Buis .  - Depuis un mois, les régions peuvent organiser des appels d'offres pour l'exploitation des lignes TER. Cette ouverture à la concurrence a été saluée par la Cour des comptes comme un facteur essentiel de réussite du TER car elle conditionne le maillage, la vitalité et la cohésion des territoires.

Votre Gouvernement avait écarté la préconisation du rapport Spinetta relative à la fermeture de lignes peu fréquentées, afin de laisser aux régions le choix entre plusieurs options. Les étudiants, les lycéens, les salariés et les touristes doivent pouvoir rejoindre la ville-centre.

Je salue l'engagement de l'État pour le maintien de la ligne Grenoble-Veynes. Les régions doivent pouvoir choisir entre plusieurs options pour l'avenir des petites lignes. Fréquentation et rentabilité ne peuvent être les seuls critères quand une ligne est indispensable à la vie d'un territoire. C'est la raison d'être d'un service public.

Comme le Gouvernement entend-il éclairer la prise de décision ? Quel impact l'ouverture à la concurrence aura-t-elle sur le maintien ou non des lignes peu fréquentées ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - On ne peut parler de rentabilité pour les lignes de desserte fine : elles sont en déficit structurel. Le service public remplit sa tâche, en lien avec les autorités organisatrices de la mobilité que sont les régions : cela satisfait, me semble-t-il, la revendication démocratique de M. Jacquin.

M. Olivier Jacquin.  - Nous sommes le Parlement !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - La condition préalable à une ouverture à la concurrence sereine, c'est un réseau en bon état et un accès équitable et non discriminatoire : c'est l'objet des textes récents, notamment l'accès aux données pour concevoir les offres. En effet, un accord de financement a été conclu pour la ligne Grenoble-Veynes, l'État y prend sa part.

Mme Éliane Assassi .  - Depuis le mois dernier, les régions peuvent lancer des appels d'offres pour les TER. Nous avions combattu cette mesure, voyant dans cette balkanisation de la SNCF un outil de la casse du service public ferroviaire. La libéralisation ne fait pas progresser la qualité de service - voyez les expériences européennes ! Les Anglais veulent d'ailleurs faire marche arrière.

On met à mal le caractère universel du droit à la mobilité. La solution serait d'impliquer davantage les régions et les usagers dans la gouvernance d'une structure 100 % publique, avec un objectif de présence territoriale renforcée plutôt que d'abandon de tronçons.

Comment améliorer l'offre avec un réseau vétuste ? Comment croire que les régions ne chercheront pas à faire des économies en privilégiant le moins-disant social et environnemental ? Comment réussir la transition écologique en organisant la rétractation du réseau et la baisse de l'offre ? Comment accompagner les régions alors que la LOM ne prévoit aucune ressource nouvelle pour les autorités organisatrices ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le modèle britannique est celui de la privatisation du système ferroviaire, alors que nous conservons un monopole national à capitaux publics. La mise en concurrence du marché des TER se fait au travers de conventions de service public...

Mme Éliane Assassi.  - Vous parlez bien de « marché »...

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - ... subventionnés car déficitaires. L'État et les collectivités territoriales jouent leur rôle.

La « balkanisation » était à l'oeuvre ces dernières années, de fait, puisque des petites lignes ont fermé, que le réseau s'est dégradé du fait d'un sous-investissement chronique, comme dans mon territoire, le Limousin. C'est à cette situation que nous tentons de remédier, en reprenant la dette de SNCF Réseau pour lui permettre d'investir massivement dans la régénération du réseau.

La protection des salariés du rail se décide à l'échelle de la branche, et une convention collective de haut niveau est en cours de négociation ; l'accord, qui devrait être signé mi-janvier, comprend des avancées considérables.

L'ouverture à la concurrence a été une demande forte des régions, qui y voient le moyen de rendre un meilleur service à la population tout en réalisant des économies, comme le montrent les exemples suédois et allemand.

Mme Éliane Assassi.  - La question de la sécurité lorsqu'un seul agent est à bord, soulevée par l'accident du 13 octobre, reste d'actualité et mériterait une réponse du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Decool .  - La poursuite de la grève et la prochaine ouverture à la concurrence inquiètent. En octobre 2019, la Cour des comptes s'interrogeait sur l'efficacité du modèle économique des TER. Dans les Hauts-de-France, la nouvelle grille est entrée en vigueur le 15 décembre, avec un cadencement renforcé entre Lille et le Dunkerquois. Ce nouveau cadre est le fruit de négociations ardues entre la SNCF et le conseil régional.

Le réseau TER est un pilier du dynamisme de nos régions. Il faut une offre adaptée à chaque territoire pour répondre aux besoins. La mise en concurrence est pour certains une solution ; à l'heure des premiers appels d'offres, notamment en PACA, la SNCF, nos régions et surtout nos infrastructures sont-elles prêtes pour la concurrence ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le réseau est le pivot du système ferroviaire.

Pour une concurrence sereine et un service satisfaisant aux usagers, il faut un réseau assaini grâce à des investissements suffisants. L'ouverture à la concurrence a été demandée par les régions, dont la vôtre, pour continuer à faire croître le trafic TER.

Vous avez évoqué le contexte de la réforme des retraites. Avec les syndicats progressistes, nous avons posé un certain nombre de garanties pour les cheminots et les agents de la RATP : c'est un bon compromis, avec une période de transition plus longue et des garanties concrètes sur le mode de calcul des pensions, de nature à tranquilliser.

Madame Assassi, des centaines de TER circulent chaque jour avec un seul conducteur à bord ; cette procédure d'exploitation est autorisée depuis les années 1970 ; le personnel est formé à cela et les TER équipés en conséquence. Ce sont 6,5 millions de voyageurs qui circulent ainsi chaque jour, en toute sécurité.

M. Jean-Pierre Decool.  - Je ne demande qu'à partager votre optimisme, mais je serai vigilant.

Mme Michèle Vullien .  - Je regrette que ce débat ait lieu alors que nous attendons toujours le rapport Philizot.

Dans son rapport d'octobre 2019, la Cour des comptes préconise une analyse sociale, économique et environnementale de chaque ligne peu fréquentée, pour offrir des options aux régions. Il sera ainsi possible de confier une ligne à un autre opérateur dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, en associant les collectivités territoriales à ce choix, dont les intercommunalités ainsi que la métropole de Lyon.

Comment inciter, pour ne pas dire contraindre, les acteurs à choisir la meilleure option pour la ligne concernée, avec des clés de répartition financière indépendante du modèle choisi ? Le temps des rapports, et Dieu sait qu'ils ont été nombreux, doit laisser place au temps de l'action ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Vous avez raison. C'est pourquoi j'ai demandé à M. Philizot de revenir vers les régions pour élaborer un plan d'action concerté.

Ils seront signés sous la forme d'accords bilatéraux et porteront sur plusieurs milliards d'euros. Ils permettront de régénérer des petites lignes dont certaines sont en déshérence. Nous avons élaboré une typologie précise : lignes structurantes, lignes déjà visées par les CPER, lignes où pourront être expérimentés le train léger ou le train à hydrogène, etc. Des accords bilatéraux seront signés avant la fin février.

M. Stéphane Piednoir .  - L'ouverture à la concurrence est une réelle opportunité pour les régions. La Cour des comptes a indiqué que celles-ci avaient investi 2,1 milliards d'euros sur le réseau et les gares de 2012 à 2017, alors que SNCF Réseau et SNCF Mobilités en sont propriétaires.

En Pays de la Loire comme dans d'autres régions, les petites lignes sont menacées faute d'entretien alors qu'elles sont essentielles au développement du territoire. La Cour des comptes préconise de clarifier le rôle des régions, du groupe public ferroviaire et de l'État en matière de financement, y compris en ouvrant la possibilité de transferts de propriété aux régions qui le souhaitent. Les petites gares pourraient accueillir d'autres services de proximité, publics ou privés. Votre plan d'action pour les petites lignes comprendra-t-il cette possibilité ? Donnerez-vous des moyens financiers suffisants aux régions ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - L'article 172 de la LOM prévoit que le transfert de gestion des lignes à faibles trafics peut être réalisé vers des autorités organisatrices de transports (AOT) ferroviaires. Il permet également à SNCF Réseau de mettre en place des partenariats public-privé pour la régénération puis l'entretien des lignes locales. Les moyens doivent être au rendez-vous : c'est bien l'objet des accords bilatéraux, avec des clés de financement en fonction de la nature de la ligne concernée.

M. Joël Bigot .  - Dans son rapport du 23 octobre, la Cour des comptes dénonce le sous-investissement récurrent dans les infrastructures : l'âge moyen des voies est de trente ans, contre dix-sept ans en Allemagne. L'état dégradé du réseau est source de retards voire de suppressions de trains.

La région Pays de la Loire a fait le choix du ferroviaire : l'offre s'est accrue de 23 % entre 2012 et 2017, mais la fréquentation a stagné, le réseau étant saturé et la concurrence vive entre TER et TGV. Trois liaisons quotidiennes entre Angers et Le Mans ont été supprimées. De plus, le nombre de contrôleurs est réduit et les guichets ferment.

L'ouverture à la concurrence, obligatoire en décembre 2023 dans toutes les régions, pourrait porter un coup fatal à ces lignes, qui ont besoin de 7,4 milliards d'euros pour une remise à niveau, selon le préfet Philizot. L'État prendra-t-il cette priorité en compte ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Certaines de nos voies ont plus de 80 ans... Cela entraîne des limitations de vitesse et des fermetures administratives. Le conseil de SNCF Réseau a voté un investissement de 3 milliards d'euros pour les voies et équipements de signalisation, et de 600 000 euros pour les gares. Le plan RER métropolitain sera doté de 6 milliards d'euros sur dix ans pour désaturer les noeuds ferroviaires et donner la priorité aux transports du quotidien.

Le préfet Philizot a voulu des plans d'action régionaux avec un financement partenarial, et des besoins et ressources identifiés localement. C'est l'objectif des accords bilatéraux qui seront signés d'ici le 15 février.

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci au groupe Les Républicains d'avoir programmé ce débat. Il est vrai que la situation des TER est floue. La SNCF a lancé en 2016 un plan stratégique de réduction des coûts et d'amélioration de la qualité de service. Le rapport Philizot, dont la mission a été lancée début 2019, se fait toujours attendre ; entre-temps, la Cour des comptes a déploré la dégradation du réseau et l'insuffisance du service. Où en est-on ?

Il y a deux chantiers prioritaires pour les TER : définir le rôle de chacun dans le financement des infrastructures et replacer le ferroviaire au coeur de la transition énergétique en encourageant le report modal, ce qui est loin d'être le cas en cette période de grève. Où en sommes-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le plan Cap TER 2020 porte ses premiers fruits : la régularité des TER s'est améliorée en passant de 91 % à 93 % entre 2017 et 2019, la fréquentation repart à la hausse avec un trafic en augmentation de 4 % et les charges d'exploitation diminuent.

La transformation de la gouvernance et de l'organisation de l'offre de TER est en cours. L'État, je l'ai dit, va financer les travaux de remise en état du réseau.

M. Michel Vaspart .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) La ligne Lamballe-Dinan-Dol-de-Bretagne est une liaison structurante pour relier l'Est des Côtes-d'Armor aux grands axes. Sa rénovation, réclamée depuis trente ans par la société civile et les élus locaux, a débuté en 2019 et devrait durer un an ; son coût est estimé à 62 millions d'euros, dont 26 millions pour la section Pleudihen-Dol et 36 millions pour la section Dinan-Lamballe. Les élus craignent pour la continuité entre les travaux en cours et ceux de la partie occidentale de la ligne ainsi que pour la pérennité des financements à l'échéance du CPER.

SNCF Réseau demande aux collectivités territoriales et à l'État de provisionner des fonds considérables, sans aucune transparence sur leur utilisation. Pouvez-vous nous donner des précisions ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le Premier ministre a rappelé, le 8 février 2019, l'engagement de l'État et les 5,6 millions d'euros pour garantir la convention de financement des travaux sur la section Dol-de-Bretagne.

Sur la section Dinan-Lamballe, les études se poursuivent jusqu'à fin 2020. Dans l'attente de ces travaux, SNCF Réseau consacre 350 000 euros par an à la maintenance renforcée pour garantir la circulation des trains. Je vous confirme que la continuité sera assurée entre le CPER en cours, prolongé jusqu'en 2022, et la nouvelle génération de contrats.

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Je me réjouis de ce débat que nous devons au groupe Les Républicains. Il est important pour nos concitoyens. Il est néanmoins dommage de ne pas l'avoir élargi à tous les modes de mobilité - car il faut penser intermodalité. En octobre 2018, le PDG de SNCF Réseau voulait sous-traiter certaines petites lignes au privé, dans une optique de rentabilité. Depuis le 1er janvier, la loi ferroviaire est entrée en vigueur. Une partie de la dette va être reprise par l'État. Quelle est la position du Gouvernement, actionnaire, sur la sous-traitance au privé de la maintenance ou de l'exploitation de certaines lignes de TER ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le taux d'externalisation est passé de 9 % à 25 % pour l'entretien depuis l'accident de Brétigny-sur-Orge. Ce taux est bien supérieur - 80 % environ - pour les travaux alors qu'il n'était que de 66 % avant 2012. Le montant des travaux de régénération est passé de 1 milliard d'euros à l'époque à plus de 3 milliards d'euros par an actuellement. Une réflexion doit être menée sur le taux d'externalisation souhaitable. J'en ai discuté avec la CGT Cheminots - c'est l'une des rares conversations fécondes que nous ayons eues. Les compétences doivent demeurer au sein de l'entreprise, mais les travaux doivent être assurés. La loi permet de déléguer les travaux à des sous-traitants.

M. Daniel Gremillet .  - Le transport est une toile d'araignée. Nous sommes passés du tout TGV au tout TER. Or les deux sont nécessaires pour répondre aux besoins de la population.

Sur un budget annuel de 3,3 milliards d'euros, la région Grand Est consacre 880 millions d'euros à la mobilité. Le coût des travaux de remise en état des lignes TER de cette région est évalué à 1,5 milliard d'euros.

Dans les Vosges, la totalité des lignes TER sont des lignes « 7 à 9 », c'est-à-dire nécessitant des travaux très importants. Parfois, un vélo électrique va plus vite qu'un train.

Le Président de la République s'était engagé pour la ligne Épinal-Saint-Dié pour laquelle 26 millions d'euros de travaux sont nécessaires. Or la région en finance plus de 50 %. Comment les régions vont-elles pouvoir supporter l'abandon de l'État ?

M. Jean-François Husson.  - Excellent !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Effectivement, nous avons beaucoup investi pour le TGV au détriment des TER. Le Gouvernement concentre désormais ses efforts sur les transports du quotidien. La ligne Épinal-Saint-Dié - 26 millions d'euros d'investissement - a bénéficié de 8,8 millions d'euros de l'État.

M. Daniel Gremillet.  - Et plus de 50 % pour la région !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Effectivement.

C'est par des efforts concertés avec les régions que nous maintiendrons un système dual entre TER et TGV. Il n'y a pas de dualité, mais un effort de rattrapage en faveur des TER.

M. Daniel Gremillet.  - Merci pour votre réponse, mais soyons clairs. Il faut rendre les transports accessibles à tous. L'État ne doit pas trouver des prétextes pour se désengager du financement de la solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Tout à fait !

M. Jean-François Rapin .  - La région Hauts-de-France peine à recevoir de la SNCF les informations nécessaires à la préparation de l'ouverture à la concurrence alors que les appels d'offres doivent être lancés dans six mois.

Le 12 mars 2018, la région avait formulé une première demande par courrier. Au lendemain de la promulgation de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la demande a été réitérée. Le 13 novembre, la région a renouvelé et complémenté sa demande, après avoir adopté un plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires.

Enfin, le 15 octobre dernier, dans un contexte d'information asymétrique dénoncé par la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes, la région a adopté un nouveau contrat de service public, sans pour autant avoir pu obtenir contractuellement les informations recherchées.

Face à l'absence de transmission des informations de la part de l'opérateur historique, la région, dans l'incapacité d'exercer pleinement ses prérogatives, a saisi l'ART le 19 avril 2019. À ce jour, l'acte de régulation sur lequel l'Autorité aura à se prononcer est, quel qu'en soit son contenu, susceptible d'un appel de SNCF Voyageurs, ce qui retarderait davantage la mise en oeuvre de la réforme voulue par le législateur.

Il apparaît donc urgent que l'État, en tant qu'actionnaire unique de SNCF Voyageurs, rappelle l'entreprise à ses obligations. Quelles sont vos intentions ? (Mme Valérie Létard applaudit.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Nous serons vigilants à ce que l'ART délibère rapidement afin de respecter le calendrier politique des régions.

Pour répondre à la question précédente qui portait sur le désengagement de l'État, n'oublions pas qu'il porte 30 % des investissements, mais 70 % des dépenses globales, y compris celles de maintenance. (M. Jean-François Rapin marque sa déception devant la réponse du ministre.)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 4 décembre, l'État et les collectivités territoriales ont annoncé la rénovation de la ligne Grenoble-Veynes pour 34 millions d'euros pour sauver l'étoile de Veynes et maintenir une ligne essentielle pour ce territoire de montagne.

Lors du dernier comité de pilotage, SNCF Réseau a annoncé que dès le début de 2020 une communication serait faite pour valoriser l'engagement de l'ensemble des partenaires pour le maintien durable du service. Hélas, les faits ne correspondent pas aux déclarations. Deux trains ont été remplacés par des cars sur la section Clelles-Veynes. De telles modifications sont de plus en plus fréquentes alors que se multiplient les fermetures de guichets et de gares.

L'État ne doit pas relâcher sa vigilance. Le transport routier doit rester réservé aux cas de force majeure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Des travaux préparatoires sont réalisés sur la ligne Grenoble-Gap.

Le comité de pilotage du 4 décembre a établi un programme des travaux sur la ligne Livron-Veynes d'ici 2021 et des travaux plus lourds auront lieu dès la fin de 2021 entre Vif et Aspres-sur-Buëch. Une enveloppe de 28,3 millions d'euros sera débloquée à cet effet.

Mme Agnès Canayer .  - Nous sommes souvent sollicités sur ce sujet essentiel par nos concitoyens.

La Normandie a, la première, pu gérer ses lignes Intercités. Avec le vieillissement des infrastructures, les temps de trajet se rallongent dans des trains de plus en plus vétustes. Il faut de plus en plus de temps pour rallier Paris au Havre.

En contrepartie de la prise en charge par l'État du renouvellement complet du matériel ferroviaire, la région s'est investie dans l'amélioration des transports du quotidien. Ainsi, les usagers des lignes Paris - Caen -Cherbourg et Paris - Rouen - Le Havre embarqueront au cours de ce premier trimestre 2020 dans 40 trains neufs et conformes à leurs attentes.

Néanmoins, les rails et les gares sont vieillissants. Seront-ils transférés aux régions ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Quelque 860 millions d'euros sont investis intégralement par l'État pour le renouvellement du matériel roulant. Pour la Normandie, le premier train a été mis en service hier et la livraison s'étalera sur les 24 prochains mois.

La région Normandie a fait état de ses besoins s'agissant des voies. Elle sera partie aux conventions bilatérales, en application de l'article 172 de la LOM.

Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons aujourd'hui beaucoup parlé des petites lignes mais il y a d'autres sujets comme la qualité de service ou l'impact écologique. Les petites lignes représentent 9 000 km des 20 000 km du réseau des TER, soit 45 %, mais seulement 2 % des voyageurs par kilomètre. Elles comptent 13 trains par jour en moyenne contre 160 trains par jour en Île-de-France.

La dette de la France ayant dépassé 100 % du PIB, nous devons diminuer la dépense publique, mais nous voulons aussi aménager le territoire pour tous.

Les trains qui fonctionnent au fioul ne participent pas à la transition écologique, loin de là. Or tel est le cas le plus souvent pour les lignes 7 à 9.

Le rapport sénatorial de la délégation à la prospective a travaillé sur les nouvelles mobilités et elle a rappelé qu'elles doivent contribuer à l'aménagement du territoire, être adaptées à chaque territoire et utiliser les nouveaux outils, notamment numériques.

Il était important que l'État reprenne une partie de la dette de SNCF Réseau, mais cette bouffée d'oxygène, nécessaire, ne sera suffisante que si l'entreprise améliore sa productivité : 400 millions d'euros de plus sont nécessaires. Nous avons envie d'y croire avec vous.

La décentralisation des transports est essentielle. Espérons que cet élan se propage à d'autres domaines, notamment dans le cadre du projet de loi 3 D.

Merci à l'ensemble des orateurs et bonne année à vous toutes et tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR)

La séance est suspendue quelques instants.