Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 36 questions orales.

PLUi de l'agglomération Fécamp Caux littoral

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Ma question porte sur l'application de la loi Littoral et ses conséquences dans le développement des projets portés par les communes proches de la mer. Les services de l'État en font parfois une lecture trop stricte. Or la loi ELAN a apporté des assouplissements pour accompagner l'urbanisation des communes du littoral.

J'ai été saisie par le maire de Sassetot-le-Mauconduit, commune de l'agglomération Fécamp Caux Littoral, qui a élaboré son PLUi, travail remarquable salué par le préfet. Mais l'État a apporté des réserves dans son arrêt de projet, même s'il n'est pas question de remettre en cause la bande des 100 mètres.

Les points d'inquiétudes portent sur des incohérences et sur une interprétation stricte de la loi Littoral. Le préfet a pris soin de me répondre et il m'a assuré que des dispositions transitoires pourraient être accordées en matière d'urbanisme.

La question de la surinterprétation demeure néanmoins et Mme Canayer est saisie de tels cas. De nombreuses communes nous ont interpellés.

Quelle est, madame la ministre, votre interprétation de la loi ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je tiens d'abord à saluer le travail accompli par la communauté d'agglomération Fécamp Caux Littoral dans le cadre de l'élaboration de son PLUi. La qualité du projet a été reconnue par l'État qui a émis un avis favorable, assorti néanmoins d'observations. Celles-ci ne constituent nullement une remise en cause du caractère urbain de plusieurs des secteurs, mais visent à renforcer la sécurité juridique du PLUi, notamment au regard des évolutions récentes apportées à la loi Littoral par la loi ELAN ainsi qu'au regard du SCoT applicable sur la zone depuis 2014. Ainsi, l'État a constaté que la Communauté avait retenu une qualification différente du SCoT pour certains secteurs. Les observations visaient donc à répondre à l'exigence de compatibilité du PLUi avec le SCoT en vigueur.

Un autre point d'achoppement portait sur la qualification de certains secteurs en zones urbaines, dans une période transitoire où cette qualification n'a pas encore été confirmée dans le SCoT.

Le zonage urbain pour ces secteurs n'est pas remis en cause par l'avis de l'État. C'est important, parce qu'il permet de délivrer, sous réserve de l'accord du préfet, des autorisations de construire. Les règles de constructibilité prévues par le projet de PLUi pour ces secteurs ne répondaient pas tout à fait à ce qu'autorise la loi ELAN. Des ajustements étaient donc nécessaires.

La mise en place d'un Secteur de taille et capacité d'accueil limitées (Stecal) s'est avérée incompatible avec la loi Littoral et il convenait donc de requalifier le secteur concerné. Il est vrai que, pendant cette période où les documents d'urbanisme évoluent pour prendre en compte les nouvelles dispositions de la loi ELAN, certains territoires peuvent rencontrer des difficultés pour faire aboutir leurs projets d'urbanisation. Toutefois, les préfets et leurs services demeurent mobilisés pour apporter leur appui et leur expertise aux communes.

La communauté d'agglomération de Fécamp Caux Littoral continue d'avoir de nombreux échanges avec les services de l'État.

Il est important de faire évoluer concomitamment les SCoT et les PLUi. La loi ELAN attribue au SCoT un rôle majeur dans la traduction, au niveau local, des principes de la loi Littoral. Aussi, j'invite les porteurs de SCoT, aux côtés des intercommunalités, à s'engager dès que possible dans une démarche d'adaptation de leur schéma, mais j'entends aussi le besoin de souplesse.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Merci à la ministre pour ces précisions. Restons attentifs aux freins au développement économique et touristique.

Maisons France services (I)

Mme Christine Herzog .  - J'appelle votre attention sur la création des maisons France services (MFS) annoncée par le Premier ministre le 4 mai 2019. Actuellement, il existe 1 340 maisons de services au public (MSAP) et on nous annonce 500 MFS. Mais il ne faudrait pas que les MSAP finissent par disparaître. La Cour des comptes estime dans son rapport de mars que leur coût de fonctionnement risque d'être transféré aux collectivités.

De plus, elle dénonce « l'impasse du financement des MSAP », dont les fonds, qui reposent pour moitié sur les collectivités ne seraient pas de nature à en garantir la pérennité. Ainsi, la commune de Kédange-sur-Canner en Moselle a créé une MSAP en engageant d'importantes dépenses et c'est actuellement la seule MSAP de son canton. Le Gouvernement ayant décidé qu'il n'y aura dorénavant qu'une seule MFS dans chaque canton, que deviendra celle qui a été créée par cette commune, si elle n'est pas labellisée par le Gouvernement ?

Quel est l'avenir des MSAP et que compte faire le Gouvernement pour compenser le préjudice financier pour les communes qui ont déjà investi dans ces structures ? Comment entendez-vous financer les MFS dans les zones rurales ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Les MSAP - 1 340 sur le territoire français - sont de qualité extrêmement inégale. Nous voulons améliorer la qualité du service public dans les territoires avec les MFS et en labellisant les MSAP existantes. Il n'est pas question de les fermer mais de les labelliser, dès lors qu'elles affichent une qualité satisfaisante.

Il faut au moins une maison par canton. Parfois, ce sera davantage. Je connais des cantons avec trois ou quatre MSAP, dont certaines déjà labellisées. Quelque 460 MSAP ont déjà été labellisées et nous continuerons à le faire au fil de l'eau, quand elles seront prêtes. Ainsi, en Moselle, à l'issue de la procédure, la MSAP d'Antrange a été labellisée et celles de Boulay-Moselle et de Morhange devraient l'être prochainement. D'autres suivront.

Nous n'avons pas l'intention de fermer des MSAP. Au contraire, nous voulons multiplier la présence des services publics dans les territoires et nous avons noué de nouveaux partenariats. Par exemple, la MSA s'est proposée pour gérer des MSAP.

Quelque 30 000 euros sont versés par l'État et les opérateurs à chaque MSAP. Bien entendu, les porteurs de projet participent également. Nous verrons s'il faut augmenter ce montant.

Mme Christine Herzog.  - Les MSAP, créées en 2016, n'ont même pas eu le temps de se déployer ; pourquoi avoir lancé un nouveau dispositif ? Les élus locaux sont inquiets et ils ont besoin de garanties.

Maisons France services (II)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Ma question porte sur le financement des emplois au sein des MFS. Elle rejoint donc celle posée précédemment par ma collègue.

Depuis le 1er janvier 2020, 460 MFS sont théoriquement ouvertes, au moins cinq jours par semaine, avec deux personnes formées à l'accueil du public.

Mais les collectivités locales s'inquiètent sur le financement. Les préfets ont dû fournir la liste des MSAP existantes qui pourraient être labellisées mais, à défaut d'homologations, elles ne seront plus financées par l'État.

Par ailleurs, le financement de chaque nouvelle structure par l'État sera forfaitisé à hauteur de 30 000 euros par an ce qui correspond au coût d'un seul agent d'accueil dans chaque maison.

En outre, la Cour des comptes a souligné l'effet de ciseau qui atteint le réseau d'avant 2020. Ce dernier a été formaté pour seulement 1 000 maisons et son budget de fonctionnement à hauteur de 60 millions d'euros repose à 50 % sur les collectivités ou les associations qui les portent ou les hébergent, à 25 % par un fonds de l'État qui est resté stable depuis 2014 et à 25 % par un fonds abondé par certains opérateurs mais largement sous-doté notamment à cause du retrait de la SNCF ou de GRDF.

Est-ce que ces MSAP labellisées au nouveau réseau France services se traduiront par des charges nouvelles pour les communes ou les intercommunalités compte tenu de l'obligation d'avoir deux agents pour recevoir le public ?

Que compte faire le Gouvernement pour les MSAP non labellisées pour éviter qu'elles ne ferment ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je le répète : nous voulons améliorer la qualité des services publics proposée dans ces maisons. Je me déplace beaucoup, et je puis vous dire que certaines MSAP n'en ont que le nom. D'autres sont formidables et ont été labellisés immédiatement. Celles qui ne le sont pas, seront accompagnées financièrement jusqu'au 31 décembre 2021. Elles ont ainsi le temps nécessaire d'atteindre le niveau pour obtenir leur labellisation.

Le financement des maisons sur la période 2020-2022 repose sur des partenariats.

La Banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations investira ainsi 30 millions d'euros pour assurer le déploiement de France Services. Sur cette enveloppe, 17 millions d'euros sont alloués à La Poste, 10 millions d'euros à l'animation globale du réseau et 3 millions d'euros permettront le déploiement de France Services Mobile. L'État apporte un soutien financier aux structures France Services labellisées, ainsi qu'aux MSAP en cours de montée en gamme, tant par sa participation aux dépenses de fonctionnement qu'en investissement.

La formation des agents est menée par un institut de la sécurité sociale. Au plan national, douze agents de l'État de la banque des territoires et de La Poste sont en charge de ce dispositif au sein de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).

Nous évaluerons le financement de cette politique dans un an et nous ne serons pas opposés, par principe, à une revalorisation.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - La qualité dépend de la présence sur les lieux d'au moins deux agents. Or le deuxième agent sera à la charge des collectivités territoriales.

Agence nationale de la cohésion des territoires

M. Jean-François Rapin .  - En créant une nouvelle agence, l'ANCT, pour remédier aux disparités constatées sur les territoires, le Gouvernement a souhaité améliorer la cohésion territoriale. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

L'article 3 de la loi du 22 juillet 2019 portant création de cette agence spécifie que « le conseil d'administration doit être composé de manière à favoriser une juste représentation de la diversité des territoires métropolitains et ultramarins ».

À la lecture du décret du 18 novembre 2019 relatif à cette agence, il s'avère que la composition de cette nouvelle instance n'identifie pas spécifiquement de représentants du littoral. Ce sont tous les territoires littoraux de la France hexagonale et des Outre-mer, reconnus par la loi Littoral de 1986, qui sont ici oubliés. Je ne peux m'y résoudre.

En revanche, l'association nationale des élus de la montagne bénéficie d'un siège. Pourquoi une telle différence ? Le littoral ne mérite-t-il pas que l'on s'y intéresse ?

Après plusieurs courriers vous alertant sur ce sujet, dont un de députés de la majorité et une tribune signée par plus de 140 parlementaires, la situation n'a malheureusement pas évolué.

Le décret doit être modifié pour assurer la représentation des littoraux au sein du conseil d'administration.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le conseil d'administration de l'ANCT, réuni pour la première fois le 12 décembre, est composé de manière à concilier deux impératifs antagonistes : une taille réduite afin de la rendre facilement pilotable et la juste représentation des multiples enjeux des territoires.

Pendant l'examen du projet de loi portant création de l'ANCT, les élus du littoral ne m'ont jamais interpellée, alors que je ne risquais pas d'oublier les préoccupations des élus de la montagne...

M. Jean-François Rapin.  - Ça alors !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Lors de la première réunion du conseil d'administration, j'ai essayé de répondre à votre préoccupation. Aussi, plusieurs élus du littoral en sont membres, même si votre association n'y siège pas officiellement.

J'espère ne pas vous vexer mais nous ne pensons pas modifier le décret. J'aurai des propositions concrètes pour que vos préoccupations soient prises en compte au sein de l'ANCT.

M. Jean-François Rapin.  - Votre réponse ne me convient absolument pas. Et, même si vous ne le souhaitiez pas, vous m'avez vexé ! Le conseil d'administration de l'ANCT doit être représentatif des différents territoires. S'il faut faire du lobbying pour y siéger, c'est bananier ! Les élus du littoral ne peuvent se satisfaire de votre réponse.

Élections communautaires de mars 2020

M. Dany Wattebled .  - Les élus locaux s'interrogent sur la portée des modifications de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. En effet, cet article, relatif aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), prévoyait lors des dernières élections municipales de 2014 qu'après le renouvellement général des conseils municipaux, l'organe délibérant se réunissant au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l'élection des maires.

Depuis la loi du 28 février 2017, le CGCT prévoit désormais que lors de la première réunion de l'organe délibérant, immédiatement après l'élection du président, des vice-présidents et des autres membres du bureau, le président donne lecture de la charte de l'élu local.

Les élus locaux s'interrogent sur le caractère obligatoire du fait de procéder le même jour et lors de la même séance à l'élection du président de l'EPCI, des vice-présidents et des autres membres du bureau. En effet, les métropoles, notamment, comportent un nombre important d'élus et leurs représentants ne sont connus qu'à l'issue du deuxième tour des élections municipales.

À l'échelle d'une métropole, il est difficile d'organiser une gouvernance en amont du résultat des élections municipales, contrairement à ce qui peut être fait à l'échelle d'une commune. Il est dès lors de pratique courante, au sein des métropoles, de procéder, dans un premier temps, à l'élection du président, puis dans un second temps et lors d'une séance ultérieure, à l'élection des vice-présidents et membres du bureau.

La modification du CGCT rend obligatoire la lecture de la charte de l'élu local lors de l'élection du président et des vice-présidents de l'EPCI. Dès lors, peut-on considérer que les dispositions de cet article sont respectées si l'élection du président et des vice-présidents a lieu lors de deux séances distinctes mais que la charte de l'élu local est lue par le président lors de chacune de ces séances, ou faut-il considérer qu'il est désormais obligatoire de procéder à l'élection du président de l'EPCI, des vice-présidents et des membres du bureau le même jour et lors de la même séance ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le CGCT prévoit effectivement la lecture de la charte de l'élu local, juste après l'élection du président et des vice-présidents de l'EPCI. La loi du 31 mars 2015 l'a modifié pour mettre en oeuvre la proposition n°24 du rapport de la mission d'information sur le statut de l'élu.

Lors des débats parlementaires en commission des lois, le rapporteur avait précisé que les conseils municipaux et les conseils communautaires seraient concernés de la même façon par cette disposition.

Après le prochain renouvellement de mars 2020, je vous confirme que le président, les vice-présidents et les autres membres du bureau au sein d'un EPCI à fiscalité propre seront élus lors de la même réunion du conseil communautaire.

Un temps d'échange de près de cinq semaines est laissé aux élus des conseils communautaires, ce qui semble suffisant pour définir les contours de leur exécutif. Ce délai n'est que d'une semaine pour les conseils municipaux.

Une suspension de séance est possible lors de la réunion que vous évoquez.

Risques liés aux poids lourds entre Poitiers et Bordeaux

Mme Nicole Bonnefoy .  - J'attire votre attention sur le risque routier et sanitaire que présente le trafic de poids lourds le long de la route nationale 10 entre Poitiers et Bordeaux.

Certains poids lourds ne respectent ni les distances de sécurité, ni l'interdiction de doubler, ni la limitation de vitesse au point que les routiers eux-mêmes disent prendre un risque pour leur vie et celle des automobilistes. À l'insécurité routière se rajoute la pollution sonore, de l'air et des sols au point que les agriculteurs soucieux de produire de la qualité sont contraints de cultiver à plus de 300 mètres de la RN 10 et à plus de 500 mètres pour les cultures bio, compte tenu des métaux lourds retrouvés dans les sols.

Le trafic poids lourds a des conséquences en termes de sécurité routière, de sécurité sanitaire, environnementale, sociale et économique, sans compter le coût d'entretien de la chaussée et la mobilisation des forces de l'ordre.

Plus de 7 000 personnes ont signé une pétition citoyenne demandant que les poids lourds en transit empruntent l'A10. Quelque 126 communes ont délibéré dans le même sens.

Pour économiser quelques dizaines d'euros de péage, les poids lourds empruntent la RN 10. Cette situation n'est pas acceptable et le 19 novembre dernier, Mme la ministre Élisabeth Borne que j'interpellais sur le sujet me répondait « qu'il fallait se préoccuper des poids lourds en transit pour faire en sorte qu'ils n'aient pas la tentation d'emprunter des itinéraires gratuits ».

Que comptez-vous faire pour régler ce problème ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - La restriction complète de la RN 10 entre Poitiers et Bordeaux au trafic de poids lourds serait contraire au principe de libre circulation des marchandises sur le réseau structurant national. La jurisprudence du Conseil d'État est constante sur ce point afin de garantir la réglementation européenne.

Les services de l'État en charge du contrôle sont mobilisés sur le terrain pour assurer le respect des réglementations applicables au transport routier, afin de prévenir les risques de surcharge ou encore le temps de conduite et de repos des chauffeurs.

Le Gouvernement entend prendre des mesures d'amélioration des infrastructures.

De nombreuses opérations de sécurisation de cet axe ont été d'ores et déjà engagées : la mise en service de la 2x2 voies entre Reignac et Chevanceaux, l'étude du remplacement de six carrefours dans la Vienne par des échangeurs dénivelés avec mise à 2x2 voies dans le secteur Croutelle, l'étude de la suppression des derniers carrefours en Charente, notamment sur la commune de Mansle, le diagnostic de sécurité sur la rocade d'Angoulême en vue d'améliorer, dès 2020, les modalités d'information des usagers de la route, en particulier sur les congestions récurrentes et sur les risques d'accidents, et enfin le diagnostic de sécurité sur la section entre Virsac et Angoulême.

Le Gouvernement va demander à la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine de s'assurer que les calendriers des opérations sont respectés.

Par ailleurs, le Gouvernement mandatera la préfète de la Charente afin que des dispositifs de contrôles fixes et mobiles soient déployés de façon privilégiée sur cet axe, de manière à renforcer la répression contre les poids lourds qui ne respecteraient pas les différentes réglementations.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Je connais ces investissements, comme l'argument sur le droit européen. Mais il faut envisager une dérogation ou une expérimentation ; la préfète de région n'y est pas opposée. Il faut trouver une réponse, sans attendre qu'il y ait des morts ! Prenons rendez-vous.

Abus de faiblesse liés à la signature électronique à distance

Mme Corinne Imbert .  - La généralisation de la signature électronique à distance donne lieu à des abus de faiblesse. Ce phénomène est principalement constaté dans le secteur des assurances. En effet, un contrat d'assurance peut être souscrit en quelques minutes par téléphone après la simple expression du consentement. Ce consentement se matérialise généralement par un code reçu par SMS qu'il faut répéter à voix haute au courtier ou encore par une touche de téléphone sur laquelle il faut appuyer. Cette spécificité accordée aux assurances est pratique lorsqu'il s'agit d'assurer dans l'urgence sa nouvelle voiture.

En revanche, ce dispositif est bien souvent utilisé à mauvais escient. Ce type de vente est souvent expéditif afin que le client n'ait pas le temps de prendre la mesure de la situation. Les personnes isolées, notamment âgées et les personnes handicapées, sont bien souvent démunies face à des professionnels de la vente, qui n'hésitent pas à user de tous les stratagèmes afin de parvenir à la signature d'un contrat aux modalités hasardeuses. Bien souvent, ces personnes ne réalisent pas qu'elles viennent de souscrire à un contrat d'assurance, ce qui rend la tâche des familles bien plus difficile que dans le cas d'un simple démarchage en porte à porte. Ainsi, le délai de rétractation de 14 jours n'est souvent pas suffisant pour débusquer la supercherie. Sur la seule année 2018, la DGCCRF a contrôlé 92 entreprises et en a épinglé 27. Dans la plupart des cas, les démarcheurs recourent à des allégations mensongères afin de recueillir l'accord verbal du consommateur ou obtenir la signature électronique du contrat.

Au regard des nombreux cas constatés d'arnaques et de ventes forcées, en particulier auprès des personnes âgées ou handicapées, quelles sont les intentions du Gouvernement dans la lutte contre ce phénomène inquiétant ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Cette pression téléphonique est insupportable pour nos concitoyens. Le Gouvernement souhaite protéger les consommateurs contre ce type de pratique. Le Conseil national de la consommation (CNC) a mis en place un groupe de travail de septembre 2018 à janvier 2019 et a produit un rapport publié le mois suivant. Ce rapport a nourri la proposition de loi visant à lutter contre le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Le 6 décembre 2018, l'Assemblée nationale l'a examinée et le Sénat l'a fait à son tour le 21 février 2019. Elle revient à la fin du mois devant l'Assemblée.

En parallèle, nous avons sollicité le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur le cas particulier des contrats d'assurance qui sont signés après un simple démarchage téléphonique. Les assureurs se sont engagés à un minimum de formalisme avant la signature de tout contrat d'assurance. Il faudra s'assurer du respect de la traçabilité écrite de l'engagement du signataire.

Le dialogue se poursuivra devant l'Assemblée nationale et nous allons nous assurer que l'engagement pris par la profession soit respecté.

Mme Corinne Imbert.  - J'espère que tel sera le cas : la traçabilité écrite est indispensable. Les consommateurs ne peuvent être abusés à longueur de semaine et les appels incessants sont insupportables.

Démarchage téléphonique abusif

Mme Catherine Deroche .  - Ma question prolonge celle de ma collègue.

Depuis plusieurs mois, nous constatons tous une explosion du nombre d'appels non sollicités. Le phénomène a pris une ampleur exponentielle concernant des opérateurs téléphoniques, mandatés par diverses sociétés, exploitant des listings commerciaux pour joindre les occupants de maisons individuelles qui pourraient bénéficier de travaux d'isolation pour 1 euro.

En juin 2019, la DGCCRF a dû émettre une mise en garde à destination du public français et à l'encontre de sociétés peu scrupuleuses qui cherchent à profiter du dispositif. Ces correspondants opèrent la plupart du temps depuis des plateformes basées à l'étranger, avec des numéros qui ne s'affichent pas ou ne peuvent être rappelés. Malheureusement, le dispositif « Bloctel » s'avère inopérant pour lutter contre ces nuisances récurrentes.

Quelles mesures compte prendre le Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Nous sommes engagés pour réduire ce phénomène. Ces appels sont passés sans respecter le droit. La question n'est donc pas de renforcer la législation mais d'être à même de poursuivre les personnes qui ne respectent pas la législation.

La proposition de loi précitée va renforcer les sanctions et permettre à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) d'agir sur les intervenants peu scrupuleux. Les plaintes pour fraude ont augmenté de 20 % auprès de la DGCCRF dans le cadre du plan en faveur de la rénovation thermique.

En 2019, 1 000 entreprises ont été contrôlées et 66 démarcheurs ne respectant pas le dispositif « Bloctel » ont été sanctionnés pour un montant total de 2,3 millions d'euros.

Le « Name and Shame » a été généralisé pour rendre les Français plus attentifs.

Le CNC a été saisi du sujet à l'aune de la rénovation thermique. Nous attendons sa réponse dans quinze jours.

Mme Catherine Deroche.  - Nous attendons le texte avec impatience, d'autant que les opérateurs se présentent souvent au nom d'une collectivité ou de l'État.

Taxe américaine sur les vins français

M. Daniel Laurent .  - L'organisation mondiale du commerce (OMC) a permis aux États-Unis de prendre des sanctions sur les biens européens, dans le cadre du conflit sur les subventions accordées à Airbus. Début décembre, nouvelles menaces des États-Unis : cette fois-ci, les sanctions visent à imposer de nouveaux droits de douane et jusqu'à 100 %. En cause, le projet de taxe sur les géants du numérique. Les vins pétillants, dont le champagne, épargnés lors des premières sanctions, seraient concernés, soit 700 millions d'euros supplémentaires.

Le chiffre d'affaires réalisé sur le marché américain s'est élevé à un milliard d'euros en 2018. Sur les six premiers mois de 2019, ces exportations étaient en hausse de 10 % en valeur et de 2 % en volume. Or, depuis bientôt trois mois, la profession enregistre une chute drastique des importations américaines de l'ordre de 30 % en valeur sur les vins en bouteilles par comparaison à novembre 2018.

Les exportateurs ont réduit leurs marges et redoutent de perdre des parts de marchés.

Le 16 décembre dernier, le ministre de l'Agriculture a demandé à la Commission européenne de soutenir la filière vitivinicole. Les mesures vont dans le bon sens mais sont insuffisantes pour la soutenir. Qu'en est-il de la mise en place d'un fonds de compensation des mesures d'aide à la promotion ou de la résolution du conflit avec les États-Unis ?

Le 6 janvier, Bruno Le Maire a appelé ce pays à la raison, en vain pour le moment.

Il y a urgence à agir. La filière est victime d'un conflit qui ne la concerne pas. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Dans le conflit opposant les États-Unis et l'Union européenne sur les subventions accordées à Airbus, l'OMC a autorisé les États-Unis à appliquer des sanctions sur les biens européens importés. Dans quelques semaines, elle devrait autoriser la réciproque, pour des subventions accordées à Boeing. L'Union européenne dispose donc de leviers de négociation pour éviter une escalade. Ces négociations continuent, mais les États-Unis appliquent leur droit de sanction depuis le 18 octobre.

Pour la France, les produits les plus touchés sont les vins tranquilles, de moins de 14°, auxquels est imposée une taxe additionnelle de 25 %. Toutes nos régions viticoles sont visées, pour 306 millions d'euros par an. Les exportations françaises de vin vers les États-Unis représentent 25 % de celles de l'Union européenne.

Pour aider la filière, le Gouvernement a immédiatement mis en place des mesures de soutien : renforcement des actions de promotion business to consumer et business to business conduites par Business France, notamment sur les IG et les AOC ; opérations de promotion à l'export sur 38 marchés à potentiel ; mesures de bienveillance comme le délai de paiement ; assurance-prospection portée par BPI France.

À notre demande, l'Union européenne a assoupli et simplifié les fonds de promotion. Didier Guillaume demande avec insistance un dispositif de compensation des pertes commerciales et la levée des barrières non-tarifaires pour faciliter l'export vers d'autres pays tiers comme le Canada, le Japon ou la Corée du Sud.

M. Daniel Laurent.  - Merci pour les mesures d'encouragement. Oui à la négociation, mais les marchés perdus seront difficiles à reconquérir. Il est urgent de trouver une solution.

Financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - La loi Grand âge devait être le grand soir des financements, or nous sommes toujours dans les petits matins précaires des renoncements... Les structures d'aide à domicile en ont assez des effets d'annonce non suivis de résultats. La situation est désastreuse. Sur 600 millions d'euros nécessaires, seuls 50 millions ont été accordés en 2019, autant en 2020 - deux fois moins qu'en 2018.

En Lot-et-Garonne, les tarifs horaires sont fragiles : 20,73 euros pour un prix de revient à 21 euros ! Si 520 000 euros ont été fléchés en 2019, les conditions des appels à candidatures demeurent inconnues. À quand une réforme ambitieuse et un financement à la hauteur des enjeux, quand on sait qu'il faut treize ans à un intervenant à domicile pour dépasser le niveau du Smic ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) relève de la compétence des conseils départementaux. Le décret du 15 mai 2019, pris en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, préfigure un nouveau modèle de financement qui vise à assurer plus d'accessibilité, d'équité, de lisibilité et de transparence tarifaire.

Ce modèle repose sur un tarif de référence national et un complément de financement appelé « modulation positive ». L'enveloppe de 50 millions d'euros prévue pour la préfiguration sera répartie entre les différents départements. Ces derniers les répartiront entre les SAAD retenus dans le cadre d'un appel à candidatures. Le montant de la dotation complémentaire allouée relève de la négociation entre le département et le SAAD. En cas de services de soins infirmiers associés, l'ARS pourra participer également au financement.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - C'est au Gouvernement de répondre au souhait de 95 % des Français de rester le plus longtemps possible à domicile.

Attractivité de la formation d'aides-soignants

Mme Agnès Constant, en remplacement de M. Bernard Buis .  - Nous alertons régulièrement sur les déserts médicaux et la pénurie de médecins - généralistes, spécialistes, urgentistes - tant en territoire rural qu'urbain.

On constate partout en France un déficit de candidats aux sessions de formation d'aides-soignants, métier pourtant indispensable. Naguère étaient organisées dans la Drôme deux sessions de formation, de soixante stagiaires ; cette année, il n'y en a eu qu'une, qui n'a même pas fait le plein.

La situation est identique dans de nombreux départements et fait craindre une pénurie d'aides-soignants. Quelles mesures envisagez-vous pour l'enrayer et pour rendre plus attractif le métier d'aide-soignant ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous partageons votre constat. Le nombre d'inscrits en formation d'aide-soignant a baissé de 6 % entre 2016 et 2018, le nombre de candidats au concours a baissé de 40 % depuis 2014, mais le nombre de diplômés demeure stable à 22 800 en 2018, selon les chiffres de la Drees.

Plusieurs actions sont engagées pour valoriser la formation, et par là même la profession, notamment via la refonte des référentiels métiers en septembre 2020, selon les conclusions du groupe de travail constitué en 2019. Cette réforme est aussi l'occasion de décloisonner l'exercice du métier en mettant en place des passerelles avec d'autres professions.

Le rapport El Khomri préconise un accès simplifié à la formation tout en garantissant une diversité de profils. Les arbitrages seront rendus prochainement.

Les ARS se mobilisent aussi pour améliorer le calendrier des concours, trop étalé. Leur visibilité sera améliorée sur ParcourSup. Enfin, une revalorisation indemnitaire est prévue début 2020 dans les conditions annoncées dans le plan Investir pour l'hôpital.

Mme Agnès Constant.  - Un passage en catégorie B serait une bonne réponse.

Fermeture des urgences de nuit de l'hôpital de Sisteron

M. Jean-Yves Roux .  - En juillet 2019, les urgences de l'hôpital de Sisteron ont fermé la nuit. La situation devait être temporaire, mais elles n'ont toujours par rouvert. Le bricolage ne saurait être une solution durable. Je ne peux pas accepter que le service public de santé n'existe dans mon territoire que le jour, et qu'il faille rejoindre un autre département pour y accéder la nuit - d'autant qu'en montagne, les déplacements sont encore allongés.

Des discussions sont en cours avec l'ARS - mais le rapport Carli-Mesnier préconise d'ores et déjà la fermeture des services d'urgence la nuit dans certains hôpitaux.

Des solutions existent pourtant, comme une surprime pour les médecins concourant à la permanence des soins, l'ouverture de maisons médicales de garde ou l'aménagement de temps partagé de médecins salariés. Les urgences gérontologiques pourraient être expérimentées, avec une nouvelle approche de la dépendance. Allez-vous creuser ces pistes pour éviter que les urgences ne ferment la nuit ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Une absence médicale non compensée et les difficultés de recrutement ont conduit à la fermeture du service d'accueil des urgences à Sisteron la nuit. Cependant, le SMUR fonctionne, ainsi que l'unité d'hospitalisation : la prise en charge urgente des patients sur le territoire est assurée.

Une mutualisation des postes d'urgentistes entre les sites de Gap et Sisteron est prévue : 20 % du temps de travail devra être effectué à Sisteron. La régulation médicale pourra s'effectuer en alternance dans les locaux du SAMU 04 et du SAMU 05.

Ces mesures locales s'ajoutent à celles annoncées dans le pacte de refondation des urgences, comme la simplification des procédures de recrutement. Le service d'accès aux soins déployé dès l'été 2020 doit garantir un accès à une réponse médicale de qualité en tout point du territoire. Le Gouvernement est pleinement mobilisé et l'ARS PACA suit la situation à Sisteron.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Nouveau modèle tarifaire des allocations de solidarité départementales

M. Hugues Saury .  - À la suite du comité de pilotage du 11 février 2019 et après concertation avec les dix fédérations nationales et les départements, le principe d'un nouveau modèle tarifaire des allocations de solidarité départementales a été arrêté. Il repose sur un tarif de référence national plancher et un complément de financement, dit « modulation positive », attribué dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.

Une enveloppe de 50 millions d'euros permettra aux conseils départementaux volontaires de commencer à l'expérimenter. Le décret du 15 mai 2019 fixe le cadre de cette démarche. Le département du Loiret s'est porté candidat et a engagé une concertation avec les fédérations pour définir un cahier des charges, suivi de l'appel à candidatures. Une enveloppe de 664 140 euros lui a été allouée.

Le préfet du département a indiqué qu'il n'est pas prévu de retraiter les dépenses exposées par les départements dans le cadre de la réforme de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile qui ne correspond ni à un transfert de compétences, ni à un élément exceptionnel. Cette position diverge d'un département à l'autre. Les dépenses engagées par le département du Loiret correspondant à l'enveloppe allouée relèvent-elles du plafond tel que défini par l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'aide à domicile est un pilier de la réforme Grand âge et autonomie ; c'est le souhait de nos concitoyens.

Ces professionnels font un travail indispensable, gratifiant mais difficile, comme l'a montré le rapport El Khomri. D'où l'enveloppe de 50 millions d'euros pour les services d'aide à domicile dès 2019 au profit des départements volontaires, chefs de file des politiques sociales, afin de préfigurer le nouveau modèle de financement. Le Loiret s'est engagé dans cette voie, c'est à saluer.

Ces crédits, qui financent des dépenses de fonctionnement, relèvent bien du plafond défini par la loi de programmation des dépenses publiques pour les années 2018-2022. Nous souhaitons renforcer les coopérations dans les territoires pour améliorer l'accompagnement de nos aînés et de leurs aidants.

M. Hugues Saury.  - Votre réponse ne me convient pas. Le Gouvernement initie une politique, la finance puis la délègue aux départements en reprenant d'une main ce qu'il a donné de l'autre. Les départements en ressortent lésés, les associations leurrées, les patients en pâtissent.

Extension du fonds de garantie aux accidents médicaux

M. Philippe Bonnecarrère .  - Les victimes d'accidents médicaux mais aussi les médecins responsables sont dans une situation difficile. Qu'en est-il de l'extension des effets du fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic, ou de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral, aux accidents médicaux faisant l'objet d'une réclamation au sens de l'article L. 251-2 du code des assurances, à compter du 1er janvier 2011, en lieu et place du 1er janvier 2012 ?

Pour éviter que les praticiens et établissements de santé ne soient privés de toute couverture, les lois du 4 mars 2002 et du 30 décembre 2002 ont modifié en profondeur les règles régissant ce secteur. Elles ont toutefois exposé les praticiens libéraux à deux risques de « trou de garantie », en cas de dépassement des plafonds d'assurance ou de plainte déposée après les dix ans suivant la cessation d'activité des praticiens. D'où un système de garantie financée par les professionnels.

Une douzaine de médecins - surtout des gynécologues-obstétriciens - n'est pas couvert. Mes amendements en loi de finances pour résoudre le problème se sont heurtés à l'article 40. Le Gouvernement acceptera-t-il l'extension du fonds ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous sommes sensibles à la situation de ces médecins. Néanmoins, une extension de garantie du fonds ne peut se faire qu'à condition de maintenir son équilibre financier. L'assurance fournie à certains praticiens pour des litiges passés ne doit pas revenir à créer le moindre risque pour la viabilité de l'assurance future de leurs confrères et des patients victimes.

Des travaux sont en cours pour évaluer comment le fonds pourra couvrir les coûts sans risquer l'insolvabilité. Un financement complémentaire devra être prévu, dans l'intérêt de la protection des patients.

Situation du centre hospitalier du Rouvray

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, en remplacement de M. Didier Marie .  - M. Didier Marie est retenu dans les transports.

Le centre hospitalier du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen vit depuis 2018 une crise durable. L'occupation des lits dépasse largement les capacités ; certains patients dorment dans la salle de visite ou dans des bureaux, d'autres s'entassent dans des chambres exiguës. Les conditions matérielles sont déplorables : absence de lunettes sur les cuvettes, de sanitaires individuels, seaux hygiéniques... Les patients n'ont pas d'intimité : absence de serrure aux portes, de fermeture des placards, portes aux fenêtres transparentes...

La libre circulation des patients en soins libres est soumise à la disponibilité des soignants ; ils sont donc très souvent contraints à un enfermement injustifiable. Les patients en soins sans consentement sont privés de leurs droits ipso facto, au mépris des textes. Les pratiques d'isolement sont complètements illégales ; les conditions de rétention des patients, particulièrement avilissantes. Les patients ne reçoivent aucune information sur leurs droits, sur l'offre de soins et les conditions de vie pendant leur séjour.

Enfin, les droits des enfants sont foulés au pied ; des enfants de moins de 12 ans sont enfermés dans la même chambre que des adultes. Selon le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, ces enfants ont pu être violentés, parfois en rapport avec la consommation de stupéfiants, ou encore victimes de sévices sexuels...

Cette situation est inadmissible et injustifiable. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'agir. Comment entendez-vous restaurer un accueil des patients digne ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté s'est déroulée dix-huit mois après le conflit social de 2018. Le protocole d'accord de juin 2018 prévoyait la création de trente nouveaux postes de soignants, financés par l'ARS Normandie à hauteur de 1,35 million d'euros.

Les crédits pour les vingt premiers postes ont été délégués et les recrutements intégralement effectués entre juin 2018 et juin 2019. Les crédits pour les dix derniers postes ont été délégués en octobre 2019 et les recrutements sont en cours.

Le projet de création d'une unité dédiée à la prise en charge des adolescents a été transmis à l'ARS début octobre 2019. Elle devrait voir le jour en novembre 2020, à l'issue de travaux dans les locaux.

L'accélération du plan de rénovation de l'établissement est prévue, pour une mise en oeuvre complète d'ici douze mois. Les surcoûts seront couverts par l'ARS à hauteur d'un million d'euros.

Enfin, l'actualisation du projet médical est en cours, qui limitera les restrictions à la libre circulation des patients. Tant le ministère que l'ARS suivent avec beaucoup d'attention la situation.

Consultations externes dans les territoires sous-dotés

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Face à la désertification médicale, nombreux sont les hôpitaux de proximité qui proposent des consultations externes par les praticiens y exerçant, ou par des médecins retraités. Ils contribuent ainsi à l'offre de soins dans des secteurs en carence, tout en favorisant un partenariat local avec les médecins libéraux.

Les tarifs de ces actes et consultations externes sont déterminés de façon exogène par les conventions liant l'assurance maladie aux professionnels de santé libéraux. À ce jour, les majorations tarifaires prévues ne sont pas applicables aux établissements de santé, d'où une asymétrie de traitement entre la ville et l'hôpital pour des activités pourtant similaires.

Pensez-vous accorder aux établissements de santé un financement équitable de leurs actes et consultations externes ? Les populations rurales n'ont d'autres recours que leurs hôpitaux de proximité.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La loi relative à la transformation du système de santé a confié aux hôpitaux de proximité la mission de proposer des consultations de spécialités. Elles pourront être réalisées par des praticiens hospitaliers d'autres établissements, des médecins de ville ou par télémédecine dans les territoires isolés.

La loi de financement de la sécurité sociale 2020 a posé un modèle de financement adapté aux hôpitaux de proximité, rompant avec la logique de la T2A : ils ont l'assurance de ne pas perdre de recettes sur trois ans même si leur activité baisse. Ils bénéficieront de crédits supplémentaires pour assurer les missions d'appui au premier recours, de prévention et de prise en charge globale des personnes âgées.

L'article 33 précise explicitement que cette dotation de responsabilité territoriale vise à soutenir l'offre de consultations de spécialité, parfois déficitaire.

Une réflexion sur l'ouverture progressive aux établissements de santé de l'ensemble des majorations tarifaires applicables aux actes et consultations externes s'est ouverte. Nous continuons à mieux valoriser cette activité.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Il s'agit souvent de consultations de généralistes qui font défaut.

Pénurie de médicaments

Mme Brigitte Micouleau .  - Alors que le Gouvernement a présenté, le 8 juillet 2019, 28 mesures pour lutter contre les pénuries de médicaments, s'inspirant des conclusions du rapport de la mission d'information du Sénat sur le sujet, la situation, loin de s'améliorer, s'aggrave depuis la fin de l'été.

Nous dénoncions déjà il y a plus d'un an la mise en danger de certains patients. Corticoïdes, antibiotiques, vaccins sont en rupture de stock. En mars 2018, je vous alertais sur les difficultés d'approvisionnement du BCG intravésical, utilisé contre le cancer de la vessie. La rupture de stock du BCG-MEDAC est désormais effective. Les patients ne peuvent plus suivre leur traitement ; les urologues les invitent à patienter jusqu'au début 2020, sans plus de précisions.

Quelles actions entend prendre le Gouvernement afin d'assurer la continuité des soins et de remédier à ce grave enjeu de santé publique ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - C'est une préoccupation majeure : selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), les signalements de tensions d'approvisionnement de médicaments ont été multipliés par vingt en dix ans.

Le 8 juillet 2018, la ministre de la Santé a présenté un plan en quatre axes stratégiques et 28 propositions opérationnelles. Un comité de pilotage a été installé en septembre qui rassemble pharmaciens, médecins et associations de patients.

Des mesures de prévention et de régulation ont été introduites à l'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Elles imposent aux industriels de constituer un stock de sécurité de quatre mois, ainsi qu'une obligation d'importation en cas de rupture de stock de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ou de vaccin.

Les sanctions vis-à-vis des industriels sont renforcées en cas de manquement. Pour simplifier le parcours du patient, nous avons facilité le remplacement des médicaments par les pharmaciens d'officine.

Par ailleurs, le Premier ministre a confié à M. Jacques Biotune la mission d'analyser les causes profondes de cette situation.

Mme Brigitte Micouleau.  - Je doute que votre réponse satisfasse les patients, notamment ceux atteints d'une tumeur à la vessie. Les informations de l'ANSM sont effrayantes. La rupture de stock est effective depuis le 2 décembre 2019, malgré la distribution de médicaments par deux et non plus par six, et ne serait réglée que fin février. Il est urgent d'agir.

Augmentation du prix des médicaments

Mme Catherine Procaccia .  - J'avais déjà interrogé le Gouvernement sur le nouveau système des honoraires de dispensation des pharmaciens. Depuis janvier 2019, ils reçoivent une somme de 50 centimes par ordonnance, augmentée de 2 euros pour des médicaments spécifiques et de 50 centimes selon l'âge du malade. Le système est complexe, vous en conviendrez.

Un problème se pose pour les patients dont les complémentaires ne prennent pas en charge les médicaments remboursés à 15 % ou 30 % : ils devront payer les 33 % d'honoraires de dispensation. Comme la prise en charge par la mutuelle ne sera déclenchée qu'en cas de demande de remboursement à la sécurité sociale, certains patients auront peut-être intérêt à payer intégralement le médicament afin d'éviter l'honoraire du pharmacien, sans compter que les sur-honoraires pour les médicaments prescrits aux enfants et aux personnes âgées comme pour les anxiolytiques et associés ont augmenté.

L'information des patients est prévue mais elle n'est pas effective, je puis vous l'affirmer. Est-il possible de ne pas demander le remboursement pour un seul de ces médicaments sur toute une ordonnance ? Quid de la rémunération des pharmaciens ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le mode de rémunération des pharmaciens a été réformé en 2015 avec des honoraires pour conditionnement et des honoraires pour ordonnance dite complexe, d'au moins cinq lignes de médicaments différents. L'avenant de 2017 prévoit trois nouveaux honoraires de dispensation.

Le taux de prise en charge par la sécurité sociale diffère selon le type d'honoraire. Pour l'honoraire au conditionnement, il est le même que celui du médicament dispensé lequel dépend du SMR. Pour l'honoraire pour ordonnance complexe, la participation de l'assuré est supprimée. Pour les trois nouveaux honoraires de dispensation, le taux de prise en charge par l'assurance maladie est de 70 %.

Un arrêté du 28 novembre 2014 publié le 4 février 2015 fixe les modalités d'information du patient sur les prix des médicaments et les honoraires du dispensateur. Il sera mis à jour en 2020 pour intégrer les nouveaux honoraires applicables depuis le 1er janvier 2019. Enfin, la CNAM met à jour de façon hebdomadaire la liste des médicaments dits spécifiques faisant l'objet d'un honoraire de dispensation particulier.

Mme Catherine Procaccia.  - Je n'ai rien compris à cette réponse, qui illustre bien la complexité de la situation. Il n'y a aucune transparence, dès lors que l'on modifie en 2020 un arrêté pour prendre en compte une modification intervenue en 2019...

Intégration de l'AAH dans le revenu universel d'activité

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Les associations de personnes handicapées sont très défavorables à l'intégration de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dans le revenu universel d'activité (RUA). En effet, l'AAH n'est pas un minima social mais une prestation sociale liée à la reconnaissance d'une incapacité. Une telle intégration entraînerait une dégradation des droits des bénéficiaires ; au contraire, une vraie politique inclusive supposerait de réévaluer le montant de l'AAH !

Renoncerez-vous à cette mesure ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur l'inclusion des personnes handicapées dans la concertation que j'ai ouverte en juin dernier sur le revenu universel d'activité. Le Gouvernement a très fortement revalorisé les AAH, de plus de 11 %. L'AAH étant un minimum social, il est normal qu'elle fasse partie de la réflexion transversale sur le RUA qui doit simplifier les minima sociaux et encourager le retour à l'activité.

Sophie Cluzel a lancé les travaux du collège handicap. Aucune décision ne sera prise avant qu'il rende ses conclusions.

Le Gouvernement ne baissera jamais les moyens des personnes handicapées, au contraire. La logique du RUA est d'encourager la reprise d'activité et non de pénaliser les plus fragiles qui n'y parviennent pas. Les allocataires de l'AAH seront dispensés de l'obligation de recherche d'emploi et de reprise d'activité. C'est un engagement de Mme Cluzel. Un groupe de travail complémentaire est consacré à ce sujet.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - L'AAH n'est pas un minimum social ! Créée en 1975 et revue en 2005, elle est attribuée selon des critères médicaux objectifs.

Seulement 20 % des allocataires de l'AAH travaillent et souvent dans des centres spécialisés. La société inclusive n'est pas une belle formule destinée à des effets de tribune ! Elle doit s'adapter à chacun, ce que ne fera pas le RUA.

Territoires « zéro chômeur de longue durée » (I)

M. Philippe Mouiller .  - Le dispositif « Territoire zéro chômeur de longue durée », créé par la loi du 29 février 2016 visant à résorber le chômage de longue durée a d'ores et déjà fait la preuve de son efficacité. Ainsi, plus de 850 personnes volontaires sur les quelque 1 850 retenues pour l'expérimentation ont retrouvé un emploi, et plus de 20 % d'entre elles avaient un handicap. L'effet d'émulation avec les autres territoires joue à plein, comme j'ai pu le constater à Mauléon dans les Deux-Sèvres.

Je suis étonné que le projet de loi d'extension de l'expérimentation à cinquante nouveaux territoires ne soit pas inscrit à l'ordre du jour du Parlement, en dépit de la promesse du Président de la République. Plus d'une centaine de territoires se sont déclarés volontaires et plus de deux cents parlementaires soutiennent cette initiative. L'extension du dispositif était suspendue aux conclusions de rapports désormais connues.

Dans quel délai la deuxième loi d'expérimentation tant attendue sera-t-elle présentée au Parlement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Lutter contre le chômage de longue durée est une priorité du Gouvernement et des réformes qu'il mène depuis deux ans.

L'expérimentation territoriale prévue par la loi du 29 février 2016 a été lancée en janvier 2017. Quelque douze entreprises à but d'emploi (EBE) ont été créées dans dix territoires, sélectionnés sur appels à projets. Ainsi, 900 personnes éloignées de l'emploi ont été engagées, dont 750 salariés.

En 2020, 1 000 ETP supplémentaires seront financés pour 28,5 millions d'euros de contribution totale de l'État, soit une augmentation de 6,13 millions d'euros par rapport à 2019.

Il était important d'évaluer cette expérimentation avant d'envisager une éventuelle extension.

Le 25 novembre dernier, Muriel Pénicaud a réuni Laurent Grandguillaume, l'association qui porte l'expérimentation, le comité scientifique qui a remis son évaluation intermédiaire et les inspecteurs de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances, qui ont conduit une évaluation économique...

Le travail de diagnostic se poursuit pour des annonces prévues dans les prochaines semaines.

M. Philippe Mouiller.  - Je note votre soutien à cette expérimentation. Nous en demandons l'extension à de nouveaux territoires. Le diagnostic est prêt. Toutes les conditions sont réunies pour répondre à notre demande. Des non-réponses auraient des conséquences négatives pour les territoires. Il y a urgence à accélérer.

Territoires « zéro chômeur de longue durée » (II)

Mme Agnès Canayer .  - Au risque de la redondance, ma question porte également sur l'extension de l'expérimentation territoire zéro chômeur de longue durée. Nous sommes en effet nombreux à la souhaiter. Il s'agit de mettre en place des actions au plus proche du terrain, tant pour la création d'emplois que de l'accompagnement des chômeurs.

La ville de Port-Jérôme-sur-Seine et son agglomération Caux-Seine agglomération ont développé une méthodologie pour permettre la mise en place de cette expérimentation dans ce territoire dynamique où les élus locaux sont très engagés et les collectivités locales mobilisées. Ils sont, comme 105 projets validés, en attente de l'extension de l'expérimentation.

Il ne faudrait pas que l'évaluation dure trop longtemps et casse les dynamiques en cours dans les territoires. Que prévoit le Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je le redis, le Gouvernement est pleinement mobilisé contre le chômage de masse.

Le taux de chômage est passé en un an de 9,6 % à 8,6 %, soit le taux le plus bas depuis dix ans. La création nette d'emplois s'élève à 258 000 cette année et 540 000 depuis deux ans et demi et il y a aujourd'hui 458 000 apprentis, en hausse de 8,4 % au premier semestre 2019.

Ces résultats nous invitent à poursuivre l'effort engagé.

Dès le 1er septembre 2020, l'obligation de formation des 16-18 ans, sur laquelle un rapport nous a été remis hier, évitera leur invisibilité, pour lutter contre le chômage et éviter leur basculement dans la pauvreté.

Je réitère l'entier soutien des ministères du Travail et des Solidarités à cette expérimentation innovante de lutte contre le chômage de longue durée. Quelque 1 000 ETP supplémentaires seront ainsi financés en 2020 avec une contribution totale de l'État de 28,5 millions d'euros, en hausse de plus de 6 millions d'euros par rapport au budget de l'année précédente.

Nous apportons des moyens supplémentaires aux 99 départements qui ont contractualisé avec l'État dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Mme Agnès Canayer.  - La lutte contre le chômage de longue durée nécessite un travail collectif. Ceux qui sont très éloignés de l'emploi sont les plus difficiles à accompagner. Les solutions doivent partir de la base.

Réforme des auto-écoles et du permis de conduire

M. Jean-Claude Luche .  - En mai 2019, dix mesures étaient proposées pour tenter de réduire le prix du permis de conduire de l'ordre de 30 %. Les auto-écoles traditionnelles se sont inquiétées face aux sites internet qui mettent en relation les élèves avec des professeurs auto-entrepreneurs. Or leurs charges ne sont pas les mêmes, l'État perd des ressources fiscales et sociales et les emplois deviennent précaires.

Si les auto-écoles traditionnelles de l'Aveyron disparaissaient, il n'est pas certain que des auto-entrepreneurs travaillant avec des sites puissent proposer des heures de conduite. Trois mesures sur dix ayant été mises en place, quand les sept autres entreront-elles en vigueur ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur , rapporteur pour avis.  - La mobilité est une priorité du Gouvernement. Le permis de conduire constitue un véritable passeport vers l'insertion sociale et professionnelle. Le secteur de l'éducation routière a été profondément bouleversé ces dernières années. L'offre en ligne est un complément aux auto-écoles traditionnelles dès lors qu'elle respecte la réglementation. Mais nous ne voulons pas voir disparaître le modèle actuel, auquel nous sommes attachés, parce qu'il favorise le lien social dans les territoires.

Grâce à notre action, les délais de passage du permis de conduire ont largement baissé. Trois des dix mesures préconisées sont déjà entrées en vigueur : le développement de l'usage du simulateur de conduite qui requiert un local ; le développement de l'apprentissage de la conduite sur boîte automatique ; l'abaissement de l'âge de passage de l'examen dans le cadre de l'apprentissage anticipé de la conduite.

Les sept autres mesures sont en cours de déploiement : la gratuité de l'examen théorique pour les volontaires du service national universel, la mise en place d'une plateforme gouvernementale dédiée au choix de son auto-école, le développement des apprentissages accompagnés de la conduite, la mise en place d'une nouvelle épreuve théorique moto du code de la route, la modernisation de l'inscription à l'épreuve pratique de l'examen du permis de conduire et la mise en place d'un livret d'apprentissage numérique.

Le Gouvernement poursuit sa politique innovante et veille à ce que l'enseignement soit de qualité, quel que soit le modèle économique choisi.

Demande de reconnaissance de catastrophe naturelle

Mme Sabine Van Heghe .  - Je souhaite attirer votre attention sur la demande de reconnaissance de catastrophe naturelle émise par la commune de Leforest au titre de la sécheresse 2018. Des habitations ont été touchées par des mouvements de terrain, qui provoquent de véritables drames humains. Le maire de Leforest n'a pas eu d'autre choix, sa responsabilité étant engagée, que de prendre un arrêté de péril imminent, synonyme d'expulsion pour des habitants qui doivent continuer à payer leur crédit immobilier. Leur seul espoir est que l'état de catastrophe naturelle soit reconnu pour 2018, afin que les assurances puissent les indemniser.

Le budget 2020 a prévu 10 millions d'euros pour les cas les plus urgents. Je vous demande d'agir avec diligence afin que les dégâts dus aux sécheresses dans la commune de Leforest soient réparés au mieux, ce qui passe par la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour 2018.

Le régime de 1982 n'est plus du tout à la hauteur.

Nous examinerons une proposition de loi déposée par le groupe socialiste et républicain demain sur le sujet. Elle vise notamment à soutenir les élus par une cellule spécifique en cas de catastrophe naturelle.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La commune de Leforest, par arrêté interministériel du 15 octobre 2019 publié au Journal officiel du 15 novembre 2019, a fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

La procédure administrative applicable repose sur un examen approfondi de la situation. Le phénomène que vous décrivez apparaît sous deux conditions : la nature argileuse particulière du sol et une forte sécheresse. Les critères de la sécheresse ont été récemment révisés. Sur ce fondement, 18 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. Ce n'est pas le cas de la commune de Leforest, car selon Météo-France les sols ne sont pas touchés par un niveau de sécheresse anormal répondant aux conditions fixées par l'arrêté.

Mme Sabine Van Heghe.  - Merci pour ces éléments. Je vous demande de prendre en compte l'urgence et le caractère dramatique de la situation des habitants de Leforest.

Distribution de pastilles d'iode à proximité des centrales nucléaires

Mme Véronique Guillotin .  - Je vis à Villerupt, commune d'environ 10 000 habitants, en Meurthe-et-Moselle, située à 30 kilomètres d'une centrale nucléaire, et à 5 kilomètres du Luxembourg. Elle est adhérente à une communauté de communes dont certaines sont éligibles à la distribution gratuite de pastilles d'iode.

Selon la réglementation, les habitants de Villerupt - comme d'autres - en sont exclus puisque le centre-ville est situé à 22 kilomètres de la centrale.

Auparavant limité à 10 kilomètres, ce rayon a doublé, ce qui est une sage décision. Une campagne complémentaire de distribution de comprimés d'iode est donc venue récemment s'ajouter à la campagne déjà effectuée auprès des personnes vivant à moins de 10 kilomètres d'une centrale nucléaire.

Or nos voisins européens font preuve d'une plus grande vigilance. Il est possible en Belgique de récupérer des pastilles gratuitement dans un périmètre de 100 kilomètres autour des installations. Et le Luxembourg distribue de l'iode à l'ensemble de sa population en prévision d'un éventuel accident à la centrale de Cattenom en Moselle, alors que les habitants sont plus éloignés de la centrale.

Alors que nos centrales sont vieillissantes, une réflexion devrait être engagée pour élargir le périmètre de la distribution des pastilles. Il n'y a pas d'économies à faire dans ce domaine.

Peut-on envisager une telle extension, au moins au niveau de l'intercommunalité ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Des campagnes sont régulièrement organisées : la distribution dans les écoles et les entreprises, tous les sept ans environ, est désormais prévue dans un rayon de 20 kilomètres. Elle offre l'occasion d'informer les riverains.

Les comprimés peuvent être retirés en pharmacie - 150 000 unités avaient été retirées en novembre - sur présentation d'un justificatif de domicile. Le pré-positionnement dans les zones où l'urgence est moindre garantit une meilleure traçabilité et de meilleures conditions de stockage.

Les préfets organisent les plans de distribution de comprimés d'iode en tant que de besoin.

Les campagnes de distribution sont l'occasion de sensibiliser la population aux risques et de mobiliser les citoyens, les maires et les professionnels de santé.

Mme Véronique Guillotin.  - Vous vous contentez de rappeler la législation en vigueur. Ma question était différente : comment éviter des trous dans la raquette au sein d'une intercommunalité ?

Financement de la démocratie

M. Rachid Temal .  - La promesse d'égalité sur laquelle repose notre démocratie, et selon laquelle un citoyen égale une voix, s'estompe. Qui décide du contenu du débat démocratique dans notre pays ? Les citoyens ? Les médias ? Les partis ? Nul ne pensera aux banques... Or ce sont elles qui, détenant les clés du financement des campagnes électorales, décident de notre avenir !

La démocratie a besoin de pluralité. La banque de la démocratie était une belle promesse et une bonne idée, adoptée dans la loi « pour la confiance dans la vie politique » adoptée en septembre 2017. Depuis, ni son ni image ! La garde des Sceaux, que j'avais interrogée en juillet 2018, m'avait indiqué que la condition de défaillance du marché, indiquée par le législateur, « ne paraissait pas caractériser la situation actuelle ». Or les élections européennes du 26 mai 2019 ont mis en lumière de nombreuses difficultés de financement du système démocratique français. La banque publique de la démocratie doit devenir une réalité et les outils existent, avec la Caisse des dépôts et consignations et la Banque publique d'investissement. Comment allez-vous la faire aboutir ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Un médiateur du crédit a été créé par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Il n'a pas relevé de difficultés systémiques concernant les 34 listes aux élections européennes. Son rapport a toutefois établi que huit listes ont connu des difficultés pour ouvrir un compte bancaire et neuf se sont vu refuser un prêt bancaire.

Il a formulé plusieurs recommandations aux banques pour les encourager à réduire les délais. Les candidats doivent également mieux connaître les critères des banques : la création d'un site internet dédié y contribue. Ils doivent aussi recourir aux dons et aux emprunts auprès des particuliers - c'est une nouveauté déjà expérimentée lors des dernières élections européennes. Depuis la loi du 2 décembre dernier, qui entrera en vigueur le 30 juin 2020, les partis et candidats pourront recueillir des fonds via un financement participatif.

M. Rachid Temal.  - Vous admettez des difficultés... Nous le savons tous ici ! Il faut agir. Votre réponse m'inquiète. À mon sens, et conformément à la loi votée, c'est à l'État qu'il revient de mettre en place la banque de la démocratie. Sinon, l'argent décide de notre vie publique...

Règlement de défense incendie et secours en Seine-Maritime

Mme Céline Brulin .  - Je souhaite vous interpeller sur l'application très stricte, en Seine-Maritime, des distances maximales autorisées entre les habitations et les bornes incendie, telles que définies dans le référentiel national mentionné dans l'arrêté du 15 décembre 2015, et qui empêche bien souvent les maires de délivrer de nouveaux permis de construire, compte tenu des coûts impliqués. Le règlement national ne tient pas compte des spécificités locales.

L'État ne peut en laisser les responsabilités au SDIS. Comment comptez-vous répondre à cette situation, l'une des principales préoccupations des maires de mon département ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La défense extérieure contre l'incendie (DECI), placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale chargé d'un pouvoir de police administrative spéciale, a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à couvrir, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin. La réforme de la DECI en 2015 répond à un besoin de souplesse des territoires, pour adapter la réglementation au risque incendie.

La réglementation peut sembler contraignante aux communes rurales, mais elle peut évoluer. Elle ne doit en aucun cas avoir des conséquences sur la qualité de l'eau potable. Son coût financier doit également rester supportable.

Mme Céline Brulin.  - Je retiens que ce règlement peut évoluer... Je vous remercie d'intervenir pour que cette souplesse soit effective en Seine-Maritime. Nous avons le sentiment de deux poids deux mesures depuis l'incendie de Lubrizol.

État civil et usage du tilde

M. Michel Canevet .  - Je suis heureux que vous me répondiez, monsieur le ministre...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Eh oui !

M. Michel Canevet.  - ...car vous êtes particulièrement concerné par les questions de patronymie. En Bretagne, un couple a décidé de prénommer leur enfant Fañch, François en breton, qui s'écrit avec un tilde et c'est ainsi qu'en mai 2017, la ville de Quimper l'a enregistré à l'état civil. Il subit depuis des procédures judiciaires, à l'initiative du procureur de la République, auquel le tribunal de grande instance de Quimper a donné raison, ce qui ne fut le cas ni de la cour d'appel de Rennes, ni de la Cour de cassation.

Allez-vous revoir en conséquence la circulaire ministérielle du 23 juillet 2014 relative à l'état civil, qui ne reconnaît pas l'usage du tilde ?

Le sujet n'est pas éteint en effet. Si l'on se réfère au décret Robespierre de l'an II ou à l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le tilde appartient bien à la langue française, de longue date !

Le Gouvernement est-il donc enfin décidé à l'ajouter à la circulaire du 23 juillet 2014 ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La liste que vous mentionnez, des consonnes et voyelles admises à l'état civil, ainsi que des signes diacritiques souscrits ou suscrits, dressée par la Chancellerie dans ladite circulaire, ne comprend effectivement pas le tilde. Elle a été validée en 2014 puis en 2018 par l'Académie française. La Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur le fond de l'affaire, mais sur le motif que les parents avaient été appelés en leur qualité personnelle et non en tant qu'administrateurs légaux de l'enfant.

Les services de l'État étudient la faisabilité d'une intégration des signes diacritiques pour la prise en compte de l'orthographe de certains prénoms issus de langues régionales au regard des enjeux normatifs et de la charge de travail des officiers d'état civil. Les textes en vigueur, confirmés par la jurisprudence, autorisent les officiers d'état civil à délivrer des documents bilingues ou traduits en langue régionale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Qu'en pensez-vous personnellement, monsieur le ministre ?

M. Michel Canevet.  - Vous faites une toute petite ouverture mais je regrette l'entêtement du Gouvernement. J'ai présenté avec plusieurs collègues un amendement à ce sujet à la proposition de loi que nous examinerons jeudi prochain.

Multiplication d'actions violentes de militants « végans »

M. Guillaume Chevrollier .  - Les violences menées par des militants « végans » anti-viande et anti-élevage à l'encontre de boucheries-charcuteries, fromageries, abattoirs ou exploitations agricoles sont fréquentes et inacceptables. Entre 2017 et 2018, plus d'une centaine d'actions illégales ont eu lieu partout en France.

Nous avons le devoir de soutenir nos professionnels. En Mayenne, nous avons mis en place un observatoire de l'agribashing. Des actions fermes doivent être engagées contre les contrevenants, qui bafouent la propriété privée. Le Gouvernement condamne-t-il ces actions radicales ? Quelle évolution du cadre législatif imaginer pour protéger concrètement les éleveurs ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Je vous confirme que Mme  Belloubet, M. Castaner et moi-même suivons avec la plus grande attention les attaques qui ont cours contre la filière agricole. Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre ces actions violentes.

Une circulaire du 22 février 2019 a rappelé aux parquets les sanctions pénales encourues par les auteurs de tels actes et appelés à la vigilance concernant les mouvements animalistes radicaux. Une cellule spécifique de la gendarmerie nationale, nommée Demeter, facilite l'identification des personnes en infraction : à Roanne, six personnes ont été condamnées pour entrée illégale sur une propriété privée ; même chose à Paris contre ceux qui ont attaqué une boucherie.

La garde des Sceaux estime que le cadre juridique actuel permet, dans la plupart des cas, de répondre efficacement aux actions violentes subies par les professionnels de la filière animale.

Toutefois, elle a rencontré il y a quelques jours les représentants de la FNSEA. Elle souhaite une réécriture sans ambiguïté du délit de violation de domicile, afin qu'il s'applique y compris en cas d'intrusion dans les locaux professionnels d'une exploitation agricole.

M. Guillaume Chevrollier.  - Merci. Ces précisions sont très attendues. Nos agriculteurs, fragilisés, souhaitent un soutien des pouvoirs publics contre ces minorités excessivement violentes et radicalisées. Il faut que l'État soit eu rendez-vous de l'apaisement des tensions dans les territoires ruraux.

Assassinat des deux journalistes français à Kigal en 2013

M. Jean-Pierre Sueur .  - Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes de Radio France internationale (RFI), ont été assassinés le 2 novembre 2013 dans la région du Kidal au Mali. Ces deux journalistes ont été enlevés par quatre hommes armés avant d'être abattus quelques kilomètres plus loin. Selon les enquêteurs, le véhicule des ravisseurs serait tombé en panne et ces quatre hommes auraient éliminé les deux otages avant de prendre la fuite.

Plusieurs zones d'ombre demeurent. Le chef du commando était connu des services de renseignement, ayant été auditionné par des agents de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) quelques mois avant le rapt et l'assassinat des journalistes. Une deuxième entrevue aurait été prévue avec lui, laissant supposer qu'il aurait pu être recruté comme informateur pour les services extérieurs français. Qu'en est-il ?

Différentes enquêtes effectuées par des journalistes mettent en avant un possible lien probable entre cet assassinat et « l'affaire d'Arlit », l'enlèvement de plusieurs employés d'Areva en 2010 au Niger. Leur libération aurait été négociée par la France en échange d'une rançon de 30 millions d'euros. L'enlèvement et l'assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, survenus quelques jours après la libération des otages d'Areva, auraient été commis par les membres d'un bataillon considérant qu'ils avaient été floués dans la transaction. Qu'en est-il ?

Enfin, il existe deux versions strictement contradictoires sur un fait essentiel. Les autorités françaises ont formellement assuré que les militaires français étaient arrivés après le drame et n'avaient jamais eu de contact avec les ravisseurs. Un rapport des Nations unies expose le contraire. Quelle est la vérité ?

Enfin, selon RFI, les gendarmes chargés du procès-verbal sur place ont indiqué être intervenus sur une « scène de crime largement souillée et modifiée ». Or le détachement de Serval avait « reçu l'ordre de ne toucher à rien »...

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Une information judiciaire est en cours à laquelle le ministère des Armées prête son concours diligent. Les enquêteurs de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), à l'époque, sont intervenus très rapidement. C'est avec le soutien logistique de l'armée française que les gendarmes ont mené leur enquête. La police judiciaire en a également bénéficié. Le ministère des Armées a été sollicité en 2015 et en 2016 par les magistrats en charge de l'enquête.

Toutes les demandes de déclassification ont donné lieu à la transmission de documents. Si certains documents n'ont pas été déclassifiés, c'est uniquement dans le souci d'assurer la continuité des opérations et la protection du personnel. Le ministère s'est efforcé de répondre le plus complètement possible aux interrogations des familles. Reste que tout ce qui relève du secret de l'enquête n'a pas à être exposé publiquement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Sénat - comme les équipes de RFI - ne peut qu'être déçu de ne pas recevoir de réponses précises à ces questions.

Oubliés de la Nation

M. Yannick Vaugrenard .  - Selon le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la mention « mort au service de la Nation » peut être attribuée à une personne « décédée du fait de l'accomplissement de ses fonctions dans des circonstances exceptionnelles ». L'appréciation des « circonstances exceptionnelles » est laissée au ministre en fonction.

Avant 2017, la mention « mort au service de la Nation » était attribuée aux militaires décédés accidentellement en exercice opérationnel. Mais depuis 2017, les décisions de la ministre vont à l'encontre de l'esprit initial du décret du 28 décembre 2016. Les demandes faites pour des militaires décédés accidentellement lors d'exercices opérationnels ou en mission intérieure sont systématiquement refusées.

Ces décisions, mal comprises, instaurent une injustice entre les militaires qui décèdent en exercice et ceux décédés à l'entraînement. Pour ces derniers, les enfants ne sont pas reconnus comme « pupilles de la Nation », le conjoint ne perçoit que 50 % de la pension de réversion. Leur nom ne sera pas gravé sur le monument aux morts de leur commune.

Le 22 mai, une proposition de loi de l'Assemblée nationale a été déposée pour assainir la situation. Qu'en pensez-vous et comment contribuerez-vous à supprimer l'arbitraire dans l'attribution de la mention ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Cette mention a été créée en 2012 au lendemain des attentats commis par Mohammed Merah. Le décret de 2016 a ajouté le décès dans des circonstances exceptionnelles. Il a créé des incertitudes. Or les mesures symboliques n'ont de valeur que si elles sont précisément ordonnées. Le ministère des Armées cherche à mettre fin au flou qui entoure celle-ci.

Il n'est pas souhaitable d'étendre de manière infinie les marques de reconnaissance. Toutes les morts sont tragiques, bien sûr. Le ministère des Armées apporte un soutien sans faille aux familles. Des dispositions sont déjà prévues par le ministère pour les familles de tous les militaires décédés, via des allocations du fonds de prévoyance et une aide à l'éducation, notamment.

M. Yannick Vaugrenard.  - Il ne s'agit pas d'étendre à l'infini le bénéfice de cette mention. Il s'agit de ceux qui meurent à l'entraînement, or celui-ci est absolument nécessaire pour mener la défense du pays. La distinction avec le décès en opération est trop floue. Il faudrait l'atténuer.

Enseignement du flamand occidental et des langues régionales

M. Jean-Pierre Decool .  - Qu'il s'agisse du flamand ou du picard, le Président de la République avait annoncé, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle, vouloir encourager l'enseignement des langues minoritaires et régionales. Nous tenons à cette promesse.

Depuis 2017, cet enseignement, indispensable au maintien et à la transmission des langues régionales, a plutôt tendance à reculer. Le Gouvernement semble avoir renoncé à protéger les langues minoritaires.

Pour le cas de l'enseignement du flamand occidental, chez nous, l'unique enseignant est parti à la retraite et n'a pas été remplacé malgré les nombreuses revendications des élus locaux et des familles dont les enfants bénéficiaient de l'enseignement de l'Institut régional de la langue flamande, soutenu par la région Hauts-de-France. En serait-il de même pour un enseignant d'anglais, voire pour un enseignant de la langue basque à Biarritz ?

Cet exemple est symptomatique du mépris du Gouvernement pour les langues minoritaires et régionales, qui participent pourtant de l'identité des territoires de la République.

Que compte faire le Gouvernement pour encourager l'apprentissage d'une langue locale ?

Entendez-vous remplacer le professeur de langue flamande parti à la retraite, afin de ne pas rompre la continuité de l'enseignement flamand dans le département du Nord ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le flamand occidental n'entre pas dans les critères prévus par la circulaire de 2017. L'apprentissage du néerlandais dans la région que vous mentionnez répond à de forts enjeux économiques et d'employabilité et l'Académie de Lille en fait une priorité dans le département du Nord. L'enseignement du néerlandais n'exclut pas la connaissance des variations dialectales telles que le flamand occidental. Son apprentissage peut aussi se faire à l'école, avec une sensibilisation menée dans le cadre des cours de langue vivante ou d'histoire. La proximité linguistique entre le néerlandais et le flamand occidental peut être avantageusement mise à profit.

Un enseignement du flamand occidental est dispensé dans trois écoles primaires dans le cadre d'une expérimentation.

Cet enseignement peut aussi se faire dans le cadre des activités culturelles complémentaires prévues à l'école.

M. Jean-Pierre Decool.  - Pourquoi faire un cas particulier du flamand occidental ? Le professeur partant à la retraite sera-t-il remplacé ?

Freins au développement de l'agroforesterie

M. Dominique Théophile .  - En Guadeloupe, où la culture de la banane et de la canne à sucre est fragilisée par un contexte économique et social difficile et par la concurrence des pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique, les cultures de niches, café, cacao ou vanille, offrent des perspectives intéressantes. Destinées à l'exportation, elles permettraient à la Guadeloupe de diversifier sa production agricole.

La production en sous-bois apporte une réponse à la réduction du foncier disponible, et, non mécanisées, ces productions sont pourvoyeuses d'emplois.

Il existe actuellement un projet sur le territoire de Bouillante. Cependant, le fait que l'agroforesterie relève désormais de la foresterie, et non plus de l'agriculture, bride son développement, en Guadeloupe comme ailleurs. Il en résulte une baisse des financements alloués. Ferez-vous évoluer cette classification afin de favoriser le développement de cette activité ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je souhaite cette évolution en faveur de l'agroforesterie. Nous devons travailler sur les niches. Les territoires d'outre-mer doivent diversifier leur production en développant de nouvelles niches résilientes, porteuses d'emploi.

Nous devons avancer vers des pratiques vertueuses : bocages, alignements parcellaires, prés-vergers... Pour ce qui est de l'agroforesterie, très importante en Guadeloupe, il existe deux dispositifs d'aide de la PAC : les aides à l'entretien via les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et surtout les aides à l'investissement. L'agroforesterie doit avoir toute sa place dans le développement national. Dans le cadre de la PAC post-2020, nous promouvrons l'agroforesterie grâce à des financements qui, j'espère, seront favorables.

M. Dominique Théophile.  - Canne à sucre, banane sont des cultures trop limitées pour notre territoire. Nous devons diversifier notre production pour créer des emplois. La chambre de commerce s'y attèle. Le financement est au coeur des préoccupations des porteurs de projet. Un soutien des pouvoirs publics est souhaitable.

Recommandations relatives à la consommation de fromages au lait cru

M. Max Brisson .  - Camembert, reblochon, picadou sont bannis de nos cantines scolaires depuis les recommandations émises en juin 2019 par l'administration quant aux risques liés à la consommation de fromages au lait cru.

L'application stricte du principe de précaution conduit certaines cantines à ne prendre aucun risque mettant en difficulté les producteurs.

Les collectivités favorisent les modes de productions locales, notamment à travers des campagnes de sensibilisation ; et l'Éducation nationale favorise l'éducation au goût, via notamment la semaine du goût qui connaît un grand succès. Il serait paradoxal que votre ministère aille contre et conforte la prééminence de l'alimentation industrielle, qui n'est pas non plus exempte de risques.

Qu'envisagez-vous pour résoudre cette situation ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous êtes comme moi amateur de bonne chère. Notre pays a la chance de bénéficier d'une alimentation de qualité. Pourquoi se priver de bons fromages au lait cru, alors que chacun se régale du bon camembert normand ?

N'opposons pas les uns aux autres. Le manger bio et local, comme le promeut le département des Pyrénées-Atlantiques, est l'avenir des cantines scolaires.

Je soutiens les producteurs de fromages au lait cru, ces fromages qui renferment une flore vivante et variée, favorable à la santé. On ne peut cependant nier les dangers de la salmonelle. Suivant le principe de précaution, les autorités sanitaires mettent en garde contre la consommation de lait cru chez les enfants de moins de 5 ans, particulièrement exposés au risque, 110 % de plus que les adultes !

Pour autant, il ne s'agit pas d'interdire absolument la consommation de ces fromages. Le ministère de l'Agriculture les promeut.

M. Max Brisson.  - J'espère que le ministre, parlant de bonne chère, ne vise pas mon embonpoint. (Sourires)

Il ne faut pas que les responsables de restauration collective aillent trop loin dans l'application de ce principe de précaution.

Enseignement agricole

M. Jean-Marie Mizzon .  - Vous déclariez en janvier 2019 que l'enseignement agricole était au coeur de vos priorités. Pourtant cette filière de formation est, aujourd'hui encore, bien méconnue des jeunes et peu attractive.

À ce jour, 806 établissements répartis sur l'ensemble du territoire, dont une majorité d'établissements privés sous contrat, accueillent 160 000 élèves de la 4e au brevet de technicien supérieur (BTSA), chiffre auquel s'ajoutent 35 000 apprentis. Quelque 40 % des formations proposées sont en lien avec la nature : agriculture, forêt, environnement, agroalimentaire, paysage, horticulture, viticulture.

Cette filière permet, en outre, d'intégrer l'enseignement supérieur agricole qui, avec douze écoles publiques, délivre des diplômes de vétérinaires, d'ingénieurs agronomes, de paysagistes ou encore de professeurs de l'enseignement agricole.

Enfin, la pédagogie y est très largement ouverte sur le monde. Les jeunes trouvent facilement un emploi au terme de leur scolarité.

Aussi le manque d'intérêt pour cette filière est-il d'autant plus incompréhensible. Pourquoi ne communiquez-vous pas davantage sur l'enseignement agricole et ne valorisez-vous pas plus cette filière auprès des jeunes ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous parlez d'or. L'enseignement agricole est un joyau, une pépite. Dès ma nomination, j'ai dit que si nous voulions de nouvelles pratiques agricoles et une transition agro-écologique réussie, nous n'y parviendrions que par la formation.

Hélas, depuis dix ans, le nombre d'élèves en formation agricole reculait. Avec Jean-Michel Blanquer, l'an dernier, nous avons lancé lors du Salon de l'agriculture une campagne intitulée « L'aventure du vivant ».

L'enseignement agricole - public, privé ou maison familiale rurale - doit devenir un choix premier pour les élèves, non un choix par défaut. Résultat, nous avons gagné cette année 750 élèves alors que nous en perdions 4 000 par an.

Notre communication sur internet a été vue par douze millions de personnes. Nous poursuivons l'effort : cette année, un bus de l'Aventure du vivant circulera dans les territoires ruraux comme dans les quartiers des villes.

L'enseignement agricole est un vivier pour que l'agriculture française soit résiliente demain.

M. Jean-Marie Mizzon.  - L'agriculture doit être accompagnée à tous les échelons. Vous me dites que la courbe de fréquentation s'est inversée. Je n'en doute pas et vous encourage à poursuivre.

Réalisation d'équipements pour les Jeux olympiques de 2024

M. Gilbert Roger .  - Ma question porte sur les risques de non-réalisation dans les délais de certains équipements des Jeux olympiques de 2024 mais aussi sur les surcoûts, relevés depuis mars 2018 dans un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) remis au Gouvernement, conforté par un article de presse récent, très documenté.

La métropole du Grand Paris a voté le 4 décembre 2019 la prolongation des négociations en vue de l'attribution du chantier du centre aquatique olympique (CAO), les projets des entreprises candidates étant jugés trop coûteux. Les offres se situeraient au moins entre 25 à 30 % au-dessus du budget prévu de 113 millions d'euros, comprenant le centre aquatique lui-même, à Saint-Denis, et une passerelle piétonne enjambant l'autoroute A1 pour relier le CAO au Stade de France.

L'attribution devait se faire à la mi-novembre 2019, le chantier devant commencer début 2021.

Je souhaite que vous puissiez renouveler l'engagement du Gouvernement à tenir les délais et les budgets du projet olympique, tout en en maintenant l'ambition et l'utilité des infrastructures pour les habitants du territoire.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports .  - Nous devons veiller à ce que la construction des équipements se fasse dans les délais, à des coûts maîtrisés. C'est le cas. La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) est totalement alignée sur le calendrier des JO. Les travaux se déroulent bien. Les collectivités territoriales, que j'ai toutes rencontrées à la préfecture de Seine-Saint-Denis, entretiennent de bonnes relations avec la Solidéo, comme avec le Comité d'organisation des jeux.

L'État, premier financeur de la Solidéo, assure un suivi permanent des travaux et de leur financement. En 2019, nous avons connu une forte activité juridique en raison des procédures d'urbanisme. Aujourd'hui, la quasi-totalité du foncier nécessaire aux équipements olympiques est sécurisée. Avec le Premier ministre, nous avons lancé les travaux du village olympique le 4 novembre 2019. Un grand nombre de permis de construire seront déposés au premier semestre 2020, afin que les opérations soient engagées dès cette année.

Les engagements financiers sont maîtrisés, malgré la forte tension des prix du BTP en Île-de-France. Le 14 juin 2018, un nouveau protocole a été signé, pour optimiser le programme de construction tout en respectant l'enveloppe financière initiale, notamment pour le centre aquatique.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Roxana Maracineanu, ministre.  - Les trois ministères - Comptes publics, Ville et Sport - sont mobilisés, je puis vous l'assurer.

Règles applicables dans le périmètre de protection d'un bâtiment classé

M. Bernard Fournier .  - J'appelle votre attention sur les règles applicables en matière architecturale, notamment dans le périmètre de protection d'un bâtiment classé.

La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine avait pour but de conforter et de moderniser la protection des patrimoines, en simplifiant le droit des espaces protégés, tout en le rendant plus intelligible pour les citoyens.

Entendue par notre commission de la culture, la présidente du conseil national de l'ordre des architectes convenait que « la loi, intelligemment, prévoit désormais un périmètre réfléchi selon les perspectives et les abords d'un monument classé, au lieu des systématiques 500 mètres » et que « la loi porte une ambition nouvelle pour la qualité architecturale. Il est nécessaire de marier l'architecture contemporaine et les sites classés ».

Mais dans les faits, malheureusement, le traitement effectué par les services des directions régionales des affaires culturelles et par les unités départementales de l'architecture et du patrimoine ne va nullement dans ce sens !

Le développement des communes, notamment rurales, est très largement contraint aujourd'hui en matière de consommation des espaces agricoles, avec un empilement de réglementations : plans locaux d'urbanisme (PLU), schémas de cohérence territoriale (SCoT), programmes locaux de l'habitat (PLH)... Que nous réserve l'avenir ? Seule certitude, les contraintes et les restrictions seront encore plus fortes.

Le Premier ministre a déclaré au Congrès national des maires ruraux de France de 2019 que le Gouvernement souhaitait « lutter contre l'artificialisation des sols, ce qui implique de renforcer les outils disponibles pour réhabiliter le bâti ancien ou pour mieux réguler les activités commerciales. Il faut faire attention au développement des espaces urbains ou périurbains » a-t-il ajouté.

Si les communes rurales et périurbaines veulent continuer d'être dynamiques, il faut permettre une réhabilitation du bâti existant, même dans les périmètres de protection d'un bâtiment classé, sinon toute perspective d'évolution architecturale sera bloquée !

Aujourd'hui, les demandes de permis sont systématiquement rejetées...

Il faut pourtant moderniser des bâtiments et rénover des habitations. Nous ne pouvons mettre sous cloche des pans entiers de nos communes. Quelle est votre analyse et quelles sont vos intentions ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports .  - La loi du 7 juillet 2016 a remplacé les périmètres automatiques de 500 mètres par des périmètres plus adaptés aux enjeux locaux. Déjà plus de 300 périmètres « PDA » ont été établis.

Tous les travaux en leur sein sont validés par les habitants via l'enquête publique et soumis à l'architecte des bâtiments de France, qui prend notamment en compte les enjeux de développement durable.

L'un des objectifs est d'éviter l'étalement urbain et la désertification des centres-villes.

Le patrimoine peut évoluer grâce à la création architecturale qui mêle les éléments historiques et contemporains. Cela contribue à lutter contre l'étalement urbain. On peut citer les exemples du centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine de Sedan, du musée des beaux-arts de Dijon ou l'école de musique de Louviers. Nous sortons de la logique du jetable au profit de celle de réutilisable.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.