Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement sous le format adapté que nous avons défini la semaine dernière, dans le respect des règles sanitaires.

Plan de déconfinement

M. Rémi Féraud .  - « Voilà donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre ». Ce sont vos mots, monsieur le Premier ministre, et ils disent l'importance du sujet.

Nous avons noté votre grande prudence - un déconfinement sous conditions, par étapes, sur mesure selon les territoires. Mais nous restons dubitatifs sur les modalités et les moyens mis en oeuvre.

Vous ne nous avez pas convaincus : trop d'ambiguïtés demeurent, y compris sur les masques, sujet pourtant évoqué depuis des semaines. Le flou qui entoure la reprise de l'école inquiète les parents, les enseignants, les maires. Les principes qui vous guident en la matière ne semblent pas être ceux de la réussite scolaire et de l'égalité des chances...

En outre, vos réponses à la crise sociale qui s'annonce ne nous semblent pas à la hauteur. Que penser, lorsque la ministre du travail annonce un durcissement des conditions du chômage partiel au 1er juin et la volonté de reprendre la réforme de l'assurance chômage cet automne ?

Quand le Gouvernement lèvera-t-il les incertitudes autour de son plan ? Quand mettrez-vous enfin l'urgence sociale au coeur de votre action ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - J'avais beaucoup d'estime et d'affection pour Henri Weber, élu de Seine-Maritime, et je m'associe à vos propos, monsieur le Président.

Je l'ai dit hier, nous devons être à la fois prudents et résolus. Prudents, car le déconfinement est un processus risqué. Résolus, car ne pas déconfiner le serait au moins tout autant.

Nous sommes condamnés à avancer prudemment. Je tiens donc à ce que le déconfinement se fasse progressivement et avec transparence, en vérifiant que l'évolution du virus est circonscrite et en annonçant le résultat des mesures prises.

Il faut territorialiser les mesures pour des raisons évidentes. J'ai indiqué la volonté du Gouvernement de permettre la réouverture progressive des écoles : pré-élémentaires et primaires en priorité, puis collèges là où cela est possible ; pour les lycées, nous verrons à partir du 31 mai.

Je connais bien les écoles de la ville dont j'ai été maire ; dans certaines, les locaux, le taux d'occupation, les investissements récents font que les conditions que nous avons fixées pourront être respectées. Dans d'autres, ce sera plus difficile. C'est pourquoi j'ai plaidé pour la différenciation, qui passera par un dialogue de confiance entre les maires, les directeurs d'école et les représentants de l'État.

On peut ne pas être d'accord, mais nous voulons que l'école reprenne, que les enfants puissent retrouver le chemin de la classe, dans le respect des règles sanitaires. Il y aura donc une discussion locale pour appliquer le principe.

Il n'y a pas de flou : il y a une doctrine, et il y aura des applications. Je ne peux évidemment pas détailler l'ensemble des modalités de la réouverture de chaque école, mais je peux faire état d'une volonté, et de principes : pas plus de quinze élèves par classe, par exemple. Je fais confiance aux directeurs d'école, aux maires, aux représentants de l'État, qui sont aux plus près du terrain.

Si vous avez une autre méthode, n'hésitez pas à m'en faire part ! Nous tablons sur la prudence, la progressivité et la confiance.

M. Rémi Féraud.  - Nous partageons la prudence. Il reste très peu de temps pour lever les ambiguïtés sur la reprise de l'école.

Sur l'urgence sociale, nous aimerions que vous ne soyez pas prudent mais résolu.

Mobilisation de l'administration

Mme Colette Mélot .  - Il y a 75 ans, le 29 avril, les femmes votaient pour la première fois en France.

La Nation a fait bloc face au Covid-19 qui a emporté plus de 20 000 de nos compatriotes. La première ligne, celle des soignants, n'a pas fléchi ; la deuxième ligne a tenu bon. Et la grande majorité de nos concitoyens a scrupuleusement observé les mesures barrières.

Cette unité sera précieuse pour le déconfinement. La coopération de toutes les composantes de la société sera essentielle pour remettre notre pays en marche.

Plusieurs administrations ont connu une baisse considérable d'activité durant le confinement, comme la Justice, aujourd'hui quasiment à l'arrêt, qui aura d'importants retards à rattraper. La Poste aussi a connu des difficultés, heureusement en voie d'amélioration.

Nous avons été entendus sur la nécessité de continuer à délivrer les permis de construire afin de ne pas mettre en péril la reprise des chantiers. Mais les chantiers de rénovations énergétiques sont suspendus par l'absence de décision de l'administration, car le financement via les certificats d'économie d'énergie suppose le contrôle de qualité. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Les entreprises ont besoin de visibilité et de flexibilité. Que comptez-vous faire pour que la reprise de l'administration accompagne celle de nos concitoyens ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - En effet, l'administration a dû ralentir son activité pendant la période de confinement, du fait de la mise en oeuvre des plans de continuité d'activité.

Je veux retenir le formidable engagement des agents des trois fonctions publiques pour que les fonctions essentielles soient tenues. Un agent de l'État sur quatre se trouve en télétravail.

J'échange très régulièrement avec les neuf organisations syndicales, les DRH des ministères et les employeurs territoriaux pour apporter des réponses et assurer la protection des agents.

C'est avec le même souci du dialogue que nous organisons aujourd'hui la reprise, sur des sujets parfois techniques - titularisations, décalage des concours, gestion des trains de paie ou déplafonnement des comptes épargne-temps.

Chaque ministère a formalisé un plan de reprise de l'activité, en cohérence avec les orientations fixées par le Premier ministre.

La fonction publique représente un actif sur cinq. Nous avons besoin de son soutien pour le rebond de notre pays.

Secteurs touristique et culturel

Mme Catherine Dumas .  - Comme l'a rappelé Colette Mélot, les femmes votaient pour la première fois il y a 75 ans - grâce à une ordonnance du Général de Gaulle.

Monsieur le Premier ministre, si votre propos, hier, a laissé entrevoir un déconfinement pour de nombreuses activités, certes assorti de conditions à préciser, l'horizon d'un retour à la normale s'est éloigné pour les festivals, les salles de concerts, les théâtres, les cinémas... Idem pour les restaurants, les cafés, les hôtels, les campings, les parcs d'attraction, les voyagistes, dont l'avenir est très incertain.

Ces secteurs sont largement composés de PME et d'indépendants ; la crise sanitaire leur a déjà mis un genou à terre. Une vague de faillites et de disparitions est à craindre. Le tourisme, c'est plus d'un million de salariés et 8 % de notre PIB ; les industries culturelles contribuent sept fois plus au PIB que l'automobile !

Or le Gouvernement a refusé la proposition du Sénat d'annuler les charges qui pèsent sur ces entreprises, préférant un simple report. Je ne doute pas que face au drame qui s'annonce, vous finirez par suivre le Sénat. N'attendez pas ! Les restaurateurs, les directeurs de théâtre attendent de voir le bout du tunnel.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le secteur du tourisme, comme ceux de la culture et du sport, a vu son activité s'effondrer. La réponse du Gouvernement a été rapide et massive : activité partielle, prêts garantis de l'État à hauteur de 4,7 milliards d'euros pour le tourisme.

Le Président de la République a évoqué, le 13 avril dernier, des annulations de charges dans le secteur du tourisme pour les mois de mars à juin. Comme la reprise d'activité sera progressive, nous préparons des mesures d'accompagnement, de soutien et de relance du secteur ; elles seront arrêtées lors du comité interministériel du tourisme, le 14 mai.

Avec la Caisse des dépôts, la Banque des territoires et la BPI, nous évoquions ce matin des mesures de financement, d'investissement, d'ingénierie. Nous serons aux côtés de ces acteurs du tourisme, de ces restaurateurs, de ces « maisons » qui sont parfois l'héritage de plusieurs générations, et qui font le rayonnement de la France.

Mme Catherine Dumas.  - Il est de notre devoir de relayer également la détresse de ces professionnels de la culture que l'on empêche de travailler. Élue de Paris, j'y suis particulièrement sensible - alors que la Mairie de Paris n'y accorde, à ce jour, aucun intérêt ! (Sourires sur diverses travées)

M. Ronan Dantec.  - Ambiance...

Responsabilité pénale des employeurs

M. Jean-Marie Bockel .  - À la suite des annonces que le Premier ministre a faites hier à l'Assemblée nationale, on ne peut que se féliciter de la confiance que le Gouvernement accorde aux territoires pour mener au mieux le déconfinement. Cela passe par la responsabilité des collectivités, dans un climat de partenariat et de confiance avec l'État.

Il reste néanmoins beaucoup de points en suspens comme la responsabilité personnelle, y compris pénale, des employeurs dans le cadre du déconfinement - dans les secteurs privé, associatif, mais aussi public - en particulier les collectivités territoriales et les maires. Tous doivent se mobiliser et s'organisent de leur mieux pour permettre à leur personnel de reprendre le travail dans le strict respect des consignes sanitaires que le Gouvernement a établies et avec les moyens matériels dont ils disposent.

Toutefois, le risque zéro n'existe pas.

Certaines décisions devront tôt ou tard être prises, telles que la réouverture progressive des écoles, qui suscitent des craintes parmi les élus, notamment du fait du risque juridique qu'ils encourent. C'est l'esprit de la proposition de loi déposée cette semaine par Hervé Maurey.

Le respect des règles sanitaires par les gens du voyage et leur installation dans les zones d'accueil sont également problématiques.

Face aux inquiétudes persistantes, envisagez-vous un aménagement des règles de responsabilité, hors les cas de faute grave, dans le cadre d'un état d'urgence sanitaire prolongé ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Il serait effectivement inconcevable qu'élus locaux et employeurs s'engagent pour la reprise de l'activité avec la crainte de voir leur responsabilité juridique mise en cause.

Les règles posées par le code pénal en matière de responsabilité des élus locaux ou des employeurs privés pour mise en danger de la vie d'autrui, pour homicides ou blessures involontaires, reposent sur la recherche d'un comportement sciemment dangereux, de la prise délibérée d'un risque, au mépris de la sécurité des autres. La responsabilité pénale ne peut donc être recherchée qu'en cas de violation délibérée d'une loi ou d'un règlement posant une obligation particulière de prudence ou de sécurité ou, en l'absence de norme, qu'en cas de faute caractérisée c'est-à-dire avec la conscience de la mise en danger d'autrui, en s'affranchissant du bon sens.

L'assemblée plénière de la Cour de cassation juge que l'employeur qui prend les mesures de prévention nécessaires respecte ses obligations légales en matière de protection de la santé de ses salariés. Son obligation n'est que de moyen renforcée.

Je ne vois donc pas comment les élus locaux ou les employeurs qui donneraient les instructions afin d'assurer le respect des gestes barrières pourraient voir leur responsabilité engagée. Si des clarifications textuelles paraissaient nécessaires, nous pourrions évidemment y réfléchir avec vous.

M. Jean-Marie Bockel.  - En accord avec le président du Sénat et après avoir entendu les grandes associations d'élus locaux, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales proposera au Gouvernement douze mesures prioritaires pour le déconfinement, dans l'esprit de ce partenariat que vous appelez de vos voeux.

Réouverture des classes

M. Alain Richard .  - La première étape de la reprise du service public de l'enseignement figure au centre des priorités de votre grand plan de déconfinement. Sept millions d'élèves, leurs familles et quelque 350 000 professeurs sont concernés.

Aujourd'hui, selon les témoignages de nos collègues et amis élus locaux, subsistent quelques difficultés de compréhension sur trois points précis.

Le protocole sanitaire qui sera publié vendredi concernera-t-il le périscolaire - nettoyage des salles, restauration, garderie ?

Les annonces qui seront faites aux familles devront porter, au-delà de la semaine à venir, sur les deux semaines suivantes au moins, afin de leur permettre de s'organiser.

Dans chaque commune, pour chaque école, l'Éducation nationale devra signaler aux maires gestionnaires le nombre de salles et les enseignements et activités prévus, en collaboration avec les collectivités territoriales, afin que celles-ci puissent préparer les mouvements de personnel, la méthodologie et les nouveaux process.

Votre précision proverbiale, souvent appréciée ici, monsieur le ministre, sera particulièrement bienvenue.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Votre question donne la mesure du spectre du déconfinement scolaire.

Le protocole sanitaire sera diffusé vendredi. Nous sommes dans la dernière ligne droite, avec la consultation des associations d'élus et des organisations syndicales. Fondé sur le travail du Conseil scientifique et des autorités sanitaires, il est indépassable : si on ne le respecte pas, on n'ouvre pas. Nous avons fait appel au bureau Veritas pour établir des fiches très claires, sur chacun des sujets, en particulier la cantine, l'internat, la désinfection des locaux. C'est le sujet le plus national et le plus cadrant.

La doctrine d'accueil - quels enfants, quand, comment ? - suppose une communication avec les familles. J'ai demandé aux recteurs, aux directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (Dasen) de le faire très en amont du 11. Dès qu'une organisation locale - et spécifique, comme le Premier ministre l'a exposé hier - est mise en place, nous devons savoir si les familles souhaitent envoyer leur enfant à l'école. Sinon, un enseignement à distance est prévu, car l'instruction est obligatoire. Cette communication avec les familles est essentielle.

La pédagogie est le coeur des compétences de l'Éducation nationale. Sur le plan éducatif, le dialogue école-commune est fondamental, la co-construction est le maître-mot, qu'il s'agisse du nombre de salles disponibles, de l'évaluation du nombre d'enfants concernés ou de l'organisation générale et pratique.

Avec les associations d'élus, que nous avons encore vues ce matin avec le Premier ministre, le climat est à la confiance et à la co-construction.

Financement des masques

M. Ronan Dantec .  - Le Premier ministre a présenté hier à l'Assemblée nationale les grandes règles du déconfinement. Il a insisté sur le respect strict du cadre actuel jusqu'au 11 mai et sur celui, tout aussi strict, des gestes barrières après cette date, qui appellent chacun à la responsabilité et au civisme.

Le groupe RDSE partage globalement le plan présenté qui correspond à une analyse lucide, nourrie d'avis scientifiques, sur l'extrême gravité de cette crise, unique dans notre histoire. Nous saluons la volonté de l'État de s'appuyer sur les collectivités territoriales. Il est bien trop tôt pour tirer des enseignements définitifs, mais nous conclurons sans doute que nous ne sommes efficaces que lorsque les deux puissances publiques que sont l'État et les collectivités se coordonnent parfaitement.

Certains points de ce plan appellent encore des précisions.

La phrase du Premier ministre, selon laquelle des masques seront disponibles pour les collégiens, « qui n'auraient pas réussi à s'en procurer », nous a surpris et mérite explication. Est-ce à dire que ces masques seront à la charge de nombreuses familles ?

Jusqu'à quatre masques par jour pourraient être nécessaires pour un collégien prenant les transports publics, soit plusieurs dizaines d'euros mensuels, pendant de nombreux mois - c'est beaucoup pour les familles modestes.

Les centres communaux d'action sociale (CCAS) en fourniront aux foyers dans la précarité, mais une aide est-elle prévue pour les ménages modestes ? Cette aide pourrait prendre la forme d'une réévaluation de la prime d'activité et ainsi être facilement distribuée par les caisses d'allocations familiales (CAF). (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je vais répondre à la question que vous avez posée, mais aussi à une autre question, que vous auriez pu me poser... (Sourires) Comme disait l'autre, ce n'est pas votre question, mais c'est quand même ma réponse... (On sourit derechef.)

M. le président.  - Vous avez eu un célèbre prédécesseur...

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - J'en ai un certain nombre ! (Rires)

Le port du masque sera obligatoire pour les professeurs, dans tous les niveaux d'enseignement, et à partir de la 6e pour les collégiens. Bien entendu, l'Éducation nationale, l'État les fournira. Le sens de mon propos d'hier était le suivant. Nos concitoyens vont fabriquer des masques, s'en procurer auprès de leurs employeurs, de collectivités territoriales, mais aussi en acheter, dans la grande distribution, les pharmacies. L'usage de cet instrument de protection sera parfois obligatoire, parfois recommandé. Je tiens donc à vous rassurer.

J'en viens à la question que vous avez failli poser. (M. Ronan Dantec s'exclame.) Je tiens à y répondre ! S'agissant de l'accompagnement, par l'État, des collectivités territoriales qui acquièrent des masques pour aider à fournir l'ensemble de la population, à partir du 11 mai, j'ai indiqué hier que pour encourager cette acquisition générale de masques, dès lors que nous avions la certitude que nous pouvions équiper les soignants dans la durée, l'État apporterait désormais sa participation à hauteur de 50 % du coût, sur la base d'un prix de référence.

Après avoir écouté les arguments des associations d'élus locaux, que nous avons reçues ce matin avec les membres du Gouvernement, il m'a paru plus juste d'étendre ce dispositif à toutes les commandes de masques passées depuis que le Président de la République a évoqué la date du 11 mai, donc à compter du 13 avril. Toutes ces commandes bénéficieront du même encouragement que celui que j'ai proposé hier à la tribune de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Hervé Marseille et Jean-Marie Bockel applaudissent également.)

Démocratie et crise sanitaire

M. Pascal Savoldelli .  - Une question mérite d'être posée : si personne ne souhaite vivre une deuxième vague et en porter la responsabilité, l'état d'urgence sanitaire doit-il pour autant justifier le confinement de la démocratie ?

Nous étions hostiles au transfert des prérogatives du Parlement à l'exécutif. Nos craintes étaient fondées : le Parlement n'a qu'un rôle de figurant ; visio après visio, notre pouvoir de contrôle est mis en scène mais nous sommes écartés du débat. Le Gouvernement gère la crise à coup d'ordonnances.

Emmanuel Macron a décidé bien seul d'un déconfinement le 11 mai, « quoi qu'il en coûte ». Mais il n'a pas pris les mesures d'ampleur qui doivent accompagner cette étape - nombre de masques, nombre de tests, de médicaments nécessaires.

Je vous appelle à rendre le pouvoir au Parlement. L'épisode d'hier à l'Assemblée nationale n'est pas acceptable. Le Parlement n'a pas pour seule mission de formuler un accord ou un désaccord, de donner sa confiance ou d'exprimer sa défiance. Les pleins pouvoirs du Gouvernement ne peuvent pas être prolongés jusqu'à fin juillet.

Monsieur le Premier ministre, considérez la démocratie comme une ordonnance contre l'épidémie. Vous ne gagnerez pas seul la bataille contre le Covid-19 !

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - (M. le Premier ministre pousse un long soupir.) Selon vous, nous avons renoncé à la démocratie... Le Gouvernement n'aurait pas répondu aux questions des parlementaires ? Les ministres n'auraient pas été auditionnés par les commissions permanentes à chaque fois qu'elles le demandaient ?

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas ce que nous disons !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Bien au contraire, le Gouvernement a répondu à toutes les demandes de l'Assemblée nationale et du Sénat...

M. François Patriat.  - C'est vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - ... afin que leur information soit complète.

L'état d'urgence sanitaire découle, par ailleurs, d'une loi débattue et votée au Parlement. Le débat a eu lieu, la loi a été adoptée, quand bien même vous avez voté contre.

Dans cet hémicycle, les débats ont conduit à corriger le texte, à l'améliorer, et à limiter les pouvoirs du Gouvernement. Ce que vous faites sert-il à quelque chose ou à rien ?

M. Pascal Savoldelli.  - Franchement ! Cela est suffisant !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Nous appliquons la loi, et reviendrons devant le Parlement, si des mesures doivent être prorogées, pour décider dans quelles conditions et avec quels contrôles elles le seront.

Pour ma part, comme Premier ministre, je respecte la loi, la Constitution et le Parlement. Vous ne pouvez pas me demander d'aller plus loin...

Hier, à l'Assemblée nationale, j'ai agi en application de l'article 50-1 de la Constitution. J'aurais pu donner une conférence de presse ou faire une déclaration à la télévision.

Mais les parlementaires sont là pour débattre des sujets nationaux, non pour commenter l'action publique.

Ensuite, ils votent : pour, et c'est respectable, contre, et c'est respectable... ou ils s'abstiennent, et c'est également respectable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Maires et déconfinement scolaire

M. Stéphane Piednoir .  - Vous avez esquissé hier les étapes du déconfinement scolaire, en relativisant, après une cacophonie gouvernementale, l'objectif du 11 mai. Jamais, même en guerre, les écoles n'ont été ainsi fermées. Le moment est très délicat et je ne vous ferai ni l'affront ni le plaisir de me placer dans le camp de ceux qui ont d'emblée des solutions.

Certaines questions méritent pourtant des éclaircissements. Comme concilier le nécessaire retour en classe des décrocheurs et le volontariat ? Comment les enseignants pourraient-ils concilier l'enseignement en présentiel et, en même temps, la poursuite de l'enseignement à distance ?

Comment s'organiseront la restauration scolaire, le transport, le périscolaire ? Qui fournira les masques ? Qui les paiera ? Les maires ne peuvent être tenus responsables de tout, surtout des contaminations qui interviendraient en milieu scolaire.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Le Gouvernement n'a pas changé de méthode : hypothèse, recueil des réactions, nouvelle hypothèse, etc. C'est à quoi nous avons consacré le mois d'avril. Nous continuons à travailler, à consulter - ce matin encore, les associations d'élus.

Le protocole sanitaire est d'ores et déjà réglé : il répond à toutes les questions que vous posez : cantine, transport... C'est la référence nationale.

Sur le décrochage scolaire, nous ne pouvons aller chercher les enfants si les parents ne le veulent pas ! Soyons raisonnables !

Cacophonie ? Le Président de la République a dit exactement ce que j'avais commencé à expliquer. L'instruction est obligatoire, à l'école ou à distance. Nous voulons ramener prioritairement les 4 % de décrocheurs - le taux le plus bas d'Europe.

Nous allons être attentifs à la communication avec les familles. Une feuille de route est en cours d'élaboration, niveau par niveau, pour mai et juin : la situation est différente de tout ce que nous connaissons.

Des moyens pour les collectivités territoriales

Mme Corinne Féret .  - Je remercie le Premier ministre, au nom de mon groupe, pour ses propos sur Henri Weber.

La crise sanitaire met en lumière le rôle primordial des élus locaux. Je veux ici saluer leur engagement. Ils pallient les manques et assurent la continuité des services publics et de l'État.

Hier, le Premier ministre, dans une étrange réunion de concertation posteriori avec les associations, a accru la pression qui pèse sur les maires, en leur confiant les clés du déconfinement. Ils en porteront la responsabilité.

Or les collectivités territoriales connaissent déjà des difficultés financières. C'est le cas notamment des communes touristiques, dans le Calvados comme ailleurs, dont les recettes se sont effondrées. C'est le cas également des départements qui reçoivent moins de DMTO ou de CVAE.

Il n'est pas raisonnable de leur transférer des responsabilités dans un flou ambiant et sans moyens supplémentaires. Quels seront ces moyens ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - J'ai la conviction chevillée au corps qu'État et collectivités territoriales doivent travailler ensemble.

La réunion de ce matin avec les associations d'élus n'avait rien d'étrange, elle était prévue, après le cadre fixé par le Premier ministre. Elle a été précédée de nombreux échanges.

Nous sommes conscients des difficultés financières des collectivités territoriales. Nous avons d'ailleurs anticipé les « dépenses imprévues », par exemple par des facilités de crédit, et en demandant aux préfets de débloquer si nécessaire des avances fiscales ou des avances sur dotations.

Bien sûr, le déconfinement va entraîner des charges supplémentaires. Nous travaillons à l'identification de ces dépenses avec Sébastien Lecornu.

Certaines collectivités territoriales, notamment en outre-mer, dans les départements ou dans les régions touristiques, connaîtront des difficultés de plus long terme. Une mission est confiée au député Jean-René Cazeneuve pour évaluer ces situations.

C'est ensemble que nous apporterons ensuite une réponse.

Europe et crise du Covid-19

Mme Valérie Létard .  - Déjà affaiblie par le Brexit avant l'éclatement de la crise sanitaire, l'Union européenne peut-elle être une victime collatérale du Covid-19 ?

Alors que nous avons plus que jamais besoin d'Europe, les problèmes semblent devant nous : intransigeance des pays du Nord pour une solidarité européenne davantage intégrée, choix américain des Allemands pour l'application de tracing qui laisse la France bien seule avec son « Stop Covid », fermeture des frontières, restrictions de circulation des biens et des personnes, etc.

Les impacts de la crise sont nombreux, ils touchent le quotidien : autant de difficultés que l'Union européenne aura à surmonter pour favoriser une véritable relance.

On observe des replis aux frontières, sans précédent depuis Schengen. De nombreux points de passage vers l'Allemagne ont été fermés. Les Alsaciens travaillant en Allemagne doivent attendre des heures aux postes frontières pour des contrôles administratifs tatillons.

L'avenir de l'Europe se joue là : l'enjeu est celui d'une coopération décisive et stratégique entre les États membres, qui gèrent séparément - c'est normal - la crise sanitaire.

Madame la ministre, quels échanges avez-vous avec nos partenaires, en particulier l'Allemagne, pour faciliter la situation des frontaliers, pour anticiper la sortie de crise et le retour à la normale ?

Nous avons tant besoin d'une Europe qui parle d'une seule voix ! Quelle est l'action de la France pour qu'une dynamique partenariale européenne soit véritablement relancée ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; MM. Martin Lévrier et Ronan Dantec applaudissent également.)

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Nos concitoyens transfrontaliers ne seront pas les oubliés du déconfinement. La frontière, qui était devenue invisible, est réapparue subitement, provoquant beaucoup de souffrances, empêchant un parent séparé de voir son enfant, un apprenti de poursuivre sa formation, une famille de rendre visite à un malade hospitalisé de l'autre côté...

Il n'y a cependant pas eu de fermeture complète des frontières.

Nous avons travaillé quotidiennement pour que les travailleurs transfrontaliers aient les mêmes droits que les autres dans cette crise. La sécurité sanitaire justifie des contrôles aux frontières, mais nous cherchons à résoudre les points de friction.

Quant à la relance économique, la France et l'Allemagne, qui peuvent jouer un rôle moteur, doivent agir de concert. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. le président.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat. Elles sont considérées comme adoptées en l'absence d'observations.

Les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 6 mai 2020, à 15 heures.

Prochaine séance, lundi 4 mai 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 16 h 5.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication