Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars : l'hémicycle fait l'objet d'un nettoyage et d'une désinfection avant et après chaque séance.

Chacun veillera au respect des distances de sécurité. Je remercie les collègues, nombreux, dans la partie supérieure de l'hémicycle. La semaine prochaine, nous pourrons siéger à 189 dans l'hémicycle, comme en a décidé la Conférence des présidents.

N'oublions pas les principes qui sont les nôtres : respect des uns et des autres et du temps de parole. Seul le Premier ministre a une certaine liberté à cet égard ; pour les autres, je rappelle que le respect de ce temps de parole n'est pas un voeu pieu mais une exigence.

Prime pour les soignants

Mme Corinne Féret .  - Je souhaite associer Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, à ma question. Le décret du 14 mai 2020 prévoit une prime pour les professionnels des établissements publics de santé qui ont mobilisé toutes leurs forces pour l'épidémie de coronavirus. Il a suscité de vives réactions de la part des soignants, car il est injuste et inéquitable dans son application, le montant de cette prime variant de 500 à 1 500 euros selon l'établissement ou la situation géographique.

Comment ne pas y voir un manque de reconnaissance de la Nation pour l'action et l'engagement sans faille des soignants, sans compter que certaines professions, comme les aides à domicile, en sont exclues, alors qu'elles ont été en première ligne pour aider les personnes âgées à échapper à l'isolement pendant la crise.

Quelque 300 000 professionnels de l'aide à domicile seront ainsi exclus de la prime Covid. Le Gouvernement s'est engagé à verser une prime au personnel des établissements de santé et médico-sociaux, laissant notamment aux collectivités locales le soin d'assumer les dépenses pour les autres établissements. Ce n'est pas acceptable. Comment allez-vous tenir vos promesses et garantir une équité de traitement ? (Applaudissements à gauche ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Sans attendre les conclusions du Ségur de la santé, cette concertation historique, nous avons décidé le versement d'une prime exceptionnelle aux soignants mobilisés pendant la crise sanitaire, à l'hôpital mais aussi dans les Ehpad. Parallèlement, la carrière et la rémunération seront revalorisées, dans le cadre du Ségur. La prime sera défiscalisée et exonérée de cotisations sociales. Elle est majorée à 1 500 euros dans les quarante départements les plus touchés par l'épidémie, 500 euros ailleurs. Le directeur de l'établissement peut relever le montant de la prime à son maximum pour les services ou les agents les plus impliqués dans la prise en charge de patients contaminés.

L'implication du personnel des services d'aide à domicile n'a jamais été mise en doute. L'assurance maladie prend en charge les établissements et services tarifés par l'assurance maladie : les services de soins infirmiers à domicile bénéficient en conséquence de la prime. Les services d'aide et d'accompagnement à domicile, n'étant pas tarifés par l'assurance maladie, c'est bien du département que relève cette compétence. Nous avons de très bons exemples, dont le département de Meurthe-et-Moselle.

Mme Corinne Féret.  - Entendez la colère des soignants et du personnel médico-social, qui s'est à nouveau exprimée hier, pour demander plus de reconnaissance et de justice, moins d'inégalités.

M. le président.  - Je salue notre nouvelle collègue Marie-Noëlle Schoeller, qui remplace Martial Bourquin.

Sécurité (I)

M. Alain Fouché .  - Malgré le terrorisme, les casseurs et la délinquance, policiers et gendarmes assurent jour et nuit le maintien de l'ordre, souvent au péril de leur vie. La campagne contre les violences policières des identitaires racialistes, dont l'idéologie est à l'opposé de l'antiracisme affiché, qui impose une grille de lecture américaine à une situation française qui n'a rien à voir, est d'autant plus malvenue.

Nos concitoyens sont choqués pour la majorité d'entre eux par l'immense majorité des violences qu'ils constatent, dirigées contre les forces de sécurité. Guet-apens, trafic de drogue, guerre des gangs, comme à Dijon, portent atteinte à l'ordre républicain.

Les discours scandaleux de certains agitateurs bien connus sont plus qu'inconvenants. La police française n'est pas raciste. Que les fautes de certains soient sanctionnées, cela relève du devoir d'exemplarité. Mais les forces de l'ordre ont besoin de l'entier soutien des institutions de la République et de la population.

Comment allez-vous, ainsi que le demandent les syndicats de policiers, les réarmer juridiquement, moralement et matériellement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées au centre et à droite)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Les policiers et les gendarmes interviennent chaque jour, chaque nuit, dans l'urbain comme dans la ruralité, dans les moments de tension, pour protéger les Français ; quotidiennement, trop souvent, ils subissent menaces, insinuations, injures, provocations et mises en cause.

Je suis fier de défendre les femmes et les hommes qui sont les gardiens de la paix et de ce que nous avons de plus précieux : notre pacte républicain que certains agitateurs veulent casser, par jeu politique, en s'en prenant précisément à ses gardiens, les policiers et les gendarmes.

Nous avons le besoin, la nécessité et l'obligation de défendre systématiquement ces gardiens en les réarmant, grâce à un budget des forces de sécurité en hausse de plus d'un milliard d'euros depuis le début du quinquennat, mais aussi en les équipant techniquement, matériellement, en les dotant de caméras-piétons efficaces, dotées de batteries suffisantes, mais aussi en les défendant juridiquement. C'est pourquoi un groupe de travail a été créé autour des directeurs généraux de la police et de la gendarmerie pour mettre en place une procédure simplifiée pour la défense juridique à laquelle ils ont droit à chaque mise en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Sécurité (II)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La société française va mal à cause de la pandémie et de la crise économique, mais aussi parce qu'elle est profondément fracturée. Elle se demande si le pacte républicain, l'ordre républicain, le destin collectif de la Nation en France ont encore un sens.

Face aux coups de butoir lancés par la délinquance de plus en plus violente mais aussi par la contestation de l'autorité de l'État par tous les groupes racialistes, indigénistes, ultracommunautaristes ou black blocs, y a-t-il encore un destin commun pour notre pays ?

Quelle est, monsieur le Premier ministre, votre conception de l'État et de l'ordre républicain ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Oui, la société française va mal, je suis, à bien des égards d'accord avec vous, mais gardons-nous de penser que tout irait mal. Ne cédons pas au pessimisme et à l'autodénigrement, travers bien français, mais soyons lucides. Vous l'êtes.

Nous connaissons des difficultés économiques et sociales et peut-être morales - je préfère dire politiques - le sens de ce mot ayant évolué. Qu'est-ce qu'une Nation ? Ce plébiscite quotidien, cette volonté de tous les jours de s'inscrire dans une longue histoire qui nous dépasse pour vivre ensemble et construire quelque chose ensemble ? Manifestement, nous avons une difficulté à nous projeter.

Certains remettent explicitement en cause les fondements du pacte républicain ; d'autres le font plus insidieusement, peut-être plus dangereusement, en revenant sur les principes de l'égalité en droit, de la liberté, de l'État de droit, de respect dû à chaque citoyen. C'est l'idée même du civisme, vertu cardinale de la République dans la Rome antique, qui est mise en cause.

Le civisme, en ce sens, signifie que chacun, élu ou non, est dépositaire d'une parcelle du bien commun. Aujourd'hui, il semble progressivement dissous, de même que le respect de l'État chaque jour remis en cause, alors qu'il lui est dû, non parce qu'il serait irréprochable, ou meilleur que les autres - cela se saurait ! - mais tout simplement parce qu'il est l'émanation de la Nation et parce qu'il est là pour faire respecter des règles essentielles à l'intérêt commun.

L'autorité de l'État, c'est la capacité à faire respecter la loi, à faire prévaloir l'État de droit dans la République. Or la force met en cause cette loi. Certains, bandes, groupes ou individus, veulent la faire céder. Le combat n'est pas récent, il est éternel ; il se pose avec acuité en ce moment, plus sans doute que dans les années précédentes.

Face à cela, il ne faut pas étouffer le débat politique mais, dans un esprit de concorde, s'accorder sur l'essentiel.

Il faut soutenir ceux qui mènent le combat pour la République, forces de l'ordre notamment, comme le fait le ministre de l'Intérieur. Mais elles ne sont pas les seules : il y a aussi les professeurs et les administrateurs, ces constructeurs et organisateurs de la République. Nous leur devons le respect. Nous avons le droit de les critiquer, et parfois nous allons au-delà, en les dénigrant, mais ne leur donnons pas toujours les moyens de mettre en oeuvre leur mission.

La question est large, mais pour moi la République, ce sont des principes simples ; État de droit, respect et autorité de l'État, puis au-delà et au-dessus, le civisme. Un citoyen n'est pas une personne qui a des droits, mais qui a des droits et des devoirs. Je me suis toujours étonné de voir certains donner des leçons longues comme le bras sur la République, au temps du service militaire obligatoire, pour s'y soustraire ensuite. Ces tentations individuelles sont le contraire du civisme. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Oui mais l'État est aussi le garant de l'unité de la Nation. Quand la société est de plus en plus fracturée, de plus en plus violente, il faut s'appuyer d'autant plus sur ceux qui défendent la République. Le rôle de la gendarmerie et de la police est essentiel pour garantir l'avenir de notre société, de même quand nos forces armées agissent en ce sens à l'extérieur de notre pays. Les critiques violentes contre la police et la gendarmerie ne sont pas acceptables. Il peut y avoir des sanctions individuelles, mais il doit y avoir toujours respect des forces de l'ordre. (Vifs applaudissements depuis les travées des groupes RDSE et Les Indépendants jusqu'à la droite)

Flambée de violences à Dijon

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Ma question revient sur les terribles événements qui ont secoué Dijon ces derniers jours. Je salue la présence hier du secrétaire d'État, attendu par une population sidérée face aux rixes et aux milices qu'elle a subies plusieurs jours durant, mais aussi par les forces de l'ordre et les services de la préfecture. Elles ont contenu la situation avec sang-froid. Ces faits ne sont pas isolés. Vous avez rappelé les sanctions qui seront prises, mais nous savons que ces « voyous », comme les a appelés le secrétaire d'État, lourdement armés, se font justice eux-mêmes.

Nous devons faire bloc quand l'État et la République sont attaqués. Comment un rassemblement de près de 200 Tchétchènes et Russes, venues de France et, semble-t-il, d'ailleurs, armés et organisés quasi militairement, n'a-t-il pas été anticipé par les services de renseignements ? Pourquoi a-t-il fallu attendre trois jours pour obtenir des renforts ? Comment faire évoluer l'organisation et les moyens des forces de l'ordre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Jamais nos forces de sécurité ne rechignent quand elles sont sollicitées. Vous avez raison, il n'y avait pas eu d'anticipation de la situation en matière de renseignement. Pour autant, les forces de l'ordre ont répondu présent. J'ai échangé avec le maire et le préfet et confié à celui-ci le pilotage pour éviter les échauffourées bandes contre bandes, s'il faut ainsi qualifier cette horde de sauvages.

Il ne peut y avoir de zones de non droit. L'État doit être présent partout. (Murmures à droite) BRI, RAID et autres services de police resteront sur place dans les jours qui viennent et reviendront en tant que de besoin. J'ai demandé aussi à nos services de police de veiller, sous l'autorité du ministère de la Justice, à ce que l'identification des auteurs de ces exactions commises dès samedi, se poursuive et qu'il y ait des recherches individuelles pour que leurs auteurs ne restent pas libres et impunis.

Je partage l'émotion de la population. De telles pratiques de voyous ne sont pas acceptables ; elles sont insupportables ; nous les combattrons, nous les ferons reculer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Ces individus tchétchènes et autres sont partis d'eux-mêmes après trois jours. Qu'en serait-il s'ils étaient restés ? Nous devons y réfléchir. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)

Pacte générationnel

M. Julien Bargeton .  - (Exclamations à droite ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Monsieur Attal, chacun a en mémoire ceux qui ont été malades dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes et sont parfois morts sans que leurs proches puissent leur rendre visite ; et entourés par un personnel épuisé.

Placer la santé au-dessus de l'économie a été un choix collectif tout à notre honneur mais il ne doit pas conduire à une rupture générationnelle à l'heure où la masse salariale devrait reculer de 10 %.

Ce choix ne doit pas aboutir à une rupture entre les générations. (Exclamations ironiques à droite) N'oublions pas les jeunes actifs, avenir de la Nation : internes, professionnels en première ligne, étudiants qui s'apprêtent à rejoindre le marché du travail, précaires dont le contrat n'a pas été renouvelé. Il faut mettre la jeunesse au coeur du plan de relance avec un investissement massif dans la formation, l'éducation.

Quels sont les contours de la relance pour la jeunesse de ce pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Comme vous, je refuse que la crise puisse alimenter une fracture entre générations. D'aucuns ont présenté les jeunes comme un risque, les personnes âgées comme un poids.

C'est le contraire : des jeunes se sont dévoués pour faire les courses des plus âgés et des personnes âgées pour aider leurs petits-enfants à faire leurs devoirs, preuve s'il en est de l'importance des liens intergénérationnels.

Il y a des inquiétudes pour les 700 000 jeunes qui vont entrer sur le marché du travail, les étudiants qui ne pourront travailler cet été.

Nous travaillons avec Muriel Pénicaud, Jean-Michel Blanquer et Bruno Le Maire et répondons par des mesures massives comme l'a annoncé le Président de la République dimanche, par l'apprentissage, par le grand plan de relance pour la jeunesse. Les entreprises auront besoin de la créativité de ces jeunes pour remettre le pays sur pied. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Emploi des jeunes

Mme Nathalie Delattre .  - Nos jeunes seront-ils les victimes collatérales de la crise, la génération sacrifiée ? Quelque 800 000 d'entre eux s'apprêtent à entrer dans la vie active. Les difficultés économiques fragilisent les voies d'insertion professionnelle. L'aide de 6 000 euros à 8 000 euros par jeune en contrat d'apprentissage jusqu'en février 2021 est bienvenue, mais elle ne garantit pas le maintien dans l'emploi et risque de créer un effet d'aubaine en trompe-l'oeil. C'est pourquoi il faut une aide analogue pour les plus de 26 ans en contrat de professionnalisation.

Il faut aussi lever les freins à l'embauche comme le stock de plus de 6 000 examens du permis de conduire en attente en Gironde créé par le confinement. J'ai écrit au ministre de l'Intérieur à ce sujet. Le nombre d'examinateurs absents et les mesures d'hygiène qui enfreignent le passage de l'examen empêchent les jeunes d'accepter des offres d'emploi.

Nous devons aux jeunes un plan ambitieux d'insertion professionnelle, nous devons nous serrer les coudes pour nos enfants. Le temps presse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - (Exclamations à droite) Il n'est pas question d'accepter qu'il y ait une génération sacrifiée. C'est inacceptable d'un point de vue humain, économique, social et politique.

Un pays qui n'investit plus sur sa jeunesse n'investit plus sur son avenir. Cette question nous concerne tous.

Une première étape de notre action porte sur l'apprentissage avec 5 000 euros de prime pour l'embauche d'un jeune de moins de 18 ans, et 8 000 euros pour un jeune majeur. C'est à peu près le coût d'un contrat. Nous avons encouragé la formation coûte que coûte.

Nous avons aussi libéré des aides au passage du permis de conduire pour les apprentis. Citons également le parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (Pacea). Effectivement, nous devons nous serrer les coudes. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE)

Politique de l'emploi face à l'explosion du chômage

Mme Michelle Gréaume .  - Le Président de la République a déclaré dimanche qu'il fallait « bâtir un modèle économique durable, plus fort », « travailler et produire davantage ». Le « travailler plus pour gagner plus » n'est pas une idée nouvelle ; elle a été créée par Nicolas Sarkozy. (Bravos à droite)

Tel est l'objet de vos ordonnances qui ont systématiquement dérogé au droit du travail pendant la crise et des accords d'entreprise dits de performance que vous prônez aujourd'hui, véritable chantage à l'emploi, comme chez Derichebourg ou Ryan Air.

Les premières victimes de votre politique sont les salariés peu diplômés et les jeunes. Pourquoi s'obstiner dans des choix archaïques qui ne favorisent que les actionnaires ? Quand allez-vous enfin partager le travail pour permettre à chacun de s'épanouir ? Ne restez pas crispés sur les dogmes libéraux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Le Président de la République a effectivement appelé à travailler davantage. (Marques d'encouragement et sourires à droite) En France, pour bénéficier de la solidarité, il faut créer de la richesse nationale, notamment par le travail. Or, même avant la crise, beaucoup de Français ne travaillaient pas : c'est un drame pour eux et un manque pour la Nation.

Après une heureuse diminution du chômage, - taux à 8,5 % il y a quatre mois -, la crise remet en cause cette dynamique. Il faut faire en sorte que les salariés en chômage partiel retrouvent leur emploi et que les jeunes puissent entrer sur le marché du travail. L'activité, c'est l'emploi. Il y a urgence : l'emploi n'attendra pas. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE ; M. Joël Bigot applaudit également.)

Mme Michelle Gréaume.  - Il faut un partage plus équitable des richesses produites et une réduction du temps de travail à 32 heures. (Vives exclamations à droite) La France en a les moyens : Quelle société voulons-nous ? Choisirons-nous le chômage de masse ou bien que tous puissent travailler ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et protestations sur celles du groupe Les Républicains)

Mémoire nationale

M. Max Brisson .  - Refusant de faire Nation, des minorités hystérisées veulent réécrire l'Histoire de France. Cédant à des tentations obscurantistes, elles maculent la statue du Général de Gaulle, appellent à déboulonner Louis XIV, Napoléon ou Jules Ferry, crachent sur les figures qui ont fait la France.

Les propos du Président de la République dimanche, condamnant à juste titre ces actions, effacent-ils les propos du candidat qui qualifiait la colonisation de crime contre l'humanité, de barbarie ?

Sous le buste de Colbert, sous les auspices de Jules Ferry, qui présida notre institution...

M. le président.  - Pas bien longtemps !

M. Max Brisson.  - ...êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à protéger les travaux historiques et scientifiques, à ne jamais laisser réécrire l'histoire, à ne pas laisser les émotions du moment faire le tri entre zones d'ombre et de lumière ? Pouvez-vous nous assurer que l'esprit civique et la recherche de l'universalisme hérité des Lumières ne plieront pas devant la dictature d'une pensée militante et communautariste ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Comme le disait une grande figure du Sénat, « la Révolution française est un bloc ».

M. Bruno Retailleau.  - Il était vendéen !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - L'Histoire de France est un bloc. Nous prenons Danton et Robespierre, Condorcet et Saint-Just, Valmy et la Vendée, le général Dumas et le général Bonaparte, les pages glorieuses comme les plus sombres.

Nous n'avons pas le choix, c'est notre histoire. Citez-moi un homme, une femme qui ne serait que lumineux, qui n'aurait pas sa part d'ombre. J'entends  « Gérard Larcher ». (Rires) Même vous, monsieur le Président ! (Mêmes rires)

M. le président.  - Avant moi, il y a eu l'abbé Grégoire ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Même lui ! (Rires) Notre Histoire est glorieuse et compliquée et l'épuration mémorielle est aussi dangereuse que d'autres types d'épuration. Il faut regarder notre passé en face, ce qui au demeurant n'est pas toujours facile.

La vérité du processus scientifique, c'est que l'histoire se réécrit en permanence.

M. Julien Bargeton.  - Tout à fait !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Notre vision des grands hommes n'est pas la même aujourd'hui qu'il y a cent ans. On ne lit plus le règne de François Ier comme au siècle d'après. Nous sommes au Sénat, haut lieu de la République, et nous travaillons sous les auspices de Saint Louis... C'est la France !

J'ai été profondément choqué qu'à Fort-de-France, on déboulonne la statue de Victor Schoelcher (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception du groupe CRCE), profondément déçu que la IVe, la Ve République ne reconstruisent pas la statue du général Dumas, fondue par les nazis... (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Le père d'Alexandre, celui dont Anatole France disait : « Le plus grand des Dumas, c'est le fils de la négresse ! » C'est aujourd'hui un mot indicible, à juste titre, mais c'était, dans la bouche d'Anatole France, le plus bel hommage républicain. Monsieur Brisson, militez avec moi pour la reconstruction de la statue du général Dumas. (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception du groupe CRCE)

M. Max Brisson.  - Je vous ai demandé de protéger le travail des historiens, leur esprit critique. Marc Bloch disait qu'il n'y pas de péché plus grave pour l'historien que l'anachronisme - il est aujourd'hui manié par des minorités prêtes à tous les autodafés. Monsieur le Premier ministre, que la réaction de l'État soit à la hauteur des outrages faits à notre Histoire et à ceux qui l'ont bâtie ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

Relance verte

Mme Nelly Tocqueville .  - La crise sanitaire a entraîné une récession qui nous oblige à reconsidérer nos modèles de consommation et de production. Évitons de répéter l'erreur de 2008 quand le plan de sortie de crise avait entraîné une augmentation des émissions de CO2.

De nombreuses voix s'élèvent pour que la situation change. Nous devons soutenir dans l'urgence les secteurs de l'aéronautique et de l'automobile mais sans ignorer l'impératif de construire un projet d'économie verte. Il faut former dès à présent les salariés à de nouveaux métiers pour le verdissement de la production. Quand Airbus envisage de couper dans son budget recherche et développement, l'Allemagne, elle, investit massivement dans l'hydrogène.

Il faut une politique volontariste de rénovation thermique des logements ; le secteur du bâtiment y est prêt. Et que dire du retard accumulé par rapport à nos voisins sur les transports écologiques ?

La Convention citoyenne pour le climat s'apprête à rendre 50 propositions ; la Commission européenne souhaite une relance verte pourvoyeuse d'emplois.

Quels moyens financiers allez-vous y consacrer, alors que le ministre de l'Économie estime que ce serait une erreur historique d'ignorer cette transition énergétique écologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Il n'y a pas de grande économie sans grande industrie, pas d'industrie durable sans transition écologique et énergétique. C'est le sens de nos travaux sur le pacte productif, autour d'une décarbonation de l'économie et des huit filières les plus émettrices, sur le soutien à l'innovation et aux technologies vertes, notamment l'hydrogène dans la motorisation ferroviaire et l'aéronautique. Nous avons mobilisé nos partenaires au niveau européen et obtenu le vote du Green Deal, avec un mécanisme d'inclusion carbone, ou encore un développement de la finance verte.

La relance verte est au coeur des différents plans de soutien que nous avons annoncés. Muriel Pénicaud a mis la transition verte au coeur du plan Compétences. Le plan aéronautique consacrera 1,5 milliard d'euros aux investissements dans les technologies vertes ; le plan automobile oriente 1 milliard d'euros d'investissements sur la motorisation verte, pour produire un million de véhicules électriques d'ici trois à quatre ans.

La transition écologique et énergétique est bien au coeur du plan de relance. Le Président de la République a tracé le chemin, nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Politique pénitentiaire

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Garde des Sceaux, mesurez-vous la gravité de la situation ? Des règlements de comptes en plein centre-ville, des bandes armées qui déferlent, narguant la police et la justice. Et cela dans une paisible ville de province ! La loi de la République est supplantée par la loi du plus fort, du plus violent. Le tribalisme a remplacé la justice, l'impunité est devenue la règle.

Pire encore que l'absence de peine ou les peines symboliques qui désespèrent les policiers, vos récentes décisions sont un blanc-seing pour les voyous : 14 000 libérations pour cause de crise sanitaire et, le 20 mai, une circulaire pour limiter les incarcérations au profit de peines d'amendes, de sursis et de travaux d'intérêt général qui ne seront jamais exécutés.

Pour lutter contre la surpopulation carcérale, on peut construire de nouvelles prisons ou vider celles qui existent - au risque de vider la peine de son sens. Impuissante à éviter l'embrasement, vous dictez au juge le choix de la peine selon les capacités pénitentiaires !

Quelle justice voulez-vous ? Le moment est-il bien choisi pour cette « régulation carcérale » qui n'est autre que l'impunité institutionnalisée ? Est-ce le moment de signifier que l'État baisse les bras ? Charles Péguy écrivait : « L'ordre et l'ordre seul fait en définitive la liberté ; le désordre fait la servitude ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Les mesures prises pendant la crise avaient une visée exclusivement sanitaire : éviter la diffusion du virus dans les prisons. La baisse de la délinquance de rue pendant le confinement, associée à des mesures de libération en toute fin de peine, fait que l'on compte aujourd'hui 13 000 détenus de moins qu'au 11 mars.

Je souhaite une politique pénale volontaire, claire et ferme. D'où mon refus de toute loi d'amnistie : je veux des décisions individuelles, prises par les juges. Je ne poursuis pas d'objectif chiffré mais des peines justes, efficaces, correspondant à l'infraction et à la personnalité de l'auteur. Les libérations anticipées pendant la crise sanitaire ne sont pas un échec : une trentaine de réincarcérations seulement, sur 6 600 libérations anticipées !

Tout amalgame serait une erreur. Ce qui se passe à Dijon est dramatique mais aucun gardé à vue ne sortait d'incarcération, aucun n'a bénéficié d'une libération anticipée. Pas d'amalgame ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Valorisation de l'apprentissage

Mme Évelyne Perrot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous ne mesurons pas encore tous les impacts de la crise, alors que beaucoup de nos jeunes jouent en ce moment leur avenir professionnel. On veut relancer l'industrie, mais cela fait des années que l'apprentissage peine à recruter. Nous devons ouvrir les portes des CFA, valoriser les métiers manuels, revoir le coût d'un apprenti, communiquer et innover. L'Éducation nationale doit davantage orienter vers les métiers manuels ; l'apprentissage ne doit plus être une voie de garage.

Nos artisans ont façonné notre patrimoine. Revalorisons les CAP ! Combien de PME ont été créées par des hommes et des femmes qui n'avaient pas d'autre diplôme ? L'artisanat, ne l'oublions pas, est la plus grande entreprise de France.

Les centres de formation s'inquiètent pour l'avenir. Vous avez pris des mesures pour inciter à l'embauche d'apprentis ; allez-vous aider l'artisanat à retrouver la place qu'il mérite ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Nous partageons une conviction : l'apprentissage est une voie d'excellence et d'avenir. La moitié des artisans ont été apprentis et un tiers des jeunes créent ou reprennent une entreprise. C'est pourquoi nous avons engagé toutes nos forces dans la réforme de l'apprentissage. Avec 500 000 apprentis en février, soit une hausse de 16 %, on pouvait parler d'engouement.

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est pas grâce à vous.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Nous avons aussi inclus l'apprentissage dans Parcoursup, ce qui a fait apparaître une forte demande des jeunes. Ne perdons pas cette dynamique. Nous avons soutenu l'apprentissage pendant la crise, financé les développeurs de l'apprentissage, favorisé l'apprentissage pour les jeunes en situation de handicap, créé une plateforme identifiant tous les jeunes ayant fait ce choix d'orientation, pour que chacun ait une chance. Un CFA pourra accueillir jusqu'à six mois un jeune qui n'a pas encore de contrat, le former aux codes de l'entreprise.

C'est une priorité. Il faut continuer, pour nos jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Vers un report des élections régionales ?

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quoi qu'il en coûte au ministre de l'Intérieur, l'autorité de l'État est malmenée. Elle est malmenée par la violence, le mépris des forces de l'ordre, mais aussi par la tambouille électorale que l'on substitue au respect des principes démocratiques. Ce n'est pas la règle qui doit vous tenir, c'est à vous de tenir la règle ! En l'espèce, la démocratie exige la tenue des élections à dates fixes et régulières.

Alors que les régionales sont fixées au 21 mars 2021, on apprend par la presse que le Président de la République envisagerait un report d'un an, se livrant par convenance personnelle à des tractations de marchands de tapis avec les présidents de région : je vous aide financièrement si vous m'aidez à reporter les régionales après la présidentielle car je ne vais pas donner de l'argent à mes adversaires.

M. Julien Bargeton.  - Cela a été démenti !

M. Jérôme Bascher.  - On apprend que le Président de la République a des adversaires et qu'il distribue l'argent des régions à qui bon lui semble selon le fait du prince.

Comme le disait Xavier Bertrand : « Derrière les élections il y a le peuple et le peuple on le respecte ».

Allez-vous renoncer à cette manoeuvre grossière et travailler avec toutes les régions dont les exécutifs sont élus démocratiquement et dont les compétences incluent le développement économique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Je sais ce que signifie être républicain : pour préserver la République, j'ai fait élire un président de région Les Républicains ; je sais ne pas me tromper de combat. (M. Jean-Marc Gabouty applaudit.)

Écoutez plutôt le président de la région PACA, Renaud Muselier, qui a démenti les paroles que vous prêtez au Président de la République. (M. Jérôme Bascher fait signe que non.)

Restons-en à l'essentiel : non pas ce qui a été rapporté par la presse, mais la compétence économique majeure qu'exercent les régions. Dimanche, le Président de la République a énoncé deux priorités : la relance économique et sociale et un nouveau partage territorial des compétences en s'appuyant sur la compétence économique des collectivités.

Il a évoqué ce dernier point avec le président de Régions de France. S'agissant d'une nouvelle étape de décentralisation, il n'est pas illégitime d'en discuter avec les intéressés ! Le seul objectif est que des élections régionales ne viennent pas empêcher la relance économique. Il n'y a là nulle tambouille, mais un dialogue démocratique et républicain sans arrière-pensées. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE, tandis qu'on ironise sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Bascher.  - En cette veille du 18 juin, ne capitulez pas sur la démocratie. L'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la Patrie : voilà ce qu'il faut pour gouverner la France. Mais n'est pas le général de Gaulle qui veut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Bière et pomme de terre

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) La crise sanitaire a mis les acteurs de l'alimentation sur le devant de la scène. Il faudra en tirer les leçons et retrouver une souveraineté alimentaire solidaire qui devra associer tous les acteurs et s'appuyer sur une logique d'alimentation locale et durable. Je sais que le Président de la République en fait une priorité, dans le cadre d'une relance placée sous le signe de la transition écologique.

La crise n'a épargné aucun secteur, les cours des matières premières ont été affectés par la fermeture des cantines et restaurants. Nous pouvons nous féliciter que l'État ait été au rendez-vous de la solidarité, tant pour les pêcheurs, les viticulteurs que les horticulteurs.

Le Nord, terre de labeur, est un grenier d'abondance pour notre pays. Or la filière de la pomme de terre souffre, avec des surplus estimés à 450 000 tonnes et une absence de débouchés. Le marché de la bière devrait reculer de 30 % à 40 % en raison de la fermeture des lieux de consommation. Ce sont deux marqueurs forts de notre identité ! Que compte faire l'État pour sortir ces filières de l'ornière ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le Gouvernement a été au rendez-vous - mais ce sont avant tout les agriculteurs, ces hommes et ces femmes de la deuxième ligne, qui ont produit sans relâche, souvent dans des conditions difficiles, pour nourrir nos concitoyens. C'est grâce aux entreprises agroalimentaires, aux transformateurs, aux coopératives, que la chaîne alimentaire a tenu ; grâce aux employés de commerce alimentaire et aux distributeurs que les Français ont pu manger.

Les entreprises de la chaîne alimentaire ont bien sûr accès aux mesures transversales mises en place pour toutes les entreprises. L'horticulture et la viticulture, particulièrement affectées du fait des fermetures dues à l'état d'urgence sanitaire, ont fait l'objet d'une attention spécifique. Nous avons obtenu des mesures de marché au niveau européen. L'une bénéficie à la filière de la pomme de terre industrielle, pénalisée par la fermeture des cantines et de la restauration rapide. Idem pour la filière brassicole, qui a souffert de l'annulation des festivals, des cafés, des lieux de convivialité. Le Gouvernement est au rendez-vous d'une alimentation saine, sûre et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Revendications des soignants

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'hôpital public est en crise, les soignants souffrent. Le Ségur de la santé doit apporter des réponses. Le Président de la République a promis un système plus souple, plus simple, plus proche, revalorisant le collectif et l'initiative des professionnels. Hélas, trois semaines après son lancement, le doute s'installe. Les syndicats d'infirmiers n'y étaient même pas conviés !

Des sujets sont escamotés, les organisations syndicales redoutent un simulacre de concertation, les urgentistes dénoncent une « grande foutaise ». Hier, les soignants manifestaient partout en France.

Les soignants attendent des garanties sur les rémunérations, mais aussi sur les conditions de travail, sur la formation et la recherche médicale, les effectifs hospitaliers, la place des territoires, pour refaire de la France un pays leader en matière de prévention et de soin.

Si l'on ne rompt pas avec le fléau bureaucratique de la centralisation et des procédures, si l'on se contente d'augmenter les salaires, on soulagera momentanément la douleur mais on ne soignera pas le mal profond.

Allez-vous vous appuyer sur les territoires et les soignants ? À quand une réelle concertation ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Les manifestations d'hier sont le symbole des attentes des soignants. Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés à travailler sur les revalorisations salariales dans le secteur hospitalier et médico-social.

Si notre système de santé a tenu face à la crise, c'est grâce aux soignants et aux coopérations sans précédent entre public et privé, ville et hôpital, dans le dialogue.

La concertation du Ségur est une nécessité ; nous la voulons rapide, avec des premières propositions mi-juillet. Quelque trois cents acteurs sont autour de la table avec des groupes de travail thématiques, dont la revalorisation et les territoires. (M. François Patriat applaudit.)

Inégalités scolaires

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Longtemps, l'école de la République a fait notre fierté. Mais les classements de l'OCDE font l'effet d'une douche froide, pointant un niveau insuffisant et des inégalités sociales. La crise sanitaire n'a rien arrangé, et nous avons perdu beaucoup d'élèves.

La communication sur les « vacances apprenantes » va bon train, mais ce dispositif touchera-t-il tous les élèves qui en ont besoin ? Le crédit d'impôt de 50 % accordé le 22 mars pour les cours privés à distance aura essentiellement bénéficié aux familles aisées...

L'école doit rester gratuite et obligatoire ; elle doit être la même pour tous et permettre à tout enfant de France de déployer ses talents, c'est votre devoir et votre responsabilité.

Le confinement a été particulièrement difficile pour des mères seules qui n'avaient qu'un téléphone portable pour tout équipement numérique. Alors que l'illectronisme touche treize millions de Français, la fracture sociale est en train de devenir un gouffre béant.

Quelles dispositions concrètes prendrez-vous à la rentrée de septembre pour remédier au creusement des inégalités pendant la crise et permettre à tous les élèves de rattraper le retard pris ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je fais un rêve, celui d'une unité nationale autour de l'école de la République pour parvenir à la hausse du niveau général et à une plus grande justice sociale.

Oui, les classements OCDE placent la France dans une position peu favorable. Mais les récentes évaluations de CP et CE1 nous montrent que nous sommes sur la bonne voie. Dans les territoires les plus en difficulté, quelque 300 000 enfants bénéficient du dédoublement des classes. Ils ont été prioritaires lors du déconfinement, et les taux d'accueil ne cessent de monter : 30 % le 11 mai, 60 % aujourd'hui et, je l'espère, 80 % à la fin du mois. Pendant le confinement, 150 000 élèves ont fait l'objet d'une aide personnalisée pendant les vacances de printemps.

Attendons les comparaisons européennes sur la qualité de l'enseignement à distance, sur l'accueil des enfants du personnel soignant : nous n'aurons pas à en rougir. J'ai milité pour un déconfinement scolaire rapide, dont tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'il était nécessaire. Nous préparons la rentrée scolaire dans le dialogue avec les syndicats. Dans dix jours, la circulaire de rentrée mettra l'accent sur la justice sociale et le rattrapage des élèves en difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Julien Bargeton.  - Bravo.

Mme Angèle Préville.  - Vous pouvez compter sur l'engagement des professeurs. Il faut mettre l'accent sur l'épanouissement, l'autonomie et la confiance en soi des enfants.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 40.