Revalorisation des pensions agricoles (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Discussion générale

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites et auprès de la ministre du travail, chargé de la protection de la santé des salariés contre l'épidémie de covid-19 .  - Ce texte a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, sur proposition du député André Chassaigne. Il nous concerne tous. Parce qu'il s'agit d'une question de justice sociale. Parce que le travail et la production des agriculteurs sont essentiels pour notre pays. Parce que le niveau des pensions agricoles n'est pas digne du travail de ces acteurs indispensables pour nos territoires.

Le système des pensions agricoles est issu d'une longue et riche histoire. Il illustre l'évolution des activités dans notre pays. Il pose la question de notre engagement en tant que société vis-à-vis de cette profession universelle.

Nos agriculteurs ne demandent pas l'aumône. Ils ont le droit d'avoir la garantie d'une vie digne dans leurs vieilles années.

La situation des retraités agricoles nous parle aussi d'universalité et de solidarité, avec ce paradoxe : le système de retraite agricole, bien que catégoriel, ne peut pas fonctionner seul. Le régime de base est largement à points et le régime complémentaire l'est intégralement. Or ces deux régimes fonctionnent grâce à la solidarité nationale.

Je sais l'engagement du Sénat en faveur d'un système de retraite plus équitable. Les débats à ce sujet sont transpartisans. Dès 2018, votre assemblée s'est penchée sur la réforme des retraites au travers de colloques auxquels j'ai pu assister. Je me souviens que vous présentiez vos travaux ainsi : « Simplification, équité, équilibre financier. Ces trois objectifs sont au coeur des recommandations du Sénat sur les retraites depuis plus de vingt ans. » Nous ne pouvons qu'être d'accord.

Les petites pensions de retraite sont une préoccupation du Gouvernement. La réforme adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, avant la crise sanitaire, prévoyait des mesures de justice sociale. J'avais pris l'engagement d'aller plus loin. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé aux députés Turquois et Causse, de produire un rapport et des propositions.

Ce texte n'est pas exhaustif, mais le Gouvernement garde en tête une vision globale.

L'article premier garantit une pension égale à au moins 85 % du Smic net agricole aux chefs d'exploitation ayant effectué une carrière complète, avec une application aux futurs et actuels pensionnés au plus tard le 1er janvier 2022.

Plusieurs d'entre vous souhaiteraient aller plus vite. (On le confirme sur les travées du groupe CRCE.) C'est compréhensible.

Cependant, en 2014, il a fallu seize mois pour mettre en place la garantie à 75 % du Smic. Et vous savez bien que cette garantie figurait déjà dans la loi Peiro, en 2002. Il aura donc fallu plus d'une décennie d'attente. Je me refuse à faire voter des textes inapplicables, fussent-ils adoptés à l'unanimité ; d'où la date d'entrée en application au plus tard le 1er janvier 2022.

Ne trahissons pas les attentes des agriculteurs avec des fausses promesses.

Ce texte est de progrès. Plus de 200 000 personnes, dans l'Hexagone et Outre-mer, bénéficieront d'une hausse moyenne d'environ 110 euros de leur pension de retraite chaque mois.

L'Outre-mer et ses particularités sont au coeur de l'article 3, qui assouplit les conditions d'application du texte quant à la durée d'affiliation et à la durée cotisée. Tous les retraités agriculteurs ultramarins qui ont liquidé à taux plein bénéficieront de la garantie.

L'article 4 élargit la couverture des salariés agricoles en matière de retraite complémentaire.

Enfin, le financement sera prévu dans le cadre des lois budgétaires et à la lumière des travaux de la mission Causse-Turquois.

Le texte s'inscrit dans l'histoire des initiatives parlementaires visant à garantir un meilleur niveau de vie aux pensionnés agricoles. La proposition de loi qui permit la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles date du tournant du siècle dernier. Les débats portaient déjà sur la faiblesse des pensions et les problèmes de financement. Initié par les travaux de Germinal Peiro, le texte bénéficia des apports décisifs du rapporteur Jean-Marc Juilhard, sénateur du Puy-de-Dôme. Il fut adopté conforme à l'unanimité.

En 2017, c'est un autre parlementaire du Puy-de-Dôme, André Chassaigne, qui mit à nouveau le sujet à l'agenda.

Ce texte est l'occasion d'améliorer le quotidien de centaines de milliers de Français. Le Gouvernement le soutient. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, CRCE et Les Indépendants)

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - En 2016, quand les députés André Chassaigne et Huguette Bello ont déposé cette proposition de loi, ils prévoyaient son entrée en vigueur en 2018 - elle s'appliquera finalement en 2022. Que de temps perdu !

À l'heure où chacun s'attribue les mérites et la parenté de ce texte, nous n'oublions pas que le Gouvernement avait fait échec à son adoption définitive en première lecture, ici-même, au Sénat, par un vote bloqué. C'était en 2018, et notre ancien collègue Dominique Watrin était rapporteur.

Ce texte est nécessaire, mais il n'est pas parfait. Les conjoints collaborateurs et les aidants familiaux ne sont pas concernés par le dispositif, alors qu'il faudrait reconnaître leur travail. Le mécanisme d'écrêtement, adopté par l'Assemblée nationale, affaiblit l'efficacité du texte. Pour autant, il faut voter cette proposition de loi pour les avancées qu'elle porte.

Au Sénat, nous veillons à la bonne application des lois sur tous les territoires. Or la garantie à 75 % du Smic n'était pas devenue une réalité Outre-mer, car ses critères d'éligibilité ne correspondaient pas à la nature des exploitations dans ces territoires. Ce texte apporte les adaptations nécessaires, de sorte que la garantie à 85 % s'appliquera partout.

Il renforce les droits à la retraite complémentaire pour les salariés agricoles de Guadeloupe et La Réunion.

Nous vous invitons à voter ce texte qui contribue à compenser l'impact sur leurs retraites des faibles revenus que les agriculteurs connaissent trop souvent durant leur carrière. (Applaudissements sur toutes les travées)

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Ce texte est une avancée. Mais il ne faut pas oublier que ce sont les faibles revenus, dans un système à points, qui sont la cause de la faiblesse des pensions. N'oublions pas non plus que si nous créons ici un nouveau dispositif de solidarité, il nous faut encore faire la promotion de l'Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) qui reste trop peu demandée.

Ce texte est une avancée par rapport à la loi sur les retraites, d'abord parce que le stock et le flux sont concernés : les retraités agricoles, actuels comme futurs, bénéficieront d'un relèvement substantiel du dispositif mis en place lors de la réforme des retraites de 2014, avec une pension qui passera de 904 euros à 1 025 euros mensuels.

La commission a cependant été vigilante sur plusieurs points. Nous aurions préféré une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2021, mais nous ne voulions pas retarder l'adoption du texte, d'autant que la commission mixte paritaire n'était pas programmée à l'ordre du jour de la session extraordinaire.

Comme il vaut mieux tenir que courir, nous faisons le choix d'un vote conforme.

Le Gouvernement prétend que des problèmes techniques, notamment d'application du mécanisme d'écrêtement, ne permettraient pas à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) d'appliquer cette garantie de pension minimale dès 2021. Elle nous a pourtant dit être en mesure de le faire.

M. le ministre le disait : en 2014, il a fallu seize mois pour appliquer la garantie ; espérons qu'en 2020, on mette deux fois moins de temps.

Nous nous sommes aussi interrogés sur le financement de ce dispositif dont le surcoût est estimé à 261 millions d'euros, alors que le texte adopté en première lecture, en 2018, prévoyait un coût de 400 millions d'euros pour près de 300 000 bénéficiaires. Il faudra y revenir lors de l'examen du projet de loi de finances.

Ce texte est une loi comme on ne les aime pas. Il est difficile à modifier et sans financement. Il ne concerne que les chefs d'exploitation à carrière complète. Sa date d'application n'est pas satisfaisante. Mais cette loi, attendue de longue date, répondra à la préoccupation de 196 000 agriculteurs. (Applaudissements)

M. Martin Lévrier .  - Déposée par André Chassaigne et Huguette Bello, la proposition de loi, cosignée par l'ensemble du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), avait pour ambition de revaloriser les retraites agricoles, en créant une contribution affectée au régime de retraite complémentaire obligatoire sur les revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières liées au secteur agricole. Elle mettait aussi l'accent sur la situation dans les départements et régions d'outre-mer.

La commission des affaires sociales l'a adoptée, le 24 juin, sans modification et à l'unanimité. Quels que soient notre bord politique, l'époque où notre territoire, notre assemblée a toujours tenu le monde agricole en grande estime. C'est un pilier dans notre République.

Certains voudront rappeler l'histoire chaotique de ce texte. (M. François Bonhomme le confirme.) « Chacun sa vérité », pourrait-on dire en référence à la pièce de Pirandello.

Le texte, porté par le chef de file des élus communistes André Chassaigne, avait été adopté à l'unanimité en première lecture en février 2017. En mai 2018, via une procédure de vote bloqué, le Gouvernement a demandé au Sénat un report de la date d'application de cette proposition. Le groupe CRCE a préféré retirer le texte, plutôt que de voter cette modification.

Mme Céline Brulin.  - Et voilà que c'est de notre faute ! (Sourires)

M. Martin Lévrier.  - Nous sortions des États généraux de l'alimentation et nous étions en pleine préparation d'une réforme systémique des retraites, dont l'ambition, en particulier pour le monde agricole, allait bien au-delà de la proposition que nous examinons aujourd'hui.

M. François Bonhomme. - Quel succès !

M. Olivier Jacquin. - Il est gonflé !

M. Martin Lévrier. - Comment alors voter un texte qui ne revalorisait qu'un seul type de pensions, à l'exclusion de toutes les autres, notamment celles des indépendants ou encore des artisans qui sont tout aussi faibles ? N'était-ce pas mettre la charrue avant les boeufs ? (Sourires)

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs étaient opposés à cette proposition de loi non financée, non pérenne et bien moins ambitieuse que la réforme systémique que nous préparions.

La crise de la Covid-19 qui vient de frapper notre pays de plein fouet impose que le pragmatisme l'emporte sur l'idéologie. Il était de bon sens de suspendre notre réforme systémique des retraites. Comme il est d'évidence de rappeler que l'urgence pour les agriculteurs est toujours la même.

Nous nous réjouissons du compromis trouvé à l'Assemblée nationale. Nous sommes conscients que cette avancée est un petit pas qui ne résout pas tout. Ce texte reste cependant essentiel et urgent. Nous espérons qu'il pourra être appliqué au plus vite et nous resterons vigilants sur le financement de cette réforme lors de l'examen du prochain PLF.

M. Franck Menonville .  - Depuis la seconde guerre mondiale, nos agriculteurs ont construit notre souveraineté alimentaire ; je salue leur mobilisation sans faille durant la crise que nous traversons.

Ce texte très attendu dans l'Hexagone comme dans les Outre-mer répond à une demande formulée depuis 2003 par la profession. Le Gouvernement en a reporté la mise en oeuvre à 2022 et restreint le périmètre de 292 000 à 196 000 bénéficiaires. Même si nous regrettons ce report et cette restriction, notre esprit de responsabilité nous invite à voter ce texte qui répond à un impératif de justice sociale.

En effet, le montant moyen des retraites agricoles s'élève à 953 euros pour un homme et 852 euros pour une femme. Ce texte le porterait à 1 025 euros.

Depuis 50 ans, le monde agricole a contribué à l'essor de notre pays sans en tirer les bénéfices. Le métier est beau mais difficile, la fatigue plus que réelle et les heures de travail ne se comptent pas. L'élevage requiert une mobilisation de 365 jours par an, peu rémunérée.

Beaucoup de jeunes agriculteurs renoncent à s'installer, d'autant que le niveau des retraites détermine les conditions de cession.

Monsieur le ministre, ne pouvons-nous pas imaginer un système incitatif de majoration du point de retraite conditionnée à la transmission au profit d'un jeune agriculteur hors du cadre familial ?

Mon collègue Jean-Louis Lagourgue avait alerté le ministre de l'Agriculture en février dernier sur les problèmes rencontrés par les agriculteurs de Guadeloupe et de La Réunion qui n'avaient pas accès à la garantie de 75 % contrairement à ceux de la Martinique et de la Guyane. Nous saluons l'avancée importante que constitue le texte pour les chefs d'exploitation concernés.

Dans les Outre-mer, très peu d'agriculteurs peuvent faire état d'une carrière complète lorsqu'ils arrivent à la retraite. Ils touchent en moyenne 375 euros de pension et un quart d'entre eux perçoit moins de 100 euros.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte d'équité et de justice sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et CRCE)

Mme Élisabeth Doineau .  - Monsieur le ministre, vous avez parlé de promesse. La graine déposée en terre, par l'agriculteur, est une promesse, annuelle et bisannuelle.

Mais celle dont on parle, n'a que trop duré. Deux ans après le vote bloqué en première lecture, nous arrivons enfin à la deuxième lecture, après le report sine die de la réforme des retraites. Ce sont quatre ans de perdus pour le monde agricole.

La crise sanitaire a mis en relief l'engagement sans faille des agriculteurs pour notre souveraineté alimentaire et leur sens des responsabilités, cela pour des revenus bien faibles.

Notre objectif doit donc être de leur garantir une rémunération décente. Ce texte n'est qu'une étape, portant le niveau minimal de pension des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole à plus de 1 000 euros, ce qui le rapproche du seuil de pauvreté. Il nous arrive cependant quelque peu raboté par un mécanisme d'écrêtement imposé par la majorité de l'Assemblée nationale, sous prétexte d'équité entre monopensionnés et polypensionnés. Cela aura pour conséquence qu'un retraité sur trois ne pourra bénéficier in fine de la garantie minimale de retraite.

À cela s'ajoute le report de la mise en oeuvre à 2022 alors même que le président de la CCMSA, Pascal Cormery, jugeait une entrée en vigueur possible dès 2021.

Les retraites sont inégalitaires, avec un différentiel de 258 euros en moyenne par mois au détriment des femmes, qui sont pourtant des maillons indispensables au sein des exploitations agricoles. Il conviendra de redéfinir le statut des conjoints et aidants familiaux.

Je salue les avancées en faveur des agriculteurs des départements d'Outre-mer, qui subissent actuellement plusieurs inégalités. Faute d'avoir fait une carrière complète, rares sont les bénéficiaires de la garantie des 75 %.

Concernant le financement, le Gouvernement a levé le gage de la proposition de loi, à l'article 2, et renvoyé la question au prochain projet de loi de finances. Donc acte : nous serons au rendez-vous à l'automne.

Malgré toutes ces réserves, le groupe UC votera ce texte déposé il y a plus de quatre ans. La mise en jachère a été un peu longue ; espérons qu'elle aura été profitable ! Ce n'est qu'une étape. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE et sur le banc de la commission)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Monsieur le ministre, j'avoue ma surprise et ma satisfaction de vous retrouver sur ces bancs pour parler des retraites. Je n'oublie pas, en effet, le sort réservé en première lecture par votre Gouvernement à ce texte.

Vous avez rappelé l'historique de ce texte, avec la période de 1997 à 2000 durant laquelle les pensions agricoles ont augmenté de 16 %, puis le plan pluriannuel pour les pensions agricoles de 2014.

Plus rien ensuite, sinon le traitement brutal de la proposition de loi Chassaigne. J'entends depuis, les uns et les autres s'attribuer les mérites de ce texte, mais rendons à César ce qui est à César, et saluons l'opiniâtreté de M. Chassaigne et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Pourquoi repousser à 2022 la date d'entrée en vigueur du texte ? J'espère que la raison n'est pas de coïncidence avec certaines échéances électorales.

Pourquoi l'écrêtement, alors que l'on peut cumuler des droits à la retraite au régime général ? Alors que l'on nous parle de cumul emploi retraite ?

Troisième lacune de ce texte : où sont les femmes ? (Sourires) Aujourd'hui, la plupart des agricultrices sont chefs d'exploitation. Mais je pense à celles qui ne le sont pas, qui ne l'étaient pas. Quel était le sort des femmes il y a seulement une dizaine ou une vingtaine d'années ?

Elles restaient invisibles alors que levées tôt et couchées tard, elles conciliaient travaux à la ferme et éducation des enfants. Invisibles elles étaient, invisibles elles restent dans ce texte, alors que Marlène Schiappa clame que la réforme des retraites améliorera le sort des femmes.

M. François Bonhomme.  - Mais, oui, où est-elle ?

Mme Monique Lubin.  - Nous voterons cependant ce texte en l'état pour que les chefs d'exploitation voient augmenter leur retraite au plus vite.

Mais sur le financement, la date d'entrée en vigueur, les polypensionnés, nous ne lâcherons pas. Vous savez ce qu'il vous reste à faire, monsieur le ministre. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe LaREM)

M. Jean-Claude Requier .  - Les retraités agricoles d'aujourd'hui sont les agriculteurs d'hier, ceux qui ont accompagné la modernisation de notre agriculture après la guerre et hissé la France au rang de grande nation agricole dans un monde de plus en plus compétitif.

Les retraités de demain sont les agriculteurs d'aujourd'hui qui s'engagent dans la transition écologique au service de l'intérêt général et se sont engagés sans relâche pour fournir les étals pendant la crise sanitaire, comme le souligne notre collègue Françoise Laborde, incarnant ainsi notre souveraineté alimentaire et contribuant à l'aménagement du territoire.

Toutes ces femmes et ces hommes méritent des revenus décents, à la hauteur de leur engagement. Or ils ont les retraites les plus faibles, malgré la loi Peiro de 2002 instituant le principe d'une garantie de 75 % du Smic, via la retraite complémentaire obligatoire, objectif chiffré non atteint.

Cette réforme, le plan quinquennal de revalorisation de 2012 qui avait mobilisé près de 900 millions d'euros et celle de la loi du 20 janvier 2014, n'ont pas comblé l'écart avec les autres régimes. Le constat est unanime : c'est intolérable !

En 2017, nous étions à 700 euros de moyenne - avec de surcroît une inégalité criante, 900 euros pour les hommes et 530 euros pour les femmes.

Les raisons structurelles en sont connues. Les faibles revenus produisent de faibles pensions : il faut poursuivre le travail sur cette question afin d'atteindre des prix véritablement rémunérateurs pour les exploitants.

Dès 1998, le RDSE avait déposé une proposition de loi de revalorisation des pensions ; il ne peut qu'être favorable à ce texte qui les porte à 85 % du SMIC, soit plus de 1 000 euros. Les mesures tenant compte des spécificités des territoires ultramarins sont elles aussi bienvenues.

Quelques inquiétudes cependant, notamment sur le « stock » et la situation des conjoints collaborateurs et aidants familiaux. Les agricultrices représentent un quart des exploitants agricoles et elles sont plus précarisées que les hommes. Françoise Laborde avait attiré l'attention sur ce point.

Ce texte est très attendu, et urgent ; nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour une mise en oeuvre dès 2021.

Le monde agricole nous regarde : nous avons tous suffisamment croisé de retraités en difficulté pour reconnaître qu'un effort de solidarité nationale à leur égard est une obligation et un devoir moral. (Vifs applaudissements sur les travées des groupeRDSE et UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Céline Brulin .  - Ce texte répond à une urgence sociale. Il existe de petites retraites dans beaucoup de professions, mais chez les agriculteurs, elles sont comprises entre 700 euros et 900 euros en métropole, bien moins en Outre-mer. C'est moins que le seuil de pauvreté et le minimum vieillesse. Il n'est pas question que de revenu, mais de dignité. Or 15 % des agriculteurs sont toujours en activité après 65 ans, voire 70 ans, ce qui retarde l'installation des jeunes, voire les décourage d'exercer ce beau mais si difficile métier.

C'est la faiblesse des revenus qui explique celle des pensions. Mais la loi EGalim n'a pas permis d'avancer sur le sujet. Il nous faut une grande loi agricole et une PAC protectrice. Mais sans attendre, chaque agriculteur a droit à une pension décente.

La porte-parole de la Commission européenne se demandait récemment si nous avions besoin de tant d'agriculteurs.

Si nous en voulons, si nous voulons une agriculture à taille humaine, garante de sécurité, si nous voulons préserver notre souveraineté alimentaire, lutter contre l'accompagnement des terres, il faut soutenir les producteurs.

Notre commission des affaires sociales avait adopté ce texte à l'unanimité, mais le Gouvernement en avait compromis le vote en séance par un artifice de procédure.

Nous espérions que l'exécutif retrouve le sens de l'intérêt général. C'était sans compter sur un amendement du groupe LaREM à l'Assemblée nationale reportant l'application de ce texte et un dispositif d'écrêtement instauré par le Gouvernement, qui tourne le dos au principe de l'universalité des retraites, en excluant 100 000 personnes, soit le tiers des bénéficiaires.

Le monde agricole mérite pourtant un vrai geste de reconnaissance.

Cela étant dit, ce texte reste une première étape vers la revalorisation des retraites agricoles. Le groupe CRCE invite le Sénat a voté ce texte, même s'il ne traite pas la question des femmes et des conjoints collaborateurs. Poursuivons le travail, comme nous y ont invités les deux rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Jean-Marc Boyer .  - Il y a deux ans, nous débattions de cette proposition de loi d'André Chassaigne, mettant tous en exergue la nécessité de meilleures retraites pour nos agriculteurs - tous, sauf le Gouvernement qui a recouru à la technique parlementaire du vote bloqué pour nous mettre au pied du mur. Enfin, nous reprenons la discussion de ce texte essentiel pour nos retraités qui n'ont pas le juste retour du labeur de toute une vie.

Georges Pompidou, qui connaissait bien la ruralité du Cantal et la rudesse de la vie des agriculteurs, disait : « Mon père et ma mère appartenaient entièrement à la famille française dure au travail, économe, croyant au mérite, aux vertus de l'esprit, aux qualités du coeur. Je n'ai pas eu une enfance gâtée. Mais, si loin que je remonte, je n'ai reçu que des leçons de droiture, d'honnêteté et de travail. Il en reste toujours quelque chose ». 

Ses propos résonnent toujours fortement pour nous, qui sommes ici, fils et petit-fils de paysans, marqués par la retraite de misère de nos parents et grands-parents, et ne pouvons plus accepter le sort de nombreux retraités agricoles.

J'en appelle à la dignité des agriculteurs, à plus de justice pour les territoires ruraux, à l'équité, à la solidarité !

Après le vote bloqué imposé par le Gouvernement, j'avais, avec Laurent Duplomb, déposé une proposition de loi similaire, car nous ne devions pas nous résigner ! Je ne peux donc que saluer le retour de ce texte.

Aujourd'hui, un agriculteur sur trois touche une pension de moins de moins de 350 euros par mois. Les gouvernements successifs depuis 2002, notamment en 2011, s'en sont préoccupés. En 2010, grâce à Jean-Marc Juilhard, sénateur du Puy-de-Dôme, le régime avait été amélioré, mais 75 % du SMIC, c'est assurément insuffisant.

Nous ne pouvons attendre : la nécessité d'une application immédiate de la garantie à 85 % est encore plus forte, avec la crise sanitaire, pendant laquelle les agriculteurs ont assuré notre approvisionnement et notre indépendance alimentaire.

« Si nous pouvons le faire plus tôt, nous le ferons plus tôt », déclariez-vous à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, tout en mettant en avant des difficultés techniques, alors que le président de la MSA nous a indiqués la semaine dernière que l'application de ce texte était possible dès janvier 2021 : faites-le ! J'appelle aussi votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d'un financement juste dans le cadre du PLFSS.

Bien entendu, notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

Mme Anne-Marie Bertrand .  - Que de temps perdu ! Au salon de l'agriculture de 2018, le Président de la République affirmait : « Je ne veux pas avoir d'un côté des agriculteurs qui n'ont pas de retraites et de l'autre un statut des cheminots qui ne change pas ». Je ne dis pas que cette réforme peut se faire d'un claquement de doigts. Mais le Gouvernement, reconnaissez-le, monsieur le ministre, n'a rien fait, d'amendements en vote bloqué... Aujourd'hui, vous reportez la revalorisation de 75 % à 85 % du Smic à 2022.

Je tiens à le marteler à mon tour : un agriculteur sur trois perçoit une retraite inférieure à 350 euros par mois.

Combien, après le confinement, ont pris conscience que rien n'apparaît par magie dans les rayons des supermarchés ? Personne ne peut ignorer la retraite indécente de nos agriculteurs. Le métier est difficile. Alors qu'il y a trois millions de chômeurs, les maraîchers des Bouches-du-Rhône ont dû faire appel à des travailleurs détachés !

Je regrette la méthode retenue, non pour des considérations procédurales, mais politiques ! Vous vous félicitez dans les médias de la revalorisation des retraites agricoles. Vous ne vous rendez peut-être pas compte des espérances que vous soulevez. Je regrette de ne pas avoir beaucoup entendu notre collègue Marlène Schiappa sur la question de la retraite des conjoints.

M. François Bonhomme.  - Elle va arriver ! (Quelques sourires)

Mme Anne-Marie Bertrand.  - Mesurez-vous la colère, le désarroi de ces conjoints, qui sont la plupart du temps des conjointes ?

Une telle autosatisfaction est indécente et je vous invite à davantage de modestie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure .  - La commission n'a pas la même lecture de l'article premier que le Gouvernement et particulièrement du II de cet article. Nous l'avons constaté lors de l'audition du ministre. L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour que son application intervienne au plus tard au 1er janvier 2022 pour les retraités actuels.

Mais aucune coordination n'a été faite à cet article, non plus qu'au III de l'article 3. Il s'ensuit que si le Gouvernement prenait un décret pour annoncer sa mise en oeuvre, il ne pourrait le faire que pour les nouveaux agriculteurs.

Vous nous avez indiqué que vous prendriez une circulaire permettant d'inclure les retraités actuels et les Outre-mer. Curieuse interprétation de la hiérarchie des normes !

Nous n'avons pas amendé ce texte pour ne pas retarder son adoption définitive, mais nous souhaitons que la coordination soit faite dans un texte prochain, par exemple celui assurant son financement.

M. René-Paul Savary, rapporteur .  - Permettez-moi d'enfoncer le clou. Les différents orateurs ont clairement marqué la différence entre le flux et le stock. Ceux qui prendront leur retraite pourront bénéficier dès 2021 d'une pension revalorisée à 85 % du Smic de 2021 si vous prenez effectivement un décret, puis à 85 % du Smic de 2022 quand celui-ci sera connu. C'est le flux.

Quant au stock des actuels retraités, comme nous ne connaissons pas encore le Smic de 2022, il faudra que vous donniez des consignes aux caisses de retraite, fût-ce par circulaire, ce que ne dit pas la loi expressément. Il faut donc coordonner le B du II de l'article premier avec le II de l'article 4.

Nous comptons sur vous pour trouver le véhicule législatif pour le faire - qui pourrait être le projet de loi de finances, car il porte sur des éléments qui ne relèvent pas du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En effet, à l'époque, la loi n'avait pas été votée car il fallait attendre la réforme des retraites, et qu'il n'y avait pas de financement ; il n'y a aujourd'hui ni l'une ni l'autre.

Donnez-nous les garanties, monsieur le ministre, pour que la revalorisation à 85 % intervienne pour tous avant 2022.

M. François Bonhomme .  - Dans mon département du Tarn-et-Garonne, des hommes et des femmes ont participé durement à la tâche de nourrir la France.

Que de temps perdu, que d'atermoiements depuis le vote bloqué de 2018 ! La disparition des exploitations se poursuit, frappant 50 000 exploitations depuis 1968 dans ma région.

La revalorisation à 85 % du Smic est une avancée nécessaire et juste.

La date de mise en oeuvre est très importante. Le report au 1er janvier 2022 est une piètre diversion, d'autant que M. Cormery, président de la MSA, a indiqué qu'il n'y avait aucun obstacle technique à sa mise en oeuvre en 2021.

Je regrette qu'il ne soit pas question des conjoints et des aidants familiaux. Je regrette que Mme Schiappa ne vienne pas nous en parler, alors qu'il y a eu un rapport parlementaire sur la question et que la délégation aux droits des femmes a fait clairement le point sur la situation des agricultrices depuis plusieurs années.

M. Olivier Jacquin .  - Je suis agriculteur, et j'ai tenu à venir de Meurthe-et-Moselle aujourd'hui, pour participer à ce petit progrès qu'est la revalorisation des retraites.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement, vous n'avez pas utilisé le terme de justice sociale, comme vous l'aviez fait à l'Assemblée nationale ; mais vous vous êtes fait étriller par votre mesquinerie qui consistait à ne pas mettre en oeuvre la revalorisation immédiatement.

Pourtant, pour supprimer l'ISF, pour la flat tax, vous n'avez pas eu besoin de temps. Là, vous en avez besoin alors que le président de la MSA dit le contraire.

De plus, vous visez les plus faibles en écrêtant les polypensionnés comme s'il s'agissait de riches - mais s'ils ont dû travailler ailleurs, c'est qu'ils ne gagnaient pas assez.

Vous excluez les conjointes, les invisibles dont a si bien parlé Mme Lubin. C'est grâce à des groupes parlementaires, des gouvernements de gauche que se font les progrès sociaux comme ce petit progrès.

Mme Monique Lubin .  - Un agriculteur polypensionné n'a pas eu le choix : il a eu besoin de travailler ailleurs. Il semblerait qu'ils seraient 90 % demain parmi les agriculteurs. De plus, encore une fois, les agriculteurs sont la seule profession à se voir appliquer une telle mesure.

Vous expliquez que l'allocation de solidarité doit tenir compte de tous les revenus ; mais on parle de personnes ayant eu une carrière pleine et non hachée ! Vous devez remédier à ce manque rapidement !

Mme Nathalie Goulet .  - Franchement, lorsque l'on représente un département rural, l'on ne peut que constater que le temps législatif n'est pas celui des agriculteurs. Il n'en finit plus alors qu'ils ont besoin de cette révision.

Le PDG d'Air France a bénéficié d'un bonus de 760 000 euros, sans doute pas seulement parce qu'il a licencié 10 000 personnes et touché 4 milliards d'euros d'aides publiques. Non, cela n'est pas très important... (Sourires sur les travées à gauche)

En tout cas, j'ai fait le calcul : ce bonus représente 90 ans de la retraite d'un agriculteur.

Nous connaissons tous l'âpreté du métier des agriculteurs. Nous devons voter cette loi. Je ne sais pas combien de temps nos concitoyens tolèreront ce retard. (Applaudissements sur les travées à gauche et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Nathalie Delattre .  - Oui, chacun le dit : que de temps perdu !

Par un artifice procédural que peu d'entre nous connaissaient, le Gouvernement nous avait empêchés d'adopter ce texte.

Je représente, moi aussi, un département rural. Le plus grand employeur de la Gironde, c'est la viticulture. Je suis viticultrice. Sur les 25 000 retraités agricoles de Gironde, près de 8 000 ne touchent que 300 euros par mois. Si on revalorise à 85 % du Smic, que feront-ils ? Pas de bas de laine ! Ils relanceront la consommation, ils aideront leurs enfants qui ont repris l'exploitation.

Combien d'années devons-nous attendre pour qu'on rende justice aux agriculteurs, afin qu'ils vivent dignement de leur travail et de leur sueur ?

M. François Bonhomme.  - Ils seront tous morts !

Mme Nathalie Delattre.  - ll est temps d'agir pour un juste retour des choses. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC)

M. Michel Raison .  - Les retraités agricoles sont liés aux actifs.

Le retraité doit céder une partie de son actif, de ses biens et de son patrimoine, pour que son successeur puisse travailler.

Les retraités se sacrifient encore un peu plus lorsqu'ils ont eu la chance de voir leurs enfants leur succéder. Et cela malgré la loi EGalim, si pleine de promesses. Nous leur devons bien une retraite à 1 000 euros, à ces hommes et ces femmes qui ont travaillé toute leur carrière !

Le président de la MSA indique qu'il est possible de le faire dès 2021. On a vu l'administration, face au Covid, se surpasser.

Pensons dès aujourd'hui aux conjoints, à ces femmes qui ont travaillé toute leur vie non seulement à l'éducation des enfants et aux soins du ménage, mais aussi, tôt le matin, à la traite, par exemple. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État .  - Vos rapporteurs, qui ont fait un travail approfondi, avaient évoqué leurs interrogations sur l'amendement adopté à l'Assemblée nationale qui rend possible une mise en oeuvre avant le 1er janvier 2022 - si cela est techniquement possible.

Rappelons qu'il appartient à la MSA d'obtenir certaines informations pour l'application du texte : personne ne peut garantir que les autres caisses de retraite l'informeront des pensions perçues par les agriculteurs. Il faut regarder les choses de façon objective. Si cela est techniquement possible, nous pourrons mettre en oeuvre la revalorisation avant 2022.

Espérons qu'avec les progrès techniques, la mise en oeuvre de ce texte ne prendra pas seize mois comme pour la précédente réforme, mais la dimension technique est complexe. Pour avoir longtemps travaillé dans l'entreprise, je sais qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant les promesses des informaticiens en termes de délais !

L'intention du législateur ne fait pas de doute. Les débats montrent clairement que les députés souhaitent une application si possible avant 2022, pour ceux qui ont déjà liquidé leur retraite comme pour ceux qui ne l'ont pas encore fait. Le Gouvernement s'engage à respecter la volonté du législateur - c'est-à-dire à traiter le flux et le stock, pour reprendre des termes que je n'aime pas. Reste à trouver les modalités techniques.

Une fois le décret pris, une circulaire fixera le point de départ ; le Smic 2021 d'abord, puis le Smic 2022 quand il sera connu.

Madame Lubin, madame Brulin, j'entends vos interrogations sur l'écrêtement. Monsieur Jacquin, vous ne m'avez pas encore entendu parler de justice sociale - mais si nous voulons réparer une injustice sociale, n'en créons pas d'autres !

Vous mettez en cause l'écrêtement. Mais le minimum garanti pour les fonctionnaires est soumis à un écrêtement, comme le minimum contributif (MICO) pour tous les salariés. Nous appliquons aux chefs d'exploitation agricole les mêmes règles qu'aux autres. Vous pouvez voter ce texte le coeur léger.

L'article premier est adopté, de même que les articles premier bis, 3 et 4.

Explications de vote

Mme Éliane Assassi .  - Merci au président Larcher d'avoir accepté l'inscription de ce texte à l'ordre du jour, ainsi qu'aux rapporteurs qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour parvenir à un consensus.

Merci aussi à mon ami, mon camarade André Chassaigne pour sa détermination. Ce texte, même s'il est moins percutant que dans sa version initiale, concrétise une avancée attendue depuis des décennies. Sa portée a été néanmoins réduite par la majorité de l'Assemblée nationale, laissant aux retraités agricoles un goût amer.

Monsieur le ministre, sachez que notre groupe, qui se distingue par sa constance et sa cohérence, ne lâchera pas l'affaire. Nous continuerons de défendre une revalorisation pour tous les retraités agricoles, en particulier les femmes.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu : une mise en oeuvre anticipée serait une très bonne chose.

Mme Monique Lubin .  - Je me fais porte-parole de Mme Conconne.

Dans ce qu'on appelle les Outre-mer, un chef d'exploitation agricole monopensionné sur deux perçoit moins de 333 euros par mois, résultat d'une mise en place tardive des retraites agricoles dans nos territoires. La garantie d'une pension à 85 % du Smic est une avancée considérable : à partir de 2022, enfin, ils passeront au-dessus du seuil de pauvreté.

Si je regrette le temps perdu comme l'exclusion des polypensionnés, la suppression de la condition d'affiliation de 70 trimestres vient un peu réparer l'histoire et j'ai une pensée pour tous ces travailleurs besogneux qui ont trop longtemps vécu dans la misère.

M. Jean-Claude Tissot .  - Il aura fallu vingt ans pour passer de 75 % à 85 %. Le texte de Germinal Peiro, député socialiste de Dordogne, a été adopté en 2002. Vingt ans, pour une augmentation de 2 euros par jour...

Pour une mise en oeuvre rapide, il fallait un vote conforme. Nous aurions pourtant aimé défendre des amendements, sur les polypensionnés, les conjoints, la date de mise en oeuvre...

J'ai été paysan et pendant vingt ans, mon épouse a été contrainte de travailler à l'extérieur pour faire bouillir la marmite - tout en m'aidant à la ferme. C'est la double peine, voire la triple peine !

Merci donc à André Chassaigne et au groupe CRCE.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure .  - Merci à tous les sénateurs. André Chassaigne a porté ce texte avec Huguette Bello, députée de La Réunion. Il fallait le préciser. C'est une oeuvre collective, dans l'intérêt de tous et de toutes.

Nous aurions voulu déposer des amendements, puisque cette proposition de loi a des lacunes : prise en compte des conjoints, écrêtement qui pénalise ceux qui ont dû travailler ailleurs notamment. Nous ferions oeuvre de responsabilité. Ce texte est une première pierre en faveur des agriculteurs.

Nous regrettons les quarante mois de retard dans l'adoption de ce texte auxquels il va falloir ajouter un an et demi pour la mise en oeuvre. C'est dommage ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Jean-Pierre Moga et Mme Monique Lubin applaudissent également.)

M. René-Paul Savary, rapporteur .  - Si possible avant 2022, a dit M. le ministre. À l'impossible nul n'est tenu, mais je prends acte de votre engagement, et nous serons vigilants.

La bonification de durée pour les agriculteurs ultramarins et la possibilité donnée aux salariés agricoles d'avoir accès à une complémentaire méritent d'être saluées.

La question du financement se posera inévitablement - avec la crise, le déficit prévu pour 2025 devrait passer de 12 à 25 milliards d'euros...

Les agriculteurs ont fait l'effort d'augmenter leurs cotisations, alors que leurs recettes vont baisser.

La question de l'écrêtement doit être posée pour l'ensemble des régimes, car le cumul emploi retraite n'ouvre pas de nouveaux droits.

Enfin, que de mois écoulés pour faire des calculs ! Le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) devient fonctionnel ; nos services fiscaux, en outre, connaissent les polypensionnés dont ils calculent le taux réduit de CSG. La mise en oeuvre rapide est une question de volonté ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants et CRCE)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Merci pour la qualité de ces échanges, qui montre l'engagement du Sénat sur ce sujet. La qualité de vos questions témoigne de votre volonté d'approfondir le texte, y compris dans sa dimension technique.

Nous venons de faire oeuvre de justice sociale. C'est un vrai progrès social que vous venez de voter, juste reconnaissance de l'engagement de nos agriculteurs pendant la crise sanitaire, engagement salué par le Président de la République.

Je mettrai en oeuvre ce texte, monsieur le rapporteur, en m'assurant que les conditions techniques seront réunies. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Prochaine séance demain, mardi 30 juin 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 17 h 50.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication