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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Port du masque au Sénat

Conférence des présidents

Questions d'actualité

Rentrée scolaire

M. Henri Cabanel

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports

Gratuité des masques

Mme Christine Prunaud

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Situation des Ouïghours

M. André Vallini

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Fiscalité des Gafam

M. Dany Wattebled

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

Conséquences judiciaires des violences commises à Lyon

M. François-Noël Buffet

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Règles sanitaires dans les aéroports (I)

Mme Michèle Vullien

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (I)

M. André Gattolin

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Règles sanitaires dans les aéroports (II)

Mme Catherine Procaccia

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (II)

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Politique pénitentiaire

Mme Christine Bonfanti-Dossat

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Vente de Photonis

M. Alain Cazabonne

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

Desserte des Pyrénées-Orientales

M. François Calvet

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports

Victimes collatérales de la crise du tourisme

M. Yvon Collin

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

Urgence climatique

Mme Angèle Préville

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement

Danger du gaz hilarant

M. Jean-Pierre Grand

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Conventions internationales

Convention France-Luxembourg

Discussion générale

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances

M. Olivier Jacquin

Mme Véronique Guillotin

M. Georges Patient

M. Pierre Laurent

M. Jean-Pierre Decool

Mme Christine Lavarde

Mme Nathalie Goulet

Discussion de l'article unique

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean-Claude Requier

M. Julien Bargeton

M. Pascal Savoldelli

M. Jean-Pierre Decool

M. Vincent Capo-Canellas

M. Thierry Carcenac

M. Philippe Dallier

Discussion des articles

Offre de chèques-vacances au personnel sanitaire et médico-social (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargée de l'insertion

M. Martin Lévrier

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Jean-Pierre Decool

Mme Élisabeth Doineau

M. Bernard Jomier

Mme Véronique Guillotin

Mme Catherine Deroche

Vote sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire

Accord en CMP

Dette sociale et autonomie (Nouvelle lecture)

Discussion générale commune

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Franck Menonville

M. Jean-Noël Cardoux

M. Yves Daudigny

M. Guillaume Arnell

M. Dominique Théophile

Mme Élisabeth Doineau

Question préalable sur le projet de loi organique

Question préalable sur le projet de loi

Annexes

Ordre du jour du jeudi 23 juillet 2020

Analyse des scrutins




SÉANCE

du mercredi 22 juillet 2020

10e séance de la session extraordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Port du masque au Sénat

M. le président.  - Comme cela a été annoncé en séance hier, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l'ensemble des salles de réunion et de circulation du Sénat. Il vous est donc demandé de bien vouloir porter un masque dans l'hémicycle. Vous pourrez bien sûr l'ôter le temps d'une prise de parole, et vous respecterez aussi l'ensemble des gestes barrières.

Conférence des présidents

M. le président.  - Mes chers collègues, les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie hier soir, ont été publiés sur notre site. Cela a été l'occasion d'accueillir à nouveau le ministre en charge des relations avec le Parlement. En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Ce seront les dernières de cette session extraordinaire que nous achèverons à la date raisonnable du 24 juillet.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Rentrée scolaire

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Le protocole prévu pour la rentrée 2020 a été annoncé par le ministre de l'Éducation nationale, avec deux hypothèses : présentiel et à distance en fonction de l'évolution de l'épidémie.

Je salue l'anticipation dont vous faites preuve mais des questions demeurent. D'après la circulaire publiée le 10 juillet, le respect des règles sanitaires essentielles devra être assuré. D'ailleurs, le port du masque est obligatoire dans tous les lieux clos accueillant du public.

Mais comment les élèves de plus de 11 ans resteront-ils plusieurs heures dans une même pièce avec des masques ? En effet, tout le monde sait que les distances ne pourront pas être respectées à effectif complet ? Allez-vous prévoir des pauses ? Comment sera gérée la garde des enfants plus jeunes s'ils sont répartis par demi-groupe, pour que leurs parents puissent aller travailler ?

Sur la méthode, ensuite, les élus locaux se sentent seuls face aux charges financières supplémentaires qu'ils devront assumer.

Qu'avez-vous prévu pour accompagner les communes rurales ? Combien de temps à l'avance les avertirez-vous ? Quelles aides pour l'informatisation et le personnel supplémentaire à déployer ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports .  - Veuillez excuser M. Blanquer, en déplacement avec le Président de la République pour le plan Jeunesse.

L'organisation sanitaire sera travaillée en amont avec le Haut Conseil de la santé publique. Une circulaire a été publiée dès le début du mois de juillet.

Je remercie l'ensemble des maires et élus qui ont travaillé aux côtés de l'Éducation nationale pour assurer l'enseignement à distance et le retour à l'école. Le ministre leur a exprimé sa reconnaissance à plusieurs reprises.

Il est normal que beaucoup de questions se posent. C'est pourquoi, nous avons souhaité établir un cadre clair pour la rentrée 2020 qui prend en compte tous les scenarii. Chacun aura une réponse adaptée, que ce soit à l'école, au collège ou au lycée.

Quelque 1,5 million d'heures supplémentaires sera utilisé en plus du temps scolaire. Le ministère poursuit son ambition d'élever le niveau général des élèves sur les savoirs fondamentaux. L'école primaire bénéficiera de 2 688 postes supplémentaires, avec des classes à 24 élèves en maternelle, CP et CE1.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - Et 8 000 postes supplémentaires sont prévus pour les élèves en situation de handicap.

Gratuité des masques

M. le Président. - La parole est à Mme Prunaud dont c'est l'une des dernières interventions. Nous la remercions.

Mme Christine Prunaud .  - (Applaudissements sur toutes les travées) Je vais peut-être revenir sur ma décision. (Rires)

Depuis lundi, le port du masque est devenu obligatoire dans les lieux publics clos - soit un coût de plus de 200 euros par mois pour une famille de quatre personnes. Certes, le Gouvernement a annoncé la distribution de masques gratuits pour les plus précaires et les plus à risque. Mais les autres ? Comment se fera la sélection ? Par quel organisme ? Pendant combien de temps ?

L'urgence est à la gratuité. Elle a un coût, largement supporté par les collectivités territoriales, mais moindre qu'une surcharge des soins en réanimation. Et elle n'est pas, n'en déplaise à Mme Pannier-Runacher, un frein à l'innovation.

Le frein, c'est la perte de nos outils de production comme par exemple à Plaintel, dans mon département, où l'usine de masques est fermée depuis deux ans. À Grâces, nous avons développé une coopérative d'intérêt collectif avec l'appui de la région et du département. C'est un levier pour l'innovation et une initiative pourvoyeuse d'emplois.

Porterez-vous enfin le choix politique de la gratuité des masques pour tous ? Notre pays a les moyens de cette gratuité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - J'ai répondu à une question similaire à l'Assemblée nationale et le président de la République l'a évoquée dans une interview.

Il n'y aura aucune distribution gratuite de masques pour tous. En revanche, nous avions distribué des masques aux plus fragiles et aux plus précaires, très tôt, alors même que nous reconstituions les stocks. Nous avons ainsi distribué jusqu'à cinq millions de masques par semaine, via les associations, mairies et centres communaux d'action sociale (CCAS).

J'ai également annoncé, hier, que les masques sur prescription seraient remboursés par l'assurance maladie à deux millions de Français en situation de vulnérabilité sanitaire.

Je lis çà et là que les masques coûteraient 220 euros par mois pour une famille avec deux enfants. Le masque lavable jusqu'à 30 fois coûte 1 euro et est moins polluant que les masques chirurgicaux. J'arrive plutôt à un coût de 15 euros à 20 euros - si j'inclus les week-ends.

Ministre de la Santé et des Solidarités, je veillerai personnellement à ce que personne ne soit empêché de porter un masque pour des raisons d'argent. (Protestations sur les travées du groupe CRCE et applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Situation des Ouïghours

M. André Vallini .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Une tragédie se déroule sous les yeux du monde entier en Chine : arrestations massives, viols et tortures, stérilisations forcées : la Chine martyrise le peuple ouïghour.

Une mobilisation internationale s'esquisse. Les États-Unis ont annoncé des sanctions. Que dit la France et que fait-elle ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. MM. André Gattolin et Julien Bargeton applaudissent également.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - C'est une question grave sur laquelle je me suis exprimé hier. Les témoignages sur la situation au Xinjiang font tous état de pratiques injustifiables : internements, détentions massives, destruction du patrimoine, en particulier des lieux de culte.

Nous ne pouvons l'accepter, et avec nos partenaires européens nous avons demandé la fermeture des camps d'internement. Les autorités chinoises ont réagi aujourd'hui à mes propos ; nos positions, que le Président de la République a rappelées lors de son déplacement en Chine, sont maintenues.

Une solution simple existe : que la Chine permette aux observateurs du Conseil des droits de l'homme et à Mme Bachelet, la Haute-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, de se rendre sur place. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées des groupes UC et RDSE)

M. André Vallini.  - Les paroles ne suffisent pas, il faut agir. Il faut des sanctions européennes, et il faut que la Chine rende compte de ses actes devant une juridiction internationale. Comme toutes les dictatures, la Chine ne connaît que le rapport de force.

Depuis Victor Hugo dans cet hémicycle, depuis de Gaulle à Phnom Penh en 1966, depuis François Mitterrand à Cancún en 1982, la France a toujours défendu les peuples opprimés. Il revient au Président de la République de se montrer à la hauteur de notre histoire. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, LaREM et RDSE et sur quelques travées des groupes UC, CRCE et Les Républicains)

Fiscalité des Gafam

M. Dany Wattebled .  - Je salue l'accord européen trouvé dans la nuit de lundi à mardi. L'Europe fait preuve de solidarité. Mais 13 milliards d'euros, c'est le montant de l'amende d'Apple annulée en juillet dernier par le tribunal de l'Union européenne.

La Commission européenne réfléchit aux prochaines étapes. Pour moi, elles sont claires. Il faut adopter une fiscalité numérique efficace, et moderniser la politique de la concurrence en Europe.

Nous ne pouvons plus accepter que les Gafam paient des impôts dérisoires au regard de leurs profits, ni les distorsions de concurrence fiscales au sein de l'Union européenne.

Le dossier est sensible et l'échelon européen, le plus pertinent, reste semé d'embûches, à commencer par la règle de l'unanimité. Ayons le courage de créer un noyau dur qui entraînera les autres États. Pensons à une coopération renforcée efficace.

Quelles seront les prochaines étapes ? L'urgence est là. À quand une harmonisation fiscale réaliste en Europe ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics .  - Nous avons échangé lors de l'examen du PLFR 3 sur la pertinence de taxer les Gafam. Ces multinationales aux actifs incorporels peuvent réaliser des profits très rapidement ; et sont très délocalisables. Les règles de fiscalité internationale ne sont pas adaptées.

Vous l'avez dit, la réponse est européenne. En 2020, la taxe GAFA créée en France rapportera plus de 300 millions d'euros. Cela encourage nos partenaires et certains pays comme l'Italie, l'Espagne, l'Indonésie et la Turquie s'engagent dans la même démarche.

Samedi, l'OCDE a annoncé sa volonté de trouver une position commune, avec pour objectif un accord international sur la fiscalité numérique d'ici la fin de l'année. En effet, l'échelon le plus pertinent pour agir est celui de l'Europe. La question du numérique a été posée lors des négociations de l'accord européen, historique, intervenu ce week-end. L'Europe doit s'interroger sur ses propres ressources. Il faut une harmonisation pour le numérique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM)

M. Dany Wattebled.  - Il est urgent de lancer une politique européenne de la concurrence.

Conséquences judiciaires des violences commises à Lyon

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à monsieur le garde des Sceaux. Depuis quelques semaines, les violences se multiplient contre les policiers, les gendarmes, les pompiers, et nos concitoyens.

Monsieur le Premier ministre, vous aviez indiqué souhaiter recréer les juges de proximité. Le garde des Sceaux nous a dit que ce n'était pas du tout le cas et qu'il voulait plutôt une justice qui soit plus proche de nos concitoyens. Dont acte.

La crise sanitaire a mis en exergue les difficultés de notre justice sur le plan matériel. Quelle politique pénale le Gouvernement veut-il mener contre ces délinquants qui n'ont peur de rien ? Avec quels moyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous prie de bien vouloir excuser Éric Dupond-Moretti, en déplacement urgent à Roanne où se déroule une prise d'otage au centre pénitentiaire. Depuis la fin du confinement, les violences et rodéos sauvages se sont multipliés. Nous devons répondre immédiatement de façon implacable. Le Procureur de Lyon effectue des défèrements pour que ceux qui sont interpellés soient jugés immédiatement.

À cela s'ajoutent des violences contre des personnes dépositaires de l'autorité de la République. Des pompiers et des policiers ont ainsi été pris à partie le 14 juillet. Les auteurs des faits ont été déférés et un jeune majeur a été condamné à un an de prison dont six mois fermes avec un emprisonnement immédiat.

Éric Dupond-Moretti vous répondra mieux que moi. Il veut une justice rétablie dans ses moyens en proximité. Il proposera un budget en hausse à l'automne pour atteindre cet objectif.

M. François-Noël Buffet.  - Il y a extrême urgence à mobiliser des fonds et du personnel pour mettre en place une politique pénale efficace. Nous avons souvent entendu cela, mais rarement vu des actes. Monsieur le Premier ministre, il faut faire vite. La qualité de la réponse pénale détermine la confiance des citoyens. À défaut, nous vivrons des jours mauvais. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

Règles sanitaires dans les aéroports (I)

Mme Michèle Vullien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre de la Santé, les contrôles à l'arrivée des voyageurs venus de l'étranger sont difficiles à mettre en oeuvre ; pourquoi ne pas exiger un test négatif au départ ?

Le problème de la déficience des contrôles sanitaires dans les aéroports ne date pas d'aujourd'hui ; nous avons alerté dès le 1er avril sur le sujet. L'attestation sur l'honneur est insuffisante.

De nombreux foyers de contamination réapparaissent sur le territoire national, qui viennent de l'étranger. (M. Roger Karoutchi le confirme.) Mais il a fallu attendre le 17 juillet pour un décret prévoyant une quarantaine volontaire entrant en vigueur seulement dans trois jours - et encore, sa portée n'est même pas nationale.

Nombre de pays ont restreint l'accès à leur sol aux seules personnes pouvant présenter un test négatif. La Chine vient de le faire. Pourquoi pas nous, au moins pour ceux qui viennent de pays à risques ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Jérôme Bignon applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - L'état d'urgence sanitaire prévoyait des quatorzaines obligatoires. Nous avons de la mémoire. J'ai passé ici même de nombreuses heures à débattre sur la sortie de l'état d'urgence sanitaire ; vous pouvez consulter le compte rendu ; j'ai essayé de ne pas nous désarmer totalement pour assurer la protection des personnes en France ; une possibilité est d'imposer un test PCR en France. Nous le demandons pour les personnes issues de pays à risques.

Plusieurs voix à droite.  - C'est faux !

M. Olivier Véran, ministre.  - Soit elles produisent un test négatif réalisé dans les 72 heures avant leur départ, soit elles produisent un test négatif réalisé dans les 48 heures.

Pour faciliter la vie des voyageurs, nous avons mis en place des plateformes de tests PCR au sein même des aéroports, où l'on effectue jusqu'à 2 000 tests par jour, gratuits, pris en charge et remboursés par la sécurité sociale. (Protestations redoublées) C'est inédit. S'ils ne remplissent pas ces conditions, nous accompagnons les voyageurs dans une quatorzaine.

Les faits sont têtus... Des documents sont envoyés aux voyageurs qui arrivent en France. La solution n'est sans doute pas parfaite. Que n'y avez-vous pensé au moment où vous examiniez le texte sur la sortie de l'état d'urgence sanitaire !

Mme Michèle Vullien.  - Votre volonté n'est pas en doute mais cela ne fonctionne pas ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Pierre Moga, Mme Viviane Artigalas et M. Bernard Jomier applaudissent également.)

Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (I)

M. André Gattolin .  - Il y a un an et demi, l'annonce d'une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche avait quelque chose de visionnaire. (Huées)

(Se tournant vers les travées du groupe CRCE) Avez-vous quelque chose à dire ?

M. le président.  - Continuez monsieur Gattolin. C'est moi qui préside !

M. André Gattolin.  - Dans le cadre de notre crise sanitaire, la recherche est indispensable et doit être dotée de moyens et d'engagements financiers. Elle a besoin de moyens et de visibilité au long cours.

L'annonce par le Gouvernement de 25 millions d'euros consacrés à la recherche en dix ans va dans le bon sens tout comme l'augmentation de la dotation de l'Agence nationale de la recherche.

Mais j'appelle l'attention sur les chercheurs, qui continuent à quitter la France, notamment pour les États-Unis, pas par vénalité mais parce qu'ailleurs, les budgets alloués à la recherche leur permettent de faire leur métier.

Qu'est-ce qui changera pour eux avec la LPPR ? Avez-vous des engagements chiffrés ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - C'est le plus grand investissement d'un Gouvernement en matière de recherche depuis l'après-guerre. Il sera important d'échanger dans les prochains mois sur ce projet de loi qui reconnaîtra l'engagement et le travail des chercheurs au service de la connaissance et de notre société. C'est grâce à leurs travaux que nous affrontons la crise actuelle, et que nous affronterons celles de demain.

Cette loi contribue à une simplification qui viendra du terrain. Nous travaillons depuis plusieurs mois avec les laboratoires et les chercheurs pour identifier les obstacles qui gênent l'exercice de leur métier.

Les chercheurs ont besoin de temps, c'est pourquoi nous prévoyons la création de postes supplémentaires. Ils ont besoin de reconnaissance, d'où une revalorisation salariale pour l'ensemble des métiers. Ils ont besoin de moyens, d'où un budget de 1 milliard d'euros auquel s'ajoutent 450 millions d'euros pour soutenir la recherche de base à travers l'Agence nationale de la recherche.

Ce sera une très grande loi que je serai fière de présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. André Gattolin.  - La France n'est pas bien classée dans la recherche en sciences humaines ; elle échoue souvent dans les appels d'offres européens.

Règles sanitaires dans les aéroports (II)

Mme Catherine Procaccia .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À mon tour de vous interroger sur le retard de la France en matière de contrôle aux frontières et dans les aéroports. Je suis préoccupée, comme de nombreux Français, par l'absence de contrôle covid autre qu'un relevé de température quand l'exploitant l'impose. Plusieurs heures d'attente sans respect des gestes barrières, mélangeant les voyageurs de différents avions, Français et étrangers, sans suivi.

Aucun certificat médical ni résultat de test n'est exigé, même pour les voyageurs venant de zone rouge ou reconfinée comme Barcelone. Comble de l'inutilité, l'attestation sur l'honneur que l'on n'a pas le covid - alors que bien des patients sont asymptomatiques. Cette situation est dénoncée par les médecins hospitaliers qui voient arriver de nombreux malades étrangers ou binationaux.

Une nouvelle fois, la France prend du retard, elle n'est pas capable de faire autrement que sur le papier ce que font nos voisins : des contrôles covid systématiques aux frontières.

Et je ne dis rien des 2 000 tests PCR alors que 20 000 voyageurs arrivent chaque jour des pays à risque !

Que ferez-vous pour éviter que nos aéroports ne soient des passoires à covid ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville et Mme Hélène Conway-Mouret applaudissent également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Il me faudrait plus de deux minutes pour vous répondre factuellement. Combien de voyageurs sont-ils hospitalisés en réanimation à Paris, hors rapatriements sanitaires ? Cinq malades depuis le 15 juin. Les chiffres sont têtus. (Protestations à droite)

Vous dites que tous nos voisins ont instauré des contrôles draconiens aux frontières ? Appelons ensemble les ministres de la Santé européens ! (M. André Gattolin applaudit.) À part la France, aucun n'a mis en place des tests PCR jusque dans les aérogares.

Pour tester 1 000 voyageurs, il faut 40 personnes. Pour en tester 35 000, soit le nombre d'arrivées quotidiennes à Roissy en période estivale, il faudrait 1 200 personnes. Nous pourrions l'envisager - mais la majorité sénatoriale nous a refusé la mesure législative qui l'aurait permis. (Protestations à droite)

Seuls les binationaux peuvent rentrer des pays en zone rouge - et nous leur demandons des tests au départ, et, lorsque c'est impossible, nous les testons à l'arrivée et les accompagnons, le cas échéant, dans une quatorzaine. Nous sommes déterminés et n'avons nullement l'intention de permettre au virus de circuler, d'où qu'il vienne. Accompagnez-nous et soyez fiers de ce que nous faisons pour protéger les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Procaccia.  - Il y a des binationaux dans tous les hôpitaux parisiens, toute la presse en parle ! Le Premier ministre a parlé de fermer la frontière avec l'Espagne... Va-t-on attendre quinze jours pour contrôler les voyageurs en provenance de Barcelone ? Nous sommes inquiets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (II)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Vous connaissez l'enseignement supérieur, madame la ministre, pour en être issue ; vous ne pouvez ignorer ses problèmes. Alors pourquoi ne pas avoir lancé un plan de relance global sur le quinquennat pour rattraper les sous-investissements structurels ?

Il faudrait ouvrir une université par an pour accueillir les 30 000 étudiants supplémentaires. Or la dotation par étudiant est retombée au niveau de 2008, les recrutements baissent avec la précarisation de l'emploi des enseignants-chercheurs ; 99 % des 25 milliards d'euros annoncés ne seront disponibles qu'après 2022. Les universités ont besoin de moyens maintenant.

Vous attendez deux jours après le vote du PLFR 3 pour annoncer dix mille places en plus. Avec quels financements ? Vous ne prévoyez rien en faveur de l'enseignement à distance, qui nécessite des investissements. Vous avez refusé tous les amendements pour soutenir les doctorants et les boursiers. Réservez-vous vos efforts au projet de loi de finances à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - En effet, il est temps de réinvestir massivement dans la recherche.

Vous dites que rien n'est prévu pour l'enseignement à distance. Or nous mettons 30 millions d'euros à la disposition des établissements pour préparer la rentrée. Pour les doctorants, nous avons prolongé d'un an les contrats doctoraux financés et les ATER.

La construction d'une université se prévoit ; c'est dans les années 2000 qu'il aurait fallu le faire, quand on savait que la courbe démographique atteindrait un pic en 2018. Il a été très difficile de faire face au retard.

Le plan Étudiants injecte un milliard d'euros pour l'accueil des étudiants en premier cycle.

Nous consacrons 25 milliards d'euros à la recherche. Le programme 172 de la mission « Recherche », c'est 50 millions d'euros entre 2012 et 2017 ; ce sera 220 millions d'euros l'année prochaine et 559 millions d'euros celle d'après : en deux ans, nous aurons fait seize fois plus qu'entre 2012 et 2017.

Enfin, nous investissons réellement dans l'enseignement supérieur et la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Votre Gouvernement nous a habitués aux superlatifs. L'université a besoin d'une vision globale. Les inquiétudes sont grandes pour la rentrée.

Le Sénat sera au rendez-vous pour voter les crédits de votre ministère, comme il l'a été pour les repas à 1 euro ; il faut soutenir le personnel et les étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Politique pénitentiaire

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le garde des Sceaux annonçait récemment un budget ambitieux, tel que la justice n'en a pas connu depuis longtemps. Mais il a depuis douché les espoirs dans une interview au Journal du dimanche...

Depuis plusieurs années, on annonce un plan de rénovation des petites structures pénitentiaires. Va-t-on enfin commencer les travaux ? Allez-vous développer les centres de semi-liberté ? Il n'y a que dix places dans celui d'Agen. Allez-vous faire ruisseler ce budget historique dans les territoires ruraux les plus fragiles ?

Enfin, allez-vous créer les 15 000 places de prison promises par le Président de la République ou continuer à vider les prisons comme le garde des Sceaux, qui s'est félicité, lors d'une visite à Fresnes, du taux d'occupation historiquement bas ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser l'absence du garde des Sceaux, qui est à Roanne où le centre pénitentiaire est le lieu d'une prise d'otage.

Illustrant la priorité qu'il accorde à la question, le garde des Sceaux a effectué son premier déplacement dans un établissement pénitentiaire et a réaffirmé devant les députés l'ambition affichée en la matière dès sa nomination.

S'agissant des moyens immobiliers, la première tranche de 7 000 places, sur les 15 000 annoncées, est bien engagée.

Les postes suivent, avec 6 500 recrutements depuis 2017 et une augmentation d'un quart du budget de la justice.

Les conditions de détention seront améliorées. La France, pays des droits de l'homme, ne peut continuer à être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme ; un plan spécifique sera présenté avant la fin de l'année.

Enfin, nous souhaitons développer les alternatives à l'incarcération comme le bracelet électronique, les travaux d'intérêt général, en hausse de 20 % depuis trois ans. Aucun territoire ne doit être oublié. Au quartier de semi-liberté d'Agen, seules deux des dix places sont occupées. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Les territoires attendent la proximité de la justice, pas la justice de proximité. J'espère que le garde des Sceaux garde à l'esprit cette formule du général de Gaulle : « Entre possible et impossible, deux lettres et un état d'esprit. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Vente de Photonis

M. Alain Cazabonne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Si rien n'est fait avant le 31 juillet, une pépite technologique française, Photonis, leader français de la vision nocturne, passera sous pavillon américain. Olivier Cadic a déjà alerté le Gouvernement sur le sujet.

L'américain Teledyne est prêt à surpayer cette acquisition pour obtenir cette technologie. L'absence de réponse du Gouvernement au 31 juillet vaut acceptation et non refus. On ne peut se contenter d'autoriser la cession en l'encadrant ; en laissant partir les PME qui la constituent, on fragilise la base industrielle et technologique de la défense (BITD).

Le Président de la République a dit vouloir relocaliser - c'est bien, mais c'est mieux de conserver les industries stratégiques qui se trouvent déjà en France.

Allez-vous vous opposer formellement à cette acquisition ? Envisagez-vous, avec BPI France par exemple, un tour de table d'actionnaires français, voir européens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics .  - Photonis est un groupe international implanté aux États-Unis, en France, aux Pays-Bas, qui oeuvre dans un secteur stratégique pour la défense. S'agissant de sociétés cotées, le devoir de confidentialité m'interdit d'être aussi précis que vous le souhaiteriez.

Depuis l'annonce du projet de cession, le dossier est suivi avec la plus grande attention par Bercy et le ministère de la Défense. Nous voulons pour Photonis un actionnariat stable et serein, qui lui permette de développer son activité.

Le premier risque serait que la cession à un investisseur étranger se traduise par un transfert de technologie et d'informations sensibles à l'étranger. Le deuxième serait que l'actionnaire ne soit pas assez solide. Le dossier est en cours d'instruction.

Si nous devions autoriser la cession, nous ferions jouer toutes les prérogatives de l'État, qu'il s'agisse de l'accès à l'information d'éventuels actionnaires étrangers ou du maintien des activités sensibles sur le territoire national. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Alain Cazabonne.  - En Gironde, nous avons été échaudés par l'épisode Ford... Je vous suggère de recevoir notre collègue Olivier Cadic qui a des contacts avec des fonds potentiellement intéressés par la reprise de Photonis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Desserte des Pyrénées-Orientales

M. François Calvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 14 juillet, le Président de la République a confirmé sa volonté de limiter le transport aérien intérieur. Mais certains territoires, comme les Pyrénées-Orientales, n'ont pas d'alternative. Au-delà de la question du maintien des lignes se posent celles de la fréquence des rotations et de la substitution de Roissy à Orly comme aéroport d'arrivée.

La compagnie Hop s'apprêterait à supprimer la liaison Paris-Perpignan. Je comprends les impératifs écologiques, mais comment désenclaver les territoires les plus éloignés et les plus mal desservis dans ces conditions ?

Le Premier ministre a indiqué qu'il mettrait toute son énergie pour faire avancer le projet de LGV Montpellier-Perpignan. Avez-vous un calendrier et des chiffres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - Depuis 2017, le Gouvernement oeuvre pour désenclaver les territoires et assurer leur attractivité, en verdissant et en coordonnant les modes de transports pour répondre aux besoins des territoires, de leurs habitants, de leurs entreprises. Le plan de relance procède de cette philosophie.

Sur la desserte aérienne, nous travaillons avec les opérateurs et les collectivités territoriales à la remontée en charge : dix-huit rotations hebdomadaires entre Perpignan et Paris, à Roissy d'ici la fin de l'été puis à Orly. La ligne sera reprise par Transavia, filiale d'Air France.

La ligne ferroviaire Montpellier-Perpignan est un axe structurant au niveau local, régional et national. La concertation est en cours, nous ferons des annonces prochainement sur les modalités et le calendrier. Nous mettons en oeuvre un plan de régénération massif de 3 milliards d'euros par an pour améliorer la régularité et la robustesse de l'offre ferroviaire ; il en va de l'attractivité de nos territoires.

M. François Calvet.  - Attention à ce que l'aménagement du territoire ne soit pas une nouvelle fois victime des décisions prises dans la capitale ! Pour cela, je fais confiance au Premier ministre... (Sourires et applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Victimes collatérales de la crise du tourisme

M. Yvon Collin .  - Le tourisme est particulièrement impacté par la crise sanitaire. Aussi, les mesures annoncées lors du comité interministériel pour le tourisme sont vitales.

Deux inquiétudes cependant. Je m'interroge sur l'avenir des petites agences de voyages. L'ordonnance du 25 mars sur le remboursement des prestations n'a pas répondu à toutes leurs difficultés et elles se trouvent prises en étau entre les clients et les grands opérateurs qui ne leur reversent pas les acomptes.

Je m'inquiète aussi pour les nombreuses petites entreprises liées au tourisme et à l'événementiel, dans le secteur de la confiserie notamment.

Des entreprises emblématiques de nos savoir-faire régionaux sont menacées, comme la maison Pécou, dans le Tarn-et-Garonne, fondée en 1880, qui ne peut plus écouler ses célèbres dragées avec l'arrêt des cérémonies religieuses.

Le recours à l'activité partielle, l'accès au fonds de solidarité et les reports de charges seront-ils suffisants pour sauver ces entreprises ? Ne faudrait-il pas prendre d'autres mesures ciblées pour sauver la confiserie française et toutes les petites TPE et PME connexes au tourisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises .  - Prêt garanti par l'État, fonds de solidarité, activité partielle, report des charges sociales et des échéances fiscales : dès le début de la crise, le Gouvernement a mis en place toute une palette de mesures pour accompagner les TPE-PME.

Le PLFR 3 comprend des mesures spécifiques aux secteurs les plus touchés, dont le tourisme, y compris pour les entreprises situées en amont et en aval. Ainsi, 31 milliards d'euros seront consacrés à l'activité partielle, 9 milliards au fonds de solidarité - dont 500 millions d'euros sont financés par les régions et 400 millions d'euros par les assurances.

M. Fabien Gay.  - Ce n'est pas assez !

M. Alain Griset, ministre délégué.  - Les entreprises de l'hôtellerie et de la restauration, les cafés, les entreprises du tourisme, de l'événementiel, du sport et de la culture bénéficient d'une prise en charge à 100 % de l'activité partielle jusqu'à septembre. Le fonds de solidarité est prolongé jusqu'à fin 2020 et étendu aux entreprises jusqu'à 20 salariés et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous mobilisons 43,5 milliards au total, dont 18 milliards pour le tourisme.

Mesure inédite, un crédit de cotisations et de contributions sociales patronales de près de 3 milliards d'euros est également prévu au bénéfice des TPE et PME de l'hôtellerie, de la restauration, de la culture, de l'événementiel et du sport.

Le Gouvernement reste à l'écoute des acteurs économiques. De nouvelles mesures seront envisagées, si nécessaire, en fonction des conditions de la reprise.

Urgence climatique

Mme Angèle Préville .  - Le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat est accablant. Sous couvert d'affichage environnemental, le Gouvernement va droit dans le mur. Notre planète se meurt de notre inaction.

L'Arctique étouffe ; en Sibérie, on en paye déjà le coût : routes détériorées, bâtiments fissurés... Nous ne voulons pas être les spectateurs résignés du dérèglement climatique.

Dans un contexte de prise de conscience environnementale, qui s'est exprimée à travers la poussée de la sociale-écologie aux municipales (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains), le troisième PLFR aurait pu concrétiser velléités écologiques du Gouvernement. Las, le virage attendu a encore été repoussé. Nous n'aurons ni changement de cap, ni relance verte. Tous nos amendements issus des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été rejetés.

Rien n'y fait : vous n'écoutez ni les experts, ni les urnes, ni les parlementaires, ni les citoyens. Votre Gouvernement est aussi malade de son manque d'ambition que de sa doxa libérale. Quand allez-vous enfin agir face à l'urgence climatique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa et M. Guillaume Gontard applaudissent également ; marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement .  - Parlons des actes. Un accord européen inédit consacre un plan de relance de 750 milliards d'euros, porté par la France, dont 30 % pour la croissance verte ; quelque 40 milliards d'euros iront à la France. Voilà du concret, pour accélérer la transition écologique.

Parlons des actes. Un plan de relance français avec 100 milliards d'euros pour l'investissement, dont 30 milliards pour la transition écologique.

Parlons des actes. Sur les 149 mesures de la Convention citoyenne pour le climat, le Gouvernement en reprendra 146. Il s'agit de mieux se loger, mieux manger, mieux se déplacer.

Arrêtez les imprécations ! Tous les États membres ont salué l'accord européen. Les socialistes espagnols ont même salué la fin de l'Europe de l'austérité.

Nous sommes au rendez-vous de la transition écologique. Nous avons fermé les centrales à charbon, arrêté EuropaCity, Notre-Dame des Landes, la Montagne d'or. Regardez les actes ! (Mme Nassimah Dindar applaudit.)

Mme Angèle Préville.  - Nous les attendons encore. Il est grand temps de cesser notre prédation sur la nature. L'ours polaire va disparaître : vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas. (Marques d'exaspération à droite)

De la beauté du monde, nous ne voulons pas faire le deuil. Nous faisons de la politique avec sincérité et conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa et M. Guillaume Gontard applaudissent également ; mouvements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Danger du gaz hilarant

M. Jean-Pierre Grand .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quel maire, quel policier, quel enseignant n'a pas entendu parler du « gaz hilarant », et constaté les innombrables cartouches vides qui jonchent les rues ? Or le protoxyde d'azote si prisé par les jeunes constitue un danger avéré pour la santé publique, comme l'a récemment souligné l'Anses.

Dans l'Hérault et le Gard, les communes littorales connaissent, avec l'été, une vague de violences graves et d'incivilités - litote à la mode - causées par l'usage de ce gaz.

Le 11 décembre, le Sénat a adopté à l'unanimité une proposition de loi contre le protoxyde d'azote, avec une interdiction de la vente en ligne et une information obligatoire dans les écoles sur les risques encourus.

Certains maires, comme dans ma commune, ont pris des arrêtés d'interdiction d'utilisation dans l'espace public, mais c'est insuffisant et juridiquement fragile.

Il faut que l'Assemblée nationale se saisisse de ce texte au plus vite, ou que le Gouvernement prenne des dispositions réglementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Je connais le travail de Valérie Létard, auteure de cette proposition de loi qui doit arriver à l'Assemblée nationale, où j'aurai à coeur de l'accompagner et de la renforcer.

Il s'agit d'un vrai problème de santé publique. Les maires s'inquiètent à juste titre des dépôts sauvages de cartouches de ce gaz. La Mission de lutte contre les addictions suit le dossier, et il peut y avoir un suivi en addictologie.

Les jeunes ignorent la dangerosité de ce gaz, qui entraîne une euphorie passagère et parfois des hallucinations. Stocké dans des capsules extrêmement réfrigérées, il peut provoquer, lors de l'inhalation, des brûlures mortelles des voies respiratoires et des bronches : des jeunes de 18, 19 ans sont décédés. Il peut aussi y avoir des séquelles neurologiques irréversibles - c'est le neurologue qui vous le dit. Avec ce produit d'apparence anodine, qui fait marrer les copains, on met sa vie en danger.

À côté de l'action déterminante des maires, il faut renforcer les campagnes de prévention, en lien avec l'ARS, en attendant l'aboutissement de votre texte, que j'espère d'ici la fin de la mandature. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe Les Indépendants ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. le président.  - Merci, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, de votre présence à ces questions au Gouvernement, auxquelles nous sommes très attachés. Elles reprendront à la rentrée parlementaire.

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des lois a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable avec 18 voix pour, aucune voix contre, à la nomination de M. Jean-Luc Nevache à la présidence de la Commission d'accès aux documents administratifs.

Conventions internationales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, la région flamande et la région wallonne relative à l'aménagement de la Lys mitoyenne entre Deûlémont en France et Menin en Belgique est adopté.

Mme Nathalie Goulet.  - J'en rêvais. (Sourires)

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d'instruction militaire est adopté.

Convention France-Luxembourg

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 20 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

Discussion générale

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - Le 10 octobre 2019, la France et le Luxembourg ont signé un avenant à la convention fiscale du 20 mars 2018, entrée en vigueur le 19 août 2019.

Cette nouvelle convention renforce les échanges économiques et les investissements entre la France et le Luxembourg, tout en luttant contre la fraude et l'évasion fiscales.

Elle contient ainsi les dispositions du projet de l'OCDE visant à lutter contre l'érosion des bases taxables et le transfert des bénéfices : ainsi, une clause anti-abus général contre les montages y figure.

La convention de 2018 reprend également les normes les plus récentes de la lutte contre la fraude fiscale, d'échanges de renseignements et d'assistance au recouvrement.

L'avenant que nous examinons ne modifie pas l'équilibre général de la convention mais les modalités d'élimination des doubles impositions pour les revenus des salariés et immobiliers des travailleurs frontaliers français travaillant au Luxembourg. La convention du 20 mars 2018 était en effet susceptible d'entraîner un surplus d'imposition en France pour certains travailleurs frontaliers lorsque l'impôt luxembourgeois était moins important que l'impôt français. L'avenant le supprime.

Les revenus d'activité immobiliers ne sont imposés que dans l'État où se situent les activités et lesdits biens.

L'avenant s'applique à partir du 1er janvier 2020.

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances .  - L'objectif de cet avenant est de clarifier les modalités d'élimination des doubles impositions et exonérations.

La commission des finances avait jugé en 2018 que la convention entre la France et le Luxembourg, qui tient compte des priorités de la France et des nouvelles normes de l'OCDE, constituait un progrès. Elle avait pour triple but d'éviter les doubles impositions et exonérations, d'accroître la sécurité juridique des opérateurs des deux pays et de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

L'avenant ne modifie pas l'équilibre de cette convention. Il clarifie les règles d'élimination des doubles impositions tant pour les salaires que pour les revenus des biens immobiliers. Ce n'est pas par avenant que nous allons régler les sujets que nous pouvons avoir sur le Luxembourg en matière d'optimisation et d'évasion fiscales.

Le Luxembourg, pays de 626 000 habitants, compte plus de 46 % de travailleurs non-résidents, dont 50 % vivent en France. Ce sont ainsi 107 000 travailleurs frontaliers français. Ceux-ci ont alerté les autorités sur les difficultés posées par l'article 22 de la convention de 2018.

La convention laissait la possibilité pour l'administration fiscale française d'apprécier le différentiel entre les impôts luxembourgeois et français, d'où une imposition en deux temps. Dans la convention de 1958, la France avait privilégié l'exemption, selon le principe de l'imposition partagée. L'inquiétude des frontaliers s'est trouvée renforcée par l'adoption, en 2017, au Luxembourg d'une réforme de l'impôt sur le revenu favorable, par rapport au système français, aux personnes dont le revenu est inférieur à 36 000 euros par part. Le risque d'un différentiel d'impôt entre la France et le Luxembourg était donc d'autant plus élevé.

Dans la convention de 1958, la France avait choisi la méthode de l'exemption : si les revenus d'emploi étaient imposables au Luxembourg, alors ils étaient totalement exonérés d'impôt en France. Toutefois, l'administration fiscale pouvait en tenir compte pour calculer le taux effectif d'impôt sur l'ensemble des revenus du ménage. C'est le principe dit de l'imposition partagée, et c'est celui qui était également retenu pour les revenus issus de biens immobiliers situés au Luxembourg.

La convention de 2018 a suscité la méfiance pour les revenus immobiliers, alors qu'ils ne sont imposables que dans l'État où se situent les biens. Cet avenant donc clarifie les règles des revenus d'emploi et immobiliers en revenant au système antérieur ce qui élimine les risques de doubles impositions.

L'objectif est de lever toute ambiguïté afin que ces revenus ne soient pas imposés deux fois. L'avenant ne crée aucun avantage fiscal. Il a déjà été voté au Luxembourg et il s'applique à compter du 1er janvier 2020. Son impact sur les recettes fiscales françaises est nul.

Je rappelle enfin que la détermination des règles d'imposition ne se fait pas au choix du contribuable.

Quant aux compensations, dont je sais que c'est un enjeu majeur pour les territoires frontaliers, elles ne peuvent pas se régler dans le cadre de ces avenants et conventions

La commission des finances propose l'adoption du projet de loi.

Mme Nathalie Goulet.  - Excellent ! (Mme Nathalie Goulet applaudit ainsi que M. Marc Laménie.)

M. Olivier Jacquin .  - Les hasards des remaniements font que c'est M. Riester qui est présent. Vous saluerez Mme de Montchalin avec laquelle nous avions établi de bonnes relations de travail.

Cet avenant, que nous allons voter, répare l'erreur commise en 2018 mais ne traite pas des autres sujets. Il n'en demeure pas moins un petit cadeau fiscal au Luxembourg puisque la différence de fiscalité ne sera pas versée au budget de la France. L'imposition due ne sera plus payée au pays de résidence. On revient à la règle de 1958, à rebours des préconisations de l'OCDE sur la fiscalité partagée.

Quelle compensation de ce cadeau fiscal ? Pourquoi un tel cadeau ? Est-ce parce que notre pays est grand et le Luxembourg petit ? Est-ce pour des raisons liées au passé ? Y-a-t-il des votes conjoints à la Commission européenne ? Une contrepartie pour nos grandes entreprises ? Un geste d'amitié ?

Cet avenant ignore le fond de la question fiscale. Le rapport de Karl-Heinz Lambertz au congrès des pouvoirs locaux du Conseil de l'Europe de 2019 n'est même pas cité : or, il dénonce les déséquilibres fiscaux entre nos deux pays.

À de multiples reprises, j'ai demandé un rapport sur la situation consolidée entre nos deux pays, mais nous ne l'avons pas obtenu.

Les cotisations dépendance sont versées au Luxembourg mais c'est la France qui paie la dépendance aux travailleurs - 70 millions d'euros par an. L'Unedic, pour sa part, a versé 192 millions d'euros aux ex-travailleurs du Luxembourg en 2017.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Olivier Jacquin.  - Par ce dumping fiscal entre nos deux pays, nos territoires frontaliers sont asséchés et les collectivités territoriales ne peuvent plus payer les nombreux services demandés par les frontaliers.

En outre, ces avenants ratent l'actualité. La covid a fait exploser le télétravail. Dans l'accord de 2018, la France était la mieux-disante avec 29 jours de télétravail offerts au Luxembourg. Au-delà, il fallait une double déclaration fiscale.

Je salue la coopération sanitaire avec le Luxembourg durant le confinement. Mais durant la crise, nous avons augmenté le seuil au-delà des 29 jours.

Actuellement, le débat sur le télétravail est vif au Luxembourg. Mais pourquoi cela se ferait-il sans compensation et aux dépends de notre budget ?

Lors de la prochaine conférence intergouvernementale, il sera indispensable de traiter de cette question de justice financière et d'équilibre avec le Luxembourg. Nos deux pays sont interdépendants, ce qui impose des relations justes et équilibrées. La métropole luxembourgeoise n'est autre que la troisième métropole de la Lorraine, pour reprendre les mots du nouveau maire de Nancy. (MM. Vincent Éblé et Patrice Joly applaudissent.)

Mme Véronique Guillotin .  - C'est la troisième fois en cinq ans que le Parlement examine une convention fiscale entre la France et le Luxembourg. En décembre 2015, nous votions le quatrième avenant à la Convention de 1958.

En 2018, la France a ratifié la convention qui s'impose désormais, établie sur le modèle standard de l'OCDE, comme toutes nos conventions fiscales.

Cet avenant comporte des éléments législatifs. Aux termes de l'article 53 de la Constitution, il doit donc être approuvé par le Parlement.

Je salue l'accord de 2018 mais, lors du débat du 17 décembre 2018 qui s'était déroulé au Sénat selon la procédure normale, j'avais déjà signalé l'angle mort qu'il constituait pour les travailleurs transfrontaliers et j'avais regretté le caractère succinct de l'étude d'impact. Il n'est hélas pas possible d'amender un projet de loi de ratification. Cette convention ne fait pas exception.

Au terme de la convention de 2018, les salariés résidant en France bénéficiaient d'un crédit d'impôt pour éviter les doubles impositions, mais pas le surplus d'imposition. On ne peut qu'être favorable à cet avenant car cela concerne surtout les bas salaires. Nous en revenons donc à la situation antérieure à 2018.

Regrettons en revanche l'absence d'évolution de cet avenant sur le télétravail, notamment sur le seuil des 29 jours.

Une heure de télétravail de 8 heures à 9 heures pour éviter les embouteillages compte-elle pour une heure ? Ou s'impute-t-elle sur la cagnotte de 29 jours prévue par le Gouvernement ?

Les entreprises verrouillent la pratique du télétravail en deçà des 29 jours pour éviter toute difficulté.

Gardons à l'esprit les préoccupations des travailleurs frontaliers liées notamment à l'engorgement des voies de communication, sans parler de la pollution engendrée par les embouteillages.

Il faut donner un cadre juridique adapté au télétravail.

Le Grand-Duché constitue un pôle économique majeur dans la région. Sa position intermédiaire entre les pays du nord et du sud lors des récentes négociations européennes en témoigne. Nous devons aller vers davantage de coconstruction d'une véritable agglomération transfrontalière dynamique et équilibrée.

Le RDSE votera pour l'adoption de ce projet de loi. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. Georges Patient .  - (M. Julien Bargeton applaudit.) Deux ans après notre débat sur la convention de 2018, applicable depuis le 1er janvier 2020, nous sommes saisis d'un avenant.

La convention de 2018 remplaçait celle de 1958 - l'une des premières du genre - afin de tenir compte des nouvelles préconisations de l'OCDE, ce que nous avions à l'époque salué. Elle supprimait les avantages injustifiés aux investissements immobiliers luxembourgeois et prévoyait que les revenus d'un résident français imposable au Luxembourg étaient imposés en France avec déduction du montant de l'impôt payé au Luxembourg. Une mesure alors présentée comme inédite. Sa mise en oeuvre a toutefois posé quelques difficultés auxquelles remédie cet avenant. Il revient à la méthode d'imposition de 1958 : les revenus d'activité sont imposés dans le pays de l'emploi.

La Convention de 2018 était utile mais le vrai sujet concerne la concurrence et l'harmonisation fiscale européenne qui nécessitent l'unanimité des États membres.

Pour l'impôt sur les sociétés, le projet européen ACCIS (Assiette commune consolidée d'impôt sur les sociétés) doit être rapidement mis en oeuvre et devra être complété pour répondre à la question de la concurrence fiscale, par une interprétation uniforme des règles en matière d'assiette commune, voire par un taux minimum et maximum d'imposition sur les sociétés.

Notre groupe votera ce projet de loi sans réserve, mais restera attentif aux efforts du Gouvernement pour obtenir un accord européen sur l'harmonisation fiscale.

M. Pierre Laurent .  - À la demande de notre groupe, nous examinons cet avenant qui concerne 107 000 travailleurs frontaliers. Il ne modifie pas en profondeur la convention de 2018 qui entendait mieux lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscales, mais de telles dispositions demandent un vrai débat.

Ce pays possède des ports francs, bunkers interdits d'accès à tous où s'entassent des oeuvres d'art de grande valeur. Sacha Guitry disait qu'il y avait des collectionneurs vitrines et des collectionneurs placards. Au Luxembourg, les ports francs jouent dans la seconde catégorie.

Mme Nathalie Goulet.  - Excellent !

M. Pierre Laurent.  - La Commission européenne a plusieurs fois tancé le Luxembourg pour sa politique fiscale. L' exécutif européen a instamment demandé au Grand-Duché de modifier une loi qui autorise les entreprises à réduire leurs charges fiscales au-delà de ce qui est autorisé dans le cadre des règles de l'Union dans la mesure où cela réduit les ressources fiscales dans les autres états membres.

Ce pays de 600 000 habitants accueille autant d'investissements directs à l'étranger que les États-Unis et beaucoup plus que la Chine, indication donnée par un rapport du FMI l'an dernier. La valeur de ces investissements directs à l'étranger atteindrait 4 000 milliards de dollars. Une grande partie de cet argent est stocké dans des coquilles vides créées par des multinationales, sans activité réelle au Luxembourg, des véhicules financiers spécifiques dont la seule raison d'être est de bénéficier d'une fiscalité plus clémente.

Deux lanceurs d'alerte français ont indiqué qu'un groupe d'Ehpad a envoyé au moins 105 millions d'euros entre 2017 et 2019 au Luxembourg. Ce pays serait l'un des paradis fiscaux les plus opaques au monde d'après l'ONG Oxfam. Or nos aides publiques allouées aux Ehpad sont passées, en dix ans, de 5 à 10 milliards d'euros par an : nos impôts financent ainsi des structures à l'opacité redoutable.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Pierre Laurent.  - Notre groupe considère que ce débat permet de questionner à nouveau ce type de politique en Europe alors qu'avec la crise nous cherchons tous de nouveaux subsides.

Il est temps de supprimer en Europe les paradis fiscaux, et les Pays-Bas feraient bien de faire le ménage chez eux plutôt que de donner des leçons de rigueur aux autres pays européens.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Pierre Laurent.  - Nous voterons contre cet avenant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Olivier Jacquin et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. Jean-Pierre Decool .  - La convention et son avenant visent notamment à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Ils ont fait l'objet de discussions fructueuses avec le Luxembourg.

Il est important de ne pas pénaliser nos travailleurs transfrontaliers et d'établir une fiscalité au plus près de la réalité des territoires.

Les administrations fiscales ont encore du mal à faire face aux conséquences du marché commun, tant sur les questions de fraude que de la double imposition. C'est tout l'intérêt d'améliorer la coopération en la matière, afin de permettre une fiscalité au plus près d'une réalité partagée entre deux territoires. C'est d'autant plus vrai avec le Luxembourg où près de 50 % des travailleurs ne sont pas résidents fiscaux de ce pays.

Il est difficile de concilier la liberté de circulation des personnes en Europe alors que les fiscalités restent encore largement nationales. L'Europe avance sur ces sujets comme en atteste l'adoption par la Commission européenne mercredi dernier d'un nouveau paquet fiscal. Nous souhaitons vivement que l'Union poursuive son action en faveur d'une plus grande intégration fiscale. Elle avance, mais difficilement, sur la voie de l'harmonisation, faute d'unanimité. Les pays qui le souhaitent doivent pouvoir avancer via une coopération renforcée.

Le présent avenant est le signe d'une collaboration fiscale qui fonctionne.

Nous avons besoin d'une Europe qui ne craigne pas d'aller vers plus de coopération. L'Euro et l'espace Schengen constituent deux forces majeures de l'Union. Il est heureux que nous n'ayons pas attendu l'unanimité pour les mettre en oeuvre et en bénéficier.

Nous voterons donc ce projet de loi.

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Beaucoup de choses ont été dites sur ce projet d'avenant. Certains considèrent encore le Luxembourg comme un paradis fiscal. Ce pays, qui totalise tant de sièges sociaux pour 600 000 habitants seulement, avait il y a quelques années un système fiscal opaque, révélé notamment par le scandale Lux Leaks. Mais des progrès ont été réalisés avec, en juin 2018, la signature d'une convention multilatérale sur la base des travaux BEPS, au sein de l'OCDE.

Depuis les années 1990, le flux de travailleurs frontaliers a cru considérablement, du fait de la croissance économique au Luxembourg, passant de 33 000 personnes en 1990 à 200 000 l'an passé. En trente ans, le pays a créé 250 000 emplois.

Le Luxembourg devrait être relativement épargné par l'épidémie de covid : recul de 6 % de la croissance en 2020, avec un rebond de 7 % en 2021, qui effacerait en un an l'impact de la crise. Ce pays a des marges de manoeuvre différentes des nôtres, avec un taux d'endettement de 22 % seulement, l'un des plus bas d'Europe. Un exemple ! D'ici 15 ans, le besoin de main d'oeuvre frontalière devrait augmenter de 130 000.

Cet avenant est important car il corrige une inquiétude des travailleurs transfrontaliers née de l'article 22 de la convention de 2018 : ils ne seront pas imposés deux fois.

Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet .  - (M. Pierre Louault applaudit.) Parler de convention fiscale est toujours utile et je remercie le groupe CRCE, d'autant que sur ces sujets, le Parlement arrive à la fumée des cierges, puisqu'il n'est pas associé aux négociations. Je rappelle le référé de la Cour des comptes en date du 31 mai 2019, qui insiste sur la qualité du suivi de la mise en application desdites conventions et sur la nécessité de mieux défendre les intérêts des contribuables.

Notre groupe votera cet avenant à la convention de 2018, qui nous offre la possibilité de parler du Luxembourg.

Les ports francs de ce pays, 22 000 m2, sont une zone de non-droit en Europe. Lorsque nous avons examiné la convention de 2018, j'ai exprimé, comme plusieurs de mes collègues, les doutes que j'avais sur ces zones. Comme leurs avocats m'indiquaient que tout était parfaitement transparent, je leur ai alors proposé de venir visiter les ports francs avec Éric Bocquet, mais je n'ai depuis lors eu aucune réponse... Mes doutes demeurent !

L'affaire du géant français des Ehpad, Domitys, est symptomatique, d'autant que la Caisse des dépôts et consignation en est actionnaire. Les encours de ce groupe avoisinaient 131 milliards d'euros en 2019. Le Luxembourg interroge en matière de politique fiscale en Europe. Le dernier rapport de la Cour des comptes fait état de différentes fraudes, notamment à la TVA, 20 milliards d'euros pour la France et 137 milliards d'euros pour les pays de l'Union, excusez du peu !

En cette période de crise économique et sociale, il ne faudrait pas que les prêts servent à la fraude et à l'évasion fiscales.

Ce débat nous permet d'attirer votre attention sur le sujet. Lors du PLFR3, nous avons demandé des dispositifs de contrôles a priori avant des prêts à M. Dussopt. qui nous a dit qu'il n'en voulait pas. (Mme Nathalie Goulet salue M. Dussopt, qui vient d'arriver.)

Il faut conférer un champ d'actions plus large et davantage de moyens à l'OLAF. Il faut également travailler à l'action 15 du BEPS de l'OCDE, ce qui permet de réviser les conventions internationales qui ne donnent pas satisfaction.

Enfin, si la révision constitutionnelle arrive, il faudrait renforcer les pouvoirs du Parlement en matière de lutte contre la fraude fiscale, afin qu'il puisse se prononcer sur les pays non coopératifs.

Nous voterons, malgré ces réserves, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SOCR et CRCE)

M. Franck Riester, ministre délégué.  - La coopération transfrontalière permet de faire avancer les dossiers et la conférence intergouvernementale est le lien pour discuter de ces sujets. Nous avons ainsi dégagé 240 millions d'euros pour les transports.

M. Olivier Jacquin.  - Une aumône !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - C'est déjà ça ! Le Grand-Duché souhaite travailler sur les sujets transfrontaliers. La solidarité du Luxembourg n'a pas fait défaut lors de la crise sanitaire, puisqu'il a accueilli onze patients. Le Luxembourg est de plus en plus ouvert au financement de travaux co-construits.

Cet avenant ne constitue pas une perte pour le Trésor. Il revient à la réglementation de 1958.

M. Olivier Jacquin.  - Toujours pas de compensation !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - La convention de 2018 aurait touché les ménages les plus modestes. En outre, elle est, madame Guillotin, plus favorable au télétravail. Les 29 jours constituent à mon sens un juste équilibre. C'est mieux que ce dont disposent les travailleurs transfrontaliers belges et allemands.

Sur les modalités pratiques d'application, un accord sera bientôt conclu. Les collaborations en matière culturelle, sécuritaire et sociale se développent avec le Luxembourg. Le Gouvernement est mobilisé pour lutter contre la fraude, vous le savez.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

L'article unique est adopté.

Le projet de loi est adopté.

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

Discussion générale

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics .  - Cette nouvelle lecture doit nous permettre de clarifier les points de désaccord. Le cap reste le même : sincérité budgétaire, responsabilité et confiance qui étaient les piliers de notre action en 2019, le restent en 2020 et le resteront en 2021.

J'ai entendu au Sénat et parmi certains groupes à l'Assemblée nationale des réserves, des inquiétudes.

À ceux qui me reprochent une politique de rigueur, voire d'austérité, je réponds que les résultats sont là : dédoublement des classes en primaire, augmentation du pouvoir d'achat grâce à la hausse de la prime d'activité, revalorisation du minimum vieillesse et de l'allocation adulte handicapé, mais aussi renforcement des moyens de nos forces armées et de sécurité, baisse de 4,4 % des crédits de la mission « Défense », grâce à des crédits additionnels de 1,7 milliard d'euros.

Nous avons fait ces choix budgétaires tout en baissant la fiscalité des ménages et des entreprises, en particulier l'impôt sur le revenu. Ainsi, le taux de prélèvements obligatoires a baissé de 45 % fin 2017 à 43,8 % fin 2019.

Afin de former un million de demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés et un million de jeunes éloignés du marché du travail, nous réalisons un effort budgétaire sans précédent, en investissant dans les compétences pour plus de 13 milliards d'euros entre 2018 et 2022.

Nous finançons la transition écologique, le budget qui y est consacré reflète la priorité accordée par le président de la République et le Gouvernement : en 2019, la mission a vu ses dépenses augmenter de 3,4 %, notamment en faveur de l'Ademe, pour renforcer la lutte contre le changement climatique.

En 2019, mais aussi dans la loi de finances pour 2020, c'est le Gouvernement qui, dès avant la covid et le Ségur de la santé, avait porté l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) à son niveau le plus élevé depuis plus de dix ans - même si les besoins étaient élevés eux aussi.

À ceux qui me reprochent un manque d'ambition sur les économies, je réponds que le solde public est passé de 2,9 % en 2017, à 4,3 % en 2018 et 2,1 % en 2019, hors impact de la transformation du CICE en allègements de charges.

La crise sanitaire, puis économique, est venue percuter nos efforts. Nous avons passé le week-end à échanger sur le PLFR 3. Nous souhaitons retrouver dès l'an prochain une trajectoire de maîtrise de l'endettement et de responsabilité budgétaire, en ciblant le plan de relance, constitué uniquement de dépenses réversibles, et en maîtrisant les dépenses relevant des budgets que je qualifierais d'ordinaires. C'est ce qui guidera notre travail sur le budget 2021 dans les semaines qui viennent.

Le texte témoigne de notre volonté de sincérité budgétaire, fruit d'un travail collectif, avec les responsables de programme, la direction du budget, la direction générale des finances publiques La qualité de l'exécution budgétaire a été soulignée par M. le rapporteur général en commission.

Le Gouvernement n'a pris aucun décret d'avance et nous avons fait de la loi de finances rectificative de fin de gestion un moment de partage avec les parlementaires sur les ajustements de fin d'année.

Nous avons baissé les taux de mise en réserve de 8,8 % en 2017 à 3 % en 2019 et continuons selon cette méthode inspirée notamment par la confiance témoignée aux décideurs et la déconcentration des décisions.

Le budget était ambitieux et exigeant, comme le seront ceux des futurs exercices. Cette exigence et cette ambition nous obligent. J'espère un vote favorable.

Si d'aventure il était rejeté par votre assemblée, cela n'empêcherait en rien le Gouvernement de continuer à coopérer avec le Sénat tant sur l'exécution que sur la préparation des échéances à venir.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Nous nous voyons souvent en ce moment ! (Sourires)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - C'est un plaisir !

M. Albéric de Montgolfier.  - Oui, même si nous avons l'impression d'être un peu en décalage horaire... Les huit articles adoptés par l'Assemblée nationale ont été rejetés par le Sénat, donc la CMP ne fut pas conclusive. Il n'y a pas de désaccord sur le respect de l'autorisation parlementaire, et on ne peut contester les chiffres ou la sincérité de l'exécution 2019, nous nous étions réjouis - sans doute trop vite ! - de ne pas avoir eu de PLFR en 2019, ni de décret d'avance - même si nous en sommes à la troisième LFR en 2020.

Mais nous critiquons le manque d'ambition, dû aux choix d'origine du Gouvernement que cette loi de règlement ne fait que refléter. Le Gouvernement n'a pas su profiter de la croissance passée et de la baisse de la charge de la dette qui auraient pu permettre un redressement de la situation budgétaire structurelle.

Nous payons aujourd'hui le prix de ces choix, avec des marges budgétaires inexistantes alors que nous vivons la pire crise économique depuis la guerre.

En 2019, un grand nombre d'indicateurs étaient au beau fixe. Malgré une croissance de 1,5 %, le déficit - hors CICE - est de 4,8 % cette année, un record ! Quant aux prélèvements obligatoires, ils sont à 44,8 % du PIB, record de l'OCDE.

Le solde de l'ensemble des actions publiques a été dégradé de 0,5 point du PIB. Les dépenses du budget général ont augmenté de 1,9 %. Les objectifs, peu ambitieux, n'ont pas été respectés. En 2019, des réformes auxquelles le Sénat était opposé ont été mises en oeuvre, telle celle qui porte sur le reversement des APL, sur laquelle M. Dallier reviendra.

Là où l'Allemagne peut se permettre dès maintenant de faire de la relance, c'est qu'elle dispose de marges de manoeuvre que nous n'avons pas. Si nous sommes si attachés à la réduction du déficit, ce n'est ni par attachement à je ne sais quel principe ni par orthodoxie budgétaire, mais parce qu'il nous prive, en cas de catastrophe, de ces marges de manoeuvre.

La commission des finances propose, comme en première lecture, de ne pas adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

M. Jean-Claude Requier .  - Compte tenu des blocages irréductibles sur ce texte, mon intervention diffèrera peu de celle que j'avais prononcée en première lecture.

Ce texte semble évoquer un autre monde, d'avant l'émergence du virus SARS-Cov-2. Les propos nuancés rassurants que l'on pouvait tenir l'an dernier sur les perspectives de rétablissement de l'équilibre budgétaire ne sont hélas plus de mise. L'Insee, dans sa note de conjoncture du 8 juillet, fait toutefois état d'une baisse d'activité de 17 % au deuxième trimestre au lieu des 20 % précédemment prévus, et d'une récession de 9 % - récusant les prévisions les plus pessimistes à 11 %. Principale bonne nouvelle de ce projet de loi de règlement : le déficit serait contenu à 3 % en 2019.

M. Philippe Dallier.  - Est-ce vraiment une bonne nouvelle ?

M. Jean-Claude Requier.  - Malgré les mesures au bénéfice des gilets jaunes, notamment la prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat qui pouvait laisser craindre un nouveau dérapage budgétaire, le solde à la fin 2019 est proche de celui qui était prévu dans la loi de programmation budgétaire de 2017.

L'endettement, lui, s'est stabilisé fin 2019 autour de 98 % du PIB, avec une baisse de la part de la dépense publique et du taux de prélèvements obligatoires, grâce aux recettes perçues sur les primes d'émission, que j'ai évoquées en première lecture.

Certains crédits ont été revus à la hausse par rapport au budget initial, telle l'aide publique au développement pour un milliard d'euros. Après l'enseignement, la mission « Défense », fortement augmentée depuis le début du quinquennat, a également connu une hausse.

La maîtrise des dépenses prend la forme d'économies de gestion pour un milliard d'euros. Les objectifs de performance prévus par la LOLF sont atteints dans 50 % à 60 % des cas - ce qui semble difficile à interpréter.

La bonne tenue des comptes des collectivités territoriales doit être soulignée : elles ont joué le jeu de la coopération, en finançant des équipements de protection lors de la crise de la covid. Avec le report du second tour des municipales, certaines communes connaîtront une situation financière difficile en 2020.

Le RDSE reste majoritairement favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Julien Bargeton .  - Le chaînage vertueux voulu par les concepteurs de la LOLF apparaît singulièrement perturbé cette année, puisque nous en sommes à une troisième loi de finances rectificative.

Se plonger dans l'exercice 2019 ressemble à de l'archéologie administrative et politique, tant cette époque nous apparaît lointaine désormais.

Les chiffres peuvent laisser songeur : déficit public à 2,1 %, hors effet CICE, dette à 98 % du PIB, dépenses publiques à 55,6 % du PIB, soit un point de moins en deux ans, 21 milliards d'euros de baisse de prélèvements obligatoires entre 2017 et 2019. Un déficit qui se réduit, certes, de 15 milliards d'euros par rapport aux prévisions grâce à une bonne tenue des recettes mais qui s'explique par la bonne tenue de l'économie.

Je ne partage donc pas la position de la majorité sénatoriale, qui considère qu'on ne serait pas entré dans la crise avec une position améliorée : le souvenir des politiques menées depuis quarante ans conduit à être modeste de ce point de vue !

Il n'y a pas de critiques sur la sincérité budgétaire du Gouvernement ; cela devrait conduire la majorité, à tout le moins, à s'abstenir. Qui veut noyer son chien l'accuse d'avoir la rage, et on dirait que la majorité cherche un prétexte pour voter contre...

Le groupe LaREM votera cette loi de règlement non seulement parce que nous approuvons la politique budgétaire du Gouvernement, avec la prime d'activité, la prime exceptionnelle, la baisse de l'impôt sur le revenu, les heures supplémentaires, mais aussi parce que nous nous réjouissons en tant que parlementaires, de la sincérité budgétaire qu'il pratique : taux de réserve en baisse, pas de décrets d'avance.

Trois continuités dans la stratégie budgétaire suivie depuis 2019 : la relance passera par les entreprises, et la politique de l'offre doit être maintenue dans le soutien à la transition numérique et écologique. En période de baisse d'activité, il ne faut pas baisser la dépense publique, mais pas non plus augmenter les impôts ; nous devons continuer à nous endetter à des taux bas.

Le groupe LaREM votera cette loi de clarté, de cohérence et de confiance.

M. Pascal Savoldelli .  - La loi de règlement a été rejetée en première lecture par le Sénat. Le récit est bien huilé : Julien Bargeton renvoie la balle à la majorité pour faire croire que ce n'est pas une loi de droite... Admirez le jeu d'acteur !

Les choix budgétaires pratiqués depuis 2017 sont mauvais. Le président a artificiellement renouvelé l'équipage. Ces choix dégradent les finances publiques, avec les cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises. Un exemple : alors qu'il y a 500 niches fiscales, l'IFI - « impôt sur la fortune immobilière », c'est un bon élément de langage - a coûté 2,9 milliards d'euros par an et il s'accompagne de cinq niches.

Ces choix sont mauvais car déterminés par une idéologie dépassée, qui voit toute dépense publique comme coûteuse et inutile.

Le Gouvernement persiste à refuser de mettre à contribution ceux qui pourraient le faire. On continue de faire croire que la France pourrait faire fuir la richesse, alors que le nombre de millionnaires a augmenté de 11 %, notre pays étant au cinquième rang mondial pour ce nombre.

Le Gouvernement distribue niches fiscales et exonérations à tout va. Il demande tout aux demandeurs d'emploi, rien aux plus riches. C'est logique : on est favorable au capital... ou pas.

Cette incohérence me rappelle ce passage de Christian Morel dans Les décisions absurdes : « Le personnel s'efforçait bien de respecter la jungle des procédures, mais restait aveugle à de graves failles de sécurité pourtant très visibles ».

Plutôt que de nourrir les rancoeurs et les égoïsmes, défendons une République des communs, solidaire, qui aide véritablement les jeunes, renforce les moyens dans les écoles, investit dans les hôpitaux et donne des garanties aux élus locaux. Nous souhaitons aussi lutter contre la fuite de capitaux, ce qui implique de ne pas réduire les effectifs au ministère de l'Action et des comptes publics, comme le Gouvernement l'a fait.

La privatisation d'ADP est une illustration de la gabegie. L'État agit aujourd'hui pour limiter la crise économique, preuve que l'économie ne peut pas s'autoréguler. Il continue à préférer le capital au travail.

Le groupe CRCE votera contre ce texte, sans surprise. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Jean-Pierre Decool .  - Nous voyons certaines étoiles qui n'existent déjà plus, en raison de la distance qui les sépare de nous. Ainsi nous observons une situation qui n'est plus : c'est ce qui se passe avec ce texte, alors que le déficit est passé à deux chiffres, que l'endettement a bondi de plus de 20 points, que la dépense publique dépasse les 60 % du PIB.

Le groupe Les Indépendants a voulu voter ce projet de loi de règlement pour reconnaître le sérieux de la gestion budgétaire du Gouvernement. Évitons de nous quereller sur le passé, regardons vers l'avenir.

Même si la situation budgétaire de 2019 nous paraît, avec le recul, enviable, je rappelle que nous avions tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises : depuis dix ans, nous avons manqué de courage.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte, comme lors de la première lecture. Il faut reconnaître la bonne exécution de la loi de finances pour 2019.

Les années qui sont devant nous s'annoncent difficiles. Nous devrons faire preuve de rigueur dans l'exécution budgétaire : c'est la meilleure façon d'avoir confiance. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - On peut le regretter mais à l'approbation de l'exécution budgétaire passée s'est substitué un débat sur la question de savoir si cette exécution nous préparait à la crise.

L'échec de la CMP était prévisible compte tenu de la superposition de ces débats. Les chiffres du PLFR 3 sont exceptionnels. Avec le recul, l'examen de ce texte est quelque peu surréaliste. La situation des finances publiques à la veille de la crise sanitaire est un souvenir presque lointain : 2,3 % de déficit, dette à 98 % du PIB, cela ferait presque rêver !

Pourtant cette dette était élevée au vu de la trajectoire de croissance et des taux d'intérêt très bas. Elle entrait en contradiction avec la trajectoire des finances publiques du quinquennat.

Mais depuis vingt ans, les réformes structurelles, qui auraient permis de faire baisser les dépenses publiques sous un seuil nous redonnant des marges de manoeuvre budgétaires, ont été repoussées. En 2019, les recettes étaient supérieures aux prévisions : c'est bien du côté de la dépense que le bât a blessé, car elles ont augmenté de 6 milliards d'euros en 2019. Nous avons collectivement été incapables de baisser les finances publiques.

Certes, les comptes publics ont été grevés par les mesures prises après la crise des gilets jaunes, votées par le Sénat, tout comme par la transformation du CICE en allégement de charges.

Reconnaissons la sincérisation des comptes, avec une absence de décrets d'avance et une baisse du taux de mise en réserve.

Reste que nous sommes entrés dans la crise avec une situation budgétaire dégradée.

Le groupe centriste s'abstiendra sur ce texte : l'enjeu porte maintenant sur la relance ; il faut retrouver la maîtrise de nos comptes et de notre endettement. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Thierry Carcenac .  - Ce texte n'a pas connu de modification puisque la CMP n'a pas été conclusive.

La reprise de la trajectoire de nos comptes publics apparaît fortement compromise.

M. Philippe Dallier.  - Ah ! Pour le moins !

M. Thierry Carcenac.  - On peut se réjouir de l'absence de décrets d'avance, mais le groupe socialiste et républicain n'avait pas voté la loi de finances pour 2019. Dépense insuffisamment réduite, déficit excessif : rappelées par le rapporteur général, ces réalités nous conduisent à des positions différentes.

Le ruissellement tant vanté n'a produit aucun résultat, comme l'a montré le rapport Éblé-Monti sur les effets de la transformation de l'ISF en IFI.

L'appauvrissement des plus modestes s'est accru au bénéfice des plus riches.

Lutte contre les inégalités, solidarité entre les territoires : voilà des motifs de dépenses utiles. Mais nous attendons des actes concrets. Le Ségur de la santé a apporté la preuve a posteriori des effets délétères des coupes claires à l'hôpital, payées au prix fort.

Nous attendons le plan de relance. L'éducation tout comme l'enseignement supérieur et la recherche devront être dotés correctement pour préparer l'avenir du pays.

La culture et le sport, outils de cohésion sociale, ne sauraient être négligés, comme ce fut le cas dans le débat sur le PLFR 3.

Le groupe SOCR maintient son vote : il ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Philippe Dallier .  - Il y a deux semaines, le Sénat a rejeté ce texte, comme l'an passé. Nous le faisons à nouveau, sans surprise, car ce texte est celui du renoncement de la majorité.

Voyez donc le programme d'Emmanuel Macron, en 2017, dont cet extrait du chapitre intitulé « la préparation de l'avenir » : « ne pas réduire notre dépense publique et notre dette serait irresponsable vis-à-vis des générations à venir ». En effet !

Suivait l'annonce d'un plan d'économies : « mis en oeuvre au cours du quinquennat, il permettra à l'échéance du quinquennat en 2022 d'économiser 60 milliards d'euros par an par rapport à la trajectoire spontanée, dite tendancielle ».

M. Julien Bargeton.  - Des événements ont eu lieu depuis !

M. Philippe Dallier.  - Vous y avez renoncé, alors que notre économie était en haut de cycle. Il y avait donc quelques marges de manoeuvre, mais malheureusement, depuis deux ans le déficit structurel est resté à 2,2 %. Il n'y a eu aucun effort et aucun pilotage stratégique de nos finances publiques. La crise des gilets jaunes est passée par là : c'est une partie de l'explication.

M. Bargeton nous a dit que tout allait bien avant la crise...

M. Julien Bargeton.  - Je n'ai pas dit cela !

M. Philippe Dallier.  - Avec 68 milliards d'euros en 2017, 76 milliards en 2018, 93,1 milliards d'euros de déficit en 2019, une progression d'année en année, malgré des économies de circonstance sur les taux d'intérêt. Les choses s'étaient dégradées en 2019.

En 2002, le déficit était de 52 milliards d'euros, la bulle internet était passée par là, il a été réduit à 37 milliards d'euros en 2007. Il n'y a donc pas eu de hausse continue sur les quarante dernières années ! lI y a bien eu des efforts, mais pas depuis 2017.

Tout ce que nous pouvons faire désormais, c'est de limiter les dégâts.

Oui, malgré l'accord européen qui nous donnera peut-être un peu d'air, une chose est certaine : dès l'an prochain, il faudra se pencher sérieusement sur les économies que l'État doit faire.

Le groupe Les Républicains votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article liminaire n'est pas adopté non plus que les articles premier, 2, 3, 4, 5 et 6.

Mme la présidente.  - Les six premiers articles du texte et l'article liminaire ayant été rejetés, le rejet de l'article 7 entraînerait le rejet du projet de loi dans son ensemble.

Le scrutin public était de droit sur le texte, conformément à l'article 59 de notre règlement, je soumets donc l'article 7 au scrutin public de droit.

L'article 7 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 286
Pour l'adoption 57
Contre 229

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Le vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire puisque tous les articles ont été rejetés.

Le projet de loi n'est pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Offre de chèques-vacances au personnel sanitaire et médico-social (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi permettant d'offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de covid-19.

Discussion générale

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Le 2 juillet, la CMP est parvenue à un texte commun sur cette proposition de loi. Cet accord, fruit d'échanges constructifs avec le député Christophe Blanchet, auteur et rapporteur du texte, organisant la générosité des Français en direction du personnel soignant mobilisé durant la crise sanitaire, devait aboutir à une adoption définitive.

Le précédent Gouvernement avait demandé la procédure accélérée sur ce texte, alors que le Parlement est déjà soumis à des urgences multiples et des conditions de travail dégradées, comme on vient de le voir avec le PLFR 3.

Ce texte ne répond pas à toutes les attentes et aux revendications des soignants, le Ségur de la santé ayant été parallèlement négocié à cette fin.

De plus, les soignants, qui méritent très certainement notre reconnaissance, ne sont pas les seuls à avoir pris des risques en travaillant pendant la crise sanitaire. A l'inverse, certains de nos concitoyens auraient voulu continuer à travailler mais en ont été empêchés.

La commission des affaires sociales a néanmoins fait le choix de réécrire le texte pour le rendre plus opérationnel, en remplaçant le don de jours de repos imaginé par les députés par le don d'une partie de salaire correspondant à une ou plusieurs journées de travail.

Le texte qui nous est soumis est donc un compromis, qui permettra un don de jours de congés monétisés avec l'accord de l'employeur - afin de protéger les employeurs, notamment publics, n'ayant pas les moyens de financer la générosité de leurs employés, mais aussi la possibilité de faire un don financier direct au fonds des chèques-vacances, sans doute la disposition la plus prometteuse de ce texte.

Les destinataires seront ceux qui ont travaillé pendant la période du 12 mars au 10 mai 2020, correspondant au confinement, avec un salaire inférieur à trois fois le Smic.

Il sera possible de faire un don jusqu'au 31 octobre, et non jusqu'au 31 août, le principe d'une date butoir établi par le Sénat ayant été conservé.

Les modalités de distribution seront fixées par un décret simple et non en Conseil d'État. Les sommes non distribuées au 31 décembre 2020 sous forme de chèques vacances seront reversées au Trésor public.

Le Gouvernement devra aussi rendre des comptes avant le 31 mars 2021 sur l'emploi des sommes qui auront été récoltées et sur leur répartition. Si ces sommes sont dérisoires, il faudra en tirer les conséquences et réfléchir à deux fois avant de légiférer sous le coup de l'émotion.

Mme Pénicaud a engagé un travail utile. Je lui rends hommage et souhaite que cette réflexion se poursuive dans l'esprit de solidarité qui a inspiré les auteurs du texte initial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargée de l'insertion .  - Je suis très heureuse d'être parmi vous pour cette proposition de loi, dont le titre résume très bien l'esprit et l'intention. Il consacre une forme de solidarité, celle que nous reconnaissons à nos soignants qui ont été en première ligne, au péril de leur vie et sans compter leurs heures.

Comme élue locale, j'ai été à leur rencontre et ai été témoin de leur engagement. Je pense à toutes celles et à tous ceux qui ont été malades ou ont perdu un proche.

Après les applaudissements, certains de nos concitoyens ont souhaité aller plus loin en donnant des jours de congé aux personnels soignants. Cette PPL consacre une forme de solidarité nouvelle afin que tous ces personnels puissent retrouver un peu de légèreté en s'accordant vacances et loisirs après le tsunami qu'a représenté l'épidémie.

En traduisant dans la loi ces attentes fortes, le Parlement a joué son rôle de relais démocratique.

Être élue locale façonne ma pensée, ma méthode et mon action. Je ne peux que saluer le choix opéré par le Parlement de s'inspirer du mécanisme du don de jours de repos aux personnes ayant la charge d'un enfant gravement malade ou aux proches aidants. Reproduire un dispositif qui fonctionne pour répondre à de nouvelles attentes, c'est la clef de la réussite.

Outre le don de jour, la proposition de loi prévoit des dons financiers. Je salue le travail de co-construction du Sénat et de l'Assemblée nationale sur le dispositif.

En offrant des chèques-vacances, la proposition de loi répond aussi à l'attente du secteur du tourisme, très touché par la crise. C'est faire d'une pierre deux coups en traitant tout à la fois crise sanitaire et crise économique.

Cette proposition de loi ne se substitue cependant en rien aux politiques publiques qui doivent répondre aux difficultés structurelles de notre système de santé. Le Ségur de la santé en est le marqueur le plus clair, qui prévoit un plan massif d'investissement et de revalorisation des carrières de 8,1 milliards d'euros qui bénéficieront à 1,8 million de professionnels.

Quant au tourisme, le Premier ministre a annoncé le 14 mai un plan de soutien interministériel de 18 milliards d'euros.

La Nation a témoigné sa reconnaissance aux soignants dans l'hommage voulu par le Président de la République, le 14 juillet. C'était une première étape. Les mesures prises par le Gouvernement pour répondre aux difficultés structurelles sont une deuxième étape.

Je salue le travail de la rapporteure et de l'ensemble des sénateurs sur ce texte qui s'inscrit dans une logique d'écoute des demandes de nos concitoyens.

Cette proposition de loi renforcera les liens de solidarité dont la crise nous a rappelé qu'ils sont le socle de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Jean-Claude Requier et Yves Détraigne applaudissent également.)

M. Martin Lévrier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) La CMP qui s'est réunie au Sénat le 2 juillet 2020 est parvenue à un accord, ce dont je me réjouis. La force du bicamérisme réside dans la complémentarité des deux chambres. Cette CMP en est une preuve supplémentaire.

Au cours des derniers mois, les Français n'ont eu de cesse d'inventer de nouvelles générosités pour apporter un soutien moral aux soignants sous pression face à l'épidémie de la covid-19. Applaudissements, livraisons de repas chauds dans les services les plus tendus des hôpitaux, ces manifestations sont allées droit au coeur des soignants.

Tous les employés du secteur de la santé ont multiplié les heures de travail, sans prendre de repos, faute de personnel disponible pour les relever, ou simplement par esprit de dévouement professionnel.

Nous nous réjouissons de la procédure accélérée décidée par le Gouvernement pour ne pas déconnecter le mécanisme proposé de la situation de crise.

Notre travail de législateur n'est pas de faire des lois d'émotion. Pour autant, lorsqu'une pandémie d'une ampleur sans précédent nous frappe, nous ne pouvons rester insensibles au besoin affiché des citoyens. Il n'est, dès lors, pas surprenant que des propositions de loi similaires aient émané de la plupart des bancs du Parlement.

La proposition de loi comptait initialement un système de don de jours de repos qui n'a pas satisfait la majorité sénatoriale au prétexte qu'il paraissait complexe à mettre en oeuvre. Dans le texte qui résulte des travaux du Sénat, il n'était donc plus question de don de jours de repos, mais de don d'une partie de la rémunération du salarié correspondant à une ou plusieurs journées de travail. En d'autres termes, une retenue sur salaire.

La possibilité pour toute personne de faire un don financier à l'Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV) a en revanche été conservée.

La CMP a délimité dans le temps la période durant laquelle les personnels devront avoir travaillé pour bénéficier des chèques-vacances : du 12 mars au 10 mai. Elle a fixé une date-butoir avant laquelle les chèques-vacances devront avoir été distribués, en l'occurrence le 31 octobre 2020.

présidence de M. David Assouline, vice-président

M. Martin Lévrier.  - Cette proposition n'est en aucun cas destinée à se substituer aux politiques publiques qui visent à apporter une réponse pérenne aux difficultés structurelles des secteurs, que ce soit celui de la santé ou du secteur médico-social.

Est-il nécessaire de rappeler les chantiers engagés avant la crise sanitaire à travers le plan Ma Santé 2022 ? Ou bien les propositions dévoilées hier matin par le Gouvernement pour améliorer le fonctionnement et l'organisation du système de soins, à l'occasion de la clôture du Ségur de la santé ?

Ce sont près de deux millions de personnels qui sont concernés par les revalorisations salariales. Concrètement, la revalorisation socle prévoit une hausse de 183 euros nets mensuels pour les professionnels de l'hôpital et des Ehpad publics, hors médecins.

Le Premier ministre s'est également engagé sur le recrutement de 15 000 postes. L'accord signé avec les médecins hospitaliers porte sur une enveloppe globale de 450 millions d'euros qui servira essentiellement à doubler l'indemnité de « service public exclusif », versée aux praticiens qui s'engagent à ne travailler que dans les hôpitaux publics, sans dépassement d'honoraires.

Les internes bénéficieront quant à eux de 124 millions d'euros et d'un meilleur respect du temps de travail.

Les 33 grandes orientations du Ségur de la santé, présentées hier, trouveront bientôt une traduction règlementaire et législative notamment dans le PLFSS de cet automne.

Cette proposition de loi ne saurait se substituer à la réforme profonde engagée par le Gouvernement. Elle est un plus. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le Gouvernement vient de dévoiler le second volet des conclusions du Ségur. Elles ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Il a annoncé 2 milliards d'euros sur cinq ans pour la transformation, la rénovation et l'équipement dans les établissements médico-sociaux. C'est une première étape nécessaire, mais insuffisante pour rattraper le retard accumulé.

Sur les salaires, le Premier Ministre a promis une augmentation de salaire des personnels des hôpitaux et des Ehpad publics, de l'ordre de 183 euros net mensuels, loin du rattrapage nécessaire et des 300 euros nets demandés par les syndicats. D'autant qu'il faudra attendre le PLFSS 2021 pour qu'elle soit votée.

Le Gouvernement annonce 15 000 postes créés quand les syndicats chiffrent les besoins à 100 000. Nous sommes loin du choc d'attractivité nécessaire à l'hôpital. Les soignants ne manquent pas de jours de repos mais de personnels pour pouvoir les poser ! Ils ne demandent pas la charité, mais simplement de pouvoir se reposer en utilisant leurs propres jours de congés. Pour y parvenir, il faut avoir des collègues et pas de postes vacants.

Désormais, nous ne parlons pas d'un texte qui permet les dons de jours de repos, mais d'un texte qui permet les dons de journées de travail. La différence n'est pas neutre.

Le don de jours de travail existe déjà avec la journée de solidarité, à laquelle le groupe CRCE s'était opposé. Nous nous opposerons à l'ajout de mardi ou mercredi de Pentecôte...

Le syndicalisme peut sembler curieux pour la droite sénatoriale, différente de celle de l'Assemblée nationale, mais la véritable solidarité, c'est quand des personnes aux intérêts divergents s'unissent.

Le seul intérêt de cette proposition de loi est qu'au 31 décembre 2020, l'argent retournera dans les caisses de l'État et pourra être utilisé pour vraiment aider les soignants.

Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Bernard Jomier applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool .  - « On ne peut pas, sous prétexte qu'il est impossible de tout faire en un jour, ne rien faire du tout » écrivait l'Abbé Pierre, dont la sagesse n'avait d'égal que son humilité.

Cette proposition de loi, modeste mais utile, ne va pas révolutionner la vie des soignants mais va peut-être améliorer leur pouvoir d'achat à la marge. II s'agit d'un geste de solidarité individuelle, qui ne saurait en aucune mesure se substituer à la solidarité nationale et aux mesures gouvernementales.

Les dispositions proposées s'inspirent de l'opération du groupe Pasteur Mutualité qui a lancé, le 20 mars dernier, la campagne Je donne mes RTT, sur les réseaux sociaux, issue elle-même du dispositif sur le don de jours de congés aux proches aidants.

La proposition de loi traduira dans notre législation une pratique initiée par un certain nombre d'accords d'entreprises depuis le début de l'épidémie. Ces initiatives sont de deux ordres, d'une part une solidarité interne, permettant aux salariés de s'entre-aider au sein d'une même entreprise pour réduire les conséquences de l'activité partielle. D'autre part, une solidarité externe s'est mise en place à travers le don de jours de repos, monétisés puis reversés à des associations de soutien aux soignants.

Dès lors, il s'agit d'accompagner le volontarisme d'un certain nombre d'entreprises en adaptant notre législation, de façon provisoire, à la situation d'exception que nous avons traversée ces derniers mois.

Si la loi n'a pas vocation à être le réceptacle de mesures provisoires, il me semble qu'elle ne doit pas faire obstacle aux initiatives citoyennes, ni réprimer les élans de solidarité individuels.

C'est pourquoi le groupe Les Indépendants se félicite de la réussite de la CMP.

Dans une démarche constructive, la commission des affaires sociales du Sénat a proposé, en réécrivant l'article premier, de remplacer le don de jours de congé par un versement financier, correspondant à la rémunération pour un ou plusieurs jours de travail. Finalement, la CMP a conjugué les deux dispositifs et plusieurs types de dons seront possibles.

Elle a aussi préservé le bornage temporel proposé par le Sénat, tout en le prolongeant jusqu'à fin octobre. Le recours à un délai simple accélérera la mise en oeuvre de la loi.

Le groupe Les Indépendants votera les conclusions de la CMP.

Mme Élisabeth Doineau .  - Madame la ministre, je m'associe à l'hommage que vous avez rendu aux soignants. La CMP du 2 juillet est parvenue à un accord dont je me réjouis.

Il est cependant regrettable que les conclusions soient examinées si tardivement, après les résultats du Ségur de la santé. Le contexte a changé. L'heure est aux départs en vacances.

Le report de la possibilité de don jusqu'au 31 octobre était une nécessité. De fait, l'élaboration d'une loi prend du temps et nos procédures ne permettent pas d'installer des dispositifs dans l'urgence.

Notre crédibilité, comme le disait Frédérique Puissat en CMP, dépendra de la promotion du dispositif qui s'ensuivra. À défaut, je crains qu'il ne soit mort-né.

« Il ne faut point faire par les lois ce que l'on peut faire par les moeurs », écrivait Montesquieu.

Des campagnes existent déjà sur les réseaux sociaux pour témoigner sa solidarité aux soignants. Des départements comme la Creuse ont aussi mis en place des mesures.

Cette proposition de loi n'intervient que pour le secteur médico-social mais elle soutiendra aussi celui du tourisme dont elle relancera l'activité tout en soutenant les soignants. Nombre d'entre eux ont déjà profité de vacances par tirage au sort. Un système plus universel aurait pu être mis en oeuvre en partenariat avec les pouvoirs publics.

Sur le fond, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire combine les dispositifs adoptés par l'Assemblée et le Sénat.

Un salarié pourra donc soit donner une partie de son salaire, notamment s'il ne dispose pas de jours de RTT, soit donner des jours de repos, qu'il a pu accumuler sur un compte épargne-temps, en accord avec son employeur. Ces jours de repos feront l'objet d'une monétisation, dont les modalités seront précisées par voie réglementaire. L'acquisition de ces chèques-vacances est exonérée de l'impôt sur le revenu. Enfin, le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement, d'ici au 31 mars prochain, afin de s'assurer de l'application du dispositif et retracer la distribution des chèques-vacances.

La proposition de loi, généreuse, ne répond cependant pas totalement aux attentes des soignants.

Le Ségur de la santé tente d'y répondre avec un niveau d'engagements financiers inédits. Il mobilisera notamment 28,1 milliards d'euros dont 9,1 milliards serviront à financer les mesures sur les rémunérations et les carrières. Il s'agit d'une avancée majeure qui permet de rattraper le retard de la France sur ses pays voisins.

Nous resterons vigilants sur l'application des conclusions du Ségur dans les territoires.

Le groupe centriste a transmis au Premier ministre ses recommandations sur deux sujets centraux : la gouvernance de notre système de santé et la place de nos aînés. Ils posent les jalons d'une politique sanitaire plus décentralisée et plus humaniste que nous appelons de nos voeux.

Comme l'a dit Jocelyne Guidez, il ne serait pas envisageable un seul instant de ne pas voter cette proposition de loi - que nous espérons réellement utile. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur quelques travées des groupes LaREM et Les Indépendants)

M. Bernard Jomier .  - Nous sommes à nouveau invités à discuter de cette proposition de loi. La CMP a rétabli la possibilité de donner des jours de repos et vient se superposer au mécanisme proposé par le Sénat. Compte tenu de sa complexité, nous le regrettons, d'autant que les décrets nécessaires seront difficiles à formuler.

Les membres de la CMP se sont accordés pour exonérer l'acquisition de chèques-vacances de l'impôt sur le revenu, alors que le don reste soumis à l'impôt. Cela me semble curieux, d'autant que les sommes récoltées risquent d'être faibles. Il est tout aussi étonnant, pour les mêmes raisons, que le Trésor public bénéficie in fine des sommes non dépensées qui n'auraient pas été versées. Quelle délicatesse !

Cette proposition de loi demeure donc complexe, floue et probablement destinée à l'échec. Il est regrettable, par ailleurs, qu'elle ne concerne que les soignants alors que d'autres professions se sont mobilisées pendant la crise - les soignants eux-mêmes en sont gênés. Enfin, n'est-elle pas maladroite dans le contexte actuel de paupérisation grandissante de nombre de nos concitoyens ?

Quel est l'intérêt de voter un dispositif dont les Français se sont déjà emparés ? Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires : nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Véronique Guillotin .  - Moins de deux mois après l'engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement, nous devons nous prononcer sur l'accord trouvé en un temps record en commission mixte paritaire.

De par son contenu, cette proposition de loi nécessitait en effet une adoption rapide : étant en lien direct avec la crise sanitaire, repousser sa mise en oeuvre reviendrait à lui ôter toute forme d'utilité. Son application est désormais possible, grâce au travail constructif des deux assemblées. Je tiens ainsi à saluer le travail de notre rapporteure, qui a permis d'aboutir à un compromis avec les députés, dans une temporalité particulièrement contrainte.

Ce texte, modeste, nous a semblé anachronique, au vu des attentes exprimées par les soignants, mais mon groupe n'a pas souhaité s'opposer à un coup de pouce bienvenu, lequel, par ailleurs, viendra soutenir le tourisme et l'hôtellerie.

Les salariés qui le souhaitent pourront faire don d'une partie de leur rémunération, avec un abondement possible de l'employeur. Les non-salariés pourront faire un don financier direct à l'ANCV, qui sera chargée de transformer ces sommes en chèques-vacances. Tous les personnels du secteur sanitaire et médico-social pourront en bénéficier, à condition qu'ils aient travaillé pendant la période de confinement et que leur rémunération ne dépasse pas 3 Smic. La date limite pour les dons est fixée au 31 octobre, et la date limite pour la distribution des chèques-vacances est fixée au 31 décembre. Un rapport viendra, en mars 2021, détailler les sommes versées et la répartition des montants distribués, et nous permettra de vérifier si la loi a bien rempli son objectif.

Nous saluons enfin l'ajout en CMP de l'exonération d'impôt sur le revenu pour l'acquisition de ces chèques-vacances. II aurait été de mauvais ton de taxer les bénéficiaires sur des dons qui demeureront relativement modestes.

Cependant, si l'intention du texte est louable, les attentes des secteurs médical et médico-social sont immenses de sorte que la mesure fait figure de goutte d'eau dans l'océan des besoins. Les annonces du Ségur sont à cet égard bienvenues, notamment en ce qui concerne la revalorisation des salaires. Une grande marche a été franchie qui permettra de rattraper en partie le retard accumulé par rapport aux pays de l'OCDE sur la rémunération de nos soignants.

Les récentes annonces du ministre de la Santé laissent espérer des réformes nécessaires dont le monde médical a tant besoin. Elles devront être mises en oeuvre au plus vite.

Le succès de cette loi dépendra de la publicité qu'en fera l'État.

Nous comptons sur vous, madame la ministre. Espérons que cette période de vacances permettra à nos héros de se reposer. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi témoigne de l'élan de solidarité suscité par le dévouement des soignants ces derniers mois. Face aux difficultés qui se multipliaient, les personnels ont su faire front, et bien souvent s'oublier pour gérer une crise sanitaire sans précédent.

Entre autres manifestations de reconnaissance, l'idée d'offrir des jours de repos s'est concrétisée dans ce texte qui prévoit également un mécanisme de conversion en chèques-vacances.

Cette proposition de loi inscrite en urgence, appuyée par le Gouvernement, a suscité une certaine incrédulité de la part des personnels concernés, tant il existe un décalage entre cet acte et leurs besoins réels, et alors même que la plupart d'entre eux ne peuvent tout simplement pas prendre leurs jours de repos ! Peut-on vraiment adhérer à ce qui ressemble fort à une mesure d'affichage ?

Nous avons fait le choix de soutenir cette initiative, car il est difficile de se prononcer contre un texte solidaire. Le Sénat a donc opté pour une attitude constructive, afin d'assurer que le dispositif proposé puisse fonctionner sur le terrain, malgré une rédaction initiale approximative.

Il était important de préciser que les bénéficiaires devront avoir travaillé pendant la période de confinement et de fixer une date limite pour faire un don dans le cadre de ce dispositif.

Le Sénat a également prévu l'obligation de reverser au Trésor public les sommes versées à l'ANCV qui n'auraient pas été distribuées sous forme de chèques-vacances au 31 décembre 2020.

Députés et sénateurs ont par ailleurs recherché une solution de compromis entre leurs positions respectives, concernant le don de jours de repos non pris voté par l'Assemblée, à distinguer du don de rémunération privilégié par le Sénat. Le texte permet désormais le don de jours de repos mais en le conditionnant à un accord de l'employeur.

Il restera à vérifier si le dispositif atteint ses objectifs.

Les préoccupations ont changé, certains salariés ont perdu des jours de congés, ou rencontrent des difficultés financières. Le texte voté aujourd'hui sera-t-il utile dans ces conditions ? Malgré notre réticence à multiplier les rapports, nous avons décidé en commission mixte paritaire que le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport retraçant l'ensemble des sommes allouées, d'ici le 31 mars 2021.

Notre groupe votera ce texte en espérant qu'il trouve à s'appliquer. Il faut éviter un simple saupoudrage de moyens financiers, comme le Gouvernement semble vouloir le faire dans le Ségur de la Santé. Seules des réformes de fond pourront améliorer notre système de santé et répondre à l'investissement de nos soignants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi permettant d'offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de covid-19 dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Vote sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

La séance, suspendue à 19 h 15, reprend à 19 h 20.

Dette sociale et autonomie (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie et du projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie.

Discussion générale commune

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et sur le banc de la commission) En première lecture, députés et sénateurs ont créé une cinquième branche de la sécurité sociale et permis à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) d'emprunter à nouveau. Hélas, la CMP n'est pas parvenue à un accord.

Je comprends la préoccupation du Sénat que ces textes ne se limitent pas à un effet d'annonce, mais constituent une véritable avancée pour la sécurité sociale - la création d'une cinquième branche. Cette création, attendue depuis longtemps correspond à un tournant historique dans l'histoire de la sécurité sociale.

Il s'agit de faire face à un nouveau risque, réel pour de plus en plus de Français. Les chiffres sont sans appel, récemment rappelés dans les travaux conduits par le sénateur Bernard Bonne et la sénatrice Michelle Meunier : en 2040, près de 15 % des Français, soit 10,6 millions de personnes, auront 75 ans ou plus, soit deux fois plus qu'aujourd'hui.

La création de cette branche permettra de donner de la visibilité aux parlementaires, dès le PLFSS pour 2021, sur son équilibre financier. Pour autant, cette création n'est pas un point d'orgue, c'est bien le début du projet.

Une mission vient de commencer, et rendra son rapport en septembre pour que toutes les conséquences en termes de financement et de gouvernance de la branche puissent être tirées dans le prochain PLFSS, au bénéfice de débats parlementaires éclairés.

L'ensemble des acteurs doivent se concerter, afin de trouver une solution de consensus pour dégager au moins un milliard d'euros dès 2021 comme s'y est engagé Olivier Véran, en première lecture.

Ce texte est aussi une opération de bonne gestion, qui permet à la sécurité sociale de se refinancer, sans s'exposer à un risque de taux ou de liquidité sur les marchés financiers.

Quant à la règle d'or, sur laquelle la CMP a échoué, le Gouvernement a entendu la volonté d'encadrer les finances sociales, pour éviter que ne se reproduisent des déficits qui sont la dette de nos enfants demain. Néanmoins, pour bien fonctionner, une règle d'or doit être crédible. Et pour être crédible, il faut un horizon d'équilibre. La période est trop incertaine pour le trouver.

La reprise de la dette des hôpitaux constitue un autre point d'achoppement : elle a été supprimée au Sénat. Pourtant, les déficits des hôpitaux et de l'assurance maladie sont liés.

Enfin, le traitement de la dette covid est une question complexe, encore largement débattue par les économistes. Le Premier Ministre a indiqué lors de sa déclaration de politique générale vouloir en discuter avec les partenaires sociaux. Rien dans ce texte ne fait obstacle à l'isolement de la dette covid, mais en tout état de cause il s'agit de répondre à l'urgence, ce qui a toujours guidé notre action.

Nos ambitions sont simples et fortes : préserver le libre choix et la dignité de nos aînés. Cela nous concerne tous. Ce qui est en jeu est humain, affectif et moral. C'est dans le sort qu'elle réserve aux plus fragiles que se mesure la valeur d'une société.

Je suis certaine que le Sénat compte tenu de son lien charnel avec les territoires, de son expertise sur le sujet et surtout de l'exigence qui le caractérise, saura contribuer à enrichir ce beau projet par-delà les clivages partisans. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur le banc de la commission)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Je salue la ministre, venue du même département que moi, mais je ne partage pas son analyse. Nous regrettons aussi l'échec de la CMP. Il n'est pas la marque d'un désaccord global.

Pour ce qui concerne le volet relatif à l'autonomie, les deux assemblées ont approuvé la création à venir d'une cinquième branche de la sécurité sociale. Néanmoins, le Sénat souhaite qu'il y ait un véritable contenu derrière ce nom, en termes financiers et en termes d'organisation. Nous attendons donc avec impatience les conclusions du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 15 septembre. Nous notons également avec satisfaction que l'Assemblée nationale a retenu, en nouvelle lecture, les améliorations apportées par le Sénat afin de mieux encadrer le contenu du rapport et les consultations préalables à sa rédaction.

Pour ce qui concerne la dette sociale, le Sénat a approuvé le transfert à la Cades des dettes passées et à venir de la sécurité sociale, jusqu'en 2023, dans la limite d'un montant de 123 milliards d'euros.

Nous plaidions en faveur de ce transfert depuis plusieurs années ; il n'était pas sain de laisser l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) porter cette dette, nous le disons Jean-Noël Cardoux et moi depuis longtemps.

Le Sénat a également approuvé le report de la date limite d'extinction de la dette sociale, au 31 décembre 2033 au lieu de 2024 comme envisagé jusqu'à présent.

Mais l'Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture deux points de divergence majeurs. Elle a réintroduit la prise en charge par la Cades d'une fraction de la dette des hôpitaux, représentant un montant de 13 milliards d'euros. Le Sénat s'y était opposé presque unanimement car les hôpitaux ne sont pas la propriété de l'assurance maladie, qui n'assure pas davantage la gestion de ces établissements. Leur dette provient surtout d'investissements immobiliers à l'initiative de l'État, dans le cadre des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012.

Une telle situation créerait un précédent dangereux qui pourrait être utilisé à l'avenir pour transposer toutes sortes de charges à la Cades. Il serait utile que le Conseil constitutionnel précise si un tel transfert de dette est bien compatible avec le principe constitutionnel d'équilibre financier de la sécurité sociale.

Il me semble qu'il revient à l'État d'assumer lui-même sa promesse de l'automne dernier de reprendre un tiers de la dette des hôpitaux.

Quant à la règle d'or, elle ne devait s'appliquer en PLFSS qu'à compter de 2025. L'Assemblée nationale a supprimé l'article premier bis qui l'a instituée. Vous avez dit, madame la ministre, que cette règle d'or était « prématurée ». Une règle d'or prématurée en 2025 ? Ce serait à désespérer de la capacité du pays à redresser ses comptes publics ! Au contraire, nous vous fournissions un atout-maître pour réguler les dépenses de la sécurité sociale !

Il s'agissait de poser un principe d'équilibre des comptes sociaux, dont nous étions prêts à discuter les modalités pratiques. C'est à se demander si cet équilibre est un objectif de l'Assemblée nationale. Je ne remets pas en cause le Gouvernement puisque le Premier ministre a réaffirmé devant nous la semaine dernière son souhait que les partenaires sociaux se saisissent avec l'État de la question de l'équilibre de la protection sociale. Si ce n'est pas une règle d'or !

C'est pourquoi, constatant un désaccord irréconciliable, la commission propose une motion visant à opposer la question préalable à ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, Les Indépendants et RDSE)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Lors de la première lecture, j'avais proposé au Sénat de voter une motion d'irrecevabilité car ces textes remettent en cause l'autonomie de la sécurité sociale et nous continuons à le penser. C'est extrêmement grave. Vous installez un filet de sécurité sans lien avec le pacte social et républicain.

Tout d'abord, sur le transfert de 136 milliards d'euros à la Cades, nous contestons avec la majorité du Sénat le choix du Gouvernement de faire prendre en charge par la Cades le financement d'un tiers de la dette des établissements de santé. Ce n'est pas à la sécurité sociale d'assumer une dette des hôpitaux qui provient principalement d'investissements immobiliers décidés par l'État.

Vous organisez de plus en plus la confusion entre budget de l'État et celui de la sécurité sociale. Il s'agit d'un véritable changement institutionnel de notre pays qui mérite un débat approfondi. Nous nous opposons également à la tentative de la droite sénatoriale d'introduire une règle d'or dans les comptes sociaux. Ce serait y sanctuariser l'austérité dans les dépenses sociales et grignoter encore davantage les droits acquis. Alors que l'Union européenne a décidé de ne plus s'intéresser aux déficits des États, la droite sénatoriale préfère réduire les prestations de santé et les pensions de retraite. C'est vous qui serez responsables demain des fermetures de lits, avec votre règle d'or !

Nous avons beaucoup de propositions pour dégager de nouvelles recettes, mais vous refusez le débat. Au lieu de faire peser ces dépenses sur les Français, à travers la CSG et la CRDS, il fallait taxer les grandes entreprises, notamment celles qui ont fait de substantiels profits sur le dos de nos aînés.

La seconde partie de la loi est une opération de communication. Vous proposez une cinquième branche sous-financée et incapable de réduire le reste à charge pour les familles. Les dépenses liées à la perte d'autonomie, qu'il s'agisse de personnes âgées ou handicapées, devraient être couvertes à 100 % par la sécurité sociale et gérées par la branche maladie.

Selon nous, il y a véritablement urgence à créer un grand service public national de la perte d'autonomie et de l'accompagnement, incluant les établissements médico-sociaux, les aides à domicile qui aurait vocation à revaloriser tous ces métiers effectués majoritairement par des femmes.

En 1945, gaullistes et communistes créaient la sécurité sociale, qui continue à démontrer sa pertinence.

M. Franck Menonville .  - Sans surprise, la CMP n'a pu s'accorder sur ces deux textes, achoppant sur la reprise de la dette des hôpitaux et la règle d'or.

En première lecture, le Sénat a validé une grande partie de la reprise de la dette sociale par la Cades. La prolongation de la CRDS jusqu'en 2033 et non 2024, générera 90 milliards d'euros de recettes. 136 milliards de dettes seront transférés à la Cades, dont 92 milliards d'euros au titre des déficits prévisionnels et 13 milliards d'euros de dette des hôpitaux.

Dans les circonstances exceptionnelles que nous rencontrons, nous comprenons le prolongement de la résorption du déficit des comptes sociaux. Mais la dette des hôpitaux est largement immobilière et échappe donc aux prérogatives de la Cades. Par ailleurs, nous sommes opposés au détournement de la CRDS, dont l'existence n'a pas vocation à être pérennisée au-delà des conséquences économiques de la crise sanitaire que nous traversons.

La règle d'or à partir de 2024, instaurée par le Sénat, imposait l'équilibre sur les régimes de base, mais autorisait des dépassements en cas de situation exceptionnelle. Les objectifs fixés aux hôpitaux via l'Ondam n'étaient pas réalistes.

Ce texte permet aussi d'ouvrir la voie à la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à la perte d'autonomie et à la dépendance des personnes âgées et handicapées. La remise d'un rapport fin septembre sur l'autonomie permettra d'inscrire cette réforme dans le prochain PLFSS. Ce fléchage financier est nécessaire. En 2040, 14,6 % de la population aura plus de 75 ans contre 9 % en 2015.

La cinquième branche est une nécessité humaine et sociétale. C'est une vraie mesure de solidarité intergénérationnelle.

Quant au financement, le rapport Libault recommande lui aussi la prolongation de la CRDS au-delà de 2024 pour financer la politique du grand âge et de la perte d'autonomie.

Rarement favorable aux motions visant à poser la question préalable, le groupe Les Indépendants s'abstiendra.

Bonne chance, madame la ministre !

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En vous écoutant, madame la ministre, je me demandais si on n'avait pas changé de texte : vous avez commencé par dire que le Sénat avait adopté la cinquième branche de la sécurité sociale, alors que ce sujet n'était pas dans le texte initial, et nous ne l'avons approuvé que du bout des lèvres, le considérant comme une coquille vide, financée par une aumône d'un milliard d'euros.

Je corrige donc : l'objet du texte est la prolongation de la Cades et le transfert de la dette de l'Acoss, qui a explosé avec la crise sanitaire. Nous ne pouvions qu'accepter cette mesure incontournable d'orthodoxie budgétaire.

Dire que la CMP a échoué de justesse est aussi osé. Les deux points d'achoppements - le transfert de la dette des hôpitaux et la règle d'or - sont majeurs.

Le Ségur de la santé s'est soldé par des mesures strictement financières en faveur des soignants ; pour la réorganisation, au-delà d'une trentaine de propositions d'Olivier Véran, on reste dans l'expectative. Il faut pourtant des réformes de fonds du système de loin le plus administré d'Europe, qui mérite un grand coup de balai pour nous débarrasser des tâches administratives toutes plus inutiles les unes que les autres et qui prennent 25 % du temps des intervenants. Or, nous n'avons que des promesses et des projections.

Nous attendons un peu plus de précisions sur la dette covid - évoquée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Quant à la règle d'or, vous ne cessez de la remettre à plus tard. L'État prendra-t-il l'engagement de restituer à la sécurité sociale les exonérations qu'il décide ? Nous attirons l'attention des Gouvernement successifs sur ces questions depuis des années ! La règle d'or permettait de ne pas prendre le risque de non-remboursement par l'État des exonérations qu'il décide.

Sur tous ces thèmes, nous entendons de bonnes intentions, mais nous attendons toujours des actes.

Le groupe Les Républicains votera donc ces questions préalables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. le président.  - Je donne la parole à M. Daudigny, dont c'est - je crois - la dernière intervention à la tribune. Je serais tolérant sur le temps de parole et je le félicite pour tout le travail accompli au Sénat !

M. Yves Daudigny .  - (Applaudissements sur toutes les travées) Le groupe socialiste et républicain réaffirme son incompréhension devant le mélange des genres, son refus devant le transfert de 136 milliards d'euros de dette à la Cades et ses fortes attentes à l'égard de la cinquième branche pour l'autonomie. Le déficit de la sécurité sociale de plus de 50 milliards d'euros en 2020 échappe à toute référence historique, accentué par l'absence de compensations par l'État de différentes mesures d'allègements de cotisations.

Oui, il était nécessaire d'alléger l'Acoss de ses 90 milliards d'euros de dette à courte échéance. Mais l'urgence n'impose pas à de mauvais choix. La dette de 2020 procède de décisions de l'État. Elle aurait dû être gérée globalement avec le reste de la dette due à la crise. L'État bénéficie de taux bien meilleurs que les agences. L'argument de la spécificité de la dette sociale n'est pas décisif au vu des masses concernées, 136 milliards contre 2 650 milliards de dette générale. Des économistes, les organisations syndicales, le Haut conseil du financement de la protection sociale plaidaient tous pour une solution qui dégageait une dizaine de milliards d'euros par an pour construire un nouvel équilibre financier de la sécurité sociale.

Au regard de cette occasion manquée, la prise en charge incongrue par la Cades de l'amortissement d'un tiers de la dette hospitalière pour un coût de 13 milliards d'euros est presque anecdotique.

Je représentais l'Association des départements de France à la CNSA lorsque celle-ci présenta en 2009 son rapport sur la cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l'autonomie. Elle recommandait la transformation des MDPH aux maisons départementales de l'autonomie, traitant le problème d'autonomie, quel que soit l'âge des personnes concernées et la cause de perte d'autonomie.

Le groupe socialiste et républicain est favorable à une cinquième branche et salue votre nomination, madame la ministre.

Dès 1962, le rapport Laroque marquait la naissance de la politique vieillesse et appelait à appréhender les problématiques de façon globale. Soixante ans plus tard, la réalité démographique impose un autre défi.

Pour la première fois en 2030, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans.

Madame la Ministre, après les effets d'annonce, le moment historique de la Sécurité sociale demeure à construire : la cinquième branche renvoie à la place que notre société accorde aux personnes âgées ou en situation de handicap. Un financement pérenne et sanctuarisé, des prestations homogènes au niveau national, une coordination des acteurs sociaux, sanitaires et médico-sociaux sont à définir avec en parallèle d'un investissement dans la prévention, du renforcement de l'attractivité des métiers du grand âge, de l'accompagnement pour les proches aidants et de moindres restes à charge dans les établissements.

Le rendez-vous est donc pris.

La crise sanitaire, économique et sociale sans précédent a rappelé le rôle déterminant de l'Etat et la place de la protection sociale. Elle a montré que toutes celles et ceux qui tiennent le pays à bout de bras - infirmières, aides-soignants, aides à domicile, mais aussi caissières, personnels de maintenance, éboueurs et j'en oublie  - sont celles qui sont les moins reconnues et les plus précarisées.

Je ne méprise par les conclusions du Ségur, mais on peut s'interroger, lorsque le capital n'est jamais sollicité, ni aux catégories sociales les plus aisées.

Je vous renvoie à cet appel de 83 millionnaires américains qui déclarent que« L'humanité est plus importante que notre argent » mais aussi à un récent rapport de l'Observatoire des inégalités qui pourrait se résumer par ces mots : « Heureux comme un riche en France... ».

« La fraternité n'est qu'une idée humaine, la solidarité est une idée universelle », disait Victor Hugo. (Applaudissements sur toutes les travées)

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

M. Guillaume Arnell .  - Je regrette que la CMP ne soit pas parvenue à un accord. Deux points d'achoppement ont conduit à cet échec : le transfert de la dette des hôpitaux à la Cades pour 13 milliards d'euros et la mise en place de la règle d'or destinée à encadrer les futures lois de financement de la sécurité sociale.

Une grande partie des charges de la dette hospitalière correspond en grande partie à des emprunts réalisés pour des investissements immobiliers effectués à l'initiative de l'État : transférer ces 13 milliards dénaturerait la Cades.

S'agissant de la règle d'or, je suis circonspect sur la position du rapporteur de l'Assemblée nationale. Lors de la CMP, il a en effet souhaité « ne pas mélanger tous les sujets, alors que ce texte porte déjà des mesures très fortes pour l'autonomie » et il a estimé que cette idée devait « s'insérer dans une réflexion plus large sur l'évolution du pilotage des finances sociales ». Je pense au contraire qu'une telle disposition, qui vise à empêcher la constitution de nouvelles dettes de la sécurité sociale avait légitimement sa place dans ce texte.

Inspiré par les travaux du Haut-Conseil du financement de la protection sociale, elle aurait pu sanctuariser la fin de la Cades.

Je m'interroge sur l'opportunité de créer une cinquième branche qui transforme ce texte purement financier en texte sociétal. Le RDSE est favorable à cette création : il y aura 5 millions de plus de 85 ans en 2060, contre 1,4 million aujourd'hui.

Mais pourquoi agir au détour de ce texte alors que ni les bénéficiaires, ni la gouvernance, ni le financement n'ont été identifiés ? Il fallait un texte à part entière, à l'image de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale. Il est grand temps d'avoir un véritable débat sur les moyens à mettre en oeuvre pour la prise en charge de la perte d'autonomie.

Le rapporteur général proposera une motion tendant à opposer la question préalable sur chacun des deux projets de loi. J'entends ses arguments mais il ne convient pas de raccourcir encore davantage l'examen de ce texte, qui méritait un consensus national.

Le RDSE ne votera pas ces motions qui empêchent de poursuivre nos délibérations. Jean-Pierre Bel, ancien président de notre assemblée, disait : « Au Parlement, nul ne peut avoir raison seul ».

Madame la ministre, le RDSE vous souhaite la bienvenue et la réussite dans vos fonctions. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) La crise sanitaire grève lourdement nos comptes sociaux : augmentation des dépenses de l'assurance maladie, détérioration de la masse salariale, coûts des dégrèvements et reports de cotisations expliquent les prévisions les plus alarmistes.

Pour sécuriser le paiement des pensions et des prestations sociales, les projets de loi organique et ordinaire prévoient, en conséquence, un nouveau transfert de dette de l'Acoss vers la Cades.

L'Assemblée nationale est revenue, après l'échec de la CMP, sur la règle d'or créée par le Sénat - à juste titre, les députés ont jugé la mesure prématurée - et sur la suppression de la reprise d'une partie de la dette des hôpitaux par la sécurité sociale.

Les établissements de santé sont financés en grande partie par les CPAM. Un Ondam contraint les a encouragés à emprunter auprès des banques pour assurer par exemple des plateaux techniques de qualité. Cette opération financière leur donnera une visibilité et des marges de manoeuvre. Ces 13 milliards d'euros, ajoutés aux 6 milliards d'euros prévus par le Ségur de la santé, sont un véritable investissement pour notre système de santé. Notre groupe souhaite accompagner cet ambitieux projet.

La création d'une cinquième branche encouragera une approche plus préventive de l'autonomie. Toutes les parties prenantes, dont les collectivités territoriales, seront consultées lors des travaux préparatoires. Ces échanges serviront à enrichir le rapport qui sera remis au Parlement, en septembre, sur le financement et la gouvernance de cette nouvelle branche. Cette réforme ne doit pas passer à côté de la question du handicap, qui sera consacrée dans le PLFSS en attendant la grande loi consacrée à l'autonomie et au grand âge.

Le groupe LaREM votera ces deux textes et s'opposera par conséquent aux deux motions opposant la question préalable.

Notre groupe vous adresse, madame la ministre, tous ses voeux de réussite. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Élisabeth Doineau .  - À mon tour de vous adresser mes voeux de bienvenue, madame la ministre, même s'il eut été préférable que ce soit sur un texte consensuel.

Le groupe centriste a déjà exprimé son opinion sur la reprise de la dette par la Cades comme sur la création d'une cinquième branche.

L'échec de la CMP est regrettable car le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a exprimé le sentiment d'un blocage gouvernemental sur la règle d'or.

Suivant l'article 45 de la Constitution, le Gouvernement n'assiste pas aux CMP. Or il est regrettable que son ombre plane au-dessus. Laissons le législateur légiférer et les CMP trouver un texte de compromis. Celui du Sénat reprenait toutes les mesures adoptées par l'Assemblée nationale, malgré un sérieux doute sur la cinquième branche : l'intendance pourrait-elle suivre ?

Le Sénat voulait assurer la pérennité de la sécurité sociale. Le rapporteur général avait fait adopter pour cela une règle d'or s'appuyant sur les éléments pluriannuels figurant déjà dans le texte régissant la sécurité sociale : c'était un décalque de ce que soutenait l'ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale d'alors, Olivier Véran, lors de l'examen du projet de loi Retraite...

Nous aurions pu imaginer une règle d'or assouplie dans sa durée, mais le Gouvernement n'a pas voulu bouger alors que le Premier ministre disait la semaine dernière en parlant de notre système de protection sociale que « vouloir préserver notre pacte social nous oblige aussi à en garantir la soutenabilité dans la durée (...) Ce qui révélerait d'une dégradation plus structurelle de nos comptes sociaux exigera des mesures de retour vers l'équilibre ». Ainsi, il me semble que la règle d'or que nous proposions s'inscrivait dans cette logique. Toutefois, il semblerait que le Sénat ait été trop précurseur...

L'Assemblée nationale ayant fait table rase des apports du Sénat, le groupe centriste votera les deux motions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc de la commission)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Merci de votre accueil respectueux. Je prends note de votre vigilance sur la création de la cinquième branche ; les sénateurs y seront étroitement associés.

Nous souscrivons à la mise en place, à terme, d'une règle organique d'équilibre. Mais un déficit de près de 50 milliards est prévu pour 2020, l'incertitude reste grande et la trajectoire pluriannuelle reste à construire. L'adoption d'une règle d'or était trop précoce.

Quant à la reprise de la dette des hôpitaux, les établissements de santé sont financés par l'assurance maladie, le soutien financier pour couvrir les échéances d'emprunt lui revient donc. Le Conseil d'État a confirmé que la reprise de dette des hôpitaux entre bien dans le champ de la Cades.

Je souhaite enfin le meilleur à M. Daudigny pour la suite. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et SOCR)

La discussion générale est close.

Question préalable sur le projet de loi organique

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur plusieurs dispositions du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie, notamment celles relatives à l'autonomie et au report au 31 décembre 2033 de la date limite pour l'amortissement de la dette sociale, un point de désaccord majeur subsiste quant à l'opportunité d'accompagner ce report de l'instauration d'une « règle d'or » encadrant les comptes sociaux, à partir du PLFSS pour 2025 ;

Considérant que le refus de l'Assemblée nationale et du Gouvernement du principe même de la mise en place d'une telle « règle d'or » n'est pas compatible avec le nécessaire objectif d'équilibre du budget de la sécurité sociale à moyen terme, une fois que les effets de l'actuelle crise économique seront estompés ;

Considérant que l'absence d'un tel encadrement des futures lois de financement de la sécurité sociale risque de se traduire par la perpétuation des déficits des comptes sociaux et de la dette de la sécurité sociale bien au-delà du 31 décembre 2033 ;

Considérant qu'un tel choix revient à transférer aux générations suivantes le coût de notre propre protection sociale, ce qui n'est pas acceptable ;

 

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie (n°655, 2019-2020), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Il n'est pas possible, compte tenu des divergences sur la règle d'or, de poursuivre la discussion. D'où cette question préalable sur le projet de loi organique.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. René-Paul Savary.  - Madame la ministre, vos propos sur l'avis du Conseil d'État sont contestables. Leur dette est reprise par un organisme qui amortit sur un délai beaucoup trop court ! Or les investissements doivent être financés sur le long terme.

En revanche, la dette de la Cades, qui est de fonctionnement, sera supportée par plusieurs générations, de 1996 à 2033, qui n'en auront pas bénéficié.

Quant à la cinquième branche, vous l'introduisez dans un projet de loi financier alors que c'est un projet social, et ce, sans étude d'impact. Nous avons des remontées d'associations inquiètes : la cinquième branche n'est pas forcément le meilleur moyen de prendre en charge l'autonomie, car on ne peut fixer d'âge en ce domaine. Il faudrait, à tout le moins, analyser les contre-propositions et présenter une étude d'impact. Pourquoi refuser, aussi, la règle d'or qui existe dans d'autres domaines ? Je voterai bien sûr la motion.

M. Yves Daudigny.  - Le groupe socialiste et républicain avait lui-même déposé une motion opposant la question préalable lors de la première lecture.

Nous nous abstiendrons sur cette motion, car mon groupe n'est pas favorable à la règle d'or. En revanche, nous voterons la seconde motion.

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°143 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 238
Pour l'adoption 193
Contre   45

Le Sénat a adopté et le projet de loi organique n'est pas adopté.

Question préalable sur le projet de loi

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur plusieurs dispositions du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie, notamment celles relatives à l'autonomie et au report au 31 décembre 2033 de la date limite pour l'amortissement de la dette sociale, un point de désaccord majeur subsiste quant à l'opportunité d'accompagner ce report de l'instauration d'une « règle d'or » encadrant les comptes sociaux, à partir du PLFSS pour 2025 ;

Considérant que le refus de l'Assemblée nationale et du Gouvernement du principe même de la mise en place d'une telle « règle d'or » n'est pas compatible avec le nécessaire objectif d'équilibre du budget de la sécurité sociale à moyen terme, une fois que les effets de l'actuelle crise économique seront estompés ;

Considérant que l'absence d'un tel encadrement des futures lois de financement de la sécurité sociale risque de se traduire par la perpétuation des déficits des comptes sociaux et de la dette de la sécurité sociale bien au-delà du 31 décembre 2033 ;

Considérant qu'un tel choix revient à transférer aux générations suivantes le coût de notre propre protection sociale, ce qui n'est pas acceptable ;

 

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie (n°655, 2019-2020), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - La question soulevée ici est celle de la dette des hôpitaux. Le désaccord étant substantiel entre l'Assemblée nationale et le Sénat, il n y a pas lieu de poursuivre le débat.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°144 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 280
Contre   45

Le Sénat a adopté et le projet de loi n'est pas adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 23 juillet 2020, à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 30.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du jeudi 23 juillet 2020

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : Mme Catherine Troendlé : vice-présidente

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche - M. Daniel Dubois

1. Projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine

À 14 h 30

Présidence : M. Philippe Dallier, vice-président

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020

4. Débat sur l'orientation des finances publiques

Analyse des scrutins

Scrutin n°142 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 339

Suffrages exprimés : 286

Pour : 57

Contre : 229

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (143)

Contre : 141

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Contre : 70

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Hélène Conway-Mouret, Président de séance

Groupe UC (52)

Pour : 2 - MM. Michel Canevet, Bernard Delcros

Abstentions : 50

Groupe RDSE (23)

Pour : 18

Contre : 2 - MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Abstentions : 3 - MM. Henri Cabanel, Jean-Pierre Corbisez, Olivier Léonhardt

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (14)

Pour : 14

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°143 sur la motion n°1, présentée par M. Jean-Marie Vanlerenbergue au nom de la commission des affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la dette sociale et à l'autonomie.

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 339

Suffrages exprimés : 238

Pour : 193

Contre : 45

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (143)

Pour : 141

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Abstentions : 71

Groupe UC (52)

Pour : 52

Groupe du RDSE (23)

Contre : 22

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Marc Gabouty, Président de séance

Groupe LaREM (23)

Contre : 23

Groupe CRCE (16)

Abstentions : 16

Groupe Les Indépendants (14)

Abstentions : 14

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°144 sur la motion n°1, présentée par M. Jean-Marie Vanlerenbergue au nom de la commission des affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la dette sociale et à l'autonomie.

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 339

Suffrages exprimés : 325

Pour : 280

Contre : 45

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (143)

Pour : 141

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Pour : 71

Groupe UC (52)

Pour : 52

Groupe du RDSE (23)

Contre : 22

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Marc Gabouty, Président de séance

Groupe LaREM (23)

Contre : 23

Groupe CRCE (16)

Pour : 16

Groupe Les Indépendants (14)

Abstentions : 14

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier