Prééminence des lois de la République

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Discussion générale

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - Comme vient de le déclarer le président du Sénat, La République vient d'être frappée, à travers un homme, un professeur, Samuel Paty, qui vouait sa vie d'enseignant à défendre les valeurs que nous avons en partage. Le deuil de sa famille, de ses proches, de ses collègues, des enfants et des parents de son collège est aussi le nôtre : ce crime barbare est une blessure pour chaque Français Il laissera un traumatisme profond qui ne s'effacera pas avec le temps. À l'horreur s'ajoutent la révolte et l'indignation devant un acte criminel visant directement notre idéal républicain. C'est l'esprit même de la liberté, de la tolérance qui est attaqué, l'école de la République, ouverte sur le monde, la transmission des valeurs de la citoyenneté à chaque nouvelle génération de Français.

La plaie ne se refermera pas sans une prise de conscience collective. Refusons de transiger sur l'essentiel.

Je n'imaginais pas prendre la parole pour vous présenter cette proposition de loi constitutionnelle dans ce contexte de l'ignominie d'un crime de sang aussi spectaculaire. Pourtant, ce n'était pas imprévisible. Il y a cinq ans déjà, nous débattions ici même de la lutte contre le terrorisme. Je vous avais lu un passage de la revue en ligne de l'État islamique, Dar-al-Islam, qui appelait à assassiner des professeurs, dans une guerre sans merci à la laïcité, en des termes fanatiques ne laissant place à aucune ambiguïté.

La République est minée par le poison de l'islamisme radical, qui prétend faire prévaloir la loi du groupe sur celle de la Nation, sous couvert des droits de la religion, tout en déniant, partout dans le monde, la liberté religieuse à qui ne partage pas les croyances salafistes.

Dénonçons cette imposture, à but politique : comme l'a démontré Jacqueline Eustache-Brinio, le projet islamiste est totalitaire ; il bafoue la liberté de conscience, porte atteinte à l'indivisibilité de la République, bat en brèche nos droits fondamentaux en asservissant la femme et comporte, dans sa forme extrême, une dimension terroriste, tragiquement présente en ce jour.

La coexistence organisée des religions est une nécessité pour la paix dans le monde et pour la concorde civile en France, où vivent paisiblement, plusieurs millions de compatriotes musulmans, que rien ne saurait distinguer des autres citoyens au regard de la loi : ils ne doivent ni se retrancher d'eux-mêmes de la communauté nationale ni en être soustraits par ceux qui amalgament religion musulmane et idéologie djihadiste. Or la France dispose d'une méthode simple pour résoudre ce défi de cohésion nationale : la laïcité, inventée pour que les antagonismes religieux ou philosophiques qui opposent les hommes ne les empêchent pas de vivre ensemble.

Agissons pour que la fraternité humaine l'emporte sur la pulsion de mort, qui prétend éliminer la pensée de l'autre en supprimant sa vie !

Notre force vient de nos valeurs et de l'application rigoureuse de nos principes.

L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ». Mais il précise : « pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».

L'article 6, quant à lui, indique que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. La liberté religieuse ne peut être invoquée pour tenir la loi en échec Or les islamistes retournent la liberté religieuse contre les principes républicains et trop de décideurs publics et privés s'y laissent prendre.

Face au salafisme, l'esprit de conciliation n'est pas une faiblesse, mais une faute. Certains veulent une subversion des principes républicains et instillent par petites touches cette radicalité religieuse. Contre ce projet, la voie de la conciliation est illusoire. Oui au respect, non à la complaisance.

Le Président de la République s'est exprimé : « Le problème, c'est cette idéologie, qui affirme que ses lois propres sont supérieures à celles de la République ». Je souscris à ces propos.

Monsieur le Président de la République, acceptez l'inscription dans notre loi fondamentale de principes essentiels, à reformuler pour notre temps : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune ». C'est une nécessité politique et une mesure de sauvegarde.

Cette règle non écrite est constamment violée. Cela doit cesser. Osons nous inspirer des auteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est par la force des idées qu'une société se transforme. Tout Français doit savoir comment agir dans la vie sociale lorsque des revendications islamistes sont exprimées. C'est ainsi que nous garantirons la cohésion de la Nation.

Nous avons besoin d'un acte politique souverain, au-delà d'une simple loi. C'est pourquoi Bruno Retailleau, Hervé Marseille et moi voulons inscrire ce principe fondamental dans la Constitution.

Il avait été débattu en 2015, sans aboutir. Depuis, les esprits ont mûri. Si l'Assemblée nationale ne fait pas obstacle à cette proposition de loi, le peuple français se prononcerait par référendum. Le Gouvernement doit poursuivre ce processus, dans ce combat démocratique pour les libertés, contre l'obscurantisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois .  - Je salue la mémoire de Samuel Paty, hussard noir de la République, égorgé pour avoir enseigné la liberté d'expression à une classe de quatrième. Cet assassinat nous oblige à agir pour défendre la République contre ses ennemis.

Cette proposition de loi est une réponse aux coups de boutoir du communautarisme qui gagne la société.

Pour reprendre Robert Badinter, « e communautarisme, c'est la mort de la République. Si nous devions avoir des communautés qui négocient leur adhésion ou leur participation, ce serait fini. Ce serait un autre type de République ».

Le politologue Jérôme Fourquet décrit, lui, la France comme un archipel d'îles s'ignorant entre elles. Sur le terrain, les comportements communautaristes sont de plus en plus fréquents. Je salue la présidente de la commission d'enquête sur le séparatisme, Nathalie Delattre, et la rapporteure, Jacqueline Eustache-Brinio, dont nous connaissons tous l'engagement sur le sujet.

Dans leur ouvrage intitulé Inch'allah, l'islamisation à visage découvert, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme décrivent par exemple les refus de soins, le mari d'une patiente s'exclamant : « Ma femme peut crever, mais au moins je suis en paix avec Dieu ». D'autres refusent les transfusions sanguines.

L'école est prise pour cible, car c'est le premier rempart contre l'obscurantisme. Dans le rapport de la commission d'enquête, un recteur avouait la difficulté d'enseigner Voltaire dans certaines classes. L'absentéisme sélectif pour éviter la natation ou les cours de SVT est aussi une réalité.

Quelque 65 % des salariés constatent des faits religieux en entreprise et 55 % des managers déclarent ne pas disposer des ressources nécessaires pour gérer d'éventuelles situations conflictuelles.

La loi El Khomri du 8 août 2016 est une première étape, mais seules 32 % des entreprises ont modifié leur règlement intérieur en conséquence.

Le sport est aussi touché, avec le refus de certains clubs de jouer le vendredi et le samedi, comme le montre le sociologue Médéric Chapitaux dans ses travaux. Ces ruptures du pacte républicain sont inacceptables. Soyons très clairs : le communautarisme dépasse la problématique de la laïcité. La question n'est plus d'organiser les relations entre les Églises et l'État, mais plus largement, de préserver l'unité nationale.

« La majorité des musulmans est attachée au modèle républicain. Aspirant à l'anonymat, elle est aujourd'hui prisonnière d'une minorité qui revendique une pratique rigoriste, radicalisée et visible », écrit Jacqueline Eustache-Brinio dans son rapport.

Le grand rabbin de France a cité le Talmud, selon lequel « La loi de l'État a force de loi ».

Les femmes paient un lourd tribut. La présidente de la Brigade des mères, Nadia Remadna, avoue qu'elle n'aurait jamais pensé devoir se battre en France pour boire de l'alcool ou fumer une cigarette.

Le Président de la République enchaîne les discours : au collège des Bernardins, à Mulhouse, au Panthéon ou encore aux Mureaux. Mais les actes tardent à venir.

En outre, le terme de « séparatisme » pose question, car les Frères musulmans cherchent à faire de l'entrisme.

Cette proposition de loi constitutionnelle entend lutter contre le communautarisme religieux ou ethnique. C'est un objectif qui semble faire consensus.

À Mulhouse, le 18 février dernier, le Président de la République a déclaré qu'on ne devait jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures aux lois de la République. Le recteur de la Grande mosquée de Paris a également déclaré que la loi de ce pays devait être nécessairement le cadre commun.

Juridiquement, cette proposition de loi relève de la jurisprudence constitutionnelle de 1999 et 2004. Gravons-la dans le marbre. La notion de règle commune intègre les lois de la République mais aussi les règlements des entreprises ou des associations. La liberté de conscience n'autorise personne à exiger un traitement particulier.

Ce texte s'adresse aux acteurs de terrain pour leur donner les moyens de réagir contre le communautarisme.

Selon le professeur Dominique Chagnollaud, le texte comporte « une règle de conciliation constitutionnelle » pour répondre aux coups de boutoir du communautarisme. Jean-Éric Schoettl, conseiller d'État honoraire, partage cette analyse. Il affirme que « la République a besoin de repères simples à formuler et à respecter. Non, les règles actuelles ne suffisent pas, tant est grande la confusion des esprits. »

L'affaire de la crèche Baby Loup illustre ces difficultés : il a fallu plus de cinq ans pour déterminer le droit applicable, la crèche ayant dû, dans l'intervalle, suspendre ses activités puis déménager dans une commune voisine. Il en est de même pour les procédures de licenciement engagées pour prosélytisme religieux, qui sont très difficiles à mener.

Cette proposition de loi ne remet pas en cause la loi de 1905 et le financement de lieux de culte pour motif patrimonial, ni les régimes d'Alsace-Moselle et de Guyane. Que mes collègues soient rassurés.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) accepte les limitations de l'exercice de la liberté religieuse dès lors qu'elles respectent trois critères cumulatifs : être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et être proportionnées au but poursuivi.

L'article 2 nuance l'article 4 de la Constitution. Les partis politiques exercent leur activité librement, mais doivent respecter les règles. Cette disposition lutte contre l'émergence des partis communautaristes sans remettre en cause des partis puisant leur inspiration dans une tradition religieuse comme le MRP ou l'UDF, qui ne placent pas la loi religieuse au-dessus de la loi commune.

Sur le plan opérationnel, le texte permettra d'interdire le financement public de partis communautaristes.

Nous aurons ce débat lors de l'examen du projet de loi du Gouvernement dont le titre m'interroge : renforcer la laïcité ? Elle serait donc à terre ? Le problème n'est pas la loi de 1905 mais les moyens mis en oeuvre pour garantir toute son application.

Je vous propose de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Il est des moments dans l'histoire d'un pays où, face à la barbarie, les voix se lèvent, les consciences se réveillent et le peuple se rassemble. C'est l'un de ces moments aujourd'hui, après l'effroyable assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie dans un collège de la République, mort d'avoir enseigné que la liberté d'expression ne va pas sans celle de déplaire et, parfois, de choquer. Il est mort d'avoir rappelé que dans la France laïque, le respect des personnes n'exclut pas la critique des idées et des religions. La loi de la République prévaut sur la diversité des appartenances et des dogmes. Le plus bel hommage, passé le temps de l'émotion et des larmes, sera de poursuivre son oeuvre. Samuel Paty n'est pas mort par hasard. Il a été ciblé avec soin comme figure de l'enseignement républicain que les adversaires résolus de la démocratie que sont les islamistes s'emploient depuis de très nombreuses années à affaiblir, à avilir et aujourd'hui à martyriser.

C'est dans ce contexte particulier de très vive émotion que nous examinons cette proposition de loi sur la prééminence des lois de la République. Quel républicain serait contre ? Cette finalité a la clarté de l'évidence. Mais elle ne touchera jamais les forces haineuses de l'obscurantisme.

L'islamisme - il faut nommer clairement les choses comme l'a fait le Président de la République et comme j'aurais aimé que le fasse davantage cette proposition de loi - propose une contre-société où le droit, les valeurs et l'esprit français devraient céder la place au fanatisme religieux, à l'inégalité des êtres et à l'oppression des individus. De toutes mes forces, avec vous, avec le Président de la République et le Gouvernement, je veux le combattre au nom des convictions qui m'ont guidé toute ma vie.

Cependant, si je partage l'urgence et la nécessité du combat à mener, garde des Sceaux et du droit, ministre de la Justice, je ne suis pas convaincu par la justesse ni la rigueur juridique de votre proposition. (Murmures de regret dans les travées du groupe Les Républicains)

Le projet de loi du Gouvernement apportera une réponse plus appropriée, concrète et efficace au mal qui ronge depuis longtemps nos sociétés. (M. Philippe Bas le conteste.)

J'aurais préféré des fondements plus assurés aux modifications apportées à la Constitution. J'entrevois aussi quelques difficultés, ambiguïtés, polémiques et inquiétudes que ne manqueront pas de soulever certaines des dispositions proposées.

L'article premier interdit à chacun de s'exonérer de la règle commune et l'article 2 oblige les partis politiques à respecter la laïcité.

Qu'est-ce que la règle commune ? La règle de droit ? Les différents niveaux de normes ? Le droit souple, qui régit de plus en plus le fonctionnement des organisations ? Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 novembre 2004, a certes déjà utilisé cette expression, mais il faisait référence de manière très particulière aux seules règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers, visant les règles de police administrative et notamment la police des cultes. La proposition de loi transforme le terme précis de la décision de 2004 en terme flou.

Notre droit est clair et suffisant.

L'article 10 de notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. Ce juste équilibre, c'est, au quotidien, ce qu'il nous appartient de faire vivre.

Trop imprécise dans ces termes, la proposition de loi est aussi trop approximative dans ses objectifs au risque de rendre inconstitutionnelles des législations bien établies.

Voulez-vous supprimer le régime concordataire d'Alsace-Moselle ? (Dénégations sur les travées du groupe Les Républicains)

Celui de Guyane ? Voulez-vous prohiber les dérogations alimentaires pour les juifs et les musulmans ? Supprimer la clause de conscience des médecins ?

M. Bruno Retailleau.  - C'est lamentable !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je ne suis pas sûr que vous mesuriez toutes les conséquences... L'article 4 de la Constitution n'a jamais empêché l'existence des partis monarchistes. (Mme Laurence Cohen s'en amuse.)

Votre proposition de loi ne conduirait-elle pas à interdire les partis démocrates-chrétiens qui ont tant apporté à la République ?

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est vraiment pas le sujet.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ce texte ne permettra pas de lutter contre les dérives séparatistes.

Comme l'a dit le Président de la République aux Mureaux le 2 octobre, la laïcité n'est pas le problème mais la solution. Nos principes constitutionnels sont clairs ; ils sont fermes.

M. Philippe Pemezec.  - Tout va bien alors, la vie est belle !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ce dont notre pays a besoin, c'est d'une mise en oeuvre résolue du principe de laïcité figurant à l'article premier de la Constitution.

Le chef de l'État l'a dit : notre République, c'est à la fois un ordre et une promesse. Pour tenir la promesse, il nous faut garantir l'ordre.

Votre proposition de loi ne changera rien, mais il nous faudra travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) L'examen de cette proposition de loi prend une dimension particulièrement dramatique après la mort horrible de Samuel Paty. Nous nous inclinons devant sa mémoire et assurons à sa famille, à ses collègues, au monde éducatif dans son ensemble, notre solidarité. Nous partageons leur émotion et leur tristesse.

J'étais hier au rassemblement organisé place de la République et je regrette que certains aient brillé par leur absence. Nous étions des milliers rassemblés pour dire notre attachement aux valeurs de la République et à la laïcité et dire aussi que cette effroyable mort ne devait faire l'objet d'aucune récupération politique. Nous devons toutes et tous être à la hauteur de ce qui s'est exprimé.

Nous rendrons hommage à Samuel Paty mercredi à la Sorbonne, lui qui voulait apprendre à ses élèves à vivre en femmes et hommes libres capables de penser, et non seulement de croire.

L'obscurantisme n'a pas sa place dans notre République, parce qu'il est contraire à la liberté, or aujourd'hui la liberté est fragile.

L'islam radical - car il faut nommer clairement les choses - est une plaie pour la République et la démocratie. C'est une idéologie fascisante. Mais tous les musulmans ne la partagent évidemment pas.

Pour un débat apaisé permettant de s'attaquer aux racines du mal, la reconquête des territoires perdus de la République, nous avions demandé le report de l'examen du texte. Il n'est jamais bon de légiférer dans l'émotion.

Dans les semaines et les mois à venir, il s'agira de faire face aux dérives avérées et de trouver des réponses. Cette question ne peut pas être traitée à l'emporte-pièce. Les territoires abandonnés doivent être reconquis par un État fort de ses services publics.

Il est urgent de prendre conscience de la tâche qui nous incombe et de soutenir et d'accompagner les enseignants dans l'exercice de leurs missions.

Il faudra aussi réfléchir à nos choix diplomatiques et éviter toute complaisance avec certains pays.

Dans cette attente et dans celle du projet de loi sur les séparatismes, nous ne participerons ni au débat ni au vote sur ce texte inapproprié dont l'examen aurait dû être reporté.

Je conclurai avec une citation de Louis Aragon : « Certains jours, j'ai rêvé d'une gomme à effacer l'immondice humaine ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les Français se sont réveillés samedi matin avec la gueule de bois. Ils n'en sont toujours pas remis. L'émotion est forte à l'occasion de ce débat prévu de longue date. Nous travaillons sur ces questions depuis longtemps. En juin 2014, j'ai, avec Jean-Pierre Sueur et André Reichardt, commis le rapport de la commission d'enquête sur le djihadisme. Nous sommes dans l'ex post et non l'ex ante.

Depuis 2014, il y a eu douze commissions d'enquête et missions d'information sur les sujets relatifs à l'islam radical et au terrorisme, sans parler des multiples travaux sur le financement du terrorisme. Nous avons 40 pages de préconisations. Le constat est fait.

Comment expliquer aux Français qu'il faille attendre qu'un professeur se fasse décapiter pour expulser 231 personnes en situation irrégulière ? Si c'est une question de moyens, le projet de loi de finances et l'argent magique du moment pourraient nous aider. Comment accepter que des prêcheurs étrangers viennent renforcer les psalmodies pendant le ramadan ? Plusieurs questions d'actualité ont été posées à ce sujet. Comment accepter que la main droite du Gouvernement envoie des soldats français au Sahel et que la main gauche accepte des collecteurs de fonds pour les écoles coraniques de Mauritanie sur son territoire ? Comment accepter les prêcheurs de haine ? Il y a tant à régler, notamment s'agissant de l'interdiction des Frères musulmans, qui se réunissent dans des mairies sans information des préfets ni des maires.

On ne pourra parler de proposition de loi ou de projet de loi que quand la loi de la République sera appliquée.

Le statut des associations représente un problème majeur. Nous avons voté quatre fois pour le changement de statut des associations ayant un objet cultuel, en vain. Le Sénat a fait son travail depuis des années. Les décisions sont entre les mains du Gouvernement.

Le président Larcher explique qu'il faut aligner les statuts de 1901 et de 1905. Cela poserait problème aux cultes installés ? Mais si nous prenons des dispositions, elles s'appliquent à tous. C'est l'indispensable corollaire de l'égalité devant la loi.

Monseigneur Xavier Malle s'oppose à ce que les associations sollicitant des subventions publiques signent une charte de la laïcité.

Au Sénat, nous avons tenté plusieurs fois de voter des mesures, sans succès.

Les Français sont bouleversés et très en colère. Au-delà des discours, il convient de prendre des décisions fortes le plus rapidement possible et d'appliquer la loi. Sinon, la France peut se trouver au bord de la guerre civile.

Le groupe UC vous soutiendra. Le Sénat a montré son sens des responsabilités. Il sera là comme il l'a toujours été. L'heure est grave et nous n'accepterons plus aucun délai dans l'application des lois de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jean-Pierre Sueur, Philippe Bas et Bruno Retailleau applaudissent également.)

M. Patrick Kanner .  - Comment se montrer digne du sentiment de colère, d'affliction et de dégoût des proches et des collègues de Samuel Paty ?

L'école est scrutée, sondée, critiquée, elle est toujours dans la crainte d'une nouvelle réforme, mais les Français y sont attachés, car elle est source d'émancipation, elle transmet des savoirs et des valeurs, une promesse d'égalité.

Samuel Paty voulait former des esprits libres, il est mort décapité par un fanatique de 18 ans. Ancien ministre de la Ville, je sais que le communautarisme est une réalité, mais je ne crois pas que nous soyons désarmés pour lui faire face.

Ce qui manque, ce ne sont pas des règles - puisque notre Constitution dès son article premier refuse tout traitement différencié selon l'origine ou la religion - mais c'est le courage de les appliquer. La loi s'affaiblit d'avoir pour but l'affichage, d'être superfétatoire. La majorité sénatoriale devrait être animée par le souci d'écrire un texte normatif clair, mais ce n'est pas le cas. Certes, en résonance avec les circonstances, vous mettez au débat de notre assemblée la prééminence de la République sur tout autre groupe ou groupement.

Il faut se saisir de ce débat. Parce que la lutte contre le communautarisme n'est pas la propriété d'une famille politique, pas plus que le courage politique du reste, nous serons toujours à vos côtés dans le combat contre l'obscurantisme et pour la République. Ce combat passe par la lutte contre les messagers de la haine, mais aussi la réduction du terreau fertile qui les fait prospérer. On ne peut plus tenir de discours sur les ghettos sans donner les moyens de les résorber. Il faut lutter contre tous les séparatismes. Ni angélisme ni amalgame. Il n'y a pas de salafisme à jamais inoffensif, pas d'intégrisme à jamais modéré. Il n'y a aucune complaisance à avoir pour les ennemis de la République.

Ministre de la Ville, j'avais été le premier à dire que certains quartiers français ressemblaient à Molenbeek : une forte concentration de chômage et de pauvreté, un système mafieux, communautariste, une économie souterraine, des zones où les services publics ont disparu. Là prospèrent les prédateurs.

Car il n'y a pas de « loup solitaire » : il y a toujours un contact via des textes ou des vidéos sur internet, des liens numériques entretenus entre les individus et les groupes terroristes.

Mais, monsieur le ministre, quel est le bilan du Gouvernement depuis 2017 sur le sujet ?

Depuis 1905, la loi protège les libertés les plus fondamentales : croire, penser, critiquer, caricaturer, blasphémer. C'est la loi qui garantit le libre exercice de la foi, aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter sa loi. J'ai une pensée pour tous nos concitoyens qui pratiquent leur religion sans haine. Je vous invite à relire la récente et magnifique tribune du recteur de la Grande Mosquée de Paris.

Aucune culture n'a le monopole de la liberté religieuse ni ne doit exercer une influence politique au-delà de l'autorité morale.

Rappelons la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Aucune règle n'est supérieure à la loi, expression de la volonté générale ». Puisque cette Déclaration existe, puisque la Constitution existe, puisque la loi existe, il n'est pas nécessaire de les rendre bavardes, il faut les appliquer.

Cette proposition de loi constitutionnelle correspondait à votre agenda, chers collègues, mais le temps a changé. Nous vous laissons à votre chemin déclamatoire. Nous ne participerons pas au vote ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Stéphane Ravier .  - Le hasard du calendrier législatif veut que nous débattions de ce sujet trois jours après l'abomination de Conflans-Sainte-Honorine : la mort de la 267e victime de l'islamisme depuis 2012.

« Ils ne passeront pas », quelle pitoyable parole du Président de la République. Ils sont déjà là, dans les écoles, les hôpitaux, les clubs sportifs, les entreprises, et bien sûr les partis politiques... Le communautarisme est la lèpre de ce pays. C'est une cinquième colonne déterminée à nous abattre, réunion du séparatisme d'en haut, celui des élites individualistes, des élus islamo-clientélistes et le séparatisme d'en bas, crapules, trafiquants et religieux extrémistes. Mais, tabou d'entre les tabous, vous refusez de revoir la politique d'immigration. L'islamisme a encore de beaux jours devant lui !

Avec l'immigration massive, de nombreux individus ont voulu garder leurs coutumes, leurs moeurs ; certains veulent désormais nous imposer la charia. Vos bougies et vos drapeaux ne sauront nous faire oublier que c'est à vous que nous le devons. Au lieu de vous rassembler place de la République au bal des hypocrites, vous devriez vous terrer de honte. Les barbus sont coupables, mais les élus sont responsables.

Nos lois sont écrites, mais pas appliquées, à cause de votre capitulation ou de votre collaboration ! L'islamiste Farid Ikken déclarait mercredi dernier à l'issue de son procès : « Sachez, chiens de Français, que nous sommes chez vous pour vous égorger. »

Quarante ans après son abolition, la peine de mort par décapitation a été rétablie sur notre sol... seulement pour les innocents ! N'entendez-vous toujours pas, dans nos villes et nos campagnes, mugir ces féroces soldats islamistes, qui viennent jusque dans nos bras, égorger nos fils et nos compagnes ?

Alors aux armes, sénateurs ! Aux armes de la loi : rien que la loi, mais toute la loi ! Si demain, la loi de la République n'était toujours pas prééminente, la prochaine cible des islamistes pourrait être assise parmi nous...

M. Claude Malhuret .  - (M. Alain Marc applaudit.) Ce qui est en question ce soir, c'est l'unité de la République ; c'est elle qui a été piétinée vendredi, comme elle l'a été à Charlie Hebdo et au Bataclan en 2015, comme elle l'est chaque jour par ceux qui obligent Sonia Mabrouk, Mila, Zineb El Rhazoui, Salman Rushdie et tant d'autres à vivre sous protection policière, ceux qui empêchent quotidiennement des filles et des femmes musulmanes de se vêtir comme elles veulent, d'étudier ou de sortir de chez elles, dans le monde entier.

En Europe, la France est particulièrement visée, à cause de la laïcité, pilier de notre République, haï par les fondamentalistes.

Parlons cependant de nos succès dans la guerre qui nous est déclarée : le califat d'où partaient chaque jour des terroristes commettre des attentats majeurs est vaincu, grâce à une coalition où la France a joué un rôle essentiel. Les attentats d'aujourd'hui, si horribles soient-ils, sont commis par des loups solitaires, à l'arme blanche et non plus au fusil d'assaut et en bande organisée. Mais cette bataille contre l'islamisme, c'est ici que nous risquons de la perdre, quand 74 % des musulmans de moins de 25 ans croient que la foi doit l'emporter sur les lois, contre 25 % des plus de 35 ans.

C'est aussi le résultat de nos propres lâchetés, dès lors que le rapport Obin de 2004 fut promptement mis sous le tapis et que 85 % des mesures d'expulsion ne sont pas exécutées. Les ratés de la chaîne police-justice sont criants, dont le maillon judiciaire est le plus faible, miné par le manque de moyens et l'ultra-gauchisme du déni de réalité.

Difficile de s'opposer au choeur des pleureuses du camp du bien, victimocrates et indignés professionnels, toujours prêts à bondir sur toute mesure de fermeté, en hurlant à la discrimination et à la stigmatisation. Le web, nouveau recruteur, après les mosquées salafistes et les prisons, est devenu l'écosystème des fake news haineuses et complotistes, comme des influenceurs islamistes, et partant le nouveau cancer de nos sociétés démocratiques : l'assassinat de Samuel Paty a été préparé voire programmé par les appels au meurtre sur les pages salafistes.

La mise au pas des réseaux antisociaux est une urgence, et il ne faut pas pour cela compter sur les milliardaires, opérateurs de ces plateformes, avides de clics - donc de fric. Il fut un temps où la France accueillait et assimilait - ce mot ne choquait personne, à l'époque. Elle était sûre, alors, de son modèle républicain, de sa conception de la laïcité et de sa pratique du vivre ensemble.

Le plus grand défi ne consiste-t-il pas à présent à réussir l'intégration dans un pays qui voit ses valeurs s'estomper comme s'efface peu à peu, à la surface de la mer, un visage de sable...

Bien sûr, l'exercice de ce soir a ses limites, face à l'horizon lointain d'une révision constitutionnelle : les Français attendent des actes plus que des lois. Mais les auteurs de ce texte nous proposent, au fond, un sursaut. Puissent-ils nous réveiller, nous qui nous étions assoupis dans ce domaine comme dans d'autres ! Et nous rappeler, comme le faisait Samuel Paty à ses élèves avec beaucoup de courage et de lucidité, que si elle abandonnait ses valeurs, la France ne mériterait plus son nom. C'est pourquoi nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains,)

Mme Esther Benbassa .  - En ces jours de deuil national, mon groupe et moi-même ne pouvons qu'appeler à l'unité. La décapitation de Samuel Paty a bouleversé en moi le professeur que j'ai été autant que la sénatrice que je suis : Deux ans après mon arrivée en France, j'ai passé les concours nationaux de l'enseignement. J'ai enseigné quinze ans en collège et lycée. J'ai essayé, moi aussi, partout où j'ai exercé, d'initier mes élèves de toutes origines à l'esprit critique, au débat, au respect de nos valeurs. La tragédie de Conflans-Sainte-Honorine touche notre bien le plus précieux : la liberté d'expression.

Les hussards de la République sont toujours à leur poste : nous leur devons le respect et la protection. Oui, la République doit se défendre contre les fanatiques ; mais les distinguer aussi de l'écrasante majorité des musulmans, aspirant à pratiquer leur religion dans le respect de la neutralité de l'espace public et des lois qui nous unissent au-delà de nos différences.

Le fanatisme prospère sur le terreau de l'abdication de l'État. La radicalisation de l'islam est un mal dépassant nos frontières. On n'y portera pas remède par des mesures sans ambition. Il nous faut des moyens pour le renseignement, des hommes et des femmes sur le terrain ; au-delà des discours, un investissement concret de l'État de droit.

Les chantiers sont immenses et nous ne les mènerons à bien qu'avec le concours des musulmans eux-mêmes.

L'article premier de notre Constitution est clair : il n'y a qu'une seule loi, celle de la République. L'article premier de cette proposition de loi constitutionnelle n'y ajoute rien.

L'article 2 prétend protéger de toute immixtion des religions dans la sphère politique. La loi de 1905 ne suffit-elle pas ? Les partis politiques islamistes ont recueilli moins de 10 000 voix, en 2017, dans tout le territoire.

M. Stéphane Ravier.  - C'est beaucoup trop !

Mme Esther Benbassa.  - En cette période de deuil national, le plus sage aurait été de retirer ce texte. Nous ne refusons pas le débat, mais le mènerons pour une loi plus ambitieuse. Le GEST ne prendra pas part au vote.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Nous sommes tous hantés par le meurtre d'une violence inouïe de Samuel Paty. Quand le terrorisme s'attaque ainsi à l'école de la République, la sidération première laisse place à la nécessité de l'action, pour que cela ne soit plus.

Nous nous accorderons tous sur l'impérieuse nécessité de ce réveil républicain. Mais ce texte appelle des réserves importantes. Son intitulé est étonnant : les lois de la République sont déjà prééminentes. Cette insertion tautologique est curieuse. C'est l'application des lois qui se trouve de fait au coeur du problème.

L'article premier nous renvoie à ce que précisent explicitement l'article premier de la Constitution et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. »

L'article premier est donc déclaratoire et satisfait par le droit en vigueur.

L'article 2 ne semble pas de nature à remplir son objectif. Selon les auteurs, il s'agirait de lutter contre les partis communautaristes sans fragiliser ceux qui sont « issus d'une tradition religieuse mais respectant l'unicité du peuple français, comme les partis issus de la démocratie chrétienne ». Or ce champ ne correspond pas à la lettre de l'article 2 et les effets de bord par rapport aux objectifs initiaux sont évidents. Il faut bien rappeler que les groupements politiques sont soumis au respect de la loi et agissent dans la limite de la sauvegarde de l'ordre public.

Comme l'a précisé le Président de la République, l'axe pertinent pour assurer le respect des principes républicains semble relever plutôt de la loi. Il serait ainsi possible, à droit constitutionnel constant, d'annuler des actes municipaux régulant l'accès des hommes aux piscines, ou d'empêcher les subventions publiques aux associations communautaristes.

Ne dressons pas de vaine et fausse opposition entre ceux qui, d'une part, soutenant la présente proposition de loi, seraient pour le réveil républicain face aux comportements séparatistes se logeant jusque dans les interstices du quotidien, et ceux qui, d'autre part, exprimant de sérieuses réserves sur la pertinence de son contenu, seraient des partisans de l'inaction, de la fébrilité ou de l'abandon sur le terrain des idées ! L'enjeu des lois réside dans leur contenu normatif, non pas dans leur intention performative. Ne pas voter un texte ne signifie pas s'opposer à son objet ! En tant que législateur, j'ai rappelé notre angle d'attaque, notre méthode de fond : nous devons être à la hauteur de la gravité du réel.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI ne pourra pas voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Yves Roux .  - Le 16 octobre, un hussard noir de la République a été décapité. La semaine précédente, des prêcheurs de morts, des lâches cachés sur les réseaux sociaux l'avaient désigné comme cible.

Laissez-moi dire toute notre reconnaissance pour son travail. Victor Hugo disait que chaque enfant que l'on enseigne est un homme que l'on gagne. Avec cet assassinat, chaque républicain se sent meurtri, attaqué dans ses valeurs. La République doit être défendue. Aucune désertion n'est possible ; et je salue la proposition de loi Mézard de 2016 qui visait à constitutionaliser la laïcité.

Ici, nous en avons une illustration. L'article premier peut être redondant avec notre bloc constitutionnel et avec d'autres lois, mais nous le voterons. Cette charte de la laïcité inscrite dans tous les carnets de correspondance, signée par les parents et les élèves, est nécessaire. Il faudra encore l'expliquer, l'illustrer ; mais je n'en retirerai pas un mot.

L'article 2 vise à interdire les partis communautaires. Si l'objectif est louable, il semble difficile de définir l'aspect communautaire. Les intéressés auront vite fait de se draper d'idées généralistes.

Le groupe RDSE proposera dans un autre texte d'interdire les signes distinctifs, manifestations religieuses, dans la propagande électorale.

Partout où la République est attaquée, nous devons faire front : contre l'égalité entre hommes et femmes, contre l'antisémitisme, contre les déferlements de haine sur les réseaux sociaux. L'État devra mobiliser des moyens importants. C'est la seule voie possible. La République se nourrira de nos actes.

Le Sénat pose des actes, avec le rapport remarquable de la commission d'enquête contre la radicalisation islamique présidée par Nathalie Delattre, et rapportée par Jacqueline Eustache-Brinio.

L'État doit défendre sans faille ceux qui font vivre chaque jour la laïcité, tous les Samuel Paty qui retourneront à l'école le 2 novembre.

Le groupe RDSE votera cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ainsi, aujourd'hui, en France, on peut mourir décapité pour un cours d'éducation civique sur la liberté d'expression.

Cet assassinat percute et justifie notre agenda législatif. Cher Philippe Bas, nous avons bien fait d'inscrire en priorité cette proposition de loi constitutionnelle. Au-delà des larmes légitimes, des rassemblements, des marches et des discours...

M. Alain Houpert.  - Ras-le-bol des discours !

M. Bruno Retailleau.  - ...la réalité doit être regardée en face : nous sommes en train de perdre la guerre contre l'islamisme radical. (On renchérit sur les travées Les Républicains.)

Il faut réagir. Il y a de quoi s'inquiéter quand le Président de la République attend quatre ans avant d'inscrire un tel texte à l'ordre du jour.

Le garde des Sceaux rappelle les exceptions pour ne pas renforcer le droit. La règle commune semble le gêner. Mais le Sénat, ce n'est pas le café du commerce ! Évoquer les ultramarins ou les Alsaciens, c'est de l'argutie juridique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Alain Marc et Arnaud de Belenet applaudissent également.)

Cet acte odieux doit être pris pour ce qu'il est : l'application de la charia. Quel professeur osera désormais montrer des caricatures ? Et l'agression de cette jeune strasbourgeoise parce qu'elle était en jupe, c'était déjà un indice inquiétant.

Nous avons depuis trop longtemps accumulé trop de lâchetés. Il faut s'occuper des détenus libérés, la prison étant devenue « l'ENA du djihadisme ». Sans tomber dans le piège de l'islamophobie ou du « piège mémoriel », comme le disait Pierre Nora, reprenons également le contrôle de la situation, de l'immigration massive : car le tueur de Villeurbanne était afghan, celui devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, pakistanais, et l'assassin de Samuel Paty, tchétchène.

Le lien est évident entre le risque de l'islam radical, l'immigration non maîtrisée et l'intégration insuffisante.

Notre texte tombe à point, et ne découle pas d'un constat partisan. Je me sens plus proche sur le sujet de Jean-Pierre Chevènement ou Manuel Valls que de certains amis de mon propre parti politique.

La loi de 1905 était dirigée vers l'État. Cette proposition de loi est dirigée vers chaque citoyen. La règle mérite d'être rappelée, nul ne peut s'en exonérer ! Elle doit constituer un signal fort pour les magistrats et une boussole quotidienne pour les proviseurs, les chefs d'entreprises, les dirigeants d'associations.

Il y a aussi l'article 4, qui permettra d'avoir un référendum automatique. Le moment est venu de consulter les Français sur ce sujet ; tel est l'intérêt de la proposition que nous présentons.

Cette clarification est bienvenue : la loi de 1905 ne peut pas tout, sinon les lois de 2004 et 2010 auraient été inutiles. En 2004, il s'agissait des relations avec les collectivités publiques ; nous visons ici les entreprises, les associations, les clubs sportifs. Graver la laïcité dans le marbre est essentiel, car ce qu'un juge fait, un autre peut le défaire.

Le pacte républicain, c'est le lien entre l'école et la République. La IIIe République les a nommés « instituteurs », parce qu'il s'agissait d'instituer un nouveau régime, la République.

Certaines prudences sont des lâchetés. Le moment est venu de dire ce que nous sommes, d'éradiquer l'islamisme. Nous avons entendu les appels à l'unité nationale, mais vous refusez notre main tendue. L'unité nationale, pour vous, c'est dans un sens seulement ! Que vive la République et que vive la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - Dans une République laïque, la loi passe devant la foi. Cette phrase prend tout son sens après l'acte de vendredi à Éragny.

Selon la Déclaration des droits de l'homme de 1789, tous les citoyens sont soumis à la loi, qui seule régit leurs rapports avec l'État. En 1905, le Parlement a affirmé que l'État ne peut intervenir dans le domaine de la foi mais protège la liberté religieuse. Cela a été douloureux pour l'Église catholique mais la loi ne lui a pas laissé le choix. Le rêve de Victor Hugo, L'État chez lui, l'Église chez elle, devenait réalité.

Menace inédite, l'islam politique veut fragmenter notre unité et utilise toutes nos faiblesses. À force de déstabilisation, il a conduit à de trop nombreux renoncements dans les services publics, hôpitaux, clubs sportifs. En 2011, des militants radicaux ont investi la vie politique locale en s'adressant uniquement aux membres de leur communauté religieuse.

Je salue la courageuse proposition de loi de Philippe Bas, Bruno Retailleau et Hervé Marseille. Il est de notre devoir de garantir la prééminence des lois de la République. Toute faiblesse serait historiquement coupable. Il est temps d'inscrire dans la Constitution que « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer de la règle commune ».

Ce texte imprime une volonté politique attendue par beaucoup. La laïcité protège et elle a donné des espoirs à de nombreux étrangers venus en France pour la liberté de conscience et d'expression. Elle garantit le droit au blasphème, constamment remis en cause, l'exemple récent de la jeune Mila en est l'illustration dramatique. Comme le dit la courageuse Zineb El Rhazoui, la laïcité est la bête noire des salafistes et des Frères musulmans. Il est grand temps de réarmer la République et de sanctuariser l'espace le plus formateur de l'émancipation : l'école.

Dans l'école de la République, nul ne peut se fonder sur ses croyances pour refuser l'enseignement de la laïcité. En votant ce texte, nous luttons contre ceux qui tentent d'imposer une tutelle religieuse à la liberté de conscience. Cessons de reculer sur nos valeurs. Aucun citoyen ne peut déroger à la règle commune. Selon les mots de Jean Jaurès, la République est ce grand acte de confiance, un instrument d'émancipation collective.

Transmettons cet héritage à nos enfants : liberté de croire ou non, égalité des citoyens.

Les Français nous regardent, sachons être dignes du mandat qui nous est confié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux .  - Nous avons des préoccupations communes. Personne n'a le monopole de la République et de ses valeurs, heureusement. J'entends vos propositions, mais le vecteur que vous avez choisi n'est pas approprié.

Je sais que nous ne sommes pas au café du commerce, monsieur Retailleau. Un amendement évoque la particularité de l'Alsace-Moselle. En réalité, si cette proposition de loi constitutionnelle devait intégrer notre Constitution, les dérogations ne seraient plus possibles. Je ne tire pas mes exemples de propos démagogiques ou populistes, mais de notre droit. Cela poserait question en Alsace-Moselle, dans les territoires ultramarins, ou pour la liberté de conscience des médecins - qui trouve souvent son fondement dans des convictions religieuses. (On le conteste à droite.)

Monsieur Ravier, votre fonds de commerce est la haine et la peur. (On renchérit sur les travées du groupe CRCE.) Vous ne proposez rien mais quand un crime odieux arrive, vous sortez du bois et entamez les mêmes rengaines, celle de la peine de mort en particulier. Front ou Rassemblement national : le second n'est que la version dédiabolisée du premier. Votre rhétorique est guerrière. Après les attentats de Toulouse en 2012, il y avait eu une trêve du monde politique, qui avait beaucoup d'allure...

M. Stéphane Ravier.  - Le temps n'est pas à la trêve mais au combat !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur Kanner, j'entends un discours simpliste selon lequel rien n'aurait été fait. En trois ans pourtant, 15 mosquées, 4 écoles, 13 associations, 200 lieux comme des bars ont été fermés, 1 190 détenus sont suivis pour radicalisation, 32 attentats ont été déjoués. Certes, tout attentat est un échec, mais ces attentats déjoués sont à mettre au crédit de nos services de renseignement.

Ce texte incantatoire suffit-il pour éradiquer l'islamisme radical ? Monsieur Retailleau, Monsieur Bas, je vous tends la main. Notre projet de loi sur le séparatisme pourra faire toute sa place à vos réflexions. Quant à nous, à la lumière des événements récents, nous avons de nouveau réfléchi pour savoir s'il ne fallait pas, peut-être, judiciariser plus tôt. Discutons-en.

Ce n'est pas de la rodomontade ni de l'arrogance : votre texte ne pourra pas résoudre quoi que ce soit...

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Christophe-André Frassa, rapporteur .  - Vous avez un peu trop mis l'accent sur les régimes d'Alsace-Moselle et de Guyane : soit vous n'avez pas lu ce que j'ai écrit, soit vos services n'ont pas fait leur travail. Je vous offre donc mon rapport (M. lrapporteur s'approche du banc du Gouvernement et tend l'objet à M. le garde des Sceaux, qui refuse de le saisir.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je vous remercie mais je l'ai lu. (M. le rapporteur demeure debout et brandit son rapport ; M. le garde des Sceaux repousse l'opuscule ; M. le rapporteur insiste.) Je vous en prie, monsieur le rapporteur, ne soyez pas désobligeant.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - C'est vous qui l'avez été à plusieurs reprises à l'égard de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; l'orateur rejoint son banc.) Vous ne vous donnez pas la peine de lire nos travaux, en particulier, pour le point qui nous occupe, la page 21 du rapport. Il y est inscrit clairement que les présentes dispositions ne remettent pas en cause ces particularités. Il n'a jamais été dans nos intentions de supprimer ces régimes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Alain Marc .  - Depuis quelques décennies, notre démocratie est en déliquescence. Jadis vivace, elle assurait une éducation de qualité à ses enfants, l'ascenseur social fonctionnait. Elle est aujourd'hui pâlotte et rabougrie. De lâcheté en lâcheté, de réponse molle en discours lénifiant pour éviter d'heurter toute bien-pensance, notre société et notre démocratie s'affaiblissent. Nous devons réagir, et pas seulement en nous rendant aux hommages. Il faut sortir de cette démocratie indolente et retrouver un État puissant contre les voyous qui voudraient l'affaiblir. Après cet attentat, cet article a le mérite de poser le débat : je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Jourda .  - Je devais prendre la parole contre la motion du groupe socialiste. Elle a été retirée, mais j'ai retrouvé les mêmes arguments lors de la discussion générale. Je ne vois guère de différence de fond, cela étant, entre la position du groupe socialiste et la proposition de loi : nous sommes tous d'accord sur la prééminence des lois de la République.

La motion nous reprochait l'agenda politique, mais c'est l'islam qui fait notre agenda, depuis 2012 !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas l'islam, l'islamisme !

Mme Muriel Jourda.  - Ce ne sont pas les lois de la République qui s'opposent aux musulmans, mais une frange de l'islam qui s'oppose à la République. Parmi tant de larmes versées, celles de l'impuissance sont inacceptables. Nous devons agir, faire front ensemble. J'appelle les groupes de gauche encore présents dans l'hémicycle à nous rejoindre pour faire prévaloir les lois de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte .  - Ce n'est pas l'islam mais le terrorisme islamiste qui fait l'agenda politique. (M. Philippe Pemezec s'exclame.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument. Bravo !

M. Jean-Yves Leconte.  - En vertu de l'article premier de la Constitution, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale : nul ne peut invoquer sa religion pour se soustraire aux lois de la République.

Cette proposition de loi, d'apparence neutre, est dangereuse en ce qu'elle affaiblit la force de la loi et introduit la notion de groupe dans la Constitution. Les communautaristes apprécieront...

Il n'est pas évident de trancher entre prééminence de la loi et liberté religieuse ; le débat dure depuis 1905. L'équilibre trouvé par Aristide Briand est ce qui fait notre spécificité, la force de notre laïcité. Malgré la tourmente actuelle, ce n'est pas une faiblesse mais une garantie de pérennité. Dès lors, nous ne pouvons soutenir cet article. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Philippe Bas .  - Pourquoi, monsieur le garde des Sceaux, vous ingéniez-vous à opposer l'initiative du Président de la République et la nôtre ? Elles ne portent pas sur le même sujet ! Le Président de la République veut encadrer l'islam en contrôlant davantage les associations cultuelles, la formation des imams, les écoles coraniques - autant de sujets qui touchent à la religion. Notre initiative porte sur les règles de la vie en société, à l'école, dans les ateliers, à l'hôpital.

Ces deux initiatives sont complémentaires, si vous ne vous ingéniez pas à disqualifier la nôtre pour des raisons que je ne saurais, moi non plus, croire politiciennes.

Certains arguments ne sont pas à la hauteur de notre débat. Les auteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ont posé des principes généraux de vie en société ; ils n'ont pas fait de juridisme. Le principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa religion ou de son origine pour échapper à une règle commune n'est inscrit nulle part.

Si vous estimez que nous n'avons pas besoin de ce texte, vous connaissez mal la société française et la multiplication des revendications communautaristes. Les décideurs publics et privés, à l'école, en entreprise, en administration, en hôpital, ont besoin de notre aide. Ne leur refusez pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Alain Marc et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

M. Alain Houpert .  - Le projet de loi du Gouvernement sur les séparatismes doit venir devant le conseil des ministres en décembre. Pour les Français, c'est un peu tard.

Ce n'est pas une honte que le Sénat soit en avance sur le Gouvernement. « Le peuple se réveille, les consciences se rassemblent », avez-vous dit. Rassemblons nos consciences ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Christophe-André Frassa, rapporteur .  - Nous assumons de vouloir lutter contre l'émergence des partis communautaires qui défient la République. L'argent public ne doit pas servir à les financer, y compris quand ils présentent des candidats aux élections. Je pense à l'Union des démocrates musulmans français (UDMF) mais aussi au parti Égalité Justice, filiale de l'AKP turc.

L'UDFM s'implante progressivement dans certaines communes : aux européennes, elle a fait 4,04 % à Trappes, 7,43 % à Garges-lès-Gonesse, 6,77 % à Mantes-la-Jolie ; aux municipales, 2,5% à Nanterre, 3,15% à Clichy-la-Garenne. Sa page Facebook compte désormais 45 000 abonnés. Allez voir sa publication du 13 octobre dernier, qui dénonce « une purge contre le séparatisme musulman » et cite le poème du pasteur Niemöller écrit à Dachau, avec photo de barbelés... Cela se passe de commentaires.

Les amendements nos2 et 3 ne sont pas défendus.

L'article 2 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Ravier.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution est ainsi rédigée : « Un référendum portant sur n'importe quelle disposition législative peut être organisé à l'initiative de 500 000 Français inscrits sur les listes électorales. »

M. Stéphane Ravier.  - Notre pays traverse un temps de crise sans précédent - sanitaire, économique, sécuritaire, identitaire et civilisationnelle. La crise est aussi démocratique, en témoigne l'abstention massive et le mouvement des gilets jaunes. On les comprend. Les Français votent massivement, depuis des années, pour un parti devenu le premier de France mais qui est exclu des responsabilités et à peine représenté au Parlement.

Les gilets jaunes défendaient le référendum d'initiative citoyenne (RIC), qui a fait ses preuves dans de nombreux pays. En effet, le référendum prévu à l'article 11 de la Constitution se révèle impossible à concrétiser : on le voit sur la privatisation d'Aéroport de Paris.

Hier, le président du groupe Les Républicains a proposé un référendum d'initiative partagée sur le rétablissement de la double peine, supprimée par Nicolas Sarkozy. Il n'est jamais trop tard pour faire amende honorable. Pour faciliter le recours au RIC, cet amendement baisse le seuil requis à 500 000 citoyens.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'amendement supprime toute intervention des parlementaires, à rebours de l'esprit même du référendum d'initiative partagée, et réduit le seuil de signataires requis, qui relève de la loi organique. Le groupe de travail sur la révision constitutionnelle réuni autour de Gérard Larcher a formulé des propositions plus précises et plus réalistes, dont l'abaissement du seuil de moitié. Avis défavorable. Sans compter que cet amendement est sans rapport avec l'objet du texte.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable à cet amendement totalement déconnecté de l'objet de la proposition de loi.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Ravier.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 53-1 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont toutefois automatiquement exclus des dispositifs d'asile les étrangers condamnés, même à la peine de mort, pour participation à une organisation terroriste, telle que reconnue par le Conseil de l'Union européenne. »

M. Stéphane Ravier.  - Cet amendement exclut des dispositifs d'asile tout étranger condamné, même à mort, pour participation à une organisation terroriste. Depuis janvier 2015, la France a subi 33 attaques sur son sol, dont l'assassinat de Samuel Paty est la dernière en date. Les Français ont entendu Manuel Valls, ils se sont habitués. On sort les bougies, on change Imagine, ou La Marseillaise pour les plus audacieux, et on remballe. Notre pays est malade de l'islamisme qui le gangrène mais aussi de sa générosité. L'Europe a ouvert ainsi ses portes aux faux réfugiés de guerre. Parmi eux, les assassins du Bataclan ou encore le terroriste de Conflans-Sainte-Honorine.

Cessons cette générosité qui confine à la naïveté ! Plus une goutte de sang français ne doit être versée sur l'autel de l'idéologie du vivre-ensemble ! Il est inacceptable que des terroristes de l'État islamique condamnés à mort en Syrie puissent demander l'asile chez nous.

Ayez du courage à défaut de conviction ! Sinon, les Français sauront que vous préférez un terroriste bien vivant chez nous que bien mort dans un autre pays.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Votre amendement est déjà satisfait par l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, introduit à l'initiative du Sénat lors de la loi Asile de 2015, qui est en accord avec l'article F de la Convention de Genève de 1951 et l'article 12 de la directive Qualification du 13 décembre 2011.

L'article 66-1 de la Constitution s'oppose à ce que l'on renvoie quelqu'un qui risque la peine de mort. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le rapporteur a raison. Cet amendement est du grand n'importe quoi ; il ne sert qu'à rappeler vos vieilles recettes. Avis défavorable à cet amendement ubuesque.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne voterai pas cet amendement, mais je rappelle que M. Ravier et ses amis, que ce soit au Parlement européen ou dans nos assemblées, n'ont jamais voté aucune des mesures que nous proposions pour la sécurité des Français. Je ne suis pas étonnée qu'il propose une disposition existante, puisqu'il ne s'intéresse pas à ce que nous votons... (Mme Françoise Gatel applaudit.)

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Ravier.

Remplacer les mots :

des lois de la République

par les mots :

de la laïcité, de la culture française et des lois de la République face au communautarisme

M. Stéphane Ravier.  - La droite sénatoriale aime montrer ses muscles. Changer les textes, c'est bien ; ne pas frayer avec les Frères musulmans quand on dirige des collectivités, c'est mieux.

Nous avons un ennemi : l'islamisme, qui gangrène tout, y compris nos assemblées parlementaires. La droite parlementaire parle fort, mais à l'abri des regards, s'accommode avec les islamistes. Telle sénatrice des Alpes-Maritimes a accueilli des jeunes de l'UOIF au Sénat ; telle nouvelle élue, maire d'arrondissement à Marseille, a accueilli une mosquée salafiste dans un local municipal... La mairie de Nice a été condamnée pour avoir loué à un prix dérisoire un local municipal à une mosquée liée à l'UOIF, et continue de subventionner les associations islamistes.

Nettoyons les écuries d'Augias ! Il est temps de laver le linge sale qui empeste votre famille politique. L'islamisme pourrit la vie politique française. Droite du verbe mais surtout de la lâcheté et des trahisons, ayez le courage de faire le ménage chez vous. L'islamisme, on ne s'en accommode pas ; on le combat et on l'abat.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Il est inutile de faire croire qu'un changement de titre modifierait le contenu du texte. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Explications de vote

Mme Nathalie Delattre .  - Le RDSE votera cette proposition de loi. Selon une enquête de l'IFOP, 27 % des musulmans estiment que la charia doit primer sur les lois de la République.

Ils sont 37% à estimer que c'est à la laïcité française de s'adapter à la pratique de l'islam.

Il ne peut plus y avoir de déni politique. Nous devons cesser de tourner en rond. Les Français sont las des mots, des rassemblements ; ils demandent des actes pour vivre en laïcité et en paix. Nous avons besoin que la justice nous y aide et qu'elle prenne des décisions fortes.

Il faut aussi agir sur les réseaux sociaux. Hugo Micheron rappelait devant notre commission d'enquête que Google était salafiste, tant les vidéos radicalisées pullulent sur la toile. Protégeons-nous de cet obscurantisme qui a pignon sur écran. Soyons courageux, Marianne le mérite !

M. Jean-Yves Leconte .  - Nous avons été nombreux à émettre des doutes concernant l'efficacité de cette proposition de loi constitutionnelle à vocation proclamatoire. Nous regrettons que le président du Sénat n'ait pas demandé l'avis du Conseil d'État. Nous aurions aimé être éclairés sur les conséquences de l'introduction de la notion de groupe dans la Constitution. Le débat a été passionnel, et le texte mis au vote présente beaucoup d'approximations.

L'article 4 de la Constitution n'a pas empêché la réforme du financement public des partis politiques. Nous aurions donc pu passer par la loi sans modifier la Constitution. L'article 2 peut en effet être interprété comme une atteinte à la liberté d'expression. La prohibition n'est jamais la solution pour surmonter des difficultés politiques : il faut accepter le débat. Les évolutions que vous proposez font courir des risques à notre démocratie.

Cette proposition de loi constitutionnelle ne prospérera pas, mais nous ne participerons pas au vote.

Mme Nathalie Goulet .  - Les Français ont réagi très fortement à ce crime abominable, et nous tous avons la « gueule de bois ». Depuis 2015, j'ai le sentiment que la situation s'est dégradée. C'est pourquoi nous cosignons ce texte fort qui ne porte pas atteinte aux futures mesures qui pourront être prises. Son article premier, en particulier, est incontestable.

Monsieur le garde des Sceaux, vous avez dit vouloir travailler avec MM. Retailleau et Bas ; l'apport du groupe UC vous sera également utile, car ce sera la dernière chance pour régler le statut des associations, encourager les enseignants, les médecins, les responsables associatifs confrontés à des difficultés quotidiennes.

J'ai hâte d'examiner le texte du Gouvernement pour mettre fin aux agissements des extrémistes qui tiennent nos concitoyens musulmans en otage.

M. Bruno Retailleau .  - Je me félicite que nous approuvions très largement ce texte. Le constat est implacable. En 2005, les renseignements territoriaux quantifiaient le nombre de salafistes et de fréristes à moins de 10 000 ; quinze ans après, ils sont plus de 100 000 !

Quotidiennement, la République est défiée ; souvent, elle est mise en échec. Monsieur le ministre, vous nous proposez de travailler à un texte futur, mais vous avez constamment repoussé nos initiatives, que ce soit sur le voile lors des sorties scolaires, sur l'école hors les murs, sur les listes communautaristes, en invoquant la Constitution - et maintenant cette proposition de loi constitutionnelle qui vise précisément à rehausser la laïcité dans notre hiérarchie des normes !

Le grand parti français de l'impossibilisme sévit à droite et à gauche, cette capitulation dure depuis trop d'années. Aujourd'hui les Français sont en colère. Le Sénat fera des propositions exigeantes. Nous n'accepterons plus les faux-semblants du Gouvernement. Les Français veulent des armes, pas des larmes, pour réarmer la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Olivier Cadic .  - Élu des Français de l'étranger, je peux témoigner du développement rapide des écoles coraniques en Afrique. Un ministre des Affaires étrangères africain m'a confié avoir constaté que toutes les femmes d'un village s'étaient subitement voilées - car les familles étaient rémunérées pour placer leurs enfants dans la nouvelle école coranique. Idem dans une université où les étudiantes voilées ne payaient pas les frais de scolarité. Lorsque je visite des entreprises, on me montre souvent la salle de prière exigée par les salariés... Ce phénomène grandissant appelle à la réflexion.

Comme vous, monsieur le ministre, et avec Voltaire, je n'ai d'intolérance que pour l'intolérance. Je voterai ce texte ; il n'est pas parfait mais c'est un appel à réagir pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

La proposition de loi constitutionnelle est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°2 :

Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 229
Pour l'adoption 229
Contre     0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Prochaine séance demain, mardi 20 octobre 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 1h 40.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication